Title: Le Cri de Douleur des Colons ou Leurs Doleance au Corps Legislatie
CITATION PDF VIEWER THUMBNAILS PAGE IMAGE ZOOMABLE
Full Citation
STANDARD VIEW MARC VIEW
Permanent Link: http://ufdc.ufl.edu/UF00099010/00001
 Material Information
Title: Le Cri de Douleur des Colons ou Leurs Doleance au Corps Legislatie
Physical Description: Archival
Language: French
 Record Information
Bibliographic ID: UF00099010
Volume ID: VID00001
Source Institution: University of Florida
Holding Location: University of Florida
Rights Management: All rights reserved by the source institution and holding location.

Downloads

This item has the following downloads:

PDF ( 3 MBs ) ( PDF )


Full Text




LE CRI 1
DB I) o U 1 iiUn

DES COLONS,
() I
.1 URS DOLI ANCES
AU CORPS I, :GISLATI?

'T AU n> 'I ':CTOIIK EXECUTIF.
r'ar le Citoyr.n M..... S.

OQis itaia fando Itmpcret a lacrypmis
V IR C.



Q u x la pultlainc dos molest brne, et que'
les qiprecioIu qui peignent ii douleur sont foi-
bles devan la douleur elle-mme felle est sani
doute l'iiquidtux. de tout lkom.me qui a ptrleeg





( 2 )
pour de longues et de grandesinfortunes: il sent
lout ce que la tche qu'il s'impose, exige la fois,
de talent et de sensibility ; et dans la crainte sa-
lutaire de profaner, en l'affoiblissant, la cause
qu'il voudroit dfendre, il doute si l'excs de
la douleur, au nom de laquelle il rclame, nh
li a pas fait illusion sur les moyens qu'il a reu
de la nature pour en tre l'interprte ; il trem-
ble, en un mot, d'avoir pris la measure de son
motion pour cell de son talent.
Ce n'est pas d'aujourd'hui que ces rflexions
me tourmentent; il y a long-temps que je me
suis pntr de tout ce qu'a d'auguste la cause
de soixante mille infortuns, prcipits, tout
coup de l'opulence dans une misre qui
peut pine se djpeindre ; je sais qu'clle exige-
roit toute la puissance d'un talent prouv par
des succs; mais lorsque le talent Ili-mnim ,
dcourag par des tentatives inutiles, et quel-
quefois mme par des imputations calomnieu-
ses, a bris sa plume d'indignation ou de d-
pit; lorsque toutes les voix restent muettes, il
est consolant, dt-dh n'lever la sienne que dans
le dsert, de rompre ce silence; elle peut au
noins retentir au fond des coeurs pour laquelle
plie s'lve, et y jeter quelque consolatiun;






elle peut, vellaint l'opinion publique, fixer!'
enfin l'attention ldu goLiveriniiciiini sur une aussi
longue infortune.
J'ai besoin, je 1<' s.en, ile cette csprance
pour supporters I iimplrvs.ons pnibles qui
naissent nutuicllmciiint d'un pairil trali.vl. Les
tableaux et les souvenirs qu'il iamne fini
cesse ont quelque chose de si tiibbre, que ,
sans l'esprance d'iun succs, il seroit impossi-
ble d'en surmonter le dgoit. Ah sans cette
perspective, sans le sentiment anticip du suc-
cs qu'on espre come la recompense de ses
efforts, sans la certitude de consoler ;u moins
ceux qu'on n'aura pu soulager, o prendroit-
on la force de promener douloureusement sa
pense sur le tableau de tant de souffrances?
Parmi les victims de la revolution, il n'en
est pas sur lesquelles le malheur ait frapp des
coups plus terrible que sur les Colons: parents,
emis, fortune, mobilier vestiaire, elle leur a
tout enlev a la fois; et il n'y a point d'cxagd-
ration A dire qu'elle les a laisss dans un tat
complete d dnuement et de nudit. Santhonax,
lui-mcme qui lutta si long-temps centre eux,
et qui les )prsenta toujours la France comme
les ennemis ns de la revolution, a vu son
Az




( 4 .
ressentiment vaincu par l'excs de leurs niauxii
L'inbranlable fermet de cet homme, qui a eti
si long-temps sous les yeux tout ce qu'un boule-
versement sans example peut rassembler la
fois de plus touchant et de plus terrible, a
pourtant cd au tableau d'un malheur, qui,
parmi ses victims, pse d'un poids double sur
les plus innocentes. Il a vu, sur toits les points
dela France, ces feimmes, ces vieillards, ces en-
fans, portant seals en quelque sorte, la peine
des erreurs de leurs parents; il a vi tous les be-
soins, assaillant la fois ceux qui, nagure,
s'en croyoient ternellement l'abri; et, sans
doute, ce passage rapide de l'opulence la plus
profonde misre, ce contrast frappant des
biens et des maux qui se touchent de si prs,
l'a, par la piti, ramen A l'indulgence. Ce ne
sont plus aujourd'hui pour lui ces Colons
ivres d'orgueil et de domination ; ce ne sont
plus ces fanatiques partisans des privileges et
des distinctions : gaux, hAlas! par une mmn
infortune., ils ont tous pass sous l'accablant
niveau d'une adversity commune; et leurs course
fltris par la longue insensibilit de la rpubli-
que leur gard, sont morts tout autre senti-
ment qu' celui du besoin. Du pain et un asile:





( 5)
woill l'objet de leurs vu x les plus constarni
*oil le ternie modr deir leurs d&.irs!
Qu'on veuille donc bien y rflchir : San-
thonax, ennemi jurd cli Colons, qui le pour-
sutivent presque tou( de leur excration est,
pourtant uijourd'hui leur avuocat leur vain-
queur dans une lutte qui, auu yeux d'une
grande parties de lia l'rance, ftru peut-Otre une
injure ternelle de son propre nom il oublie la
tribute de haine que chacun lui porte et
l'excuse en fiveur d'tn mallheur don't l'excs
mime semble la lgitimer 1
Dicu Jit ilu reputtir 4a1 vertu des coupables. Si
c'est cette maxime et A tout ce quelle a de
consolant qu'a cdd Santhonax; ou si, sans sei
croire coupable, il gmit seulement sur les effects
de ses deux missions St.-Domingue; si, eni
iun mot, il prouve des regrets, et se repend de
n'avoir pas prfr les moyens concilians de la
persuasion et de la douceur une inexorable s-
vrit, souvenons-nous aussi, de notre ct,
que le repentir mdrite l'indulgence ; et n'allons
pas repousser la main qui s'offre pour nous
soulager.
Quant moi qui, en pregnant la plume, ae
jur> au nom sacr du malheur, de n'irrit'
A'3




(6)
gpcuine passion, j'voque mon secours ton-
tes les ides librales et tous les sentiments gnA?
reux ; c'est tout ce qu'il y a de sensible dans
le coeur de l'homme que je m'adresse; c'est de
compassion, en un mot, don't j'ai besoin, et
non de vengeance; je veux conduire la jus-
tice, par le respect qu'on doit au malheur, et
C'est sous ce rapport que je m'adresse alux en-
nemis ldes Colons, Sinthonix lui-mnme, er
que je les conjure tors dle joindre leurs efforts
aux miens, pour dterminer le gouvernement
prendre enfin un parti l'gard des malheu-
reux Colons.
Je parle d'indulgence, je le sais, des Colons'
tlcrs par le sentiment d'une longue injustice
publique; mais lorsquei lI repentir est sincere ;
lorsque cette sincrit est garantic par une es-
pce de rtractation, et par un engagement
pris solemnellement a la tribune mnime de la
rpublique, il faudroit faire taire tout ressen-
timent, alors mme que l'indulgence ne seroit
pas, la fois, un besoin et une consolation,'
Je ne sais si je m'abuse, je ne sais si j'interprte
le sentiment gnral des Colons; mais j'en ai
vu de si misrables, j'en ai tant vu exposs
mourir de faim, le jour ou ils seront dlaisss





(7)
par la bienfaisance et li piti; j'en ai vu don't
I'existence mobile n t si trianemient mutile
tpar les souft'r;acc et Ir% lhumili.icions ; j'en ai
vu dans un utt de dnuemcent si complete ; j'en
ai vu si pri d'un vriible dtIsespoir, que,
tout enter hlt douleur qui saiisit l'ame de
tels tablejux l iiiine me drvenoit alors im-
possible, et mon cxur oublioil, mnilgr lui,
la vengeance, pour ne singer qu'A des coiso-,
lations et. de% remcles.
Ah sans doute l'on peut m'en croire j'ii
parcouru toute la l'rance,,ct par-tout, j'ai ren-
contr de ces malheureux qui, & dei inqui-
tudes et dles privationlb de tous les jours et de
tous les momens, y ;joutent encore tout ce
que l'imagination, dans son effroi, peut pr-
senter de sinistre. Jugeant de l'avenir par le
present tout les effraie et rien ne les console
ils semblent n'anticiper-sur l'avenir que pour
anticiper sur la douleur; triste et inevitable
effect d'une position nialheureus.e, dans laquelle
on s'est touit coup trouv, sans y avoir td
prpar par quelque gradation Cette terre,
qu'ils ont lius a travers les flames et les cai
avres est aujourd'hui pour eux une terre
promise et le sort de leurs ngres les plus
A 4 4






malheureux est le term de leur ambition ec
l'objet (le leurs votux assidus. Je n'exagre rien
et j'affirme, que d'un bout de la France l'au
tre, leur language est le mme. Des bananes ,
des patates et une ca{e voil ce qu'il nous faut,
voil ce que nouts trouVerons St-Domingue t
disent-is tous avec cet accent de la vrit qui
ne trompe jamais ; tandis qu'ici nous ne savons
jamais la veille de ic/lle mianire nous existerons
le lendemain. Ce language n'a rien de' figure ,
il est, A la lettre, celui lde tous les Colons quele
hasard a disperse sur tous les points de la
France; et nalhettreusement, il est trop for-
temniit acceiitu i par la douleur pour n'tre
pas sincere. Ces voeux simultans, cet accord
tnaninme dans les sentimens et les dsirs ce
terme moddrd d'une ambition qui se content
aujourd'hui d'un sort qui cit auntrclis lb it
son malheur, cette ;ibngation de tout r'
timent, prove l'excs d'un malheur comnii l
qui, en retrenpant, potter ainsi dire toutes
les ames, les a toutes remises l'uiisso,
Non, les Colonsne sont plus ce qu'ils toient;
le malheur personnel, lorsqu'il atteint certain
degr, bduleverse tous les rapports; les hommes
qu'il a choisi pour les instruments de ses durel





(9)
ons renaissent, pour niiisdi dire, une noti
'elle vie, dnis laquellc Ie vw(ut et les dsiar
ont un term Icaiucoup plius lboiin ; croire alorS
la suspension ide tc miix cst une c.espce de
bonheur donti on a conleoil, 1. Colons, d'ail-
leurs, ont tous aujourd'hui la giligue du mali
beur; consternis par des cadlat4mldaMn example,
et terrasIss par ldes vdnrmenrt d'une force sur-
naturelle, le rrpos et la tr.anquillit sont main-
tenant, pour eux lai perspective qui n le plus
de charmiTs.
Si l'on ne veut voir, dans Csc considira-
tions, que dr< alhstrnctioni mntiphysiques, je
peux prouver que les viiciens, eux-ninies,
en ont dj justifi la vdrit ; et l'on se conL
vaincra, de plus, que l'adversit qui a dispose
les Colons la moderation, a aussi calm tout
les ressentimens qui ont tant contribu leur
perte.
Ai moment oh les troubles lde St-Domingue
forcrent presque tous les habitans de quitter
cette colonies il y existoit, entire les blancs
,eux-memes, trois ou (quiare parties, ennemis
lcharns les uns ds l aitres, qu'un danger com-
lhun et iniminent n'avoit pu runir, et qui ,
dansle dlire de leur exasperation, s'accisoient




( 10 )
rciproquement de la perte de St.-Domingue.
Loin de ne voir, dans tant de maux, que la
force inevitable des choses et d'une revolution
qui, l plus qu'ailleurs devoit cause d'hor-
ribles catastrophes, chaque part resta fidle
ses absurdes prventions et I sa haine. Sur
tous les points de l'Amrique et de la France
oi la destine leur permit d'aborder ils y
arrivrent avec les miOmes dsir. de vengeance
et se perscutrent avec cette fireur qui ac-
compagne toujours le finatisme politique, de
quelque nature qu'il soit. A la fin cependant,
]'infortune qui, de concert avec le temps, d-
sarme les passions les plus invtres, a calm
cette eflervescence d'autant plus malheureuse,
qu'elle ajoutoit le torment itloulrmens (Idj trop cruels. Les iinquiituLiles jour-
nalires d'une existence aussi incertaine lue la
leur et la ncessit de pourvoir A leurs besoins ,
les livrant insensiblement des ides trangres
ces discussions, ils ont enfin envisag de
sang-froid, leur nouvelle position; ils en ont
vu toute. l'horreur ; et, dans le calme et l'abat-
tement qui suivent invitablement un pareil
examen, cette guerre insense, s'appaisant tous
Jes jours, bientt toutes les opinions n'en ont
fait qu'une seule.




( il )
(Cn)
r Qu'on ne soit donc plus tonn de cette'
4multaniit dans leurs vSux ri que le gou-
vernement ne redoute ni leur iuirbulence,
ni leurs resirntimens ni Iitius prventions.
Quand l'excs de la milsre, nrtn.iiit votre exis-
tencc A In merci de Il piti ou de la hienfai-
sance vous n long i temps fit dpendre des
autres, on pris, daun cette espce d'abn-
gation force de oini.mmr ,' l'hnlitude de ne
vivre que d'une munirr pissive. L, piatiencc,
la resignation la soniiiisioii aux lois sont
revenues des vertus faciles, et qui ne content
aucun effort. Qutel que soient les Ivcnemen ,
on en support le joug, sans itre tent de se
roidir contre leur contrarit ; et l'on ne jette,
mme plus que des regards d'effroi et de d-
got sur des discussions auxquelles on a d;
tant de calamits.
Le gouvernement peut donc, sans danger,
cder au vceu gnral des Colons, et leur per-
mettre de retourner sur leurs foyers. Il ne trou-
vera peut ctre pas en eux dles rpublicains
bien ar.dcns; il n'y comptera pus de chauds
partisans d'une revolution qui leur a cot si
hber; mais il trouvera des homes rsigns,
Soumis ; il y trouvenr des cultivateurs patiensi





( 12 )
et laborieux, dtermins ne se mler que de
leurs lravaux, et qui, sur-tout ont abjur'
tout project ("une resistancee inutile et insense.
Le (irectoire a te' dj un garant irrctu-
sable de leur tranquillit, dans la position o
ils vont tous se trouver; car enfin, pour se
livrer des discussions politiques qui ont le
bonheur de la socit pour objet, il faut, jet
ne dirai pas en jouir soi-mme mais il faut
au moins avoir des moyens d'existence et
comment supposed que des homes qui, pour
subsister, auront besoin de tous leurs moments ,
les perdront des discussions qu'ils ont dji
payes de tout ce que la-misre a de plus ri->
goureux ?
Je le dis donc hardiment quiconque tien-
droit au gouvernement un autre langinge qui-
conque peindroit come .daingireux le retour'
des Colons blancs Saint- Domingue, seroit
dans l'erreur. Les Colons, je le rpte encore ,
n'ont tous aujourd'hui qu'un mme besoin, ett
ne forment qu'un mme voeu:, celui de retour-,
ner sur leurs habitations. L'tat prcaire dans
leqiel ils ont vcu jusqu'ici, l'impossibilit,
de le prolonger, la profonde misre dans les'
uns, la dlicatesse dans ceux qu'a si long-temps'




r r )'
soutenus la bicnfaisance; tout est grant de 14f
nccritd de ce veru.
S'il en est encore piarmi rex quii, fermant
les yeux l'impuloil>ilid dmtonti'ec d'un re-
tour l'incien ordre de chose n'adoptent,
ni par sentiment ni par nrceibiti Ir. lois r-
publicaines; s'il ni et dia-je d'nasez fhna-
tiques pour se retuicr la. foi!s A li ncessit,
la raison ei l'vidcncr, ceux-lA ne retour-
peront pas . Saint-l)oiningue domins par
leurs prventions, ils y ont ddj renonc; ils
savent trop qu'avec crtte manire de voir et
de sentir l'existrncr y seroit pour eux un
veritable torment, et qu'ils n'y vivroient
peut-tre pas sans danger. Tous les Colons ;
d'ailleurs, ne se trouvent pas aujourd'hui dans
la mme position; il y en a bc-acoup de fixs
en France par des engagemens; il y en a dk
retenus par des esprances ; il en est d'autres
lont le succs a couronn les travaux mais
on sent que ce n'est I que la trbs-foible parties t
il restera toujours la parties la plus intres-
pante, celle des femmes des enfant et des
Vrieillards. Plus -; plaindre que les autres, c'est
,hez eux principalement que le besoin de re-
Voir leurs foyers exerce plus fortement son em-





( 14 )
(c4)
pire; et, ce qu'il y a de plus incomprhen-
sible, c'est qu'un pareil veu ait, chez tous ;
l'ardeur pressante d'un sentiment long-temps
combattu.
Que peut donc avoir craindre le gouver-
nement, de leur retour St.-Domingue ? Croit-
il que les noirs les verront arriver avec in-
quitude ? Veut il attendre le moment oh
les lois de la rpublique rgneront seules dans
toute la Colonie ? ou craint-il que les noirs,
domins par d'anciens souvenirs, n'coutent bien
plus le besoin de la vengeance, que la loi elle-
mnime? Cette dernire hypothse est, sans con-
tredit, la plus vraisemblable ; et, il est tout
natural qu'il loigne encore l'poque de ce re-
tour ; mais alors, pourquoi ne pas traiter en
tout les colons comme des citoyens franais ?
Pourquoi, lorsqu'ils prouvent leur residence
sur le territoire de la rpublique tenir en se-
questre les biens qu'ils ont St.-Domingue ?
Cette colonie est un dpartement de la rpu-
blique ses habitans sont citoyens franais
soumis aux mmes lois, ils doivent jouir deq
mnmes droits; et, cependant, par une measure
don't on cherche inutilement la ncessit, o0
interrompt, pour eux seuls, le course natural




( 15 )
des los ; ct les colons qui font dji du revenue,
ne peuvent en jouir. Quoi tous les reverse '
la fois seront venuts fondret sir moi ; j'aiurai t
incendi ruini ; i'itlU i vu cgorger ni's pa-
rens ; pendant ti iamn, )'.iurii tran loin de
ce qui m'toit cher, iunie cxiiMtce pire que la
mort m me ; ri, itu moment oci il nm sera
possible dec retournerr iins mes toyers pour
y chercher l'oubli et le ii.n de A tant (le m;ian,
pon-scuilemecnt on m'interdira ce retour, mais
les lois, tisi;itit encore une exception barbare
centre moi ,'ime raviront les debris mime
de ma propri't ? Quoi I protg ici A titre
de Franais, je serai tdpouill h St.-Doniingue,
au mQme titre ? Non, un tel project n'est ni
prsumable ni possible; rien ne pourroit en
excuser la froide atrocit; et, si cette rvol-
tante contradiction a exist jusqu'ici c'est
qu'elle toit le rsultat accidental des vne-
mens, et non l'accomplissement d'un dessein
prmdit et excut de longue main. Aussi ,
je ne doute ipas que le directoire ne s'empresse
de prendrc, cet gigaid quelque measure qui
fasse cesser cette barbare contradiction.
Mais dira-t-on, pret-tre la rpublique a
besoin de la totality de vos revenues pour la




( 1- )
defense de vos proprits elles- mmes ? ien
de plus absurd que cette objection ; car qui
ne sait pas que ce sont les citoyens de la,
France entire pris collectivement qui, par
des impts galement rpartis, fournissent aux
besoins gnraux du gouvernement, quelle que
soit la nature de ses dpenses, et le dparte-
ment qui les occasionne ? Sans cela, il s'en
suivroit qu'une ville attaque par l'ennemi,
devroit payer elle seule, toutes les dpenses
de l'arme appele sa dftense : systme ri-
dicule, qui parot tre la veritable parodie du
gouvernement fdratif.
Veut-on isoler Saint-Domingue de la France,'
et soutenir que les impts de cette colonies ne
sullisant pas ses dpenses, il est just d'y
supplcr par ses revenues? (On ne fait que re-
produire, avec lin nouveau degr d'absurdit,
l'objection que je viens de rfuter; car, du
moment o le revenue de chaque proprit est
absorb par les dpenses gnrales, il n'y existed
rellement plus d'tat social. La condition la,
plus essentielle de ce contract, celle qui en'
forme la base, celle, en un mot, qui lui aW
d4onn existence n'tant pas remplie, il est
vident que ce contract n'existe plus. QueI
m'importe





( i7 )
rn'impbrte, en eflet, qu'on iic conserve ina
proprit pour demain, si je suis condamn'
smourir de ftim nuijoutd'hni ? Ai rest, la ri-
chesse d'tun it.ti wl'csht .t11e chose que celle
des citoyens; toitls le% delIii sont l'excdent
des prpduitls e dlr consoniniaiions ; l'une se
compose niiccssaiireiieiit de I'.utre; de sorte
que ce qui ruined les prolrictaires, ruine auss
le goiverneiriie i seroient donc, mme
pour le govert)iV(.cnelt les advantages d'une
telle mt'esutrc
Loin d'.iaopter des p1incipes si absurdes ,
tout gouverrnement cliair sa;it bien qu'une
justice exact cnvers tous les gouverns est
la fois, et in de 's ldevoirs, et un moyen
d'affermir son autorit. Ainsi donc, par son
propre intrt, comme par un sentiment de
justice, le Directoire, mieux instruit, s'em-
pressera, je n'en doute pas, de mettre un
terme au malheur des Colons ; et si, par des
raisons que je respect, sans chercher les
approfondir, il s'oppose encore A ce qu'ils
retournent S.ini I)oningue, il fera du-
moins ceser le scandaleux abus qui ne laisse
aux Colons nls nom de propritaires, que pour
les bercer d'un leurre dangereux, et renou-
B




( 18 )
veler sur eux le supplice de Tantale.
Le Directoire ,en effect, ne peut pas permettra
qu'un tat de choses, qui n'est en lui-mme que le
rsultat fortuit d'un bouleversement universal,
dshonore plus long-temps la rpublique ; loin
de traiter les propritaires, qui font actuel-
lement du revenue comme les enfans illgi-,
times de la rpublique, il mettra ceux-ci en
possession de leurs biens, et subviendra aux
besoins des iitres, par des secours qui ne se-
ront, apris tout, que des advances. En uit
mot, il sera rigoureusement just envers les
tins, et conmpatissant envers les autres. Quoi-
qu'il ne soit ni le provocateur ni le moteur
du cruel abandon don't on paroissoit s'tre
fair iun systme h l'gard des Colons, il ne
pourroit Iplus y demeurer indui clirt sans nld-
riter dsormais tes repro la moindre tincelle de raison.
Non, je ne me persuaderai jamais que le di-
rectoire soit mains sensible la piti que Ro-
bespierre lui-mme et tes dcemvirs. Pendant
cette sanglante poque de la revolution les
Colons, du moins ftrent secourus; et s'ils Id
firent foiblement, c'est que les abus vicirent
tellement le mode qu'on avoit adopt pour leur





( 19 )
distribuer des secours qu'ils dnaturrent efi.
tirement le but qu'on 'toit propose. Il suf'
fisoit, aon effect, tluor pou r y participer, d'a-
voir mis un instant le piied St.-Domingue,
ou de portrr une figure noire ou basane ;
on toit wiuird avec un tel certificate i
d e fje ire paissr pour un propriUaire
ruined ; 'uti-Mi tre s course loin d'tre un
foible rlddornmag;iiment pour ceux auxquels ils
avoieqt ct destiny, dans leur principle, de*
viniit-ils une e.sp&ce de bonne fortune pour
1;l plupart de ceux qui y participrent.
Les ailbs td'une meinure r%'entiellnement just
par elle-m;r me ne doivent pas pour cela la
fire rejeter; et il faut, au contraire, profiter
de cette preuve malheureuse pour en corriger,
l'excution. Qu'on ne dlaisse dopt pas lep
infortuns Colons, mais qu'on tire parti de
cette leon pour mieux atteindre au but qu'on
s'toit propose Qu'on ne iisse ni prt ni
advance 1 eIux don't uicune propridtd ne ga.
rantira le rcmboursemecnt. Les non-proprid
taires en eflfe, ceux qui vivoicnt d'industrie ,
a St. Domingue bien loin d'tre dans la
situation ddplorable des vritables Colons ont
encore leur disposition les mnmes moyens
B 2





( O ')
d'existence. Quel que soit lecoin de terre oh
les vnemens les ont disperss, ils n'y sont
pas malheureux, si c'est dans un pays civilis ;
aussi le gouvernement ne leur doit-il ici que la
protection et la justice qu'il doit t tous; mais
il ne leur doit pas autre chose.
Jusqu'ici je n'ai parl que dans le sens de la
justice la plus rigoureuse ; que seroit-ce donc
si je prouvois que l'intrt public et l'affer-
misscment du gouvernement lui-mme, sont,
plus qu'on ne le pense dpendan s des measures
de ce genre. Oui aprs tant de douleurs ,
aprs tant de svrits rigoureuses, un acte
clatant en justice et en magnanimit, un acte
qui rappelle enfin l'esprance des homes
abreuvs depuis si long-temps de mnipris, de
calomnies, et de lofiies sorts d',IIlmerlnCies
un tel acte, dis-je, excitanit ; lI fois routes les
affections gnreuses de quiconque sait sentir
ou penser dcuple la force du gouvernement,
par le nombre des curs qu'il lui dvoue ou
qu'il lui rattache. Car qu'on ne s'y .trompe
pas: ce ne sont point des tribunaux des gen-,
darmes et tout cet attirail de rigueur quicom-
posent la force du gouvernement reprsentatif;
>'il n'avoit l'appui de son autorit que





r i
de tels instrument il seriit bientt dtruit os
forc de drtrire liii-mimc I;i source don't il
tire ses pouvoirs. S. vritable force, celle qui
agit par des moyens insensibles, mais infiail-
libles celle qui I l; longue dtruit les agres-
sions et les rsistances iiixqud(les un gouver-
nement nouveau est toujours nii butte ; '*cl
l'estime et la consideration qu'il inspire, t ces
sentimens prservateurs de son autorit, il les
'obtient bien plus aisment par des acts de
justice de clmence et de compassion, que
pair une sviit trop rigourciuie. Ah I si le
gouvernement savoil nomlien le me'.urs quli
tendent i rpirer de longliic injustices aijoiitent
A son iautorit : s'il pouvoit calculer l'ciet et
goit'er le charm des consolations et des es-
pcranccs qu'il peut verser sur des malheureux,
peut-:tre voudroit-il temprer, par ce bel at-
tribut du pouvoir ce que le sentiment diu
devoir a d'austre eh lui-mme.
Oui pour les hommes qui, n'tant pas ns
dans une place minente, savent, lorsqu'ils y
sont parvenus, y goiter les douces emotions de
la nature, ce sentiment consolateur venant se m-
lr avec douceurauxembarras et aux agitations




( 2 2)
insparables d'un tel post, y rpandroit en-
aore un charme si touchant, que tous les d-
gots s'en perdroient dans une effusion que je
nommerois, presque, angClique.
Que le directoire y rflchisse don :il s'a-
git de soixante mille infortuns ruins, calotm
nies et perscuts; fissent-ils coupables, leurs
femnms et leurs enfrins ne le sont pas. 11 leur
1dol justice et compassion. Ne voudra-t-il donc
pas .iiire copier enfin, pour li reconnaissance.,
des larmes qui depuis si long-temps couloient
pour:le malheur ?
Au reste, si la situation des finances ne lui
permcttoit pas de fire, A l'gard des-Colons,
ce qu'exige la justice et ce que sollicite pour
eux l'ndversii quni les accable depuis si long-
temllps; .i c' in ii mot on .s troluvoil dalns
l'inupossillitd de taIire les avaince a;ux fcinmes
et aux cnfans de tous les Colons titulaires d'ha-
bitations ; il n'en est pas moins vrai que, dans
aucun cas, et sous aucun prtexte plausible,
on ne peut se sefuser computer ici avec les pro-
pritaires don't on touche les revenues Sain:tr
.Domingue; car, encore un coup, les Colops
sont de vritables Franais: ils ont, de plus, C





( 2 )
mtlheureux pendant ix uns ; et moins qu'une
si'longue adversit ti soit un titre tcrnel de
proscription ; A inoins qu'on ne se tissue une loi
barbare d'cjoiter cIf poids dt'une si grande injus-.
ticeaux poids dlc .ant (I mniix et d'humiliations,
rien ne IUut .intisoier, lucur igard cett e
sca;nduluLe spoliaition.
Et qu'on n'aille )pas croire qu'il faille une
loi pour Irur renditlc u(s leurs droits de ci-
toyens I elle n'est pas ncessaire, puisque au-
cune loi ne les leur a t et qu'il ne s'agit au
contraire ici cque de l'excution des lois mcon-
nues et oublies dans le chaos oh ont t si
long-temps plonges les (olonies. Un simple
arrt du directoire suffira pour mettre urt
terme cette espce de,lgislation tacite, ne
du dsordre, et que le gnie du mal lui-rmme)
n'eft peut-tre pas invent.
J'ai beau chercher, avec bonne ,foi, ce qu'on
pourroit allguer de raisonnable l'appui
d'une injustice auissi barb,.e;i je nt trouve pas
un seul motif spcieux lia raison se perd,
l'esprit se confond, er le coeur se naiivre au rcit
d'une aussi longue injustice; et, s'il n'toir pas,
prouv, come jo t'ai dcj observe, qu'uni





( 24 )
tel tat de choses est le rsultat d'une catastro-
phe sans example, et non celui d'un plan com-
bin, l'indignation seroit le seul sentiment a
notre disposition ; et nous n'aurions, contre
les machinateurs de cet horrible systme, d'au-
tres armes que des imprcations.











Se troupe Paris,
Chez ES EN N Libraire Pailais-Egalit ,
N'". i et 2.


ie 'Iimprim. de PORTHIANN, Successeur du cit. DESENNE ,
rue deh Moulins, No. 546.




University of Florida Home Page
© 2004 - 2010 University of Florida George A. Smathers Libraries.
All rights reserved.

Acceptable Use, Copyright, and Disclaimer Statement
Last updated October 10, 2010 - - mvs