Title: Opinion de M. Le Vicomte de Mirabeau
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Title: Opinion de M. Le Vicomte de Mirabeau
Physical Description: Archival
Language: French
Creator: Depute du Limousin
Publisher: L'Imprimerie de Vezard and le Normant
Publication Date: 1790
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Bibliographic ID: UF00098995
Volume ID: VID00001
Source Institution: University of Florida
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OPINION
Da
DE

M. LE VICOMTE DE MIRABEAU.,

DPUT DU LIMOUSINE;

'ur la pition des villas du commerce des colons;
rI'favage & la traite dus noir.,


e.'







OPINION
D

M. LE VICOMTE DE 1MIRABEAU,
DPUT DU LIMOUSIN,
Sur la phition d:. villes iu commerce des colonies;
l'cflaig 6'g & la traite .ds noirs.



a S S EU R S

L A fortune de nos villes maritime el
en danger. Dans leurs jufles ames eles
nous envoient des dputs po flilciter des
ddcrets capable de calmer leurs inquiitdes,
de rendre leur inftrie une nouvelle alivit,
d'affirer enfin l'reiftence de plufieurs millions
d'hommes. Bien des m fs font craindre dans
ce moment la dfcion de nos colonies Am-
Sricaines; ce malheur funefleplongeroit dans le
nant le commerce Franols, & f(dicroit dans
fon garme le fruit de la revolution qui s'oprre,
de cette revolution qui cotre dj tant de facri-
ficcs, tun de privations, cfi a dtnilt tant de
A:





foriiine, & qui n" nous done encore ici.- dcl
cfijcainccs lointuines.
H~Itons- nous, mcnffiurs, hliton noius de
faiire jouir le people Franois des hiens qu'il
attend de nos travaux, & commenons, pour
y parvenir, par fire l'ace de justice lq'on
nous demand au nom de la raifon, au nom
de l'quit naturelle, infdparable du droit des
homes.
Dvs craintes multiplies, relatives nos colo.
nies, nous affidgent de toutes parts,'0& doivent
nous dterminer prendre les prdcautt i les
litLS prompted.
n y a plus de deux mois que les dIpd li
cimm.rce follicitent leur admillion dans cette
affcmblclc ~j, eutt-tre aurons-nous nous
reprocher e eiix qu'a pu occafionnrr ce
retard.
De quelque maniere q ceftfe union des
:olonies avec la mtropole, nos malheurs
'vwendront l'inftant irrparables, & ne fe-
t que prcder dl malheurs plus grands
core. Les dolons ont redouter 'infurrec-
n des efclaves. Cet vnement joindroit
es fcenes de fang & d'horreur, la perte des
icheffes immenfes que renferment cae poffef-






fions fertiles, & que le luxe de tous les peu-
ples de l'Europe a rendues un befoin indipciin-
table; cette infurreftion, meilieurs, feroit la
fuite nceflaire d'une liberty que vous accor.
deriez des individus pour qui elle ne peut
tre qu'un bienfait finefte, & don't ils fe fervi-
roient peut tre pour enchaner leur tour
ceux de leurs anciens matres qui auroient
chapp la rage & la fureur, que quelques
hommes ambitieux & perverse fauroient bientt
leur infpirer.
f1 cf poffible auffi, mefieurs, .que pendant
que vous vous occupez du bonheur des Fran-
ois, une nation toujours rivale de la ntre
s'occupe i fon tour des moyens de dtourner
les efife de cette fdlicit publique don't vous
jettez les bafes; peut-&tre fes entrpprifcs ont-
elles dj devanc les mefures que votii0iir-
riez prendre.
DJjA, mcflicurs, cette nation rival ne dif-
fimule plus les moyens qu'elle fe glorifie ait
contraire d'avoir prodigues, en contemplant
l'agitation laquelle notre patrie eft en proie;
malheur qu'on fentira qu'elle avoit prvu ds
long-tems fi l'on veut fe rappeler que le
miniftre qui gouverne l'Angleterre, & pett-
A 1





erre l'Europe entire, en faifant valoir le
moyens que d'autres poffident ,& que lui-mOme
n'a point, par les talents qu'il a & que n'ont
point acquis fes cooprateurs; que ce mnitre,
dis-je, n'a ceffl de rpter fon roi, que la
pcrte de fes colonies animoit la vengeance,
qu'il en treroit une bien clatante & bien
cruelle de nous, fans avoir recourse la guerre.
Cette nation ajoute mme la drifion inful-
tante e la puiffance. Burke ne voit dans
le lieu o toit jadis la France, cu'un vain
chuil t'r. Quelles rifitions quels devoirs
I(ruoirila les rfiults naturels de cet outrage
poltiiiit,, fi, nious repofant du fuccs de nos
travaux fur la puret de nos motifs & la furet
de nos calculs, nous ne ddaignions le language
de lenvie 1
Mais il n'y a pas un moment perdre, &
vous devez porter fur vot colonies la vigi-
lance la plus active pour empOcher les maux
qui fe prparent, ou. les xemedes les plus
prompts & les plus efficaces, fi ces maux fe
font dj fait lentir.
On vous a dit, meffieurs, que les colonies
exigeoient une lgilation diffrente de celle de





la mtropole, & on vous a dit une vrit
inconteftable.
Les mmes loix ne peuvent tre appliques
tous les peuples, la nature a vari tous les
ouvrages; les hommes ne fe reffemblent'qu'en
apparence; l'effet du climate, l'effet plus puil-
fant des longues habitudes influent fur la race
humaine.
Nous voyons dans toutes les parties de l'u-
nivers, les nations differ les unes des autres ,
par un caralere marqu.. L'habitant de l'inde
chappe la plupart de nos befoins par la
fobrit ou par le bienfait du climate qui le
difpenfe de porter des vtemens. Chez ce peu-
ple paifible la pareffe et la premiere des
pallions; la volupt et le premier des befoins.
Comparez cette nation avec les peuplades
du nor; l les hommes levs fous un climate
dur & fauvage, font faits pour le travail &
pour la guerre; la nature les deftina>ux plus
rudes travaux, leur donna pour qualitis di?-
tin&ives la force & P'ativit.
Le fage lgiflateur, avant de rdiger tes
loix, tudiera toujours l'homme qu'elles doi-
Tent gouverner.
A4





Il s'occupera de combattre influence funeRe
du climate, par l'influence heureufe de la loi;
s' ceft plac fur les bords fertiles du Gange,
il s'efforcera d'infpirer lardeur du travail, d'a-
nimer linduirie ; la loi commander d'agir ;
il faura faire plier fes principles aux mours
qu'il ne Pourroit changer. La race effmine
pour laquelle il travaille, faite pour I'efclavage,
a befoin de fervir; ele n'uferoit de la liberty
que pour fe livrer au repos, & le repos la
conduiroit la mifere; il apellerale commerce,
n arts t& linduflrie; mais il carte la guerre;
M hImpoft in joug que Isc monurs exigeoient,
di nmrton le reoit comme lin bienfait.
Mai sil a voli A gouverner ces fiers enfans
du nord qui ne rCfpircnt que les combats ,
qui ne connoiffent de richeffes que par les con-
quptes n'ambitionnent que des terres plus
fcondes; nouveau Licurgue, il ne leuf donne-
rojt pour conflitution, qu'un code militaire ;
il verroit la nation dans rarme, & le roi ne
f6roi que le gnral.
Si le mOme lgilfateur rdigeoit la confli-
tution de cette nation agricore &.,guerricre; de
ce people qui a donn (on nom au fynonyme
de la liberty, il penferoit, fans doute, que les





Franois veulent un chef, un roi puiltfnt, qui
les conduife aux combats, & don't 'autorit
fuffire pour fire refpefer les loix par vingt-
quatre millions d'hommes, il fentiroit que
ce people trop fiber pour vouloir tre efclave,
doit concourir par fes reprfentans la for-
mation des loix, & ne doit obir qu' cells
qu'il a confanties:
Places fous un climate tempr cultivant
une terre fconde, formant une po tion
immenfe, les Franois ont befoin d'ei yer
toutes les reffources pour s'affurer cette foule
de jouifances don't ils ont dontraC l'habitude.
Le lgiflateur ne fe contenteriit pas de pro-
tg4 le commerce, rinduftrie & l'agriculture
franoife ; il favoriferoit encore cette agri-
cul:re nouvelle que nous avons tablie dans
ceLautre hmifphre oh la nature produit des
dl tes trangeres la Fr.ace & qui font
revenues aujourd'hui un de nus premiers be-
foins; le Nu ma des Franois diltingueroit la
mtropole de fes colonies; il fe diroit foi-
mame:
Ici la nation aborigne ef organifde pour
le climate qu'elle habite; la terre n'exige pas
de l'agriculteur des travatu qui excedent fes





o10
' races ; le propritaire peut cultiver lui-mme;
la charrue doit atre mene par" des mains
libres; point d'efclaves en France; les homes,
dans cet heureux pays, doiyent tre gaux
aux yeux de la loi.
Mais tranfplant dans l'Amrique, le Fran-
ois, incapable de foutenir le poids de la cha-
leur, languiroit fur la terre la plus fertile ,
s'il ne pouvoit la faire cultiver par d'autres
bras c'eft un people tranger qu'il appelle,
ce fo0des hQmmes levs fur les fables br-
lian dc l'Afrique qui p0uvont fcul i rdfiler
au f(leil d' l'Amni5qlue. Le ngre cfl ndcer-
faire la culture de nos colonies ; cette ef-
pece dgrade n'a.pas l'n'rgie qui ci'rac-
trife les fauvages du nord, Coit injuflice de
la nature qui refitle quelques tres, ce
qu'elle prodigue . dautres, foit faute d'Xtre
perfe&ionne par la civilization I'intelligatc
du ngre eft infiniment borne. rimiterai la
nature, je ne le placerai point la hauteur
des hommes d'une race fuprieure la fienne.
Le lgiflateur franois fe diroit encore :
L'infouciance, la pareffe, Paverlion du tra-
v;ail, font 'naturels aux habitans de l'Afrique.
Ns dans les fers, ns pour 'efclavage; la li-





b-r n cf inconnue chez eux, & les ngres,
vendus aux Europens, n'ont faith que changer
de chaines; ils regrettent leur pays, ils ne re-
grettent pas une liberty qu'ils n'ont jamais
connue. Les loix quiautorifent leur elclavage ne
leur raviffent point un bien; elles ne font que
leur refuifer un don, un prefent'fatal don't ils
abuferoieht nuffi-tt. w
Si je rendois les ngres libres les ngres
cefferoient adi. tt de travailler. Chacun
d'eux product aujourd'hui, par un travail afidui,
la valur des denres qu'il confomme & lin
excdent confidrable qui forme le patrimoine
de nos colons & la richeffe de nos ngocians.
Plufieurs millions d'hommes, n& dans la m-
tropole, occupcs tranfpdi perfe&ionner,
revendre stranger ce jf ce product,
vivent heureux, vivent IBance, l'abti
de ce commerce. i j
Si je changeols loidre btabli 'p*Ieurs
millions de Franois tomberoient dans la pau-
vret; & fi I'humanit m'ordonne d'amliorer
le fort des ngres, la raifon me command
de confirmer leur efclavage.
Imitons, mefieurs imitons ce tage lgif-
lateur; n'coutons pas ceux qui nous difent





q'a.ffr.inclis de leurs chanes les ngres tra-
vailleroient avec plus d'ardeur : ils nous trom-
pent daviintage, ceux qui nous difent que la
liierttt n'inifpirroit aux ngres que des fentimens
de rrcagnoifilncc; ennemis naturels des blancs,
libres anjourd'hui arms ds le lendemain ,
ayant uneagrande fupriorii de nombre ,
calfpir.iat en tfcret, & furprenant leurs vic-
times, ler ngref t niir enr t gorg tous
ccui de rino concitoyens qui habitent les illes;
& cette terre ,qu1 l'lnduftRie franoife a cou-
verte dre plus tiches rdcoltet, arofes dit fang
de fc nmitrres retourneroit i fon anciennr
flrilit.
Que prtendent donc ces amis des noirs,
ces ennemis dfl>Mnce, qui veulent expofer
i une moirt i fre les planteurs de nos
colonies qui duire Finaition, plon-
ger ns la m. cette foule d'ouvriers, de
mat e&s, d'artifans de ngociank, de capi-
talilles, d'agriculteurs mOme, que le commerce
des colonies occupe, enrichit, retd heurex ?
Ceux qui veulent facrifier cette multitude de
Franois des principles don't ils ont fait une
forte de religion qu'ils croient fans examen ,
qu'ils appliquent fans rflexion comme une





fece fuperflitifre, appliqueroit des dogmes!
Que prtendent-ils enfin, fi, pour fire le
bonheur des ngres ls faifoient le malheur
d'un nombre gal de Franois ? On leur de-
manderoit: tes-vous les dputs des provinces
de France, ou. les Igiflateurs de Loango &
de Molambique? Si ce ne font pas des ngres,
niais des franois qui vous ont charge de tra-
vailler a leur bonheur, occupez-vous de ce
devoir fvere, renfermez-vous dans les limits
qui vous font traces.
J demanderai aux amis des noirs, quel eft
ce cfntimapt inconnu nous attachant tous les hommes en gnral,
nous permit d'oublier ces liens plus facrs qui
nous iniffent nos concitoyens? Je leur de-
manderai fi la philantropie eft le roman ou rhy-
pocrifie du patriotifme, & je leur confeillerai
d'tre moins philofophes pour atre meilleurs
Franois.
Suivons, meilieurs, ce confei utile ; &puif-
fans caifer la ruine d'ine parties de nos conci-
toyens, adoucillons le fort mais confirmons
l'cfclavagc deg n~gres.





Ju fais que e dcret contrrieroit la dcla-
ration de droits de' l'homme, que vous place A
la tite de la conflitution ; mais ne vous tes-
vous pai rromplr en rdigeant cette dclara-
tion ? N'avez-vous pas confondus par une
erreur m.;nitflle l'homme avec le citoyen ?
N'avez-vous pas oubli que fi les droits de cit,
fi le premier de ces'droits, la liberty, appartient
tous les Franois, il n'en ef pas ainfi des en-
nemis captifs & des enclaves achets, qui n'ont
aucun rapport avec nos concitoyens, &; fi dans
ce moment vous n'avez choifir qu'entre une
loi fiunelle ou l'aveu d'une erreur, devez-vous
balancer ?"
Non, mefieurs j'aime croire que votu
n'hflierez pas, & que vous confirmerez Vef-
cnlvage des rigres, piipque l'intrer de nos co-
lonies, de nos places de commerce, de la France
entire, exige qu'il fit confirm.
I en eft de mme de la traite la c6te FdA-
friie. Les motifs que je viens de prfenter,
pour confirmed refdavage des ngres fervent
galement prouver combien il feroit dange-
reux de dfendre qu'on en tranfporte dfor-
mais dans nos colonies.
On a voulu vous perfuader qu' fi les ngres






&tolent gouverns avec plus de douceur leur
population fe fbutiendroit, s'accroitroit mnme
fans fecours strangers. On vous a tromp: quand
les hommes font loigns de leurs pays natal,
quand ils font franfports fous un climate diff
rent, ils voient leur nombre diminuer graduel.
element, c les nai'fances ne peuvent balancer les
morts.
Le nombre des ngrefes, dans nos colonies,
n'cf point en proportion avec celui'des ngres,
& cette caufe fiufliroit feule pour empOcher la
population de s'accroitre, ou mme de fe fou-
tenir au mme niveau.
L'agriculture, dans nos colonies,'n'eft point
encore porte au point o elle peut atteindre;
& pour de npoveaux dfrichemens il aut de
nouvelles recrues de travailleurs.
La traite des ngres eft une d nos principals
branches de commerce : fi nous la profcrivions,
nous dtruirions une force abondante de ri-
cheffes & une cole qui fournit notre ma-
rine cette race prcieufe de matelots don't les
travaux, pendant la paix enrichiffent l'tat,
que leur courage defend pendant la guerre.
La traite des ngres et lhumn nt ncef-





fire; & loin de l'aliolir rnous Itrvn la f.i-
voriltr par des encouragecnins.
La grande population du royaume ne permit
plus aujourd'hui de borner aux prodiit1ion.
territoriales les reffources de nos concitoyens;
les jouifTances de luxe ou de commodity font de-
venues nceffaires a un people habitu les
raffembler autour de lui. *
Une foule de families, convaincues que
rindufirie eft une mine aufli fconde que
l'agriculture ont vendu leur proprit pour
s'tablir dans les villes ou fe confacrer la
navigation. Protger l'indultrie, encourager le
commerce, voil les feuls moyens que nous
ayons de fire le banhcur de cette multitude
d'hommes qui forment asujourd'hpi un tiers de
la nation; voil ce. qu'ils demanuent de nous;
voil nos devoirs envers eux.
Nos richeffes commercials font Lins nom.
bre, celle qui quivaut elle feule, toutes les
autres, c'eft le commerce avec les colonies.
Mais elle ne peut fe foutenir que par le pri-
vilege exclufif don't les habitans de la mtropole
ont toujours juI fi vous abolifez ce privi-
lege, fi vous l cet advantage O nos go.
Miansa





cans, il leur efi impeffible de fontenir aut
Antilles la concurrence de r tranger. Nos prin-
cipales exportations en Amrique font les
noirs, les toiles, les marines, les vins & cau-
de-vie. Cette derniere efpcc.dc den -s vit la
feule don't nous pourrons co:ifr;'r le com-
merce, fi les ports de nos ifles &toicat ouverts
aux nations dtrangeres; les citoyens des pro-
vinces unies, Its Hollandois, les AnglpIs, peu-
vent vendre les toils, les farinc- & le nerirrs,
un prix intfricur celui que nos nrcians
font forces d'exiger.
Il y a fur-tout une grande difference de prix
entire les noirs de traites angloifes & ceux que
nous fourniffons. Nos rivaux ont des tablif-
femens tlir les. ctes d'Afrique, qui leur iftiu-
rent la traite permanent; 'indihlrie angloifr
a d vil ce commerce en plufieurs branches.
Des hommiis liabitus nui mtier vont chercher
des enclaves dais 'intrieur de l'Afrique; ils
les amenent la cte, &les vendent A des Ipb-
culateurs. Ces derniers uffemblenr ds trflor-
timens d'efclaves que les navires trouvent
tous prts' leur arrive fiurla crc. Ils dbar-
quent leurs marchandifes, ils embarquent des
noirs & repartent auifi-tt. Nos vaiffeaux n'uit




18 1
pas le mme advantage; il faut que lItirs fupc>
cargues traitenteux-mmes les noirs qu'ils veu-
lent iranfporter. Ce detail confume cinq & Cix
moist, & les force de s'arr3ter fur la cte pen-
dant le mOrne items. Ce fjour eft dilpendieux
par li cnlommation ds vivres, il l'cf encore
par ii perte des ngres; c'eft fur la cte, 'eft
l vue de In terre que les rvoltes bord
font kI plus craindre. Ces diverfcs dpenfes
rcncli triffnt de plus d'un tiers le prix des ef-
clavcw, & vous feante qu'une difference autli
gtraindl ne p 'rmnt pas de foutenir la concur-
rence I.Mt le pnvildge excttif : il n'y auroit
donc plius pour nmio de commerce avec nos
colonies, fi inoni renoncioi aui privilege ex.
clufift; nous ferions privs des richelfes que ce
commerce procuroit la mtropole, iidgo
cans, matelots & ceux don't l'indiuftrie pr-
pare les marchandifes qui fervent la traite,
& les agriculteurs qui fourniffent des fardnes
nos amateurs, & cette foule d'hommes qui
-s'occupent des travaux qu'exigent les armL-
mens, tous refleroient privs d'occupition &
-de falaire. Les uns rins par notre ;mpiit-
dnnce nous imputeroient, avec raifon, leur
iniidig-nce & lcr malheur; les autres feroient




x9
forces de s'exiler de la France, d'aller chter.
cher une patrie plus heurcufe o l'iniiltrie
feroit protge; & nos commettans nous re-
procheroient avec amertume nos dcrets qui
galeroient, par leurs effects funeftes, cette loi
malheureufe cette loi de banniffement qui
chaffa de la France dans le ficcle dernier,
des milliers d'infortuns que leurs opinions
religieufes fparoient du relie de la nation.
J'avouueque le privilege exclufif paroit d-
favorable aux colonies, qu'il paroir memc in-
jufle. Il ne l'efl pas, mneflieurs; cette gOne efl
le veritable tribute que les colonies patient leur,
merc-patrie.
Si on regarded ce tribute comme une indem-
oit des ddpenies que la mtropole a faites pour
les colonies, des guerres qu'elle a foutenues
pour les dfendre, cette indemnit nie paroitra
pas excCefive. Si on regarded le privil. ge x-
clufif come le prix de la protection que nous
leur accord.iis, on verra qu'il ct julte. Je dirai
plus; on verra qu'il cil nceffaire.
Nos ifles ne peuvent par leurs propres
forces, le garantir d'une inviifon trangere;
nous ne pouvons les dfendre nous-mmes
B 1





qu'en confervant toujours une marine pu;(-
fante, qu'i l'aide d'une grande navigation, qui
nous leve & nous conserve des matelots; &
nous ne pouvons avoir une grande navigation
qu'en nous rfervant le privilege exclufif de
commerce avec nos colonies.
Nous ne ferons pas, fans doute & nos
concitoyens, l'injure de croire qu'il leur et
indifferent de refer ou de cefier d'tre Fran-
ois, & qu'un calcul pcuniaire puiffe les dt-
terminer jamais renoncer ce nom. Mais s'ils
roient capable de fire ce calcul, ils verroient
que leur intrt mme exige qu'ils nous reitent
attiachl Le colonies, je l'ai dj dit, ne peu-
vent fe dfendre par cllcs-ninmeis.
Une pofeflion autTi prcieuiil que les ifles
ficre, deviendroit bientt l'objet de l'Pimli-
tion des Anglois; ils s'en rendroient les matires;
ils y rabliroient ce regime excluif auquel ils
foumettent leurs propres colonies, & nos ci-
toyens conquis pas nos rivaux, n'auroient
rompu les liens qui les uniffent nous, que
pour tre fournis au joug qui leur feroit bier:-
tt impol.
Il eft donc certain que le privilege exclufif,





fi avantageux pour la rrrnoil, eF' nicetiire
conferver por l' inmrLt m'i'me des colonies.
Il cft donc de nutre devoir, mrflicur's, de
mainteniir d1aln uiiCt union intime \le colonies
avec !; m .roiole. Cettr union ait un des
plus grand initrts du peii'le qui vous a confi
Fes dcltliiuc. C'eft en fon nom ; c'cft comme
l'un de (es reprfentans quce ie vous prcferai,
de tous mes efforts, pour que vous ne perdiez
jamais de vue cette vrit.
J'ai effay, mefieurs, de vous fare con-
noirre les diffrens nr;ux qui menacent nos
colonies; je vous prie de me continue vote
attention, & de ne pas perdre de vue les ca-
lamits qui fuivroient leur dfeion fi jamais
elle avoit lieu d'une mamnire quelconque.
Les calculs les plus modrs portent z.5
millions la formie que le commerce, avec nos
colonies, rapporte par chaque anne la cir-
culation, cette fomme eit, ans doute, bien
au-de-lus de cette evaluation. Des calculateurs
'levent juiqu' 300 millions ; mais tenons-
nous notre premier lment, & calculons
d'aprs lul.
Sur ces Z15 millions ,laFr;nce en confomme
B3





ii-pju-pres quatre-vingt-dix. C'eft donc cent
trite- cinq que nous livrons rl'tranger, &
c',t pofitivement ce qui nous donnoit une
l:alnncc favorable dans les pports de notre
commerce avec les ptiffances d'Europe. Tout
s'dvanouiroit avec la dfcftion de nos colo-
nies; les fortunes particulicres feroient d-
truites, la fortune publique feroit fortement
branle, &, mellieurs, la fortune publique
n'c- aut-e chofe que la reunion des fortunes
particuli res.
Ce flidu politique frappant frir les villes ma-
ritiiies, & leur faiafnt prouver les premieres
unie anion d:rrcle, porteroit bientbt par toute
la France commenante une rdtiion funelle,
& lngrictulture prouveroit atuffl par tous ces
coutre-ciIoups d mortel. II eft encore en votre piiffance ,
meilleurs, de dtourner les calamits qui nous
menacent, mais il n'y a pas. un leul intlant &
perdre.
Le commerce maritime Franois a fait des
avanccs confidrables aux colonies. Voici
come ordinairement ces avances s'effe&uent.
Les armateutrs pour la traite des noirs vendent,





un & deux ans de terme, les efcaves Wnef.
aires pour L'exploitation des habitatiops. Les
n4gocians expedient, vers 'poque des chan-
cZs, des vaiffeaux pour fair les recouvre*
means. Ces vaiffeaux portent les denres Euro-
pennes qui font encore vendues; term; &
le recouvrement ne s'opere qu' u autre
voyage, oh l'on va fire rentrer les fonds
provenans d'une autre vente de noirs qui a eu
lieu dans les intervalles, & ainfi d. faite fuc-
cffivement. Souvent mme l'on a vu des n-
gocians Franois avancer des colons les pre-
micrs capitaux pour former ui tabliffement;
il en rfidte que nos colonies Am.ricaines doi-
vent, lpoque prfente, plus de cinq cent
millions an commerce Franois, c'eft--dire
plufieurs fois la fortune des ngocians qui
s'adonnent dircement ces fortes d'entre-
prifes. Mais, me direz-vous, comment peut-il
fo fire que ces ngocians aient avanc plus
que leur fortune ? Ceci eft facile dmontrer;
& l'tonnement cefie lorfqu'on lait que ce
n'eft que reffet de cette complication mcha-
nique & cet enchanement de liaifon, de
credit qui refferent dans le mame cerdle les
armateurs, les capitalizes & les maniifdtunriers.
B4





Les amateurs emploient les efforts de leur
fornunc & de leur indutirie. Les capitaliftes
prenncnt des intr.s dans les entreprifi de
ceuX.ci, &-leur avancent leurs fonds; les ma-
nuficuriers vendent de lotng termes les objets
qu'isabriquet ; c'cil cette liaifon qu'il faut
biend'e gurd-r de rompre.
'Le commerce Franois, l'agriculture que
le- commerce feul petit porter une grande
profpriti, tiennent leur vie, leur exilfence
de nos colonies; fe trouveroit-il des gens affez
infenfis pour rpdter un paradoxe aifurde
qu'on a dc1ij of infrer dans des feuilles ac-
cr&ditre& ? Oferoit-on vous dire que la France
peuit if maintenir liuvs le commerce, par la
(irce fieu' de fon agriculture ? Et avec quoi
MlM. lCs Franuois paierniecz-ils plus de cinq
cint millions de tributes, s'ils n'avoient la
ftr', & les r.louiircts fdcondes,du commerce,
& L.s prodaits d'une agriculture qe le com-
peirce rend profpere en mettant lesvconfom-
;nr.teu'rs en tat de payer les. denres un prix
plus Blev4 ? Si vous dcrez- jamais ou l'abo-
ltion de la traite des negres, ou la liberty des
elchayps, ou fi mame vious dtniifiez le com-
iierce erclCfitf de la mitropole avec nos co-





lonigs, le m4lheur qu'en traiineroient ces loix
mtiu-tricres & don't je ne vous fais qu'un tableau
rapid, ncefliteroient la banqueroute natio-
nale, ce flda&l terrible que vous prenez fi grand
foin d'vter. Ne nous le difimulons pas, mef-
fiiurs, la bainqciiroute fcroit notre ouvrage fi
une philantropie inipolitique nous portoit
fupprimer lai triite des noirs & le privilege
exclufif. Les banqueroutes nationals, difoit le
grand Newton, foit A cells des rois ce que
celles-ci font nux banqiierouiws des particu-
licrs.
Il cf tems de laire cefl'r des bruits injurieux
tous les membres de cette affemble, don't
on accuse tour tour une parties de dfirer la
banqueroute, Je fuis convaincu qu'il neft aucun
de nous qui ne s'emprcffe I fa>fir les moyens
qui lui front offers pour tliiver la chofe
publique doni on ne peurt e difimulcr les dan-
gers. Il s'en prrente uni moyen iujourd'hui, s'il
toil poflible, (ce (lue Ie fuis bien loin de
craindre) s'il roit poflible qu'il fit repoufrd,
le pci'iile connoitroit enfin fes vrais reprT-
fentaiins, il connoitroit ceux qui flipulent fes
vrais intIrrs.
Je vous prie d'obferver aufli, mcilieiurs,




a6
que les deux quefRions de la confirmation de
Ia traite & de refclavage, & celle des loix proq
hibitives fbnt indivifibles; car fi en prononant
fa confirmation de la traite vous ne prononciez
pas cette des loix prohibitives, ce feroit aux
Anglois que vous permettriez h traite des
noirs.
Javouc que je ne puis pas tre non plus
d'avis qu'une reticence fafle l'effet d'une
loi.
Si jamais, meffieurs, vous vous dcidiez
ne rendre, fur les objets qu'embraffe la pti-
tion de Bordcaux, qu'un dcret dilatoire ou
fidpenfif, vous ne feriez que prolonger les
doumes qui ont fi moricllrment frnpp le
commerce Franois depuis le commencement
de la revolution; ces doutes qui, dans le
port de Bordeaux feul, ont paralyf l'a&i-
vit de quatorze cent difx-neuf vaiffeaux;
croyez, meileurs, croyez que dans les rap-
ports de la politique come clans ceux du
commerce, les incertitudes font un poifon
lent, mais qui, coup tir portent plutt ou
plus tard une mort inevitable; la connoiflance
positive du mal eft prfrable cet tat criul,





qui finit par rendre ce mal infiniment plus
funefle & prefque toujours irreparable. Pefez
donc bien, mefieurs, clans votre fageffe ce
principle, & fongez qu'aucune confidration
humane ne peut arrter la determination de
vos penfes, de ce fens intime auquel vous
ne pouvez vous fouftaire fans que vous
en foyer rcfpoulable la France entire,
aux gnrations futures, an tribunal mme
de votre confidence, ce iuge fi'vere qui
vous pourfiivroit fans ccffe & qui vous
conldamn-.roit des regrets & des remords
d'autant plus afftux, que vous auriez mis la
lgiflature cpi vous fuccdera dans la doulou-
reufe impuiffince d'apporter aucun foulage-
ment falutaire aux malheurs infinis que vous
auricz thit nat;cr, & qui n'auroient pour bornes
que des ruines, las dvaflations & randantif-
fement de toutes les fortunes.
C'cnl dans cet efprit, mefieurs ,& convaincu
qu'il exifle encore un remde tant de maux,
mais qu'il faut fe hater de s'en fervir, & qu'un
feuil infant heur irreparable que je propofe le dcret
filivant.





i". Que l'affcmble national met fous fa
proteflion le commerce fianais, qu'vlle n'en-
rend rien changer celui de la trite des
noirs.
o.. Que lalibert rendue aux enclaves africains
qui exploitent les biens des habitans, ne pouvant
tre qu'un bienfait fimnefle pour eux ils con-
tinueront d'tre dans la poffeifion de ceux aux-
quels ils appartiennent; mais que comme les loix
puiffantes de l'humanit rclament pour eux les
plus grands gards & les plus grands foins, il fera
nomm un comit, compolf de membres de
l'affmble national qui appelleront eux
douze colons; c'efl-.-dire fix de lille Simint-
Domingue, uaitre de la Martinique & deux
(d li i(;adculoupe. Ce comit fera cltrg de fire
un proiet de oli & de police, qui tablilfe des
rapports humains & raiftnnables entire les co-
lons & leurs efclaves : ce project fer., remis
l'afemble avant la fin de la prfente lgiia-
ture, afin qu'elle y flatue.

3'. Que l'affemble ayant reconnu que les
diffrens rapports de la politique & du com-
merce lient tellement les colonies & la mtro-
pole, qu'il ne peut s'oprer aucun partage ni





liberty de commerce avec les puilffances tran-
geres, fans les plus grands danger, a dcrt
que le commerce des colonies f Vivement par les ngocans Franois ;mais que
pour Lfire cdcl-r toutes craintes de la part des
colons, relativement rappropifionnement des
colonies, il erioit form de jour autre, un
comit compof de douze colons, dans rordre
ci-dcffus tabli, & de douze ntocians Fr-n-
ois, pris dans les ports de Bordeaux Nantes,
Miieiltle, le Havre, Rayonne & Saint-Malo;
que ce comit s'occuperoit d'un project de loi
ou de riement par lequel le pouvoir ex-
cutif fe trouveroit dans l'obligation troite de
porter fur les colonies la ltrveillance la
plus adive, afin d'y maintenir une continuelle
abondance.
Cu proIjit de rglement fera rmis inceffam-
ment a lI'.l cmbil national qui s'en occu-
pern auifli-trt.

4. Les loix concernant l'adminiftration in-
tiicure (.W la colonie celle de fa juffice Ci
police, & ;rrndralemenrt route fon admindlr.-
tion p rticuli'rc, front rdiges dans chaque
colonies, au fIein d'une affemble colonial -





galement convoque, acceptes enfuire par le
corps Icgiflatif du royaume & fan~ionnes par
le roi.
50. Que tous les habitans des colonies fc;
ront aflimilds aux citoyens de la France, dans
tous les cas prvus & dktermins par la loi.

Nom. Le dcret qui a t rendu renferme
implicitement les difpofitions de celui que j'avois
propof ; mais elles me paroiffent moins
prononces,




F N.


De l'lmpmrimr de VxZA&o & LE NORMANT,
~ue tIde Prics Saint Grmain-l'Auxurroi, 1790.





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