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DOSSIERTribus et dmocratie. Le faux chocDCþoOUVþrirRIR L’EUþroROPþeELituanie plus tourne vers l’Est que le Sud N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 C urrierLe magazine des relations et Cooprations Afrique Carabes Pacifique et Union europenneLeRþeEPþorORTAGþeENiger. Pays, politique : Ombre et lumire
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Conseil Editorial Co-prsidents Sir John Kaputin, Secrtaire gnral Secrtariat du Groupe des Etats ACP www.acp.int M. Stefano Manservisi, Directeur-Gnral DG Dveloppement ec.europa.eu/development/ Rdaction Directeur et Rdacteur en chef Hegel Goutier Jounalistes Marie-Martine Buckens (Assistante Rdacteur en chef) Debra Percival Assistant Editorial, Production et recherche iconographique Joshua Massarenti Ont particip ce numro Elisabetta Degli Esposti Merli, Sandra Federici, Lagipoiva, Cherelle Jackson, Francis Kokutse, Souleymane Saddi Mazou, Anne-Marie Mouradian, Andrea Marchesini Reggiani, Okechukwu Romano Umelo et Joyce van Genderen-Naar Gestionnaire de projet Gerda Van Biervliet Coordination artistique, conception graphique Gregorie Desmons Relations publiques Andrea Marchesini Reggiani (Responsable Relations publiques et rseaux ONG et experts) Distribution Viva Xpress Logistics (www.vxlnet.be) Couverture Elaboration graphique de Gregorie Desmons Quatrime de couverture Brasero, Niger, 2009. Marie-Martine Buckens Contact Le Courrier 45, Rue de Trves 1040 Bruxelles Belgique (EU) info@acp-eucourier.info www.acp-eucourier.info Tel : +32 2 234 5061 Fax : +32 2 2801406 Publi tous les deux mois en franais, anglais, espagnole et portugaisPour toute information concernant l’abonnement, veuillez consulter notre site web www.acp-eucourier.info ou contacter info@acp-eucourier.info Editeur responsable Hegel Goutier Consortium Gopa-Cartermill Grand Angle Lai-momo Le Secrtariat ACP et l’Union europenne, membres du Conseil Editorial de la revue, dclinent toute responsabilit quant aux positions prises dans les articles du magazine Le Courrier. Le consortium et la rdaction dclinent toute responsabilit quant aux articles crits par les rdacteurs extrieurs l’quipe de rdaction et par tout rdacteur invit. L’Espace Senghor est un centre qui assure la promotion d’artistes venus des pays d’Afrique, Espace Senghor Centre culturel d’Etterbeek Bruxelles, Belgique www.acp-eucourier.infoVisitez notre site internet ! Vous y trouverez les articles, le magazine en pdf et d’autres infos
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SommaireLE COURRIER, N.13 NOUVELLE SERIE (N.S)PROFILEþ þ Jospeh Ma’ahanua, Ambassadeur des Iles Salomon auprs de l’UEþ 2 Karel De Gucht, Commissaire europen en charge du Dveloppement et de l’Aide humanitaireþ 3EDITORIALþ 5SANS DTOURLe futur rgime climatique pourrait faire la bonne fortune de l’Afriqueþ 6TOUþrR þd D’HþoriORIZþonON 8DOSSIERTribu. Mot vague, ralit concrte þ Race et Tribu l’preuve de la scienceþ 13 Une longue histoire de manipulation et de d-crdibilisationþ 15 Botswana, modle de dmocratie intgrant les tribusþ 17 Une personne hors paire, Maggy “la folle de Ruyigi†þ 18 Pacifique. Culture tribale et dmocratieþ 20 INTERACTIONþsSLa crise conomique au rendez-vous des DevDaysþ 21 Recherche sur le dveloppementþ 22 Intensification des ngociations mi-parcoursþ 23 Du gaz africain pour l’Europeþ 24 Deuxime sommet Afrique du Sud-Union europenneþ 24 Le boom des TIC en Afriqueþ 25 Comprendre l’Erythreþ 26 Casser le mythe de l’aide. Les remdes de Dambisa Moyoþ 28LA SOCIT CIVILE EN ACTIONAu-del des frontiresþ 29COMMERCEPour ou contre un accord sur les services dans le Pacifique ?þ 31 Les perspectives s’amliorent pour l’Afrique subsaharienneþ 32þZZOOMþ þ L’Hatien qui redonne vie aux grands monuments de France. Une journe dans la vie de Makingson Nespoulosþ 34 DE LA TERREþ 36 Le soleil du Sahara au secours de l’Europe ?þ REPORTAGELe Nord et le Sud se rencontrent au Nigerþ Le long chemin vers la dmocratieþ 39 La croissance dmographique reprsente l’un des grands dfis que le pays doit affronterþ 40 Un potentiel agricole important sous-exploitþ 42 La ranon du succsþ 43 La grande traverseþ 44 Renforcer la scurit alimentaireþ 45 Sortir de la “monoculture de l’uraniumâ€Ã¾ 47 La population nigrienne a toujours su prendre du recul face aux crises politiquesþ 48 La longue marche de la femme nigrienneþ 49 Forces centrifuges et parent plaisanterieþ 50 L’eau, facteur d’intgration rgionaleþ 50DCOUVRIR L’EUROPEVilniusþ Aux confins de l’UE mais en mme temps au centre de l’Europeþ 51 Une ville en perptuel changementþ 53 Quand le pass et le prsent se rencontrentþ 54 La politique lituanienne de dveloppement se tourne vers l’Estþ 55 Vilnius sous le signe de Culture Liveþ 57CRATIVITL’Afrique, fer de lance du designþ 59 Swaziland : investir dans la cultureþ 60 Kenya : un vent de changementþ 62AUX PLUS JEUNESTribus et dmocratieþ 63LA PAROLE AUX LECTEURS/CALENDRIERþ 64N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 C urrierLe magazine des relations et Cooprations Afrique Carabes Pacifique et Union europenneLe
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Grce aux 2,7 milliards de fonds intra-ACP octroys au titre du 10e Fonds europen de dvelop pement (FED) et la convo cation d’une runion des ministres du commerce des ACP mais aussi d’une ru nion ministrielle conjointe avec l’UE, “nous avons pu nouveau concentrer toute notre nergie sur le processus d’adoption de l’Accord de par tenariat conomique (APE) qui tait plus ou moins l’arrtâ€, explique l’ambassadeur. Pour les ACP, plusieurs questions doivent encore tre abordes dans le cadre du processus APE, notamment la crainte de diviser les blocs commerciaux dj existant en Afrique orientale et australe. Et il est essentiel que la Commission europenne (CE) prenne des engagements concrets en ce qui concerne l’aide commerciale accorder sous les APE, explique l’ambassadeur. La suppression des taxes l’exportation prvue par les APE pose problme pour de nombreuses rgions. “Aux Salomon, par exemple, les taxes l’exportation reprsentent 40% de l’ensemble des recettes gouvernementales. Dans le cas de la signature d’un APE, comment ferionsnous pour rcuprer les pertes fiscales ?†s’interroge M. Ma’ahanua. Sous sa prsidence, on a constat une participation accrue des ACP au dialogue politique avec l’UE. Une parti cipation prvue par les clauses 96 et 97 de la Convention de Cotonou et suscite lorsqu’un Etat ACP est jug comme n’ayant pas respect les “l ments essentiels†de la conven tion. “A l’heure actuelle, c’est comme si ces pays membres se retrouvaient devoir rpondre aux questions d’un juge devant un tribunalâ€, ironise l’ambas sadeur. “Avant d’assister aux runions de consultation, nous nous prparons, mais si la Commission europenne ou le prsident du Conseil dcident que vous n’tes pas prt, alors nous avons un problmeâ€, explique-t-il. Les ACP redou bleront d’efforts cet automne pour “amener la participation des ACP au niveau escomptâ€, ajoute-il. Sa prsidence a vu aussi l’mergence de propositions pour la rvision mi-parcours, prvue l’anne prochaine, de l’Accord de Cotonou. Les ACP souhaitent entre autres que le changement climatique figure de plein droit l’ordre du jour (voir l’article dans ce numro sur cette rvision). La toute premire runion des ministres ACP de la pche, qui doit devenir un vne ment annuel, a t un autre temps fort de la prsidence de Ma’ahanua : “De nombreux pays ACP dpendent de la pche. Et pour le Pacifique, ces ressources sont aussi pr cieuses que l’or.†Le renouvellement de la direc tion des ACP, au terme du mandat de cinq ans de l’actuel Secrtaire gnral Sir John Kaputin, a galement t exa min. Le nouveau SG sera originaire d’Afrique occidentale et succdera Sir John Kaputin en fvrier 2010. Ayant assur la prsidence lors du 34e anniversaire du groupe ACP, nous avons demand l’Ambas sadeur Ma’ahanua comment il envisageait l’avenir du groupe ACP aprs Cotonou : “Je pense que la solidarit et l’unit des ACP seront prservs. Nous devons nous adapter la nou velle donne. Les APE repr sentent des dfis importants. Au moment du lancement du processus de ngociation de Cotonou, d’aucuns ont parl d’un accord-cadre regroupant diffrents accords pour diff rentes rgions. Qui sait ? C’est peut-tre ce scnario qui s’im posera en 2020 [ l’expiration de Cotonou]. A moins que nous ne dcidions d’opter pour l’arrangement actuel.†P rofile“Une exprience enrichissante †Ambassadeur des Iles Salomon auprs de l’Union Europenne (UE), Joseph Ma’ahanua a aussi prsid le Comit des ambassadeurs ACP de fvrier juillet 2009, la prsidence de cette institution reposant sur une rotation semestrielle entre les rgions ACP. Il nous explique qu’en dpit de sa petite taille, son pays du Pacifique connat une priode d’intense activit. Et il est le premier remercier le Secrtariat ACP et ses sous-comits pour l’aide apporte durant ces temps forts. Debra Percival 2 Debra Percival
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Xous avez t nomm ce poste il y a quelques semaines. Quelles sont vos priorits pour la politique europenne de dveloppe ment ? Nous faisons face aujourd’hui de nombreux dfis qui concernent tout particulirement les pays en dveloppement. J’ai fait de ces dfis mes priorits. Tout d’abord, les pays en dveloppement ont t frapps de plein fouet par la crise conomique et financire et nous devons les aider se rtablir. Nous ne pouvons en effet nous permettre une nouvelle aggravation de l’instabilit sociale et politique dans le monde. L’autre dfi d’envergure qui nous attend sera de parvenir, Copenhague, un accord international ambitieux sur le changement climatique, un accord qui tienne compte des proccupations des pays en dveloppement. En ce qui concerne la politique europenne de dveloppement proprement dite, les dfis ne manquent pas non plus : l’Union europenne doit respecter ses engagements en termes d’aide officielle au dveloppement et la crise conomique et financire ne peut servir de prtexte pour justifier la non-ralisation de nos objectifs. Je suis convaincu que c’est dans notre intrt d’accrotre le volume de l’aide, comme cela a t prvu pour la ralisation des Objectifs du Millnaire pour le dveloppement. Il faudra aussi amliorer l’efficacit et la transparence de l’aide. Je m’engage veiller ce que le code de conduite sur la division du travail adopt il y a deux ans par les Etats membres soit appliqu plus grande chelle. Paralllement cela, nous ne pourrons amliorer l’aide au dveloppement qui si les pays en dveloppement amliorent, de leur ct, leur gouvernance. Quant aux aspects gographiques de notre politique du dveloppement, j’attacherai une attention particulire aux pays ou rgions en proie l’instabilit politique ou devant faire face des lections difficiles. Le 9 novembre, l’Europe commmorera le 20e anniversaire de la Chute du mur de Berlin, un vnement historique qui a ouvert la voie la dmocratie et l’organisation d’lections libres en Afrique. Vingt ans plus tard, compte tenu des vnements qui ont rcemment branl le continent (Gabon, Guine-Conakry, Niger, etc.), comment percevez-vous la bonne gouvernance en Afrique? Tout d’abord, je me rjouis que la bonne gouvernance et la dmocratique soient au centre des Journes europennes du dveloppement ; il s’agit en effet d’un aspect tout fait essentiel de notre politique de dveloppement. Les lections libres sont la cl de gouvernements lgitimes et fiables. Toutefois, la dmocratie ne repose pas seulement sur la tenue d’lections multipartites. La dmocratie suppose galement la libert de la presse, l’indpendance de la socit civile, un dbat anim et une coopration ouverte avec la communaut internationale. Enfin, elle repose sur le soutien de citoyens actifs et bien informs. Et lorsque l’ensemble de ces lments fait dfait, la tenue d’lection peut se rvler tre davantage un facteur d’instabilit que de stabilit. Quoi qu’il en soit, de telles situations ne doivent pas nous empcher de poursuivre nos efforts en vue de promouvoir la bonne gouvernance, d’aider les pays mettre en place des institutions crdibles et fiables et d’encourager les pays d’Afrique qui ont fait le choix du processus dmocratique. La confrence internationale sur le changement climatique aura lieu Copenhague en dcembre 2009. Tout le monde s’accorde sur son caractre crucial pour l’avenir de notre plante. Qu’est-ce que l’Union europenne est-elle prte faire sur ce dossier pour les pays ACP ? Je le rpte, l’impact du changement climatique sur les pays en dveloppement est l’un de mes grands dossiers prioritaires. Les pays en dveloppement – dont les ACP – sont les moins responsables de la problmatique du changement climatique, or ils seront les premiers en faire les frais. Une partie de l’aide humanitaire consentie par la Commission europenne dans de nombreux pays est incontestablement motive par des scheresses ou des ouragans, autant de manifestations du changement climatique. En tant que principaux responsables des missions de gaz effet de serre, les pays dvelopps ont une responsabilit toute particulire dans la lutte contre le changement climatique. Et ici, l’Union europenne joue un rle de premier plan. En septembre 2009, la Commission europenne a mis sur la table une initiative qui prvoit la fourniture d’une aide financire internationale aux pays les moins dvelopps, afin de les aider s’adapter aux consquences du changement climatique. Les besoins de financement sont estims 100 milliards d’euros par an d’ici 2020 et dans l’hypothse d’un accord ambitieux lors du sommet de Copenhague, la contribution financire de l’UE pourrait atteindre jusqu’ 15 milliards d’euros par an. Le financement et le partage du cot du changement climatique seront deux dossiers cls du sommet. Nous n’avons d’autre choix que de faire du sommet de Copenhague un succs, et pour cela, il faudra notamment prendre en compte les proccupations des pays bas revenus.Aide humanitaire et bonne gouvernance vont de pair Marie-Martine Buckens et Joshua Massarenti P rofile Karel De Gucht, Commissaire europen en charge du Dveloppement et de l’Aide humanitaire N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 3 Parlement europen V
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Makingson Nespoulos, peinture Virginie, la fille au cur sur la main . Photo Hegel Goutier (voir galement la rubrique “Zoomâ€, pages 34-35).
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N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 5 Les Journes europennes du dveloppement, seront encore cette anne fte et laboratoire du dveloppement. Cette anne elles auront fort faire pour sortir des solutions contre la crise conomique dans les pays pauvres, avec son lot de dgts sur la croissance, les aides sociales ou la protection contre les changements climatiques. Des JED sortiront certainement de nombreuses ides pour une meilleure utilisation de l’aide au dveloppement. Et les dbats sur ce sujet seront anims entre reprsentants d’institutions et des organisations non gouvernementales. D’autant que nombre d’entre eux auront l’esprit l’opuscule corrosif de Dambisa Moyo Dead Aid (L’Aide fatale). Qui fait, lui, sa fte l’aide publique, cassant “le mythe de l’aide†en montrant que celle-ci ne peut pas dvelopper un pays et en vituprant les divisions d’experts qui en vivent. Sous cet horizon gris, il y a des pans de lumire. Que nous dcouvrons aussi dans ce numro de la revue. L’Afrique n’aurait jamais t aussi dynamique qu’aujourd’hui en matire des technologies de l’information et de la communication. Mme, elle tire quelque profit de la crise, comme l’augmentation de prix de ses matires premires. Et on s’attend ce que le prochain G20 se positionne en faveur de prts consquents au continent. Il y a aussi le soleil du Sahara dont un projet ambitieux sur le captage de son nergie par des panneaux photovoltaques pour la convoyer vers l’Europe, fait miroiter des fortunes. Aux yeux de ses promoteurs europens. Projet a priori sduisant mais grev de risques potentiels dont celui de rchauffement de la temprature globale et d’appauvrissement de la nappe phratique. En Afrique. Se laver les mains et les essuyer par terre, comme dit un proverbe hatien ? Ce projet pharaonique a un cot estim des centaines de milliards de dollars. Ah Kant ! “Tout ce qui a un prix n’a pas une valeur.†Sa laver les mains Applicable aussi au Niger, le pays o le Nord et le Sud, o peuples noirs et peuples arabes se rencontrent. Qui fait l’objet du grand reportage du Courrier. O un prsident qui avait consacr la dmocratisation de son pays, a enfreint la propre constitution qu’il avait fait voter pour pouvoir se reprsenter aux lections, jetant du mme coup des troubles l’intrieur et de l’ombre sur ses relations avec ses partenaires occidentaux. Le grand dossier de ce numro du Courrier est “Tribus et dmocratieâ€. O il apparait que ces deux vocables sont loin d’tre aussi antinomiques que de vieux prjugs le considrent ; et ce d’autant que le premier remplac par des circonlocutions bienpensantes comme groupes, communauts, ethnies ou nations couvrent quasiment la mme ralit. Ce n’est pas l’histoire de la Lituanie, couverte dans ce numro de la revue, si souvent maltraite par des hordes et des nations voisines, qui nous dmentira. Une histoire qui a aussi vu certains de ses fils s’en prendre, des priodes pas trop loignes, sa minorit juive. Malgr des moyens limits, et la crise, ce pays fait de grands efforts pour venir en aide ces voisins de l’Est et envisage de se tourner aussi vers les ACP. Hegel Goutier Rdacteur en chef Faire sa fte la crise Editorial L Makingson Nespoulos, peinture Virginie, la fille au cur sur la main . Photo Hegel Goutier (voir galement la rubrique “Zoomâ€, pages 34-35).
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Youba Sokona sait de quoi il parle. Cet ingnieur, autrefois professeur l’Ecole Nationale d’Ingnieurs de Bamako au Mali, est rgulirement sollicit pour faire partie de groupes de rflexions stratgiques au sein des organisations internationales et des Secrtariats des Conventions sur le climat, la biodiversit ou la lutte contre la dsertification. Tout en assurant, depuis 2004, la direction de l’Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS – www.oss-online.org). Interview. A Copenhague, les pays du Sud devront s’assurer que les pays industrialiss reconnaissent la “dette†climatique qu’ils ont vis--vis d’eux. Pensez-vous, au vu des ngociations, qu’ils y parviendront ? D’une certaine manire oui. C’est un acquis. Mme s’il y a encore des pays industrialiss qui remettent en cause l’historique de l’accumulation des gaz effet de serre (GES). En revanche, il y a des difficults amener les grands pays en dveloppement prendre des engagements chiffrs, ces pays mergents comme l’Inde, la Chine, le Brsil ou l’Afrique du Sud. Et puis, bien sr, il y a la position des Etats-Unis qui pose encore problme. Quoiqu’il en soit, on n’a pas deux solutions au problme du changement climatique : il faut rduire de manire drastique les GES. L’adaptation n’est pas une solution, elle n’est l que pour aider. Or, actuellement, tout ce qu’on propose ne va pas dans le sens d’une diminution. Prenez le cas du mcanisme de dveloppement propre (MDP), qui permet aux industriels du Nord qui investissent dans la rhabilitation nergtique de projets dans les pays du Sud de gagner des crdits carbone : cela n’est pas une solution. Cela leur permet uniquement de gagner du temps. En outre tous ces mcanismes ne reprsentent pas grand-chose en terme de rduction des gaz effet de serre. Que ce soit le MDP, ou encore la bourse de CO2, le protocole de Kyoto n’a pas permis de juguler les missions. Au contraire, ces dernires ont augment. Il faudrait, selon les estimations, qu’on arrive rduire, en 2030, les missions de GES de 80% par rapport aux missions de 1990. Cette date de rfrence est importante, car certains pays avancent des rductions sans faire rfrence une anne. Mais pour les pays du Sud, les ACP en particulier, que convient-il de faire ? S’agissant des ACP, ce qui est fondamentalement important, puisque ces pays n’ont pas particip l’augmentation des GES, c’est la mise en place de mcanismes perS ans dtourInterview ralise par Marie-Martine Buckens6 Le futur rgime climatique pourrait faire la bonne fortune de l’Afrique Les compensations que les pays pauvres du Sud sont en droit de rclamer aux pays industrialiss responsables de l’augmentation des gaz effet de serre leur permettraient de mettre en place une conomie nergtique libre de carbone. A condition, prvient Youba Sokona , que les rsultats des ngociations sur le climat qui se tiendront Copenhague en dcembre soient quitables.Youba Sokona. OSS
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7 N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 mettant de s’adapter. Or, structurellement, il est difficile de faire la diffrence entre les mesures d’adaptation et les mesures en faveur du dveloppement. Pourtant, cette diffrentiation est importante. Les pays industrialiss se sont engags consacrer 0,7% de leur PIB au dveloppement. Il faudrait s’assurer que cet engagement puisse tre transparent et qu’il ne constitue pas un fourre-tout de mesures en faveur tant du dveloppement que de l’adaptation. Il faudrait donc un financement additionnel, condition que les pays ACP fassent une valuation correcte de ce qu’ils doivent mettre en uvre court, moyen et long terme. Pour l’heure, aucune analyse srieuse n’a t faite qui permettrait d’valuer, par pays, les besoins ncessaires pour faire face ces changements. Des analyses qui se feraient trois horizons diffrents : au court terme, la mise en place d’institutions, de procdures permettant de revoir les stratgies nationales et d’y inclure la donne climatique ; moyen terme, c’est--dire d’ici cinq ans, valuer les ressources financires ncessaires. Ensuite, chiffrer les mesures ncessaires de 10 20 ans et les intgrer dans les stratgies nationales sectorielles. Il y a eu beaucoup d’effets d’annonce concer nant le climat et le dveloppement. Il s’ensuit un dficit de confiance des pays en dvelop pement vis--vis des pays industrialiss. C’est quelque chose qu’il faut tout prix viter. Pensez-vous que les pays du Sud, singulirement africains, sont bien prpars pour les ngociations de Copenhague ? Malheureusement, les pays africains se rveillent quand il est trop tard. Plusieurs organisations rgionales ont demand notre avis, mais bien tard. Il n’empche. A ct des MDP dont il faut absolument rviser le mcanisme, l’important est de se concentrer sur le Fonds d’adaptation qui a t mis en place et dont le Conseil va se runir Bonn, avant la confrence de Copenhague, afin d’tablir les critres de ce fonds. Il faudra tre vigilant afin que les mcanismes rpondent nos besoins. Ceci dit, vous pensez que l’Afrique jouit d’un avantage certain : elle n’a pas convertir une conomie non durable qu’elle ne possde pas Nous jouissons d’un avantage : nos infrastructures de base ne sont pas en place. Profitons-en pour les inscrire dans un modle durable, conome ou libre mme de carbone. Il s’agit de dfendre ce projet. La question est : avons-nous l’opportunit de le faire ? Parfois je me le demande. J’ai l’impression que les pays du Nord n’aiment pas voir l’mergence d’institutions fortes au Sud. Ainsi, depuis des annes j’ai dfendu l’ide de mettre au point des critres, d’laborer des outils pour les pays du Sud leur permettant de s’adapter au changement climatique. Avec d’autres scientifiques nous avons mme dpos un projet pouvant tre cofinanc par l’Europe. Il nous a t rpondu que quoique intressant, le projet n’tait pas ligible. Pour revenir aux MDP, depuis 1998, je me bats pour faire reconnatre que ce mcanisme n’est pas fait pour les pays pauvres. Il devrait tre rserv aux pays mergents et aux pays en dveloppement hauts revenus comme l’Afrique du Sud. Le cot de transaction de ce mcanisme est trop lev pour des pays pauvres, fortiori pour les pays les moins avancs (PMA). En aucun cas, ce mcanisme doit tre assimil un mcanisme dit d’adap tation. Par contre, on peut imaginer un fonds global pour l’environnement qui soit mis au service du dveloppement durable des pays pauvres pour les aider mettre en place une conomie dcarbonise. In fine, on peut se poser la question : comment atteindre les Objectifs du Millnaire pour le dveloppe ment (OMD) sans mettre de gaz effet de serre ? Mots-cls Youba Sokona ; climat ; MDP ; fonds d’adaptation ; Copenhague ; ACP ; Afrique. Luisa Morgantini at the European Parliament. EP Sans dtour Inondations Kliptown en Afrique du Sud, 1970. Drum Social Histories/Africa Media OnlineInondations au Mozambique. Reporters^ Terre argileuse assche dans la rgion de Zinguinchor, ^ Sngal. Reporters
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A peine investie dans sa nouvelle fonction, l’ancienne magistrate et juge anti-corruption franaise a donn le ton. Interpellant la banque BNP Paribas sur sa prsence dans des paradis fiscaux comme Chypre, le Luxembourg et les Iles Caman, elle a appel la “cration d’une commission d’enqute charge d’tablir le rle des para dis fiscaux en matire de dveloppementâ€. Eva Joly justifie sa demande par le fait que dans son “travail sur l’Afriqueâ€, elle et ses collgues ont “vu trop souvent la BNP impli que dans des montages sur le ptrole qui permettaient aux chefs d’Etat de dgager des fonds dans leurs propres comptes ouverts dans les paradis fiscauxâ€. Elle se battra galement “pour que le dveloppement ne soit pas sacrifi cause de la crise financire ou du changement climatiqueâ€. “Mme Joly sera une prsidente efficace et redoutable†prdit un de ses collgues. Des quatre vice-prsidents de la commis sion, la Franaise Michle Striffler (PPE, France), est la seule faire ses premiers pas d’eurodput. Le conservateur britannique Nirj Deva fte, quant lui, ses dix ans de prsence, alors que la snatrice rou maine Corina Cretu (Alliance progressiste des socialistes et dmocrates) en est membre depuis l’adhsion de son pays l’UE en 2007 et la chanteuse Iva Zanicchi (PPE, Italie) y est entre en 2008. Dans l’ensemble, l’image du Parlement qui a vu le renouvellement de plus de 50% de ses lus, la commission du dveloppement a t largement recompose. A noter, le dpart de poids lourds comme la bouillonnante Luisa Morgantini, Marie-Arlette Carlotti, Thierry Cornillet La combative Glenys Kinnock, eurodpute depuis 1994 et coprsidente de l’Assemble parlementaire paritaire depuis 2002, a quitt ses fonctions le 5 juin pour devenir secrtaire d’Etat aux Affaires europennes du gouvernement britannique. La socialiste belge Vronique De Keyser repart, elle, pour une troisime lgislature. La premire tche de la rentre de la com mission a t l’audition de Karel De Gucht, le nouveau commissaire au dveloppement dsign pour remplacer Louis Michel lu dput europen. En rponse Vronique De Keyser qui lui demandait si son “francparler lgendaire†ne risquait pas de conduire l’UE dans des “drapages diploma tiques incontrlsâ€, l’ancien ministre belge des Affaires trangres a tenu relativiser sa rputation : “En cinq ans, ce n’est arriv qu’une seule fois. Avec Kabila†a t-il affirm tout en assurant qu’il peut se contrler “sans pour autant renoncer dire la vritâ€. Grand oral russi pour le nouveau com missaire au dveloppement qui a rpondu au feu nourri de questions des eurodputs sur des sujets allant de la crise financire et du changement climatique aux droits de l’homme, aux Accords de partenariat conomique et au financement de la politique de dveloppement. “Il connat parfaitement sa matire†a apprci Louis Michel.Une ancienne juge anti-corruption la tte de la commission parlementaire du dveloppement Dans le nouveau Parlement europen, certains s’attendaient la voir la tte de la commission des liberts civiles et de la justice ou du contrle budgtaire. Mais c’est la commission du dveloppement qu’Eva Joly (Verts/ALE), lue sur la liste Europe Ecologie, prside depuis juillet. Elle y succde l’Espagnol Josep Borrell Fontelles. Anne-Marie MouradianA T our d’horizon8 De haut en bas:Eva Joly PEIva Zanicchi PENirj Deva www.nirjdeva.comCorina Cretu PEMichle Striffler PE
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9 N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 T our d’horizon L’Afrique passe aux urnes Souleymane Saddi Mazou*>þ Gabon : le fils du dfunt prsident succde son pre Ali Bongo 50 ans, candidat du Parti dmocratique gabonais (PDG), fils du prsident Omar Bongo Ondimba, dcd en juin 2009 – aprs 41 ans de pouvoir –, a t lu le 30 aot dernier prsident de la Rpublique du Gabon avec 41,73% des voix, l’issue d’un scrutin tour unique. Ses rivaux, Andr Mba Obam, class deuxime avec 25,88%, Pierre Mamboundou arriv troisime avec 25,22% et les autres quatorze candidats malheureux cette lection contestent ce rsultat. Selon eux, il y a eu de graves manipulations de bourrage des urnes et de gonflement des listes lectorales. Des incidents sont intervenus Libreville (la capitale) et Port-Gentil (ouest du pays et fief de l’opposition) o le consulat de France a t incendi. Ces opposants qui aspirent au changement et l’alternance dans ce pays de l’Afrique centrale peupl de prs de 1,5 million d’habitants tenaient des propos hostiles Ali Bongo et la France – pays colonisateur du Gabon – accus de leur avoir impos le fils du prsident dfunt pour prserver leurs intrts. Un bilan officiel fait tat de trois morts, mais l’opposition gabonaise affirme que ce chiffre est bien plus important et exige une enqute internationale pour dterminer la gravit des faits de violation des droits de l’homme. Le nouveau prsident a promis une distribution quitable des revenus dans ce pays trs riche en ptrole, mais o plus de 60% de la population est affecte par la pauvret. >þ Congo Brazzaville : Denis Sassou Nguesso succde lui-mmeLe 12 juillet 2009, Denis Sassou Nguesso prsident sortant de la Rpublique du Congo Brazzaville a t rlu avec un taux de 78,16% des suffrages exprims “valablesâ€. Le prsident rlu a dj puis un mandat de 7 ans, suite aux lections de 2002. Ce scrutin n’a pas connu un engouement important des lecteurs. Aux yeux des observateurs nationaux et internationaux, le vote a t timide suite au mot d’ordre de l’opposition qui a appel au boycott. L’opposition a introduit une requte auprs de la Cour constitutionnelle pour demander l’annulation dudit scrutin qu’elle juge entach de fraudes et d’irrgularits. La Cour a rejet la requte estimant que les affirmations ne sont pas tayes de preuves. >þ Guine Bissau : le candidat du parti au pouvoir remporte l’lection prsidentielle Le second tour de l’lection prsidentielle du 26 juillet 2009 en Guine Bissau, a t remport par Mallam Baca Sanha, candidat du parti au pouvoir. Il a obtenu 63,52% des voix tandis que son rival Koumba Yala – ancien prsident de Guine Bissau de 2000 2003 – a recueilli 38,48% des voix. Ce dernier a reconnu sa dfaite en acceptant les rsultats des urnes. La Communaut internationale qui a entirement financ cette lection a salu son bon droulement. Cette lection anticipe a t organise dans un contexte de tensions, aprs une srie d’assassinats. En mars dernier, le prsident Vieira a t tu par des militaires, quelques heures aprs l’assassinat du chef d’Etat-major de l’arme, le gnral Tagm Na Wae, dans un attentat la bombe Bissau. La Guine Bissau, dont le principal produit d’exportation est l’anacarde, est devenue selon l’ONU une plaque tournante en Afrique de l’ouest du trafic de cocane d’Amrique du Sud vers l’Europe. * Journaliste bas au Niger.Les gens font la queue devant une boulangerie qui vient de rouvrir aprs les rcentes meutes qui ont suivi les lections Port Gentil, Gabon, 2009. Reporters/APUn soldat gabonais et un dtenu passant devant d’anciennes affiches lectorales dans le centre de Libreville, Gabon, 2009. Reporters/AP
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Le Secrtaire gnral des ACP en faveur d’un groupe de “ personnalits minentes †ACP Sir John Kaputin a expliqu que ce groupe de sommits “formulerait des propositions concrtes et des recommandations sur l’avenir du Groupe ACP lors de son prochain sommet des chefs d’Etat et de gouvernementâ€. “Le groupe a la capacit et le devoir de com battre la pauvretâ€, ajoutant que les ACP “peuvent et vont radicalement changer la vie de bien des habitants de la rgionâ€. “A cet gard, les 15 pays ACP du Pacifique peuvent apporter une prcieuse contribution et faire voluer la notion de coopration au dveloppementâ€. Et de poursuivre: “Il faut insuffler du sang neuf nos relations avec notre principal partenaire, l’Union europenne et, en mme temps, tendre et renforcer nos relations avec d’autres acteurs internationaux au bnfice de nos pays, et donc de nos habitants. Je suis convaincu qu’un groupe constitu de per sonnalits minentes des ACP serait de bon conseil pour nos dirigeantsâ€. En prparation du forum, les gouvernements des pays du Pacifique et les reprsentants d’organisations rgionales se sont penchs sur l’aide de l’UE et sur les relations com merciales dans la rgion. Les participants au Forum, prsid par Toke Talagi, Premier ministre de Niue, se sont flicits de la sig nature, au titre du 10e Fonds europen de dveloppement 2008-2013, du Programme indicatif rgional entre la Commission europenne et la rgion du Pacifique, le 15 novembre 2008. Sur les 95 millions d’euros affects par la CE au programme, 85 millions permettront de financer deux domaines cls : 45 millions l’intgration conomique rgionale et 40 millions la gestion durable des ressources naturelles et de l’environnement. Les 10 millions restants financeront le renforce ment organisationnel et la participation de la socit civile. La runion prliminaire et le forum qui a suivi ont rassembl les dirigeants du Groupe Pacifique et des reprsentants des Iles Cook, des Etats Fdraux de Micronsie, de Niue, de Nauru, de Papouasie Nouvelle Guine, des Iles Marshall, de Samoa, des Iles Salomon, de Tuvalu, de Tonga et Vanuatu, de Kiribati, de Palau et de Timor-Leste.Lors d’une confrence de presse l’occasion du 40e Forum des Iles du Pacifique, organis le 6 aot Cairns, en Australie, le Secrtaire gnral du Groupe ACP (Afrique, Carabes et Pacifique) Sir John Kaputin a appel les dirigeants du Pacifique jouer un rle rellement directeur au sein des ACP en proposant la cration d’un groupe de “personnalits minentes†reprsentant les six rgions ACP du groupe . Okechukwu Romano Umelo Forum Pacifique10 Tour d’horizon Les pays du Pacifique se penchent sur l’avenir du Groupe ACP et sur leur rle au sein de celui-ci Les chefs d’Etat au 40e Forum des Iles du Pacifique. Secrtariat Forum du Pacifique Sir John Kaputin. Secrtariat ACP
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Un montant pouvant atteindre 63 millions d’euros sera allou en 2010 des projets de recherche visant amliorer les conditions sanitaires ainsi que l’approvisionnement en eau et la scurit alimentaire en Afrique. Cette inititative de l’UE vise renforcer la capacit de recherche du continent, lui permettant de contribuer son dveloppement. 11 N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 T our d’horizon Cette initiative spciale pour l’Afrique aborde certains des objectifs scientifiques et tech nologiques figurant dans le parte nariat stratgique Union africaine-Union europenne scell en dcembre 2007 entre la Commission europenne et la Commission de l’Union africaine. Le financement se fera sur base d’un appel propositions, prsent officiellement le 18 septembre dernier Bruxelles, tous les acteurs potentielle ment intresss. Janez Potocnik, membre de la Commission europenne charg de la science et de la recherche, a dclar: “Avec cet appel ‘Afrique’, nous passons de la parole aux actes. Le partenariat stratgique UA-UE tire parti du potentiel de la science et de la technologie pour rpondre aux dfis que connat l’Afrique en matire d’eau, de scurit alimentaire et de sant. Il rassemble des chercheurs d’Europe et d’Afrique dans le vritable esprit du partenariat : nous tra vaillons non seulement pour l’Afrique, mais avec elle.†L’appel propositions est la premire initiative entirement consacre l’Afrique dans le cadre de l’actuel, et septime, programme-cadre de recherche de l’UE (7e PC) dot d’un budget de 50,5 milliards d’euros pour la priode 2007-2013. L’appel rassemble plusieurs thmes inscrits dans le 7e PC : sant (39 millions d’euros), environnement (17,5 millions d’euros) et alimentation, agriculture, pche et biotechnologies (6,5 millions d’euros). Les projets slectionns tiendront compte en outre de facteurs socioconomiques plus gnraux, tels que les migrations et la rinstallation, l’urbanisation, les systmes de soins de sant, la fluctuation des prix de l’alimentation et de l’nergie, etc. L’appel “Afrique†s’articule autour de deux grands enjeux : l’eau et la scurit alimentaire, et la sant. Dans le premier cas, les projets slectionns s’attacheront amliorer l’approvisionnement en eau potable, l’assainissement et l’hygine. Ils auront pour but de revitaliser l’agriculture, de promouvoir des systmes de production plus durables et d’assurer la scurit alimentaire. Ils chercheront aussi diminuer la vulnrabilit de l’Afrique face aux consquences attendues du change ment climatique, en crant des systmes d’alerte rapide et de prvision concernant les menaces telles que les scheresses ou les maladies vecteurs. Les projets “sant†slectionns porter ont principalement sur la rduction de la charge de morbidit lie au paludisme, l’amlioration du diagnostic prcoce et du traitement des cancers les plus frquents lis des infections, l’amlioration de la sant maternelle et prinatale, l’valuation de la sant des migrants et les solutions la pnurie de personnel de sant.>þ Recherche collaborative Tous les projets feront intervenir des acteurs locaux. Deux ou trois partenaires au moins, selon le type de projet, doivent tre tablis dans un pays africain. Les projets retenus encourageront le renforcement des capacits en promouvant la recherche et la formation universitaires, la cration de rseaux et la mise en place de capacits durables de recherche dans le domaine de la sant. M.M.B.Des fonds UE pour la recherche en Afrique Moustique de la malaria. Reporters/Sheila Terry (Photothque scientifique)
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Tribu Mot vague, ralit concrte Le mot tribu semble couvert d’op probre. De sorte qu’il est de plus en plus remplac par d’autres ou par des ellipses comme ethnie, communaut, communaut ethnique, groupe ethnique ou mme groupe communautaire. Derrire le mot, il y a une ralit. Un Bambara du Mali ou un Peul du Sngal ou un Luba du Congo a un sentiment d’appartenance une entit. Comme un Flamand de Belgique ou un Catalan d’Espagne. Derrire le politiquement correct, que veut dire ou que ne veut pas dire le mot tribu ? Serait-il indubitablement associ tribalisme ; en d’autre termes, celui qui se rclame d’une tribu oriente-t-il tous ses choix surtout politiques en fonction de cette appartenance? Et celle-ci serait-elle incompatible avec la dmocratie et la bonne gouvernance ou plus incompatible que d’autres accointances comme la classe sociale, le lieu d’habitation (urbain ou rural), le niveau d’tudes, la religion ? Il apparait que le mot tribu ne pose pas problme et ne revt aucune connotation ngative que dans les langues des tribus africaines ou extrme-orientales par exem ple. En swahili, tribu se traduit par “kabilaâ€. Le verbe kabili signifie, en anglais, “to face towards†(Dictionnaire Ty Teach yourself, par D. V. Perrott, Ed Hodder & Stoughton UK 1999) ; en franais, tre en avant, faire face , pencher vers, tendre , tre bien dis pos envers, avoir tendance et rarement “affronter†(Dictionnaire swahili franais par Alphonse Lenselaer, Ed Karthala 1983). Un swahilophone n’prouve pas de gne l’utiliser l’gard de sa communaut. >þ Tribu dans l’ancien monde europen Quand la cit athnienne tait encore une royaut, sa population tait divise en quatre tribus (phylai) qui taient plutt des subdi visions, en principe ethniques, de personnes censes descendre d’un mme anctre. Il en aurait t de mme des douze tribus d’Isral. Une vague consonance du mot tribu/tribe ne fera son apparition que dans la Rome antique et serait issue de “tri†(trois) pour les trois classes de la socit. Ce que rfu tent des tymologistes comme Alain Rey et son quipe (Dictionnaire historique de la langue Franaise Le Robert) parce que la socit romaine tait divise en quatre groupes sociaux et non trois. Toujours est-t-il que nombre d’encyclopdies font rfrence cette tymologie. Beaucoup d’ouvrages de rfrence affichent un embarras par rapport ce vocable. Ou alarment avec une note spciale, comme c’est le cas pour le “Concise Oxford English Dictionary†(2006) : “Dans un contexte his torique, le terme ‘tribu’ est largement accep t Toutefois, ce terme peut poser problme lorsqu’il est utilis pour dsigner des socits traditionnelles. Il est en effet associ aux attitudes des anciens colons blancs l’gard des peuples dit primitifs ou non civiliss. Il Un dossier de þH Hegel GoutierL12 D ossier LMasai. Reporters/Photononstop
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Mots-cls Tribu ; ethnie ; communaut. est ds lors gnralement prfrable d’utiliser d’autres termes comme ‘communauts’ ou ‘peuple’â€. C’est une explication claire qui ne met pas en cause le contenu “tribu†mais les prjugs ports sur lui. “Le nouveau petit Robert de la Langue Franaise†2008 a recours au participe “suppose†pour prserver sa neutralit : “Groupe social et politique fond sur une parent ethnique relle ou suppose, chez les peuples organisation primitiveâ€. On pourrait ajouter que plusieurs mots trs pratiques et sans connotation ngative vien nent du mot tribu. Comme attribuer, contri buer, rtribuer, tribun, tribunal, tribut. La plupart des dictionnaires proposent explicite ment d’utiliser la place “ethnie†ou “groupe†ou “communaut†non parce que ces mots sont plus prcis mais parce qu’ils sont moins chargs des prjugs de la priode coloniale. Toutes ces rflexions butent sur une ralit. Quelque soit le mot retenu, le prjug est sous-jacent. On ne parle pas souvent d’ethnie flamande, catalane ou basque. Le mot ethnie qui semble avoir la cote est dj gnralement utilis pour dsigner des populations, d’Afri que, du Pacifique parfois, d’Indiens d’Am riques ou de zones “suspectesâ€. Dans cette dernire catgorie figurent des expressions dont les mdias ressassent et qui concernent l’Afghanistan ou sa zone tampon avec le Pakistan : “tribus ou ethnies ou zones triba les pachtoun, baloutches, Mehsud, Hazaras ; ou encore des “tribus Ougour et Zhungaer en face de l’ethnie Han†lors des conflits de juillet dernier en Chine. Par ailleurs, “ethnie†est trop lie la gn tique pour ne pas tre gnant. Quand le mot ne retombe pas dans le vague : “Ensemble d’individus que rapprochent un certain nom bre de caractres de civilisations, notamment la communaut de langue et de culture L’ethnie franaise englobe notamment la Belgique wallonne, la Suisse romande, le Canadaâ€, dixit Le Petit Robertâ€. En termes de dmocratie, on peut ne pas utiliser le mot tribu. Pourvu qu’on respecte le sentiment d’appartenance d’une partie d’une nation sans prjudice du droit des autres. Race et Tribu l’preuve de la scienceUne tribu serait une population relativement restreinte dont les membres remonteraient des anctres communs ou seraient en tout cas ethniquement proches, avec une mme culture et une mme langue ou des langues proches. Et ventuellement avec un systme d’organisation primitif. Une communaut, une ethnie ou une nation serait autre chose sur le plan ethnique, linguistique, sociale et politique. Ce n’est pas le point de vue des scientifiques pour qui et race et tribu ne sont pas des concepts de la biologie.13 N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 Tribus et dmocratie D ossier “L’Ethiopie a particip la cration de ce qu’on considre aujourd’hui comme les trois religions monothistesâ€. Reporters
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Mots-cls Tribu ; race ; ethnie ; langage ; nation ; nomades ; Afrique ; Jacques Ruffi. Organisation primitive ? Les tribus d’Ethiopie ont particip trs tt l’rection de ce qui est considr comme les trois grandes religions monothistes. Celles du Nigria ont cr des techniques aussi fondamentales pour le dveloppement humain que la mtallurgie du fer. Les premiers pharaons avaient dvelopp leurs savoirs et leurs techniques en Nubie (le Soudan d’aujourd’hui). Population restreinte ? La seule tribu Yoruba se retrouve au Nigria, au Bnin, au Ghana et au Togo. Rien qu’au Nigria, sa population actuelle est estime plus de 30 millions d’habitant – la moiti de la population de la France ; l’ensemble de la tribu parle la langue yoruba. >þ Etres humains : trop nomades pour tre d’une race Sur le plan de la biologie, les tribus africaines ne sont pas plus unies gntiquement que n’importe quelle autre communaut dans le monde. On n’est pas d’une tribu par le sang uniquement mais aussi par adoption, par mariage et parfois par simple rsidence, quand ce n’est pas par une dcision admi nistrative. Aucune communaut humaine ne vit assez longtemps entre soi pour devenir un groupe gntiquement trs homogne. C’est pour cela que les biologistes sont quasi unanimes sur le fait que la “raciation†n’a jamais eu lieu dans l’espce humaine. Tout vivant animal ou vgtal se situe normalement au bout d’une branche qui part du phylum (aussi dnomm embranchement) – celui des mam mifres ou des oiseaux par exemple – qui se divise successivement en classes, ordres, genres, espces et races. Cette classification tait base pour l’essentiel sur des caractres phnotypiques, en d’autres termes sur les apparences. Le dernier maillon, la race, n’existerait pas chez l’homme. L’espce humaine est une. Jacques Ruffi (1921-1924)*, hmatologue, gnticien et anthropologue, crateur de l’hmotypologie, a dmontr que les phno types comme la couleur de la peau sont trop superficiels pour rvler une filiation entre un individu et une population et entre une population et une autre. Seules certaines protines sriques (du srum sanguin) le per mettent. Les premires recherches de Ruffi avaient t menes sur les populations bas ques et pyrnennes. Elles avaient conduit remplacer scientifiquement la notion de race par celle de population. Elles avaient notamment montr l’avantage des mlanges de populations, donc du mtissage. Ruffi et une plthore de biologistes sa suite ont insist sur le fait que les diffrences entre les groupes dits raciaux sont culturelles et non biologiques. Pour lui, ce qui est valable sur ce plan pour les races, l’est tout autant pour les tribus ou les communauts quelconques dans le monde.* Notamment De la biologie la culture , Ed. Flammarion, coll. Nouvelle Bibliothque scientifi que, Paris 1976 ; Trait du vivant , Ed. Fayard, coll. Le temps des sciences, Paris 1982 Ruffi sur les races et les tribus dans De la Biologie la culture. “Chez l’homme, les races n’existent pas... l’anthropologie moderne a pulv ris, au propre comme au figur, la no tion de race.†“Pour le total des populations tudies (que l’on peut considrer comme un chantillonnage de l’espce humaine prise dans son ensemble), plus de 85% de la variabilit intervient l’intrieur des tribus ou des nations ; 7% de la variabilit spare les tribus ou nations appartenant la mme ‘race’ traditionnelle ; 7% de la variabilit spare les ‘races’ tradition nelles (jaunes, blancs, noirs). En d’autres termes, des individus d’un mme groupe diffrent beaucoup plus entre eux que ne diffrent les tribus entre elles ou les ‘races’ entre elles. La variation est plus forte au niveau individuel qu’au niveau racial. Ceci dmontre le peu de valeur que l’on doit accorder aujourd’hui sur le plan biologique ou concept de races hu maines.†14 D ossier Tribus et dmocratie “C’est en Nubie que les premiers pharaons ont dvelopp leurs connaissances et leurs techniquesâ€. ReportersPopulation basque. ReportersA droite Reporters
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>þ Heures de gloire des tribusEntre le VIIIe et le XVIe sicle, de grands empires s’rigeaient en Afrique. Les territoires du Ghana, du Mali ou Songha avaient un systme d’organisation politique comparable en bien des points avec celui de plusieurs pays d’Europe la mme poque. L’Empire du Mali fait partie de ceux avoir conserv plus de traces tangibles de dveloppement technique comme l’architecture de villes comme Djenn ou Sgou. Il y existait un quilibre politique entre les tribus et entre les populations noires et blanches (d’origine arabe). Elles avaient su se crer plus qu’une histoire, une mythologie commune. Toutes descendent du mme dieu serpent. Que de plus fort qu’un mythe pour fonder une nation ! Les Touaregs du Mali, tout en tant la seule communaut blanche du pays, se dsignent eux-mmes comme des “Kel-Tamashek†– ou par ellipse les Tamashek. Donc ceux qui parlent le tamashek qui n’tait rien moins au dpart que la langue de leurs esclaves Bella. Tous les peuples du Mali ont eu leurs reprsentants la tte de l’empire. D’o une relative absence de complexes, de rancur ou d’animosit entre l’un et l’autre. A la fin du premier millnaire, l’empire du Mali tait dj trs riche. L’crivain Al Bakri a dcrit en 1087 moult dtails sur son organisation comme la succession matrilinaire, le rle des conseils de dignitaires, et sur sa capitale, Koumbi (dcouverte en 1914 dans le sud de la Mauritanie). Aboubakar II arriv au pouvoir la fin du XIIIe sicle s’tait embarqu vers l’Ouest (l’Amrique) la tte d’une flotte de 2000 hommes qui y serait parvenue. Le plus important, c’est qu’aprs la guerre entre ce pays et le Maroc qui a fini par l’occuper en 1584, les Touaregs du Mali vont faire partie du fer de lance de sa libration contre les Touaregs du Nord. Ce sont eux qui ont reconquis la ville de Tombouctou. >þ Le barbare imaginaire La traite dans un premier temps et la coloni sation plus tard vont essayer de dvaloriser la culture, le pass, la mmoire historique des peuples asservir, les prsenter comme des sous-hommes sinon comme des non-hom mes. C’tait d’ailleurs un impratif moral ou religieux, sinon comment justifier au nom du christianisme qu’un fils de Dieu commette l’ac te abject de l’esclavage contre un autre tre ? Et commena la cration de ce que Lanneck Hurbon* a dnomm la “barbarisation du barbareâ€. La victime est enferme dans une quadrature du cercle. Si elle se soumet, cela justifie qu’elle n’a pas la vergogne de l’tre humain. Si elle se soulve avec les armes dont un faible dispose souvent – celles de la gu rilla dure comme c’tait le cas des Mau Mau – elle se comporte comme son dtracteur le dcrit. Le barbare imaginaire est n**. En outre, la domination totale des Blancs a t perue comme une lgitimation de la domination des tribus faibles par la plus puis sante, en l’occurrence ce qui tait considr comme “la tribu blancheâ€.Une longue histoire de manipulation et de dcrdibilisationL’histoire de l’Afrique et donc l’histoire de ses tribus d’avant la colonisation n’a fait pendant la priode coloniale l’objet que de relativement peu d’tudes. L’oralit de la plupart des cultures du sud du Sahara y est probablement pour beaucoup. Mais il y a eu une vraie ngation, parfois poursuivie au-del de la priode coloniale. 15 N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 Tribus et dmocratie D ossier Mosque de Djenn. Reporters/Photononstop
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Mots-cls Tribus ; Afrique ; priode coloniale ; Ghana ; Empire du Mali ; Songhai ; Hutu ; Tutsi ; Barbare ; Lanneck Hurbon; Jean-Loup Amselle ; John Lonsdale ; Hegel Goutier. 16 D ossier Tribus et dmocratie >þ Manipulation Beaucoup d’anthropologues considrent que la colonisation a encourag des tensions entre les tribus quand elle n’a pas “cr†de tribus comme il en a t, d’aprs Amselle, de l’ethnie Bt en Cte d’Ivoire. L’exacerbation des tensions entre les agriculteurs (Hutus) et les leveurs (Tutsis) au Rwanda et au Burundi, aurait aussi t engendre par la colonisation***. John Lonsdale****, professeur mrite d’his toire africaine moderne au Trinity College, Cambridge affirme sur le Kenya : “Avec leurs spcialisations diffrentes, les conomies ethniques taient en effet aussi souvent complmentaires que concurrentielles. Cette inter-ethnicit – avec les frictions que cela suppose – a t facilite par l’absence de tout pouvoir central susceptible d’organiser les groupes selon des relations hirarchiques. Des rivalits tribales prolonges ne pouvaient exister dans un contexte dcentralis et caractris par une sous-population. Ce sont les rivalits europennes qui ont import ce Lviathan moderne, l’Etat, la fin du XIXe sicle. Un Etat assembl par la force et conduit par l’intrt personnel, comme tous les Etats.†Plus tard, les Anglais font venir des Indiens, principalement sur les 20% des terres culti vables de bonne qualit dans la zone habite principalement par les Kikuyu (alors 20% de la population totale) aux environs de la capitale Nairobi. C’est le dbut d’une histoire dont la suite tragique est arrive rcemment. Aprs l’indpendance, des politiciens ont aussi surf parfois sur l’excitation des tensions ethniques. Ce n’est toutefois pas un privilge de l’Afrique. Le mme phnomne se passera ailleurs, notamment dans l’ancienne Yougoslavie et dans l’ancien territoire sovitique et fera des dizaines de milliers de morts et mme dans des dmocraties solides comme la Corse, l’Irlande, la Belgique ou dans le pays basque espagnol. Le problme du Kenya rside dans la faiblesse de la structure parlementaire. Au Ghana ou au Bnin, les partis d’opposition ont une place plus importante au parlement et l’opposition peut surveiller le gouvernement au parlement.>þ Ncessit de reprsentation institutionnelle des minoritsA l’indpendance, dans la plupart des pays d’Afrique, la reprsentation institutionnelle des tribus (communauts ethniques, culturelles, religieuses ou autres) tait passe la trappe. La dmocratie europenne, elle, ou l’europenne, dans les socits hritires culturellement du vieux continent comme les Etats-Unis, le Canada, l’Australie ou la Nouvelle Zlande, a rig des institutions garantissant en plus du “un homme une voixâ€, un espace o chaque communaut est galement ou quitablement reprsente. Gnralement c’est le Snat, comme aux Etats-Unis. Dans certains pays, il y a une superposition entre la gographie et l’ethnie, c’est le cas de la Belgique. Au Snat, les Flamands qui reprsentent plus de 60% de la population ont le mme nombre de snateurs que les Wallons. En outre au parlement, une loi considre comme “fondamentale†ne peut pas tre vote en dessous d’un certain pourcentage de vote dans chacune des communauts. Il y a aussi les exemples des cantons suisses ou des lnder allemands La base de cette chambre haute est de donner une garantie aux groupes (ethnique, religieux, culturels ou autres) dont les membres ont un sentiment d’appartenance fort paralllement leur citoyennet. Le “un homme, une voix†sans aucune compensation dans une socit multiculturelle, multiethnique, multi-religieuse ou simplement multirgionale prsente un risque “d’exclusion dmocratique†des groupes minoritaires sans parler de la mauvaise gouvernance et de l’autoritarisme. Le membre d’une communaut ne votera pour quelqu’un mme jug comptent et honnte d’une autre communaut que s’il a la garantie que la sienne est institutionnellement protge. Ces derniers temps, outre les analystes universitaires, nombre de personnalits politiques minentes ont pris parti pour la prise en compte des tribus par les institutions dmocratiques africaines, parmi lesquelles Boutros Boutros-Ghali et Barrack Obama. Des pays comme l’Afrique du Sud et le Botswana o cette intgration est en pratique en rcoltent les fruits.* Lanneck Hurbon, Le barbare imaginaire, Ed Payot, Paris France. ** Voir aussi Julie Hearn, Kenya and the myth of ‘African barbarism’ (www.spiked-online.com). *** Au cur de l’ethnie: ethnies, tribalisme et tat en Afrique, Editions La Dcouverte, Paris 1985 ; rd. 1999. **** Co-auteur de Unhappy Valley: conflict in Kenya and Africa (James Currey, 1992) and (as co-editor) of Mau Mau and Nationhood (James Currey, 2003) Open Democracy http://www. opendemocracy.net/author/John_Lonsdale.jsp). Snat belge. Reporters
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L rapport signale que la constitution du Botswana est stable – trs peu rvi se depuis sa promulgation en 1966 – qu’elle garantit toutes les liberts fondamentales et interdit toute forme de discrimination notamment raciale. Le prsi dent est lu par l’Assemble en son sein. Les mandats prsidentiels sont limits deux. Le prsident peut dissoudre l’Assemble natio nale mais celle-ci peut adopter une motion de dfiance contre le gouvernement dont les consquences sont la dmission de celui-ci ou la dissolution de l’Assemble. Toutes les lections se sont droules sans accroc depuis l’indpendance en 1965. S’il n’y a pas eu d’alternance de parti au pouvoir, c’est d la fragmentation de l’op position et la tradition lgitimiste du pays mais aussi et surtout une longue tradition de discussion et de recherche de consensus. Bien avant le protectorat britannique, les assem bles traditionnelles taient dmocratiques. “Les chefs n’taient pas tenus d’y respecter le point de vue majoritaire mais leurs dcisions s’en cartaient d’autant plus rarement que les chefs despotiques pouvaient tre rvoqus.†La Chambre des chefs. Parmi ses 15 membres figurent 8 chefs traditionnels des principales tribus. Quatre membres sont lus par les souschefs de tribus autres que les principales, et 3 membres par les 12 prcdents. Ce qui fait un total de 7 lus. Les membres de la Chambre des chefs ne doivent pas avoir t activement engags dans la politique au cours des cinq annes prcdent l’lection. Ils ne peuvent pas tre membres d’un parti politique. La Chambre des chefs est obligatoirement consulte pour toute rvision de la constitu tion et dans tous les textes portant sur le droit familial ou personnel, la proprit foncire, et certains aspects du droit civil. Cette chambre peut se saisir elle-mme sur toute question qu’elle estime pertinente. La lgitimit des chefs est d’autant plus forte que chacun d’eux consulte rgulirement sa tribu dans des assembles traditionnelles. La devise de la Chambre des chefs inscrite sur le frontispice de leur salle de dbat est Kgodi Ke Kgosi Ka Bathe (Le chef est le chef par le peuple). Conclusion du rapport. La Chambre des chefs permet une transition matrise vers la modernit parce qu’elle “prserve les solida rits et les appartenances traditionnelles tout en vitant une fragmentation tribale de la Nation. Elle assure l’expression des chefs dans une authentique dmocratie parlemen taire. Elle favorise la prise en compte des intrts des pasteurs et des agriculteurs sou vent lss au profit des classes urbaines dans nombre de pays en dveloppement.†þH H .G.* Rapport du Groupe Interparlementaire d’Amiti du Snat franais : France – Afrique australe : Le Botswana, un modle pour l’Afrique , 1999. Mots-cls Bostwana ; Tribus ; Snat franais ; Hegel Goutier. Le Botswana est un modle de dmocratie parlementaire notamment par la place que ses institutions parlementaires rservent aux tribus, c’est la conclusion d’un rapport du Snat franais.* LBotswana, modle de dmocratie intgrant les tribus17 N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 Tribus et dmocratie D ossier Monument des trois chefs, Gaborone (Botswana). Reporters
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Et aprs, on ne peut plus l’oublier. Ce bout de femme avait commenc par adopter des enfants, presque tous arrachs des mains de ceux en train de tuer leurs parents. En ce 24 octobre 1993, c’tait des Tutsis comme elle qui tuaient des Hutus rfugis l’vch de Ruyigi, sa ville. Deux jours avant c’tait l’inverse dans d’autres coins du pays, et parmi les victimes, des parents elle. Maggy offrait son corps comme bouclier pour “ses enfants†dont elle tait l’enseignante. Elle Maggy, frappe, humilie. On l’a attache sur une chaise, dchir ses habits pour tuer devant elle, lui a balanc sur les genoux la tte d’un supplici. Ds qu’elle a pu se dfaire, “la folle de Ruyigi†comme l’appelaient ses compatriotes tutsis extnus par cette dfenderesse des causes d’autrui, a affront un nombre incalculable de fois la mort ce jour-l et a russi sauver prs d’une trentaine d’enfants. Provocation, elle les a tous adopts. Au gr des dbordements de haine, quel que soit le camp victime, elle a conti-Une personne hors paire, Maggy “la folle de Ruyigiâ€Contre la haine fratricide au BurundiMarguerite Barankitse. On l’appelle Maggy ou plus tendrement Oma (de l’allemand, grand-mre). Certains disent Sur Maggy comme une sainte. En guerre contre les haines fratricides, ses premires armes sont son hrosme, son courage, son intelligence, sa tnacit, sa capacit d’organisation. Mais ne le lui dtes pas, elle sortira son arme la plus redoutable, un rire cristal unique empreint d’un regard doux et une sympathie vous ddier personnellement, qui que vous soyez, car vous tes ce qu’elle aime le plus, un tre humain.18 D ossier Tribus et dmocratie E
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nu se jeter entre les tueurs et les enfants et finira par en adopter des centaines. Et monter un systme d’organisation parfait pour les duquer, les soigner et leur faire faire de brillantes tudes. A lever chacun dans sa religion, protestante, musulmane ou autre, elle une catholique fervente. Et surtout apprendre “mes enfants†s’organiser de sorte que l’norme famille soit auto-productrice. Aprs, ce seront des milliers d’enfants recueillis et le dveloppement d’une sorte d’agence pour retrouver les liens familiaux de ces enfants. Et puis elle a mis sur pied de vastes projets de dveloppement durable. Maintenant ceux qu’on continue appeler “les enfants de Maggy†sont 50.000. Maggy et les diffrents centres qu’elle a crs au Burundi dont le premier, la Maison Shalom (www.maisonshalom.net) ont reu des dizaines de distinctions des plus prestigieuses du monde entier. Quand nous l’avions rencontre la premire fois, c’tait au Burundi, nous lui avons demand si c’tait vrai que les tribus hutus et tutsis taient des fabrications de la colonisation, elle avait rpondu de son clat de rire : “Si les tribus n’existaient pas, comment sau rions-nous qui tuer quand on va tuerâ€. Maintenant, Maggy Barankitse tait en transit de trois jours Bruxelles, sur le chemin de Stockholm, prsidence europenne oblige, pour clairer des acteurs politiques et de dveloppement sudois de ses conseils. Elle sjournait chez un couple d’amis, crateurs d’une fondation* qui soutient ses projets. Sa notorit et l’hommage elle travers le sobriquet de Sur Maggy Oui, tre la sur de toutes les personnes que je rencontre, la maman aujourd’hui 53 ans. Je me rends compte que dans un pays o il y a une haine fratricide, on a besoin d’un dfi, d’un espace o les gens peuvent rver. Devant la misre que je rencontre chaque jour, je dis non, nous nommes des princes et des princesses crs l’image de Dieu. Mon rve est de considrer chaque personne que je rencontre comme l’tre le plus cher. Ses multiples adoptions d’enfants Je ne les ai pas adopts tous. Tout au dbut de mon histoire, oui. J’tais enseignante, j’avais lanc le dfi, j’avais adopt rellement sept enfants, quatre enfants hutus et trois enfants tutsis. Je voulais montrer mes frres et surs burundais que c’est possible de vivre ensemble dans l’harmonie. Malheureusement quand la guerre a clat en octobre 1993, j’ai d prendre 25 enfants parce que j’ai assist au massacre de leurs parents. On a massacr 72 personnes devant moi. Et puis 12 ans de guerre civile m’ont amen encore plus de 10.000 enfants. Maintenant nous sommes en train d’aider 50.000 enfants. Nous venons d’achever un grand centre hospitalier avec 120 lits. Nous avions dj un centre de la protection maternelle et infantile o on accueille les mamans trs dmunies ou malades du sida ou mal nourries. Comme il est impratif de donner aux enfants une ducation la paix, on a cr un centre culturel, avec cinma, bibliothque, piscine, garage mcanique pour rintgrer des enfants anciens soldats. Sur la ncessit d’insister ou pas sur l’origine ethnique des enfants C’est stupide de rendre l’appartenance sa tribu responsable de quoi que ce soit. Les conflits ne rsident pas l mais dans l’utilisation par les politiciens de l’appartenance ethnique. C’est une richesse d’tre d’une tribu. Je suis burundaise, Tutsi, du clan de Banyarwanda** ne Nyamutobo. Renier d’o l’on est venu, c’est renier aussi l’identit de l’autre. Tensions entre Hutus et Tutsis avant l’indpendance Dans le village, il y avait des enfants qui ne savaient pas de quelle tribu ils taient. La tension a commenc vers 1972 quand on a commenc tuer les intellectuels hutus. Ce qui est sr c’est qu’on a utilis l’ethnie. On a mont Hutus contre Tutsis. On a profit de l’ignorance des gens. Mais ce n’est plus jamais comme a aujourd’hui parce que les paysans commencent voir clairement. A comprendre qu’on doit travailler tous ensemble dans cette rgion des Grands Lacs qui est vraiment bnie. Toutes les richesses qu’il y a l et je dis que nous sommes des mendiants assis sur des lingots d’or. Si on se rveillait, si cette rgion se rveillait, on tonnerait le monde. þH H .G.* La Fondation Jean-Franois Peterbroeck (contact : rue d’Angoussart 60, B-1301 Bierges, Belgique) a financ hauteur de 50% la construction et l’quipement de l’hpital rcemment construit par l’organisation de Maggy. ** Les Hutus et les Tutsis se considrent du mme clan, celui des Banyarwanda. Un clan cens tre une partie d’une tribu ou d’une ethnie. Certains spcialistes dnomment Banyarwanda une ethnie. C’est pour cela que des chercheurs considrent que Hutus et Tutsis ne sont pas des tribus. *A lire l’ouvrage bien document et bien crit : Christel Martin La haine n’aura pas le dernier mot. Maggy, la femme aux 10 000 enfants , Ed Albin Michel, 222 pages, 2005 Paris. Mots-cls Marguerite Barankitse; Burundi; Hutu; Tutsi; Twa; Tribus; clan; Banyarwanda; conflict; Hegel Goutier. 19 N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 Tribus et dmocratie D ossier Hegel Goutier
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communaut et la protger, rpartir les ressources, rsoudre les conflits, etc.>þ Conflit aux Fidji Aux Fidji, le systme tribal traditionnel, dirig par le Grand conseil des chefs (Bose Levu Vakaturaga en fidjien) a t svrement branl et pratiquement rduit au silence. Ce Conseil a vu le jour en 1876. Tous les chefs appartiennent l’une des trois confdra tions suivantes : Kubuna, Burebasaga et Tovata. Les frontires de ces confdrations correspondent en grande partie celles de provinces. A l’poque coloniale, le Grand conseil des chefs se runissait tous les ans ou tous les deux ans. En 1963, cette fonction a t supprime et les Fidjiens indignes ont obtenu le droit d’lire leurs reprsentants au Parlement. Il existe aux Fidji un autre systme de reprsentation culturelle du pouvoir, la Chambre des chefs, un organe plus impor tant compos de tous les chefs hrditaires. La premire constitution des Fidji, adopte son indpendance en 1970, a confr au Conseil le droit de dsigner huit des vingtdeux membres du Snat. Le Conseil a t suspendu en avril 2007 par le commodore Frank Bainimarama, instiga teur du coup d’Etat militaire de dcembre 2006. Mais le 5 aot 2008, les autorits annonaient que le Grand Conseil des chefs tait prt se runir nouveau. >þ Challenge aux Salomon Michael Kwa’ioloa, de la communaut des Kwara’ae aux Iles Salomon, explique qu’il n’existe ni caste ni systme de classe dans son pays. La Mlansie (Salomon, Papouasie Nouvelle Guine et Vanuatu) se caractrise par le systme des “Big-menâ€. Certaines rgions reposent aussi sur le systme matai. Le pays se compose galement de diffrents groupes tribaux que l’on rencontre sur les diffrentes les. Kwa’ioloa explique que les insulaires des Salomon connaissaient jadis un systme d’galit des richesses bas sur le troc. “Plus tard, les insulaires ayant tudi outremer, pntrs des ides occidentales sur l’conomie, les ont navement importes chez eux, alors qu’elles taient en contradiction avec les valeurs religieuses et culturelles traditionnelles de coopration parfaitement adaptes aux habitants du pays.†Les groupes ethniques des Iles Salomon refltent la division naturelle des les. Ce n’est qu’ la fin du XXe sicle que les relations ethniques se sont politises, avec pour consquence l’mergence de la violence.>þ Conscience collective Dans le Pacifique, il existe une conscience culturelle collective propre chaque le. La culture tribale et le systme hirarchique traditionnel ont perdu de leur importance au fil des ans, tant la volont de devenir des pays dmocratiques prospres tait grande. Un pari que tous les pays n’ont pas russi. Quoi qu’il en soit, ces pays se caractrisent tous par le fait que la tradition est toujours la norme.* Journaliste samoane. Mots-cls Fidji ; Samoa ; Iles Salomon ; Dr. Graham Hassall. La hirarchie et les structures traditionnelles ont t prserves dans tout le Pacifique. Ces systmes, qui existaient dj dans les cultures d’origine, ont t mis en place pour garantir la paix, la justice ainsi qu’une gestion cohrente des tribus, des groupes ou des communauts. Culture tribale et dmocratie >þ Intgration samoane Samoa est depuis longtemps un fascinant cas de figure dmocratique, un modle d’intgration de la dmocratie culturelle et du systme impos de dmocratie. Pour le Dr Graham Hassall, professeur de gouvernance et recteur de l’Universit du Pacifique-Sud, la russite du systme samoan, comme de celui d’autres pays du Pacifique, est due au fait qu’il reprsente la voix du peuple. Un lien fort existe selon lui entre les personnes qui acceptent de suivre certains dirigeants, et le dirigeant qui s’engage ds lors servir la Lagipoiva Cherelle Jackson*Crmonie tribale en Papouasie Nouvelle Guine. Reporters/Eureka SlidePapouasie Nouvelle Guine. Rassemblement d’une tribu pour discuter de la mort de leur oiseau sacr, l’oiseau bleu de paradis (1930). Reporters/Mary Evans Pictures20 D ossier Tribus et dmocratie
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Tes effets de la crise conomique mondiale sur les pays en dveloppement se prcisent. Ainsi, dans sa communication Aider les pays en dveloppement surmonter la crise publie en avril dernier et avalise par le Conseil des ministres de l’UE et le Conseil conjoint UE-ACP en mai, la Commission europenne estime que les investissements trangers pourraient chuter de 80% et les envois de fonds des travailleurs migrs de 40%. Le commerce mondial se ralentit et la croissance conomique de ces pays risque de baisser de 5% ou plus. Cette situation, poursuit-elle, plongera jusqu’ 100 millions de personnes dans la pauvret en 2009, qui rejoindront celles dj touches par la flambe des prix des denres alimentaires et des carburants. Comme pour le changement climatique, rappelle-t-elle, les pays en dveloppement seront parmi les plus durement touchs par la rcession mondiale, alors qu’ils en sont les derniers responsables. Ainsi, en Afrique, la croissance pourrait atteindre 3,4% en 2009, contre 5,2% en 2008, soit une perte reprsentant environ le double de l’aide publique au dveloppement (APD) consacre ce continent. >þ Acclrer et largir les flux d’aide“Il faut agir tout de suite et l’aide doit avoir un effet anticyclique directâ€, souligne la Commission. Comment ? Principalement en acclrant le paiement des aides, y compris en les regroupant, et en redfinissant les priorits. La Commission entend ainsi redfinir le cas chant ses programmes de soutien pour reflter les nouveaux besoins et les priorits mergentes. La Banque europenne d’investissement devrait quant elle se concentrer dans des actions anticycliques dans des domaines prioritaires comme les infrastructures, l’nergie, le climat et le secteur financier. La revitalisation de l’agriculture des pays en dveloppement, en particulirement des pays ACP, figure galement parmi les priorits de la Commission qui rappelle la mise en place en place de la “facilit alimentaire†d’un milliards d’euros, dont 314 millions d’euros ont d’ores et dj t dcaisss en faveur de 23 pays considrs comme les plus menacs. Elle s’est galement fix un nouvel objectif : investir dans les “couloirs agricolesâ€, qui assureraient la mise en relation des marchs et des zones de production. Sur le plan climatique, elle propose notamment un nouveau financement pour aider au reboisement et au transfert de technologies des pays en dveloppement, dont les fonds seraient prlevs sur les recettes de la vente aux enchres des quotas d’mission des pays de l’UE. Sur le plan commercial, la Commission propose de renforcer les crdits l’exportation, les facilits de crdit et les garanties, “modes dterminants de stimulation du commerce.†M.M.B. Mots-cls Crise financire ; pays en dveloppement ; Commission europenne ; Flex vulnrabilit ; Marie-Martine Buckens. La crise conomique au rendez-vous des DevDays L’impact de la crise conomique sur les pays ACP est la une de la quatrime dition des Journes europennes du dveloppement, qui s’ouvre Stockholm (Sude) le 22 octobre 2009 pour trois jours.N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 I nteractions L 21 Jacques Diouf, DirecteurGnral de l’Organisation des Nations-Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture. Hegel Goutier
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22 Interactions ACP UE Uþn N þm M þcanisme CANISME þp P Oþur UR þfinancer FINANCER þles LES þser SER Vþices ICES þs S OþciauCIAU X La crise actuelle pourrait plonger cette anne 100 millions de personnes de plus dans la pauvret dans les pays en dveloppement, souligne la Commission. Les femmes, enfants, personnes ges et handicapes sont les plus exposs. Pour ne pas laisser les plus vulnrables dpourvus de protection, il est capital, souligne-t-elle, d’assurer une aide continue dans les secteurs cls de la sant, de l’enseignement et d’un travail dcent. La crise sociale, souligne la CE, a un cot conomique, qui risque de mettre mal le financement public des services sociaux. Aussi a-t-elle propos de mettre en place un mcanisme de soutien des dpenses sociales et de consacrer 500 millions d’euros du 10e Fonds europen de dveloppement (FED) l’aide aux pays ACP les plus touchs par la crise. Ce financement sera mis en uvre par l’intermdiaire du systme Flex existant (formule de “dcaissement rapide†pour aider les pays ACP composer avec les fluctuations des recettes d’exportation) et bas sur les pertes d’exportation prcdentes, et par un nouveau systme Flex ad-hoc – qui doit encore tre formellement propos – et bas sur la vulnrabilit. Ce “Flex-vulnrabilit†sera bas sur des paramtres tels que les prvisions des pertes d’exportation, les flux financiers et la baisse des transferts. Sur ce dernier point, les ministres des Affaires trangres de l’UE, runis le 18 mai dernier Bruxelles, se sont dits particulirement proccups par l’impact ngatif de la crise sur les envois de fonds des travailleurs migrs. Rappelons que ces fonds, selon certaines estimations, dpasseraient, et de loin, l’aide publique des pays industrialiss. Aussi ils “se flicitent des travaux en cours dans les enceintes internationales () notamment en vue de l’tablissement d’un institut des envois de fonds des travailleurs migrs africains.â€Un rapport europen sur l’aide au dveloppement : lutter contre la fragmentation des efforts et le manque de ressources Pa situation actuelle de l’aide au dveloppement n’est pas connue avec suffisamment de prcision en raison de la fragmentation des efforts et du manque de ressources. C’est ce qu’affirme un rapport de la Commission euro penne paratre bientt. La Commission a associ la rdaction de ce rapport un corpus de chercheurs spcialiss dans ce domaine. Le Rapport europen sur le dveloppement (RED) intgrera leurs conclusions. Les pays dits “fragilesâ€, pnaliss par des donnes insuffisantes, font l’objet d’une attention par ticulire. Une meilleure connaissance de la situation dans ces pays peut en effet contri buer une amlioration des pratiques et poli tiques de dveloppement et permettre ainsi de mieux faire face aux conflits, aux menaces pour la scurit, la mauvaise gouvernance ou l’exploitation non durable des ressour ces naturelles. C’est ce qu’estiment les hauts reprsentants de la CE. Un des principaux objectifs de la recherche est de dvelopper une srie de critres com muns pour analyser la situation dans divers Etats membres de l’UE. Le Rapport euro pen sur le dveloppement a t prpar en troite coopration avec d’autres donateurs et avec des pays en dveloppement. Ce travail de recherche a t coordonn par l’Institut universitaire europen (IUE). Un accent particulier est mis sur la rponse de l’UE aux situations de fragilit, et notamment la dfinition, les raisons et les dterminants de la fragilit d’un pays particulier, le rle du secteur de l’agriculture et les rponses gn rales de la communaut internationale dans de telles situations et, plus prcisment, les diverses approches adoptes par l’UE. Le Courier prsentera de manire dtaille les conclusions du rapport ds la publication de celui-ci. þH H .G. Eþfficacit FFICACIT þde DE þl L ’þaide AIDE þet ET þpr PR þdictibilit DICTIBILIT SOþutenir UTENIR þla LA Zþambie AMBIE þdans DANS þsa SA þlutte LUTTE þc C Oþntre NTRE þla LA þpau PAU Vþret RET La Zambie a mis en place un programme d’envergure visant amliorer l’efficacit de ses initiatives de lutte contre la pau vret et ses progrs vers la ralisation des Objectifs du Millnaire pour le dveloppe ment (OMD). La Commission europenne a rcemment engag 225 millions d’euros en faveur de la Zambie au titre du “contrat OMD†sign entre le gouvernement zam bien et la Commission europenne. Ces ressources seront utilises pour am liorer la fourniture des services dans le secteur social et les rformes structurelles visant promouvoir la cration d’emploi et la croissance en faveur des plus pauvres. Cette enveloppe permettra aussi d’amlio rer la gestion des finances publiques. La Zambie est le premier bnficiaire des contrats OMD dont la signature est gale ment prvue avec six autres pays africains – le Mali, le Mozambique, l’Ouganda, le Burkina Faso, le Ghana et le Rwanda.Recherche sur le dveloppement L Marie-Martine Buckens
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Intensification des ngociations mi-parcours Cet automne marquera une inten sification des ngociations, Bruxelles, entre les ACP et l’UE, l’objectif tant de prparer la deuxime rvision quinquennale de l’Accord de Cotonou (2000-2020). Pour Joseph Ma’ahanua, ambassadeur des Iles Salomon auprs de l’Union europenne et ancien Prsident du Comit des ambassadeurs ACP, il importe surtout d’intgrer la pro blmatique du changement climatique dans la Convention. “Au fil des ans, nous avons essay de grer les questions en rapport avec le changement climatique, mais le fait est que cet aspect a toujours t considr comme un volet du commerce et du dvelop pement. Ce que nous devons faire prsent, c’est essayer de grer ce dossier comme une question environnementale part entireâ€, a dclar l’ambassadeur lors d’une interview. Il importe tout autant selon lui d’“int grer le dveloppement dans les Accords de partenariat conomique (APE)†qui se ngocient actuellement entre l’UE et une srie de pays ACP. “Le soutien au dveloppement fourni par la Communaut europenne dans le cadre des APE doit tre proportionn aux cots que les pays ACP devront supporter pour s’ajuster aux APE, leur mise en oeuvre ainsi qu’aux cots connexesâ€, a dclar le Secrtaire gnral des ACP en juillet, Sir John Kaputin, lors d’une confrence donne l’Universit de Wollongong, en Australie. Mais en ce qui concerne la CE, la rvision de l’enveloppe de 22,682 milliards d’euros (2008-2013) n’est pas d’actualit avant la fin de cette priode, en 2013. CONCORD, la confdration des ONG europenne d’aide humanitaire et de dve loppement a expliqu dans un rcent docu ment stratgique que la rvision de Cotonou est une occasion cl de “tester quelquesunes des suggestions formules concernant la participation d’acteurs non tatiques aux consultations dcisionnelles et la mise en oeuvre de l’accord de cooprationâ€, inscrit dans l’Accord de Cotonou. D.P. Mots-cls Rvision mi-parcours ; Accord de Cotonou (2000-2020) ; Joseph Ma’ahanua ; Accord de partenariat conomique (APE) ; Sir John Kaputin ; CONCORD ; Debra Percival. Terres arides proximit de Manatuto, Timor-Leste. UN Photo/Martine Perret 23 N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 ACP UE Interactions
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L’entreprise algrienne Sonatrach et la Nigeria National Petroleum Corporation (NNPC) avaient dj prsent la Commission euro penne il y a deux ans les tudes de faisabilit du projet. Le 3 juillet dernier le projet est officialis par la signature, Abuja (capitale du Nigeria) d’un accord intergouvernemental entre le Nigeria, le Niger et l’Algrie prvoyant la construction du Trans-Sahara Gas Pipeline (TSGP). Ce gazoduc, d’une longueur de 4.218 km, devrait acheminer le gaz produit dans le Delta du Niger, zone de production d’hydrocarbures au sud du Nigeria en proie rgulirement d’importantes violences, vers l’Europe du Sud, via le Niger et l’Algrie. Les premires livraisons devraient dbuter en 2015 un rythme de 30 milliards de m3 par an. Les appels d’offres pour ce projet, d’une valeur anticipe de 10 milliards de dollars, devraient tre lancs avant la fin de l’anne. Plusieurs groupes ptroliers, le franais Total, l’anglo-nerlandais Royal Dutch Shell, l’italien Eni et le russe Gazprom ont dj exprim leur intrt. Gazprom et NNPC ont d’ores et dj convenu d’investir au moins 2,5 milliards de dollars dans l’exploration et le dveloppement du ptrole et du gaz nigrians et dans la construction du premier segment du gazoduc. La prsence de Gazprom en Afrique n’est pas anodine. Pour l’heure, un tiers des importations de gaz de l’UE proviennent de la Russie, soit environ 150 milliards de m3 par an. Or Bruxelles a dcid de diversifier ses fournisseurs de gaz, un combustible appel prendre une part croissante dans la consommation nergtique de l’Europe. M.M.B.African gas for Europe Du gaz africain pour l’Europe Mots-cls Gazoduc transsaharien ; TSGP ; Nigeria ; Algrie ; Niger ; Gazprom ; Total ; Eni ; Shell ; UE ; Marie-Martine Buckens. L’Afrique pourrait devenir d’ici 2015 le fournisseur privilgi de l’Union europenne en gaz. C’est cette date en effet que le projet de gazoduc transsaharien Nigeria-Niger-Algrie devrait tre oprationnel. Aliment en gaz nigrian, il confirmerait par ailleurs le rle de l’Algrie comme plaque tournante gazire pour l’Europe.24 Interactions AfriqueLe deuxime sommet Afrique du SudUnion europenne, organis le 11 septembre, Kleinmond, en Afrique du Sud, s’est pench sur des probl matiques mondiales, comme le changement climatique et la crise financire. La situa tion interne dans divers pays du continent – Zimbabwe, Madagascar, Soudan et Somalie – figurait galement l’ordre du jour. Jacob Zuma, prsident de l’Afrique du Sud, et Karl De Gucht, commissaire europen en charge du dveloppement, coprsidaient cette ru nion qui a galement t l’occasion de dresser un tat des lieux des relations commerciales entre l’UE et l’Afrique du Sud et de l’aide au dveloppement. L’vnement a vu aussi le lancement d’un fonds de cration d’em plois, financ par la Commission europenne et dot de 100 millions d’euros, destin amliorer les possibilits d’emploi et le dve loppement des comptences dans l’conomie sud-africaine. L’aide bilatrale de la CE en faveur de l’Afrique du Sud s’lve 980 millions d’euros pour la priode 2007 2013. Pour cette anne 2009-2010, elle comprend un vaste programme de soutien budgtaire dans le domaine de l’enseignement primaire (plus de 122 millions d’euros) ainsi qu’un volet particulier, au titre d’Erasmus Mundus (5 millions d’euros), afin d’offrir des tudiants et des universitaires sud-africains la possibilit d’tudier dans des universits europennes. Retenons aussi un programme de participation des jeunes par la culture et le sport (10 millions d’euros). Le 14e numro du Courrier proposera une couver ture complte du sommet. D.P. Mots-cls Afrique du Sud ; Union europenne ; Kleinmond ; Jacob Zuma ; Karel De Gucht ; Fonds de cration d’emplois ; Debra Percival. Deuxime sommet Afrique du Sud-Union europenne LPipelines Obrikom, Nigeria, 2006. Reporters/AP
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25 N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 Selon Mme Virto, le succs de ce sec teur s’explique par les frais salariaux et d’exploitation en gnral sensible ment moins levs en Afrique ainsi que par les bnfices plus importants offerts par le dploiement de rseau. En tmoigne par exemple le taux de croissance de 48% ralis par la socit franaise de tlcommu nications Orange, contre 28% ailleurs. Les taux de croissance pour le secteur sont plus levs en Afrique. “Un boom qui s’explique par l’importance du march potentiel, l’Afri que restant par ailleurs l’une des rgions du monde o un pourcentage trs lev d’ha bitants n’est pas encore connectâ€, explique Mme Virto. Et d’ajouter qu’en raison surtout de la satura tion de leurs marchs domestiques, la crois sance des entreprises europennes de tl communication est essentiellement assure par l’Afrique. En outre, contrairement aux petites entreprises et aux secteurs dont les capacits sont moindres, des grandes entre prises comme le gant africain MTN dispo sent d’une importante trsorerie, ce qui leur permet d’tre proactifs et de survivre la crise conomique tout en consolidant leur prsence et en dcrochant de nouveaux march. Dsireux d’exploiter ce potentiel, les gou vernements de pays comme le Ghana, le Botswana et le Rwanda impliquent donc de plus en plus le secteur des TIC et les inves tisseurs privs, par exemple en crant des “parcs technologiques†axs sur l’intgration des nouvelles technologies dans les activits commerciales. Bien plus que celui de la tlphonie mobile, souligne Mme Virto, le secteur des cbles sous-marins fibre optique, reprsent entre autres par SEACOM et ACE (Africa Coast to Europe), attire aujourd’hui l’essentiel des investissements TIC sur le continent. Dploys le long des ctes orientale et occi dentale, ces cbles visent permettre des connections Internet trs rapides entre ces rgions et le reste du monde. “La principale question ce stade est de savoir comment passer de la tlphonie l’Internet, et c’est l la deuxime rvolution laquelle nous assistons en Afriqueâ€, fait remarquer Mme Virto. > Mobiliser la coopration > internationale L’UE reste un partenaire privilgi du dve loppement du secteur des TIC en Afrique, grce au projet EuroAfrica-ICT et la srie de confrences qu’elle organise, mais aussi grce au Partenariat entre l’UE et l’Afrique – un partenariat pour les infrastructures conduit par la Banque europenne d’inves tissement. Parmi les projets d’infrastructure, retenons EaSSy (East African Submarine Cable System), un projet d’un montant de 173 millions d’euros qui doit s’achever en 2010 et qui a pour objectif de relier, grce des rseaux de tlcommunication de der nire gnration, 22 pays africains ctiers ou enclavs d’autres pays du continent et du monde. Etant donn que les TIC permettent d’viter les goulots d’tranglement et qu’elles ont des retombes positives sur d’autres secteurs, comme celui de l’agriculture – avec la possi bilit pour les agriculteurs africains de sur veiller les prix du march via leur tlphone mobile – il convient, et Mme Virto insiste sur ce point, d’intgrer davantage et de manire explicite le rle majeur des TIC dans les documents de stratgie de rduction de la pauvret (DSRP) et dans d’autres stratgies de coopration. “Si les TIC connaissent une telle croissance, ce n’est pas en raison de leurs caractristiques propres mais plutt de l’impact qu’elles ont sur d’autres secteurs. Et cela, les consom mateurs s’en rendent bien compteâ€, conclut Mme Virto. O.R.U . Mots-cls TIC Afrique ; crise conomique ; SEACOM ; ACE ; EASSy ; DSRP; Okechukwu Romano Umelo. Alors que la crise conomique mon diale touche encore les conomies rgionales, l’Afrique a t jusqu’ici le continent le plus pargn en ter mes d’investissements dans le sec teur des technologies de l’informa tion et de la communication (TIC). Tel est l’avis de Laura Recuero Virto, conomiste au sein de l’quipe de l’Afrique et du Moyen-Orient au Centre de dveloppement de l’Orga nisation de coopration et de dve loppement conomiques (OCDE). Malgr tout, jamais il n’aura t aussi urgent de mettre en uvre les TIC et de les exploiter sur le conti nent africain. Carte des actuels et futurs cbles fibres optiques sous-marins en Afrique. Steven Song, www.manypossibilities.net. Afrique Interactions Les taux de croissance pour le secteur sont plus levs en Afrique Le boom des TIC en Afrique Pipelines Obrikom, Nigeria, 2006. Reporters/AP
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26 Interactions Afriqueprcisment ce niveau. Tout d’abord, notre service militaire national s’inspire des sys tmes suisse, belge, isralien etc. En tant que petite nation, nous avons sciemment renonc une arme professionnelle, trop coteuse. En outre, le service militaire a pour avantage de renforcer la cohsion entre les diffrents groupes ethniques. Heureusement ou malheureusement, une guerre a clat. L’Ethiopie a essay de nous envahir. Nous avons mobilis nos jeunes. L’Ethiopie comp te 80 millions d’habitants, alors que nous ne sommes que 4 millions. Protger son pays est un processus de construction qui englobe toute la nation. Prenez les Amricains, qui ont envahi l’Afghanistan et l’Irak. Ils ont prtendu que cette dcision avait t motive par des questions de scurit nationale. En Erythre, le service militaire dure 18 mois. Toute structure militaire suppose des mesu res disciplinaires. Mais les sanctions infliges ne dpassent pas les bornes. Le service natio nal est une obligation pour les rythrens. Vous avez ensuite soulev la question de l’exo de des jeunes Erythrens ; l encore, les cri -Comprendre l’Erythre Entretien avec l’Ambassadeur rythren en Belgique, Son Excellence Girma Asmerom Hlors que ces derniers mois, divers mdias europens ont formu l des critiques l’encontre de l’Erythre, Le Courrier donne la parole Girma Asmerom, ambassadeur rythren auprs de l’Union europenne, de la Belgique et du Luxembourg. Nous avons voulu connatre son opinion ce propos mais aussi en savoir plus sur la situation gnrale dans son pays. Pour commencer, nous lui avons demand son avis sur la mauvaise rputation dont souffre son pays. Ambassadeur : Le verbe “souffrir†a un sens lastique, toujours est-il que divers cercles pr sentent une vision dlibrment dforme de la situation en Erythre, pour l’une ou l’autre raison. Or, la ralit y est toute autre que l’image vhicule et dpeintes par certains. Avant d’examiner certaines de ces allgations, pourriez-vous nous dcrire la situation actuelle en Erythre, notamment en ces temps de crise conomique mondiale ? L’Erythre a la chance d’avoir vu tardivement le jour – notre pays n’a que 18 ans. Nous avons essay d’viter toutes les erreurs commises par les pays en dveloppement, notamment les pays d’Afrique. L’Erythre sait clairement o elle veut aller. Tout d’abord, nous devons mettre fin au syndrome de dpendance vis--vis de l’aide trangre. Cela ne signifie pas que nous voulons refuser cette aide. Non, ce que nous voulons, c’est nous l’approprier. Nous voulons aussi profiter de nos ressources naturelles – il faut que nous puissions tous en bnficier, les investisseurs et nous aussi. Le dveloppement des capacits est l’autre dimension que nous voulons introduire en Erythre. Notre pays est extrmement riche. Nous avons de l’or ; nous avons 1.200 kilomtres de ctes, avec une capacit de pche de 80.000 tonnes mtriques par an, alors que seulement 10.000 tonnes sont pches l’heure actuelle. Nous avons aussi du marbre et du granit. Nous ne comptons que quatre millions d’habitants et nous veillons assurer une rpartition quitable des richesses. Mais mme avec de telles richesses, les investisseurs ne vont pas venir chez nous si nous ne dveloppons pas nos infrastructures, c’est--dire les routes, les ports, l’lectricit, les tlcommunications etc. Nous dveloppons d’autres ports. Aujourd’hui, nous possdons quatre aroports, au lieu de deux par le pass. Nos deux grands ports sont relis par de nouvelles autoroutes. Dsormais, il ne faut plus que sept heures pour aller de l’un l’autre au lieu des trois jours ncessaires autrefois. Bref, nous dveloppons nos infrastructures avant d’inviter les investisseurs dans notre pays Que rpondez-vous aux critiques de certaines associations internationales qui prtendent : que les jeunes qui ne veulent pas faire le service militaire national sont svrement punis ; que les clandestins rythrens refouls d’Egypte sont parfois jets en prison ; que le gouvernement intervient dans les questions religieuses. Ces associations citent, titre d’exemple, la destitution du Patriarche Antonios ou la situation de l’Eglise pentectiste Mulu-Wengel. Ce sont de trs bonnes questions. Et les distorsions que je viens d’voquer se situent A
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27 N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 Afrique Interactions tiques ne refltent pas la ralit. Le trafic des tres humains est un commerce florissant. Les ONG rdigent des rapports dnonant les violations des droits de hommes et estiment que telle ou telle personne doit recevoir le statut de refugis. Est-ce tout ce qu’elles ont trouv pour crer des emplois ? Le fait est que les rythrens qui rentrent dans leur pays ne sont pas jets en prison. En ce qui concerne la religion, l’Erythre est 50% chrtienne et 50% musulmane. Ces deux religions ont coexist harmonieusement pendant des sicles. Dans ce contexte de coh sion et d’unit, nous pratiquons une politique de tolrance zro l’gard de l’extrmisme. L’extrmisme religieux n’est pas seulement le fait des fondamentalistes musulmans. Les chrtiens peuvent eux aussi se montrer extr mistes. Il n’y a pas qu’Al-Qaeda montrer du doigt ! J’ai le droit de protger la cohsion et l’harmonie de mon pays. Nous avons limit le nombre d’tablissements thologi ques musulmans (les mdersas) ; de mme nous avons dcid de limiter les activits des chrtiens fondamentalistes En ce qui concerne le Patriarche Antonios, l’Eglise orthodoxe rythrenne est dote d’un synode, l’institution religieuse la plus dmocratique. Elle a remplac son pro pre Patriarche par un autre. Le Patriarche Antonios n’a jamais t emprisonn ; il ne pourra jamais l’tre. Aucun patriarche n’a t destitu suite l’ingrence du gouver nement. Pouvez-vous nous rsumer la situation gopoliti que de l’Erythre? L’Erythre est le pays le plus stable de tout le continent africain. Regardez plutt la situa tion en Ethiopie, o le nettoyage religieux et ethnique est monnaie courante. Le rgime au pouvoir en Ethiopie est aux mains d’un groupe ethnique spcifique qui ne reprsente que 5 % de la population. D’o un manque rel de stabilit dans la rgion. Djibouti est confronte des tensions entre les Afars et les Issas. Quant au Kenya, les lections parlent d’elles-mmes. Ce pays connat une situation instable qui se caractrise aussi par un nettoyage ethnique. Prs de 600.000 per sonnes ont t dplaces et il y a eu presque 1.500 morts. Au Soudan, l’instabilit a pour origine les tensions entre le Sud et le Nord, auxquelles il faut ajouter la question du Darfour. L’Erythre est en faveur de la paix et de la stabilit dans la rgion. Nous croyons en une rgion forte. Nous formons un bloc commercial. Et son bon fonctionnement exige la paix et la stabilit dans la rgion. La situation gopolitique internationale, de par sa nature, impose une diplomatie 101 (un principe de base) : il n’existe pas d’allis permanents, mais des intrts permanents. Et cette thorie s’applique chaque nation. Petit ou grand, chaque nation a un rle jouer pour la paix et la stabilit dans le village mon dial. Nous sentons que nous pouvons jouer un rle constructif, et nous l’avons fait ; telle est la voie de l’avenir. þH H .G. Mots cls Girma Asmerom ; Hegel Goutier ; Erythre; Ethiopie ; Somalie ; Kenya ; Patriarche A ntonios ; Mulu-Wengel ; Al-Qaeda ; chr tiens fondamentalistes ; fondamentalistes islamiques . Prsentation des lettres de crances de l’ambassadeur d’Erythre, SE Girma Asmeron Jos Manuel Barroso, prsident de la Commission europenne, 2007. ECBombe thiopienne ct de la route prs de Barentu, 162 km l’ouest d’Asmara, la capitale de l’Erythre, 2000. Reporters/AP
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“Voil o nous en sommes : soixante ans, plus de un trillion de dollars d’aide l’Afrique, et rien de bon montrer. Si l’aide n’tait qu’inoffensive – se contentant de ne pas faire ce qu’elle prtend faire – ce livre n’aurait jamais t crit. Le problme est que l’aide n’est pas salutaire, elle est malfaisante. Elle ne fait plus partie de la solution potentielle, elle fait partie du problme – en ralit l’aide est le problme.†Le ton est donn. Dambisa Moyo a dcid de partir en guerre contre la politique actuelle largement pratique, et encense, qui inscrit l’aide comme pralable toute politique de dveloppement. Contre aussi son ancien professeur, l’conomiste amricain Jeffrey Sachs, le “pre†des Objectifs du Millnaire qui, avec l’aide de milliards de dollars, s’est donn pour tche de sortir en 20 ans l’Afrique de la pauvret, de l’insalubrit et de l’analphabtisme. L’aide, argue Dambisa Moyo, n’radique pas certains des flaux de l’Afrique aux premiers rangs desquels les guerres civiles et la cor ruption. Au contraire. L’aide au dveloppe ment encourage la corruption et permet des rgimes de se maintenir artificiellement. En raison des montants importants qu’elle engage, elle attise des convoitises et peut aviver des tensions ethniques, pouvant par fois conduire la guerre civile. > Logique circulaireMieux, elle est intrinsquement lie au maintien de tout le corpus en charge de la coopration : Banque mondiale (10.000 sala ris), Fonds montaire international (2.500), auxquels il convient d’ajouter, selon elle, 5.000 personnes des autres agences des Nations Unies, au moins 25.000 attachs aux ONG, organismes de charit et tous les experts des agences gouvernementales d’aide. “Au total, crit-elle, prs de 500.000 personnes, la population du Swazilandâ€. Et de poursuivre : “leur gagne-pain dpend de cette aide, tout comme les officiels qui la reoivent.†L’conomiste va plus loin et fustige, notamment, cette logique de peur qui anime les donneurs qui craignent que s’ils ne peuvent financer leurs programmes, les pays pauvres ne pourront leur tour rembourser leurs dettes aux pays donateur : “cette logique circulaire permet prcisment l’aide de perptuer son mange.†Ce n’est donc pas un hasard, poursuit l’auteure, si, entre 1970 et 1998, priode o l’aide au dveloppement tait au plus haut, la pauvret a augment de 11% 66%. L’aide souffrirait d’un dfaut essentiel : elle dtruit les incitations voluer, se rformer et se dvelopper. Les solutions proposes par Dambisa Moyo se basent essentiellement sur la “capacit des pays crer des richessesâ€, l’instar des pays asiatiques. Avec une prior it, le respect des droits de proprit, citant le cas exemplaire du Botswana qui a connu entre 1968 et 2001 une croissance moyenne de 6,8% en raison de politiques favorisant la libert conomique telles qu’ouverture des marchs la concurrence internationale, politique montaire non inflationniste, pres sion fiscale modre. L’conomiste suggre par ailleurs de faire pression pour supprimer les subventions massives que les gouvernements amric ains et europens accordent leurs agri culteurs. Les paysans africains pourrai ent ainsi accder aux marchs mondiaux et vivre de leur production ce qui serait beaucoup plus efficace que de leur octroy er des aides au dveloppement. M.M.B. * L’Aide Fatale de Dambisa Moyo, Ed.: J. C. Latts Casser le mythe de l’aide. Les remdes de Dambisa Moyo Mots-clsDambisa Moyo ; Dead Aid ; Afrique ; Marie-Martine Buckens Dambisa Moyo Marie-Martine Buckens 28 La meilleure faon pour l’Afrique de sortir de son sous-dveloppement est de bnficier des flux internationaux d’investissement, et non des programmes d’aide. Surtout pas de l’aide, estime Dambisa Moyo, conomiste zambienne dont le livre L’Aide Fatale* figure dans la liste des dix livres les mieux vendus aux Etats-Unis. Livre sujet controverse. A dbat en tout cas. Le Courrier ouvre ses colonnes ses lecteurs pour contribuer un dbat entam depuis des mois au sein des institutions internationales, de la Commission europenne en particulier. Interactions Afrique“V
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Au-del des frontires Le paysage de la coopration internationale au dveloppement est rehauss par la prsence de nombreux acteurs et d’un grand nombre d’organisations, qui regroupent entre autres des mdecins, des ingnieurs, des architectes, des avocats, des conomistes, des sociologues sans frontires. Ces hommes et ces femmes ont cr des organisations non gouvernementales internationales bases sur leur profession afin de travailler dans des pays en guerre ou en conflit. Le travail de ces organisations n’est pas dnu de risques et mme si impartialit, neutralit et indpendance sont leurs matres-mots, elles font parfois l’objet de controverses et se heurtent des critiques. De partialit et d’ingrence dans les affaires de l’Etat. Ces critiques pourraient s’expliquer par le manque d’information et une mauvaise comprhension de leurs objectifs, de leurs mthodes de travail et de leur coopration et leur communication avec les gouvernements nationaux et les experts locaux. On ne prsente plus Mdecins Sans Frontires (MSF) , une organisation internationale d’aide mdicale humanitaire cre en 1971 en France par des mdecins et des journalistes. MSF apporte une assis tance mdicale et humanitaire dans prs de 60 pays du monde. Ses bnficiaires sont les populations et les personnes en danger quelle que soit leur race, leur religion ou leur appartenance politique. MSF se fonde pour cela sur les besoins et l’accs indpendant aux victimes des conflits comme le prvoit le droit humanitaire international. Ses quipes mdicales procdent des valuations sur le terrain afin de dterminer les besoins et les soins mdicaux que ncessitent les victimes de violences, de ngligences ou de catastro phes. Des situations qui peuvent tre provo ques par des conflits arms, des pidmies, la malnutrition, l’exclusion des soins de sant ou des catastrophes naturelles. Pour MSF, c’est l’indpendance du financement qui lui permet d’intervenir de manire indpen dante dans des situations de crise. 88% de la totalit des fonds de MSF proviennent de fonds privs, et non des gouvernements. Site Internet : www.msf.org Engineers Without Borders (EWB)/ Ingnieurs Sans Frontires (ISF) regrou pe plusieurs organisations internationales de plusieurs pays dont les activits se concen trent sur l’ingnierie et la construction dans le cadre du dveloppement international. De fortes synergies sont dveloppes avec les universits et leurs tudiants. Ingnieurs Sans Frontires (ISF)-France a vu le jour dans les annes 1980. Elle a t rejointe par ISF-Espagne et ISF-Italie dans les annes 1990. EWS-Canada, une des principales associations du groupe a t cre la fin des annes 1990. Il existe de nombreuses autres Joyce van Genderen-NaarVue du camp de rfugis de Nyanzale (Nord-Kivu, RDC). Cdric Gerbehaye/Agence VU, www.etat-critique.orgN. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 29 L a socit civile en action
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sections d’EWB/ISF dans le monde. Site Internet : http://www.ewb-international.org/ Architectes Sans Frontires est une orga nisation d’aide humanitaire non-gouverne mentale et sans but lucratif, qui offre une assistance technique et un soutien aux pro grammes de reconstruction dans des pays victimes de la crise conomique, de conflits ou de catastrophes naturelles, comme le tsu nami en Asie. Site Internet : http://www.awb. iohome.net/ Fond en 1992, en Belgique, Avocats Sans Frontires (ASF) envoie des avocats l’tranger pour participer des procs sensibles et assister ou reprsenter des confrres spcialistes des droits de l’homme et des acti vistes des droits de l’homme poursuivis pour avoir exerc leur profession. Avocats Sans Frontires a dfendu les accuss et reprsent les victimes dans les tribunaux rwandais. Entre 1995 et 1998, des avocats ont t forms Arusha, en Tanzanie, avant leur participa tion au Tribunal pnal international (TPI) pour le Rwanda. Site Internet : http://www. asf.be/index.php?module=home&lang=en International Lawyers and Economists against Poverty (ILEAP)/Juristes et Economistes Internationaux contre la Pauvret (JEICP) est une organisation indpendante lance Nairobi en mai 2002. Cette association sans but lucratif a son sige au Canada. Les activits de l’ILEAP/JEICP se concentrent sur le dveloppement des capacits et le renforcement de la participation des pays en dveloppement dans les ngociations internationales. Des experts d’Afrique et des Carabes sont forms par l’ILEAP/JEICP dans le domaine de la ngociation des accords de partenariats conomiques (APE) avec l’Union europenne. Le dveloppement des capacits est assur par des spcialistes du commerce de plusieurs pays. Site Internet : http://www.ileap-jeicp.org/ Etudes Sans Frontires est une association sans but lucratif plus rcente, cre Paris en mars 2003 par des citoyens franais et avec le soutien de personnalits du monde entier comme Vaclav Havel, ancien prsident de la Tchcoslovaquie qui estime que l’ducation garantit la promotion de la paix, la solida rit et le dveloppement durable. Grce Etudes Sans Frontires, des jeunes qui ne peuvent poursuivre leurs tudes dans leur pays en raison de la crise peuvent continuer et reprendre leurs tudes en Europe et en Amrique du Nord et revenir ensuite dans leur pays, lorsque la situation le permet. Au total, 190 tudiants de Tchtchnie, du Congo, du Rwanda et du Sahara occidental ont bnfici des programmes d’Etudes Sans Frontires. Site Internet : http://www.etudes sansfrontieres.org Reporters Sans Frontires (RSF) est une organisation non gouvernementale base Paris, cre en 1985 pour dfendre la libert de la presse, le droit la libert d’opinion et d’expression et le droit de rechercher, de rece voir et de transmettre des informations et des ides au-del des frontires, conformment l’article 19 de la Dclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et la Convention europenne des droits de l’homme de 1950. RSF compile et publie un classement annuel des pays sur la base d’une valuation de la situation dans le domaine des droits de l’hom me. Certains mettent en doute l’impartialit de Reporters Sans Frontires. Les critiques portent sur le financement de l’organisation (une part importante du financement – 19% – provient de certains gouvernements et de certaines organisations occidentales), ses rapports anti-castristes et son anti-chavisme, la mthodologie utilise pour le classement en termes de libert de presse et son manque de connaissance directe de la lgislation des pays classs. Site Internet : www.rsf.org Sociologues Sans Frontires est une organisation non-gouvernementale cre en Espagne en 2001. Des sections ont dj t ouvertes Madrid, en Catalogne, aux EtatsUnis, au Brsil et en Italie et d’autres sont en cours de cration. Les Sociologues Sans Frontires se sont fait connatre en tant le premier groupement professionnel avoir critiqu l’intervention amricaine unilatrale en Irak. En 2004 et 2005, de jeunes sociolo gues ont rejoint le projet Kibera, soutenant ainsi l’chelon international le bien-tre et le dveloppement d’un bidonville de Nairobi. En coopration avec des journalistes, les Sociologues Sans Frontires recueillent et analysent des informations pertinentes pour le public. Site Internet : http://www.sociolo gistswithoutborders.org/ Campagne de Avocats Sans Frontires. ASF30 La socit civile en action
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“Au dbut des ngociations, nous nous sommes concentrs sur les services, tant donn que seul un petit nombre de pays de la rgion disposent d’une base pour l’ex portation de marchandisesâ€, explique Joseph Ma’ahanua, ambassadeur des Iles Salomon auprs de l’UE et ancien prsident du Comit des Ambassadeurs ACP. Et de poursuivre : “Nous avons entre autres essay d’avancer sur le dossier du Mouvement temporaire des personnes phy siques (TMNP). Du ct de la CE, nous nous sommes heurts un mur et nous avons donc opt pour une approche sur deux fronts. D’une part, nous avons poursuivi les ngociations en vue d’un APE que nous pourrions qualifier de global et d’autre part, nous avons approch les Etats membres de l’UE qui, selon nous, taient en mesure de nous comprendre et de nous soutenir [sur le dossier TMNP]â€. Lutz Guellner, porte-parole de la commis saire europenne en charge du commerce, la baronne Ashton, souligne que les permis de travail pour les ressortissants de pays tiers dans les Etats membres de l’UE-27 “ ne relvent pas de la comptence de la Commission et doivent tre ngocis directe ment avec les diffrents Etats membres.†“Le tout est de savoir pourquoi nous sommes passs d’un accord sur les services couvrant l’ensemble de la rgion du Pacifique un accord sur les marchandises, alors que nous pensions au dbut que tous les membres du Pacifique ne seraient pas en mesure d’en profiterâ€, soulve l’ambassadeur. Ce revire ment s’explique par l’importance, pour beau coup de pays de la rgion, de l’ouverture du commerce de la pche. Un APE portant sur les marchandises a ainsi t sign avec la Papouasie Nouvelle Guine et paraph avec les Fidji, la signature de ce dernier tant toujours retarde en raison du coup d’Etat de 2006. Le dbat sur le dossier des services s’articule essentiellement autour d’une norme de rf rence de l’UE sur le TMNP – sur lequel le Pacifique a les yeux rivs. La rgion entend en effet arracher des concessions similaires la Nouvelle-Zlande et l’Australie, avec laquelle la rgion Pacifique ngocie actuel lement des ouvertures de march dans le cadre des pourparlers PACER Plus (Pacific Agreement on Closer Economic Relations – Accord Pacifique sur des relations cono miques plus troites). Lutz Guellner a rcem ment indiqu au Courrier “que l’UE tait prte reprendre les ngociations, y compris sur le mode 4 (TMNP)â€. > RugbySu’a Peter Schuster, prsident de la Fdration samoane de rugby, explique que les joueurs de rugby comptent prcisment parmi les groupes qui font pression pour avoir davan tage l’occasion de jouer en Nouvelle-Zlande et en Australie. “La Nouvelle-Zlande et l’Australie n’offrent pas nos joueurs la pos sibilit de participer leur Super 14. PACER PLUS devrait inclure des dispositions sup primant les restrictions actuelles auxquelles se heurtent les meilleurs joueurs et les inter nationaux du Pacifique.†Pour Guellner, le Pacifique a rellement gagner d’une ouverture des marchs dans d’autres secteurs des services : “Les services reprsentent aujourd’hui plus de la moiti de l’conomie dans la plupart des pays du Pacifique, et soutiennent en outre la produc tion et le commerce. Les fournisseurs euro pens peuvent leur apporter le savoir-faire et les comptences en gestion dont ils ont besoin pour affronter la concurrence inter nationale, former le personnel local et aider les entreprises offrir un plus large choix de services moindre prix. Les fournisseurs du Pacifique peuvent avoir un meilleur accs aux marchs de l’UE tandis que des princi pes rglementaires communs permettront d’accrotre la certitude juridique pour tous et d’encourager les investissements dans la rgion.†D.P.* Sept autres pays du Pacifique (ne faisant pas par tie des PMA) – les Iles Cook, les Etats fdrs de Micronsie, Nauru, Niue, Palau, les Iles Marshall et les Tonga, ainsi que des PMA – Timor-Leste, Kiribati, Samoa, Iles Salomon, Tuvalu et Vanuatu, ngocient actuellement des APE. Les ngociations doivent reprendre cet automne entre la rgion Pacifique et l’UE en vue de la conclusion d’un Accord de partenariat conomique (APE). La fourniture de services, un dossier rapidement retir de la table des ngociations par les ngociateurs du Pacifique, prsente toujours un intrt majeur pour la rgion. “AN. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 31 C ommercePour ou contre un accord sur les services dans le Pacifique ?
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Les perspectives s’amliorent pour l’Afrique subsaharienne “Nous avons observ un raffermissement substantiel du prix des matires premire, qui contraste avec le dclin enregistr au cours du dernier trimestre de l’anne dernireâ€, explique Alex Sienaert, analyste auprs de la Standard Chartered Bank londonienne. Pour certains pays, il pourrait s’agir selon lui d’une correction court terme, car des pays comme la Chine ont profit de la baisse des prix pour reconstituer leurs stocks. Il a toutefois bon espoir que cette remonte des prix se poursuivra l’anne prochaine. Des pays producteurs de ptrole comme le Nigeria, l’Angola et le Gabon ont vu les prix de l’nergie grimper, ce qui leur a permis d’affronter la tempte. La Namibie a galement vu ses exportations d’uranium augmenter. L’conomie mondiale sort de la rcession que l’on redoutait, dit Yoofi Grant, directeur excutif chez Databank, une socit de services financiers. Le Japon semble avoir surmont les problmes conomiques de l’anne dernire. “D’ici la fin du troisime trimestre de cette anne, poursuit M. Grant, les Etats-Unis devraient tre sortis de la crise, ce qui montre que le paquet de mesures stratgiques porte ses fruits et que les marchs devraient nouveau retrouver des couleurs.†Au dbut, d’aucuns ont craint une crise mondiale prolonge qui risquait de rduire les entres de capital en Afrique. Des tudes de la Standard Chartered Bank ont au contraire mis en vidence une augmentation phnomnale des prts consentis par les institutions financires internationales (IFI). “Les engagements mondiaux de prt pris par le Groupe de la Banque mondiale ont atteint la somme historique de 58,8 milliards de dollars la fin de son exercice financier, en juin 2009, les promesses de prt de la Banque mondiale en faveur de l’Afrique s’levant 8,1 milliards de dollars. Il s’agit l d’une augmentation de 44% par rapport aux fonds mis disposition pour l’Afrique la fin de l’exercice fiscal 2008 par l’Association internationale de dveloppement de la Banque mondiale et par la Banque internationale pour la reconstruction et le dveloppementâ€, indique un porte-parole de Standard Chartered Bank.> Des prts pour amliorer > les perspectivesLa Banque est optimiste quant l’avenir du continent, mettant en avant des signes indi quant la poursuite des contributions des IFI : “En avril dernier, Londres, le sommet du G-20 s’est rsolu utiliser les ventes d’or du Fonds montaire international pour augmen ter les prts aux pays pauvres de 6 milliards de dollars sur les deux ou trois prochaines annes.†Toutes ces mesures visaient stimu ler les conomies africaines afin d’viter leur ventuel effondrement. Il est important que le G-20* respecte les engagements dont on a beaucoup parl, mme si certains se deman dent si cela va changer quelque chose pour l’Afrique, dit Mme Giorgia Giovannetti, professeur l’Universit de Florence. “Si ces engagements sont respects, explique-t-elle, le ralentissement des conomies africaines s’en trouvera considrablement attnu – c’est l’objectif.†Elle remarque toutefois pas mal de confusion quant la nature de cette assistance. “Une faon d’viter cette confusion consiste Francis KokutseHausse du prix des matires premires, augmentation des promesses de prt et premiers signes de reprise conomique aux Etats-Unis et en Europe – autant de facteurs qui tmoignent d’une amlioration des perspectives conomiques pour le continent africain. C’est ce qu’crit Francis Kokutse, journaliste bas au Ghana, quelques jours de la runion du G-20 * qui se tiendra du 23 au 25 septembre Pittsburgh, aux Etats-Unis.“NCacao Sao Tom. Reporters/Eureka Slide32 Commerce
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amliorer le capital humain grce l’enseignement.†Giorgia Giovannetti prcise qu’une partie des entres de capital visera lutter contre l’impact de la volatilit des prix des matires premires. “Ce sont les pays d’Afrique qui doivent eux-mmes laborer des plans pour les secteurs pour lesquels ils souhaitent bnficier d’une aideâ€, ajouteelle. Mais pour certains, l’aide des pays du G-20 est imparfaite. Soren Ambrose, coordinateur du financement pour le dveloppement chez ActionAid International souligne: “Il faut cesser de prendre des engagements qui ne seront pas respects. Les fonds sont mis disposition des pays moyens revenus et non des pays aux revenus les plus faibles, alors que c’est pour eux principalement que cette assistance s’impose.†Cette opinion parat cependant diffrente de celle de Standard Chartered, qui voit autre ment l’avenir de l’Afrique. “La nature librale des nouveaux prts complique le problme du financement, en particulier pour le FMI (qui prte gnralement aux conditions du mar ch). Nanmoins, l’Afrique devrait bnficier de la nouvelle allocation de droits de tirage spciaux (DTS) du FMIâ€, ajoute le porteparole de la Banque, qui pense qu’avec cette mesure, les rserves mondiales de change augmenteront de 250 milliards de dollars. L’allocation l’Afrique subsaharienne s’lve environ 10,8 milliards de dollars, un mon tant qui reprsente un rel coup de pouce pour de nombreux pays. Selon M. Ambrose, on assiste surtout un recul des subventions, au profit des prts, ce qu’il dplore. “Ce que l’Afrique devrait faire aujourd’hui, c’est demander sa part dans le systme actuel pour ceux qui sont confronts des pertes.†Standard Chartered admet toutefois que “l’augmentation des engagements des institutions financires internationales ne va pas tout rsoudre et ne va pas sans contrepartie.†Et d’ajouter : “En augmentant les entres de devises et les ressources disponibles, les IFI contribuent stabiliser la balance des paiements, minimiser toute dislocation macro-politique et devraient favoriser le maintien des dpenses de dveloppement face un ralentissement cyclique.†D’autres craignent aussi que les investissements ne soient fortement affects. A ce propos, Mme Giovannetta rappelle que dans certains secteurs, les investissements ont quelque peu souffert des incertitudes. “Les investisseurs ptroliers, par exemple, ont hsit plus longtemps, craignant la situation dans les pays o ils sont actifs. Ces incertitudes doivent tre leves.†Citant le Ghana comme exemple, elle ajoute : “Les incertitudes politiques dans ce pays sont moins importantes qu’au Niger. Les efforts raliss pour attirer les investissements dans les nouveaux champs ptrolifres devraient donc porter leurs fruits.†Il semble que beaucoup dpende toutefois des gouvernements. Standard Chartered insiste sur le fait que la suite des vnements devrait montrer que “de plus grands engagements des IFI auront un impact sur l’attitude politique future des gouverne ments d’Afrique et, mesure que l’conomie mondiale se redressera, les flux de capitaux privs augmenteront.†Pour l’heure, il faut que tout le monde croise les doigts et soit convaincu que les initiatives politiques dans les pays du G-20 portent leurs fruits de l’une ou l’autre faon.* Le G-20 regroupe vingt pays industriels et mer gents : l’Argentine, l’Australie, le Brsil, le Canada, la Chine, la France, l’Allemagne, l’Inde, l’Indo nsie, l’Italie, le Japon, le Mexique, la Russie, l’Arabie Saoudite, l’Afrique du Sud, la Core du Sud, la Turquie, le Royaume-Uni, les Etats-Unis. L’UE, reprsente par la prsidence tournante du Conseil et par la Banque centrale europenne en est le 20e membre. Hþausse AUSSE þduDU þpriPRI X þduDU þcacaCACA O L’International Commodities Ex change Futures aux Etats-Unis in dique que le prix du cacao a atteint son plus haut niveau depuis treize mois. En septembre, les oprations terme ont progress de 87 dol lars pour atteindre 2.998 dollars. L’conomie ghanenne devrait ainsi bnficier d’un sursis aprs la dimi nution des fonds des donateurs suite la crise conomique mondiale. En mai 2009, le gouverneur sortant de la Banque centrale, Paul Acquah, signalait que “le prix moyen ralis des exportations de cacao avai ent augment de 17,9% au cours du premier trimestre 2009, passant 2.794 dollars la tonne.†Par con squence, poursuit M. Acquah, “les exportations de grains de cacao et de produits drivs du cacao se sont leves 553,3 millions de dollars au cours du premier trimestre 2009, contre 403,2 millions de dollars au cours de la mme priode en 2008.†Il n’est ds lors pas tonnant qu’au dbut du mois d’aot, le Prsident ghanen, John Atta Mills, laissait entendre une augmentation du prix producteur afin d’inciter les agricul teurs produire davantage Il faut cesser de prendre des engagements qui ne seront pas respects Cacao Sao Tom. Reporters/Eureka Slide33 N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 C ommerce Mots-cls Prix des matires premires ; G20 ; Pittsburgh ; Afrique ; Standard Chartered Bank ; institutions financires internationales (IFI) ; Giorgia Giovannetta ; FMI ; Banque mondiale ; Banque internationale pour la reconstruction et le dveloppement (BIRD) (IBRD).
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Le journal tlvis de 20h de la premire chane de tlvision franaise prsent par la star Patrick Poivre d’Arvor annonant dj dans ses titres un reportage de Marie-Laure Bonnemain sur Makingson Delivrance Nespoulos, tailleur de pierre hatien redonnant vie l’un des monuments les plus prestigieux de l’histoire de France et de la chrtient, Notre Dame de Paris a certainement cr un tournant dans la vie de cet artisan de talent. C’tait en avril 2008. Depuis lors, plusieurs mdias dans le monde ont dcouvert ses talents dans son mtier, ses autres palettes, peintre de qualit, musicien, et auteur de bandes dessines. L’Hatien qui redonne vie aux grands monuments de France Dans le reportage de TF1, une anecdote a contribu largement faonner l’image du person nage – talent, finesse et humour. Avec le soutien de ses parents, un couple franco-grec, les Nespoulos, qui l’avait adopt l’ge de trois ans, il a recherch plus tard sa mre naturelle. Et il raconte avec tendresse comment celle-ci lui a dit “Je t’ai envoy l’tranger pour que tu ne sois pas un ouvrier et voil que tu t’treins travailler la pierre.†La pierre en question tait celle des chefs-d’uvre sur lesquels l’artisan grave sa marque – des petits chevaux “qui galopent derrire les murs de Paris.â€> La chirurgie fine sur deux mille > ans d’histoireMaintenant, Makingson restaure les ar nes d’Arles. Il se passionne pour cette ville o il trouve inspiration pour la pierre, la peinture et la musique o il se plait dans le voisinage de Van Gogh et de tous les gnies qui avaient succomb avant lui au charme de la cit provenale. Entretemps, c’est sur une bonne vingtaine de perles de l’architecture en France qu’il a grav son empreinte, et qui l’ont imprgn. “Je pense toujours aux anciens tailleurs qui ont touch, caress, soi gn ces pierres.†Parmi ces perles : les quais de la Seine, le muse du Louvre, le “porche Mamlouk†du muse du Louvre, le chteau de Versailles et le petit Trianon, les cathdra les d’Amiens et de Limoge et le Pont Neuf, son coup de cur. “Quand j’tais petit et qu’on passait, mon pre me disait que c’tait le plus beau monument de Paris.†Makingson Nespulos, peinture, “Autoportraitâ€. Photo Hegel GoutierMakingson Delivrance Nespoulos, tailleur de pierreD34 Z oom
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Depuis un an, Makingson descend en Arles chaque lundi et remonte Paris pour la fin de semaine. Il y restera un an encore. Lui et ses quelques collgues travaillent sous l’autorit d’Alain-Charles Perrot, architecte en chef des Monuments historiques de France. Une journe complte avec lui en Arles est une promenade dans le temps et dans le rve. Sous les traves, dans les “entradas†et sur le toit des arnes dominant deux mille ans d’histoire de ce haut lieu de la culture romai ne encore habit par l’ombre des gladiateurs de Csar. Ici Nespoulos ne taille pas la pierre comme Notre-Dame, il fait de la chirurgie esthtique. Avec de minuscules instruments qui ressemblent parfois ceux de la mdeci ne, il panse les plaies de la pierre, obstrue ses cavits fragiles, suture les ruptures entre les vieilles pierres ou entre elles et les nouvelles auxquelles on doit parfois avoir recours. Et toute cette intervention ne doit pas se devi ner l’il. Chaque pince de ragrage doit parfois tre subtilement teinte de nuances subtiles pour donner le reflet moir naturel du soleil mridional sur la pierre calcaire. “Je suis conscient de travailler avec l’histoire, de la malaxer. Je veux que ce soit les plus belles arnes possible et surtout viter les ruptures entre l’ancien et l’intervention nouvelle.†Et pendant ce temps, il vous raconte l’his toire d’Arles dont il s’est imprgn, il vous fait dcouvrir la vie de ces squatteurs parti culiers qui avaient rig dans les arnes une ville de deux mille mes la fin de l’Empire romain jusqu’ la fin du XIXe sicle. Il parle de posie, de Van Gogh, de Barcel, de cor ridas, de sang, de lumire, de Lautramont, de Fratellini dont il a frquent l’cole du cirque. Et aussi d’Hati o, adulte il a ralis un atelier pour les enfants des rues.> Hati, France, Italie, Allemagne. > De l’enfance au MinotaureSa passion pour la pierre, il l’a eue de 6 ans, ge auquel il a fait sa premire sculpture, maintenant. Il vient de crer sur demande, pour son ami, le dessinateur Moebius, “mon parrainâ€, le pre de Blueberry, une petite sculpture l’image de l’un des personnages de celui-ci. Mais il est devenu tailleur de pierre professionnel de faon inattendue. “J’ai pass mon bas-ge depuis l’ge de 3 ans o j’ai t adopt par mon pre et ma mre dans le petit village de deux cents habi tants de Largny-sur-Automne dans l’Aisne en Picardie. Mon rve d’enfant avait t de passer du temps observer les micro-tres au microscope.†“De 16 17 ans j’ai achev mes tudes de base Pletenberg en Rhnanie-Westphalie en Allemagne, ce qui fait que j’tais sur place lors de la chute du mur de Berlin. C’est ainsi que je parle l’allemand. A 19 ans mes parents m’ont envoy une anne Carrare en Italie pour bien connatre les carrires de marbre. Et en Italie, je suis tomb en ado ration devant les uvres de Michel-Ange et des autres grands artistes de la Renaissance italienne. J’ai suivi des tudes au Centre national d’apprentis pour les arts graphiques, dans le but de devenir un crateur de bandes dessines. J’ai pu ainsi participer la cration du packaging du parfum Minotaure de Paloma Picasso.†Il crera aussi ce moment la pochette d’un disque de Magma.> Jeu du hasard et de la ncessit. A 19 ans, Nespoulos avait postul l’cole trs prise des tailleurs de pierre. Aucune rponse et il avait ainsi entam ses tudes de graphisme. Et juste au moment o les portes s’ouvraient pour lui dans ce mtier, il reoit un message lui informant, trois ans plus tard que sa demande tait agre. Il a tout de suite pli bagage et est all vers l’aventure qu’il vit aujourd’hui. “Si mes parents voulaient que je reprenne le mtier de mon pre ? Je crois qu’ils auraient aim que je fasse un travail moins pnible. Mais ils sont contents que j’en sois content.†> Son petit muse personnel > encastr pour des sicles Nespoulos est depuis sa jeunesse un boulimi que de peinture. Il peint quasiment chaque soir, aprs le travail, jusqu’ 1h du matin. On lui a drob une fois toutes les uvres qu’il avait en dpt dans une cave, prs de 500 toiles et dessins. Un choc comme un efface ment d’un pan de sa vie “Avais-je vraiment cr ses uvres ?†se demanda-t-il. Il arrte de peindre pendant presque deux ans jusqu’ un autre choc. Il a sauv une jeune fille de la noyade dans la Seine. Et quand il s’est remis peindre, l’image de ce que font souvent les “compagnons tailleurs de pierre†d’Europe qui insrent dans les constructions des objets pour la mmoire il a insr lui, comme gref fs dans l’histoire, nombre de ses tableaux dans les monuments restaurs. Derrire les pierres de Notre-Dame, il a abrit une de ses sculptures. Et “Les chants de Maldoror†de Lautramont ct d’une bouteille de bon vin et d’un tire-bouchon. þH H .G. Mots-cls Makingson Delivrance Nespoulos ; Marie-Laure Bonnemain ; Patrick Poivre d’Arvor ; Hegel Goutier ; Alain-Charles Perrot ; Moebius ; Cathdrale NotreDame ; Arles ; arnes d’Arles ; Trianon ; Versailles ; Pont Neuf ; Hati ; tailleur de pierre ; porche Mamlouk. Makingson Nespoulos aux Arnes d’Arles, 2009. Hegel Goutier 35 N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 Z oom
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36 Il rassemble une douzaine d’industriels dont les gants allemands de l’nergie E.ON et RWE, la Deutsche Bank, le conglomrat allemand Siemens et suisse ABB, des fabricants de centrales solaires comme l’espagnol Abengoa Solar, et le grou pe agro alimentaire algrien Cevital. Le pro jet, arguent ses promoteurs, doit permettre l’Europe d’obtenir une importante source d’nergie non polluante et donc de diminuer ses missions de gaz effet de serre et aussi sa facture climatique. Reste qu’il laisse encore de nombreuses questions ouvertes, comme les lieux d’implantation, le cot du courant produit, le bnfice qu’en tireront les pays africains et, mme, ses vertus climatiques. Sans oublier son financement : le cot estim serait de 400 milliards d’euros, l’quivalent du vaste programme que la France doit proposer au sommet de Copenhague sur le climat en dcembre prochain et qui devrait “organiser l’autonomie en nergie renouve lable de l’ensemble de l’Afrique,†selon les termes du Ministre franais de l’Environne ment, Jean-Louis Borloo. > Une nergie “inpuisableâ€A priori, le projet est sduisant : 1% de la surface du Sahara couverte de centrales solaires suffirait en effet rpondre la demande en lectricit de l’ensemble de la plante. La technologie est dj prouve, notamment dans le sud de l’Espagne. Il s’agit de gigantesques miroirs qui concentrent l’nergie solaire vers un tube collecteur contenant un fluide lequel, port haute temprature, permet d’vaporer de l’eau, faire tourner une turbine et gnrer ainsi de l’lectricit. Systme thermique “classique†Le soleil du Sahara au secours de l’Europe ?Des milliers de kilomtres carrs du Sahara couverts d’installations solaires thermiques afin d’assurer le quart des besoins en lectricit de l’Europe d’ici 2025 : telle est l’ambition du projet Desertec annonc en juillet dernier et chaudement salu par la Chancelire allemande Angela Merkel et le Prsident de la Commission europenne Jos Manuel Barroso. Un projet qui suscite nanmoins des controverses. D e la Terre Desertec
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37 N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 De la Terre que l’on retrouve tant dans les centrales au charbon et au gaz que dans les centrales nuclaires. Avec toutes les pertes que cela entrane. Ainsi, d’aprs l’expert en nergie, Olivier Danielo, partie prenante au projet Deserted, du moins dans sa phase initiale, “seule environ 15% de l’nergie solaire incidente reue par les miroirs est finalement convertie en nergie lectrique le reste, soit 85%, est perdu sous forme de rayonnement infrarouge et de flux de chaleur et rchauffe l’atmosphre.â€> Un climat malmenOutre la chaleur mise par les centrales, les experts – c’est le cas du physicien de l’atmosphre Yves Fouquart, co-auteur du rapport international de 1995 sur l’volution du climat – soulignent le risque de diminution de la rflectivit des surfaces dsertiques, “l’albdo†en jargon scientifique. Dans les dserts, cet albdo est lev ( l’inverse des zones plus “fonces†comme les forts), permettant ainsi de renvoyer vers l’atmosphre une bonne partie des rayonnements solaires (ce qui explique que les nuits sont froides dans les dserts). “Le problme, note Yves Fouquart, est que cette nergie (dans le cas de centrales solaires) sera absorbe et non pas rflchie et que, comme le rendement n’est pas gal un, loin de l, il y aura un apport d’nergie supplmentaire dans la rgionâ€. Et de poursuivre : “De nos jours, la temprature moyenne sur notre plante est de 15C. Si la terre tait recouverte de forts, elle serait de 24C. Sur une terre dsertique, la temprature serait de 13C. Si elle tait entirement recouverte par des ocans, elle serait de 32C, parce que les ocans sont sombres, et ont un albdo faible, comme un objet noir. Notre plante, si elle tait recouverte de glace, serait trs froide, -52C !†En outre, poursuit M. Danielo, une variation de l’albdo a un impact plus grand dans le Sahara o l’insolation directe est particulirement leve. Tout changement d’albdo conduit un “forage radiatif†(grosso modo une augmentation ou diminution du rchauffement) que l’on peut calculer en quivalent de CO2, principal gaz effet de serre. Suivant ce dernier, une mga centrale thermo solaire de 100 km2 de surface installe dans le Sahara, conduirait un forage radiatif quivalent l’mission d’environ 10 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphre. Soit 10% des missions annuelles de CO2 de la France. > Eau en prilQui dit centrale thermique, dit consommation – importante – d’eau. Toujours selon Olivier Danielo, “pour alimenter 15% de l’lectricit europenne avec des centra les thermo solaires sahariennes, il faudrait fournir chaque anne aux centrales une quantit d’eau quivalente environ 5 10 fois la consommation d’eau douce de la rgion parisienneâ€. L’ingnieur camerou nais spcialiste en solaire, Guy Tchuilieu Tchouanga, fondateur du bureau de conseil EcoSun Solutions, renchrit. Interrog par le magazine Afrik.com il dclare : “cette initiative va se rvler dsastreuse pour les pays africains car ils vont pomper toute l’eau de la nappe souterraine, qui va s’vaporer, pour faire tourner les turbines.†> Les limites du raisonnement > climatique ?Youbo Sokouna ne voit pas les choses sous cet angle. Le Secrtaire Excutif de l’Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS) (lire son interview complte dans la rubrique Sans Dtour) estime que Desertec est “une trs bonne initiative condition que les pays africains en l’occurrence l’Algrie, le Maroc, la Lybie en profitent pleinement aussi bien de la production d’lectricit pour les besoins des pays que de la matrise de la technologie. Il ne faudrait pas que nous demeurions des fournisseurs passifs de ‘matires premires’. C’est dans cette perspective que je me demandais s’il ne valait pas la peine d’imaginer une sorte de FEM (Fonds mondial pour l’environnement) pour aider les pays pauvres et bas et moyens revenus se mettre sur une trajectoire de dveloppement durable en impulsant un mode de dveloppement plus sobre en carbone pour ce qui concerne l’nergie.†M.M.B. Mots-clsDesertec ; Club de Rome, centrales solaires ; Sahara ; albdo ; climat ; Olivier Danielo ; Guy Tchuilieu Tchouanga ; Yves Fouquart ; Marie-Martine Buckens. Miroir solaire. Reporters/Science Photo Library
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Le Nord et le Sud se rencontrent au Niger Marie-Martine BuckensUn reportage de Marie-Martine Buckens R eport Niger. C’est un pays doublement secou – par une crise politique et climatique – que Le Courrier consacre son “reportage paysâ€. Crise politique : le prsident Mamadou Tandja, l’homme qui avait consacr la dmocratisation du pays lors de sa rlection la tte du pays en 2004, se retrouve aujourd’hui dsavou pour avoir enfreint ces mmes rgles dmocratiques en obtenant le 4 aot dernier, par voie de referendum et en dpit du veto de la Cour constitutionnelle, une rallonge de son mandat qui allait expirer. Au moment o Le Courrier allait sous presse, le pays tait frapp par de violentes inondations, provoquant morts, destructions des rserves cralires, risquant de provoquer une nouvelle crise alimentaire dans un pays o le moindre dsquilibre dans le rythme des scheresses et pluies saisonnires ne fait qu’aggraver une pauvret encore gnralise. Pauvret qui n’est cependant pas synonyme de misre. Le peuple nigrien, ou plutt les peuples du Niger – Djermas ou Haoussas de l’Afrique noire, Peuls ou Touaregs venant du Nord de l’Afrique – se sont depuis des sicles adapts leur environnement, essentiellement sahlien. Qu’ils soient nomades, sillonnant le pays au gr des saisons, ou agriculteurs, ou souvent les deux, ils tirent leurs revenus de leur cheptel, dont la rputation dpasse largement les frontires, ou de leurs cultures comme l’oignon ou le mil. C’est ces peuples – largement soutenus par l’Union europenne, premier bailleur de fond du Niger – que Le Courrier a dcid de consacrer l’essentiel de son reportage. Sans oublier, bien entendu, un secteur en voie d’expansion, le secteur minier, dont l’uranium assure l’essentiel des recettes d’exportation du pays.38 R eportage
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Mots-cls Niger ; histoire ; France ; Hamani Diori; Ali Seybou; Ibrahim Bar Manassara; Mamadou Tandja; Le Canard Dchan; Touaregs; Marie-Martine Buckens. Nenant des brumes de l’Europe du Nord, l’avion quitte le territoire algrien, dpasse le Tropique du Capricorne, marquant le dbut du territoire du Niger. Il survole alors le plateau du Djado, une mer de sable, ponc tue et l d’oasis. La dsertification du Sahara a commenc 800 ans avant notre re, chassant les agriculteurs qui laissrent la place aux leveurs, sans doute Peuls. Suit la ville minire d’Arlit, sortie du sable il y a 40 ans permettant la compagnie franaise Areva d’alimenter en uranium les centrales nuclaires de France et d’ailleurs ; ensuite c’est l’immense rserve naturelle de l’Ar et du Tnr ; l’avion laisse sur sa gauche Agadez, “capitale†des Touaregs, survole les plateaux sahliens entourant Tahoua, pour enfin piquer vers l’ouest, en direction de Niamey. Love dans un des mandres du fleuve Niger, la capitale a t en son temps le creuset de l’empire Songha. Sur sa route, l’avion a laiss sur son flanc gauche les rgions de Zinder et de Diffa jouxtant la longue frontire avec le Nigeria. Les Haoussas y sont majoritaires, mais on y compte d’autres peuplades, tels les Kanouri, des bords du lac Tchad, dont le prsident Tandja est originaire. Le sultanat de Zinder tait alors la capitale du territoire militaire administr ds 1900 par la France. Deux ans plus tard, le pays devient colonie franaise. La capitale est transfre Niamey afin de rquilibrer les pouvoirs conomiques et politiques locaux des mirs de l’Est, de diminuer le poids de la communaut haoussa de Zinder et l’influence du nord du Nigeria, rgion riche et peuple. 1960 marque l’accession du pays l’ind pendance. Hamani Diori en est le premier prsident, sous parti unique. Celui-ci est ren vers par un coup d’Etat militaire en 1974. Un pouvoir militaire autoritaire s’installe, dirig par Seyni Kountch. Son programme porte sur le redressement conomique, suite aux grandes scheresses de 1973, et la pour suite de la coopration avec la France, en particulier pour l’extraction de l’uranium. Tentatives de coups d’Etat se succdent. A sa mort, en 1987, le colonel Ali Seybou prend le pouvoir et devient prsident en 1989 aprs le vote d’une nouvelle constitution qui ramne les civils au pouvoir, mais toujours dans le cadre d’un parti unique. Il faudra attendre 1990, et une longue srie de gr ves pour que les partis d’opposition soient lgaliss. Un an plus tard, le multipartisme est autoris. En 1996, nouveau putsch et le colonel Ibrahim Bar Manassara prend le pouvoir. Une nouvelle constitution de type prsidentiel est adopte. Ces annes sont marques par la rvolte des Touaregs du nord qui rclament un partage plus quitable des richesses. Suite la crise conomique cause par la chute des cours de l’uranium, des gr ves d’tudiants et de fonctionnaires clatent, l’arme se mutine. En 1999 le prsident est assassin. La Ve Rpublique voit le jour. La mme anne Mamadou Tandja est lu pour cinq ans. En dcembre 2004 il est rlu sans surprise avec 65,5% des suffrages. Militaire “ l’ancienneâ€, le prsident Tandja incarnait, avant sa dcision en aot 2009, de recourir un referendum pour briguer un troisime mandat, anticonstitutionnel, pour l’homme politique qui avait russi imposer la dmo cratie. Non sans des zones d’ombre, comme en tmoignent notamment les mises sous verrou rgulires de journalistes, dont, tout rcemment, le rdacteur en chef du journal satirique Le Canard Dchan . M.M.B. Le long chemin vers la dmocratieBergers au march de Badaguichiri (Tahoua), 2009. Marie-Martine Buckens N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 39 Niger Reportage V
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40 Votre premire impression, quand vous avez pris votre poste, en janvier 2008 ? Avant de venir au Niger, j’tais en poste Dakar. Connaissant donc un peu le contexte ouest-africain, je n’ai pas rencontr de grandes surprises. Mais il existe bien sr des diffrences. Ce qui est remarquable au Niger, c’est l’immensit du pays. Il fait plus de 1.265.000 km2, soit prs de 29% de l’Europe 27 ! Ce qui veut dire que pour se rendre dans les chefs-lieux d’une des rgions, il faut facilement compter une journe une journe et demie de route. Il n’existe en effet pas de vols commerciaux qui desservent le pays, mme si une nouvelle compagnie est actuellement en train de s’installer. Pour le moment donc, tout est donc li au transport routier. Depuis mon arrive, j’ai pu faire un cer tain nombre de missions dans les diff rentes rgions du Niger. Ces visites m’ont permis de mieux connatre le pays et de rentrer en contact avec une population qui m’a frapp la fois par son sens de l’ac cueil, sa dignit et son courage, dans des conditions parfois difficiles. Quels sont les grands axes de la coopration de l’Union europenne avec le Niger ? Notre coopration avec le Niger s’inscrit dans le temps. La succession des programmes quinquennaux tient compte des priorits du pays o le secteur rural et les infrastructures tiennent une place prpondrante. Dans le 10e Fonds europen de dveloppement (FED), le dveloppement rural et les infrastructures – de transport surtout – ont donc une place de choix. S’y ajoute la bonne gouvernance, dans son acception large puisque la dcentralisation en fait partie. Il est envisag qu’une proportion croissante de nos appuis soit mobilise via l’outil de l’appui budgtaire. Bien qu’ils ne soient pas cibls directement, nous attachons une attention particulire aux secteurs sociaux, ducation et sant notamment, car les dcaissements des dites “tranches varia bles†sont lis la ralisation d’objectifs trs prcis dans ces secteurs. Entre autres, on suit l’volution des indicateurs comme le taux de scolarisation des filles, le taux de vaccination ou le pourcentage des accouchements assists. Dans le cadre du 10e FED, l’appui budg taire pourrait aller jusqu’ 62% des fonds totaux, dcoup en appui budgtaire global et sectoriel. Pour le 10e FED, quelque 180 millions d’euros sont affects l’appui bud gtaire global. Concernant l’appui budgtaire sectoriel, une transition des projets classiques vers cet instrument se fait graduellement, en fonction de la pertinence des politiques sec -“La croissance dmographiquereprsente l’un des grands dfis que le pays doit affronterâ€Rencontre avec le Chef de la Dlgation de la Commission europenne, Hans-Peter Schadek Reportage Niger CE
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N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 41 torielles menes et des capacits de mise en uvre des fonds par les ministres concerns. S’agissant du secteur du dveloppement rural notamment, nous travaillons sur des options pour voluer vers soit un fonds commun soit de l’appui budgtaire sectoriel, mais nous n’y sommes pas encore. Dans le domaine de la dcentralisation, nous comptons passer par le biais d’une agence rcemment cre par les autorits qui est charge de canaliser les fonds destins aux collectivits locales. La dcentralisation est en effet une des priorits du gouvernement, o en est-on ? Le gouvernement a fait de la dcentralisation un chantier important. Il existe dsormais 265 communes, caractrises par des niveaux d’quipement, de ressources humaines et de capacits financires trs variables. Beaucoup reste faire pour que toutes les collectivits territoriales deviennent pleinement oprationnelles, qu’elles puissent, par exemple, exercer efficacement leur fonction de matre d’ouvrage, collecter la totalit de leurs impts et dfendre leurs intrts auprs de l’administration centrale. Une grande diffrence persiste d’ailleurs entre les villes et les communes rurales. Souvent, ces dernires n’ont pas d’clairage, pas d’lectricit pour brancher des ordinateurs par exemple. Nos efforts visent donc, d’un cot, appuyer le renforcement des capacits des communes et, de l’autre, contribuer la mobilisation des fonds ncessaires pour mener bien des projets d’investissement locaux prioritaires. A cet effet, un projet men au titre du 9e FED est en cours depuis deux ans dans la rgion d’Agadez. Sur base de l’exprience acquise, nous comptons largir la zone bnficiant de nos appuis avec les fonds du 10e FED. Autre priorit, la scurit alimentaire o l’UE intervient galement. Effectivement, la scurit alimentaire, de mme que les mines dans le cadre du Fonds Sysmin (lire article spar), font partie des secteurs o nous sommes engags. La scu rit alimentaire est un domaine o les instru ments de la Commission europenne s’ar ticulent bien : les fonds de ECHO pour les actions humanitaires – le Niger s’octroie une part importante dans le programme ECHO en cours pour la rgion du Sahel – et nos engagements au titre du Programme indicatif national (PIN). La ligne budgtaire “scurit alimentaire†de la Commission a galement contribu au financement de nos appuis dans ce domaine. Au total, la Commission a mobilis plus de 79 millions d’euros dans le domaine de la nutrition et de la scurit alimentaire ces dix dernires annes. Comment le Niger a-t-il vcu la crise des prix alimentaires ? Le Niger tait bien prpar cette ventualit et a gr les choses avec clairvoyance et mesure. En effet, le pays s’est dot d’un dispositif national de prvention des crises alimentaires – que nous appuyons d’ailleurs avec d’autres donateurs. Le pays avait donc sa disposition des stocks alimentaires suffisants pour faire face la hausse des prix et de la raret de certains produits alimentaires. En outre, certaines zones vulnrables ont bnfici des actions de “cash for workâ€, ce qui a permis aux mnages les plus vulnrables d’accder des revenus trs prcieux en priode critique. Aussi, le gouvernement a pris des mesures supplmentaires, en dtaxant par exemple le prix du riz import, ce qui a eu un effet notable sur le prix, notamment en zone urbaine. Toutes ces mesures combines ont permis au Niger de bien grer cette situation, mme si aujourd’hui encore les prix restent relativement levs. Quels sont les grands dfis que le pays doit relever ? J’en citerais surtout un, car il me parat dterminant pour l’volution future du pays, savoir la croissance dmographique. Celleci est de 3,3% par an. Ceci veut dire que la population du Niger – actuellement dj de plus de 14 millions d’habitants – grandit de presque 500.000 personnes chaque anne. On risque donc d’atteindre, dans un avenir prvisible, les limites de capacit du pays de se nourrir de ses propres ressources agricoles. D’o l’importance de dvelopper d’autres secteurs comme le secteur minier, les res sources du sous-sol, qui ont un grand poten tiel de dveloppement. Des grands investisse ments sont d’ailleurs prvus et le Niger s’est engag dans l’Initiative de Transparence des Industries Extractives (ITIE), dmarche vi demment trs bienvenue. La croissance dmographique a galement des effets trs importants sur les secteurs de la sant et de l’ducation. Si l’on veut assurer des soins et une ducation de qualit pour tous, le paramtre dmographique joue un rle crucial et des politiques adquates cet gard s’imposent. S’ajoute au dfi cit certainement aussi la question du changement climatique. Le Niger est trs expos aux alas de la pluviomtrie, avec des cosystmes fragiles. Et ce stade, les diffrents pronostics relatifs aux changements climatiques ne sont malheureusement pas encore trs prcis pour les diffrentes zones gographiques du pays, parfois mme contradictoires. Mais il est certain qu’il y aura un changement. Il sera donc essentiel de prvoir d’ores et dj, dans les politiques sectorielles de l’agriculture, de l’levage, de l’hydraulique etc., des adaptations aux changements attendus. Et nous sommes videmment prts accompagner ces rflexions et analyses par les moyens qui sont notre disposition. M.M.B. Mots-clsNiger ; Hans-Peter Schadek ; dveloppement rural ; dcentralisation ; infrastructures ; 10e FED ; dmographie ; climat ; Marie-Martine Buckens. Niger Reportage Village au Niger, 2009. Marie-Martine Buckens
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42 Le Niger compte un cheptel important et pris par ses voisins. Mais, jusqu’ici, ce cheptel est vendu sur pied. “Or, explique Youssouf Elmoctar, il existe un march potentiel de btail-viande o l’on pourrait tre leader sur le march de l’Afrique de l’Ouest. La filire laitire reprsente elle aussi un grand potentiel, mais la collecte n’est pas encore organiseâ€. Le RECA reprsente ces leveurs – mais aussi les agriculteurs, producteurs de bois – auprs du gouvernement. Il est galement charg de fournir des informations techniques auprs des organisations sectorielles, notamment sur le dveloppement des filires.> S’adapter aux APEUne autre production d’exportation, en ralit la seconde source d’exportation du pays aprs l’uranium, est l’oignon. Sans compter d’autres productions de rente comme la gomme arabique, le ssame, l’arachide ou le souchet – un rhizome dont les Espagnols sont trs friands. “Le potentiel est l pour exporter plus en Afrique et, pourquoi pas, vers l’Europe ; mais le grand problme, poursuit le Secrtaire gnral de RECA, c’est le manque de moyens pour nous mettre niveau en termes de normes de qualit. Il faut tout prix renforcer les capacits des producteurs pour leur permettre d’tre comptitifs, et s’adapter aux Accords de partenariats conomiquesâ€.> Un ocan sous terreUn des grands dfis est de crer de la valeur ajoute aux productions de base, poursuit Youssouf Elmoctar. “En vendant le cheptel sur pied, vous vendez tout : la corne, la peau, les poils, le sabot, les boyaux et mme la gntique ; en ralit, vous vendez l’espceâ€. La filire a donc dcid de gnraliser les abattoirs travers le pays, notamment avec l’aide des fonds europens (lire article spar), suivant des pratiques conformes aux normes internationales. Mais cela ne suffit pas : “Il faut galement assurer le circuit de transport frigorifique. Il faut amliorer la capacit gntique du cheptel pour augmenter la production laitire. Une vache ici produit deux trois litres de lait par jour, alors que les rendements en Europe peuvent atteindre 20 voire 30 litres par jourâ€. “Avec la croissance dmographique importante que le pays connat, les espaces pastoraux s’amenuisent, et le grand problme est celui de la scurit alimentaireâ€. Bien sr, poursuit le responsable du RECA, “nous sommes un pays enclav, mais sous terre se trouve un ocan. Dans les rgions de l’Ar et de Maradi par exemple, il existe des nappes phratiques qui se trouvent six mtres de profondeur peine. D’aprs les estimations, les quantits d’eau sont telles qu’elle permettraient d’irriguer 700.000 hectares de terresâ€. Pour relever ces dfis, le RECA doit encore se consolider. “Notre institution est jeune, elle date de 2006, et nous avons besoin de soutien, notamment de l’Europe. Nous devons largir les structures. Ainsi, il n’existe pas de syndicat agricole. Nous sommes appels le susciterâ€, conclut Youssouf Elmoctar. M.M.B.Un potentiel agricole important sous-exploitLe Niger possde des atouts indniables, tant dans la filire btail que dans certaines cultures de rente, mais, pour cela, le pays doit renforcer ses capacits, explique Youssouf Mohamed Elmoctar, Secrtaire gnral national du Rseau des chambres d’agriculture du Niger, le RECA. Reportage Niger March btail de Badaguichiri (Tahoua), 2009. Marie-Martine BuckensL Marie-Martine Buckens
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43 Mots-cls Oignon de Galmi ; violet de Galmi ; Youssouf Elmoctar ; Tropicasem ; OAPI ; COV ; Marie-Martine Buckens. Niger Reportage Galmi est un petit village situ quelque 500 km l’est de Niamey, entre Birni Nkonni et Madaoua. L’activit y est intense. Le long de la route, d’normes semi-remorques immatricules au Mali, au Bnin et ailleurs attendent d’tre charges de grands sacs de cordes tresses remplis d’oignons avant de reprendre la route. Une route qui les mnera notamment jusqu’au port de Cotonou ou d’Abidjan. Le trafic sur la longue nationale du sud-est du pays est intense. Une nationale o les accidents restent nombreux en particulier sur les tronons qui n’ont pas encore t rhabilits – sous l’gide de l’Union europenne. En tmoigne le nombre impressionnant de camions gisant sur le flanc le long de la route. “Nous sommes les premiers exportateurs d’oignons – plus de 500.000 tonnes sont exportes chaque anne vers le Ghana, la Cte d’Ivoire, le Bnin, le Mali, le Togo et mme l’Afrique centrale – et seconds producteurs aprs le Nigeriaâ€, prcise le Secrtaire gnral du Rseau des Chambres d’Agriculture du Niger (RECA), Youssouf Elmoctar, ajoutant : “nous pourrions augmenter les bnfices, notamment grce des procds de conservation qui permettraient d’taler les ventes hors saison de production ou de vendre les oignons en poudre, en conserve, etc.†L’oignon de Galmi, ou “Violet de Galmi†s’est taill une solide rputation dans l’Afrique de l’Ouest. A tel point que plusieurs pays le cultivent sous ce nom. L’annonce, en mars dernier, que la socit sngalaise Tropicasem sollicitait de l’Organisation africaine de la proprit intellectuelle (OAPI) un Certificat d’obtention vgtale (COV) sur cet oignon lgendaire a dclench une norme polmique. Les organisations de producteurs, surtout nigriennes, sont montes au crneau et ont demand au gouvernement nigrien de contrecarrer la demande de la socit sngalaise auprs de l’OAPI. Tout rcemment, l’Association nationale des coopratives et des professionnels de la filire oignon du Niger (Anfo) a dcid de demander une indication gographique (IG) pour le Violet de Galmi, afin de rattacher qualit et rputation du Violet de Galmi au terroir de l’Ader. Une faon de protger l’oignon de Galmi, mais une superficie trs limite. Depuis cet pisode, le gouvernement a dcid d’tudier la possibilit d’une identification gographique pour d’autres produits agropastoraux tels que la chvre rousse de Maradi, le poivron de Diffa ou encore le zbu Asawak. M.M.B. N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 La ranon du succsLes qualits gustatives exceptionnelles de l’oignon de Galmi en ont fait un produit pris dans toute l’Afrique de l’Ouest. A tel point qu’une socit sngalaise a dpos une demande de certification auprs de l’OAPI. Leve de boucliers des producteurs nigriens. þVenuVENU þd D ’Eþg G Yþpte PTEEn ralit, explique Patrick Delmas, ac tuellement assistant technique au Rseau national des Chambres d’agriculture du Niger, le Violet de Galmi n’aurait jamais d s’appeler “Galmi†mais plutt oignon de l’Ader (du nom de sa rgion de production) ou de la Maggia (du nom de la valle d’o sont issus les principaux cotypes ayant permis de crer la premire slection laquelle il a t donn le nom de “Violet de Galmiâ€). L’oignon est en effet arriv en Afrique par les caravanes transsahariennes venant d’Egypte, et s’implante dans la rgion de Tahoua au Niger ds le XVIIe sicle. Entoures de plateaux, les valles de cette zone, en particulier celle de la Maggia, sont riches de leurs nappes phratiques qui permettent l’irrigation en saison sche, priode de culture de l’oignon. Marie-Martine Buckens
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La grande traverseScuriser l’conomie pastorale – lgendaire – du Niger est l’ambition du Programme d’appui la scurisation de l’conomie pastorale (PASEP) de l’Union europenne “Ce sont des Peuls !†s’exclame le chauffeur de notre expdition, en montrant un groupe d’hommes accompagnant un troupeau de vaches et de chvres traversant la route en direction du Nord. “Mais aussi des Touaregs et des Wodaabe. Ils ont t jusqu’au Nigeria, au Tchad, parfois mme jusqu’en Centrafriqueâ€. Et de poursuivre : “ils empruntent des ‘couloirs internationaux’ qui, au Niger, grce aux programmes de la CE, sont baliss. Vers le mois de juin, dbut de la saison des pluies, ils remontent vers les zones pastorales, jusqu’en Algrie ou au Mali.†Ces fameuses zones pastorales qui, selon le Code rural nigrien, garantissent aux leveurs en transhumance de faire patre en toute libert leurs troupeaux. “Le code pastoral, explique Frdrick Lonard – expert bas Tahoua et attach au programme PASEP financ par la CE – interdit de cultiver au-del du 50 parallle, soit environ 40 km au Nord de Tahoua et interdit la proprit foncire, sauf collective.†Tahoua, premire ville “septentrionale†du Niger, distante de quelque 450 km d’Agadez (qui signifie ‘de passage’ en tamasheq, langue touargue), ville des Touaregs et des Peuls aux confins du Sahara et du Sahel, dernire ville avant l’immensit du Sahara, si l’on excepte la ville minire d’Arlit 260 km d’encablures l’ouest. Ce code pastoral n’est cependant pas pass l’Assemble nationale, l’inverse du code rural. Il faudrait y voir l’influence, outre l’uranium, des grands commerants, bien reprsents parmi les diles, dont certains possdent des ranchs dans le nord du pays et y cultivent du mil ou du coton. Quoiqu’il en soit, mme si les agriculteurs, de plus en plus nombreux mme parmi les leveurs, voulaient y cultiver, ils devraient en demander l’autorisation. “Le chef traditionnel pourrait l’interdire, poursuit M. Lonard, mais souvent il ne le fait pas car il s’agit pour la plupart du temps de nomades pauvres qui ont perdu leur troupeauâ€. > Un nouveau profil, > celui des agropasteursTelle est la ralit : la scheresse aidant, “l’environnement socio-conomique est de moins en moins favorable aux pasteurs. On voit ainsi apparatre un nouveau profil, celui des agro pasteurs.†En ralit, les leveurs transhumants reprsenteraient 50 60% des leveurs au Niger. Environ 25% sont des le veurs sdentaires qui, l’aide de bergers, font patre leurs troupeaux dans un rayon de 15 hm environ pendant huit mois et le reste les nourrissent au fourrage dans le village. “Seuls 20% sont rellement des leveurs nomades. Ceux-ci sont pour l’essentiel des Wodaabe, ou Bororo du Niger, cette frange de Peuls qui, sans toits ni lois, effectuent de grands cercles d’environ 700 km et ne descendent pas trs loin dans le Sud, l’inverse de ceux qui effectuent de grandes transhumances. Ce sont souvent des gens marginaliss.> Scuriser l’levageLe programme PASEP de la Commission europenne a t mis en place pour scu riser les activits d’levage, un des piliers de l’conomie nigrienne. Un programme ambitieux qui se dcline en cinq axes de travail. Le premier prvoit le renforcement des capacits des leveurs, par le biais de formations. “Les leveurs ont un visage, ils sont reprsents pour une organisation, un comit de gestion, qui leur permettra un jour d’tre matre d’uvre†explique Frdrick Lonard. Le second axe est particulire ment important puisqu’il vise finaliser le code pastoral en facilitant l’installation du Secrtariat du Code rural – “il n’existait pas avant le programme de l’UE†– et four nir un appui aux Commissions foncires. PASEP a permis aux bouchers du march de Madaoua de se regrouper en comits, 2009. Marie-Martine Buckens “C44 Reportage Niger
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“L’Union europenne a financ tout le dis positif du foncier au Niger.†Cela implique notamment le balisage de 600 km de pistes de transhumance, vitant ainsi les conflits rguliers entre agriculteurs et leveurs, la construction d’une quarantaine de puits pastoraux et des forages grande profondeur ainsi que des contre-puits. Autre point vital, la commercialisation des produits d’levages. Des marchs btail – dont le grand march de Badaguichiri prs de Tahoua et celui de Tamask, au nord-est – sont construits Le programme prvoit aussi, c’est le cas notamment Madaoua, la forma tion et l’encadrement des organisations de bouchers, tanneurs, artisans. Des formations sont galement prodigues pour dvelopper la filire laitire. Quatrime priorit : garantir la sant du cheptel par la mise en place de services vtrinaires privs de proximit, la construction de 38 parcs de vaccination et la mise au point d’une carte de surveillan ce pidmiologique. Enfin, le programme assure un suivi du cheptel, en ralisant un recensement de la productivit par espce. Bnficiaire : le ministre de l’Elevage qui dispose ainsi d’un outil permettant de suivre le nombre d’animaux sur les marchs et des tins l’exportation. M.M.B. Mots-cls Niger ; PASEP ; transhumance ; cheptel ; code pastoral ; rgime foncier ; marchs ; puits ; Marie-Martine Buckens. Le Niger a relativement bien ragi la crise alimentaire, fortement mdia tise, de 2007-2008. Le pays, il est vrai, n’en est pas sa premire crise. L’anne 2005 reste dans toutes les mmoires, mme si cette crise n’est rien en regard des vritables famines que le pays a connues en 1984 ou 1973, qui ont t vcues, explique Jean-Pierre Olivier de Sardan, responsable de l’observatoire des dynamiques sociales au Niger, le LASDEL, “comme des catastro phes nationalesâ€. En 2005, note encore Olivier de Sardan, la gravit de la situation tait directement impute la flambe des cours. Une flambe qui aurait eu pour cause essentielle, expli que-t-il, “le fonctionnement ‘ l’envers’ du march des crales, en particulier le Nigeria achetant au Niger, contrairement aux annes prcdentes, le Ghana ne livrant pas de mas comme en 2001, anne dont le dficit vivrier tait du mme ordre qu’en 2004, etc. La spculation a jou aussi, au moins pour une part, amplifie dans un second temps par la mdiatisation de la crise et l’arrive des nom breuses ONG en qute de vivres acheter.â€> Terres nouveau fertilesLa ralit : une conomie agro-pastorale – l’activit des leveurs reste prpondrante – qui doit sa subsistance alimentaire princi palement au mil, crale dont la production est souvent manquante dans les priodes de “soudureâ€, forant les populations acheter l’extrieur, migrer temporairement, pour les hommes, laissant les femmes au village ; des socits villageoises ingalitaires ; un taux important de natalit, entranant le morcel lement des terres et la rarfaction des res sources. Pourtant, dans certaines zones, on assiste depuis une quinzaine d’annes une rgnration spectaculaire de la vgtation, lie de nouvelles pratiques d’agroforesterie (lire ce sujet la rubrique “Pour la Terre†du n du Courrier). Il n’empche. Globalement, la situation reste proccupante et la scurit alimen taire reste la priorit numro un inscrite dans la Stratgie du dveloppement rural (SDR) du gouvernement, et de la CE. Ainsi, Madaoua, quelque 600 km l’est de la capitale, est l’une des rgions qui a bnfici du programme ASAPI de la Commission europenne L’objectif d’ASAPI : contribuer la rduc tion de la pauvret en aidant les populations Avec une population majoritairement agricole, tirant sa subsistance de mil et sorgho cultivs de faon extensive sur des sols pauvres et mal irrigus, le Niger est confront priodiquement des crises alimentaires entretenues en outre par des tensions sur les marchs. Autant de gageures auxquelles tente de s’attaquer le programme europen d’Appui la scurit alimentaire par la petite irrigation (ASAPI).Renforcer la scurit alimentaire45 N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 Niger Reportage LPlantation d’arbres sur les flancs de la valle de la Maggia, 2009. Marie-Martine Buckens
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46 Reportage Niger Mots-cls Niger ; ASAPI ; Magochi Sani ; Madaoua ; Tarka ; Maggia ; irrigation ; CE ; MarieMartine Buckens. les plus vulnrables scuriser leur produc tion agricole en amnageant les terrains potentiellement riches en eau. Deux valles de fleuves fossiles ont donc t choisies pour monter l’exprimentation, la Tarka et la Maggia, de mme que dans la rgion de Zinder. “La premire – et principale – opration, explique Magochi Sani, responsable du programme Madaoua, est de matriser les eaux.†En priode de pluie, les fleuves fossiles deviennent de vritables torrents, souvent dangereux, emportant d’importantes quantits de terres arables dans leur cours. Les pratiques anti-rosion sont multiples et vont de la plantation massive d’arbres sur les flancs des valles en pousant les courbes de niveau du terrain permettant petit petit la cration de terrasses naturelles, la cration de bassins de rtention dans les valles. “Ces oprations permettent de freiner l’rosion et la dsertification, mais aussi de remonter le niveau des nappesâ€. Des nappes de ruissel lement, “pas les nappes phratiques, on n’y touche pasâ€. A cela s’ajoutent la construction de puits villageois – “qui vitent aux femmes qui incombe la tche d’aller chercher de l’eau, de faire des kilomtres et des kilomtres†– , de puits marachers dans les zones d’crtage de pistes et de routes de dsenclavement. “Avant toutes ces terres taient abandonnes, aujourd’hui on enregistre un retour massif des agriculteurs†ajoute Magochi Sani. Reste prenniser tout ce dispositif. “ASAPI a pris des mesures pour la fois structurer ces terroirs, mais aussi, en aval, pour scur iser les produits agricoles.†Structurer les terroirs implique de scuriser le foncier. Une soixantaine de commissions foncires communales ont t cres et 17 dparte mentales. Le programme a aussi financ l’ouverture de 50 centres d’alphabtisation et des formations techniques portant sur la production et transformation des produits. Plus de 80 banques cralires ont t mises sur pied, sans compter plusieurs projets de microfinances. Le financement ? “Exception faite des grands travaux comme les routes et barrages, tout s’est fait sous forme de microsubventions ; on tait pionnier.†Parmi les dfis qu’il reste relever ? “En pri orit la gestion de l’eau, estime Magochi Sani ; il nous manque un systme de gestion informatis, comme au Burkina Faso, qui permette de surveiller le dbit des eaux dans les valles. Il nous faut un code de l’eau, une redevance.†M.M.BLe mil, crale de base dans l’alimentation nigrienne au Niger, 2009. Marie-Martine Buckens
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Le Programme de renforcement et de diversification du secteur minier (PRDSM) a t lanc en 2004 par la Commission europenne pour une dure de sept ans avec un budget de 35 mil lions d’euros. L’ide : soutenir un secteur qui, dbut des annes 2000, a connu une forte crise en raison du dsengagement de nombre de pays industrialiss de la filire lectro nuclaire. Une catastrophe pour un pays comme le Niger dont l’uranium reprsentait environ 50% de ses exportations. La relance des programmes nuclaires dans des pays comme la Chine a dop le prix de l’uranium et redynamis la prospection minire. En tmoigne l’acquisition par Areva du gigantes que gisement d’Imouraren, plaant le Niger au deuxime rang mondial des pays produc teurs d’uranium. Le PRDSM travaille suivant deux axes. Tout d’abord allger les charges externes de la filire en rformant le systme sanitaire des villes minires jumelles d’Akokan et d’Arlit, situes au nord-ouest d’Agadez. Jusqu’il y a peu, la compagnie minire prenait en charge le cot sanitaire de tous les habitants, y compris la population non-minire. Un nouvel hpital public a t construit ; le programme prvoit galement la collecte des eaux uses et leur traitement pour les mettre aux normes de l’OMS. Une assistance technique est galement offerte aux artisans miniers. Le second axe vise renforcer le rle du ministre des Mines et de l’Ener gie. Il s’agit, explique Philippe Le Bars, expert franais dtach auprs du ministre, d’harmoniser le code minier nigrien au code supranational de l’UEMOA (Union conomique et montaire ouest africaine). “Mais surtout, poursuit-il, nous mettons au point un systme d’information gologique o toutes les donnes sont gorfrences. En ralit, ce systme intgrateur est assez exceptionnel, pour ne pas dire uniqueâ€. Premiers bnficiaires : l’Etat (notamment pour la construction des infrastructures) et les socits minires. “Le systme n’en reste pas moins complexe et l’appropriation diffi cile par manque de personnel qualifi. Il faut les former tout ; ce faisant nous dbordons largement de notre mission.†M.M.B.L’uranium devrait rester le poids lourd de l’conomie nigri enne, mme si le gouvernement – aid par le fonds Sysmin de l’UE – a dcid de diversifier l’exploitation des ressources extractives en se tournant notamment vers l’or – quelque peu exploit depuis 20 ans – et le ptrole. Avec, dans la foule, la diversification des compagnies trangres. Ainsi, la multina tionale franaise Areva partage dsormais le paysage minier avec des socits notamment chinoises et indiennes, mais aussi, et surtout, canadiennes et australiennes. Mots-cls Niger ; Uranium ; code minier ; PRDSM ; Sysmin ; Areva ; Marie-Martine Buckens. Sortir de la “monoculture de l’uranium†Nþiger IGER Le Niger est l’un des pays les moins avan cs. Il cumule les handicaps gographi ques : enclav, vaste territoire (1.267.000 km2, soit 2,3 fois la France) en grande partie dsertique, o la croissance d mographique est importante (3,4% pour une population avoisinant les 15 millions d’habitants) et aux infrastructures insuffi santes. Sa capacit productive agricole est insuffisante mme si le secteur rural contribue 40% du PIB (5,2 milliards de dollars en 2008) et 31% des recettes d’exportation, derrire l’uranium. Le pays affiche malgr tout un taux de croissance du PIB de 5,9% (2008) d pour une part la relance du secteur minier (l’uranium principalement, or, charbon, etc). Soutien la croissance rurale et l’intgration rgionale (y compris les infrastructures et la scurit alimentaire) Gouvernance et appui aux rformes institutionnelles et conomiques Appui budgtaire gnral la mise en uvre de la stratgie de rduc tion de la pauvret Appui au dveloppement des changes commerciaux et divers Facilit technique Appui l’Ordonnateur National Total Une seconde enveloppe, dite en veloppe B , d’un montant de 15,2 millions d’euros permet de cou vrir des besoins imprvus tels que l’aide d’urgence. 160M 95M 180M 13M 4M M 458MTITRE 10e FED – Programme Indicatif National (2008-2013)N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 47 Niger Reportage L (en demande ou cessation) France Canada Etats-Unis Russie Inde Afrique du Sud Australie Chine Royaume-Uni Iles Vierges Britanniques AutresNationalit des socits Sources : Carte de dcoupage des titres miniers (Direction des Mines) ; La Roue de l’Histoire (n) ; DAO : Collectif Tchinaghen
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Abdoulaye Mohamadou est chercheur au Laboratoire d’tudes et de recherches sur les dynamiques sociales et le dveloppement local (LASDEL) bas Niamey. Nous l’avons rencontr quelques semaines avant la tenue du referendum organis par le Prsident Tandja, referendum o le “oui†l’a massivement emport, permettant au prsident de prolonger son mandat qui allait expirer. Des semaines mouvementes o l’opposition manifestait, calmement, dans les rues de la capitale, avec plus de virulence dans certaines villes comme Dosso. Mais toujours sans dbordements. “Dans nos pays, nous explique-t-il, les pratiques de mobilisation des populations sont anciennesâ€. Aussi, poursuit-il, “le referendum n’est pas un enjeu fort pour la population. Le referendum est une pratique qui nous vient du colonialisme. Avant tout referendum, il existe dj en ralit un accord au sein de la classe politique. Historiquement, les politiques se mettent d’accord entre eux avant de demander au peuple de dire ‘oui’.†La grande nouveaut, poursuit l’expert du LASDEL, c’est que aujourd’hui les lites ne s’entendent pas. Pour la premire fois, il n’y a pas de consensus au niveau politique. “Or, mathmatiquement, le ‘non’ devrait l’emporter, mais nous savons que les gens proches de l’Etat seront au vote, le manipuleront.†C’tait aussi sans compter que l’opposition avait massivement appel ses adhrents ou sympathisants boycotter le vote, expliquant en partie le “oui†massif (92,50 % avec une participation de 68,26%). “Si le rfrendum est positif, et mme si aucune violence ne s’en suit, ce ne sera pas un climat apaisâ€, a ajout Abdoulaye Mohamadou. Et le climat n’tait certainement pas apais au moment o Le Courrier allait sous presse. “Le problme, ajoutait l’expert du LASDEL, est si les syndicats vont en grve, bloquant l’conomie ; le pays dpendant de ses recettes douanires, il y a risque de dstabilisation de l’Etat.â€>þ Des limites ne pas dpasser“Il existe au Niger tout un mcanisme de neutralisation de la violence, qui passe par une distanciation par rapport aux politiciens et la politiqueâ€, ajoutant : “depuis les annes 90, nous avons gr beaucoup de crises. Cela s’explique en partie du fait que souvent les membres d’une mme famille sont affilis quatre ou cinq partis politiques diffrents. Cela neutralise les conflits. Et ce phnomne recoupe l’ensemble des ethnies et des couches socialesâ€. Au Niger, poursuit Abdoulaye Mohamadou, “la population vite le conflit. Il y a des limites qu’on ne dpasse pas sur le plan thique, sinon on rompt l’quilibre. On retrouve un peu la mme chose au Bnin, o la violence politique n’est pas trs dveloppe, de mme qu’au Mali, moins au Burkina Fasoâ€. “Ce dtachement, ajoute-t-il, s’applique toutes les facettes de la vie.†M.M.B.“La population nigrienne a toujours su prendre du recul face aux crises politiquesâ€Les Nigriens ont travers de nombreuses crises politiques, en vitant chaque fois de recourir la violence. Cette distanciation par rapport aux politiques, explique le sociologue Abdoulaye Mohamadou , devrait permettre au pays de s’ajuster la nouvelle donne. A condition que les finances suivent. Mots-cls Niger ; Abdoulaye Mohamadou ; LASDEL ; politique ; referendum ; Prsident T andja ; Marie-Martine Buckens. 48 Reportage NigerCaricature reprsentant le prsident Tandja prt entamer un 3e mandat en dpit de l’arrt de la Cour Constitutionnelle et des chefs d’opposition, 2009. Marie-Martine BuckensA
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N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 49 La longue marche de la femme nigrienne Nu Niger on a longtemps pens que la scolarisation des filles n’tait pas ncessaire, vu que celles-ci sont appeles, par les liens du mariage, quitter leur famille d’origine. En ville comme la campagne, les parents investissent plus dans le suivi scolaire du garon que dans celui de la jeune fille. Aujourd’hui, seulement 38,52% de filles nigriennes sont scolarises et le taux des femmes analphabtes atteint 88%. Cet anal phabtisme est la cause directe de la relga tion de la femme en seconde zone. La sphre politique est largement domine par les hommes. La reconnaissance des droits de la femme n’est pas encore effective et cela mal gr le combat aux cts des hommes qu’elles ne cessent de mener pour la construction et la consolidation des rgimes multipar tites. Malgr qu’elles reprsentent 50,3% de la population nigrienne, les femmes sont sous-reprsentes dans les instances de dcision. De 1960 – date de l’indpendance du Niger – 1974 – fin de la premire Rpublique – il n’y avait aucune femme dans le gouvernement, et le droit la dputation n’tait pas pris en compte. Face cette ingalit criante, le Gouvernement a adopt en 1996 une Politique nationale de promotion de la femme qui aboutit, en juin 2000, l’adoption d’une loi sur le quota qui fixe un seuil minimal de participation de chaque sexe la gestion des affaires publiques. Ainsi, dans la proclamation des rsultats dfinitifs d’une lection lgislative ou locale, la proportion des candidats lus de l’un ou de l’autre sexe ne doit pas tre infrieure 10% et dans la nomination des membres du gouvernement cette proportion ne doit pas tre infrieure 25%. >þ Des avances significatives, þ mais beaucoup reste faire La loi sur le quota a beaucoup favoris l’mergence politique des femmes. Aux lections gnrales de 2004, 14 femmes furent lues l’Assemble nationale sur un effectif de 113 dputs, soit une proportion de 12%. Sur 3.747 postes travers les 255 communes que compte le Niger, 671 d’entre elles devenaient conseillres. Au gouvernement de quatre femmes ministres en 2004, on est pass 8 sur 32 ministres, soit un taux de 25%. Mais cette avance n’est que de la poudre aux yeux. Selon Madame Ben Wahab, dpute et ancienne conseillre spciale du prsident de l’Assemble nationale, “dans la structure des partis politiques l’on ne retrouve les femmes qu’aux postes sociaux ou des sous postes de 2e ou 3e secrtaire qui leurs sont exclusivement rservs.†Le travail des femmes mnagres appeles aussi femmes au foyer n’est pas comptabilis. Elles sont considres comme inactives et improductives. Pourtant elles consacrent 12 heures par jour l’entretien de la famille. Sur le plan juridique, la femme nigrienne est soumise trois sources de droits : moderne, islamique et coutumier. Une situation qui perdure malgr l’adoption par l’Etat du Niger de plusieurs textes nationaux et internationaux en faveur des femmes. S.S.M. Niger Reportage Longtemps considre comme une personne devant seulement s’occuper de son foyer, la femme nigrienne se dbarrasse progressivement de ce strotype. Les associations fminines sont aujourd’hui florissantes et au niveau tatique, il existe un ministre charg de la promotion de la femme. Mots-clsFemmes ; Niger ; quota ; Madame Ben Wahab ; Souleymane Saddi Mazou. Puits au Niger Marie-Martine Buckens A
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Touaregs au Niger, 2009. Marie-martine BuckensMme si le fleuve qui a donn son nom au pays ne le traverse que sur 550 km (alors qu’il en fait 4.100, troisime plus grand fleuve d’Afrique aprs le Nil et le Congo), il n’en reprsente pas moins un enjeu conomique de taille pour le pays. Le barrage de Kandadji, dont la premire pierre a t pose voici un an devrait permettre au Niger de moins dpendre du Nigeria qui lui fournit actuellement 90% de ses besoins en lectricit et d’augmenter (avec l’appui de l’UE) les surfaces d’irrigation. Le barrage a d recevoir au pralable le feu vert de l’Autorit du Bassin du Niger, qui rassemble la Guine, le Mali, le Niger, le Bnin et le Nigeria (cours principal), le Burkina Faso, le Cameroun, la Cte d’Ivoire et le Tchad (les affluents) afin de grer durablement un bassin fluvial de plus en plus pollu (100 millions de personnes y vivent) et ensabl. Mmes dfis, mme coopration entre les pays riverains du lac Tchad. La Commission du bassin du lac Tchad qui runit Niger, Cameroun, Nigeria, Tchad et Centrafrique, s’est engage en 2008 rendre ce bassin assch sa configuration de zone humide. M.M.B.L’eau, facteur d’intgration rgionaleForces centrifuges et parent plaisanterieDeux ethnies forment les trois quarts de la population nigrienne, et sont principalement concentres au sud : les Haoussas et les Djermas-songhas. Les premiers, grands commerants, se taillent la part du lion (43% de la population) et sont tablis au centre et l’est avec une aire culturelle qui dborde largement sur le Nigria, ce qui explique la grande porosit de la frontire entre les deux pays. Les seconds, prs de 18% de la population, sont les descendants de l’empire songha tabli au VIIe sicle dans le bassin du fleuve Niger et dtruit par les Marocains dix sicles plus tard. Les Touaregs et Toubous (environ 8,5%) occupent le nord et nord-est du Niger, les Kanuris et Boudoumas (5%) l’extrme est prs du lac Tchad et les Peuls (8,5%), grands leveurs, occupent l’ensemble du territoire. Touaregs et Peuls ont contrl le pays entre les XVIIe et XIXe sicles. Les causes de tensions entre tous ces peuples ne manquent pas : une lite politique forme par les Franais et privilgiant les Djermas, des leveurs, en particulier les Peuls bororos, rejets par les sdentaires, des Touaregs du nord se sentant lss par un pouvoir central s’accaparant les dividendes de l’uranium de leur rgion. Les rvoltes de ces derniers, touffes par le fer et le feu en 1990, sont encore dans toutes les mmoires et la tension entre le pouvoir central et le Mouvement des Nigriens pour la justice (MNJ), principal mouvement rebelle touareg reste vive. Pourtant ces populations ont appris cohabiter en adoptant des mcanismes d’vitement des conflits. Une de ces pratiques est la “parent plaisanterieâ€, coutume qui autorise, et mme parfois oblige, des membres d’une mme famille ou d’ethnies diffrentes, se moquer, voir s’insulter, et ce sans consquence. Une coutume qualifie d’“alliance cathartique†par l’ethnologue franais Marcel Griaule. M.M.B.Le Niger est un vritable carrefour d’changes entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne comme en tmoignent les diffrentes ethnies qui le peuplent. La gestion du bassin du fleuve Niger et de celui du lac Tchad, un formidable facteur de coopration rgionale. Mots-cls Ethnies ; Peuls ; Djermas ; Touaregs ; Kanuris ; Boudoumas ; parent plaisainterie Mots-cls Autorit du Bassin du Niger ; Commission du bassin du lac Tchad D50 Reportage Sa Niger moa
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Reportage de Debra PercivalMonument la mmoire du grand-duc Gedimina, cr par Vytautas Kauba, Place de la Cathdrale, Vilnius, 2009. Debra Percival C’est en 1009 que des crits mentionnent pour la premire fois la Lituanie. En 1253, le grand-duc Mindaugas est couronn roi de Lituanie, seul roi que connatra le pays. C’est durant son rgne qu’il est fait pour la premire fois mention de Vilnius comme capitale du pays. La cathdrale catholique de la ville est galement rige cette poque, mme si la population est encore majoritairement paenne. En 1325, Gediminas conclut une alliance avec la Pologne en mariant sa fille au fils du roi de Pologne. Et c’est ainsi qu’en 1387, l’Union de Kreva donnera naissance la cration de la communaut lituano-polonaise. Les armes polonaises et lituaniennes, menes respectivement par Jogaila et Vytautas, le grand-duc de Lituanie, unissent leurs forces pour repousser l’attaque des chevaliers teutoniques lors de la bataille de Grunwald. Au cours des XIVe et XVe sicle, la Lituanie devient l’un des plus grands Etats d’Europe ainsi qu’un centre des changes commerciaux en Europe centrale et de l’Est. Sur le plan culturel, on retiendra surtout la cration de l’Universit de Vilnius en 1570. Mais la fin du XVIe sicle est marque par la marginalisation politique et culturelle du pays. L’Union de Lublin signe la runion de la Pologne et de la Lituanie en un seul Etat. Vilnius est alors supplante par Varsovie, qui devient le centre de cet immense pays. C’est au dbut du XVIIIe sicle qu’une coalition des forces sudoise et russe tente de s’emparer du pays. La Lituanie sera annexe la Russie en 1795. Beaucoup d’habitants de Vilnius seront soit tus soit dports l’est de l’Empire russe. Entre 1830 et 1831, un soulvement contre l’administration russe est rprim. Commence alors une priode de russification de la Lituanie. L’administration russe ferme l’Universit de Vilnius et transforme les glises catholiques en glises orthodoxes. En 1864, aprs un autre soulvement, lui aussi rprim, le lituanien et la presse lituanienne sont interdits, mme si des livres sont toujours publis dans cette langue et que des coles lituaniennes sont ouvertes dans la clandestinit. On Vilnius est une des plus belles villes d’Europe. C’est aussi la capitale de la Lituanie, un des trois Etats baltes. Gographiquement, Vilnius est avec Bucarest (Roumanie) et Nicosie (Chypre), une des capitales les plus l’est de l’UE. Pourtant, selon des tudes cartographiques franaises, cette ville est le centre gographique de l’Europe. Elle est peu peu devenue le point de rencontre des cultures de l’Europe occidentale et orientale et ses 544.000 habitants sont rellement fiers de leur nation, redevenue indpendante il y a seulement une petite vingtaine d’annes. Pour comprendre cette volution, il est essentiel de se pencher sur l’histoire complexe de ce pays, marque par des guerres, des divisions et un processus d’unification.þVVilnius, aux confins de l’UE mais en mme temps au centre de l’Europe 51 N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 D couvrir l’Europe
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Mots-cls Lituanie ; Vilnius ; Dakia Grybauskaite ; Seimas. Cathdrale Saint Stanislas et Saint Vladislav et son clocher, Place de la Cathdrale, Vilnius, 2009. Debra PercivalBarricades l’extrieur du Seimas (Parlement) ; rappel de la tentative avorte d’assaut sur le Parlement par l’Arme rouge en 1991. Debra Percivalassiste mme un renouveau de la culture et de la tradition nationale avec la publication de journaux en lituanien, comme Auszra (“l’Auroreâ€). C’est aussi au cours de cette priode qu’est construite la ligne de chemin de fer reliant Saint-Ptersbourg, Vilnius et Varsovie, Vilnius devenant par ailleurs le centre d’un renouveau national. >þ En qute d’indpendance L’indpendance est proclame une premire fois aprs la Premire Guerre mondiale (1914-1918), avec la dclaration de Vilnius du 16 fvrier 1918. Mais au dbut de la retraite de l’arme allemande, la Lituanie est attaque par le gnral polonais Jzef Pilsudski, qui s’empare de Vilnius et du sud du pays, annexs la Pologne de 1920 1939. La Pologne prserve une partie de l’ancienne communaut lituano-polonaise et transfre la capitale de la Lituanie Kaunas. Le Pacte Molotov-Ribbentrop est sign Vilnius en 1939-1940 entre Hitler et Staline. Il trace les contours d’une Europe aux mains de l’Allemagne nazie et de l’Union sovitique et met fin l’indpendance du pays. Entre 1941-1944, les Nazis et quelques col laborateurs lituaniens ordonnent le massacre de 200.000 Juifs, les “Litvaksâ€. Le retour de l’Arme rouge et l’annexion de la Lituanie l’URSS en 1944 s’accompagnent quant eux de la dportation de 250.000 Lituaniens en Sibrie, dportations qui avaient commenc ds 1941. La rsistance clandestine demeure active jusqu’en 1953, avec les “miko broliai†(“Les Frres de la fortâ€). En 1971, dans un acte de rbellion contre l’occupant sovitique, un tudiant de 19 ans, Romas Kalanta, s’immo lera par le feu en public Kaunas.>þ Le mouvement rformateur “sa dis†est cr par 500 reprsentants de l’intelligent sia en 1988. La mme anne, le drapeau lituanien est hiss au sommet du chteau de Gediminas. Les appels l’indpendance vis-vis de l’Union sovitique se multiplient et en 1991, deux millions d’habitants des Etats baltes – la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie – forment une chane humaine de 650 km de long reliant Vilnius Tallinn, la capitale de l’Estonie, en signe de protestation contre l’anniversaire du 50e anniversaire du pacte Molotov-Ribbentrop. Le “sa dis†remporte la majorit lors des premires lections libres organises en 1990. Une victoire qui conduit le Seimas dclarer le rtablissement de l’indpendance de la Lituanie et exiger le retrait des forces sovi tiques, durant la “rvolution chantanteâ€. En 1991, les forces sovitiques tentent, en vain, de donner l’assaut sur le Parlement et sur la Tour de tlvision. Cette dernire tentative, avorte, fera 14 morts parmi les civils. En aot 1991, le coup d’tat manqu s’achevait. En aot 1992, la Sude est le pre mier pays ouvrir une ambassade Vilnius et en septembre 1992, la Lituanie et les deux autres Etats baltes sont admis aux Nations Unies. Les pourparlers d’adhsion l’UE dmar rent en 1999, avec malgr tout un point de friction : le dmantlement de la centrale nuclaire d’Ignalina d’ici 2010 – un pro blme qui est toujours d’actualit car, avec la fermeture de sa centrale, la Lituanie dpendra presqu’exclusivement de la Russie pour son approvisionnement en gas. La Lituanie est devenue membre part entire de l’Or ganisation du trait de l’Atlantique Nord (OTAN) en 2004 et a rejoint la mme anne, le 1er mai, l’Union europenne. En 2007, la Lituanie rejoint l’espace Schengen de libre-circulation entre les pays signataires de l’accord. L’ancienne commissaire euro penne Dakia Grybauskaite remporte les lections prsidentielles en 2009, devenant ainsi le premier chef d’tat de sexe fminin du pays, le 12 juillet 2009. Une accession au pouvoir au plus fort d’une crise conomique, comme en tmoigne la disparition de la compagnie arienne nationale flyLAL, dont tous les services ont t suspendus au dbut de l’anne. þVilniusVILNIUS : Cþit IT Y Oþf F Sþtrangers TRANGERS Publi en coopration avec “Vilnius : Capi tale europenne de la cultureâ€, cet ouvrage rdig par le Professeur Laimonas Briedis saisit l’me de la ville et trace “une carte du continent europen travers les rues de Vilnius.†Ce natif de Vilnius qui a ral is des travaux de recherche dans des universits canadiennes, utilise lettres, journaux et rflexions issus des diverses cultures qui ont marqu la ville de leur em preinte. “Jusqu’ prsent, Vilnius fait figure d’tranger, de mconnu, d’intrus dans une Europe cousue de fil blancâ€, crit l’auteur. Baltos Lankos Publishers, 2009. www.baltoslankos.lt 52 D couvrir l’Europe Vilnius
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Quels sont les changements percepti bles dans la ville depuis que Vilnius a t dsigne Capitale europenne de la culture ? “Vilnius – Capitale europenne de la culture 2009â€, ainsi que la clbration du Millnaire de la Lituanie ont guid, ds 2005, l’expansion de la ville, influenant profondment son dveloppement. Ces dernires annes, les espaces artistiques et culturels susceptibles d’accueillir les manifestions de la Capitale europenne de la culture et du Millnaire de la Lituanie ont fait l’objet de toutes les atten tions : le Palais royal de Lituanie, la Galerie nationale des arts, l’Imprimerie des arts, le Quartier de Tymas, le Muse technique de Lituanie et la Galerie d’art A. Gudaitis. L’accent a t mis sur la rnovation des espaces publics, ramnags en fonction des besoins des personnes porteuses d’un handicap. La reconstruction de l’Avenue Gediminas – la principale artre de la ville – a t rcemment acheve. Le ram nagement des rives de la Neris, du parc de Sereikiks, de Kalnþs et de Vingis, ainsi que la rhabilitation des rives de la Vilnia sont en cours. Le nombre de touristes a-t-il augment ? “Vilnius – Capitale europenne de la culture 2009†a attir de nombreux touristes, mais honntement, la crise conomique mondiale a eu un impact ngatif, et rduit le nombre de vols directs destination de Vilnius au dpart d’une autre ville europenne. D’autres Etats membres investissent-ils dans votre ville ? Comme on pouvait s’y attendre, les flux des investissements vont diminuer la fin 2009 et au dbut 2010. Dans l’ensemble, les perspectives restent positives et nous nous en rjouissons. En tmoigne le centre commer cial et de loisirs “Ozas†qui a ouvert ses por tes il y a quelques mois. Les Allemands y ont investi hauteur de 200 millions d’euros. A long terme, quels sont vos projets d’infrastructure ? Mme si de nombreux projets sont aujourd’hui au point mort, nous avons de relles ambitions pour le dveloppement durable de la ville. A court terme, nous envi sageons d’introduire un systme de location de vlos en libre-service, comme il en existe dj Stockholm, Bruxelles et bien d’autres villes europennes. A plus long terme, il y a le projet retenu pour la construction du muse Guggenheim-Hermitage Vilnius et nous reprendrons aussi la construction du Stade national de football et de ronds-points. Aucun projet majeur de r-asphaltage n’est prvu dans un avenir proche – le systme de rgulation automatique du trafic a en effet limit la densit du trafic. Avez-vous des projets de jumelage entre Vilnius et d’autres villes de pays en dveloppement ? Vilnius entretient des relations amicales avec les villes de pays mergents et en dvelop pement. En tant que capitale d’un pays de l’Union europenne, notre ville a beaucoup d’exprience partager avec les villes de nouveaux Etats membres ou de pays en voie d’adhsion. Je citerais, titre d’exemple, les rcents accords de coopration avec Kisinov (Moldavie) en 2006 et Tbilisi (Gorgie) en 2009. Ces villes se sont montres intresses par notre exprience dans le domaine de l’administration et de la gouvernance urbai ne, comme la construction de logements, l’amlioration de l’infrastructure de trans ports urbains, la conservation du patrimoine et la promotion des investissements tran gers. Vilnius procde en outre rgulirement des changes d’expriences avec des villes du Kazakhstan, d’Ukraine, de Pologne et du Blarus. D.P.Une ville en perptuel changement Mots-cls Vilius Navickas ; Capitale europenne de la culture ; Muse Guggenheim-Hermitage ; Debra Percival. Vilius Navickas, maire de Vilnius, nous livre sa vision long terme de cette capitale dont la croissance a t rcemment ralentie par la crise conomique mondiale. Pour rappel, l’UE affecte, au titre des fonds structurels (2007-2013), une enveloppe de 7 milliards d’euros la promotion du dveloppement en Lituanie. Vilnius est une ville trs verte, 2009. Debra Percival53 N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 Vilnius D couvrir l’Europe
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Quand le pass et le prsent se rencontrent Avec ses espaces verts – commencer par le parc de Trakai situ 28 km l’ouest – et les deux rivires qui la traversent, Vilnius est une ville la mode et pleine d’entrain, une ville o il fait bon vivre. Son architecture clectique, o l’art baroque ctoie des monuments sovitiques massifs, attire des visiteurs toujours plus nombreux. Au fil des sicles, les populations qui ont tour tour habit la ville ont chacune marqu de leur empreinte Vilnius qui compte aujourd’hui 84,3% de Lituaniens, 6,2% de Polonais, 5% de Russes, 1,1% de Bilorusses et 0,6% d’Ukrainiens. L’Institut gographique national franais a localis le centre de l’Europe six kilomtres exactement au nord de la vieille ville de Vilnius, plus prcisment une latitude de 54 50’ et une longitude de 25 18’. Comme Laimonas Briedis l’a crit dans son ouvrage Vilnius City of Strangers*, “Le Vilnius du XXe sicle est l’image du centre gographique de l’Europe : il volue, trouve toujours de nouvelles marques, une nouvelle configuration sans jamais perdre le nord.†Les rues troites de la vieille ville abritent des entreprises qui misent sur les secteurs d’autre fois, qui ont toujours le vent en poupe : la sculpture sur bois (les forts occupent 30% de la superficie du pays), la confection de vtements en lin ; le verre souffl ainsi que des objets et des bijoux en ambre de la Baltique, une rsine fossile secrte il y a quelque 40 millions d’annes qu’on trouve dans les dpts de sdiments sur les rives de la Baltique. La place de la Cathdrale est le cur de la ville. Construite en 1251, sur le site d’un ancien temple paen, elle devint une Basilique en 1922. Les trois tonnantes croix blanches riges sur la colline surplombant la place datent du XVIIe sicle. Elles ont t construi tes en hommage aux sept moines franciscains crucifis sur le site. Les croix d’origine ont t enleves et brles sous l’occupation soviti que. Reconstruites en 1989, elles sont depuis le symbole du deuil et de l’espoir des Lituaniens. Un autre site d’intrt est le Chteau de Gediminas. Construit au XIIIe sicle, il a t reconstruit par le Grand-duc Vytautas. Avec ses 326 mtres de haut, la Tour de radiotldiffusion de Vilnius, cerne en 1991 par les chars sovitiques, se voit de loin. Le Muse de l’Holocauste vaut lui aussi le dtour. A l’extrieur de la tour, un monument clbre la mmoire du vice-consul japonais qui a sauv la vie de nombreux juifs lituaniens en leur dlivrant 2139 visas. Le Pont vert ou “aliasis Tiltas†enjambe la Neris qui coupe la ville en deux. Rare vestige de l’poque sovitique, il doit son nom un gnral de l’Arme rouge. Erig en 1952, il est orn de quatre statues allgoriques symbolisant les fondements de l’ancien Etat sovitique : l ’agriculture, l’industrie et la construction, la paix et la jeunesse. Sur l’autre rive, le centre des affaires avec ses faades de verre et la zone commerante sont les sym boles de la rcente croissance conomique, freine aujourd’hui par la crise conomique mondiale. D.P.* Vilnius City of Strangers , Laimona Briedas, Baltos Lankos Publishers, 2009. Mots-cls Vilnius ; Institut gographique national franais ; Laimonas Briedis ; rivire Neris ; Debra Percival. “Industrie†sovitique, pont sur la Neris, Vilnius, 2009. Debra PercivalArchitecture au bord de la rivire, 2009. Debra PercivalPoteau indiquant la Rpublique d’Uupis, 2009. Debra Percival þl þU þs Empruntez l’un des sept ponts – sur lesquels les couples sont nombreux accrocher des cadenas, gravs leurs noms, scellant ainsi leur union – qui traverse la Vilnia et pntrez dans la Rpublique d’U upis – littralement “l’endroit au-del de la rivireâ€. A l’abandon sous l’occupation sovitique, ce quartier a depuis connu une vritable renaissance. Des artistes s’y sont installs en 1997, ont dclar leur indpendance, la dotant d’un prsident, d’un drapeau et d’une constitu tion crite sur des plaques accroches sur le mur d’une rue. On peut y lire : “L’Homme a le droit d’tre ni remarquable ni clbre.†Quant au jour de l’indpendance, il se fte le 1er avril. 54 D couvrir l’Europe Vilnius
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Evaldas Ignatavi us, viceministre lituanien des Affaires trangres en charge de la politique de coopration au dveloppement, nous explique qu’avec un budget de dveloppement bilatral limit, son petit pays a du mal faire la diffrence au niveau mondial. C’est pourquoi son aide se concentre ds lors sur les domaines o elle peut avoir une efficacit maximale, conformment ses objectifs politiques. Rsultat des courses : ses voisins immdiats et l’Afghanistan en sont les premiers bnficiaires. Dans une interview accorde au Courrier, Vilnius, le vice-minis tre a voqu l’ “ajustement de nos politiques de dveloppement sur nos objectifs de politique trangre et nos priorits par rapport l’largissement de l’Union europenneâ€. “Nous avons de l’exprience dans le domaine de l’intgration et nous essayons d’utiliser ces instruments et ces mcanismes pour aider d’autres pays qui souhaitent, dans le futur, devenir membres de l’Union europenneâ€, explique-t-il. Le programme national de coopration au dveloppement et de promotion de la dmo cratie, qui concentre les divers aspects de l’aide bilatrale, se concentre ds lors sur les pays de la “politique europenne de voisinage†de la CE : le Blarus, l’Ukraine, la Moldavie, la Gorgie, l’Armnie et l’Azer badjan ainsi que l’Afghanistan – qui bnfi cient de 50% des fonds. Le vice-ministre poursuit, expliquant qu’il importe surtout de ne pas disperser les fonds et d’tre efficace. Le budget affect en 2009 l’aide bilatrale s’lve quelque 2,5 millions d’euros. “Il est un peu infrieur celui de l’anne dernire, mais nous avons pratiqu des coupes budgtaires – je ne sais pas encore ce qu’il en sera l’anne prochaineâ€, ajoute-il (voir: www.orangeprojects.lt). Dans l’ensemble, l’aide au dveloppement en Lituanie devrait reprsenter 0,1% du revenu national brut (RNB) : “Ce n’est pas une somme norme, mais il n’y a pas de quoi en rougir.†En 2008, l’aide au dveloppement reprsentait 0,13% du RNB, soit 41 mil lions d’euros. Ce montant inclut galement les engagements internationaux. Ainsi, ds l’anne prochaine, la Lituanie sera tenue de contribuer, pour la premire fois, au Fonds europen de dveloppement (2008-2013) pour les pays ACP, avec un engagement hauteur de 27,2 millions d’euros. Nous avons demand au ministre pourquoi une partie du budget n’est pas affecte la rduction de la pauvret en Afrique : “Dans le pass, nous avons eu quelques projets de ce type et nous esprons pouvoir y revenir. Aujourd’hui, nous voulons par venir aux meilleurs rsultats possibles avec La politique lituanienne de dveloppement se tourne vers l’Est Evaldas Ignatavi ius, vice-ministre des affaires trangres, 2009. Debra Percival 55 N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 Vilnius D couvrir l’Europe nos ressources relativement limites, ce qui ne nous permet pas d’intervenir dans les pays d’Afrique ou des Carabes : les frais de transport sont normes et nous ne disposons pas d’experts bien prpars travailler en Afrique. S’agissant de l’Europe centrale et de l’Asie de l’Est, nous disposons de ressources qui parlent le russe et qui sont capables de communiquer. Nous disposons aussi des comptences dont ces pays ont besoin pour grer leur transformationâ€, explique-t-il. Parmi les projets financs dans ces rgions, il s’agit surtout de projets sociaux classiques et de petits projets d’approvisionnement en eau potable. D’autres projets se concentrent aussi sur l’installation de petites centrales lectriques. > Afghanistan“Nous finanons aujourd’hui davantage de projets traditionnels de dveloppement en Afghanistan : notre coopration au dve loppement met l’accent sur la lutte contre la pauvret et l’analphabtisme, le soutien la transformation de l’agriculture, la construc tion de petites coles et de centrales hydro lectriques. Nous mettons aussi en uvre un petit projet en Palestineâ€, ajoute le viceministre lituanien. Pourquoi ce choix poli tique de l’Afghanistan ? “Nous avons la responsabilit d’une quipe de reconstruction provinciale dans ce pays et nous avons observ la valeur ajout de la coopration civile et militaire. Nous pouvons contrler nos projets – un contrle trs difficile exer cer dans des pays trs lointains du continent africainâ€, justifie-t-il. Une politique diffrente de celle de son voi sin balte, l’Estonie, dont l’aide financire au
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L’Aþfrique FRIQUE þau AU Pþarlement ARLEMENT þlituanien LITUANIEN L’eurodput Egidijus Vareikis (chrtiendmocrate), surnomm “Sealâ€, est l’un des rares membres du Parlement lituanien s’intresser aux questions africaines. M. Vareikis appartient d’ailleurs l’Association des Parlementaires europens pour l’Afri que (AWEPA). “Pour les Lituaniens, l’Afrique est toujours terra incognitoâ€, dplore-t-il. Un rel intrt pour les relations diplomatiques l’a amen rflchir sur la mondialisation et publier un livre intitul Globalusis Futbo las (le football international). Il se penche prsent sur l’“universalit†de la dmocratie, se demandant “si nos dmocraties librales europennes sont bien adaptes l’Afrique ?†ou “s’il existe d’autres modles ?†Il aime rait voir la Lituanie financer davantage de projets de dveloppement en Afrique sub saharienne, pourquoi pas des projets trian gulaires mens avec d’autres pays de l’UE. Uþn N þardent ARDENT þd D þfenseur FENSEUR þdes DES þdr DR Oþits ITS þde DE þl L ’þh H Oþmme MME A la recherche d’un eurodput prt mon ter au crneau pour dfendre les droits de l’homme ? Ne cherchez plus, Leonidas Donskis est l’homme de la situation. An cien professeur et doyen de la facult de sciences politiques l’Universit de Vytau tas Magnus (Kaunas), il a t lu en juin 2009 pour un premier mandat de cinq ans au PE. Il devrait devenir un membre trs actif de la commission du dveloppement et de la sous-commission des droits de l’homme. Au sein de son groupe politique – l’Alliance des dmocrates et des libraux pour l’Europe – il coordonne galement les questions en rapport avec les droits de l’homme. Il souhaite inviter aux auditions publiques de la sous-commission de “cou rageuses personnalits des mdias†de Russie. Il est particulirement proccup par la violence faite aux femmes et aux en fants, en Lituanie et partout ailleurs dans le monde. dveloppement transite par des organisations et des agences internationales. Et le ministreadjoint d’affirmer : “Nous avons opt pour une politique de visibilit et de dveloppe ment qui s’inscrive dans le prolongement de notre politique trangre.†La Lituanie ne compte actuellement qu’une seule ambassade en Afrique, au Caire. Des experts techniques du ministre des Affaires trangres suivent pour l’instant une formation, l’objectif tant de se prparer la prsidence lituanienne du Conseil, en 2013. La Lituanie prside actuel lement la Communaut des dmocraties (140 membres), cre en 2000 par le ministre polonais des Affaires trangres de l’poque, Bronislaw Geremek, et l’ancienne Secrtaire d’Etat amricaine Madeleine Albright. Cette communaut des dmocraties a pour mission de promouvoir des rgles et des normes dmo cratiques mondiales. “De nombreux pays afri cains y jouent un rle actifâ€, prcise-t-il. D.P. Elves de l’cole primaire lors de l’“attaqueâ€de Kaunus Julius Norvila56 D couvrir l’Europe Vilnius Lþes ES þO O NG þlituaniennes LITUANIENNES þmettent METTENT þl L ’þaccent ACCENT þsur SUR þl L ’Aþfrique FRIQUE Julius Norvila est le reprsentant, en Litua nie, de l’ONG de dveloppement Humana. Et il n’apprcie pas vraiment que la moiti de l’aide au dveloppement soit destine l’Afghanistan ainsi qu’aux voisins de la Li tuanie, dont le niveau de vie est suprieur celui de nombreux pays en dveloppement. Humana a son sige principal au Zimba bwe et est surtout connue en Scandinave. Julius Norvila nous explique que Humana vend des vtements de seconde main pour rcolter de l’argent afin de financer des pro jets de dveloppement axs sur l’ducation en zones rurales. Norvila, qui travaille aussi pour l’Institut d’thique sociale, un organis me priv cr par des Lituaniens, s’investit galement dans la formation au dveloppe ment international. Il a ainsi invit des Afri cains donner des confrences dans des coles lituaniennes. Il n’est pas d’accord avec ceux qui affirment que les Lituaniens ne connaissent et ne s’in tressent pas aux pays en dveloppement. Ce n’est plus un secret pour personne que des Lituaniens intresss par les devises trangres et une promotion de carrire ont t “prslectionns†par les autorits sovitiques de l’poque de la Guerre froide pour aller travailler dans divers pays d’Afri que. Ils savent donc ce que c’est la “soli darit internationale des travailleursâ€. Et les Lituaniens s’intressent d’ailleurs beau coup au bnvolat en Afrique, beaucoup rejoignent mme des projets grs par la Norvge et la Sude. Humana est membre de Trialog, une fdration d’ONG de dve loppement au sein de l’UE largie et parti cipe galement au groupe “Aid Watch†de CONCORD, la Confdration europenne des ONG d’urgence et de dveloppement. Une tude ralise la mi-2008 par l’ONG Information and Support Centre et le centre d’tudes de march lituanien “Vilmorusâ€, a rvl que 65,5% des citoyens litua niens approuvent le soutien et l’change des connaissances avec les pays en d veloppement, mme si ce pourcentage a diminu depuis 2005, anne au cours de laquelle ils taient 72% avoir une opinion positive ce sujet. Parmi les citoyens favo rables ce soutien, explique Norvila, 60% estiment que le soutien doit tre ax sur l’Afrique, et 30% sur l’Afghanistan. Notons toutefois que cette mme tude a montr que les jeunes, en particulier, estiment que Lituanie est un petit pays et qu’il lui est ds lors difficile d’apporter un soutien. Peu de jeunes en outre taient capables de citer les bnficiaires de l’aide lituanienne. L’ONG Information and Support Centre met actuellement en uvre un projet, We are ready (“Nous sommes prtsâ€) financ par la CE afin de promouvoir l’ducation la politique de dveloppement dans le pays. D.P.
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N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 57 Vilnius D couvrir l’Europe Le slogan Culture Live a t inspir la fois par la technique de la transmis sion “en live†utilise dans le secteur audiovisuel et par “Fluxusâ€, un mou vement d’avant-garde du dbut des annes 70 n aux Etats-Unis et dont le reprsentant le plus connu est l’artiste lituanien George Maciunas. Il s’agit d’un art de l’instant. C’est ce que nous explique M. Kvietauskas que nous avons rencontr dans son bureau situ dans un des btiments municipaux de Vilnius. S’associant spontanment la prparation des vnements prvus tout au long de cette anne, les Lituaniens ont suggr des ides de projets refltant selon eux au mieux l’idologie de la ville. Quelques projets fina listes ont finalement clos. Nous avons opt pour un programme diversifi, explique son directeur. Quant aux vnements culturels classiques de la ville, ils ont mis un point d’honneur proposer “quelque chose de spcial†pour 2009. D’autres initiatives ont t organises par l’quipe de Culture Live, l’objectif tant d’y associer des artistes par ticuliers. Un programme bien rempli avec quelques grands temps forts : le spectacle musique et laser de l’artiste allemand Gert Hof et une nouvelle interprtation du Casse-noisette de Tchakovski, au Palais des concerts et des sports de Vilnius qui avait ferm ses portes pendant tout un temps. En point d’orgue galement l’inauguration, en dbut d’anne, de la patinoire ciel ouvert de la place de l’Htel de ville par le couple star du patinage artistique lituanien, Margarita Drobiazko et Povilas Vanagas. M. Kvietauskas souligne galement la qualit du programme thtral avant d’voquer le festival d’opra de Vilnius, qui a eu lieu en juin 2009 et qui figurera dsormais chaque anne sur l’agenda culturel lituanien. Cette anne a galement vu l’ouverture de nouveaux espaces d’art contemporain, comme une exposition itinrante dans les gares et aux arrts de bus. Ds septembre 2009, des terrains situs proximit de l’a roport accueilleront une exposition en plein air de sculptures, associant des artistes de Pologne, de Russie, du Belarus et de France. La situation gographique de Vilnius, une des capitales europennes les plus orientales (avec les capitales roumaine et chypriote, encore plus l’est) a t le prtexte un autre þVVilnius sous le signe de Culture Live þV Vilnius sous le signe de Culture Live Rolandas Kvietauskas, directeur de “Vilnius-Capitale europenne de la culture 2009â€*, nous explique comment ce programme, soutenu par la Commission europenne et baptis Culture Live par ses organisateurs, propose de faire dcouvrir la trs grande diversit et l’incroyable richesse des influences qui se croisent en Lituanie, carrefour des cultures orientale et occidentale. M. Kvietauskas, qui assume cette fonction depuis fvrier 2009, prcise que Culture Live aborde les aspects les plus divers de la culture, allant de l’artisanat aux concerts de musique classique. Des sites traditionnels mais aussi de nouveaux espaces publics mettent en vitrine des valeurs sres et de nouveaux artistes talentueux de Lituanie et d’autres Etats membres.Vilnius Discovering Europe Logo Culture Live , Vilnius, 2009. Debra Percival
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58 D couvrir l’Europe Vilnius thme, celui de l’intgration des influen ces culturelles des pays voisins, comme l’a notamment illustr l’exposition des uvres de Niko Pirosmani, clbre artiste gorgien. > Un pass sovitique Culture Live n’en a pas pour autant oubli la priode sous l’occupation sovitique. Du 2 octobre au 7 dcembre 2009, les visiteurs pourront dcouvrir une exposition organi se la nouvelle Galerie d’art nationale en collaboration avec le Victoria and Albert Museum Londres. L’exposition – Modern Art and design from the Cold War period (19451970) – permettra entre autres d’admirer un Spoutnik, le premier satellite artificiel de la terre. Un projet recrant l’“atmosphre en pleine priode sovitique†doit par ailleurs rece voir une nouvelle subvention en 2010 de la Commission europenne, dans le cadre de la commmoration de la Seconde Guerre mon diale, qui a vu la dportation de Lituaniens en Sibrie. Malgr le petit nombre de vols directs entre Vilnius et les villes europennes, les offi ces du tourisme de Vilnius ont enregistr une augmentation de 27% des visiteurs au cours du premier semestre 2009, se rjouit Kvietauskas, qui souligne que l’impact de Culture Live ne se rsume absolument pas aux statistiques de frquentation touristique. “Nous avons cr de nouvelles synergies entre les artistes, les entreprises et les insti tutions et offert un certain nombre d’artis tes clbres de se prsenter dans un nouvel espace,†nous explique-t-il. M. Kvietauskas fait ici rfrence au “ART-O-THLONâ€, un show de tl-ralit o quatre groupes, essentiellement de jeunes artistes lituaniens, ont cr diffrentes uvres d’art en l’espace de 7 semaines, celles-ci tant ensuite prsentes en live sur la chane nationale de tlvision et values par un jury d’experts et par les spectateurs, appels voter par tlphone. Le prix, dcern Die kictch en a t le prtexte la cration d’une sculp ture permanente pour l’“Europos Parkas†(le Parc europen), un parc ciel ouvert en dehors de la ville. Un autre projet Culture Live a associ de jeunes ralisateurs d’Estonie, de Belgique et de Pologne, qui ont produit des documentai res sur leurs visions de Vilnius. Lþes ES Vþies IES þpassPASS þes ES þdeDE þVilniusVILNIUS L’artiste autrichienne Anja Westerfrlke a t attire par l’glise l’abandon cache derrire de hauts murs et des grilles bien fermes. Le site faisait partie d’un monas tre au XVIIIe sicle et abrita de 1948 2007 un centre pnitentiaire pour hom mes. L’artiste persuada la municipalit de Vilnius d’ouvrir l’Eglise du Sacr-Coeur de Jsus (Eglise Vistanines) son travail dans le cadre de Culture Live. Mikas Zu kauskas, qui nous a fait dcouvrir le site, nous a expliqu que les lgers tissus le long des murs et des fentres, sur lesquels sont dessins les plans de l’glise d’origine – la faon des plans d’un architecte – attirent l’attention sur les vies passes du btiment. On peut galement y admirer des uvres ralises par des dtenus une poque plus rcente. L’glise a droit aujourd’hui une nouvelle vie. Certains ont suggr d’en faire une salle de runion pour les femmes tandis que d’autres aimeraient plutt voir l’glise restaure dans sa splendeur passe. L’installation sera visible jusqu’au 6 dcembre 2009. Mots-cls Capitale europenne de la culture ; Culture Live ; Rolandas Kvietauskas ; Anja Westerfrlke ; George Maciunas ; Debra Percival. > L’arche du quai “Krantines arka†– “l’arche du quai†– est une immense arche rouille qui enjambe la rivire Neris. Ralise par Vlada Urbanavi ius l’aide de vieux tuyaux gaz, cette structure est l’une des sculptu res les plus controverses finances par Culture Live. L’objectif est d’amener les passants prendre conscience des collines qui entourent la ville. Qu’on l’aime ou qu’on la dteste, cette sculpture a fait couler beau coup d’encre dans le pays autour du concept de l’art tout en offrant aussi la “possibilit de s’intresser aux espaces publics et leur utilisation et d’offrir une plateforme aux artistes,†explique Kvietauskas. Le directeur aurait-il des recommandations formuler pour les futures capitales europennes de la culture ? “Les investissements permettent vraiment de changer durable ment les villes. Si la ville parvient crer quelque chose qui intresse ses communau ts, sa nouvelle physionomie incite les gens s’y installer et la visiterâ€. Et d’ajouter “Une capitale europenne de la culture a vocation de montrer que la culture peut faire le lien entre diffrents secteurs et accrotre l’attrait de la ville, grce de nouveaux services de meilleure qualit.†Pcs (Hongrie), Essen (Allemagne) et Istanbul (Turquie) seront les capitales europennes de la culture en 2010. D.P.* Le programme Capitale de la culture a t lanc en 1985, sur une proposition de l’ancienne minis tre grecque de la culture. Pour en savoir plus sur les trs nombreux vne ments qui auront lieu de septembre dcembre 2009 dans le cadre de Culture Live, y compris le festival de cinma Crossing Europe et le festival europen de jazz, visitez www.culturelive.lt/fr/ Rolandas Kvietauskas, directeur de Culture Live , 2009. Debra PercivalOn aime ou on dteste le “Krantines arka†ou “l’arche du quai†de Vlada Urbanavi ius, 2009. Debra Percival
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N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 59 M’Afrique a runi des artistes plastiques et des photogra phes africains, ainsi que des artisans sngalais et des crateurs de renomme internationale. L’occasion d’admirer des crations de Tord Boontje, Bibi Seck, Ayse Birsel, Patricia Urquiola et Stephen Burks, ralises au Sngal par des artisans locaux. M’Afrique a aussi prsent de nouveaux produits d’inspiration africaine, comme le fauteuil Binta et le pouf Bogolan de Philippe Bestenheider. Plusieurs icnes et grands classiques de Moroso (canaps Do-lo-rez, chaises lon gues Antibodi, fauteuils Bohemian, chaises Bouquet) ont t recouverts de tissu africain. Ces tissus sont bien plus que de simples tex tiles qu’on achte ou qu’on vend ou qui sont utiliss dans la confection. Il s’agit vritablement d’un moyen de communication pour les femmes, car leur richesse renseigne sur la situation sociale de la famille. L’un des points de dpart du projet est la Biennale de Dakar, rfrence pour les artis tes et les critiques du monde entier qui s’y retrouvent pour s’informer de l’tat de la recherche artistique en Afrique. C’est ici que Patrizia Moroso a pris contact avec les artis tes qu’elle a souhait associer son initiative, comme le Sngalais Soly Ciss, l’artiste nubien Fathi Hassan, qui vit en Italie, et le photographe autodidacte Mandmory. Elle a ensuite convaincu David Adjaye, un des architectes les plus renomms l’chelon mondial. M’Afrique a t pour cet artiste l’occasion de prsenter son projet de recher che “African Citiesâ€, un docu-photo sur cinq villes africaines (Dakar, Addis Ababa, Harare, Pretoria et Bamako). Stephen Burks a tout assembl pour crer un vnement magnifique. “L’Afrique moderne prsente de multiples facettes qui mritent d’tre connues. Il faut aussi soutenir l’originalit des langages artis tiques dont elle enrichit la culture mondiale, explique Patrizia Moroso. Le continent afri cain est extraordinairement riche. Riche de crativit, de matriaux et d’ides. Autant de sources qui nous inspirent et nous nour rissent. Appliqu au domaine du design, cela donne des produits qui respirent la fois la tradition et la modernit, l’innovation et C rativitM’Afrique, une des prsentations les plus apprcies de l’dition 2009 du Salone del Mobile, qui s’est tenu dans le showroom Moroso Milan. Une prsentation organise par Stephen Burks, designer afro-amricain bas New York, et par Patrizia Moroso, la directrice artistique pleine d’nergie de l’entreprise. L’Afrique, fer de lance du design Andrea Marchesini ReggianiInstallation de Moroso, Showroom M’Afrique au Salone del Mobile Milan. Moroso Fathi Hassan, Eating star, au Showroom M’Afrique, Salone del Mobile Milan. Moroso
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60 Mots-cls Art et design contemporains ; Salone del Mobile ; M’Afrique ; Patrizia Moroso ; Stephen Burks ; Sngal ; artisans locaux ; tissus africains C rativit l’histoire, la forme et la beaut.†Cette ide trouve son expression concrte la plus prcieuse dans le symbolisme sous ses diffrentes formes – l’crit, chez Fathi Hassan – et dans les tonnants tissus ima gins et fabriqus par la cratrice textile sngalaise, Aissa Dione. Aissa, qui dirige une galerie d’art Dakar. C’est un symbole de l’extraordinaire crativit et des comptences de gestion des Africaines. Son crdo ? Apporter une plus-value aux textiles fabri qus en utilisant de prcieuses techniques africaines pour les protger de l’invasion de textiles industriels trangers. Quant son talent de dessinatrice, elle le met au service de la cration de cotons et de raphias. Le projet, dans son ensemble, illustre une splendide collaboration entre artistes et cra teurs du monde entier, au sein de laquelle l’Afrique joue un rle central, non pas au nom d’un exotisme nostalgique, mais comme une source d’ides pour un renouveau de la production crative contemporaine. Ces pi ces ont t exposes dans les salles d’exposi tion de New York pour tre mises en vente. Leur succs ne fait aucun doute ! De nombreuses femmes quittent leur village pour s’installer en ville. Leur motivation est double : elles esprent en effet trouver dans les zones urbaines des conditions de vie plus acceptables et de meilleures opportunits et fuient dans le mme temps une situation toujours plus difficile dans les campagnes. Or, la seule chose qui les attend habituellement, c’est une nouvelle dtrioration de leur qualit de vie et de leur tat de sant. Accables par la pauvret et devant imp rativement trouver un logement, elles n’ont souvent d’autre choix que de se prostituer. La prostitution devient ainsi leur seul moyen de survie... mais elles contractent invitablement le VIH. A Mbabane, la galerie d’art sd.com tente d’viter que les femmes venues des villages de Mpolonjeni et de Ngomane ne tombent dans le pige de la prostitution. Dans cette galerie, les femmes peuvent trouver un sou tien en travaillant comme brodeuses, leurs uvres artisanales tant ensuite commercialises. La galerie amliore en mme temps la qualit de vie des femmes en prenant en charge le raccordement en eau potable et aux gouts de leur misrable logement. Cette initiative a une incidence positive sur leur famille et, par consquent, sur tout le village. L’objectif est donc de les accompagner sur la voie de l’indpendance financire. Cette ide est celle d’Archie B. Magwaza, un ingnieur qui dirige une entreprise de location et de vente de toilettes chimiques. C’est lui qui a imagin d’ouvrir cette galerie, qu’il a russi grer avec attention et dter -La galerie d’art sd.com, installe Mbabane, la capitale du petit royaume du Swaziland, a t cre dans le but d’apporter une plus-value la production artistique locale, l’ide tant de lutter contre la pauvret lie aux migrations internes. Sandra FedericiSwaziland : investir dans la culture Installation de Moroso au Showroom M’Afrique au Salone del Mobile Milan. Moroso
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61 N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 Mots-cls Galerie sd.com ; Swaziland ; Archie B. Magwaza ; art contemporain ; production artistique locale ; pauvret ; femmes. C rativit mination tout en poursuivant son activit principale. Il nous raconte comment lui est venue sa passion pour les arts : “A l’poque de mes tudes en Angleterre, j’ai vcu avec trois tudiants franais venus tudier ici dans le cadre du programme Erasmus. Et c’est grce eux que j’ai eu la chance de dcouvrir la beaut et la vitalit de l’art contemporain. A Tokyo, o j’ai poursuivi mes tudes, j’ai commenc collectionner des exemples de stimulants et de techniques et mthodes spciales pour la cration artistique contemporaine. Ides et techniques que j’ai intgres une fois de retour dans mon pays.†C’est ainsi qu’Archie s’est lanc dans la promotion artistique, ouvrant sd.com – une galerie-studio qui abrite par ailleurs une cafeteria o l’on sert d’excellents espresso italiens. Il a galement eu l’ide intressante d’un centre de recherche et de promotion de l’art contemporain local. Son principal objec tif est de promouvoir l’mergence d’artistes locaux, en accueillant cette fin des artistes trangers de renom, en collaboration avec des organisations de divers pays comme le Nucleo de Arte Maputo, le Bad Factory en Afrique du Sud, la Fondazione Gulbenkian et l’Alliance Franaise. En janvier 2008, il a organis l’exposition “11 artists from Africa Remix – Fringe Touring Exhibitionâ€. “Mon but, c’est d’inciter les sphres les plus aises de mon pays se lancer dans la collection d’uvres d’art. A mes yeux, il est juste que ceux qui en ont les moyens inves tissent dans les arts, et pas seulement dans des objets de luxe. Je suis moi-mme collec tionneur et, tous les trois ans, j’expose ma collection dans un muse. J’aimerais gale ment organiser une exposition d’objets de la collection royale : le Roi est une personnalit phare de mon pays, et je suis convaincu qu’il peut interpeller l’imaginaire collectif.†Avant de nous quitter, Archie nous dvoile un dernier projet : quelques kilomtres de Mbabane, il a fait l’acquisition d’un cirque abandonn qui tait jadis utilis pour l’extraction du minerai de fer (l’exploitation du minerai de fer tait jadis un secteur cl au Swaziland). Il se trouve dans un cadre tonnant constitu de minerai. Archie envisage d’en faire un espace pour accueillir des spectacles musicaux et de thtre de grande envergure. Le cirque n’est plus construire, tout est dj en place au niveau des siges, de la scne et de l’clairage. Les anciennes mai sons de mineurs ont dj t transformes en boutiques et en ateliers o travaillent les artisanes locales. Ce projet priv est financ par des sources locales, en majeure partie prives elles aussi. Le plan de dveloppe ment sera lanc en janvier 2010 ; il couvre une priode de 18 mois. Le Swaziland est donc bien davantage qu’un pays aux paysages naturels impressionnants et ancr dans une culture ethnique tradi tionnelle, comme conu sur mesure pour attirer les touristes. La galerie sd.com est un exemple d’investissement dans la produc tion artistique contemporaine indpendante, offrant des perspectives ouvertes la coop ration et aux changes internationaux.Archie B. Magwaza dans sa galerie. Photo by Sandra Federici. Une des uvres exposes dans la galerie sd.com. Photo by Sandra Federici.
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62 Mots-cls Gado ; spectacle de marionnettes ; satire ; Kenya ; Kibaki ; srie tlvise. 62 Elisabetta Degli Esposti MerliKenya: un vent de changement “Une srie tlvise de classe mondiale, que le Kenya est fier d’avoir produiteâ€. Voici comment les producteurs de The XYZ Show dfinissent leur mission. Cette mission satirique du monde politique par marionnettes interposes rappelle le style de Spitting Image en Grande-Bretagne et des Guignols en France. Des programmes connus pour dnoncer les scandales et les excentricits de la classe politique. Et sortir les cadavres de leur placard. La satire, nul besoin de le rappeler, sme le trouble parmi les personnalits des sphres du pouvoir et donne des sueurs froides aux politiciens. Comme l’a dit le pote latiniste franais Jean de Santeul, “castigat ridendo mores†– (la comdie) chtie les murs en riant. La satire est un genre thtral et littraire libre qui jette un regard critique sur la politique et la socit, en pinglant leurs contradictions. Pour cette raison, et aussi parce qu’il a normment d’impact sur l’opinion publique, ce genre s’est de tout temps attir les foudres du pouvoir. Ds la Grce Antique, d’ailleurs. Pourtant, l’actuel gouvernement de Mwai Kibaki n’a pas empch la diffusion de cette mission, qui ne s’est finalement heurte qu’ quelques commentaires acerbes de la part de certains ministres. Une (absence de) raction qui prouve l’existence d’un certain degr de dmocratie et de libert d’opinion au Kenya. Cette libert est ncessaire, non seulement dans les pays d’Afrique, mais aussi dans les pays occidentaux. En Italie par exemple, les hommes politiques qualifieraient probablement un tel spectacle de conspiration politique contre l’ordre tabli. Le pre de cette srie, le caricaturiste Godfrey Mwampembwa, galement connu sous le nom de Gado, en a eu l’ide en 2002, anne de transition entre les jours sombres des dictatures de KenyattaMoi-Kanu et le “vent de changement†insuffl par le nouveau prsident Kibaki. Cette srie a t diffuse pour la premire fois en mai 2009, sur la chane prive Citizen TV du groupe multimdia Royal Media. Gado utilise la caricature et le dessin pour critiquer la politique et les politiciens impliqus dans des accords suspects, des scandales et des escroqueries. Laurat en 2007 du Prix Prince Claus, caricaturiste-ditorialiste pour le Daily et le Sunday Nation, Gado collabore aussi rgulirement New African, Courier International, Business Day et Sunday Tribune. L’homme n’a pas eu peur de dfier la rticence et les craintes des producteurs et du monde de la tlvision en produisant une srie qui a touch la corde sensible du public. La fortune sourit toujours aux audacieux : aprs 13 pisodes, la srie rencontre un immense succs. Un succs qui montre que le public kenyan est ouvert et rceptif cette forme d’expression sans piti, encore nouvelle en Afrique. L’mission est conue comme un faux journal tlvis hebdomadaire mettant en scne des marionnettes d’hommes politiques. Histoire de mettre en avant leurs dfauts et autres imperfections. La premire srie a pu tre produite grce au financement de fondations (comme la Fondation Ford) et d’ambassades trang res. Des fonds grce auxquels une nouvelle srie est d’ores et dj planifie. Et comme le souligne Gado, les hommes politiques continuent lui offrir de la matire premire, heureusement (ou malheureusement ?!). Pour suivre le dernier pisode, surfez sur le site Web http://www.xyzs how.com/, d’o vous pouvez tlcharger des pisodes de la srie. C rativit Production 100% locale, The XYZ Show est une srie tlvise qui aborde des problmatiques politiques srieuses au moyen de marionnettes en caoutchouc. Desktop wallpapers, free downloadables on the XYZ Show website: http://www.xyzshow.com“U
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63 N. 13 N.S. – SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 A ux plus jeunesDamien Glez, dessinateur du Burkina Fasowww.glez.orgTribus et dmocratie
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64 Vos points de vue et vos ractions nous intressent. N’hsitez pas nous en faire part. þO Octobre 2009 Dcembre 2009 Novembre 2009 Agenda >þ A partirþ Exhibition: L’Art d’tre un du 15/10 þ homme Afrique, Ocanieþ Muse Dapper, Paris, France>22 þ Journes europennes du 24/10þ dveloppement 2009 Stockholm, Sude. Site Internet : http://www. eudevdays.eu/>27 þ 9e Forum Eurafric-Partners 30/10 þ Thme : Eau et nergie en Afrique þ Centre de Congrs de Lyon, France. Pour en savoir plus, consultez : http://www.eurafric.org/ >02 þ Food Security 2009: The 03/11þ Hunger Agenda in a Global Recession (“Scurit alimentaire 2009 : l’Agenda de la Faim dans la rcession globaleâ€)>11 -þ Confrence conomique 13/11þ africaine 2009 þ Addis Abeba, Ethiopieþ >12 þ Confrence internationale de 13/11 þ l’UNRISD sur “Les dimensions sociales et politiques de la crise internationale : Implications pour les pays en dveloppement†þ Genve, Suisseþ >17 þ 90e Session du Conseil 19/11 þ des ministres ACP, Bruxelles, Belgique þ >25/11þ 18e Session de l’Assemble 03/12 þ parlementaire des ACP et 18e Session de l’Assemble parlementaire paritaire ACP-UE þ Luanda, Angolaþ >27 þ Runion des chefs 29/11þ de gouvernement du Commonwealth þ Port of Spain, Trinidad & Tobago>07 þ Confrence des NU sur les 18/12þ changements climatiques þ http://unfccc.int/2860.phpþ Copenhague, Danemarkþ >10 þ Congrs mondial des ONG – 13/12þ “Enhancing Human Dignity: The Role of NGOs†(“Promouvoir la dignit humaine : le rle des ONGâ€) þ http://www.wango.org/congress/þ Manille, PhilippinesOCTOBREDECEMBRE 2009 Addresse: Le Courrier 45, Rue de Trves 1040 Bruxelles (Belgique) courriel: info@acp-eucourier.info site internet: www.acp-eucourier.infoA propos de l’article “ Les blogs, lieu de rencontre des dessinateurs africains †C’est formidable. Plus besoin de passeport aujourd’hui pour se faire un nom dans le monde entier. Nous pouvons nous rencontrer et chatter o que nous soyons. Les dessins accdent la notorit mondiale grce aux web. Merci aux technologies ! Mtheto Lip Smile Lungu (Afrique du Sud) La parole aux lecteurs Mþdia DIA þet ET þd D Vþel EL Oþppement PPEMENT SNV, une ONG nerlandaise de dvel oppement (www.snvworld.org) lance une campagne tlvise sur Euronews. Making a difference, une srie de cinq reportages vido, a t produite en coopration avec la chane de tlvision EuroNews. Diffuss partir du 19 octobre, ces reportages font le point sur des aspects cls du dveloppement international comme la crise alimentaire, la crise de l’nergie, le foss entre les riches et les pauvres et l’impact de la crise conomique mondiale sur les pays en dveloppement. Rectificatif Dans une lettre date du 31 juillet 2009, Mme Cristina Calabr, responsable de sec teur la Commission europenne pour la Dominique, Grenade, Sainte-Lucie et les Grenadines, nous demande de communi quer aux lecteurs les remarques suivantes en rapport avec l’article sur la Dominique et Grenade (numro 11) : Article “Aide de l’UE. Rcompense la bonne gouvernance†(numro 11, page 40) : “Au titre du 10e FED pour la Dominique, le principal domaine focal est le Soutien budgtaire gnral, alors que les projets cits dans l’article comme relevant de ce 10e Fonds font partie soit du programme CSA Banane soit du 9e FED dont le prin cipal domaine d’intervention a t les Infrastructures. Si nous voulons tre plus prcis, la phrase ‘[] la cration ou la rhabilitation de plusieurs facilits agricoles en vue d’augmenter {emphasis added} les exportations de bananes []’ est galement discutable, tant donn que vu le dclin con stant des exportations de bananes au cours de ces dernires dcennies, ce secteur se bat pour maintenir sa production/son accs au march europen et ne s’emploie donc pas augmenter les exportations.†“l’article suggre que l’objectif du Cadre spcial d’assistance est de ‘compenser les consquences de la chute des exportations de bananes’, ce qui n’est pas correct puisque l’objectif du programme CSA tait soit d’amliorer la comptitivit des fournisseurs traditionnels soit de soutenir leur diversifica tion ou leurs efforts de diversification.†“Dans la note en bas de page la fin du mme article, Hati est repris dans la liste des signataires de l’APE. C’est inexact puisque ce pays n’a pas encore sign cet accord.†“ pour les deux pays (Dominique et Grenade), il existe une certaine confusion entre le pro gramme CSA – financ par le biais d’une ligne budgtaire de la CE et ce jusqu’en dcembre 2008 – et les cycles du FED. Il s’agit de deux instruments diffrents et il convient de bien le souligner.â€
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Ne peut tre vendu KQ-AH-09-001-FR-C ISSN 1784-6803C urrierLe magazine des relations et Cooprations Afrique Carabes Pacifique et Union europenne
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