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Material Information
- Title:
- Courrier (French)
- Place of Publication:
- Brussels, Belgium
- Publisher:
- Hegel Goutier
- Publication Date:
- 06-2008
- Copyright Date:
- 2008
- Language:
- English
French Portuguese Spanish
Subjects
- Genre:
- serial ( sobekcm )
Record Information
- Source Institution:
- University of Florida
- Holding Location:
- University of Florida
- Rights Management:
- All applicable rights reserved by the source institution and holding location.
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I
N. 6 N.S. JUIN JUILLET 2008
;COURRIER
LE MAGAZINE DES RELATIONS ET COOPRATIONS AFRIQUE CARABES PACIFIQUE ET UNION EUROPENNE
Sommaire
LE COURIER, N.6 NOUVELLE SERIES (N.S)
EDITORIAL
Quand une belle image s'estompe
POINTS DE VUE
Accrotre l'efficacit de l'aide : une perspective ACP
Il faut des actions, pas des paroles
TOUR D'HORIZON
DOSSIER
Crise Alimentaire
Crise -graines de colre, graines de changement
Quand l'agriculture s'invite la table des grands
"Il nous faut une politique agricole mondiale"
Questions ouvertes
Le potentiall considerable" de l'Afrique
Pacifique : une scurit relative
Les Carabes s'interrogent sur leur dpendance
aux importations
INTERACTIONS
La consideration de la Slovnie
pour l'Accord de Cotonou
Cooperation UE, la Runion et Ocan Indien
La governance dans tous ses tats Ljubljana
Etudier les aspects positifs des migrations
COMMERCE
Et si le Mozambique devenait
un dragon conomique africain ?
ZOOM
Une journe dans la vie de Derek Walcott
DE LA TERRE
Dploiement de satellites pour lutter
contre la pauvret
REPORTAGE
Ghana
3
Le Ghana moderne, loin du Ghana ancien
Prparer les lections de dcembre
4
Providence, prudence et preparation
Nouvelle aide de l'UE pour la gouverance et le transport
8 Un rle pivot dans la region
Le Ghana -accueillant l'excs
Restaurer le pass au profit de l'avenir
DECOUVRIR L' EUROPE
La Runion
Essence de cultures. Evanescence de prjugs
Histoire
18 Vocabulaire pour comprendre l'histoire
20 Le bas de laine de la Runion, la haute technologies
"Jusqu' quand ?"
22 Teixeira da Mota, premiere mre de la Runion
et autres histoires
Neige et feu sous les tropiques
Presque 2 milliards de l'UE pour booster
l'conomie runionnaise
25 CREATIVITY
27 Afrique in visu: rencontres de photographs en ligne
La culture contemporaine au Sngal:
Dak'Art 2008 'Afrique : Miroir ?'
Mme poids, mme measure pour les
20 'anti-hros' du Zimbabwe
Athltisme jamacain : un modle pour le monde
La provocation affectueuse
AUX PLUS JEUNES
On a faim!
A VOTRE ECOUTE/AGENDA
LE
Nandipha Mntambo, Les combatants, plusieurs dimensions, cuir, rsine,
polyester, corde huile 2006 Avec Ilaimable autorisation de ZA young art from
South Africa, Palazzo delle Papesse Sienne
Il_~L; *"
CC
editorial
es dernires nouvelles d'Afrique du Sud
n'taient pas bonnes. Et le malaise de la plu-
part des commentateurs tait manifeste. C'est
que l'image du pays qui a ralis ce qui est
probablement la revolution la plus sympathique du
vingtime sicle, celle qui avait pour ancrage l'huma-
nisme, le pardon et l'empathie, venait d'tre ternie par
quelques groups de nervis qui s'en prenaient sans dis-
cernement aux trangers plus vulnrables qu'eux, les
immigrs africains les ctoyant dans l'indigence des
banlieues dshrites. Pire, les petits groups de bru-
taux qui avaient commenc ont fait cole et l'Etat a d
aprs une priode de tergiversation dployer de gros
moyens pour juguler la chasse au bouc missaire.
Une belle photo s'est comme voile sinon chiffonne.
Quelque chose de grand s'est ratiocin.
Ces dbordements horrible ont toutefois permis d'en-
richir la rflexion sur les questions d'immigration.
D'abord de se rendre compete que le plus grand poids
des rfugis originaires de pays pauvres est sur
l'paule d'autres pays pauvres. On apprenait que les
seuls migrs du Zimbabwe en Afrique du Sud attei-
gnaient le chiffre de trois millions. Et plusieurs pays
africains beaucoup plus dmunis que l'Afrique du Sud
hbergent des nombres impressionnants de migrants
de territoires voisins.
Le hasard a fait que les ministres du Groupe Afrique,
Carabes, Pacifique tinssent leur Conseil au moment
o la situation n'tait pas encore tout fait calme en
Afrique du Sud pour lancer l'observatoire ACP sur les
Migrations. Le Courrier en rend aussi compete. C'tait
l'occasion pour certain d'entre eux d'appeler leurs
collgues prendre des measures lgislatives fermes
contre toutes formes de racism et de xnophobie.
Cette fois-ci un appel de cette sorte ne visit pas des
pays dvelopps mais les membres de la famille ACP.
De quoi gner des donneurs de leons.
Nous rendons compete des nouvelles du front de la
cruise alimentaire. C'est notre grand dossier. O il
apparat que des rgions pauvres dtiennent parfois
beaucoup plus d'atouts qu'on ne le croit. C'est le cas
de plusieurs pays d'Afrique et du Pacifique. Nous y
apprenons aussi qu'il n'y a pas de rel manque de pro-
duits alimentaires. Ce qui ferait dfaut c'est une rpar-
tition de la production garantissant la scurit alimen-
taire de tous. Ainsi, le manque le plus important rsi-
derait dans l'absence d'une politique agricole global.
Certains en ont pris plus conscience que d'autres.
C'est certainement le cas de le Runion qui fait l'objet
de la rubrique de dcouverte de region d'Europe de ce
numro de notre magazine, et qui a t le promoter
d'une stratgie de co-dveloppement de l'Ocan
Indien, avec ses voisins de Madagascar, Maurice,
Seychelles et Comores, qui se dploiera sur de nom-
breux axes allant d'une flotte de pche commune la
surveillance des changements climatiques et la
migration entire les les, d'entreprises et de travail-
leurs. Une image s'embellit.
Hegel Goutier
Directeur et Rdacteur-en-chef
N. 6 N.S. JUIN JUILLET 2008
a Declaration de Paris de 2005 a vu les
ministres des pays dvelopps et en
dveloppement atteindre un "consen-
sus global sans prcdent" au sujet
d'actions tangibles et de grande envergure
adopter pour amliorer de manire significative
l'octroi et la gestion de l'aide au dveloppe-
ment. Cette decision a t prise dans le context
des Objectifs du Millnaire pour le dveloppe-
ment, tablis par la Dclaration du Millnaire
des Nations Unies, mais aussi en rfrence au
consensus de Monterrey qui, en 2002, a dfini
une augmentation proportionnelle de l'aide
publique au dveloppement (APD) jusqu'
0,7% du RNB (Revenu national brut) des pays
donateurs d'ici 2015.
La Declaration de Paris a mis en evidence cinq
grands principles : appropriation, alignement,
harmonisation, rsultats et responsabilit
mutuelle. Elle a galement dfini 12 indicateurs
de progrs, assortis d'objectifs cibles atteindre
pour 2010. Nanmoins, l'valuation de l'aide
fournie depuis la publication de la Dclaration de
Paris et de l'impact de cette aide montre que la
ralit n'incite gure l'optimisme. Pour cette
raison, le 3e Forum haut niveau, qui s'est tenu
Accra, a t organis au moment opportun pour
recentrer l'attention des donateurs et des pays
partenaires sur ce qui avait t convenu Paris.
On comprendra qu'il est vain d'entamer un
dbat sur l'efficacit de l'aide si le volume de
celle-ci n'a pas t augment. Selon les prvi-
sions actuelles, il y aura bientt une reduction
du volume de l'APD, et ceci affectera surtout
les Etats pauvres et fragiles. Cette volution
possible risque de compromettre le consensus
de Monterrey et de mettre en pril l'atteinte
des OMD. L'UE, don't la contribution l'aide
au dveloppement a chut en 2007, a dclar
sa volont de redoubler d'efforts pour veiller
ce que ses contributions lui permettent d'at-
teindre l'objectif du doublement de son APD
d'ici 2010 et de tenir les engagements qu'elle
a pris l'horizon 2015. Je tiens, au nom du
group ACP, remercier l'UE pour ses efforts.
Toutefois, tous les donateurs et les pays bnfi-
ciaires doivent prendre des measures plus
immdiates afin de raviver l'enthousiasme qui
avait men la Dclaration de Paris. La ques-
tion de l'appropriation revt une grande impor-
tance pour les pays bnficiaires, qui doivent
en effet pouvoir se sentir "copropritaires" du
processus de mise en euvre de l'aide. La
declaration de Paris prvoit d'aligner la measure
de l'appropriation sur la \.... ..' de lutte
contre la pauvret du pays concern. Une tude
conjointe UE-ACP a rvl que, en ralit, ce
processus avait pour effet de limiter les possi-
bilits d'accrotre l'appropriation**.
La question est de dterminer qui connat le
mieux les problmes d'un pays qui ncessitent
de l'aide. Trs souvent, les agencies gouverne-
mentales et mme les membres de la socit
civil sont plus au courant des problmes que
les agencies de donateurs. Toutefois, pour assu-
rer la responsabilit de l'aide, les agencies de
donateurs s'impliquent dans le processus plus
qu'il n'est ncessaire. Le group ACP, le plus
grand bloc de pays bnficiaires d'aide, estime
qu'il est possible d'amliorer l'appropriation
par la confiance et le dialogue clair.
Pour le group ACP, la "prvisibilit" de l'aide
constitute une autre preoccupation. Les retards
accumuls dans l'octroi de l'aide crent
immanquablement des problmes pour les
gouvernements des pays bnficiaires. Pour
remdier ce problme, l'introduction par
1'UE de contracts relatifs aux OMD constitute
un pas dans la bonne direction. Tout aussi
proccupante est la ncessit d'amliorer la
cohrence des diverse politiques menes dans
certain secteurs trs important pour les pays
en dveloppement, savoir l'agriculture, le
commerce, l'investissement et la migration.
Afin d'assurer cette cohrence, il imported
d'aligner les politiques par donateurs et bn-
ficiaires, cela pour veiller ce que les efforts
d'accroissement de l'efficacit de l'aide rali-
ss dans un domaine ne crent pas d'obstacles
dans un autre domaine.
En effet, certaines questions concernant les
pays bnficiaires, par example la capacity
d'absorption de l'aide, sont autant de
contraintes pratiques qui ne peuvent tre igno-
res par aucune des parties prenantes. C'est
cependant surtout pour cette raison prcise que
la Declaration de Paris a t adopte. Quant
aux pays bnficiaires, il devrait aussi leur
incomber de redoubler d'efforts, au niveau
tant bilatral que multilatral, pour sensibiliser
les donateurs, y compris les nouveaux mem-
bres comme la Chine, l'Arabie saoudite et le
Venezuela, la ncessit d'adhrer certain
engagements important tels que ceux qui ont
t exprims aux conferences de Monterrey et
de Paris. Telle est la seule faon de nous recen-
trer sur une lutte efficace contre la pauvret et
d'atteindre les OMD. *
*WorldBank, Ci .1 .1 .... i .I .... MDGsand
the Environment; Washington DC, p. XIX.
** Assemble parlementaire paritaire ACP-UE, Commission
du dveloppement conomique, des finances et du com-
merce, 03.03.2008, [DT\704928EN & APP 100.249]
COURRIER
Trois ans aprs l'engagement des bailleurs de fonds amliorer l'efficacit de l'aide,
leur crdibilit sera bientt mise l'preuve : lors de leur runion Accra, au Ghana,
ils devront en effet montrer qu'ils sont capable de passer de la rhtorique l'action.
1 arrive parfois que les questions les plus
simples nous laissent perplexes. C'est ce que
je me suis dit lors d'une conference donne
devant des tudiants italiens, o l'un des
jeunes m'a demand : "Mais pourquoi la pau-
vret existe-t-elle malgr tous les efforts
dploys dans le cadre des politiques de dvelop-
pement ?" Si la question avait t pose par un
expert, j'aurais pu rpondre plus facilement.
J'aurais parl des indicateurs de pauvret et rap-
pel que le nombre d'enfants scolariss a aug-
ment de 24% au course des cinq premires
annes de ce sicle etj'anii r,.. i. u, du JMcr i. e.
avant le rle de la politique de dveloppement. Il
n'empche et c'est finalement l l'essentiel -
cet tudiant a raison : la pauvret absolue svit
encore grande chelle, et nous devons donc
nous attaquer plus efficacement ce phnomne.
C'est pourquoi la runion Accra doit tre un
succs. Il ne s'agira pas de ritrer les engage-
ments pris au titre de la Dclaration de Paris de
2005 et de rpter l'envi que nous voulons
coordonner l'aide au dveloppement. Non.
Lorsque les ministres des pays bailleurs de
fonds et des pays en dveloppement se runi-
ront du 2 au 4 septembre pour mettre sur la table
la problmatique de l'efficacit de l'aide, ils
devront passer de la rhtorique l'action. Et ce
sera le test dterminant pour le Forum d'Accra.
Comme toujours, ce sera avant tout aux pays
bailleurs de fonds de faire preuve de cette capa-
cit. Mais nos pays partenaires seront gale-
ment mis l'preuve : ils devront en effet la-
borer une vision des changements qu'ils sou-
haitent apporter dans leur pays, assumer la res-
ponsabilit des programmes et les mettre en
uvre. Mais c'est nous qu'il appartient de
veiller ce que les montants dgags soient uti-
liss bon escient. En effet, en 2007, la
Commission europenne et les Etats membres
ont dpens eux seuls 46 milliards d'euros,
soit plus de la moiti de l'aide officielle au
dveloppement l'chelle international.
Certes, l'UE a ralis des progrs considrables
au course de ces trois dernires annes, et les
examples prometteurs ne manquent pas, notam-
ment dans le domaine de la coordination de
l'aide. Il lui reste pourtant un long chemin
parcourir. Car nous devons passer de cette
phase "exprimentale" une action bien plus
grande chelle. Et, au lieu de signer une dcla-
ration rdige avec talent, prpare l'avance
par les ambassadeurs, nous devons promouvoir
un,-i~i -r.., i r it. i d'aboutir un plan d'action
concrete, que chaque donateur et pays partenaire
devra respecter. Concrtement, la Commission
europenne propose de se concentrer sur quatre
grands domaines d'action:
Prvisibilit de l'aide. Les bailleurs de fonds
doivent adopter systmatiquement des pro-
grammes pluriannuels soutenus par des engage-
ments financiers pluriannuels. L'annualit du
budget n'est pas une excuse. La Commission
europenne connat ce principle depuis une
dizaine d'annes !
Utilisation des systmes des pays en dvelop-
pement. Pour limiter la bureaucratic pesant sur
les pays en dveloppement, les bailleurs de
fonds devraient s'aligner davantage sur les sys-
tmes des pays bnficiaires et adapter leurs
contributions aux cycles budgtaires, aux
cadres rglementaires et aux procedures de pas-
sation de march de ces pays.
Une approche fonde sur les rsultats. Plutt
que d'imposer des conditions politiques prala-
bles qui ne laissent gure de choix aux pays en
dveloppement et peu de place aux dbats poli-
tiques l'chelon national, nous devrions les
aider se rapproprier ces politiques. Les pro-
grammes d'assistance doivent tre axs sur des
rsultats et des rsultats concrets et mesurables,
le pays partenaire occupant un rle essential.
Partage des tches. Afin de limiter le nombre
de bailleurs travaillant dans un pays en dvelop-
pement et laisser le terrain aux organizations
possdant un maximum de savoir-faire, les bail-
leurs de fonds doivent coordonner leur travail.
Il ne sera pas facile d'imposer une telle vision.
Certains bailleurs de fonds prfreront s'en
tenir des formulations lgantes plutt que
d'opter pour des actions concrtes, tandis que
certain pays partenaires s'empresseront de
rabcher une rhtorique suranne plutt que
d'assumer leur part de responsabilit et rfor-
mer les systmes victims d'une mauvaise gou-
vemance. Pourtant, il n'y a pas d'autre choix
que d'essayer ensemble l'chelon europen et
l'chelon national si nous souhaitons donner
une rponse positive nos plus jeunes. *
N. 6 N.S. JUIN JUILLET 2008
=-imll
Oriol Freixa Matalonga*
De nouuelles priorits culturelles
pour la COOPERRTIOn espagnole
Le gouvernement du Premier ministry
espagnol, Jos Luis Rodriguez Zapatero,
est bien dcid faire de la culture un
objectif de dveloppement human.
Lance la fin 2007, une stratgie inno-
vante marquant un changement radical
de la relation entire la culture et le dve-
loppement porte present ses fruits. A
l'chelon international, la signature par
l'Espagne de la Convention sur la protec-
tion et la promotion de la diversity des
expressions culturelles de l'UNESCO
(Organisation des Nations unies pour
l'ducation, la science et la culture) mon-
tre que ce pays est rellement convaincu
que la diversity culturelle est un moteur
pour le dveloppement.
Les pays ACP s'apprtent profiter de cette nouvelle priorit
accorde la culture et au dveloppement. Ce secteur est l'un
des 11 domaines focaux de la politique espagnole de coopra-
tion au dveloppement. Au sein de celui-ci, sept nouveaux
domaines d'action sont mis en place peu peu : la formation du capital
human pour la gestion culturelle ; les aspects politiques de la culture ;
les aspects conomiques de la culture ; l'ducation et la culture ; le patri-
moine cultural; la communication et la culture et les droits culturels.
Des programmes spcifiques comme ACERCA (gestion culturelle) et
FORMART educationn et culture), ainsi qu'un soutien aux entreprises
nouvellement cres ont t mis en place. Le programme de bourses
pour la cooperation scientifique est en course d'largissement et ses res-
sources revues la hausse, afin de promouvoir la cooperation interuni-
versitaire avec les tablissements d'enseignement suprieur d'Afrique
et d'Amrique latine.
La mise en euvre de Plan Africa promeut une plus grande ouverture
aux pays du Groupe ACP et, en particulier, ses membres africains. Le
Rseau des centres culturels espagnols l'tranger (151 centres dans
107 pays) a t renforc, tout comme les spaces ddis aux changes
et au dialogue culturels grce la creation de Casa Africa, Casa Arabe,
Casa Asia, Casa Sefarad et Casa Amrica Catalunya. Un rseau de
bibliothques arabes bnficie galement d'un soutien accru et le forum
de soutien du cinma de l'hmisphre Sud a vu le jour. Paralllement
cette srie d'initiatives, la nouvelle Banque des bonnes pratiques des
projects culturels et de dveloppement compile les rsultats les plus pro-
metteurs et value l'impact de la cooperation culturelle.
L'Espagne a galement revu la hausse son soutien aux institutions
multilatrales axes sur la culture, comme les initiatives finances par
l'UNESCO en faveur des rgions africaines et l'initiative d'espace cul-
turel ibro-amricain afin de leur permettre de crer de nouveaux pro-
grammes ambitieux. Elle a galement renforc sa presence au sein des
organizations et des institutions internationales ddies la culture.
En outre, le Fonds pour les Objectifs du Millnaire Espagne-PNUD
(Programme des Nations Unies pour le dveloppement) a rcemment
fait de la culture et du dveloppement l'une de ses cinq grandes priori-
ts, affectant plus de 95 millions de dollars cette cause. Plusieurs pays
ACP competent parmi ses premiers bnficiaires : l'Ethiopie, la
Mauritanie, la Namibie, le Sngal et le Mozambique.
A l'chelon international, la signature de la Convention sur la protec-
tion et la promotion de la diversity des expressions culturelles de
l'UNESCO montre que ce pays est rellement convaincu que la diver-
sit culturelle est un moteur pour le dveloppement. Cette nouvelle stra-
tgie s'aligne par ailleurs sur la declaration de Dakar de 2003 sur la pro-
motion des cultures et des industries culturelles ACP et son plan d'ac-
tion, ainsi que sur la declaration de 2006 de Saint-Domingue.
Les statistiques du rapport du Comit d'aide et de dveloppement, qui
prsente une valuation de la cooperation espagnole au course de ces
cinq dernires annes, indiquent que l'Espagne est idalement place
pour raliser ses objectifs de cooperation et de dveloppement et pour
respecter l'engagement pris par son Premier ministry Rodriguez
Zapatero d'affecter, d'ici 2012, 0,7% de son produit intrieur brut
(PIB) la cooperation au dveloppement. L'Espagne serait donc en
passe de devenir, dans un avenir proche, l'un des principaux bailleurs
mondiaux d'aide publique au dveloppement. M
* Expert en cooperation culturelle international
Pour en savoir plus http://www.aecid.es/09cultural/02ccult/9.2.1.htm
COURRIER
f L'EPRE
dirige par le Dr Tjasa Zivko, en
tant que reprsentant de la prsi-
dence slovne de l'UE, s'est rendue
Fidji les 19 et 20 juin afin de faire le point
sur l'volution politique, notamment les
measures prises par le gouvernement intri-
maire en vue d'organiser des lections parle-
mentaires d'ici mars 2009.
A la suite du putsch du contre-amiral Frank
Bainimarama perptr en dcembre 2006
Fidji, le gouvernement intrimaire a adopt, en
avril 2007, une srie de 13 engagements au
terme de pourparlers avec des reprsentants du
Groupe des pays d'Afrique, des Carabes et du
Pacifique (ACP) et de l'UE, mens au titre de
l'article 96 de l'accord de Cotonou. L'viction
de Laisenia Qarase, Premier ministry lu
dmocratiquement, a t considre comme
une violation des "lments essentiels" de
l'Accord de Cotonou don't les Fidji sont signa-
taires, savoir les droits de l'homme, les prin-
cipes dmocratiques et l'Etat de droit.
La dlgation de l'UE en visit Fidji a pos
des questions prcises sur la date des lections
et sur la nature de la 'Charte populaire' pour le
changement constitutionnel.
La dlgation, laquelle participaient gale-
ment l'Ambassadeur franais Patrick Roussel,
reprsentant de la prochaine prsidence de
l'UE, et Roger Moore, Directeur gnral la
DG Dveloppement de la la Commission
europenne, s'est entendu dire que la rdaction
d'une "proposition de charte pour le change-
ment et le progrs" tait susceptible de retar-
der le calendrier lectoral. Et dans le Fiji
Times, on pouvait lire qu'Aiyaz Sayed-
Khaiyumn, Ministre de la Justice par intrim,
avait indiqu la troka de l'UE qu'un change-
ment lectoral s'imposait pour donner du sens
au suffrage universal Fidji et turner le dos
une ethnicit institutionnalise.
La dlgation de l'UE s'est galement entrete-
nue avec Laisenia Qarase, Premier ministry
destitu.
Une dlgation d'ambassadeurs ACP s'est
galement rendue Fidji du 12 au 16 mai afin
de raliser sa propre valuation. Lors d'une
runion des ministres ACP Addis-Abeba, le
13 juin, Ratu Epeli Nailatikauon, Ministre des
Affaires trangres, de la Coopration interna-
tionale et de l'Aviation civil par intrim, a
expliqu que son pays s'est engag organiser
des lections dmocratiques, libres, quitables
et transparentes en mars 2009. Le Ministre a
galement expos quelques-unes des measures
dj prises cette fin, notamment la dsigna-
tion d'un nouveau superviseur des lections
la fin mai 2008, et expliqu que des fonds
avaient dj t rservs dans le budget 2008
en vue de la preparation des lections, notam-
ment pour l'inscription des lecteurs. Il a pr-
cis que des ngociations taient en course avec
le Commonwealth, le forum ACP-UE et le
forum des les du Pacifique sur les dveloppe-
ments politiques.
Dans les coulisses d'une runion de
l'Organisation des Nations Unies pour l'ali-
mentation et l'agriculture (FAO), Rome, le
commissaire de l'UE a averti le contre-amiral
Bainimarama que les fonds destins com-
penser la chute du prix du sucre vendu dans
l'UE suite la rforme du sucre dans l'UE
pourraient tre gels si son pays ne respectait
pas sa promesse d'organiser des lections en
mars 2009. Tout en reconnaissant que l'actuel
systme lectoral des les Fidji pouvait poser
problme, le Commissaire Michel a expliqu
en toute franchise au Premier Ministre intri-
maire que cette rforme ne devait pas servir de
prtexte un report de la date des lections.
Des rapports manant de fonctionnaires de
l'UE Bruxelles prcisent que le
Commissaire au Dveloppement aurait dit que
dans une dmocratie, les lecteurs -et seule-
ment eux -peuvent sanctionner les hommes
politiques. M
Tour d'horizon
PREOCCU PTIOnS
des ministres HCP sur les
questions de COiMMiERCE
Groupe des pays d'Afrique, des
Carabes et du Pacifique (ACP) qui se
sont runis du 9 au 11 juin Addis-
Abeba, en Ethiopie, ont mis des doutes quant
l'adquation des Accords de partenariat co-
nomique (APE) tablissant des zones de libre-
change entire les ACP et les pays de l'UE avec
leurs besoins de dveloppement.
Ces pactes "risquent d'altrer l'intgration
rgionale", a dclar Mohamed Admed
Awalesh, Ministre djiboutien de la Solidarit
national, qui prsidait la runion des minis-
tres. Un message qu'il a communique avec
fermet ses homologues des 27 Etats mem-
bres de l'UE lors d'une runion conjointe dans
la capital thiopienne, les 12 et 13 juin.
"Si les avances ralises ce jour sur le front
des ngociations des APE respectent les rgles
de l'OMC, elles ne sont pas totalement compa-
tibles avec nos besoins de dveloppement.
C'est l notre preoccupation, nous, pays
ACP", a dclar Ato Meles Zenawi, Premier
ministry thiopien. Les ministres ACP ont
expliqu que leurs pays, presss par
l'chance du 31 dcembre 2007 pour la
signature des APE, ont fini par signer des
accords intrimaires engageant de plus petites
entits commercials ou des accords l'che-
lon national au lieu des accords de group ini-
tialement prvus. Le CARIFORUM, le Forum
des Etats ACP des Carabes, est ainsi le seul
organisme ACP avoir sign ce jour un APE
regional part entiree*
Les ministres se sont galement dit inquiets de
la nouvelle rosion des prfrences commer-
ciales accordes sur le sucre et les bananes
dans le cadre des actuelles ngociations de
l'OMC (Organisation mondiale du com-
merce). Dans une declaration, ils ont averti
qu'il leur serait extrmement difficile de pren-
dre part un quelconque consensus au sein du
cycle de Doha de l'OMC en l'absence d'un
"traitement quitable" pour ces deux products.
La flambe des prix ptroliers, qui a fait grim-
per les prix du transport, risque en outre de
limiter l'efficacit de l'enveloppe europenne
de 1,24 milliard d'euros dj affecte aux stra-
tgies pluriannuelles d'adaptation (SPA) dans
certain pays ACP producteurs de sucre dans
le but de compenser la diminution du prix du
sucre achet par l'UE de 36% partir d'octo-
bre 2009.
Les pays ACP ont appel la Commission euro-
penne veiller ce que le sucre ne soit pas
"labellis" produit tropical dans l'actuel cycle
de ngociations commercials internationales et
maintenir la clause spciale de sauvegarde
pour les products haute teneur en sucre. Ces
pays ont galement demand la Commission
de prendre en compete le fait que les acheteurs et
importateurs de sucre risquent de profiter de
cette diminution du prix du sucre de 36% qui
prendra course en octobre 2009.
Ils ont appel instamment leurs partenaires euro-
pens s'opposer toute proposition visant
rduire considrablement le tarif de bananes
importes dans l'UE et ne provenant pas de pays
ACP qui est actuellement de 176 euros/tonne. Le
Dr Arnold Thomas, Ambassadeur Bruxelles
reprsentant l'Organisation des Etats de l'Est des
Carabes (OECS), a dclar la runion : "La
banane est une question brlante, qui explique
que les fiches de paie se volatilisent et que les
moyens d'existence disparaissent de mme que
l'emploi et le niveau de dveloppement socio-
conomique atteint au course des 40 dernires
annes." D.P. M
* Le Forum des Etats ACP des Carabes (CARIFORUM)
comprend les pays suivants : les Bahamas, la Barbade,
Belize, la Dominique, Grenade, la Guyane, Hati, la
Jamaique, Saint Christophe et Nevis, Sainte Lucie, Saint
Vincent et les Grenadines, le Suriname, Trinidad et Tobago
et Cuba. Le 16 dcembre 2007, 'UE signait un APE avec
tous les membres du CARIFORUM l'exception de Cuba.
UE-BFRIQUE DU SUD
UE-R FRIQUE DU SUD
mais aussi les divergences sur l'avenir
des relations commercials entire
l'Afrique du Sud et l'Union europenne
(UE) figuraient en tte de l'ordre du jour de la
runion ministrielle conjointe UE-Afrique du
Sud. Cet vnement s'est tenu dans la capital
slovne Ljubljana le 3 juin, alors que se profile
le tout premier sommet UE-Afrique du Sud qui
doit se tenir Bordeaux, en France, le 25 juillet.
Au course de cette runion place sous la prsi-
dence conjointe du Dr Nkosawana Dlamni
Zuma, Ministre sud-africain des Affaires tran-
gres, et de Dimitrij Rupel, son homologue slo-
vne, les discussions ont abord de nombreuses
questions politiques, allant de la situation au
Zimbabwe celle au Proche-Orient. Louis
Michel, Commissaire europen au
Dveloppement, et Jean-Christophe Belliard,
envoy personnel pour l'Afrique dans le cadre
de la politique trangre et de scurit com-
mune (PESC), taient galement presents.
L'Afrique du Sud est l'un des 79 membres du
Groupe des Etats d'Afrique, des Carabes et du
Pacifique (ACP). Ce pays entretient toutefois
des relations bilatrales commercials et d'as-
sistance particulires avec l'UE. Les deux
entits ont ritr leur engagement poursui-
vre les ngociations en vue de la conclusion
d'un Accord de partenariat conomique (APE)
de nature leur apporter des avantages
mutuels. Il s'agit d'un accord de libre-change
entire les 14 membres de la Communaut pour
le dveloppement de l'Afrique australe
(CDAA) et l'UE. L'Afrique du Sud a toutefois
relev des difficults quant son propre pro-
gramme d'intgration rgionale, dues au fait
que l'UE a dj conclu un APE "intrimaire"
avec le Bostwana, le Lesotho, la Namibie et le
Swaziland, autres membres de l'Union doua-
nire d'Afrique australe (SACU) laquelle
elle appartient. L'UE a expliqu que les ngo-
ciations avec les pays ACP ayant dj conclu
des APE intrimaires devraient normalement
se traduire en accords part entire d'ici la fin
2008. Ceux-ci porteront sur d'autres aspects
commerciaux parmi lesquels les services et la
passation des marchs. L'Afrique du Sud a rap-
pel l'Union qu'elle n'tait pour sa part pas
tenue de respecter un tel calendrier puisqu'elle
n'avait sign aucun accord intrimaire.
Les nouveaux domaines de cooperation bilatrale
-la paix et la scurit, la cooperation dans le
domaine de l'environnement, les sciences et les
technologies, les rglementations douanires,
l'nergie,les migrations et le transport -devraient
tre abords lors du prochain sommet. D.. R
DIIIIi E
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ossier t
.L. ..... ... ..
1 X 1i t' '
CRISES LImE lTh IRE
de Marie-Martine Buckens \ 1
L es "meutiers de la faim" l'ont rappel I
aux dirigeants du monde entier, trop .
enclins dans ce domain appliquer la L
politique de l'autruche : la cruise ali-
mentaire est relle. Et d'une ampleur tell
qu'elle force experts et gouvernements 1.
repenser les politiques agricoles existantes.. a i
Car la cruise n'est pas le rsultat d'une pnurie
global come le prtendent certain, bran- I
dissant rgulirement le spectre du surpeuple-
ment mais d'un dysfonctionnement plus pro-
fond. Le monde dcouvre avec stupfaction -
et c'est vrai singulirement pour l'Union euro- i
penne 15 o les paysans ne reprsentent Ii
plus que 1,6% de la population active, mme
si ce pourcentage a presque double avec
l'adhsion de 10 Etats d'Europe central et
orientale que l'agriculture a de tout temps t
le socle sur lequel les Etats se sont construits.
L'autosuffisance alimentaire des populations
est un pralable la mise en place des autres
politiques. Un gigantesque chantier attend
donc les dirigeants du monde. Pour certain
(lire l'interview de Matthieu Calame), la seule
solution long terme passe par la mise en
place d'une Politique agricole mondiale. M
Riz Bouak.
Fatalphotorush
S, Dossier
CRIE Graines de colre,
CRIS graines de changement
Aprs les "meutes de la faim", le premier choc pass, les analysts font leurs comptes.
Oui, les prix ont atteint des niveaux records, mais ils taient singulirement bas depuis
30 ans. Oui, certaines rgions du monde sont en deficit agricole, mais la pnurie glo-
bale est un leurre. Petit tour d'horizon, chiffres de la FAO l'appui.
l y a d'abord les chiffres, qui donnent le
tournis. Triplement du prix du bl depuis
2000 -130% d'augmentation pour la
seule anne 2007 doublement du prix du
riz et du mas pendant la mme priode. Le riz
continue sa course folle puisque son prix en
Asie se voit nouveau double au course des
trois premiers mois de 2008, atteignant, en
mai, des niveaux record sur le march terme
de Chicago. Et des estimations :
l'Organisation des Nations Unies pour l'agri-
culture et l'alimentation, la FAO, value 107
milliards de dollars le cot total des importa-
tions de denres alimentaires des pays les plus
pauvres en 2007, soit 25% de plus qu'en 2006.
Enfin, des supputations : jusqu'o s'envolera
le prix du baril de ptrole ? Un baril qui dbut
2008 dpassait dj les 100 dollars, soit une
augmentation de 72% durant la seule anne
2007, grevant d'autant le cot de la production
d'engrais et de pesticides. S'y ajoute "l'effet
biocarburants" : l'engouement de l'Europe et
des Etats-Unis notamment pour ces cultures
nergtiques a contribu aligner le prix des
aliments sur celui de l'or noir.
La flambe des prix des aliments a frapp de
plein fouet des conomies fragilises. Au total,
prs de 40 pays sont confronts une crise ali-
mentaire. Mme dans des pays traditionnelle-
ment autosuffisants comme la Cte d'Ivoire ou
exportateurs comme l'Egypte. En Hati, au
Bangladesh ou au Cameroun, les populations
ont exprim leur colre dans la rue. Sans
oublier la Guine, l'Ethiopie, le Cameroun ou
la Mauritanie. Ou encore le Mexique, o le
prix de l'aliment de base, la tortilla de mas, a
augment de 14% en 2006, et l'Indonsie, qui
a vu le prix du riz multipli par deux en un an.
> S'agit-il d'un phnomne
temporaire ?
Non, estiment la plupart des spcialistes. Et
certain de souligner que l'envole actuelle
des prix fait suite 30 annes de prix particu-
lirement bas, pour ne pas dire brads, sur le
plan mondial. "L're de l'alimentation bas
prix sur le march international est rvolue",
dclarait le 22 avril dernier devant le
Parlement europen, le Commissaire europen
au Dveloppement, Louis Michel. Et de pour-
suivre : "Les prix des products alimentaires ne
reviendront pas leur niveau d'antan et leur
volatility risque d'augmenter si des measures ne
sont pas prises rapidement". Ils devraient
cependant entamer une baisse, "mais elle sera
lgre", prcise Marc Debois, chef de secteur
l'unit resources naturelles de la Direction
Dveloppement de la Commission euro-
penne. Et d'ajouter : "La volatility des prix
devrait quant elle connatre des pics plus fr-
quents, un peu comme, toute proportion gar-
de, ce que l'on constate pour le climate .
> S'agit-il d'une pnurie
alimentaire ?
Non plus. Dans ses Perspectives sur l'agricul-
ture mondiale l'horizon 2015-2030, la FAO
l'affirme : "La baisse, ces dernires annes,
des taux de croissance de la production agri-
cole et du rendement des cultures, au niveau
mondial (...) ne rsulte non pas d'un manque
de terres ou d'eau, mais plutt du ralentisse-
ment de la demand de products agricoles".
Les raisons ? Une population mondiale don't le
taux de croissance commence dcrotre ;
mais aussi, "le fait que l'on atteint aujourd'hui
dans de nombreux pays des niveaux de
consommation alimentaire par habitant qui
sont assez levs, et ne pourront pas augmen-
ter beaucoup plus". Mais, ajoute la FAO, "il est
aussi vrai qu'une proportion de la population
mondiale, qui reste obstinment forte, vit tou-
jours dans une pauvret extreme et, par cons-
quent, n'a pas les revenues ncessaires pour tra-
duire ses besoins en demand effective".
En clair, la demand plafonne : soit en raison
d'un effet de saturation -dans les pays riches
-soit, plus prosaquement, parce qu'une
frange important de la population mondiale
n'a pas les moyens d'acheter son pain quoti-
dien. La FAO s'attend ainsi ce que la crois-
sance de la demand mondiale de products
agricoles, qui tait en moyenne de 2,2% ces 30
dernires annes, chute 1,5% par an dans les
30 prochaines annes. Dans les pays en dve-
loppement, le ralentissement sera encore plus
spectaculaire, de 3,7% 2%. Ceci est d, en
parties, au fait que la Chine aura pass la phase
de croissance rapide de sa demand de pro-
duits alimentaires. Reste cette "proportion
obstinment forte" de la population mondiale
qui n'a pas les moyens de se payer une nourri-
ture un prix qui, in fine, reflte les humeurs
commercials des grands exportateurs : suffi-
samment bas depuis 30 ans pour touffer la
production locale et les rendre dpendants de
products de base imports, et trop haut actuel-
lement pour leur permettre de se payer ces
mmes denres. "La mondialisation en matire
d'alimentation et d'agriculture, estime de son
ct la FAO, donne des esprances mais pr-
sente galement des problmes. Elle a permis,
dans l'ensemble, de rduire la pauvret en
Asie." Mais, reconnat-elle, "elle a aussi
entran l'essor des socits alimentaires mul-
tinationales qui ont le potential de dominer les
agriculteurs dans de nombreux pays". Et de
conclure : "Les pays en dveloppement doi-
vent disposer des cadres lgaux et administra-
tifs leur permettant de parer aux menaces tout
en rcoltant les bnfices". Aujourd'hui, la
notion d'autosuffisance alimentaire gagne
enfin quelques gallons.
M.M.B. M
mots-cls
Emeutes de la faim ; prix alimentaires ;
pnurie alimentaire ; mondialisation ; mul-
tinationales agro-alimentaires ; Haiti ;
Cameroun.
N. 6 N.S. JUIN JUILLET 2008
Prvu de longue date, le Sommet de la FAO qui a rassembl quelque 180 nations
Rome en juin dernier, soit quelques mois peine aprs les premires meutes de la faim,
a du. Son chec relatif a rvl le manque de vision long terme des nations sur la
politique mener en matire agricole. La defense des intrts court terme a prvalu :
suppression des subventions pour les uns, defense des biocarburants pour les autres.
Mais une seule runion ne pouvait apporter des rponses des dfis pieusement igno-
rs par la plupart des institutions financires internationales. Ct positif : tout le
monde Rome s'est accord pour reconnatre que l'agriculture est une chose trop
srieuse pour tre rgle uniquement coups de milliards d'euros d'aide alimentaire.
L aide d'urgence est nces-
saire mais doit tre limite
dans le temps", dclarait le 5
juin Rome Louis Michel.
Le Commissaire europen au Dveloppement
faisait rfrence aux quelque 3,20 milliards
d'euros promise par divers donateurs don't la
Banque mondiale, les Etats-Unis, la Banque
islamique de dveloppement et la France, sans
oublier les 550 millions d'euros dj mobiliss
par la Commission europenne. "Je suis
convaincu", a poursuivi Louis Michel, "que
cette aide d'urgence doit tre limite dans le
temps et qu'il faut engager des limits volon-
taristes pour assurer une transition rapide vers
des mcanismes de scurit alimentaire de
nature structurelle".
Tout comme la Banque mondiale en avril der-
nier, ou encore le ministry franais de
l'Agriculture, Michel Barnier, le Commissaire
au Dveloppement a reconnu : "Aprs des
annes de sous-investissements -voire de ds-
intrt dans le secteur du dveloppement rural
-nous assistons un retour de l'agriculture sur
le devant de la scne". Mais la Commission
europenne, on se dfend d'avoir t pris de
court. "La cruise alimentaire a pouss sur le
devant de la scne politique des dossiers pr-
pars depuis des mois par l'excutif euro-
pen", explique Marc Debois, chef de secteur
la DG Dveloppement de la Commission
europenne, en charge des resources natu-
relles. L'un d'eux, important, est celui qui s'at-
taque l'agriculture en Afrique (lire article
suivant).
> Aide europenne
Plus globalement, on retrouve le Programme
stratgique de l'Union europenne pour la
scurit alimentaire. Depuis 2007, cet instru-
ment a t scind en deux : d'un ct, l'aide
COURRIER
Crise alimentaire 1 Dossier
humanitaire d'urgence, dlivre par la direc-
tion ECHO de la Commission europenne, de
l'autre un programme finanant des activits
rgionales ou globales relatives la scurit
alimentaire. Chaque ligne bnficie d'environ
250 millions d'euros par an. "C'est au titre de
cette second ligne", explique M. Debois,
"que nous finanons notamment le programme
d'alerte de la FAO. Les actions finances doi-
vent par ailleurs faire le lien entire aide d'ur-
gence et dveloppement et ne sont finances
que s'il existe une stratgie oprationnelle
avec le pays concern.
Le programme stratgique a t tabli pour la
priode 2007-2013. Dans ce cadre, la second
ligne activits rgionales a dj fait l'objet
d'une programmation jusqu' l'horizon 2010
et bnficie d'un budget de 925 millions d'eu-
ros. "Nous allons utiliser cet instrument, du
moins en parties, pour rpondre la cruise ali-
mentaire actuelle", prcise M. Debois. Reste la
premiere ligne, celle d'urgence. "Quelque 230
millions d'euros ont dj t dpenss depuis
le dbut de 2008 au titre de l'aide alimentaire
d'urgence, tout pays confondu", indique M.
Debois qui ajoute : "Pour faire face aux
demands, une rallonge de 60 millions d'euros
a dj t demande, en utilisant la reserve
budgtaire". Cette aide, insiste-t-il, "devrait
I i! .i ||!,! ii. i i i. I I. i l i i | ,..^ iN !.i Il ,d ,ii -
> Cibler les pays les plus
ncessiteux
IC_ C'.^i%.adi % C p iU-' *I r111.'PiiF .i
frence certain pays. Il s'agit donc d'assurer
un bon ciblage afin d'viter que des pays se
retrouvent 'orphelins' ou 'trop aids"'.
"Pour l'heure, et aprs une rapide enqute
auprs des dlgations de la Commission dans
les pays tiers -quel a t l'impact rel de la
crise sur les prix, si augmentation il y a, a-t-
elle rellement pos problme, quelles ont t
les measures prises par les gouvernements,
quels sont les risques d'aggravation tant sur le
plan alimentaire que politique nous avons
identifi une trentaine de pays qui nous pour-
rions apporter une aide", prcise-t-il.
> Priority au dueloppement rural
A plus long terme, et alerte notamment par un
rapport de la Banque mondiale qui, en 2007,
faisait son mea culpa et insistait sur la nces-
sit de rorienter les financements vers l'agri-
culture, la Commission europenne a dcid
de rhabiliter ce secteur. "Soutenir une poli-
tique agricole cohrente, crer des filires, tout
cela a t nglig depuis une vingtaine d'an-
nes", reconnat Marc Debois, rappelant que
l'aide octroye auparavant par l'UE reprsen-
tait 20% de son budget total d'aide au dvelop-
pement, contre 3,4% aujourd'hui. Le dernier
(et 10e) Fonds europen de dveloppement
li i t. C .11 i lt I i ili." lL ,J i !' |i'|iill l i l ll .l
.I.I, r L .I.... t I, I.i. i I 'iihul it.. iifc. I,,lh lt
n is FED u iL n-ni i[ m il!..n. .Il ... ,il J'll
lir, .lc ii[" .0 ,.k., l.i' ]_i,,h. M iJ i; !, !., R -, 1,' i C
d' Ji., li[L'r "( .' l 11'.i |l t. L, lll> llu l I'l 1 .1, C
marchs agricoles locaux et rgionaux.
"Approximativement un tiers des pnuries ali-
mentaires du monde", a-t-il soulign Rome,
"pourrait tre significativement allg en am-
liorant les rseaux de distribution et en aidant
relier mieux les petits agriculteurs aux mar-
chs", plaidant pour une integration rgionale,
indispensable dans la lutte contre l'inscurit
alimentaire. Enfin, il faut s'attaquer au renfor-
cement de la governance alimentaire mon-
diale. "Je pense notamment", a dclar Louis
Michel Rome, " la FAO qui doit re-devenir
une agence phare". Et d'insister sur une meil-
leure coordination entire bailleurs de fonds :
"La Commission considre que la rponse de
l'Union devra tre aligne avec des initiatives
plus large telles que celle lance par le
Secrtariat des Nations Unies (le CFA
Comprehensive Framework for Action
Cadre exhaustif d'action) et le recent appel de
la FAO pour une initiative global portant sur
les prix agricoles (l'ISFP Initiative for
Soaring Food Prices)." M.M.B. M
mots-cls
Marie-Martine Buckens ; Louis Michel ;
Jacques Diouf ; aides d'urgence ; com-
merce ; OMC ; petit paysan.
.FFdi i Li "i 1 .ii !.ii ~ -' i ,iii' 'l"n 'iii .iii l t.11 c e .li .ir" .l
.ill IcLc l.i'| i r l _'i i 1I .. i I !.lll .ii. Lt
,,i,,i .i. .. I ,, j ii , Cif -iiC,,i, .. t. d j / Intgration rgionale et
C.. 1i LC-.C i,. i I. j u.i, 'l Iouuernance
.,h.l ',,,, *.,,lIJ &B a J P ICI IL pll1 Cllli.i.,lilC Cl,!,''t!CC .111
tc'., !i r>t. lq_'h L:f pl iL l '.lI:IlLIL L[.I .Liei i,,ii
nil'glllllhl.'' ,hlllK'lLLl|J^I| tllll' ^^I.lll JC. kl'.l[hllll '[ d'|,l'_..ll|-.ill|,l| ,.ll',
Dossier Crise alimentaire
"Il nous faut une politique
BGRICOLE MOnDIRLE"
Rencontre avec Matthieu Calame, ingnieur agronome, expert la
Fondation Charles Lopold Mayer et auteur de La tourmente alimen-
taire Pour une politique agricole mondiale (Ed. CLM,- avril 2008)*.
Quelles sont, selon vous, les raisons de la cruise alimentaire
qui svit depuis des mois dans les ACP ?
L'une des raisons, mon avis, est que ces pays ne sont pas des
SEtats, au plan historique. Ils sont issues des colonies. Le pro-
blme est structure. Ceux qui se sont dvelopps ne sont pas
f-- passs par une tape indispensable qui est la creation d'un
Smarch intrieur. Prenez le cas du Japon : son premier souci
a t d'riger des droits de douane pour se permettre de pro-
duire. A l'inverse, ces pays, singulirement en Afrique, sont
.-7 .-o rests des fournisseurs de matires premires.
Or on a connu 30 ans de chute des prix agricoles, en raison
principalement des subventions accordes par l'Europe et les
'' Etats-Unis leurs agriculteurs. C'est ce 'couple infernal' qui
est le principal responsible de la cruise actuelle. Comme le dit
Sun proverbe africain : "quand deux lphants se battent, c'est
l'herbe qui en ptit". En bradant les products alimentaires, ils
Sont touff les pays qui ne disposaient pas de moyens pour
4V subventionner leur agriculture. Les petits paysans ont arrt
"- .' "de produire et l'on a assist la constitution d'une 'plbe'
urbane, faiblement productive. Un cercle vicieux s'installe.
Les gouvernements de ces pays se voient pris entire deux
injunctions contradictoires : soit augmenter les prix pour sau-
.- ,,,,,-, .-,,, ,,, ,,, ; ver la production, soit les diminuer pour les consommateurs.
.- ..... .. ........ S'y greffe aujourd'hui une speculation sur les matires pre-
mires, ce que j'appellerais une maladie d'opportunit car
elle n'est possible que si le march est trs tendu. Autre mala-
die opportune : les biocarburants, mis en place pour ponger
Sales excdents des pays qui subventionnent leur agriculture,
typiquement le cas des Etats-Unis ou de l'Europe o les bio-
carburants ont merg lorsque a t mis en place le systme
.. de jachre, condition afin de poursuivre les subventions.
Mais il existe une second cause la situation actuelle, sou-
". vent mal connue, savoir que ces pays n'ont pas dvelopp
.-, une fiscalit adequate. L'appareil d'Etat est essentiellement
finance par les taxes sur les products l'importation et l'ex-
,., portation. Ainsi, dans un pays come le Burkina Faso, c'est
"i l'exploitation agricole, de coton essentiellement, qui finance
l'Etat, ce qui le rend particulirement vulnerable aux fluctua-
tions de prix de cette matire. Or ce qui est important, c'est la
richesse cre en interne. L'UE pourrait jouer un rle en aidant
Sces pays mettre en place de bons plans de fiscalit, les aidant
du mme coup penser autrement leur dveloppement.
COURR[ER
Crise alimentaire Dossier
Voici une premiere action que pourrait dvelopper l'UE moyen term.
Mais court terme ?
On ne peut faire l'conomie d'aides court terme, mme si elles sont
mauvaises pour le long terme. Reste savoir comment ces aides vont
tre distributes et par qui. Autre rgle important respecter : acheter si
possible sur place et associer les syndicats agricoles, s'ils existent. Cette
aide court terme n'est pas sans effects pervers. Les famines s'enregis-
trent tant dans les zones urbaines que rurales -un producteur de coton
peut aussi tre en situation de famine. Mais souvent, pour des raisons de
stability politique, ce sont les villes qui sont les premires services avec
pour rsultat de provoquer un flux massif des paysans vers les villes.
Je n'ai pas de solution miracle. De faon global, je verrais assez bien
un systme -qui existait d'ailleurs au XIXe sicle en Europe, les
fameux "ateliers d'Etat" -o chacun est rattach une Commune. En
cas de crise, la population s'adresse elle. Il s'agit d'un processus de
dcentralisation et je ne crois pas qu'on pourra y chapper. En Europe
nous sommes dans ce processus : pourquoi ne pas soutenir cette dcen-
tralisation dans ces pays ?
A long terme, que prnez-vous come modle de relations entire l'UE
et les ACP, en matire agricole ?
Tout d'abord, il faut garder en mmoire que ces pays ne se sont pas
mancips du modle conomique qui les intgre la mtropole, alors
que les liens de solidarity avec celle-ci s'effilochent. Ct europen,
nous n'avons pas de diplomatic intgre. Perdure donc souvent un
clientlisme, comme c'est le cas de la Franafrique ou du Royaume-Uni
avec ses anciennes colonies. Ce clientlisme est au ceur du lien entire
les pays ACP et l'UE. En rsulte un manque de volont de dvelopper
une production concurrentielle. Ces pays ne sont pas passs par les
tapes tout d'abord du protectionnisme, du dveloppement ensuite,
enfin de la diversification de leur production.
Mais revenons votre question. En partant du constat qu'il est primor-
dial de rinvestir dans les outils de la terre. N'oubliez pas que l'Etat
s'est toujours construct autour de l'agriculture. La question est : que
peut faire 1'UE au regard de son histoire, en particulier de l'histoire de
la politique agricole commune (PAC) ? Une PAC relativement russie
-qui a ses faiblesses, notamment sociales et environnementales -car
base sur le principle d'un march unifi, et rgul. Et l'hypothse que
je fais long terme est qu'on a intrt mettre en place une politique
agricole mondiale.
Vous prnez une politique agricole mondiale : mais comment pondrer
les intrts de chacun ?
Rappelez-vous les ngociations entire l'Allemagne et la France lors de
la mise en place de la PAC : les Allemands voulaient garder des prix
levs pour protger leur agriculture, alors que Paris voulait des prix
bas pour favoriser ses exportations. Les Allemands ont eu gain de
cause, mais pour ce faire ils ont accept de payer le prix en devenant le
premier contributeur net de la Communaut europenne. Toute propor-
tion garde, il faudrait avoir le mme raisonnement au plan mondial.
Ainsi, on peut imaginer que les pays riches payment pour avoir un mar-
ch libre -en puisant dans leurs resources du march non agricole.
Que les choses soient difficiles n'est pas contestable, mais il y a-t-il une
alternative ? Soit il n'y a pas d'organisation et la moindre cruise tout le
monde ferme ses frontires. On a vu les reactions rigides de la
Thalande ou du Vietnam qui ont refus d'exporter leur riz. Ces rac-
tions sont porteuses en germe de conflicts normes. Il faut se mfier des
scnarios de replis nationaux ou rgionaux. Donc, la seule alternative,
est la mise en place d'accords internationaux.
Voil pour le long terme, mais que pourrait dajfaire l'UE sur la scne
international ?
Peut-tre que l'UE pourrait prsenter l'Organisation mondiale du
commerce (OMC) des propositions pour aider les pays ACP. Il s'agirait
de relancer les ngociations pour permettre ces pays non seulement de
bnficier d'exonrations sur les tarifs pour les products comme les
bananes ou le sucre -ces products "confort" pour nous, pays occiden-
taux -mais de proposer d'tendre ces ngociations tous les products
agricoles. D'accord, cela risque de poser problme notamment la
Thalande, exportatrice de riz bris au Sngal ; mais pourquoi ne pas
l'associer aux discussions ? M.M.B. M
* La foundation Charles Lopold Mayer pour le progrs de l'homme (anciennement fonda
tion pour le Progrs de l'Homme, d'o sa sigle fph) est une foundation indpendante. Son but
statutaire est trs large : finance, par l'action de dons ou de prts, des recherches et actions
qui concourent, de manire significative et innovante, aux progrs des hommes par la
science et le dveloppement social.
mots-cls
Marie-Martine Buckens ; Matthieu Calame ; PAC (politique agricole
commune) ; subventions ; coton ; Burkina Faso.
N. 6 N.S. JUIN JUILLET 2008
Dossier rise alimentaire
Questions OUUERTES
En rhabilitant l'autosuffisance alimentaire, les pays en dveloppement devront s'at-
taquer la question sources de maints conflicts de l'accs la terre. Et la place
qu'ils seront prts donner aux biocarburants et aux OGM.
> L'accs la terre, enjeu crucial
En Afrique, si chaque pays dispose d'un
rgime foncier original, il rsulte le plus sou-
vent d'un marriage forc entire droit priv,
import par les colonisateurs, et droit collectif,
ou coutumier. Chaque systme foncier entra-
nant dans son sillage un mode de production :
bas sur la monoculture (avec les cultures
d'exportation come le caf ou l'arachide)
dans le modle "occidental" ; multifonctionnel
et, souvent, plus respectueux des quilibres
cologiques, dans le second cas. Mais le
rgime foncier ne rgle pas tout. D'autres fac-
teurs psent de tout leur poids, commencer
par la migration de populations fuyant les
conflicts et la misre, ou encore le conflict qui fermes sont encore la proprit des Blancs et
oppose les agriculteurs et chasseurs et les
autorits des parcs naturels.
> Le cas sud-africain
La question foncire fait parties des problmes
qui hantent la nouvelle Afrique du Sud. Mais,
explique Thierry Vircoulon, auteur de L'Afrique
du Sud dmocratique ou la reinvention d'une
nation (Paris, L'Harmattan, 2005), "au lieu du
problme foncier il faut parler des problmes
fonciers !" Depuis 1994, explique-t-il, la
rforme agraire peine rquilibrer la rparti-
tion foncire en faveur des communauts prc-
demment dpossdes : l'immense majority des
l'immense majority des ouvriers agricoles sont
encore des Noirs. Et de poursuivre : "Cette
situation, qui empoisonne les relations interra-
ciales, dissimule un second problme foncier
nglig tort : celui des terres tribales." Gres
par les autorits traditionnelles mais apparte-
nant de jure l'Etat, ces terres sont convoites
par divers groups constitutifs du monde rural
africain, don't les intrts sont divergents, voire
antagonistes. Le second problme foncier de
l'Afrique du Sud -la dtribalisation de la terre
-merge donc lentement aprs dix ans de
dmocratie. Il est donc ncessaire, estime
Thierry Vircoulon, "de dpasser le discours
politique dominant pour raliser que la question
COURRIER
Crise alimentaire Dossier
foncire sud-africaine n'est pas un simple tte-
-tte Blancs/Noirs, mais un problme opposant
aussi les groups sociaux d'un monde rural afri-
cain en proie une transformation rapide et
une grande pauvret".
> La fausse bonne ide des
biocarburants ?
"Il faut geler les subventions et les investisse-
ments destins la production de biocarbu-
rants." C'est du moins l'avis d'Olivier De
Schutter, nomm en mai dernier Rapporteur
special pour le droit l'alimentation par le
Conseil des droits de l'homme des Nations
Unies. Certains espraient un discours plus
nuanc, mais cet minent juriste belge a repris
le flambeau de son bouillant prdcesseur, le
Suisse Jean Ziegler. Olivier De Schutter souli-
gnait en juin dernier, la veille du Sommet de
la FAO : "Cent millions d'hectares seraient
ncessaires pour produire 5% des carburants en
2015, et cela est tout simplement insupporta-
ble. Les objectifs des Etats-Unis de 136 mil-
liards de litres de biocarburants pour 2022 et de
l'Union europenne de 10% de biocarburants
pour les transports en 2020 sont irralistes. En
abandonnant ces objectifs, nous enverrions un
signal fort aux marchs que le prix des rcoltes
de denres alimentaires ne va pas monter ind-
finiment, dcourageant ainsi la speculation."
L'UE, de son ct, tempre, arguant notam-
ment des bnfices que pourraient reprsenter
les biocarburants pour les pays en dveloppe-
ment qui les cultiveraient. Si les prix levs
qu'ils entranent sont dfavorables aux
consommateurs, reconnat-on la Commission
europenne, ils sont en revanche tout bnfice
pour les producteurs. "La hausse des prix ali-
mentaires ne doit pas tre systmatiquement
considre sous un angle ngatif", a rappel
Louis Michel, Commissaire europen au
Dveloppement, poursuivant : "Elle est aussi
porteuse d'opportunits pour les pays en dve-
loppement qui ont le potential d'exporter des
denres alimentaires." Les biocarburants
deviendraient alors une nouvelle culture de
rente, au mme titre que le coton ou le caf.
Avec le risque que les Etats se dtournent,
comme dans le pass, d'une culture vivrire,
diversifie. En attendant, plusieurs companies
prives ont d'ores et dj acquis des terres en
Afrique pour y produire des biocarburants,
principalement partir de jatropha. C'est le cas
notamment au Mozambique, en Ethiopie ou en
Tanzanie. Se pose nouveau la question du
foncier : dans certain cas, les companies ont
acquis les terres pour 99 ans ; difficile pour
l'Etat central de les rcuprer s'il veut augmen-
ter sa production alimentaire.
> Que faire des OGm ?
Les organismes gntiquement modifis
(OGM), soutiennent leurs dfenseurs, permet-
tront de produire des aliments dans des terres
marginales, en particulier les sols arides, mais
aussi des products enrichis en vitamin, sans
computer qu'ils ncessitent moins de pesti-
cides. Autant d'arguments qui ont convaincu
plusieurs pays en dveloppement, mme si des
sceptiques dans ces mmes pays s'interrogent
sur la porte de ces qualits. Une chose semble
certain : les OGM ne peuvent se dvelopper
que dans une conomie agricole dj structu-
re, o les agriculteurs disposent de suffisam-
ment de fonds pour se payer des semences
chres (et brevetes) ; ce qui explique leur
chec notamment auprs des producteurs
indiens de coton, retrouvs souvent ruins. Ce
qui explique sans doute aussi pourquoi
l'Alliance pour une revolution verte en
Afrique (AGRA), finance par deux fonda-
tions amricaines -celle de Bill Gates et la
Rockefeller -et prside par l'ancien
Secrtaire gnral des l'ONU, Kofi Annan, a
dclar, dans un premier temps, ne pas vouloir
diffuser les OGM en Afrique. Dans un premier
temps, car l'Alliance verte entend bien y
recourir le moment venu.
Mais les OGM sont dj bien implants dans
certain pays d'Afrique. Aprs l'Afrique du
Sud, c'est le Burkina Faso qui, ds 2003, lan-
ait des cultures exprimentales de coton trans-
gnique, en collaboration troite avec la fire
amricaine Monsanto. En 2006, sept autres
pays africains producteurs de coton (Bnin,
Mali, Tchad, Cameroun, Cte d'Ivoire, Ghana
et Togo), pauls par la Banque mondiale, se
sont engags crer un Centre regional de bio-
technologie, convenant "qu'en plus des
engrais, il y a lieu d'intgrer la question des
semences et le passage aux OGM". L encore,
il s'agit de soutenir une culture de rente, par
ailleurs en piteux tat face aux producteurs
subventionns d'Europe (du moins jusqu'en
2000), des Etats-Unis et de la Chine.
Mais beaucoup d'analystes s'accordent pour
dire que la crise alimentaire est d'abord poli-
tique et social et que c'est la capacity de met-
tre en place qui permettra de rsoudre le pro-
blme. Et certain craignent les fuites en avant
technologiques qui dtourneraient du pro-
blme de la rpartition de la production et de
la capacity du pouvoir d'achat. C'est l'avis
mme du patron de la FAO, le Sngalais
Jacques Diouf qui, du moins en 2006, dcla-
rait que les OGM en Afrique "ne sont pas une
priority" pour atteindre les Objectifs du
Millnaire sur le dveloppement. M.M.B. M
mots-cls
Marie-Martine Buckens ; Rgime foncier ;
Afrique du Sud ; terres tribales ; conflict
Blancs/Noirs ; biocarburants ; OGM.
N. 6 N.S. JUIN JUILLET 2008
Adopt au Sommet de Maputo a l'occasion de la deuxime
assemble ordinaire de l'Union africaine en juillet 2003, le
Programme dtaill pour le dveloppement de l'agriculture
africaine (PDDAA) reprsente le programme le plus about
des pays africains pour rpondre au dfi de la crise alimentaire. A
Maputo, les dirigeants africains se sont engags porter le soutien bud-
gtaire au secteur agricole hauteur de 10% des budgets nationaux.
Conformment aux Objectifs du Millnaire (ODM) qui visent rduire
de moiti la pauvret et la faim d'ici 2015, le PDDAA ambitionne 6%
de croissance annuelle dans le secteur agricole. Pour ce faire, il identi-
fie quatre domaines majeurs pour les investissements : terre et gestion
de l'eau, infrastructure rurale et capacits d'accs aux marchs, nourri-
ture et reduction de la faim, recherche agricole et vulgarisation.
> La ruolution uerte selon HGRH
Mais le PDDAA n'est pas la seule rponse africaine. Parmi les multi-
ples rponses avances, il y a la fameuse nouvelle revolutionn verte'
soutenue par deux foundations amricaines -Rockefeller et Gates -et
prside par l'ancien Secrtaire des Nations Unies, Kofi Annan. Cette
Alliance pour une revolution verte en Afrique (AGRA) a sign lors du
Sommet de la FAO en juin dernier un protocole avec la FAO, le Fonds
international pour le dveloppement agricole (FIDA) et le Programme
alimentaire mondial (PAM) pour "l'optimisation de la production dans
les zones des 'greniers bl' de l'Afrique".
Ce nouveau partenariat "vise maintenant faire la difference en optimi-
sant la production alimentaire dans les zones aux conditions relative-
ment favorables en terme de prcipitations, sols, infrastructures, et mar-
chs", explique un communique de la FAO. Une initiative qui, selon
son president fait parties de la vision stratgique d'AGRA pour "tablir
des partenariats qui unissent les forces et les resources des secteurs
public et priv, de la socit civil, des organizations paysannes, des
donateurs, des scientifiques et des entrepreneurs d'un bout l'autre de
la chane de valeur agricole".
En outre, prcise-t-il, "il fera progresser l'objectif du PDDAA du
NEPAD".
COURRIER
Crise alimentaire Dossier
> La collaboration europeenne dfinissent une politique agricole pour le pays. Le Ghana l'a faith "
En ralit, le document de la Commission propose une action la fois
court et long terme. S'agissant du long terme, il fait la part belle au
"Nous croyons trs fort l'approche du programme PDDAA du soutien de la recherche et dveloppement, tout en prvoyant des actions
NEPAD", indique Marc Debois, chef de secteur la DG pour la gestion des resources naturelles. Mais le court term rest pr-
Dveloppement de la Commission europenne, poursuivant : "D'abord gnant. Des mcanismes de gestion de risque sont prvus, de mme
pour ce qu'elle promeut, ensuite parce que, politiquement, elle nous qu'un programme d'alerte avance, en collaboration avec la FAO, qui
permit de resserrer nos liens avec l'Union africaine." Pour l'heure, la dispose dj d'un systme de rcolte d'informations, prvoyant des
Commission europenne planche pour savoir ce qu'elle va mettre dans outils permettant d'aider les gouvernements locaux confronts une
le "partenariat" qu'elle propose dans sa communication "Promouvoir cruise d'utiliser les informations recueillies. M.M.B. M
l'agriculture africaine" (Advancing African Agriculture), labore en
2007 et entrine par le Conseil des ministries de l'UE. "L'ide", pour- [IotS-CleS
suit M. Debois, "est de crer des tables rondes nationals o tous les Marie-Martine Buckens ; AGRA (alliance pour une revolution verte);
acteurs reprsentants politiques, industries, paysans, ONG, etc. Kofi Annan; riz.
S* .. Table ronden O sur*les.bioe ...4 u.
Ce fre nce de haut niveau sur I, ._- ,,i *
les dfis du changem-i ,ii - ,- *
Organisation des Nations Unies ~
...(FAO), R.....,, ,,
*
.I L1t)J.T]_L EIT" )) 19
E relatlue
Une agriculture de subsistence couple des resources halieutiques encore avres
permet pour l'heure aux les du Pacifique de ne pas subir de plein fouet la hausse des
prix des denres alimentaires. Avec des bmols important, comme l'incertitude sur la
valeur marchande de cultures d'exportation notamment le sucre fidjien, ou les effects
dvastateurs des cyclones.
L es les du Pacifique, comme le rappellent tous les experts, souf-
frent essentiellement de trois maux : isolement, exigut et fr-
quence des catastrophes naturelles. Trois maux qui psent lour-
dement sur la scurit alimentaire des les, singulirement les
plh, petite comme Tnnra Nine nii Vanniitii
>Dpendance
!'1 1 i, ll I' I di ih' 116 Ii ,, , .Ic
.i i
resources naturelles limites, et donc de dpendance aux products
imports. Une dpendance qui s'est accrue ces dernires annes sous
l'effet conjugu de trois facteurs. Tout d'abord, l'attrait pour les den-
res importes, conditionnes et souvent bon march. Paralllement,
des politiques gouvernementales "inconsistantes", selon K.L. Sharma,
ont permis certaines denres importes de supplanter la production
locale. C'est le cas du riz fidjien, don't la production locale est passe
de 29.000 14.000 tonnes entire 1993 et 2002, "en raison principale-
ment", pursuit Sharma, "de la suppression des aides accordes par le
gouvernement sous forme de furniture de products agricoles ou de
conseils techniques, du non-renouvellement des baux de terres, de la
drgulation du march et, in fine, de la prfrence pour le riz import,
devenu en outre moins cher que le riz local". Et malgr les efforts entre-
pris depuis par les autorits locales pour revitaliser le secteur, le pays reste
importateur net d'une denre don't le prix a atteint des niveaux records au
course du premier trimestre de cette anne. Autre facteur : la devastation
des cultures par les cyclones. Les Fidjiens garden encore l'esprit l'im-
pact du cyclone Ami qui, en 2003, a dtruit fermes, infrastructures, cul-
tures de rente et vivrires. Cot estim : 66 millions de dollars.
> L'exprience samoane
Pourtant les cultures et levages traditionnels -manioc, taro, noix de
coco, fruits de l'arbre pain, porc, volaille -restent prgnantes dans
bien des les. A commencer par Fidji o la production dite de subsis-
tance -oppose la production commercial grande chelle a
mme russi infiltrer les marchs des villes, alimentant une propor-
tion non ngligeable d'une population citadine en expansion rapide. En
2002, indique K.L. Sharma, "la production de subsistence reprsentait
6% du PIB et 37% de la production agricole, forestire et halieutique".
Belle performance, et Fidji est souvent cite comme example suivre
pour d'autres les du Pacifique qui, bien que possdant une culture tra-
ditionnelle robuste, manquent d'expriences en matire de dveloppe-
ment commercial. Reste grer une inconnue de taille : l'impact des
cyclones.
"Cultivez autant d'ignames que vous le pouvez et mettez-les de ct en
provision des cyclones. Lorsqu'il n'y a ni taro, ni fruits de l'arbre
pain, ni bananes, les ignames seront votre reserve de nourriture." Tel est
le conseil donn par un agriculteur de Samoa et repris dans la fiche
technique labore par le Rseau des Nations Unies pour le dveloppe-
ment rural et la scurit alimentaire. En effet, plus l'igname est laisse
en terre, plus son rendement augmente. Cette denre ne subit donc pas
les effects des ouragans. Mais que faire aprs le passage d'un cyclone ?
Les pnuries d'eau et de nourriture peuvent durer de deux semaines
huit mois. La brochure passe en revue d'autres strategies d'adaptation
telles que privilgier les cultures rapides comme le manioc et les
patates douces. Pour le stockage, les agriculteurs ont suggr un retour
aux habitudes locales, comme celle de faire fermenter le fruit de l'arbre
pain et les bananes dans un trou creus dans le sol ('biscuit de
Samoa'). Des conseils vitaux pour une population don't les deux tiers
dependent de l'agriculture de subsistence (y compris les forts et les
pches) pour survive. M.M.B. M
mots-cls
Marie-Martine Buckens ; Fidji ; riz ; cultures traditionnelles ;
cyclones ; igname ; Taro.
A la page 20: piment rouge sch.
Fataiphotorush
N. 6 N.S. JUIN JUILLET 2008
Crise alimentaire Dossier
attractt de plus en plus marqu des populations du
Pacifique pour les crales comme le riz ou le bl se
paie cash. En tmoignent les dernires estimation de
K.L. Sharma :
Les fles Cook, Samoa et Tonga sont dpendantes 100% des
importations en crales.
La dpendance de Fidji est passe de 79 90% au cours de
la priode 1993-2002 en reason principalement du dclin
(50%) de sa production de riz.
Au cours de la mme priode, la Papouasie Nouvelle Guine
a vu sa dpendance reculer lgrement (99 97%), alors
que celle des fles Salomon est passe de 91 95%.
Toutes les fles sont 100% dpendantes des importations
pour la marine de bl.
Les fles Cook, Vanuatu, Samoa, Tonga et Fidji sont dpen-
dantes des importations de riz dans une fourchette gallant de
65 100%.
aro, talc, dalo, dago, aba, anega, arc, ma : autant de
mots diffrents qui dsignent tous une mme plante
qui, depuis des sicles, assure une nutrition de choix
aux Ocaniens. Si son nom varie d'une lie l'autre, ses tuber-
cules et ses feuilles savoureuses ont la mme valour nutritive
partout. Et quelled valour : des fibres, du calcium et du fer
dans les tubercules ; des vitamins A, C, B2 et BI dans les
feuilles. Et pourtant, ce "trsor alimentaire", comme le qua-
lifie la docte FAO dans une de ses finches techniques, est
menace.
"Sur beaucoup d'lies", explique la FAO, "le taro ne tient plus
dans la vie quotidienne la place important qu'il occupant
autrefois. Son prix est solvent lev. Les citadins qui travail-
lent toute la journe trouvent parfois qu'il est plus rapid de
faire cuire du riz que de cultivar ou d'acheter du taro et de
l'apprter. De nos jours beaucoup d'insulaires prfrent
acheter du riz de prfrence ce tubercle nourrissant, pour
la bonne reason qu'il cuit plus vite". Le riz est certes riche en
protines et calories, mais il ne tient pas la comparison avec
le taro en matire de sels minraux et de vitamins. La FAO
confirmed : "Les lgumes imports grand frais d'Europe ne
peuvent souvenir la comparison avec ce savoureux tuber-
cule riche en lments nutritifs qu'on troupe facilement dans
la region." La fiche technique de la FAO ne content pas que
des donnes purement nutritives ou techniques. Elle foi-
sonne galement de recettes, dguster sur :
http://www.fao.org/WAIRdocs/x5425f/x5425fOl.htm
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> Le poids de la libralisation
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iiiit lu' ,.lip I ll,' t.lli illl lits1 po'r di-
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I u n l ii I.l. i i I i '. 'Ii" i 'i l .hl C lrb Li i; l[.
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,uiii r- l 'I 'illn dLe I.iri. lt dLill- .'l.' it. l .1
..cl, Ill .1IOtle D P. M
Les caprices de la mto
Le manque de main-d'Suvre qualified et
hautement qualified
La faiblesse des marches et la mdiocrit
des infrastructures de transport
Le manque de capitaux et d'assurances
pour les enterprises haut risque
La faiblesse des liens entre agriculture et
d'autres secteurs de l'conomie
Le cot lev des entrants agricoles et de
l'nergie
Le manque d'instissevements dans la
Recherche et le Dveloppement
Le manque de liens entre les producers
locaux et le secteur de l'agroalimentaire
La petite taille des exploitation
Uabsence d'une industries de transformation
Le manque de valorisation de la production
primaire
!'' Ja(
AI'Jr
ki~r& i...
La consideration de la SLornie
pour l'Rccord de CotOnOU
Pour un Etat membre de l'Union europenne (UE) qui a assum la prsidence tour-
nante de I'UE, il n'est pas facile d'valuer la contribution qu'il a lui-mme apporte
aux relations avec les nations d'Afrique, des Carabes et du Pacifique (ACP) pendant
ses six mois de prsidence. Pour cet Etat membre comme pour les autres, la machine
continue turner. Au moment o la Slovnie, aux commander de la prsidence
depuis le 1er janvier 2008, passe le flambeau la France don't le tour va du 1er juil-
let au 31 dcembre regardons comment l'un des plus petits et plus rcents Etats
membres de I'UE, sans tradition national en matire de politique de dveloppement,
a employ son savoir-faire pour laisser son empreinte.
La petite quipe slovne d'experts en dveloppement a eu fort
faire pour veiller ce que tout reste bien sur les rails, dclare
UroS Mahkovec, conseiller ACP de la representation de la
Slovnie auprs de l'UE. Elle a notamment d faire progresser
les ngociations menes pour transformer d'ici la fin de l'anne les
Accords de partenariat conomique (APE) initialement "intrimaires"
les accords de libre-change entire le group ACP et l'UE -en accords
part entire. Elle a galement eu pour tche, avec les partenaires du
CARIFORUM*, d'aplanir les dernires difficults prsentes dans les
textes juridiques pour permettre la signature de leur APE regional part
entire prvue fin juillet 2008 la Barbade. Pas moins de 42 Etats ACP
-surtout des pays les moins avancs (PMA) -doivent encore signer un
APE sous l'une ou l'autre forme.
Parmi ses priorits, la prsidence devait galement assurer, d'une part,
le suivi du sommet Afrique-UE de Lisbonne et, d'autre part, relancer la
dynamique en faveur de la ralisation des Objectifs du Millnaire pour
le dveloppement (OMD), des sujets inscrits l'ordre du jour du som-
met de l'UE de juin 2008. Le Secrtaire d'Etat aux Affaires trangres
de la Slovnie est dsormais un visage familiar pour certain. Il a en
effet particip des runions de la troka UE (prsidences ancienne,
actuelle et future) avec respectivement des ministres du Nigria, du Cap
Vert et de lAfrique du Sud.
Le soutien accord par les deux prsidences prcdentes, savoir
l'Allemagne et le Portugal, s'est avr extrmement prcieux pour la
Slovnie, souligne Uros Mahkovec. Ce "trio" de pays a labor une
stratgie de dveloppement conjointe dploye sur 18 mois, de janvier
2007 juin 2008. L'apport spcifique de la Slovnie a consist
convaincre les Etats membres de l'UE d'accorder davantage d'attention
l'impact des conflicts arms sur les femmes et les enfants dans les pays
en dveloppement. Deux organizations non gouvernementales (ONG)
"Tout le monde sait que nous
n'avons pas un norme agenda
national grer."
slovnes, savoir Together, le Centre regional pour le bien-tre psycho-
social des enfants, spcialis en assistance psychologique, et
l'International Trust Fund (ITF), actif dans des projects de dminage,
jouissent d'ores et dj d'une reconnaissance mondiale grce leur
savoir-faire acquis dans la region proche que forment les Balkans.
Uros Mahkovec estime que pour un Etat membre de l'UE, la petite
taille est synonyme de flexibility : "Tout le monde sait que nous n'avons
pas un norme agenda national grer." Il souligne les progrs accom-
plis pour faire progresser les Accords de partenariat conomique (APE).
La Slovnie a organis une runion de 30 ministres ACP "cls" dans sa
capital, Ljubljana, pour discuter des APE. Tout en respectant les
nteration UE-
craitesde erts ficals d Niria pa FLE e favur es atins'
I*~d *I Il .* a Ilvie i'lvr i i 0,82 m. iions
Ce "docssmet vs 'ur ,ue.ros .o m *ou n pe:it eas
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voqu~ ~ ~ ~ aruinmnsilecnone Cc est a ilusue:rognsto
U AdisAbb le 12 et 13 jino intirn de l'dini staio lve qui I n*i-
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tiue gC-U td ancsipu e eu rn anmrm ndc 06
1i La Rnjion; ACP I I
"Il n'y a pas 36 conceptions du principle de separation de l'Etat, de la prsomption
d'innocence ou de la libert d'expression !" Louis Michel, le Commissaire europen au
Dveloppement, a donn le ton des dbats de la 15e Assemble parlementaire pari-
taire UE-ACP du 17 au 20 mars Ljubljana.
nance, la dmocratie et les droits
de l'homme, avec pour toile de
fonds les crises du Tchad, du
Kenya et les ngociations des Accords de par-
tenariats conomiques (APE), ont dclench
des discussions enflammes entire parlemen-
taires d'Europe et des pays ACP (Afrique,
Carabes, Pacifique).
Signe positif, l'Assemble parlementaire pari-
taire (APP) a russi s'accorder sur le dossier
chaud du Kenya, saluant la sortie de cruise rus-
sie et la mediation de Kofi Annan. Les parle-
mentaires venus des quatre continents ont
demand Nairobi que les infractions la loi
lectorale fassent "l'objet d'une enqute
impartiale et rigoureuse" mais se sont flicits
de l'accord politique trouv au plus haut niveau
de l'Etat dans une resolution d'urgence. La
mediation de Kofi Annan est "la preuve que les
Africains ont la capacity de rsoudre les crises
eux-mmes", s'est rjoui Peya Mushelenga,
parlementaire namibien.
En revanche, sur le Tchad, l'chec fut au ren-
dez-vous. La parties ACP, arguant de l'absence
de tout reprsentant tchadien dans la salle, a
finalement refus de voter un texte de compro-
mis qui dnonait la repression mene par le
president Idriss Dby contre l'opposition non
arme. Une opposition amrement dnonce
par nombre de leurs collgues europens qui y
ont vu une tentative d'obstruction de
N'Djamena et une preuve de la frilosit de cer-
tains parlementaires ACP lorsque les questions
des droits de l'homme et de la gouverance sont
mises sur le tapis. Pour le dput allemand
Jtrgen Schrder, "il est dcevant qu'ils aient
rejet un texte aussi quilibr", longuement
ngoci, qui condamnait les attaques des
rebelles arms contre le president Dby tout
come les agissements de long franaise de
l'Arche de Zo. "La stability durable du pays
passe par une ouverture politique toutes ses
composantes internes", a prvenu Louis Michel.
Avec sa passion habituelle, il a rappel que le
dveloppement des pays ACP exigeait prcis-
ment le enforcement de la bonne gouver-
nance. Et de souligner que l'affermissement
des Etats tait un objectif-cl de la politique de
la Commission. "Renforcer les institutions
publiques est la priority de notre action", a
expliqu le Commissaire en pregnant pour
preuve l'importante augmentation de la part de
l'aide budgtaire directed dans le 10e Fonds
N. 6 N.S. JUIN JUILLET 2008
Interactions UE-ACP
europen de dveloppement prvu pour la
priode 2008-2013. Dsormais 47% de l'enve-
loppe ira directement aux budgets des pays
ACP afin qu'ils amliorent leurs services
publics dans des secteurs-cls come l'duca-
tion ou la sant. Une nouvelle approche qui
implique aussi une plus grande responsabilit
des gouvernements en matire de droits de
l'homme et de dmocratie et un vritable dia-
logue politique avec l'UE.
L'insistance sur le rle de l'Etat visit gale-
ment rassurer des parlementaires chauds
par les ngociations des Accords de partenariat
conomique (APE). Aprs la passion qu'avait
dclench ce dossier sensible lors de la prc-
dente session Kigali au Rwanda en novem-
bre 2007, la pression est redescendue d'un
cran Ljubljana sans pour autant effacer les
inquitudes. "Le conflict et la controversy ont
embourb l'ensemble du processus des APE",
a rappel Glenys Kinnock co-prsidente de
l'APP durant la sance d'ouverture. Son col-
lgue du ct ACP, Wilkie Rasmussen, des Iles
Cook, n'a pas manqu de pointer du doigt les
consequences des subventions agricoles euro-
pennes sur les conomies des pays pauvres et
d'gratigner la stratgie de ngociation de la
Commission.
Le commissaire lui s'est tourn dlibrment
vers l'avenir pour convaincre les pays afri-
cains et du Pacifique de ngocier des APE
complete l'image de celui conclu par la
region Carabes. Au lendemain de la signature
d'accords dits "intrimaires" la fin 2007 afin
de se plier aux exigences de l'OMC, l'Union
europenne (UE) appelle les pays ACP trans-
former l'essai en ratifiant les accords intri-
maires et en concluant des APE. Et de rassurer
sur les consequences sociales et le caractre
progressif de l'ouverture commercial. "Je ne
suis pas un grand prtre de la libralisation
sauvage", a tonn Louis Michel qui a raf-
firm l'engagement de l'UE accompagner
financirement les pays tout au long de leur
ouverture progressive au march mondial. Il a
bnfici de l'appui du Conseil conomique et
social europen (CESE) qui a salu le chapitre
social de l'APE conclu avec la region Carabes
et invit les Etats africains suivre cette voie.
Nanmoins, l'accs au march est une condi-
tion "ncessaire, mais pas suffisante du dve-
loppement", a prcis Grard Dantin, repr-
sentant du CESE.
Pour permettre aux conomies ACP de renfor-
cer progressivement leur comptitivit avant
de longer dans le "grand bain" de la compti-
tion global, la Commission mise sur l'int-
gration rgionale. Louis Michel prpare une
communication sur le sujet pour septembre et
a invit les parlementaires ACP exprimer
leurs vues dans le cadre de la consultation
publique en course. Les APE prvoient une
libralisation de 80% du commerce des biens
des pays ACP sur une priode de transition de
15 annes.
Les dbats de Ljubljana ont dmontr que le
sujet tait loin d'tre clos. "De nombreuses
questions restent sans rponse", a rappel Ali
Farah Assoweh, Ministre des Finances de
Djibouti et Prsident en exercise du Conseil
des pays ACP. Et d'dicter une srie de condi-
tions la signature d'un APE, don't la protec-
tion des secteurs les plus sensibles de l'cono-
mie des ACP et un financement complmen-
taire pour accompagner le processus de libra-
lisation du commerce. La route vers des APE
complete sera encore "longue et douloureuse",
a-t-il conclu.
L'Assemble, qui plantait pour la premiere fois
son chapiteau dans un des "nouveaux" Etats
membres ayant rejoint l'UE en 2004, changera
d'horizon pour sa prochaine session mais sans
doute pas de thmatiques. Gouverance, dve-
loppement ou commerce, les parlementaires,
les ONG come les commissaires ont encore
beaucoup dire afin de prouver que les rela-
tions UE-ACP sont aussi "une union entire les
peuples" suivant le mot d'Hans-Gert Pttering,
le President du Parlement europen. Rendez-
vous est donc dj pris Port Moresby en
Papouasie Nouvelle Guine, du 22 au 28
novembre 2008. M
* Journaliste bas Bruxelles.
mots-cls
Assemble parlementaire paritaire
(APP) ; ACP; APE ; Tchad ; Slovnie.
ACP Interactions
Etudier les aspects positifs
S1 est de notre devoir de souligner les lments positifs des
migrations et d'liminer les prjugs dans ce domaine", a
dclar Sir John Kaputin, Secrtaire gnral du Groupe
ACP. La Rsolution de Bruxelles des Ministres ACP sur
la migration et le dveloppement, adopte lors de la runion, sera pr-
sente lors du prochain Forum mondial sur la migration et le dvelop-
pement Manille, aux Philippines, en octobre 2008. Ce document
demand une tude plus approfondie des causes de la migration
notamment le lien avec le changement climatique -et l'arrt immdiat
du dversement de dchets toxiques dans les eaux des pays ACP, une
pratique l'origine de movements migratoires. La resolution recom-
mande galement aux gouvernements des pays ACP d'amliorer la ges-
tion de l'asile, des migrations et de la mobilit. Dans leur resolution, les
Ministres demandent au Secrtariat ACP de commissioner d'ici 2009
une tude sur les meilleures pratiques visant promouvoir l'intgration
des migrants dans les pays d'accueil. La resolution demand aussi
d'identifier des solutions innovantes sur les migrations illgales pour
enrayer la 'fuite des cerveaux' et autres travailleurs qualifis originaires
des pays ACP. Les ministres ACP estiment qu'il faut encourager la
migration "circulaire", en d'autres terms, faciliter la fois l'intgra-
tion professionnelle des travailleurs originaires des pays ACP et leur
retour dans leur pays d'origine. La resolution prcise aussi que les gou-
vernements devraient s'attaquer au problme des travailleurs immigrs
sans papers et que les pays ACP devraient de leur ct ratifier des
cadres juridiques pour lutter contre la traite des tres humans.
Interroge par des journalists propos des rcents pisodes de violence
contre les immigrs zimbabwens en Afrique du Sud, la snatrice Elma
Campbell, Ministre d'Etat l'immigration des Bahamas et prsidente de
la runion Bruxelles, a dclar : "Nous encourageons vivement les
pays ACP appliquer les lois permettant de lutter contre le racism et la
xnophobie et amliorer la sensibilisation ce phnomne."
> Obseruatoire RCP des migrations
Aya Kasasa, expert en charge des dossiers culture et migration au
Secrtariat ACP Bruxelles, a dclar la press qu'une "Facilit ACP
pour la migration" est en course de creation, finance hauteur de 25
millions d'euros au titre du 9e Fonds europen de dveloppement
(FED) par l'UE. Un appel d'offres a t lanc par le Secrtariat ACP
en vue de la selection du consortium qui assurera la mise en euvre d'un
Observatoire central des migrations, complt par un rseau d'observa-
toires dans six rgions ACP : l'Afrique occidentale, l'Afrique central,
l'Afrique orientale, l'Afrique mridionale, les Carabes et le Pacifique.
Cet appel constitute la premiere phase de ce project. Dans un premier
N. 6 N.S. JUIN JUILLET 2008
Interactions ACP
temps, l'accent sera mis sur les flux migra-
toires entire pays ACP, plutt que sur les mou-
vements du Sud vers le Nord. Rappelons ici
que les projects de dveloppement n'associent
pas souvent les migrants.
L'Observatoire sera compos de chercheurs
universitaires, d'acteurs de la socit civil, de
rseaux existants de migrants, voire de
migrants titre individual. Les membres de
l'Observatoire rassembleront des faits et les
conclusions des recherches effectues sur les
flux migratoires, la nature et l'ampleur des
migrations, les projects actuels destins aux
migrants, les statistiques conomiques et
sociales et l'impact des migrations sur la pau-
vret, le commerce et la sant.
L'objectif est de fournir des nouvelles informa-
tions et des tudes rcentes, ainsi que de pr-
senter de nouvelles initiatives aux dcideurs.
"Nous veillerons ne pas faire deux fois le
mme travail et tenterons plutt d'approfondir
les recherches existantes", a dclar Andrew
Bradley, Sous-secrtaire gnral du Secrtariat
ACP en charge des affaires politiques et du
dveloppement human. Sir John Kaputin a
quant lui ajout : "En tant que pays en voie de
dveloppement, les pays ACP doivent jouer un
rle actif dans la formulation du dbat sur la
migration".
Lors d'une tape ultrieure, cette nouvelle
"Facilit" tchera de renforcer la fois les
organismes ACP rgionaux et les ministres
nationaux en matire de migration dans 12
pays pilots : le Sngal, le Nigeria, la
Tanzanie, le Kenya, la Rpublique
Dmocratique du Congo, le Cameroun,
l'Angola, le Lesotho, Haiti, Trinit et Tobago,
la Papouasie Nouvelle Guine et le Timor
Leste. A un stade ultrieur, la "Facilit" s'int-
ressera un autre aspect : le rle de la socit
civil dans les discussions sur des thmes pou-
vant intresser les migrants.
Ndioro Ndiaye, Directeur gnral adjoint de
l'Organisation international pour les migra-
tions (OIM), avait t invit prendre la parole
lors de la runion ministrielle. Selon lui,
"l'aide au dveloppement de l'UE devrait tre
plus attentive et accorder plus de credit aux
efforts de la 'diaspora' des ACP dans les Etats
membres de l'UE et leur potential de multipli-
cation des aides au dveloppement par le biais
des envois d'argent dans leur pays d'origine, du
transfer de connaissances et de la transmission
de l'exprience professionnelle."
Une autre invite, Annemie Turtelboom,
Ministre belge de l'Immigration, s'est rjouie des
avances dans le dbat sur l'immigration au sein
de l'UE depuis 2006, lorsque "l'Europe envisa-
geait l'immigration d'un point de vue dfensif'.
"Ceux qui estiment pouvoir arrter ou interrom-
pre ces movements par des measures rpres-
sives font erreur." La ministry belge a par ail-
leurs prcis que la Belgique risquait d'tre tou-
che par une relle pnurie de travailleurs, qui
pourrait s'lever 360.000 personnel en 2050.
"Or, si la Belgique ferme ses frontires l'im-
migration, ce sont 984.000 travailleurs qui man-
queront la Belgique, soit 23% de la population
active", a-t-elle prcis aux ministres ACP.
Mme Turtelboom a donc plaid pour une orga-
nisation et une gestion des migrations suscepti-
bles d'tre bnfiques tous : migrants, pays
d'origine et pays d'accueil. "Voil ce que j'ap-
pellerais une situation 'gagnant-gagnant'", a-t-
elle expliqu ses homologues des pays ACP,
prcisant que cette dimension tait intgre
dans l'ide de l'UE de crer une "carte bleue"
pour les travailleurs immigrs. "L'ide d'orga-
niser l'immigration conomique offre une alter-
native l'immigration illgale, tout en s'inscri-
vant dans la lutte contre le travail non dclar",
a-t-elle ajout devant les ministres ACP.
D.P.
mots-cls
Migration ; ministres ACP; Debra Percival.
mo ent qu'on ne
rt p sdchez
pbindurer
unr urOpe
'-, il ". -"c,
l commerce
Et si le mOZBDMBIQUE
deuenait un dragon
conomique africain ?
Le 27 fvrier, lors d'une visit aux Pays-Bas, Armando Emilio Guebuza, Prsident du
Mozambique, s'est adress la communaut nerlandaise pour attirer des investis-
seurs privs. Au course de ces 10 dernires annes, les presidents successifs du
Mozambique ont rgulirement rendu hommage leurs principaux partenaires com-
merciaux, qui ont contribu faire de ce pays l'une des conomies les plus attrayantes
d'Afrique. Ces dernires annes, les exportations du Mozambique ont augment en
moyenne de 10% par an et les provisions font tat de 7% pour 2008.
epuis l'an 2000, l'conomie du "
Mozambique a enregistr une
croissance annuelle de 8% et le
pays a bnfici d'une hausse des
investissements trangers directs, surtout dans
le secteur des resources minrales, mais aussi
dans l'industrie, l'agro-industrie et les ser-
vices, tandis que la construction d'infrastric-
tures est toujours en plein boom. Dan, IL
mme temps, le pays a mis en place des i' -
tiques fiscales et montaires efficaces, qui ii
permis de ramener le taux d'inflationi .
pour 2005-2007, contre 13% en 2002-200-1 l.c
Mozambique s'efforce aussi de renforcci! cL
secteur de l'agriculture et des petites eiic-
prises. Le systme bancaire et la fiscalit .ni i
ainsi t modifis au bnfice des petits e i c-
preneurs. Maria Manuela Lucas, Ambassa.i i c
du Mozambique auprs du Benelux e- d.e
Communauts europennes, assurant le mii
d'une visit de son president aux Pays-
Bas, a insist, dans son discours
Utrecht, sur la bonne sant du secteur
financier dans les rgions rurales.
Les Pays-Bas sont un bon example
pour le Mozambique. Dans son dis-
cours Rotterdam, le Prsident
Guebuza a fait remarquer que "les
N. 6 N.S. JUIN JUILLET 2008
Commerce
exportations [du Mozambique] vers les Pays-Bas
avaient atteint 1,4 milliard de dollars en 2006, contre
6,5 millions de dollars en 2001. De mme, les impor-
tations en provenance des Pays-Bas sont passes de
9,4 millions de dollars en 2001 423 millions de dol-
lars en 2006." Avec 1 million de dollars investis au
Mozambique en 2003, la Chine se classait en 9e posi-
tion. En 2007, elle s'tait hisse la 6e place avec 60
millions de dollars d'investissements. Un montant
Eg encore bien infrieur aux 5 milliards de dollars pla-
r0 cs par le principal investisseur -les Etats-Unis.
Ces dernires annes, le Mozambique est devenu une
rC destination encore plus intressante pour les affaires.
f Il s'agit d'un des pays o l'Agence multilatrale de
garantie des investissements (MIGA) garantit les
investissements trangers depuis 1994. Le porte-
feuille de la MIGA inclut des secteurs tels que l'in-
dustrie, l'agriculture industrielle, le tourism, le
ptrole, le gaz et les infrastructures. Le secteur tou-
ristique, par example, a enregistr un total de 144
millions de dollars de recettes en 2006. La nature
Ssauvage prserve de la Rserve du Nyassa dans le
S nord du Mozambique est devenue une destination
touristique cl. Selon le gouvernement du
Mozambique, la Coupe du monde qui aura lieu en
Afrique du Sud en 2010 pourrait gnrer des recettes
considrables dans ce secteur.
Le pays s'est engag sur la voie des rformes cono-
miques, parmi lesquelles la suppression des subventions, la reduction et
la simplification des droits l'importation et la libralisation des
changes agricoles. Un vaste programme de privatization a t mis en
place dans le secteur bancaire et dans les socits industrielles
publiques. De nouveaux codes fiscaux ont t adopts afin de rduire
l'impact de l'inflation passe.
Le Mozambique dispose d'un potential permettant de dvelopper, dans
un avenir proche, des niches importantes dans plusieurs secteurs. Jusqu'
ce jour, le pays n'a exploit qu'une petite parties de ses reserves de ptrole
et de gaz et il dispose de gigantesques resources minrales. Le gouver-
nement attache beaucoup d'importance au potential de dveloppement du
secteur de l'agriculture, non seulement pour l'alimentation mais aussi
pour la production d'nergie. Selon les estimations, le pays pourrait pro-
duire environ 40 millions de litres de biodiesel et 21 millions de litres de
biothanol par an. Le gouvernement est cependant parfaitement conscient
de la ncessit de trouver un quilibre entire les cultures affectes la pro-
duction de nouveaux carburants et celles destines nourrir la population.
Notons par ailleurs que la croissance conomique ne semble pas avoir t
affecte par les inondations qui ont frapp le pays en 2007.
Et si le Mozambique devenait un dragon conomique africain ? La
rponse dpend d'une autre question. Malgr le taux de croissance
actuel, combien de temps faudra-t-il pour rduire le taux de pauvret de
la population du Mozambique, qui s'lve toujours 50% ? Ce pro-
blme semble d'ailleurs retenir toute l'attention du gouvernement du
Mozambique. H.G. M
SMaputo, publicity sur le tlphone mobile.
Umberto Marin TimeForAfrica Onlus
mots-cls
Hegel Goutier ; Mozambique ; conomie ; MIGA ; Armando Emilio
Guebuza ; Maria Manuela Lucas.
COURRIER
^Moom
r400
Une journe dans la uie de
DEREK WiLCOTT
POETE, DRAMATURGE, ARTISTE ET PRIX NOBEL
Derek Walcott fait parties de la jet-set littraire. Aujourd'hui, la foundation Herman
Servotte* I'a invit pour une lecture de pomes la Katholieke Universiteit Leuven
(Universit catholique de Louvain) en Belgique. La semaine d'aprs**, il participera au
festival littraire de Calabash, en Jamaque, o il lira un nouveau pome, "The
Mongoose" ("La mangouste"), raillant un autre auteur des Carabes, V.S. Naipaul,
originaire de Trinit et Tobago. Walcott est n Sainte-Lucie et a dcroch le prix
Nobel de littrature en 1992 pour son pome pique Omeros (1990), une adaptation
des rcits homriques de Illiade et I'Odysse au dcor des Carabes. Il est galement
l'un des universitaires les plus clbres de l'Universit de Boston.
pome l'ge de 14 ans. Les
injustices de 400 ans de colo-
nialisme dans les Carabes et
la clbration de leur mtissage cultural, asso-
cies une qute d'identit personnelle sont
les thmes centraux de son cuvre. Il a produit
quantit de pomes et plus de 20 pices de
thtre, don't Henri Christophe (1950), Ti Jean
et ses frres (1958) et Rve sur la montagne au
singe (1967). Le pome "Nord et Sud" (1981)
exprime la qute d'une identity personnelle :
"un parvenu des colonies lafin de l'empire,
un -..'. l, i.* en orbite, seul et sans foyer."
Il frquente le Collge Sainte-Marie de Castries
sur l'le de Sainte-Lucie avant d'tudier la
West Indies University Kingston, en Jamaique,
puis dans une cole de thtre new-yorkaise
(1958-1959). Au dbut de sa carrire, il est la
fois enseignant dans les Carabes, journalist
pour Public Opinion en Jamaque et chroniqueur
et critique de thtre pour le Trinidad Guardian.
Sa passion du thtre est galement prcoce.
Ag de 20 ans peine, il cre la St. Lucia Arts
Guild. En 1966, il fonde la Trinidation Theatre
Workshop (Atelier thtral de Trinidad).
> Peintre la peinture pour saisir l'essence de la beaut notre rencontre Louvain.
naturelle poustouflante de Sainte-Lucie : "J'y A Sainte-Lucie, il peut se reposer loin du cir-
Suivant les traces de son pre aquarelliste tais il y a deux jours, par une journe magni- cuit littraire et rintroduire une certain rou-
amateur, il consacre dsormais plus de temps fique... C'tait stupfiant", nous dit-il lors de tine dans sa vie : "Aprs avoir pris mon petit
N. 6 N.S. JUIN JUILLET 2008
Zoom
djeuner et avoir un peu travaill, je descends
pour une baignade matinale, puis je remote
pour le djeuner et la sieste. Je ne travaille
jamais tard le soir, mais l'aprs-midi peut par-
fois se prolonger jusque dans la soire lors de
mes rptitions de thtre." Il a justement
reproduit la griserie de la natation dans un de
ses tableaux, intitul implement Le nageur. Il
y montre un homme seul, merchant dans la
mer, tandis que les vagues arrivent et s'abattent
sur son corps. Il prfre la ralit des paysages
ou des portraits l'art abstract.
Aprs avoir anim un atelier d'criture
l'Universit de Boston pendant plusieurs
annes, il possde toujours un pied--terre
New York. Aujourd'hui, il passe cependant plus
de temps sur l'le de Sainte-Lucie et plus parti-
culirement sur son extrmit nord, le Cap, qui
offre un panorama sur la mer des Carabes d'un
ct et sur l'ocan Atlantique de l'autre.
> Riuire Dore
Il interrompt notre conversation pour suggrer
de regarder l'ancienne place de Louvain par la
fentre. La creation de l'universit remote
1425. Aussi trange que cela puisse paratre, il
ne dit pas un mot sur les maisons pignon
superbement restaures. Nous supposons qu'il
doit tre davantage inspir par les plaisirs sen-
soriels de la nature de son le et des Carabes
que par les terrasses alignes sur la place. Il
continue en voquant l'un de ses endroits prf-
rs de Sainte-Lucie, Rivire Dore, prs de
Choiseul dans le sud, une crique de pche
cache, inonde d'une lumire dore en soire.
"J'ai un nouveau recueil de pomes, qui sortira
l'an prochain. De manire gnrale, il parle de
ce qui arrive l'auteur en tant que personnel, ce
qu'il vit, ce qu'il gagne et ce qu'il perd." Sa
voix est aussi mlodieuse et entranante. En dia-
loguant avec M. Walcott, on a presque l'impres-
sion de jouer dans une pice de thtre. Il pour-
rait prononcer une perle littraire tout instant.
Revenons Sainte-Lucie. Qu'est-ce qu'elle a
de si particulier, son le natale ? "Sa topogra-
phie, les montagnes en forme de cne qui
apparaissent soudainement et la mer. C'est une
bndiction de pouvoir en profiter chaque jour
de sa vie." Walcott s'inquite toutefois claire-
ment de l'impact du tourism sur l'le et sur
l'ensemble des Carabes : "Le tourism peut
constituer une menace considerable sur une
petite le, peuple d'une race diffrente et don't
l'histoire des lieux doit tre respecte.
Actuellement, un promoter essaie de
construire une srie d'immeubles ct de ma
maison. Ils dbarquent ma porte, comme ils
dbarqueront la porte de nombreux autres."
Il ajoute : "On rige de grands hotels en nous
disant sans cesse de sourire, d'tre heureux,
d'tre poli, mais c'est dangereux et j'en parle
dans mes crits." Le tourism n'est pas un
crime, dit-il, mais il a le sentiment que les pro-
moteurs et les gouvernements devraient accor-
der plus d'importance au dveloppement de la
richesse culturelle des Carabes.
"Une solution serait de faire payer les promo-
teurs touristiques en change de ce qu'ils font
sur notre le. Faire construire un thtre ou un
muse et accorder quelques bourses d'tude, par
example. Mais ils ont peur de taxer le secteur
touristique, et si l'on ne s'y rsout pas, notre
croissance conomique ne sera qu'phmre."
> "ma plage"
Il pursuit : "J'avais l'habitude de descendre sur
'ma plage' (Rodney Bay). Vous savez que tous
les habitants des Carabes ont leur propre plage.
Et bien, on a construit un htel sur 'la mienne'.
Je me sens vinc par cet htel, ce qui est un
sentiment stupid, puisque je peux nager n'im-
porte o ailleurs, mais j'avais simplement le
sentiment que cette plage m'appartenait. Je ne
pense pas qu'un htel soit suffisant pour com-
penser ce que j'ai perdu. Il s'agit d'une sorte de
mtaphore pour l'ensemble des Carabes. Un
pays ne peut pas se contenter d'une grange en
guise de thtre et je suis trs du par le
conformisme des gouvernements caribens."
Nous revenons ses projects immdiats
"Actuellement, je travaille sur des scnarios de
cinma. Je vais raliser quelques films -j'es-
pre." Le scenario du premier est bas sur Ti-
Jean, l'autre tant une pice familiale situe
Port-of-Spain Trinit et Tobago. "Ti-Jean est
une fable sur un garon et ses deux frres, qui a
pour cadre la Soufrire sur l'le de Sainte-Lucie.
Le premier frre a une grande force physique.
L'autre se prend pour un intellectual, un gros
avocat qui remet tout en question. La morale
tant qu'il faut se mfier du diable", explique
Walcott.
En automne, il sera Londres pour mettre en
scne la pice The Burial of Thebes
(L'enterrement Thbes), du pote irlandais
Seamus Heaney, au Globe Theatre. Il apprcie
clairement la compagnie et le contact avec d'au-
tres artistes qu'il trouve au thtre.
Le lendemain soir, nous nous retrouvons Passa
Porta, un lieu littraire du centre de Bruxelles.
Aprs une lecture d'Omeros, il rpond aux ques-
tions d'un public bien inform sur l'identit cari-
benne, l'utilisation du crole dans la littra-
ture... Il savoure manifestement la vnration
pour son uvre. A un moment, il affiche cepen-
dant le regard vulnerable de l'auteur confirm
oblig d'assister la dissection impitoyable de
son uvre. Il attend probablement avec impa-
tience la routine des baignades matinales la
source de son inspiration, Sainte-Lucie.
D.P.
* La foundation Herman Servotte a t cre en 2004 pour
. ......... I i.1 ,., .1. ... littrature anglaise
Herman Servotte et promouvoir les tudes de littrature
anglaise.
** Lajournaliste a rencontr le pote Louvain-laNeuve le 15
mai 2008.
Sites web :
www.fondshermanservotte.be
www.passaporta.be
La Soufrire, Ste Lucie. Paysage pour Ti-Jean 2006.
Mark Percival
mots-cls
Debra Percival ; Derek Walcott ; Sainte-
Lucie ; Carabes ; Prix Nobel ; littrature.
COURRIER
1 e la terre
Dploiement de
SfTELLITES pour
lutter contre la pauuret
Le lien entire la technologies satellitaire et la lutte contre la pauvret n'est pas des plus
manifestes. Le Centre commun de recherche (CCR) de la Commission europenne ana-
lyse pourtant cette fin des images en trs haute resolution. Une initiative laquelle
le Sommet des chefs d'Etats africains et europens de dcembre 2007 a contribu
donner un nouvel lan politique.
faune et de la flore, l'extension des
terres agricoles et les incendies ne sont
que quelques-uns des phnomnes qui
peuvent tre contrls au moyen des images en
haute definition prises par les satellites navigant
850 kilomtres d'altitude. Un suivi qui permit
son tour d'amliorer la gestion des forts et de
prvenir les conflicts -deux volets de la lutte
contre la pauvret. C'est ce qu'explique Alan
Belward, chef de l'unit de surveillance global
de l'environnement au Centre commun de
recherche (CCR) de la Commission europenne
(CE). L'quipe du CCR, tablie Ispra, en
Italie, tente de dterminer "dans quelle measure
l'utilisation optimale des satellites peut soutenir
le dveloppement".
La recherche et les statistiques rassembles
par l'quipe compose de 8 9 scientifiques,
don't un stagiaire africain, contribuent com-
bler un manque d'informations dans ce
domaine tout en aidant les bailleurs de fonds et
les gouvernements planifier et prendre les
decisions qui s'imposent.
Actuellement focalises sur l'Afrique, ces
activits pourraient parfaitement tre appli-
ques aux Carabes et au Pacifique, a ajout
Alan Belward.
La technologies satellitaire ne date pas d'hier.
Le premier satellite global a t lanc en 1957
et le premier satellite d'observation en 1972.
Ce n'est que durant les 10 dernires annes,
toutefois, que les satellites ont t utiliss pour
les provisions agricoles et en tant qu'outil de
"dveloppement". Les accords conclus par le
CCR en ce qui concern l'utilisation de cette
technologies englobent notamment l'accord
avec l'Organisation europenne pour l'exploi-
station de satellites mtorologiques (EUMES-
TAT), qui recueille des statistiques mtorolo-
giques et suit l'volution du climate.
D'une manire gnrale, l'imagerie satellitaire
peut tre utilise dans quatre domaines de la
politique de dveloppement : la protection des
resources naturelles ; l'aide humanitaire et le
soutien au dveloppement ; les initiatives de
reduction des catastrophes naturelles et l'esti-
mation prcoce des rendements agricoles et les
alertes en cas de mauvaise rcolte.
Alan Belward nous a montr des images haute
resolution prises au-dessus du lac Tchad en
1963 pour que nous puissions les compare
un clich plus recent. L'observation rvle que
la superficie du lac a considrablement dimi-
nu. La dgradation des terres, la dforestation
et la perte de la biodiversit peuvent tre
contrles de la mme manire.
N. 6 N.S. JUIN JUILLET 2008
De la terre
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> Qui ne s'acquitte pas de
l'impt ?
Les clichs de routes dans les rgions fores-
tires permettent quant eux de reprer les
activits de dboisement et fournissent de
cette manire aux autorits des informations
sur les activits de dboisement illicites et sur
les personnel qui devraient ainsi tre taxes.
M. Belward insisted sur le fait que les pays afri-
cains doivent s'approprier ces donnes statis-
tiques. Celles-ci peuvent tre communiques
divers organismes, parmi lesquels l'observa-
toire africain des forts (FORAF), qui vient
d'ouvrir de nouveaux bureaux Kinshasa dans
le cadre du partenariat pour les forts du bas-
sin du Congo et qui doit mettre en place un
systme de surveillance des activits de dboi-
sement dans l'ensemble du bassin.
Les images analyses par le CCR montrent
que depuis les annes 1970, 50.000 km2 de
vgtation naturelle en Afrique ont t rempla-
cs par des cultures -soit une superficie qui-
valant une fois et demie la Belgique, mme
si cette progression ne reprsente qu'un cin-
quime seulement du taux de progression en
Asie du Sud et la moiti de celui enregistr en
Amazonie. M. Belward ajoute que le rythme
actuel de dforestation dans des pays du bassin
du Congo -Cameroun, Gabon, Burundi,
Rpublique du Congo -est de 0,17%, un pour-
centage peu lev qui peut tre attribu
l'amlioration de la gestion forestire.
Une autre image du parc "W" qui s'tend sur
trois pays -le Bnin, le Burkina Faso et le
Niger -rvle l'existence d'activits agricoles
dans le primtre du parc. Les images obte-
nues l'infrarouge permettent de dceler les
incendies. Les textos et les messages lectro-
niques peuvent tre envoys immdiatement
aux gardes forestiers qui se chargent de les
teindre. Pour Alan Belward, la mise au point
de systmes d'alerte automatique pourrait
reprsenter un advantage considerable pour ces
rgions, par example dans le domaine de la
gestion forestire.
Les menaces pesant sur la biodiversit peuvent
aussi tre enregistres grce la technologies
gospatiale. Le CCR surveille la perte de la
biodiversit dans 741 rgions protges
d'Afrique, un continent qui abrite 280 espces
de mammifres, 381 espces d'oiseaux et 930
espces d'amphibiens. Les informations
actualises tous les 10 jours sont assembles
par l'Union international pour la conserva-
tion de la nature et de ses resources (UICN).
Un site web a t ralis et diffuse tous les
rsultats au grand public.
Outre la conservation, les satellites peuvent
aussi se rvler utiles dans le domaine de
l'aide humanitaire. L'imagerie trs haute
resolution permet de surveiller les camps de
rfugis dans les rgions en situation de cruise,
le Darfour par example. Cela peut permettre
d'estimer le nombre de personnel hberges
dans un camp et devant tre secourues. Le
CCR coopre galement avec la Banque mon-
diale et d'autres institutions en vue de mettre
au point une mthodologie approprie pour
observer et ventuellement se prparer aux
catastrophes naturelles, les tremblements de
terre par example, l'objectif tant de limiter au
mieux les dgts occasionns.
Les rcoltes sont aussi places sous surveil-
lance et des modles agro-mtorologiques
ont t mis en place dans plus 30 pays vuln-
rables aux crises et aux pnuries alimentaires.
En raison de la frquence des pnuries alimen-
taires et en l'absence de suivi l'chelon
regional, la Corne de l'Afrique est tout parti-
culirement place sous observation. Les rap-
ports mensuels sur l'tat des cultures, les ren-
dements, les perspectives et les ventuelles
pnuries alimentaires sont publis entire avril
et octobre et les informations sont communi-
ques aux bureaux de l'UE et aux partenaires
des Nations Unies. D.P. M
En haut: Images satellite montrant l'abandon de l'agri-
culture en Angola. gauche : image prise dans les 1970.
Notez la tache vert fonc au centre. Dans les annes
2000, elle a disparu. C JRcispra
gauche : images du Lac Tchad aujourd'hui (en haut) et
en 1963 (en bas), tendue d'eau plus important.
SJRC Ispra
mots-cls
CCR ; Afrique ; forts ; conservation ;
Debra Percival.
COURRIER
GHANA
Dossier de Francis Kokutse,
Debra Percival, Hegel Goutier
Le Ghana est l'honneur dans ce numero. Accra, la
capital de ce pays considre comme un modle afri-
cain, accueillera le 6e Sommet des 79 membres du
Groupe ACP (Afrique, Caraibes et Pacifique) du 30 sep-
tembre au 3 octobre de cette annee. Parmi les atouts
largement reconnus du Ghana, retenons notamment sa
democratic multipartite durable, sa croissance econo-
mique regulire, l'augmentation du taux d'instruction
de sa population et son secteur priv trs actif. Dans
tous les secteurs, des Ghaneens trs comptents -
citons notamment Kofi Annan, ancient Secrtaire gn-
ral des Nations Unies se sont fait connaitre sur la scne
international. Le pays connait une vaste diaspora, tant
sur le continent africain qu'au-del, qui continue d'en-
voyer des fonds au pays, au bnfice de son developpe-
ment economique. Enfin, ses forces de maintien de la
paix sont trs sollicites, tant pour les missions regio-
nales que celles organises dans le cadre des operations
des Nations Unies.
Alors que l'actuel president John Agyekum Kufuor doit
achever son 2e mandate en decembre 2008, date
laquelle des lections presidentielles et parlementaires
seront organises, nous retraons l'histoire du pays et
nous nous penchons sur son avenir politique. Nous
examinerons galement si le Ghana pourra continue
de benficier de la bonne sante de ses exportations
malgre la flambee de deux products imports massive-
ment le ptrole et les degrees alimentaires. Enfin,
nous vous expliquerons comment l'Union europeenne
(UE) aide financirement le Ghana realiser ses
Objectifs du Millenaire pour le dveloppement
(OMD).
eportage Ghana
HISTOIRE DU GHANA
loin du Ghana ancien
e symbol est trs fort. En 1957, alors
que la Cte d'Or tait le premier pays
africain prtendre l'indpendance
de la puissance colonial, ses diri-
geants sortaient des oubliettes de l'histoire son
nom prestigieux de Ghana. Comme le Ghana
ancien, la nation moderne tirait sa richesse de
l'or. En ralit, il n'existe gure de liens entire
le Ghana actuel et le Ghana du pass, qui
recouvrait une parties du nord du Sngal
actuel et du sud de la Mauritanie d'au-
jourd'hui. Le Ghana, tel que nous le connais-
sons, est situ prs de 600 kilomtres au sud-
est. Son emplacement est donc different, mais
il n'existe de surcrot que trs peu de liens eth-
niques entire la population du Ghana moderne
et celle du Ghana ancien.
C'est probablement vers la fin du 1er
Millnaire de notre re que Dinga Cisse runit
plusieurs clans du people sonink pour crer la
nation du Ghana. En ralit, le pays s'appelait
le Royaume sonink, Ghana tant le titre du
roi. Certains auteurs arabes ont cependant
retenu ce nom pour designer l'Etat.
Le Ghana ancien tait riche en mines d'or,
selon les descriptions de plusieurs auteurs
arabes, tels que Al-Hamdani. Il tirait aussi des
richesses du commerce du sel, du cuivre et,
dans une moindre measure, des esclaves. Sa
capital, Kumbi Saleh, tirait profit de sa situa-
tion au bout des pistes sahariennes empruntes
par les marchands du Maghreb. Ces liens com-
merciaux ont introduit l'Islam dans le pays.
Les musulmans installs Kumbi Saleh rest-
rent d'abord loin du palais royal, mais certain
d'entre eux, les plus rudits, furent ensuite
nomms dans l'administration locale.
Pour de nombreuses raisons, les deux premiers
sicles du IIe millnaire virent le dbut du
dclin du Ghana, les causes principles tant
les scheresses prolonges et l'ouverture de
nouvelles routes vers d'autres mines d'or,
lcouvertes Bure, dans la Guine actuelle.
Le Ghana fut aussi occup par les
Almoravides ; personnel ne sait avec certitude
si ceux-ci ont envahi le pays militairement ou
si leur influence a grand graduellement.
Ensuite, le souverain Sosso, Sumanguru, s'est
empar du pays, mais il a t vaincu par
Sundiata Keita en 1236 et le Ghana a t
absorb par l'empire du Mali.
Des fouilles archologiques indiquent que le
Ghana moderne tait habit ds le dbut de
l'ge de bronze, vers 4000 avant J.-C. Mais la
population actuelle du Ghana a commenc
s'installer dans les rgions actuellement cou-
vertes par le pays au dbut du Xe sicle. Ce
n'est que vers la fin du XVIIe sicle que la
plupart des groups ethniques constituent la
nation ghanenne se sont rassembls. Il s'agit
notamment des Akans, des Twifus et des
Mandas, ces derniers venant de l'actuel
Nigeria (les Etats haoussas de l'poque). Une
branch du people akan, les Ashantis, allait
jouer un rle de premier plan dans la constitu-
tion du Ghana moderne. Les Ashantis taient
plus unis que les autres groups et ils se sont
rapidement tendus, pour crer une nation
puissante avant le milieu du XVIIe sicle. Vers
la fin du XVIIe sicle, leur souverain, Osei
Tutu, fut proclam Asantehene, roi des
Ashantis. Les Ashantis ont conquis de nom-
breux autres Etats akans. Leur empire accord
une autonomie suffisante chaque Etat subor-
donn, tout en prservant toujours l'intrt
commun, d'o l'existence, ds le XVIIIe si-
cle, d'un Etat trs bien organis qui restera
solide jusqu'au dbut du XIXe sicle.
>L
Depuis le dbut du XVIe sicle, des habitants
de la Cte d'Or, plus particulirement les
Akans, commeraient avec les Portugais, arri-
vs en 1471. Des aventuriers venus de la plu-
part des pays europens essayrent de s'instal-
ler en Cte d'Or. Les Hollandais succdrent
aux Portugais, suivis leur tour par les
Anglais, les Sudois et les Danois. Les
Britanniques fondrent la Compagnie britan-
nique des commerants d'Afrique en 1750. Le
commerce d'esclaves a clips l'or de la Cte
d'Or aprs l'installation de grandes planta-
tions en Amrique. La cte africaine occiden-
tale devint rapidement le premier fournisseur
d'esclaves pour le continent amricain. Au
XVIIIe sicle, 4,5 millions d'esclaves furent
expdis par mer de l'Afrique occidentale vers
l'Amrique.
En 1844, les Britanniques signrent un trait
avec les chefs fantis. En 1873, ils capturrent
le chef ashanti Kumasi et fondrent une colo-
nie sur la Cte d'Or. Contrairement aux
Franais, qui installaient une vaste colonie
administre par un gouverneur gnral, la
Grande-Bretagne opta pour des colonies dis-
tinctes, relativement autodtermines.
A la fin de la longue guerre anglo-ashanti, la
Grande-Bretagne soumit les Ashantis son
protectorat en 1896. L'administration locale
fut partage entire chefs traditionnels dans les
instances indignes et les reprsentants lus
par la population dans les villes et les conseils
municipaux. En 1902, les territoires du Nord
furent proclams protectorat britannique. La
fin de la Premire Guerre mondiale marqua un
changement au Togo allemand, qui passa aux
mains de la Grande-Bretagne en 1919. Au
course de la Deuxime Guerre mondiale, les
forces africaines originaires de la Cte d'Or
ont combattu les forces italiennes en Ethiopie,
ainsi que l'arme japonaise en Birmanie, aux
cts des Britanniques et des Indiens.
Le premier movement nationalist aspirant
l'autonomie de la Cte d'Or, voire son ind-
pendance total, fut la United Gold Coast
Convention (UGCC), cre en 1947 par un
group de personnel instruites, don't le secr-
taire gnral Kwame Nkrumah, thoricien et
COURRIER
nationalist. Aprs des tudes aux Etats-Unis
et en Grande-Bretagne, Nkrumah fut l'un des
militants prendre part au Congrs panafri-
cain de 1945 Manchester. En juin 1949,
Kwame Nkrumah rompit avec l'UGCC, consi-
dr comme trop conservatrice, et mit en place
une organisation rellement favorable l'in-
dpendance : le Convention People's Party
(CPP). Entre-temps, Nkrumah tait devenu
l'un des 'Veranda boys' (proches de la popula-
tion ordinaire, plutt que des intellectuals).
Aprs avoir t arrt et emprisonn, il devint
l'un des dirigeants les plus populaires du pays.
En 1950, le CPP lana une champagne d'action
"positive" (action non violente. Nkrumah fut
une nouvelle fois arrt, ainsi que de nom-
breux autres dirigeants. Nkrumah devint un
symbol, un martyr, un hros. Malgr sa
dtention, il dcrocha un sige lors des pre-
mires lections lgislatives organises sous la
nouvelle constitution en 1951 et son part rem-
porta la majority des deux tiers.
Le parti de la communaut ashanti, le National
Liberation Movement (NLM), cr en 1954,
s'opposa au CPP, qui exigeait l'indpendance
immediate, et l'assemble fut dissoute en juil-
let 1956. Le gouverneur accept d'accorder
l'indpendance si elle tait demande par les
deux tiers des reprsentants l'assemble. Le
CPP remporta de nouveau une majority des
deux tiers. Avant les lections, un rfrendum
fut organis par les Nations Unies concernant
l'avenir du Togo britannique (li la Cte
d'Or) et du Togo franais. Ce rfrendum
entrana la reunification des deux parties du
Togo, sous le gouvernement franais.
L'indpendance de la nouvelle nation, baptise
Ghana, fut clbre le 6 mars 1957. Le pays
devint une rpublique suite au rfrendum du
ler juillet et Nkrumah l'un des plus minents
dirigeants du Tiers monde. En 1964, le Ghana
fut proclam pays parti unique. Deux ans
plus tard, un coup d'Etat militaire renversa
Nkrumah, alors qu'il tait en visit en Chine.
Le National Liberation Party prit le pouvoir.
> r
Le Progress Party, dirig par Kofi A. Busia,
remporta les lections de 1969 et celui-ci
devint Premier ministry. Mais un coup d'Etat
organis par le gnral Ignatius Acheampong
porta au pouvoir le National Redemption
Council (NRC), une junte militaire, en janvier
1972. Le NRC fut remplac par une autre
junte militaire, le Supreme Military Council
(SMC), galement dirig par Acheampong, en
1975. De jeunes officers, dirigs par le capi-
taine de l'arme de l'air Jerry John Rawlings,
tentrent un contrecoup violent en juin 1979.
De nombreux membres du SMC furent excu-
ts et des purges eurent lieu dans les rangs des
officers suprieurs de l'arme. Hilla Limann
devint president de la rpublique en juillet
1979, mais l'administration civil fut surveille
par le "Mouvement du 4 juin", un group mili-
taire. Suite la hausse du taux d'inflation, qui
se rpercuta sur le cot de la vie, Limann per-
dit le soutien tant des travailleurs que de la frac-
tion militaire qui l'avait aid. Rawlings orches-
tra son second coup la fin de l'anne 1980.
Rawlings resta president du Conseil provisoire
de defense national pendant 12 ans, avant de
restaurer le multipartisme en 1990 et d'organi-
ser des lections, qu'il remporta en janvier
1993. Il abandonna le pouvoir le 7 janvier
2001, aprs deux mandates, et fut remplac par
John Agyekum Kufuor, qui occupe encore ce
poste aujourd'hui.
Depuis la mise en place du systme multipar-
tite par Jerry Rawlings, le Ghana semble avoir
bien intgr sa dmocratie et avoir progress
en matire de bonne governance. Sa bonne
reputation au sein des institutions internatio-
nales, ainsi qu'auprs des investisseurs, en
tmoigne. H.G. I
mots-cls
Hegel Goutier ; Ghana ; Cte d'Or; Togo ;
Dinga Cisse ; Soninke ; Ashanti ; Kwame
Nkrumah ; Jerry Rawlings ; Kofi Busia ;
Ignatius Acheampong ; Hilla Limann ; John
Kufuor.
N. 6 N.S. JUIN JUILLET 2008
eportage Ghana
les elections
de dcembre
Francis Kokutse*, Debra Percival
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Ghana eportage
Les lections prsidentielles et parlementaires sont prvues pour dcembre prochain. Il
s'agira de designer le successeur du president sortant John Agyekum Kufuor, qui
occupe ce poste depuis janvier 2001 et aura puis le maximum autoris de deux man-
dats de quatre ans. Le Ghana est toujours rest en tte des classements africains pour
ses rformes conomiques, son respect des droits politiques et civiques et la liberty de
sa press au course des dernires annes**. Tout au long de son mandate, le pays a
connu une bonne croissance conomique. Selon les critiques de l'opposition, le
President Kufuor a simplement eu beaucoup de chance et a pu tirer profit de la mon-
te du prix de certaines matires premires, telles que l'or. Le parti d'opposition -
National Democratic Congress (NDC) dnonce le copinage au sein du gouverne-
ment et dit que le Prsident Kufuor ne bnficie plus du soutien inconditionnel de son
New Patriotic Party (NPP) l'approche de la fin de son mandate.
algr la hausse des prix du
ptrole, le pays a connu des
taux de croissance vigoureux
depuis 2000. La croissance du
produit intrieur brut en terms rels a grimp
de 3,7% pour atteindre 5,9% en 2000-2005,
puis 6,2% en 2006. Selon les statistiques de la
Commission europenne, ce rsultat peut tre
mis sur le compete des bonnes prestations de la
production et du marketing du cacao, de la
construction, de l'or, de l'exploitation fores-
tire et du transport, de l'entreposage et des
communications dans ce secteur.
Selon Paul Acquah, Gouverneur de la Banque
central du Ghana, les exportations de mar-
chandises reprsentaient 868 millions de dol-
lars au course des deux premiers mois de 2008,
contre 690,3 millions pour la mme priode en
2007. Toujours selon Acquah, l'or a littrale-
ment brill : "Les exportations d'or reprsen-
taient 404,4 millions de dollars pendant les
deux premiers mois de 2008, contre 263,71
millions lors de la mme priode en 2007." Il
ajoute que les exportations de fves et de pro-
duits cacaoyers ont cependant enregistr une
lgre baisse et s'lvent 227,4 millions de
dollars pour les deux premiers mois de 2008,
contre les 247 millions enregistrs pendant la
mme priode en 2007.
Alors que la hausse de prix des denres ali-
mentaires et des products ptroliers perturbe les
conomies du monde entier, Kufuor a rcem-
ment fait remarquer que "grce sa vigueur et
son lasticit naturelles, notre conomie
national s'est avre capable de rsister aux
chocs terrible qui ont secou le march.
Mme si cela ne signifie pas pour autant que le
pays a t pargn par les effects de la crise
mondiale. Selon Kufuor, la facture national
des importations de ptrole brut a augment au
course de l'anne coule. Elle est passe de
500 millions de dollars en 2005 2,1 milliards
l'anne dernire.
Le President a dclar rcemment que "parmi
les effects indsirables de la hausse incessante
des prix ptroliers, on note la hausse des prix
du ptrole la pompe et l'explosion du cot
des transports, qui perturbent la distribution
des denres alimentaires et des marchandises
en gnral, tout en rendant la vie des citoyens
plus difficile". Mais que pour contrer cet effet,
"l'agriculture s'est bien porte cette anne, ce
qui a permis de trouver facilement les products
rcolts localement, tels que le mas, les
patates douces, les plantains, le manioc et le
taro" et le gouvernement s'intressera bientt
de plus prs l'agriculture en augmentant ses
investissements agricoles. Le Prsident
Kufuor a aussitt calm les nerfs des
Ghanens au sujet de la hausse des prix des
products alimentaires.
Les droits de douane
l'importation sur le
riz et l'huile vgtale
ont t supprims
Les droits de douane l'importation sur le riz
et l'huile ont t supprims pour rduire le prix
des denres de base.
Frank Agyekum, Ministre adjoint
l'Information du gouvernement, dit qu'une
tude sur le niveau de vie ghanen montre que
celui-ci n'a jamais t aussi lev qu'au course
de ces huit dernires annes, mais Elvis
Efriyie Ankrah, Sous-secrtaire gnral du
parti d'opposition NDC, contest ce point de
vue. Il dit que la faiblesse du niveau de vie "a
t masque par des chiffres qui ne refltent
pas le niveau de vie rel de la population".
D'autres prtendent que la bonne sant des
exportations des matires premires devraient
permettre au Ghana de faire bonne recette, ce
qui n'est pas le cas. L'agriculture reste rudi-
mentaire. Citons, notamment, l'inscurit des
fermages, l'accs limit aux resources et les
mauvaises routes. Et le secteur industrial est
en outre domin par les petites entreprises
faible productivity. Les investissements tran-
gers directs s'levaient seulement 156 mil-
lions de dollars en 2005 selon la Confrence
des Nations Unies sur le commerce et le dve-
loppement (CNUCED).
Pour Tony Aidoo, ancien Ministre de la
Defense du NDC, le NPP du gouvernement
actuel "est arriv au pouvoir alors que l'cono-
mie avait t rtablie et que les bases d'une
reliance avaient t poses. En 1982, le Conseil
provisoire de defense national (Provisional
National Defence Council -PNDC), qui s'est
ensuite transform en NDC, enregistrait une
croissance negative de 8%. La situation s'est
rtablie pour atteindre une croissance positive
de 7%, avant de se stabiliser 5% en 2000".
Toujours selon Aidoo, "le gouvernement a de
la chance d'tre au pouvoir alors que les prix
des matires premires sont trs levs. De
surcrot, il continue d'augmenter les taxes et
les cots des services publics, ce qui rend la
vie trs difficile pour la population". Et
d'ajouter que "ce gouvernement a t caract-
ris par un niveau de copinage, de justifica-
tions et de tribalisme jamais atteint dans ce
pays auparavant".
Il fait allusion aux membres du prcdent gou-
vernement NDC, qui ont t jugs et empri-
sonns suite la fameuse loi sur les "pertes
financires causes l'Etat". Rappelons que
c'est le NDC mme qui avait vot cette loi
pendant qu'il tait au pouvoir. Frank Agyekum
souligne que personnele ne se trouve en prison
aujourd'hui sans avoir t jug par un tribu-
nal". Il ajoute que le gouvernement est sans
cesse lou dans le monde entier pour sa bonne
governance. "Le gouvernement a dpnalis
N. 6 N.S. JUIN JUILLET 2008
la diffamation et les gens peuvent dsormais
dire ce qu'ils pensent. Cette tendance est ren-
force par les nombreuses stations de radio
FM aux quatre coins du pays, qui proposent
des squences tlphoniques permettant aux
Ghanens ordinaires d'appeler pour exprimer
leur point de vue sur les ondes."
La socit civil a de plus en plus d'influence
sur la prise de decision. Les movements de
fermiers, syndicats et associations profession-
nelles ont toujours t presents sur la scne,
mais d'autres associations, telles que les orga-
nisations pour le dveloppement des "villes
d'origine", les groups de defense des droits
de la femme, les clubs de charit, les associa-
tions de parents et d'enseignants et les organi-
sations religieuses donnent une nouvelle viva-
cit la socit civil.
Pour Steve Manteaw, coordinateur des cam-
pagnes d'ISODEC, une organisation non gou-
vernementale (ONG) pour le dveloppement et
la defense des droits sociaux : "Au course des
sept dernires annes, seule la socit civil a
tent de mener une opposition relle dans ce
pays." Manteaw dit que la faiblesse du parle-
ment est due la personnalit de ses membres.
"Certains sont creux et n'ont pas le bagage
ncessaire pour pouvoir analyser les problmes
de manire critique." Il dit avoir t contact
par le gouvernement pour aider dvelopper
les comptences des parlementaires cette
anne, par example en organisant un atelier de
formation sur le budget pour 30 dputs.
Selon Manteaw, ISODEC tait soutenu par les
glises dans ses efforts visant renforcer la
pratique dmocratique. Il mentionne le Conseil
chrtien, impliqu dans la Campagne mondiale
contre la pauvret, ainsi que la Confrence des
vques catholiques, qui est galement trs
active en matire de bonne gouvemance.
La lenteur des avances en matire d'galit
entire les hommes et les femmes ternit quelque
peu l'clat de l'image international du
modle ghanen. Les femmes sont sous-repr-
sentes dans la vie publique et n'ont qu'un
accs limit aux resources conomiques. Il
existe des lois protgeant les droits des
femmes et des enfants, telles que la Politique
national des sexes et des enfants de 2004 et la
Politique de soins et de dveloppement pour la
petite enfance, mais les observateurs affirment
La dcentralisation
enregistre aussi un
certain retard
La dcentralisation enregistre aussi un certain
retard que leur mise en uvre se fait attendre.
suite aux soucis en matire de comptences
locales. Malgr le budget de 2007, qui autorise
le transfer d'un nombre important de fonc-
tionnaires des dpartements et agencies minis-
triels vers les administrations des districts en
2008, le problme des rformes politiques au
niveau local reste d'actualit. Un tiers des
membres des Assembles des districts, ainsi
que les gouverneurs de district (District Chief
Executives), sont nomms par le Prsident
plutt que dsigns par voie lectorale. Et les
litiges relatifs aux hritages de terres et de suc-
cessions, lis aux chefferies, sont susceptibles
d'entraner des conflicts locaux.
"Ces sept dernires annes, le gouvernement
n'a pas t clair quant ses intentions en
terms de gouvemance au niveau local", dit
John Larvie, coordinateur de programmes au
Centre de dveloppement dmocratique, pour
exprimer son point de vue personnel. "Mme
si l'administration locale ne peut en principle
pas tre partisan, le gouvernement a entach
son impartialit en nommant des gouverneurs
de district fidles la ligne du parti. Mme les
30% de membres des Assembles de district
dsigns par le gouvernement ont t choisis
purement sur base de leur appartenance parti-
sane et les decisions continent d'tre prises
au centre, ce qui revient rfuter toute tenta-
tive de dcentralisation de l'administration."
En pensant l'avenir, certain observateurs
politiques au Ghana prvoient dj que le pays
suivra l'exemple du Kenya -faisant rfrence
au dsordre ayant suivi la manipulation des
lections au Kenya. Vladimir Antwi-Danso,
chercheur principal au Centre d'affaires inter-
nationales de l'Universit du Ghana, tire la son-
nette d'alarme : "Certaines poches de conflicts
pourraient s'intensifier si les politicians ne
s'occupent pas assez bien des lections."
Agyekum confirm : "La scurit national est
en jeu et c'est pour cette raison que le gouver-
nement a renforc la commission lectorale,
afin de la rendre capable d'organiser des lec-
tions crdibles et honntes, pour que les rali-
sations positives du gouvernement ne soient
pas avortes par la rancour et la violence pen-
dant et aprs les lections."
Le President Kufuor, quant lui, a promise que
"la commission lectorale disposerait de toutes
les resources ncessaires pour lui permettre
d'organiser des lections crdibles et honntes".
Jusqu' present, les parties politiques se sont
lancs dans leurs campagnes politiques sans
anicroches, mais cela ne signifie pas que le
gouvernement n'a aucun problme rgler,
affirme John Larvie. "Le Prsident Kufuor ne
semble pas vraiment capable de contrler ses
ministres. Voil le rsultat des ramnage-
ments rguliers qu'il a imposs son gouver-
nement", dit-il.
Et Ankrah, du NDC, dit qu'il semble y avoir
une sorte de scission entire le Prsident et le
parti au pouvoir. "Lors du dernier congrs des
dlgus nationaux, le Prsident avait exprim
son soutien Stephen Ntim, mais les membres
du parti ont dcid de voter pour leur propre
candidate. Ensuite, les dlgus ont vot contre
Alan Kyermanten, qui tait le dauphin dsign
par le Prsident Kufuor lui-mme. Aujourd'hui,
le parti s'oppose lui au sujet de la nomination
de Evans Atta Mills, le candidate du NDC la
prsidence, pour un prix national."
Aux dernires lections, John Kufuor a gagn
52,45% des votes et John Atta-Mills du National
Democratic Congress a dcroch 44,64% dans
la course pour la prsidence ghanenne, qui
oppose traditionnellement les deux parties.
Ankrah ajoute que les lecteurs perspicaces
"devraient se rendre aux lections pour choisir
celui qu'ils pensent tre le meilleur pour
redresser la situation du pays". *
* Journaliste bas Accra.
* Dans le dernier rapport Doing Business (Banque mon
diale, 2006), le Ghana est class parmi les 10 meilleurs
rformateurs. En 2005, le Ghana occupait la 4e place de
l'indicateur du potential de croissance (growth competitive
index) de la Banque mondiale pour l'Afrique.
mots-cls
Ghana; politique ; president John
Agyekum Kufuor ; Francis Kokutse,
Debra Percival.
COURRIER
Ghana eportage
prudence et preparation
Pass, present et stability politique sont indissociables d'une conomie vigoureuse, qui
a permis une planification conomique efficace et une bonne croissance. De nouveaux
gisements de ptrole prsagent un bel avenir.
n dirait que la Providence a lu le
Ghana parmi tous les pays de la
region, pour l'inonder de ses
faveurs. Le pays a subi toutes
sortes de souffrances, mais est rest intact.
Comme les autres pays de la region, il a eu sa
part de perturbations politiques en raison d'in-
terventions militaires mais par bonheur, il est
rest le seul pays n'avoir connu aucun conflict
interne grave.
Sous le gouvernement sortant du Prsident John
Agyekum Kufuor, l'conomie est marque par
une belle croissance et reste vigoureuse.
En outre, la dcouverte rcente d'normes
gisements de ptrole apporte un autre signe
avant-coureur d'un grand bond en avant pour
le pays. Le Prsident Kufuor n'a pas pu cacher
ses rves d'un Ghana meilleur lorsqu'il a
dclar, en s'adressant la nation sur les ondes
rcemment, que la hausse mondiale des prix
du ptrole n'tait qu'une difficult passagre
et que "les inconvnients actuels ne pourront
tre que temporaires. Envisageons donc l'ave-
nir avec confiance et espoir".
Kufuor a raison. En dcouvrant des gisements
de plus de 3,9 milliards de barils, on peut dire
que les Ghanens ont beaucoup de chance ce
moment prcis de leur dveloppement, ce qui
pourrait tre le rsultat d'une bndiction pro-
videntielle. Certains analysts refusent cepen-
dant d'imputer cette situation la Providence.
Ils prtendent que le pays prpare sa prosprit
future depuis les annes 1960. "On a beaucoup
travaill dans ce sens", a dit Fred Sagoe,
ancien employ de la Ghana National
Petroleum Corporation. "La prospection
ptrolire a sond tout le pays et commence
seulement porter ses fruits. Le pays dispose
aussi d'un nombre considerable d'ingnieurs
ptroliers, qui travaillent dans le monde entier.
Tout cela signifie que le pays prparait discr-
tement son avenir."
>L
Selon Vladimir Antwi-Danso, chercheur prin-
cipal au Centre d'affaires internationales de
l'Universit du Ghana : "Les bases de l'cono-
epbrtage Ghana
J-_ "- 4
mie du pays ont t poses au course de la pre-
mire rpublique, sous le rgne de feu Kwame
Nkrumah." A l'poque, peu de gens ralisaient
que la plupart des politiques mises en place
profiteraient au pays plus tard. Nkrumah a t
critiqu, mais sa politique a donn le ton de la
voie suivre par le pays aujourd'hui.
Antwi-Danso explique qu'au dpart, l'cono-
mie ghanenne tait ferme sur elle-mme. Le
programme de substitution aux importations
mis en place a t considr come un mau-
vais choix l'poque. Il a cependant "engen-
dr la construction d'infrastructures et gnr
un taux d'emploi lev dans le pays", dit-il. Le
project hydrolectrique sur la Volta
Akosombo, qui est la principal source d'ner-
gie du pays actuellement, en est un bon exem-
ple. En outre, le port de Tema et son agglom-
ration, qui faisait parties du plan d'industriali-
sation de Nkrumah, est rest l'un des princi-
paux hritages laisss au pays par Nkrumah.
Antwi-Danso ajoute que le gouvernement de
l'poque s'est aussi embarqu dans un pro-
gramme ducatif acclr grce la creation
du Ghana Education Trust. Il a favoris la
construction de nouvelles coles dans tout le
pays. "Il en rsulte que le pays dispose de res-
sources humaines trs qualifies -qu'il a
mme exportes vers certain pays dvelopps
-et qu'il tire actuellement profit d'envois de
fonds depuis l'tranger."
Paul Acquah, Gouverneur de la Banque du
Ghana, a confirm l'augmentation de ces
envois de fonds. Le montant des transferts
arrivs par l'intermdiaire des banques et
companies financires pendant les deux pre-
miers mois de 2008 s'levait 1.380 milliards
de dollars, soit une hausse de 48,7% par rap-
port aux 927,9 millions de dollars enregistrs
au course de la mme priode en 2007. "Sur le
Nouakchott: Opus incertum. Oeuvre de Philippe Bernard
Philippe Bernard (wwwafriqueinvisu org)
montant total des virements la fin de fvrier
2008, 275,5 millions de dollars revenaient
des individus, contre 202,3 millions de dollars
en fvrier 2007", a prcis Acquah lors d'une
conference de press rcente Accra.
La croissance don't bnficie le pays
aujourd'hui tire profit des efforts du pass.
Certains analysts conomiques disent que le
pays a travers des priodes difficiles entire les
annes 1970 et la fin des annes 1980. Ils attri-
buent donc un grand mrite l'ancien
President Jerry Rawlings, qui a pu prserver la
stability politique du pays pendant que la plu-
part de ses pays voisins s'effondraient sous le
poids des luttes intestines.
> T
Jacob Fredua, chauffeur de taxi Accra, se
souvient que "Rawlings a russi prserver
l'intgrit du Ghana, alors que la guerre faisait
rage au Libria et en Sierra Leone. Quand le
Togo tait en guerre sous feu Gnassingbe
Eyadema, le Ghana a offert un abri aux
Togolais dsireux de se mettre en scurit.
Quand les Ivoiriens ont dcid de s'entretuer,
on a fait appel notre pays pour trouver une
solution au problme de la Cte d'Ivoire".
Cela ne signifie pas pour autant que le Ghana
n'a pas ses propres problmes. Des zones d'in-
scurit ont exist dans certaines rgions du
pays. Au nord, dans le Haut-Ghana oriental
puis, plus rcemment, dans la region de la
Volta, des troubles ont parfois clat, mais
ceux-ci n'ont pas perturb l'ordre public, mal-
gr un bilan lourd en perte de vies humaines.
Selon Antwi-Danso, la stability politique a
donn au Ghana un advantage par rapport ses
voisins. Elle a permis au pays de se dvelopper.
Il ajoute : "Le redressement du pays est large-
ment d une injection massive de capitaux."
Et il a raison. Lorsque le Ghana traversait un
Programme d'ajustement structure (PAS) au
milieu des annes 1980, l'afflux de capitaux
trangers a permis de revitaliser une conomie
malade. "Le rgime actuel, qui est au pouvoir
depuis sept ans, a t capable de continue le
processus de reconstruction grce des poli-
tiques conomiques prudentes", ajoute Antwi-
Danso. Le gouvernement actuel a aussi attir
des investissements trangers considrables en
obtenant le statut de pays pauvre trs endett
(PPTE). Ce programme a permis de soulager
la dette de manire multilatrale. Selon Antwi-
Danso, "environ 6,2 milliards de dollars de la
dette ont t annuls grce au statut de PPTE
obtenu par le pays".
Des fonds d'origine locale, qui autrement
auraient disparu dans le remboursement de la
dette, ont ds lors pu tre utiliss pour finance
des projects d'infrastructure et ont permis de
crer des emplois au sein de l'conomie. Cela
a permis au pays de prserver sa croissance et
de contrler l'inflation jusqu' cette anne,
lorsque la hausse mondiale des prix ptroliers
et la cruise alimentaire qui a suivi se sont fait
partiellement ressentir sur la croissance
modest enregistre au course des six dernires
annes.
Antwi-Danso dit nanmoins que le gouverne-
ment est rest fidle la sagesse conomique.
Il attribue du mrite " la Banque du Ghana,
pour sa politique montaire favorable".
F.K.
mots-cls
Francis Kokutse ; Ghana ; Politique ;
President John Agyekum Kufuor ; Crise
alimentaire ; Ptrole.
COURRIER
Fa....
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eportage
nouuelle
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LE GHANA EN CHIFFRES*
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l'ducation, de la sant et de l'eau. Selon une
valuation rcente, la participation des
Assembles de district est crucial pour la
russite de tels projects.
Les montants affects la governance seront
utiliss pour renforcer la socit civil (8 mil-
lions d'euros) et les institutions non excu-
tives de governance (4 millions d'euros), afin
que ces deux types de structures puissent
nouer un dialogue avec les administrations
locales et jouer un rle de surveillance. Le
financement au titre du 10e FED ciblera sur-
tout les organizations rurales et locales. Un
financement peut aussi tre ventuellement
accord des institutions non executives de
governance, telles que le Ghana Audit
Service, pour contribuer renforcer leurs liens
avec le parlement.
Une some de 76 millions d'euros a t affec-
te au transport, peru comme un secteur-cl
pour rduire la pauvret. L'UE a donn son
soutien l'laboration d'un Plan national d'in-
tgration des transports couvrant les ports, les
installations portuaires, les chemins de fer et
les routes. Ax cette fois sur l'intgration
rgionale, le 10e FED ciblera l'amlioration et
la construction de routes principles pour faire
du Ghana un pivot du transport regional. La
remise en tat de routes principles dans
l'ouest du Ghana fait parties des objectifs, mais
la construction de nouvelles routes dans cette
zone ne se fera qu'aprs valuation social et
environnementale. Si les avantages ne s'av-
rent pas suffisants, l'attention pourrait, selon
des responsables de l'UE, se porter sur d'au-
tres routes principles, telles que la continua-
tion du corridor est.
Sur les 21 millions d'euros restants, 9 millions
devraient tre affects la facilitation du com-
merce, le Ghana ayant rcemment paraph un
accord intrimaire de partenariat avec l'UE.
Les fonds devraient aider le pays renforcer
sa comptitivit dans les exportations non tra-
ditionnelles et pourraient aussi servir am-
liorer la documentation douanire.
Sur la some restante, 8 millions d'euros sont
consacrs la gestion des resources natu-
relles, y compris au enforcement des princi-
paux organes de rglementation de la gestion
des resources naturelles et au soutien du
rgime relatif l'application des rglementa-
tions foresLires, la governance et aux
changes commerciaux (FLEGT) de l'UE,
afin de limiter les abattages illgaux.
*u ." ""ii
COURR[ER
ri.
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r-
c
L
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L
Deux millions d'euros du budget total sont
affects aux migrations, la diaspora et la
scurit. D'aprs les responsables de l'UE, un
project de ce type pourrait tre la compilation
d'un annuaire des cadres ghanens, mention-
nant les coordonnes de leurs entreprises res-
pectives et des addresses lectroniques pour un
accs facile. Une assistance technique pour
amliorer la capacity des services de police et
des migrations faire respecter les lois est
aussi prvue.
Cinq pour cent de la population du Ghana
appartient la diaspora : 1 million de
Ghanens rsideraient en Afrique (chiffre cit
dans Twum Baah 2005) et 189.461 figurent
dans la base de donnes sur les migrations de
l'Organisation de cooperation et de dvelop-
pement conomiques, hors Allemagne. Selon
d'autres tudes, 600.000 Ghanens vivraient
dans l'Union europenne, principalement au
Royaume-Uni.
Par ses envois d'argent au Ghana, la diaspora
est un important fournisseur de devises tran-
gres. Beaucoup de Ghanens sont hautement
qualifis et travaillent dans le secteur de la
sant l'tranger. Au Ghana, la construction
est un secteur majeur de croissance, finance en
parties par les revenues rapatris au Ghana. Une
rcente modification de la loi autorise la dou-
ble nationalit pour les Ghanens et tend le
droit de vote aux Ghanens vivant l'tranger.
En 2006, un ministre du Tourisme et des
Relations avec la diaspora a t cr. Deux
millions d'euros sont galement prvus pour
une facility de cooperation technique.
En plus de l'enveloppe principal appele
envelope "A", 6,6 millions d'euros sont bud-
gts pour les deux premires annes du 10e
FED dans une envelope "B" couvrant des
besoins imprvus, tels qu'une aide d'urgence,
des initiatives d'allgement de dette conve-
nues au niveau international et un soutien
financier pour attnuer l'impact ngatif de
l'instabilit des recettes d'exportation. En tant
que membre de la Communaut conomique
des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO)
l'organisation rgionale de l'Afrique de
l'Ouest -le Ghana bnficiera aussi du 10e
programme indicatif regional de l'UE pour
l'Afrique de l'Ouest et est ligible d'autres
financements au titre la fois des facilits de
l'UE pour l'nergie et l'eau et du partenariat
UE-Afrique pour les infrastructures.
D.P.
mots-cls
Ghana; FED ; Appui budgtaire;
Gouvernance ; Debra Percival.
e Ghana doit avoir un petit quelque
chose qui lui donne un rle de premier
plan en Afrique de l'Ouest alors qu'il
n'est pas un gros acteur conomique.
Sa population s'enorgueillit de son grand paci-
fisme, une quality qui a permis au pays
d'chapper tous les traumatismes des guerres
civiles don't ont souffert ses voisins.
En avril de cette anne, African Business, un
magazine panafricain public Londres, clas-
sait le Nigria troisime d'une liste des pays
africains comptant le plus de 'grandes' soci-
ts. Trente entreprises nigrianes figuraient
parmi le 'Top 200' africain. Les statistiques
rgionales de ce magazine pour l'Afrique de
l'Ouest sont encore plus parlantes. Le 'Top 50'
des entreprises d'Afrique de l'Ouest, classes le
Nigria premier, avec 45 entreprises, mais ne
cite que deux entreprises ghanennes. Qui plus
est, ces deux entreprises, Standard Chartered
Bank et Ecobank Ghana Limited n'appartien-
nent pas des Ghanens de souche.
On s'attendrait ds lors ce que ce soit le
Nigria et non le Ghana qui joue un rle de
premier plan dans le context regional de
l'Afrique de l'Ouest. Or il semble que ce soit
le contraire. Selon un analyst bas Accra,
Jos Anyima-Ackah, si le Ghana peut se vanter
de sa stability conomique et de sa croissance
sous un rgime dmocratique continue, le
Nigria ne peut en faire autant.
Anyima-Ackah a constat que le Ghana a
revendiqu un rle dominant dans les investis-
sements conomiques sur le continent africain
et dans la sous-rgion, ce que le Nigria n'a pu
galer. Ces faits inquitent certain Nigrians,
qui voient leur pays comme un gant amorphe.
Selon Vladimir Antwi-Danso, charge de
recherche au Centre pour les Affaires interna-
tionales de l'Universit du Ghana, "si, malgr
le manque de grosses entreprises, le Ghana
continue attirer les entreprises srieuses,
c'est parce que le Nigria reste peru comme
un pays corrompu. Cela ne veut pas dire que la
corruption n'existe pas au Ghana. Elle y est
prsente mais sous une forme plus subtile
alors qu'au Nigria, elle est gnralise et
c'est ce qui a contribu donner au Ghana un
rle majeur dans la sous-rgion, rle que le
Ghana assume en donnant l'exemple".
Tout au long de son histoire, le Ghana a t un
refuge pour la plupart de ses voisins. Pendant
les guerres civiles nigrianes, c'est Aburi,
une petite ville en bordure d'Accra, que les
belligrants ont ngoci leur paix. Le Ghana a
servi de refuge aux Togolais, Ivoiriens, Sierra-
Lonais et Libriens fuyant les guerres civiles
de leurs pays respectifs. C'est ainsi que le
Ghana a gagn un certain ascendant sur les
autres pays dans les activits rgies par la
Communaut conomique des Etats d'Afrique
de l'Ouest (CEDEAO).
D'aprs un journalist nigrian, Laide Thomas,
"mis part la paix que les Ghanens consid-
rent eux-mmes comme allant de soi, le Ghana
est le seul pays de la region avoir la capacity
de faire bouger les choses. La plupart des villes
du Ghana ont l'eau courante en permanence et
l'lectricit ; aussi, lorsque les dirigeants gha-
nens parent de ce qui devrait tre le moteur
d'un pays, les autres dirigeants coutent".
Le Ghana est le seul
pays de la region
avoir la capacity de
faire bouger les choses.
Le Ghana est le seul pays de la region avoir
la capacity de faire bouger les choses.
Il n'est pas surprenant qu'Antwi-Danso dise :
"Le Ghana est devenu une destination pour les
entreprises." Dj la Communaut cono-
mique des Etats d'Afrique de l'Ouest
(CEDEAO) a dcid d'y installer sa Banque
central. L'Institut montaire de l'Afrique de
l'Ouest est bas au Ghana. Voil autant d'in-
dices qui tendent prouver que "le Ghana joue
effectivement un rle pivot dans le programme
de la CEDEAO".
Le rle qu'il continue jouer a graduellement
transform le pays en un centre du commerce
de l'Afrique de l'Ouest. Tema Port, l'ext-
rieur d'Accra, est devenue la base de transit
pour des pays enclavs comme le Burkina
Faso, le Mali et le Niger, "parce que le pays a
ouvert ses portes la circulation des biens et
services". F.K. I
mots-cls
Francis Kokutse; cooperation rgionale ;
Ghana; CEDEAO; finances.
N. 6 N.S. JUIN JUILLET 2008
- accueillant l'excs
Les Ghanens se plaignent parfois d'tre trop accueillants. On retrouve cette ide dans
le mot 'Akwaaba' qui signifie 'bienvenue' dans la langue akan locale. Elle s'exprime par
l'accueil inconditionnel rserv aux visiteurs dans n'importe quelle maison du Ghana.
Ce type de gentillesse est un nectar qui attire les tourists trangers comme des abeilles.
our se prparer l'intrt soudain sus-
cit par le pays en tant que destination
touristique, les autorits se sont
embarques dans un plan ambitieux
afin d'attirer au moins 700.000 visiteurs d'ici
la fin de l'anne prochaine. Ils ont toutes les rai-
sons d'avoir bon espoir, car le pays a enregistr
450.000 tourists au total en 2005 et depuis, les
chiffres n'ont cess de crotre, selon E. V.
Hagan, un directeur du ministre du Tourisme
S1 1 I Ih 'I I L~ I I' I II II! .1 ,1.1 I iil , .'I .L '. ! !
C II ,i llCL I .ml ,.,II.','! ,' -* ',.!C hlld!i j!.i C.
CI lu i I l l I fil l l l ( li l I 1 1 I. 1i I C l .i .i
d *.' IC. l ,,l I , I ll! I.l!IIlk.' I c'. lI d ll. 1 h .l 1!
I( i C C I ',, Il, .11, 1 1 I' l"l II. I lu -11 1 1.1*.' I' I
l .1 Ill.1 ii l i. I. l .1 C I i ll i. l i.C I
C .CI ri i .i l'. ii C.!J -
.W_ !
reux des Ghanens." Et Koch d'ajouter : "Mon
sjour ne m'a pas du, car les gens sont trs
gentils et nous font oublier que nous sommes
loin de chez nous. Ce qui fait dfaut, c'est un
plan coordonn pour rendre le tourism trs
panouissant."
Hagan dit que le gouvernement "mettra pro-
fit les quatre prochaines annes pour amliorer
les infrastructures de toutes les attractions tou-
ristiques afin de raliser cet objectif. Du coup,
lu.l.. .' l I |l. i. .ul.! dlL .'1ld u'. ul.h l' Lss ..L .
.iii C. -1 1'.1 ,C .1 'I -Ic
I! II .IC l. I L ,c 1.1 11.1 Cl cll cI.I. I ,,! .I C Il
l' 'l!i l L.d 'L.' I! I dL.' I. l Il .' L.'!*'L.'L d[ ', i L.'* r ', Li i,
I Ill u i l .! il l I I i l i l u l L l' -! l .l 1
-
.... ll l' L 'll ,__ i !'! 1- I, ,,I -
1/.0 i IIL u la
Mensah, analyst la Ecobank Accra, estime
que le pays doit fournir beaucoup plus d'ef-
forts pour raliser son objectif en vue d'am-
liorer le secteur touristique pour relancer
l'conomie.
"Les hotels actuels sont trop chers par rapport
au service fourni, qui est loin d'tre de pre-
mire quality", explique Thompson-Mensah.
"De surcrot, aucune infrastructure n'est dis-
ponible pour rpondre aux besoins des visi-
T!i"i.ii|uiuii- !|.u
i'Iu u'I 'c 1. .i! !' i uu' pul !h '.u i.lil|uh ic 'i
i u c .II lilu Iu I I
(11 Ii.n. : TIIC IInI- : Fi.imnii kiiLiii I .
!1 -,i .l i i !1. .., !li !, ll 'lc'! .1 1 dc l l,-
I. d ll Il, -ll!.- h1 '
I! ,.'. l 'l i |1 C I. Illi. f.'c I, II1 b j C i, l i Ili
( I .ll.II I 1 I l Ic I .1 1, ll ] l ', IC I! .Il '.-
pllc C!, .l ill! C. l l.,i !!* ,i !h IC i C!l lied l
!1.,, ,c l,,_ F K
Mots-cls
1,11,1.1 : TlilUl lnil,: Fllanll Kt iktll t.
j
eportage Ghana
Le
Ghana Reportage
Square Nana Kobina Gyan Elmina, du livre "Elmina. Building
on the past to create a better future" sous la direction d'E.van
Steekelenburg (s d.).
kit.nl/publishers
U
SiivMiEi^eJmlSW^^;^l~r;
1A A
I I
isfl eIuItu
.t imH e reigieux-ae, amm eson e
r au culte? f??f5cgftho>jou mme catholique et musuM^n. Cette os
Trlk
elle-ci dispose d'autres atouts remar-
quables don't son pari sur le future
pour son dveloppement cono-
mique : dj 30% de son nergie de
source soutenable avec le but d'tre la premiere
terre au monde atteindre les 100%. Sans
cnmpter la beaut de qeq pavyaoge parq aitant
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>.lcvaient se rabattre sur les rares femmes por-
icie de leur dsir et de leur statut. Les origins
i 111verses des femmes et la rencontre ds le
dpart de religions diffrentes et stl. ctures
catholicisme, croyance malgache, hindouisme
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et plus tard islamisme constitueront l'alambic
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d'o sortira une essene e e cultures et ce qui
levaient se rabattre sur les rares femmes por-
,ce de leur dsir et de leur statut. Les origins
d verses des femmes et la rencontre ds le
dpart de religions diffrentes et structures -
catholicisme, croyance malgache, hindouisme
et plus tard islamisme constitueront l'alambic
d'o sortira une essence de cultures et ce qui
resemble une vanescence de prjugs.
Autant ce mti~a ae a permit une heaut phy-
iILI.i II I i I Ii 'i II I !I I. iir iiii
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dans les contacts humans et une relative tol-
rance sinon une ouverture religieuse.
La plupart des Chinois du pays sont catholiques
tnuit en pratiquant certain ritnelq de leur payv
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qu'loquente de la sympathie et de l'hospitalit
de.ls Runionnais et auss. de l'ouverture .d' espiii
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! l! c e I L l ! l 1 JI k L I l l l l-, 1 >.. ! > e l c .
dimanche aprs-.I.h Le serait shocking dans
bien des endroits. Elle est propritaire d'une bou-
tique de lingerie fine en ville. Demonstration plus
qu'loquente de la sympathie et de l'hospitalit
des Runionnais et aussi de l'ouverture d'esprit
dans les pratiques religieuses.
Les plus beaux examples de ce mtissage de la
foi sont probablement les plus de 500 petites
chapellee de Saint Eppdit partnit dan le payv
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IhC'Ill 1.1' k.!1! 'l '1 l l!*'l ll et' l ' h, L .h -
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La Reunion couvrir l'Europe
l'administration franaise sur cette le durant
une longue priode. Aprs l'abolition de l'es-
clavage (1848) et aprs que la colonie a d
recourir au service d'"engags" du Sud de
l'Inde, de la region de Bombay, de Chine et un
peu plus tard du Vietnam et d'ailleurs, tout
tait fait pnur viter l'enracinement de cnm-
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preuve, il y a des Blancs riches et des Blancs .
pauvres. Dans les parties pauvres de l'le, il n'y
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pakistanais et i i iii ,|L c!. i i e l .. 'II'
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dezorysetdL ( L"..L H,, -.,ii p.i,. i.,ic.
ChristopheT ici telI..LIL., 0.H L L l ie l'i' dL..
deux grands qii. in i. iii-e. ..... ...i 2,I!HlIl I lq
"l'harmonie mtisse est vraiment relle. La
preuve, il y a des Blancs riches et des Blancs
pauvres. Dans les parties pauvres de l'le, il n'y
a que deq Blanceq le deqcendantq de ceiv man-
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du.H. 1..C, C .I,.ll,.l i l
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Ci l'E i I-pc H.CG.
couvrir l'Europe La Runion
Ville de Saint-Paul. Statue de la Vierge.
Pour viter la distinction des communau-
ts culturelles, la langue franaise, le
catholicisme et le code napolonien ont
t imposs tous 2008. Hegel Goutier
fficiellement, la Runion est habi-
te depuis 1663. La date d'ta-
blissement des premiers vrais
colons. En fait, les premiers habi-
tants de l'le y avaient t dports de
Madagascar en 1646 par Jacques de Pronis,
chef du comptoir de la Compagnie franaise
des Indes don't ils avaient critiqu les malver-
sations au profit d'une matresse malgache.
L'le n'tait pas pour autant inconnue jusque l.
D'abord des navigateurs arabes, probablement
gyptiens, y taient arrivs vers le XIIe sicle.
C'est la Dina Morgabim ou Mghrebin des pre-
miers portulans. Plus tard, les Portugais explo-
rant la route du Cap de Bonne-Esprance vers
les Indes, n'ont pas tard leur emboter le pas.
Le premier d'entre eux, au retour de son
voyage vers Goa de 1512 1516, est Pedro
Mascarenhas. D'o le nom d'les Mascareignes
partages par la Runion avec Maurice et son
le seur Rodrigues.
Les navigateurs y front rgulirement escale,
apprciant la beaut de sa flore et la varit de
sa faune. En 1638, le capitaine Goubert, au nom
de Louis XIII, tablit la souverainet franaise
sur l'le alors dnomme en franais Mascarin.
Quatre ans plus tard, la Compagnie franaise
des Indes, creation de Richelieu, obtient de
celui-ci une concession de 10 ans avec, pour
chef de comptoir, Jacques de Pronis install
Fort Dauphin, Madagascar. En 1649, le capi-
taine Roger Lebourg, toujours au nom du Roi,
prend possession de l'le et la rebapthic "lic
Bourbon". C'est lui qui trouvera en bc ic '.ii i c
les bannis donns pour morts qu'il rt iiimci c.,
En 1654, Flacourt, qui a succd de P'!i.i,, .
repris les bonnes vieilles habitudt, ..Ic ,c
dbarrasser des gneurs. La victim ci i c
fois : Antoine Couillard accompagn
de sept volontaires franais et de -
six serviteurs malgaches. Ils res- -
teront quatre ans Bourbon
avant de s'enfuir par un bateau ,
en escale. Et en 1663, Louis
Payen plus un compagnon et 10
serviteurs malgaches s'instal-
lent. Vrais colons car ils
ont commenc dve-
lopper un embryon .*,.
d'agriculture et d'levage. Plus tard, Etienne
Regnault, nomm gouverneur de Bourbon,
s'installe avec une vingtaine de colons en
1665. Des Malgaches y sont aussi envoys.
Le dveloppement de la colonie se fait trs
lentement ses dbuts. C'est l'introduction en
1715 du caf, don't les plants viennent du
Ymen, qui va l'acclrer. La Compagnie
franaise des Indes est alors un Etat dans
l'Etat, contrlant toute l'conomie de Bourbon
et tout le ngoce entire la colonie et la mtro-
pole, amassant des gains faramineux. C'est
l'poque o le clbre pirate Olivier Le
Vasseur dit La Buse, parmi d'autres, cumait
les eaux de l'Ocan Indien. Il aurait fait en
avril 1721 main basse sur le navire Vierge du
Cap, abm par un cyclone, et ramass un
monceau d'or, de diamants et de pierres pr-
cieuses qu'il aurait enfoui dans les environs de
la ville de Saint-Gilles avant de finir sur
l'chafaud Bourbon en 1727. De temps
autre, raconte-on encore sur l'le, le terrasse-
ment dans cette region rend certain propri-
taires richissimes.
Pendant presque un sicle, le caf assurera un
grand essor conomique. Aprs le caf, l'le se
rabattra sur les pices introduites par Pierre
Poivre en 1767.
On arrive la Rvolution franaise. Le Code
noir, en vigueur depuis 1685, assimile toujours
l'esclave un bien meuble. Contrairement aux
Antilles, il n'y a pas de soubresauts Bourbon
en 1789. Le dcret du 4 fvrier 1794 sur l'abo-
lition de l'esclavage applique dans les
Antilles, surtout Saint-Domingue (Hati), est
ignor ici. Plutt, il a provoqu une "union"
mue par une vellit indpendantiste. Et ceci
jusqu'au rtablissement de l'esclavage par
N.-iip.-.li-.1 e. mi 19n2. Pour couronner cet
c!i. c.'i' ll i, in !'.'le change de nom et
i.e ci !ii R. ni.i ii.i,! i '.
|!'!c. !!iluci clli.!. c., les Anglais, qui entre-
Lcii i.' ,c i i.i uii.iic' .i Maurice et Rodrigues,
!cii.i!ciiio .i .. i'iiic! !'[le Bonaparte en 1810
.i0 .iii !cl ,i.ci 1..ic dans le cadre du Trait
.c P'i r'..n! ci 14 i ccllement en avril 1815),
ii. iilt iii ii !'ilc !ci!end son appellation de
Ri. uhil). -i !. F.ince tant redevenue une
., iii i!! lic M ricee etRodrigues res-
Durant le XIXe sicle,
i'agriculture a volu
vers la monoculture
-r
COURRIER
de la canne sucre. Ce qui entrane une crois-
sance de la population qui a quasiment double
de 1848, anne de la vraie abolition de l'escla-
vage, 1869. Aprs une priode de grande
prosprit, est arrive la crise sucrire vers
1860. Cyclones, cholra et troubles sociaux
achveront l'installation de la dsesprance. A
partir de 1880, il y a une perte d'intrt de la
France pour la Runion au profit de
Madagascar. Une tentative de diversification
est opre, du sucre vers la vanille et les
plants parfum, en premier lieu le granium
don't la Runion deviendra le premier exporta-
teur mondial d'essence.
Malgr l'absence de conscription, les
Runionnais s'engageront en masse durant la
Premire Guerre mondiale : 15.000 volon-
taires don't 3.000 morts. Durant la Deuxime
Guerre mondiale, le pouvoir local se ralliera
Vichy, entranant un blocus anglais. L'le sera
libre en 1942 par Forces franaises libres.
Mais le pays est alors sous-dvelopp.
Le Parti communist runionnais avec come
leaders la famille Vergs et le syndicate de che-
minots lutteront en faveur de la dpartementa-
lisation. Une stratgie concerte de la
Runion, la Martinique avec Aim Csaire
come porte-drapeau, la Guadeloupe et la
Guyane dbouchera sur la loi de la dparte-
mentalisation du 19 mars 1946.
Les annes 60 seront celles de la modernisa-
tion. La Runion a rattrap beaucoup de
retard. Elle a l'apparence de la socit euro-
penne moderne, avec ses rseaux routiers, le
dveloppement des tlcommunications, etc.
La Reunion couvrir I'Europe
La Runion est la seule region monodparte-
mentale de France. Il existe actuellement un
project de bidpartementalisation soutenu par
le parti communist et une parties de la droite.
Saint-Pierre serait le deuxime chef-lieu.
Actuellement, Paul Vergs rlu gauche en
2004 est la tte du Conseil regional (le dpar-
tement), l'instance qui gre les plans de dve-
loppement de l'le, et Nassimah Dindar (UMP)
la tte du Conseil gnral (dpartement). Un
communist et une femme musulmane.
H.G.
mots-cls
Hegel Goutier ; Dina Morgabim;
Mghrebin ; Iles Mascareignes ;
Madagascar; Ile Bourbon ; Paul Vergs;
Nassimah Dindar ; Ile Bonaparte.
Uocabulaire pour comprendre
Croles : Gros Blancs, Petits Blancs et Cafres.
Gros Blancs (descendants de grands planteurs
riches). Petits Blancs (petits paysans des hau-
teurs). Cafres, les Noirs runionnais (de
l'arabe !.',i : infidle). A diffrencier des
Noirs non croles, Comoriens et Mahorais.
Les Croles reprsentent les deux tiers de la
population.
Malbars : Indiens (de religion hindoue), ceux
arrivs depuis le milieu du XIXe sicle come
k:i,.i *" sur les plantations de canne sucre.
Ils reprsentent 20% de la population. En fait,
ce sont plutt des Tamouls de la zone de
Madras. Petits planteurs surtout. Certains ont
acquis des richesses.
Zarabes: +/- 5%. Indiens musulmans principa-
lement de la zone de Gujurat (nord de Bombay).
Arrives au dbut du XXe sicle. Contrlent prs
de la moiti de l'conomie de l'le.
Chinois : Vers 1860-1870 et au course de la 2e
dcennie du XXe sicle. Proviennent de la
region de Canton notamment. Petit commerce,
picerie et la grande distribution. A peine 3%
de la population. Catholiques et mtissage reli-
gieux.
Zorys : Mtropolitains, cadres et fonction-
naires, experts pour court et moyenne
priode. 6% de la population.
En haut de la pyramid social, les Gros
Blancs et les Zarabes. En bas, les Petits Blancs
et les Noirs non croles. H.G.
mots-cls
Hegel Goutier ; crole ; malbar ; zarabe ;
zory.
N. 6 N.S. JUIN JUILLET 2008
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&h- _JJ]U-_ -UE L JJDLDU Ij
Surprenant
Conversation avec Paul Vergs, le Prsident du Conseil regional
homee est gal lui-mme, de la
tchatche, de la culture, lors de ses
conferences de press bien courses
pour sa rhtorique qui garde en
haleine mme ses dtracteurs. Ce jour-l, Paul
Vergs annonait sa grande inquitude quant
la situation de la Runion qu'il juge "en tat
d'alerte nl" du fait de la situation global de
la terre. Pour arriver aux solutions qu'il prne
: l'investissement dans les technologies du
future dans lesquelles la Runion a mis ses
atouts et le co-dveloppement avec ses voisins
de l'Ocan Indien.
D'abord, il a captiv l'audience avec une dia-
lectique cisele sur les liens entire les contesta-
tions diffuses et l travers le monde, les
incidences plantaires du binme Clinton-
Obama, les prochaines lections la prsi-
dence de la Commission europenne, la dmo-
graphie mondiale, l'augmentation du nombre
de tornades aux Etats-Unis et autres drgle-
ments climatiques, la Birmanie tant le plus
recent, et le prix des matires premires et du
ptrole. En plus des ngociations des Accords
de partenariat conomique Afrique, Carabes,
Pacifique et Union europenne et la mondiali-
sation de l'conomie.
"En face de cela, la Runion doit se dvelop-
per vite mais, en mme temps, elle subit de
plein fouet les effects globaux." Les agricul-
teurs craignent avec les APE la concurrence de
leurs voisins et nanmoins partenaires du co-
dveloppement prn par Vergs. Le secteur
priv craint l'abolition de "l'octroi de mer" qui
autorise les municipalits de l'le ajouter une
taxation particulire sur les products imports.
Et quid du fameux project "Train-Tram" pour
rvolutionner la circulation dans l'le, qui subit
de plein fouet la monte vertigineuse des prix
de l'nergie et des matires premires ?
Pour mieux nous faire comprendre ses strat-
gies de dveloppement pour sa region, la
Runion, Paul Vergs a donn une interview
exclusive au Courrier.
Avec le constat que vous faites de la situation
global qui pse sur un petit territoire come
la Reunion, de quelle marge de maneuvre dis-
posez-vous ?
Une evidence pour nous la Runion, nous
avons la modestie de notre territoire et la modes-
tie de notre population. Pour notre stratgie de
dveloppement, nous avons observ les grands
COURRIER
courants plantaires et permanents. Nous avons
retenu la croissance dmographique. Nous
tions 300.000 habitants en 1946, nous avons
une population de plus de 800.000 aujourd'hui.
Et d'un million bientt. En plus, il y a le chan-
gement climatique. On admire nos plages et on
ignore que 50% de nos barrires coralliennes
sont mortes et qu'il n'y aura plus de plages. Le
troisime grand lment rside dans les
changes. L'activit productrice principal de la
Runion est la canne et le sucre. Consequence
des accords entire l'Union europenne et l'OMC,
il y aura une chute de 36% du prix du sucre
avant 2013. Que ferons-nous aprs cette date ?
Pour des exportations se chiffrant 400.000
euros, nous importons pour 4.300.000 euros, le
tout grev par les prix des transports.
Quels sont vos atouts alors ?
Nous sommes une region intertropicale.
Schmatiquement, le XXIe sicle sera celui de
l'espace et de la mer. D'une part, nous
sommes, comme la Guyane, dans le position-
nement le plus favorable pour la conqute de
l'espace. Il faut un tiers d'nergie en moins
pour propulser un satellite d'ici par rapport
une base amricaine. D'autre part, la mer, le
point de dpart de tous les changements clima-
tiques. Il y a l des champs de recherche et
d'innovation sur les resources halieutiques et
la biodiversit par example. La Runion est
une region ultrapriphrique de l'UE et un
dpartement franais, nous avons bnfici
d'aide structurelle et de transferts en terms
d'ducation. Nous les avons utiliss pour la
formation technique et universitaire. Et nous
allons le plus loin possible dans la technique et
la connaissance. Un des 10 cyclotrons franais
utiliss dans la recherche en cancrologie est
ici. Nous avions t frapps par le /, *,.... .,
nya. Nous avons cr un centre de recherche
sur les maladies mergentes.
Nous allons installer un systme satellitaire
pour permettre de connatre le dveloppement
environnemental sur 2.500 km de diamtre et
ainsi prvoir les catastrophes climatiques
comme la scheresse et l'rosion du littoral, la
temperature de la mer diffrents niveaux et
l'tat des rcoltes.
Nous avons obtenu que le parlement franais
vote une de nos propositions de loi faisant de
l'adaptation aux changements climatiques une
priority national. Quand on voit le Grenelle de
l'environnement, la France en est notre niveau
de rflexion d'il y a 10 ans. Nous voulions dj
tre indpendants sur le plan nergtique. Nous
avions anticip sur les dispositions de Kyoto.
Nous serons ici la Runion le premier pays au
monde fournir 100% de son nergie. Nous en
sommes dj 30%, trois fois plus que la
moyenne de l'UE. Et ceci notamment avec
l'nergie hydraulique et la biomasse.
Nous avons engag des recherches sur la houle
de l'Antarctique qui vient mourir sur nos
rivages. Seul le Portugal suit actuellement
aussi cette piste. Nous allons tudier le dyna-
misme des courants pour l'installation de
l'quivalent des oliennes sur les fonds
marines. Deux experiences pareilles sont
conduites, une en Bretagne en France et une
autre ailleurs en Europe. Nous utilisons une
autre forme de dynamisme, le diffrentiel de
temperature entire le fond marin et la surface,
de 5 degrs 20 degrs.
Par ailleurs, il y a moyen d'exploiter des flux
d'eau potable circulant une centaine de
mtres de profondeur. Nous disposons d'une
telle eau. A Hawa, elle est dj commerciali-
se en bouteille. Nous avons envoy une mis-
sion sur place pour tudier comment passer
nous aussi la pratique.
Quelle est la place de vos voisins de l'Ocan
Indien par rapport ces atouts dans le cadre
du co-dveloppement que vous promouvez ?
A partir de cette situation objective don't nous
parlons, nous devons faire face la mondiali-
sation : il faut transformer les relations Union
europenne-Afrique, Carabe, Pacifique.
Comment consolider notre integration 1'UE
en mme temps que celle notre environne-
ment go-conomique ? Nous avons donc
dvelopp le concept du co-dveloppement.
Pas celui de cooperation sous-entendant un
pays dvelopp tablissant des contacts avec
des pays en dveloppement. Quand
Madagascar avait 4 millions d'habitants, la
Runion en avait 250000. Aujourd'hui,
Madagascar en a 19 millions et la Runion,
800.000. En 2025, nous en serons 1 million
et Madagascar 30 millions. Vers 2050,
Madagascar aura 43,5 millions d'habitants,
une population 11 fois plus nombreuse qu'en
1940. Nous aurons donc nos portes un pays
plus peupl que la France du milieu du XXe
sicle.
L'Institut franais de recherche maritime a
estim que 97% des prises des grands pla-
giques dans l'Ocan Indien sont faites par des
pays non riverains (Europe, Pacifique). Or
nous avons un grand dveloppement dmogra-
phique donc un grand besoin de protines. Le
devoir de l'UE est donc d'aider les pays de
l'OI construire leur flotte. Nous revenons
donc ici du global au local. Nous voulons,
avec nos voisins de Madagascar, Maurice,
Seychelles et Comores, mettre sur place une
activity de pche mme de fournir les
La Reunion ouvrir l'Europe
besoins protiniques aux 40 millions de
Malgaches dans 40 ans. H.C.
* Article 14, al. 1 Version consolide du Trait sur l'Union
europenne (Trait de Lisbonne) 9.5.2008 FR Journal offi
ciel de l'Union europenne C 115/13
"Le Parlement europen exerce, conjointement avec le
Conseil, les functions legislative et budgtaire. Il exerce des
functions de contrle politique et consultatives conform
ment aux conditions prvues par les traits. Il lit le prsi
dent de la Commission."
mots-cls
Hegel Goutier ; Paul Vergs ; APE ; tech-
nologies ; La Runion.
LES OMIBRES
RU SOLEIL
e problme le plus profound de la
Runion est le chiffre de 30% de
chmeurs, ce qui explique, consi-
dre le sociologue Laurent Mda,
une jeunesse parfois dboussole.
L'assistanat de la mtropole fournit le gros
des revenues de l'le. Les entreprises sont
souvent soutenues financirement par les
aides de la France et de l'Union euro-
penne, avec souvent comme consequence
leur manque de comptitivit. Une autre
plaie, souvent dnonce dans la press
locale, rside dans l'conomie grise
drogue, braconnage, jeux de hasard.
Les meutes dites de Chaudron en 1991
contre la corruption, pour dfendre Radio
et Tl Freedom, sont un example de
mcontentement populaire. Une operationn
main propre" a alors eu lieu. Plusieurs
grands dirigeants politiques ont t
condamns la prison. Toutes les families
politiques ou presque avaient t touches.
Camille Sudre qui symbolisait la lutte pour
la transparence, a alors t lu Prsident du
Conseil regional en 1992 mais son election
avait t invalide pour des questions de
procedure. Maggie Sudre, son pouse, a t
lue sa place en 1993.
La Runion compete : 63.000 RMIstes (allo-
cataires sociaux) et 100.000 illettrs sur une
population de 800.000 habitants. H.C.
mots-cls
Hegel Goutier ; Camille Sudre ;
Laurent Mda.
N. 6 N.S. JUIN JUILLET 2008
couvrir l'Europe La Runion
"Ziskakan ?", du crole "Jusqu' quand ?" La question tait pose par les artistes il y
a peine 30 ans quand les piliers de la culture crole et populaire taient mal consi-
drs, la langue crole interdite dans les coles, la musique et la danse maloya car-
tes des grandes scnes, le tambour, maudit, assimil la sauvagerie. Pounia est une
icne dans son pays mais il est difficile de lui arracher un "je" dans la conversation
car tout ce qu'il a fait, cr, rvolutionn, il en estompera le prestige derrire un "on"
ou un "nous" modest, comme une offrande tous ceux qui se sont agglutins autour
de lui. Plus que de la modestie, du raffinement.
1 explique que Ziskakan est un flux qui vient de partout, Inde, Asie, officielle. Cela aurait t considr comme une provocation.
Europe, pas just une juxtaposition. "Comme dans toutes les les, Au dbut, le group jouait dans les champs de canne. Lui et ses compa-
notre culture vient du viol et de la violence, mais ce qui en est sorti
est beau, fruit de la souffrance, de plusieurs souffrances l'une
ct de l'autre, qui ont fini par tre ensemble. Ziskakan est l'image
de ce pays."
Plus qu'un group d'artistes, Ziskakan est un movement. Cr il y a
une trentaine d'annes, le group de Pounia a commenc par jouer les
musiques locales, sega et maloya. Avant, celle-ci tait peine tolre,
presque interdite. Grce une mobilisation qui a touch de plus en plus
de Runionnais, "notre culture est sortie de la clandestinit". A
l'poque, c'tait un vnement de voir le gros tambour sur une scne
gnons sont alls enseigner la musique aux gens du people, les conscien-
tiser, en projetant par example des diapos sur l'Afrique du Sud en lutte
contre l'apartheid. "La musique tait un support de l'engagement. Le
parler crole aussi, mme pour dire que la montagne tait belle, mme
pour faire du doudouisme et du folklorisme." C'est la langue en soi qui
tait frappe d'un ostracisme que la persvrance de Ziskakan et d'au-
tres groups apparus dans son sillage allait contraindre s'assouplir
puis disparatre.
Ziskakan travaille ds le dpart sur beaucoup de terrains, diffusion
musical, dition de livres de posie, de contest traditionnels, adaptation
COURRIER
La Reunion COuvrir lEurope
pour le thtre de beaucoup d'oeuvres du corpus traditionnel. Et ds les
premires opportunits, Pounia allait profiter du crneau des radios
libres pour donner la parole tous, desserrer le billon appliqu sur la
culture populaire. Il en a profit pour faire dcouvrir chez lui des
artistes d'ailleurs come Joby Berab de Martinique, Toto Bissainthe
d'Hati, Patrick Victor des Seychelles.
Un grand colloque de Ziskakan sur la culture runionnaise en 1981 a
cristallis les volonts en vue d'une nouvelle prise en compete de la
nature profonde de cette terre. Et dans le sillage de l'arrive au pou-
voir de la gauche en France, le movement va s'amplifier mais le gros
tait dj fait. "Quand la gauche est arrive, nous avions dj dbrous-
saill le terrain. La victoire de la gauche n'en a pas moins donn beau-
coup d'espoir."
Ziskakan a-t-il fait alors le choix de l'exprience politique ? "Si c'est
Jimmy Hendricks Experience, oui, sourit Gilbert Pounia. Non, nous ne
sommes que des gratteurs de guitar. Nous avions continue faire ce
que nous faisions, jouer, travailler le crole et crer de plus belles
images encore dans cette langue si imagee"
Par contre, les politiques sont alls vers Ziskakan partir de 81. Avant,
il n'y avait que le Parti communist qui avait os le faire. Dornavant,
les portes des scnes ont commenc lui tre ouvertes. "Et puis,
Philippe Constantin de Polygram a aim notre travail et a t le premier
nous diter une grande chelle. Son intrt tait surprenant car je ne
suis pas bien dans un moule et je n'avais pas envie de formater ma
musique aux trois minutes rglementaires pour passer la radio."
Trente ans plus tard, Ziskakan a toujours le mme succs la Runion.
Pounia y est toujours vnr. Le grand acteur franais, "notre ami"
Richard Bohringer, tourne avec un de leurs spectacles de contest, Ti Jan,
cr en crole qu'il a adapt en franais. Ziskakan dite et product aussi
des artistes de tout l'Ocan Indien, come le pote Michel Ducasse et
l'crivaine Shenaz Patel de Maurice. Il s'apprte diter un livre d'un
philosophy malgache.
H.G.
mots-cls
Gilbert Pounia ; Ziskakan ; crole ; Richard Bohringer ; Toto
Bissainthe ; Joby Bernab ; Patrick Victor ; Michel Ducasse ; Shenaz
Patel ; Runion ; Hegel Goutier.
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" A^ Commentaires de Patrice Louaisel* prsents par Hegel Goutier
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> Saint Expdit unr par les
chrtiens et les hindous contre
toute attente
l_.1 1' ,itl li l e C tIC t.ll LU 'Mi II l,.ltlllt .1 1.1 1 1
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couvrir l'Europe La Runion
maginez, dans ce qui resemble un cer-
cle d' peine 200 kilomtres de circonf-
rence, des plages loves dans des criques
aux surfaces tales ou dissimules comme
des piscines derrire des lignes de rochers les
protgeant des houles. Et quelques hectom-
tres de l, d'autres aux vagues imptueuses
tutoyant l'audace des surfers les plus aguer-
ris. Tournez le dos la mer et grimpez la mon-
tagne toujours proche, et c'est le vent frisquet
entire les frondaisons de pays temprs. Si ce
n'est la neige, une fois tous les 20 ans, il est
vrai, mais a arrive sur le Piton des Neiges. La
dernire fois, c'tait il y a un an, elle a provo-
qu presque des meutes de curieux pregnant
un jour de cong pour aller admirer la pou-
dreuse et qui se voyaient bloqus par la gen-
darmerie craignant des boulements.
Dans la montagne donc, la neige... ou le feu.
Le Piton de la Fournaise bouillonne, le volcan
est en phase de travail depuis des annes. La
lave de la dernire ruption d'il y a presque
deux ans est encore rougeoyante en certain
endroits. Ne manquez pas de voir l'glise
miracule de Sainte-Rose contourne de prs
sans tre dvaste par la monstrueuse coule
de lave de l'ruption de 1977. Pour en tmoi-
gner, la lave durcie est conserve telle quelle
pour la dvotion des plerins.
Toutes les parties de l'le mritent une visit. A
commencer par la capital Saint-Denis, fran-
aise, indienne et crole la fois, avec ses
belles cases (maisons) croles, ses villas de
style Gingerbread, ses buildings lgants et ses
magnifiques lieux du culte, mosque, temple
tamoul, temple chinois, glises. Les Hauts de
Saint-Denis sont riches de petits coins tran-
quilles entire des btiments de prestige domi-
nant, la mer comme ceux de l'universit.
Sur la "Cte sous le vent" l'ouest, de beaux
petits coins champtres semblent protgs du
brouhaha moderne, comme le Moulin eau de
Saint-Paul situ dans un village o le temps
semble s'tre arrt. Un peu plus loin, s'ta-
lent de belles plages, Saint-Gilles-les-Bains en
COURRIER
i r- .
mro w
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-r
11;
est une des plus prises. Et il suffit de s'en
carter un peu vers les hauteurs pour tre
envelopp du parfum des graniums. Plus haut
encore vous arriverez aux trois cirques consti-
tuant le Piton des Neiges avec ses multiples
cascades comme le Voile de la Marie. Entre-
temps, admirer avant les ventuels brouil-
lards et les pluies battantes de Salazie : Sainte-
Suzanne avec ses champs de canne tendus
l'ombre de majestueux temples tamouls.
Pour la vanille, la varit Bourbon, le meilleur
du monde semble-t-il, il faut aller plutt au
sud-est, du ct de Basse Valle, et en profiter
pour admirer les multiples coules de lave du
volcan. Mais les belles senteurs et les belles
couleurs de la nature vous poursuivront
presque partout, la fantaisie des petites fleurs
d'antigone rose ou blanche, les hibiscus, toutes
sortes de fougres, du vtiver, des hibiscus -la
vanille en est un d'ailleurs -sans oublier les
notes magiques et capiteuses de l'ylang-ylang.
La Reunion couvrir I'Europe
Toutes ces visits invitent la fringale. Pour
les curiosits gastronomiques, on peut s'arr-
ter Saint-Paul prs de son moulin pour go-
ter au tangue, proche du hrisson, prpar en
civet ou en cari. Tout cela arros du vin des
coteaux de Cilaos ou de son eau minrale. On
peut faire confiance aux tibars le long des rues
ou des routes. La quality et la propret y sont.
Un autre cari original est celui de bichiques,
alevins de cabot, ou de bouche ronde, partant
de la mer et remontant les course d'eau. C'est le
caviar local, relativement cher mais vos
papilles apprcieront.
H.G.
mots-cls
Hegel Goutier ; Piton des Neiges ; Piton de
la Fournaise ; vanille Bourbon ; tangue ;
bichiques.
Presque 2 milliards de I'UE pour
TC
I- -
L e s ni lr s u m o a ae m s e au x s l aar fa -
grmpeon i eniro milir *mu Le i prga mis I ivlop m ive le od ert ir I Irvr ntm etd s mrsaxd
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nau aj ute sifet aute mupot.Pu met niedesrg Ils cocrnn IsB rih e s inu asi rleetciai ifcls
200 20i Ie toa des Iod itucurl euo l' miorto ie *icoptiii t deas ser f aib suericie ai a
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N. 6 N.S. -JUIN JUILLET 2008 157 1
IIIULS-LIIS
P id ISIISU dUie ;l [ lO ;] [ communautsIPI
Intenet; Afiqu in isu; Binnae d
photo
Mnil
ilri
'ffrique : miroir
?,
Ndary L, La Muraille verte,
Dak'art 2008 'Afrique : miroir ?'
Photo Valentina Peri
Une biennale d'art est toujours une occasion ne pas manquer. Celle de Dak'Art, au
Sngal, est en outre un excellent prtexte pour dcouvrir l'un des centres culturels les
plus bouillonnants d'Afrique et le seul project panafricain au monde mettant l'hon-
neur l'art contemporain. Cr par le clbre pote, intellectual et prsident-fondateur
Lopold Senghor, instigateur en 1966 du "Festival des Arts ngres" destin promou-
voir la culture afro-centrique moderne en opposition directed au colonialisme europen,
Dak'Art a t remis l'honneur la fin des annes 80.
L
a Biennale Dak'Art s'articulait cette anne autour du thme
"Afrique : Miroir ?". L'vnement, qui s'est tenu du 9 mai au 9
juin, s'est avr plus grandiose et plus intressant que jamais.
Outre des artistes de tout le continent, cette dition 2008 ras-
semblait galement des projects parallles portant sur la musique, la
mode et le design africains mais aussi des rencontres et des changes
couvrant un large ventail de projects culturels d'envergure internatio-
nale, y compris dans le domaine des nouveaux mdias.
> 130 expositions dans le cadre d'un project
sngalais
C'est le president Wade en personnel qui a inaugur le vernissage official
au Muse T. Monod (IFAN). Il a rappel avec loquence l'importance de
la culture contemporaine au Sngal, la prsentant comme un instrument
de cooperation international mais aussi de dveloppement national. Car
il s'agit bien, en effet, d'un project sngalais, finance et organis par un
comit d'orientation dirig par Ousseynou Wade et prsid par un nou-
veau venu, Grard Senac, collectionneur et mcne, directeur d'Eiffage,
une des plus grandes entreprises du Sngal et partenaire de Dak'Art. Ce
comit d'orientation comprend d'autres personnalits, parmi lesquelles
Gilles Hervio, chef de la dlgation de la Commission europenne,
Thierry Raspail, directeur de la Biennale de Lyon en France, Goran
Christenson du Muse de Malm en Sude, ainsi que de nombreux sp-
cialistes et artistes africains comme Abdoulaye Konat, Sithabile
Mlotshwa, directrice de la Fondation Thamgidi, Maguye Kass, profes-
seur, et Issa Samb, directeur du laboratoire "Agit-art". Riche de plus de
130 expositions organises aux quatre coins de Dakar et de sa grande
banlieue, l'dition 2008 de Dak'Art s'est dploye sur deux niveaux. Les
sites officials de Dak'Art IN (l'IFAN, la Galerie national d'art et la
Galerie Le Mange, rnove rcemment) ont accueilli quelque 35 artistes
bien tablis comme Fathi Hassan et Ndary Lo. Pour sa part, Mauro
Petroni, resident de longue date, a mis l'honneur, en tant que conserva-
teur, Dak'Art OFF, qui a invest une myriade de sites divers. Un pous-
touflant nouvel ensemble architectural, cr sur la Coriche, a accueilli
une grande retrospective du matre sngalais Iba Ndiaye. A retenir ga-
lement cette anne le trs intressant "Gore Regards sur course" dans le
cadre duquel une cinquantaine d'ateliers, de course et de jardins privs
don'tt la villa de George Soros !) de l'le de Gore ont ouvert leurs portes
au public pour le week-end, chaque site tant consacr un artiste. Une
initiative parallle tait aussi organise l'atelier de Gore du trs cl-
bre M. Dim o les visiteurs ont pu dcouvrir de jeunes metteurs en scne
associs "Free dimensional", une plate-forme international faisant le
lien entire les communauts artistiques et la justice social.
N. 6 N.S. JUIN JUILLET 2008
I
Crativit
> Un unement uritablement international
Cette anne, la biennale a invest un "village" d'accueil sur le site de
l'ex-IFAN o les journalists et le public ont pu se rencontrer, voir une
srie de vidos et participer diverse rencontres avec d'minentes per-
sonnalits, comme le conservateur et crivain Simon Njami (crateur de
"Africa Remix" et directeur des "Rencontres africaines de la photogra-
phie" Bamako, au Mali), l'Angolais Ferando Alvim (organisateur du
Pavillon d'art africain de la biennale de Venise 2007) et Salah Hassan
du Forum for African Arts. Epinglons galement les contacts avec des
artistes et des journalists sngalais comme le clbre dessinateur de
bande dessine T.T. Fons, crateur de "Goorgoorlou". La villa pour l'art
Ker Thiossane a accueilli pour sa part Afro Pixel, un intressant festi-
val runissant des artistes africains qui utilisent Internet et les mdias
numriques. Enfin, Elio Grazioli de Milan et "Lettera 27" ont anim un
dbat sur la creation de WikiAfrica Art destin Wikipedia.
Dak'Art est un vnement rellement international o l'on peut admi-
rer des oeuvres d'artistes allemands, franais, israliens et espagnols, y
compris des Canaries, qui exposaient leurs crations sur les nombreux
sites. Le Sngal et ses artistes se sont naturellement taill la part du
lion : l'exposition-reprsentation de l'artiste V. Diba la galerie de
Joelle Le Busy Fall a attir beaucoup d'attention.
Comme lors des ditions prcdentes, l'extraordinaire cratrice de
mode Oumou Sy a organis pas moins de trois dfils mettant l'hon-
neur de jeunes crateurs sngalais et ses propres crations, l'espace
Metissacana. Le "Thtre national Daniel Sorano" a prsent quant
lui une interpretation original de La Mort et l'Ecuyer du Roi de Wole
Soyinka, tandis que diffrentes discothques comme le Just for You et
le Pen'Art ont permits ceux qui le souhaitaient de s'imprgner de
musiques et de danses locales jusqu'aux petites heures. M
*Critique d'art et directrice de la galerie "Sala 1" Rome (Italie).
mots-cls
Dak'Art 2008 ; art contemporain ; Sngal.
COURRIER
Crativit
Joshua Massarenti
Ime poids, mme
measure pour les
'H1TI-HEROS'
d u Z im b b e Lacouverture de edition itanne du vre
LA PLANTATION*
Mettre l'affiche Clark Gable et
Vivien Leigh, protagonistes
inoubliables de Au temps en
emporte le vent, en premiere de
couverture d'un roman africain peut paratre un
choix ditorial pour le moins tonnant. Et pour-
tant, dans sa volont d'illustrer l'ceuvre de
Calixthe Beyala, La piantagione (traduit de La
plantation, Albin Michel, 2005), par le plus cl-
bre des baisers hollywoodiens, la maison d'di-
tion italienne Epoch ne fait qu'insinuer ce qui,
au fil des pages, apparatra comme l'un des
thmes centraux du livre de la romancire came-
rounaise : le destin d'une jeune africaine blanche,
Blues Cornu, confronte l'croulement d'un
monde de privileges bti sur les drives de la dis-
crimination racial. Comme Tara, tombe sous le
joug de la guerre de Scession amricaine (1861-
65), la famille Cornu doit elle aussi faire face aux
revirements de l'Histoire. Dans le Zimbabwe du
presidentt dmocratiquement lu vie" (son
nom n'est pas cit), l'anne 2000 sonne le glas
pour les richissimes fermiers blancs, invits
quitter le pays pour laisser leur place aux Noirs
africains. Et comme Scarlett O'Hara, Blues pr-
fere dfendre ses terres plutt que de vouer sa vie
aux hommes, convaincue que "demain sera un
autre jour". Mais les similitudes s'arrtent l.
Alors que dans la production hollywoodienne,
les Noirs ne servent que d'accessoires, La pian-
tagione ne laisse pas aux Blancs les premiers
rles. Certes Beyala, connue pour son engage-
ment contre le racism d'Europens, prend cette
fois le parti des colonisateurs, mais c'tait sans
computer sur son clair dessein d'une fresque o "il
n'y a que des anti-hros". Les dsastres accumu-
ls par Mugabe dans son processus de spoliation
des propritaires terriens blancs ont srement
convaincu l'crivain de ne pas brosser un monde
manichen. "Aucun personnage", assure-t-elle,
"n'est totalement clair. Tout tre human est fait
de lumires et d'ombres". Avec La piantagione,
Calixthe Beyala a su djouer le pige des identi-
ts raciales pour brosser des portraits d'hommes
et de femmes unis par leur attachment au conti-
nent africain. Dans le bien et dans le mal. M
* A l'occasion de la sortie rcente en Italie du dernier roman
de Calixthe Beyala, La piantagione, Epoch, 2008 (La plan-
tation, Albin Michel, 2005).
mots-cls
Calixthe Beyala ; Zimbabwe ; littrature;
racism.
Athltisme jamaicain :
un modle pour le mOnDE
Depuis 1948, la Jamaque a dcroch sept
mdailles d'or, 24 mdailles d'argent et 19
mdailles de bronze aux Jeux olympiques. En
cette anne olympique, un livre du Jamaicain
Patrick Robinson parat point nomm.
L'auteur tente d'expliquer pourquoi les
Jamaicains sont devenus des athletes tellement
exceptionnels. "Ces performances ont t rali-
ses avec de faibles moyens, voire sans aucune
resourcee, a expliqu Robinson lors du lance-
ment, Bruxelles, de son livre Jamaican
Athletics: A model For the World. Robinson est
juge la Cour pnale international de La
Haye, mais il est aussi un grand amateur de
sport. Selon lui, c'est le systme dvelopp en
Jamaque au travers des championnats inter-
coles (Interscholastic Championships
CHAMPS) qui est l'origine de telles perfor-
mances chez les juniors. A un niveau suprieur,
de nombreux athletes jamaicains prometteurs
allaient volontiers tudier et se perfectionner
aux Etats-Unis. Cela se passait avant les annes
1970. Depuis, le Col'/ie of Arts Science and
Technology (CAST), devenu plus tard la
University of Technology (UTECH), a combl
le vide. "J'y vois une opportunity fantastique
pour la Jamaque, qui pourrait ainsi devenir une
vritable plaque tournante de l'athltisme, un
centre mondial spcialis dans cette discipline",
prdit l'auteur. D.P. M
Jamaican athletics a Modelfor the World par
Patrick Robinson.
N. 6 N.S. JUIN JUILLET 2008
LA PtAN-1A(iloS1T
donn cette rponse : "J'ai crit
des livres pour coucher avec des
filles et gagner de l'argent. J'ai
couch avec beaucoup de filles et j'ai gagn
beaucoup d'argent, je ne vais quand mme pas
passer toute ma vie tre crivain".
L'auteur succs de Comment fire l'amour
avec un ,. -.. sans se fatiguer a encore
frapp. Aprs la srie d'uvres o il a tant fait
rire et pleurer la fois, inventant un roman-
tisme sans pleurnicherie, sans crinoline, allant
de L'odeur du caf au Charme des aprs-midi
sans fin, il s'tait vou d'autres exercices :
scnarios, livre et film conjugu come son
Vers le Sud. Mais surtout, il brouille les pistes
du lecteur.
D'abord il fait croire qu'il ne parle que de lui-
mme. Dans Je suis un crivain japonais, il-
ou le personnage qui utilise le "Je" come
dans une autobiographie rpond un fonc-
tionnaire de l'ambassade du Japon qui lui
demandait s'il crivait bien sur le Japon "Je
n'cris jamais sur autre chose que sur moi-
mme". Ceci se passe aprs la mort d'une dan-
seuse japonaise tombe de la fentre de son
appartement. La police monte canadienne
enqute aussi. L'auteur (ou le personnage)
parle de sa vie en Hati, au Canada. D'abord
comment il en est arriv au project d'un livre
don't le titre serait "Je suis un crivain japo-
nais". Pour avoir une advance de 10 000 dollars
de son diteur, il lui a balance sans rflchir ce
titre qui lui est pass sans raison par la tte.
Il faut alors crire. Il va visiter des lieux inter-
lopes, le caf Sarajevo avec ses torrides dan-
seuses japonaises mi-perverses, mi-dmiurges.
Il jette son dvolu sur Basho (1644-1694),
don't il avait vaguement ctoy l'euvre dans le
pass, adoptant son rcit La Route troite vers
les districts du Nord. Il entire littralement
dans le livre. Ou ce moine rus, pote vaga-
bond, est entr en lui. Il paiera cher ses diva-
gations entire Basho et les Japonaises du
"Baisers Incorporation" au Sarajevo.
Suspense.
Quand Laferrire -ou le personnage qu'il
appelle Je parle de lui, il parle de la vie, de
l'essentiel, de l'amour, de la mort. Il parle sur-
tout de vous. En slamant. D'un jazz saccad
avec un swing come une extase, une jouis-
sance. Vous berce et vous fait peur.
J'ai voulu parler du livre sans en lire les der-
nires pages, sans risque donc de livrer la clef
de l'nigme, si nigme il y a. Je ne sais donc
pas dans quelle histoire je suis tomb. Mais
quelle histoire Excusez, je vais achever ma
lecture. H.G. M
DANY LAF;I ]l(:I I..
Je suis un
ecnvain japonais
Grasset
Je suis un crivain japonais, Dany Laferrire,
268 p, 2008 Editions Grasset, Paris France
Keywords
Hegel Goutier ; Dany Laferrire ; Haiti;
littrature ; japonais.
COURRIER
CtfEfS TFJEitc TArEaR, o A fl AM&f.MENT Ir
Q^k~cr-^/ \ F1ANWEST-TToM.S V(L
O OON AF I Py varDdiEer Vod
.1 P/v
AWl Du MSTRMOLE ,Ibo F,
Pr> .Da e NE ESSE T'
Aw&rMCfTM M oo C
0oo $A4 MoMENT Jo VOX C'oLT ~L E
\ beS C&RA JE6 FL ROuLE R YRorfE
jPA FASM D& cT
1. vfr 7 t j- i-TT
II N&USSlTFbLR NyoouRilf L
oN ftIr WI E
,DIP -4.K r IE VT(ANbE
N. 6 N.S. JUIN JUILLET 2008
Sux plus jeunes
ON A FAIM! Par Didier Viode
I votre coute
La parole
aux lecteurs
J'ai trouv les articles sur le Timor oriental trs instructifs. Dans mon pays, il n'existe mal-
utiles. J'tudie depuis un certain temps la heureusement pas, ma connaissance, de
situation au Timor et la lecture de ce dossier
m'a beaucoup aid. Je suis convaincu que
l'aide au dveloppement est la meilleure
approche pour soutenir les pays mergents.
Merci pour la publication.
Yurithzi
J'ai trouv les articles du premier numro sp-
cial ("50 ans de cooperation ACP-UE") trs
publications sur ces thmes et la plupart des
gens ne savent pratiquement rien sur
l'Afrique. Mme l'heure actuelle, alors que
nous faisons officiellement parties de l'UE, je
ne pense pas que mon pays ait mis en place
une quelconque initiative d'aide aux pays
ACP. Outre l'arrogance de certain politi-
ciens, je pense qu'ici, les gens ont encore
l'esprit qu'ils habitent dans un pays bnfi-
Vos points-de-vue
et vos reactions
nous intressent.
N'hsitez pas
nous en faire part.
ciaire des programmes. Ils ont du mal se
rendre compete que nous pouvons aussi tre
des bailleurs d'aide et exporter ce titre notre
experience de la mise en euvre de projects.
Quoi qu'il en soit, la premiere chose faire
la plus important sans doute -est d'appren-
dre connatre les pays ACP.
Rumyana Dobreva
Merci pour tout ce que vous faites.
Crescent Mwebaze
Ad L Corer 4 R de T: 1
emi: no@acp-ucurir.n- wesie vvwapeucourS S
Calendrier
Juin Juillet 2008
EUROPEAN DEVELOPMENT DAYS
Ilrol-ro -1i5.r Nsv i en r MU .i.***p,-i
Aot 2008
> 19-21 Runion annuelle du Forum du
Pacifique
Septembre
> 1-4 Forum de haut niveau sur l'effica-
cit de l'aide, Accra, Ghana
> 8-11 13e session de l'Assemble parle-
mentaire ACP
Runion des parlementaires
d'Afrique, des Carabes et du
Pacifique, Bruxelles, Belgique
> 12-13 Forum Mdias et dveloppement,
Ouagadougou, Burkina Faso
> 15-18 4e runion des ministres des
Finances ACP, Bruxelles, Belgique
Octobre
> 2-3 Sommet des chefs d'Etat et de
gouvernement ACP, Accra, Ghana
> 16-18 Sommet de la diaspora africaine,
Johannesburgh, Afrique du Sud
> 27-30 Deuxime forum mondial sur la
Migration et le Dveloppement,
Manilles, Philippines
nouembre
> 15-17 Strasbourg accueille les Journes
europennes du Dveloppement
2008. La ville franaise de
Strasbourg accueillera la 3e dition
des Journes europennes du dve-
loppement (JED). Ce forum annuel
organis par la DG Dveloppement
de la Commission europenne se
tiendra du 15 au 17 novembre. Il aura
pour thme les autorits locales et le
dveloppement. www.eudevdays.eu
> 24-27 16e session de l'Assemble parle-
mentaire paritaire ACP-UE
Runion semestrielle des parle-
mentaires des pays ACP et de leurs
homologues du Parlement euro-
pen, Port Moresby, Papouasie
Nouvelle Guine
> 29-3 Confrence sur le financement du
dveloppement : bilan du consen-
sus de Monterrey, Doha, Qatar
Dcembre
> 4-5 Runion des responsables des orga-
nisations d'intgration rgionale
des pays ACP, Bruxelles, Belgique
> 11-12 88e session du Conseil des minis-
tres ACP, Bruxelles, Belgique M
COURRIER
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C urrierLeLe magazine des relations et Coopérations Afrique Caraïbes Pacifique et Union européenne N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008EDITORIALQuand une belle image s'estompe 3POINTS DE VUEAccroître l'efficacité de l'aide : une perspective ACP 4 Il faut des actions, pas des paroles 5TOUR DÂ’HORIZON6DOSSIER Crise AlimentaireCrise Â…graines de colère, graines de changement 11 Quand lÂagriculture sÂinvite à la table des grands 12 ÂIl nous faut une politique agricole mondialeÂŽ 14 Questions ouvertes 16 Le Âpotentiel considérableÂŽ de lÂAfrique 18 Pacifique : une sécurité relative 20 Les Caraïbes sÂinterrogent sur leur dépendance aux importations 22INTERACTIONSLa considération de la Slovénie pour l'Accord de Cotonou 23 Coopération UE, la Réunion et Océan Indien 24 La gouvernance dans tous ses états à Ljubljana 25 Etudier les aspects positifs des migrations 27COMMERCEEt si le Mozambique devenait un dragon économique africain ? 29ZOOM Une journée dans la vie de Derek Walcott 31DE LA TERREDéploiement de satellites pour lutter contre la pauvreté 33REPORTAGEGhanaLe Ghana moderne, loin du Ghana ancien 36 Préparer les élections de décembre 38 Providence, prudence et préparation 41 Nouvelle aide de lÂUE pour la gouvernance et le transport 43 Un rôle pivot dans la région 45 Le Ghana Â… accueillant à lÂexcès 46 Restaurer le passé au profit de lÂavenir 47DECOUVRIR LÂ’ EUROPELa RéunionEssence de cultures. Evanescence de préjugés 48 Histoire 50 Vocabulaire pour comprendre l'histoire 51 Le bas de laine de la Réunion, la haute technologie 52 ÂJusquÂà quand ?ÂŽ 54 Teixeira da Mota, première mère de la Réunion et autres histoires 55 Neige et feu sous les tropiques 56 Presque 2 milliards de l'UE pour booster l'économie réunionnaise 57CREATIVITEAfrique in visu : rencontres de photographes en ligne 58 La culture contemporaine au Sénégal : DakÂArt 2008 ÂAfrique : Miroir ? 59 Même poids, même mesure pour les Âanti-héros du Zimbabwe 61 Athlétisme jamaïcain : un modèle pour le monde 61 La provocation affectueuse 62AUX PLUS JEUNESOn a faim! 63A VOTRE ECOUTE/AGENDA64 Sommaire LE COURRIER, N.6 NOUVELLE SERIE (N.S)
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Nandipha Mntambo, Les combattants, plusieurs dimensions, cuir, résine, polyester, corde huilée 2006. Avec l’aimable autorisation de .ZA young art from South Africa, Palazzo delle Papesse à Sienne
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N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 E ditorial 3 Quand une belle image sÂestompe L es dernières nouvelles dÂAfrique du Sud nÂétaient pas bonnes. Et le malaise de la plupart des commentateurs était manifeste. CÂest que lÂimage du pays qui a réalisé ce qui est probablement la révolution la plus sympathique du vingtième siècle, celle qui avait pour ancrage lÂhumanisme, le pardon et lÂempathie, venait dÂêtre ternie par quelques groupes de nervis qui sÂen prenaient sans discernement aux étrangers plus vulnérables quÂeux, les immigrés africains les côtoyant dans lÂindigence des banlieues déshéritées. Pire, les petits groupes de brutaux qui avaient commencé ont fait école et lÂEtat a dû après une période de tergiversation déployer de gros moyens pour juguler la chasse au bouc émissaire. Une belle photo sÂest comme voilée sinon chiffonnée. Quelque chose de grand sÂest ratiociné. Ces débordements horribles ont toutefois permis dÂenrichir la réflexion sur les questions dÂimmigration. DÂabord de se rendre compte que le plus grand poids des réfugiés originaires de pays pauvres est sur lÂépaule dÂautres pays pauvres. On apprenait que les seuls émigrés du Zimbabwe en Afrique du Sud atteignaient le chiffre de trois millions. Et plusieurs pays africains beaucoup plus démunis que lÂAfrique du Sud hébergent des nombres impressionnants de migrants de territoires voisins. Le hasard a fait que les ministres du Groupe Afrique, Caraïbes, Pacifique tinssent leur Conseil au moment où la situation nÂétait pas encore tout à fait calme en Afrique du Sud pour lancer lÂobservatoire ACP sur les Migrations. Le Courrier en rend aussi compte. CÂétait lÂoccasion pour certains dÂentre eux dÂappeler leurs collègues à prendre des mesures législatives fermes contre toutes formes de racisme et de xénophobie. Cette fois-ci un appel de cette sorte ne visait pas des pays développés mais les membres de la famille ACP. De quoi gêner des donneurs de leçons. Nous rendons compte des nouvelles du front de la crise alimentaire. CÂest notre grand dossier. Où il apparaît que des régions pauvres détiennent parfois beaucoup plus dÂatouts quÂon ne le croit. CÂest le cas de plusieurs pays dÂAfrique et du Pacifique. Nous y apprenons aussi quÂil nÂy a pas de réel manque de produits alimentaires. Ce qui ferait défaut cÂest une répartition de la production garantissant la sécurité alimentaire de tous. Ainsi, le manque le plus important résiderait dans lÂabsence dÂune politique agricole globale. Certains en ont pris plus conscience que dÂautres. CÂest certainement le cas de le Réunion qui fait lÂobjet de la rubrique de découverte de région dÂEuropede ce numéro de notre magazine, et qui a été le promoteur dÂune stratégie de co-développement de lÂOcéan Indien, avec ses voisins de Madagascar, Maurice, Seychelles et Comores, qui se déploiera sur de nombreux axes allant dÂune flotte de pêche commune à la surveillance des changements climatiques et à la migration entre les îles, dÂentreprises et de travailleurs. Une image sÂembellit. Hegel Goutier Directeur et Rédacteur-en-chef
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Accroître lÂEFFICACITE DE LÂAIDE: une perspective ACPEFFICACITE DE LÂ’AIDE : POSITIONS DU GROUPE ACP ET DE LA COMMISSIONE EUROPEENNE Accroîtrel EFFICACITE DE LÂAIDE :une perspective ACP P oints de vue 4 L a Déclaration de Paris de 2005 a vu les ministres des pays développés et en développement atteindre un Âconsensus global sans précédentÂŽ au sujet dÂactions tangibles et de grande envergure à adopter pour améliorer de manière significative lÂoctroi et la gestion de lÂaide au développement. Cette décision a été prise dans le contexte des Objectifs du Millénaire pour le développement, établis par la Déclaration du Millénaire des Nations Unies, mais aussi en référence au consensus de Monterrey qui, en 2002, a défini une augmentation proportionnelle de lÂaide publique au développement (APD) jusquÂà 0,7% du RNB (Revenu national brut) des pays donateurs dÂici à 2015. La Déclaration de Paris a mis en évidence cinq grands principes: appropriation, alignement, harmonisation, résultats et responsabilité mutuelle. Elle a également défini 12 indicateurs de progrès, assortis dÂobjectifs cibles à atteindre pour 2010. Néanmoins, lÂévaluation de lÂaide fournie depuis la publication de la Déclaration de Paris et de lÂimpact de cette aide montre que la réalité nÂincite guère à lÂoptimisme. Pour cette raison, le 3e Forum à haut niveau, qui sÂest tenu à Accra, a été organisé au moment opportun pour recentrer lÂattention des donateurs et des pays partenaires sur ce qui avait été convenu à Paris. On comprendra quÂil est vain dÂentamer un débat sur lÂefficacité de lÂaide si le volume de celle-ci nÂa pas été augmenté. Selon les prévisions actuelles, il y aura bientôt une réduction du volume de lÂAPD, et ceci affectera surtout les États pauvres et fragiles*. Cette évolution possible risque de compromettre le consensus de Monterrey et de mettre en péril lÂatteinte des OMD. LÂUE, dont la contribution à lÂaide au développement a chuté en 2007, a déclaré sa volonté de redoubler dÂefforts pour veiller à ce que ses contributions lui permettent dÂatteindre lÂobjectif du doublement de son APD dÂici 2010 et de tenir les engagements quÂelle a pris à lÂhorizon 2015. Je tiens, au nom du groupe ACP, à remercier lÂUE pour ses efforts. Toutefois, tous les donateurs et les pays bénéficiaires doivent prendre des mesures plus immédiates afin de raviver lÂenthousiasme qui avait mené à la Déclaration de Paris. La question de lÂappropriation revêt une grande importance pour les pays bénéficiaires, qui doivent en effet pouvoir se sentir ÂcopropriétairesÂŽ du processus de mise en Âœuvre de lÂaide. La déclaration de Paris prévoit dÂaligner la mesure de lÂappropriation sur la Stratégie de lutte contre la pauvreté du pays concerné. Une étude conjointe UE-ACP a révélé que, en réalité, ce processus avait pour effet de limiter les possibilités dÂaccroître lÂappropriation**. La question est de déterminer qui connaît le mieux les problèmes dÂun pays qui nécessitent de lÂaide. Très souvent, les agences gouvernementales et même les membres de la société civile sont plus au courant des problèmes que les agences de donateurs. Toutefois, pour assurer la responsabilité de lÂaide, les agences de donateurs sÂimpliquent dans le processus plus quÂil nÂest nécessaire. Le groupe ACP, le plus grand bloc de pays bénéficiaires dÂaide, estime quÂil est possible dÂaméliorer lÂappropriation par la confiance et le dialogue éclairé. Pour le groupe ACP, la ÂprévisibilitéŽ de lÂaide constitue une autre préoccupation. Les retards accumulés dans lÂoctroi de lÂaide créent immanquablement des problèmes pour les gouvernements des pays bénéficiaires. Pour remédier à ce problème, lÂintroduction par lÂUE de contrats relatifs aux OMD constitue un pas dans la bonne direction. Tout aussi préoccupante est la nécessité dÂaméliorer la cohérence des diverses politiques menées dans certains secteurs très importants pour les pays en développement, à savoir lÂagriculture, le commerce, lÂinvestissement et la migration. Afin dÂassurer cette cohérence, il importe dÂaligner les politiques par donateurs et bénéficiaires, cela pour veiller à ce que les efforts dÂaccroissement de lÂefficacité de lÂaide réalisés dans un domaine ne créent pas dÂobstacles dans un autre domaine. En effet, certaines questions concernant les pays bénéficiaires, par exemple la capacité dÂabsorption de lÂaide, sont autant de contraintes pratiques qui ne peuvent être ignorées par aucune des parties prenantes. CÂest cependant surtout pour cette raison précise que la Déclaration de Paris a été adoptée. Quant aux pays bénéficiaires, il devrait aussi leur incomber de redoubler dÂefforts, au niveau tant bilatéral que multilatéral, pour sensibiliser les donateurs, y compris les nouveaux membres comme la Chine, lÂArabie saoudite et le Venezuela, à la nécessité dÂadhérer à certains engagements importants tels que ceux qui ont été exprimés aux conférences de Monterrey et de Paris. Telle est la seule façon de nous recentrer sur une lutte efficace contre la pauvreté et dÂatteindre les OMD. * World Bank, Global Monitoring Report 2008: MDGs and the Environment; Washington DC, p. XIX. ** Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE, Commission du développement économique, des finances et du commerce, 03.03.2008, [DT\704928EN & APP 100.249] H.E. M. Kadré Désiré OuedraogoPrésident entrant du Comité des ambassadeurs ACPAmbassadeur du Burkina FasoEFFICACITE DE LÂ’AIDE : POSITIONS DU GROUPE ACP ET DE LA COMMISSIONE EUROPEENNE Paysage à Madagascar. © EC Avec lÂ’aimable autorisation de lÂ’Ambassade du Burkina Faso à Bruxelles
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N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 P oints de vue 5 I l arrive parfois que les questions les plus simples nous laissent perplexes. CÂest ce que je me suis dit lors dÂune conférence donnée devant des étudiants italiens, où lÂun des jeunes mÂa demandé : ÂMais pourquoi la pauvreté existe-t-elle malgré tous les efforts déployés dans le cadre des politiques de développement ?ÂŽ Si la question avait été posée par un expert, jÂaurais pu répondre plus facilement. JÂaurais parlé des indicateurs de pauvreté et rappelé que le nombre dÂenfants scolarisés a augmenté de 24% au cours des cinq premières années de ce siècle et jÂaurais essayé de mettre en avant le rôle de la politique de développement. Il nÂempêche Â… et cÂest finalement là lÂessentiel Â… cet étudiant a raison : la pauvreté absolue sévit encore à grande échelle, et nous devons donc nous attaquer plus efficacement à ce phénomène. CÂest pourquoi la réunion à Accra doit être un succès. Il ne sÂagira pas de réitérer les engagements pris au titre de la Déclaration de Paris de 2005 et de répéter à lÂenvi que nous voulons coordonner lÂaide au développement. Non. Lorsque les ministres des pays bailleurs de fonds et des pays en développement se réuniront du 2 au 4 septembre pour mettre sur la table la problématique de lÂefficacité de lÂaide, ils devront passer de la rhétorique à lÂaction. Et ce sera le test déterminant pour le Forum dÂAccra. Comme toujours, ce sera avant tout aux pays bailleurs de fonds de faire preuve de cette capacité. Mais nos pays partenaires seront également mis à lÂépreuve : ils devront en effet élaborer une vision des changements quÂils souhaitent apporter dans leur pays, assumer la responsabilité des programmes et les mettre en Âœuvre. Mais cÂest à nous quÂil appartient de veiller à ce que les montants dégagés soient utilisés à bon escient. En effet, en 2007, la Commission européenne et les Etats membres ont dépensé à eux seuls 46 milliards dÂeuros, soit plus de la moitié de lÂaide officielle au développement à lÂéchelle internationale. Certes, lÂUE a réalisé des progrès considérables au cours de ces trois dernières années, et les exemples prometteurs ne manquent pas, notamment dans le domaine de la coordination de lÂaide. Il lui reste pourtant un long chemin à parcourir. Car nous devons passer de cette phase ÂexpérimentaleÂŽ à une action à bien plus grande échelle. Et, au lieu de signer une déclaration rédigée avec talent, préparée à lÂavance par les ambassadeurs, nous devons promouvoir un débat ouvert afin dÂaboutir à un plan dÂaction concret, que chaque donateur et pays partenaire devra respecter. Concrètement, la Commission européenne propose de se concentrer sur quatre grands domaines dÂaction : Prévisibilité de lÂaide. Les bailleurs de fonds doivent adopter systématiquement des programmes pluriannuels soutenus par des engagements financiers pluriannuels. LÂannualité du budget nÂest pas une excuse. La Commission européenne connaît ce principe depuis une dizaine dÂannées ! Utilisation des systèmes des pays en développement. Pour limiter la bureaucratie pesant sur les pays en développement, les bailleurs de fonds devraient sÂaligner davantage sur les systèmes des pays bénéficiaires et adapter leurs contributions aux cycles budgétaires, aux cadres réglementaires et aux procédures de passation de marché de ces pays. Une approche fondée sur les résultats. Plutôt que dÂimposer des conditions politiquespréalables qui ne laissent guère de choix aux pays en développement et peu de place aux débats politiques à lÂéchelon national, nous devrions les aider à se réapproprier ces politiques. Les programmes dÂassistance doivent être axés sur des résultats et des résultats concrets et mesurables, le pays partenaire occupant un rôle essentiel. Partage des tâches. Afin de limiter le nombre de bailleurs travaillant dans un pays en développement et laisser le terrain aux organisations possédant un maximum de savoir-faire, les bailleurs de fonds doivent coordonner leur travail. Il ne sera pas facile dÂimposer une telle vision. Certains bailleurs de fonds préféreront sÂen tenir à des formulations élégantes plutôt que dÂopter pour des actions concrètes, tandis que certains pays partenaires sÂempresseront de rabâcher une rhétorique surannée plutôt que dÂassumer leur part de responsabilité et réformer les systèmes victimes dÂune mauvaise gouvernance. Pourtant, il nÂy a pas dÂautre choix que dÂessayer ensemble à lÂéchelon européen et à lÂéchelon national Â… si nous souhaitons donner une réponse positive à nos plus jeunes. IL FAUT DES ACTIONS ,PAS DES PAROLES Stefano Manservisi Trois ans après lÂ’engagement des bailleurs de fonds à améliorer lÂ’efficacité de lÂ’aide, leur crédibilité sera bientôt mise à l’épreuve : lors de leur réunion à Accra, au Ghana, ils devront en effet montrer quÂ’ils sont capables de passer de la rhétorique à lÂ’action. Directeur Général DG Développement, Commission européenne Stefano Manservisi, Directeur Général DG Développement Commission européenne, et Giovanni Bersani, Président honoraire de lÂ’Assemblée Parlamentaire UE-ACP, interviewés par une étudiante lors de la rencontre dans le Lycée “L. Galvani” (Bologne), le 9 mai 2008, dans le cadre de la Journée de lÂ’Europe dans les écoles. Photo Giorgia Della Rosa. Avec lÂ’aimable autorisation de la revue Africa e Mediterraneo
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L es pays ACP sÂapprêtent à profiter de cette nouvelle priorité accordée à la culture et au développement. Ce secteur est lÂun des 11 domaines focaux de la politique espagnole de coopération au développement. Au sein de celui-ci, sept nouveaux domaines dÂaction sont mis en place peu à peu : la formation du capital humain pour la gestion culturelle ; les aspects politiques de la culture ; les aspects économiques de la culture ; lÂéducation et la culture ; le patrimoine culturel ; la communication et la culture et les droits culturels. Des programmes spécifiques comme ACERCA (gestion culturelle) et FORMART (éducation et culture), ainsi quÂun soutien aux entreprises nouvellement créées ont été mis en place. Le programme de bourses pour la coopération scientifique est en cours dÂélargissement et ses ressources revues à la hausse, afin de promouvoir la coopération interuniversitaire avec les établissements dÂenseignement supérieur dÂAfrique et dÂAmérique latine. La mise en Âœuvre de Plan Ãfrica promeut une plus grande ouverture aux pays du Groupe ACP et, en particulier, à ses membres africains. Le Réseau des centres culturels espagnols à lÂétranger (151 centres dans 107 pays) a été renforcé, tout comme les espaces dédiés aux échanges et au dialogue culturels grâce à la création de Casa Ãfrica, Casa Ãrabe, Casa Asia, Casa Sefarad et Casa América Catalunya. Un réseau de bibliothèques arabes bénéficie également dÂun soutien accru et le forum de soutien du cinéma de lÂhémisphère Sud a vu le jour. Parallèlement à cette série dÂinitiatives, la nouvelle Banque des bonnes pratiques des projets culturels et de développement compile les résultats les plus prometteurs et évalue lÂimpact de la coopération culturelle. LÂEspagne a également revu à la hausse son soutien aux institutions multilatérales axées sur la culture, comme les initiatives financées par lÂUNESCO en faveur des régions africaines et lÂinitiative dÂespace culturel ibéro-américain afin de leur permettre de créer de nouveaux programmes ambitieux. Elle a également renforcé sa présence au sein des organisations et des institutions internationales dédiées à la culture. En outre, le Fonds pour les Objectifs du Millénaire Espagne-PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement) a récemment fait de la culture et du développement lÂune de ses cinq grandes priorités, affectant plus de 95 millions de dollars à cette cause. Plusieurs pays ACP comptent parmi ses premiers bénéficiaires : lÂEthiopie, la Mauritanie, la Namibie, le Sénégal et le Mozambique. A lÂéchelon international, la signature de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de lÂUNESCO montre que ce pays est réellement convaincu que la diversité culturelle est un moteur pour le développement. Cette nouvelle stratégie sÂaligne par ailleurs sur la déclaration de Dakar de 2003 sur la promotion des cultures et des industries culturelles ACP et son plan dÂaction, ainsi que sur la déclaration de 2006 de Saint-Domingue. Les statistiques du rapport du Comité dÂaide et de développement, qui présente une évaluation de la coopération espagnole au cours de ces cinq dernières années, indiquent que lÂEspagne est idéalement placée pour réaliser ses objectifs de coopération et de développement et pour respecter lÂengagement pris par son Premier ministre RodrÃguez Zapatero dÂaffecter, dÂici à 2012, 0,7% de son produit intérieur brut (PIB) à la coopération au développement. LÂEspagne serait donc en passe de devenir, dans un avenir proche, lÂun des principaux bailleurs mondiaux dÂaide publique au développement. * Expert en coopération culturelle internationale Pour en savoir plus http://www.aecid.es/09cultural/02ccult/9.2.1.htm6 T our dÂ’horizon De nouvelles prioritésculturelles pour la COOPERATIONespagnole Oriol Freixa Matalonga* Le gouvernement du Premier ministre espagnol, José Luis RodrÃguez Zapatero, est bien décidé à faire de la culture un objectif de développement humain. Lancée à la fin 2007, une stratégie innovante marquant un changement radical de la relation entre la culture et le développement porte à présent ses fruits. A l’échelon international, la signature par lÂ’Espagne de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de lÂ’UNESCO (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture) montre que ce pays est réellement convaincu que la diversité culturelle est un moteur pour le développement. Projet de formation et atelier de danse contemporaine en Angola de Fernando Hurtado Company, financé par AECID.© AECID
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N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 U ne troïka de lÂUnion européenne dirigée par le Dr Tjasa Zivko, en tant que représentant de la présidence slovène de lÂUE, sÂest rendue à Fidji les 19 et 20 juin afin de faire le point sur lÂévolution politique, notamment les mesures prises par le gouvernement intérimaire en vue dÂorganiser des élections parlementaires dÂici à mars 2009. A la suite du putsch du contre-amiral Frank Bainimarama perpétré en décembre 2006 à Fidji, le gouvernement intérimaire a adopté, en avril 2007, une série de 13 engagements au terme de pourparlers avec des représentants du Groupe des pays dÂAfrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) et de lÂUE, menés au titre de lÂarticle 96 de lÂaccord de Cotonou. LÂéviction de Laisenia Qarase, Premier ministre élu démocratiquement, a été considérée comme une violation des Âéléments essentielsÂŽ de lÂAccord de Cotonou dont les Fidji sont signataires, à savoir les droits de lÂhomme, les principes démocratiques et lÂEtat de droit. La délégation de lÂUE en visite à Fidji a posé des questions précises sur la date des élections et sur la nature de la ÂCharte populaire pour le changement constitutionnel. La délégation, à laquelle participaient également lÂAmbassadeur français Patrick Roussel, représentant de la prochaine présidence de lÂUE, et Roger Moore, Directeur général à la DG Développement de la la Commission européenne, sÂest entendu dire que la rédaction dÂune Âproposition de charte pour le changement et le progrèsÂŽ était susceptible de retarder le calendrier électoral. Et dans le Fiji Times, on pouvait lire quÂAiyaz SayedKhaiyumn, Ministre de la Justice par intérim, avait indiqué à la troïka de lÂUE quÂun changement électoral sÂimposait pour donner du sens au suffrage universel à Fidji et tourner le dos à une ethnicité institutionnalisée. La délégation de lÂUE sÂest également entretenue avec Laisenia Qarase, Premier ministre destitué. Une délégation dÂambassadeurs ACP sÂest également rendue à Fidji du 12 au 16 mai afin de réaliser sa propre évaluation. Lors dÂune réunion des ministres ACP à Addis-Abeba, le 13 juin, Ratu Epeli Nailatikauon, Ministre des Affaires étrangères, de la Coopération internationale et de lÂAviation civile par intérim, a expliqué que son pays sÂest engagé à organiser des élections démocratiques, libres, équitables et transparentes en mars 2009. Le Ministre a également exposé quelques-unes des mesures déjà prises à cette fin, notamment la désignation dÂun nouveau superviseur des élections à la fin mai 2008, et expliqué que des fonds avaient déjà été réservés dans le budget 2008 en vue de la préparation des élections, notamment pour lÂinscription des électeurs. Il a précisé que des négociations étaient en cours avec le Commonwealth, le forum ACP-UE et le forum des îles du Pacifique sur les développements politiques. Dans les coulisses dÂune réunion de lÂOrganisation des Nations Unies pour lÂalimentation et lÂagriculture (FAO), à Rome, le commissaire de lÂUE a averti le contre-amiral Bainimarama que les fonds destinés à compenser la chute du prix du sucre vendu dans lÂUE suite à la réforme du sucre dans lÂUE pourraient être gelés si son pays ne respectait pas sa promesse dÂorganiser des élections en mars 2009. Tout en reconnaissant que lÂactuel système électoral des îles Fidji pouvait poser problème, le Commissaire Michel a expliqué en toute franchise au Premier Ministre intérimaire que cette réforme ne devait pas servir de prétexte à un report de la date des élections. Des rapports émanant de fonctionnaires de lÂUE à Bruxelles précisent que le Commissaire au Développement aurait dit que dans une démocratie, les électeurs Â… et seulement eux Â… peuvent sanctionner les hommes politiques. 7 Debra PercivalFIDJI A LÂEPREUVE Drapeau des îles Fidji. © iStockphoto.com/ Selensergen T our dÂ’horizon
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8 L es ministres des 79 membres du Groupe des pays dÂAfrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) qui se sont réunis du 9 au 11 juin à AddisAbeba, en Ethiopie, ont émis des doutes quant à lÂadéquation des Accords de partenariat économique (APE) établissant des zones de libreéchange entre les ACP et les pays de lÂUE avec leurs besoins de développement. Ces pactes Ârisquent dÂaltérer lÂintégration régionaleÂŽ, a déclaré Mohamed Admed Awalesh, Ministre djiboutien de la Solidarité nationale, qui présidait la réunion des ministres. Un message quÂil a communiqué avec fermeté à ses homologues des 27 Etats membres de lÂUE lors dÂune réunion conjointe dans la capitale éthiopienne, les 12 et 13 juin. ÂSi les avancées réalisées à ce jour sur le front des négociations des APE respectent les règles de lÂOMC, elles ne sont pas totalement compatibles avec nos besoins de développement. CÂest là notre préoccupation, à nous, pays ACPÂŽ, a déclaré Ato Meles Zenawi, Premier ministre éthiopien. Les ministres ACP ont expliqué que leurs pays, pressés par lÂéchéance du 31 décembre 2007 pour la signature des APE, ont fini par signer des accords intérimaires engageant de plus petites entités commerciales ou des accords à lÂéchelon national au lieu des accords de groupe initialement prévus. Le CARIFORUM, le Forum des Etats ACP des Caraïbes, est ainsi le seul organisme ACP à avoir signé à ce jour un APE régional à part entière.* Les ministres se sont également dit inquiets de la nouvelle érosion des préférences commerciales accordées sur le sucre et les bananes dans le cadre des actuelles négociations de lÂOMC (Organisation mondiale du commerce). Dans une déclaration, ils ont averti quÂil leur serait extrêmement difficile de prendre part à un quelconque consensus au sein du cycle de Doha de lÂOMC en lÂabsence dÂun Âtraitement équitableÂŽ pour ces deux produits. La flambée des prix pétroliers, qui a fait grimper les prix du transport, risque en outre de limiter lÂefficacité de lÂenveloppe européenne de 1,24 milliard dÂeuros déjà affectée aux stratégies pluriannuelles dÂadaptation (SPA) dans certains pays ACP producteurs de sucre dans le but de compenser la diminution du prix du sucre acheté par lÂUE de 36% à partir dÂoctobre 2009. Les pays ACP ont appelé la Commission européenne à veiller à ce que le sucre ne soit pas ÂlabelliséŽ produit tropical dans lÂactuel cycle de négociations commerciales internationales et à maintenir la clause spéciale de sauvegarde pour les produits à haute teneur en sucre. Ces pays ont également demandé à la Commission de prendre en compte le fait que les acheteurs et importateurs de sucre risquent de profiter de cette diminution du prix du sucre de 36% qui prendra cours en octobre 2009. Ils ont appelé instamment leurs partenaires européens à sÂopposer à toute proposition visant à réduire considérablement le tarif de bananes importées dans lÂUE et ne provenant pas de pays ACP qui est actuellement de 176 euros/tonne. Le Dr Arnold Thomas, Ambassadeur à Bruxelles représentant lÂOrganisation des Etats de lÂEst des Caraïbes (OECS), a déclaré à la réunion : ÂLa banane est une question brûlante, qui explique que les fiches de paie se volatilisent et que les moyens dÂexistence disparaissent de même que lÂemploi et le niveau de développement socioéconomique atteint au cours des 40 dernières années.ÂŽ D.P. * Le Forum des Etats ACP des Caraïbes (CARIFORUM) comprend les pays suivants : les Bahamas, la Barbade, Belize, la Dominique, Grenade, la Guyane, Haïti, la Jamaïque, Saint Christophe et Nevis, Sainte Lucie, Saint Vincent et les Grenadines, le Suriname, Trinidad et Tobago et Cuba. Le 16 décembre 2007, lÂUE signait un APE avec tous les membres du CARIFORUM à lÂexception de Cuba. PREOCCUPATIONS des ministres ACP sur les questions de COMMERCEMembres du comité ministériel ACP de suivi du dossier coton lors de leur réunion pendant la 87e session de la session du Conseil des ministres ACP à Addis-Ababa en juin 2008. © Robert Iroga T our dÂ’horizon
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Réunion ministérielle conjointe à lÂapproche du sommet Réunion ministérielle conjointe à lÂapproche du sommetUE-AFRIQUE DU SUD “S i chaque pouvoir local, avec ses moyens, même limités, décidait de sÂengager dans un jumelage avec une ville, une commune, un district, une province ou une région du Sud, le monde serait transformé et la pauvreté reculerait rapidement.ÂŽ CÂest ce quÂexplique le Commissaire au Développement Louis Michel dans une lettre ouverte, datée du 16 juin et adressée aux autorités locales des 27 Etats membres de lÂUnion européenne. Louis Michel appelle ainsi instamment les autorités locales de lÂUE qui envisagent de nouer des liens avec un partenaire de lÂhémisphère sud à signer une Âconvention de jumelageÂŽ à lÂoccasion des Journées européennes du développement (JED) qui auront lieu à Strasbourg, en France, du 15 au 17 novembre. LÂédition 2008 de lÂévénement a en effet pour thème central ÂLes autorités locales et le développementÂŽ. De nombreux pouvoirs locaux de toute lÂUE ont déjà pris de telles initiatives de jumelage qui ont vu des projets prometteurs organisés avec très peu de moyens financiers. Les autorités locales intéressées par le jumelage et désireuses de sceller leur engagement à lÂoccasion des JED sont invitées à soumettre leur proposition de jumelage avant le 20 septembre à la Commission européenne à lÂadresse : devtwinning@ec.europa.eu D.P. N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 L es nouveaux domaines de coopération mais aussi les divergences sur lÂavenir des relations commerciales entre lÂAfrique du Sud et lÂUnion européenne (UE) figuraient en tête de lÂordre du jour de la réunion ministérielle conjointe UE-Afrique du Sud. Cet événement sÂest tenu dans la capitale slovène Ljubljana le 3 juin, alors que se profile le tout premier sommet UE-Afrique du Sud qui doit se tenir à Bordeaux, en France, le 25 juillet. Au cours de cette réunion placée sous la présidence conjointe du Dr Nkosawana Dlamni Zuma, Ministre sud-africain des Affaires étrangères, et de Dimitrij Rupel, son homologue slovène, les discussions ont abordé de nombreuses questions politiques, allant de la situation au Zimbabwe à celle au Proche-Orient. Louis Michel, Commissaire européen au Développement, et Jean-Christophe Belliard, envoyé personnel pour lÂAfrique dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), étaient également présents. LÂAfrique du Sud est lÂun des 79 membres du Groupe des Etats dÂAfrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Ce pays entretient toutefois des relations bilatérales commerciales et dÂassistance particulières avec lÂUE. Les deux entités ont réitéré leur engagement à poursuivre les négociations en vue de la conclusion dÂun Accord de partenariat économique (APE) de nature à leur apporter des avantages mutuels. Il sÂagit dÂun accord de libre-échange entre les 14 membres de la Communauté pour le développement de lÂAfrique australe (CDAA) et lÂUE. LÂAfrique du Sud a toutefois relevé des difficultés quant à son propre programme dÂintégration régionale, dues au fait que lÂUE a déjà conclu un APE ÂintérimaireÂŽ avec le Bostwana, le Lesotho, la Namibie et le Swaziland, autres membres de lÂUnion douanière dÂAfrique australe (SACU) à laquelle elle appartient. LÂUE a expliqué que les négociations avec les pays ACP ayant déjà conclu des APE intérimaires devraient normalement se traduire en accords à part entière dÂici la fin 2008. Ceux-ci porteront sur dÂautres aspects commerciaux parmi lesquels les services et la passation des marchés. LÂAfrique du Sud a rappelé à lÂUnion quÂelle nÂétait pour sa part pas tenue de respecter un tel calendrier puisquÂelle nÂavait signé aucun accord intérimaire. Les nouveaux domaines de coopération bilatérale Â… la paix et la sécurité, la coopération dans le domaine de lÂenvironnement, les sciences et les technologies, les réglementations douanières, lÂénergie, les migrations et le transport Â… devraient être abordés lors du prochain sommet. D.P. 9 Le jumelage au service du DEVELOPPEMENTIsmail Farouk, GHB626GP, 2006.Avec l'aimable autorisation de.ZA young art from South Africa, Palazzo delle Papesse à Sienne T our dÂ’horizon
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10 10 de Marie-Martine Buckens L es Âémeutiers de la faimÂŽ lÂont rappelé aux dirigeants du monde entier, trop enclins dans ce domaine à appliquer la politique de lÂautruche : la crise alimentaire est réelle. Et dÂune ampleur telle quÂelle force experts et gouvernements à repenser les politiques agricoles existantes. Car la crise nÂest pas le résultat dÂune pénurie globale Â… comme le prétendent certains, brandissant régulièrement le spectre du surpeuplement Â… mais dÂun dysfonctionnement plus profond. Le monde découvre avec stupéfaction Â… et cÂest vrai singulièrement pour lÂUnion européenne à 15 où les paysans ne représentent plus que 1,6% de la population active, même si ce pourcentage a presque doublé avec lÂadhésion de 10 Etats dÂEurope centrale et orientale Â… que lÂagriculture a de tout temps été le socle sur lequel les Etats se sont construits. LÂautosuffisance alimentaire des populations est un préalable à la mise en place des autres politiques. Un gigantesque chantier attend donc les dirigeants du monde. Pour certains (lire lÂinterview de Matthieu Calame), la seule solution à long terme passe par la mise en place dÂune Politique agricole mondiale. CRISE ALIMENTAIRE D ossier Riz à Bouaké. © Fataiphotorush
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D ossier Crise alimentaire N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 11 11 I l y a dÂabord les chiffres, qui donnent le tournis. Triplement du prix du blé depuis 2000 Â… 130% dÂaugmentation pour la seule année 2007 Â…, doublement du prix du riz et du maïs pendant la même période. Le riz continue sa course folle puisque son prix en Asie se voit à nouveau doublé au cours des trois premiers mois de 2008, atteignant, en mai, des niveaux record sur le marché à terme de Chicago. Et des estimations : lÂOrganisation des Nations Unies pour lÂagriculture et lÂalimentation, la FAO, évalue à 107 milliards de dollars le coût total des importations de denrées alimentaires des pays les plus pauvres en 2007, soit 25% de plus qu'en 2006. Enfin, des supputations : jusquÂoù sÂenvolera le prix du baril de pétrole ? Un baril qui début 2008 dépassait déjà les 100 dollars, soit une augmentation de 72% durant la seule année 2007, grevant dÂautant le coût de la production dÂengrais et de pesticides. SÂy ajoute ÂlÂeffet biocarburantsÂŽ : lÂengouement de lÂEurope et des Etats-Unis notamment pour ces cultures énergétiques a contribué à aligner le prix des aliments sur celui de lÂor noir. La flambée des prix des aliments a frappé de plein fouet des économies fragilisées. Au total, près de 40 pays sont confrontés à une crise alimentaire. Même dans des pays traditionnellement autosuffisants comme la Côte d'Ivoire ou exportateurs comme l'Egypte. En Haïti, au Bangladesh ou au Cameroun, les populations ont exprimé leur colère dans la rue. Sans oublier la Guinée, lÂEthiopie, le Cameroun ou la Mauritanie. Ou encore le Mexique, où le prix de l'aliment de base, la tortilla de maïs, a augmenté de 14% en 2006, et lÂIndonésie, qui a vu le prix du riz multiplié par deux en un an. > SÂagit-il dÂun phénomène temporaire ? Non, estiment la plupart des spécialistes. Et certains de souligner que lÂenvolée actuelle des prix fait suite à 30 années de prix particulièrement bas, pour ne pas dire bradés, sur le plan mondial. ÂLÂère de lÂalimentation à bas prix sur le marché international est révolueÂŽ, déclarait le 22 avril dernier devant le Parlement européen, le Commissaire européen au Développement, Louis Michel. Et de poursuivre : ÂLes prix des produits alimentaires ne reviendront pas à leur niveau dÂantan et leur volatilité risque dÂaugmenter si des mesures ne sont pas prises rapidementÂŽ. Ils devraient cependant entamer une baisse, Âmais elle sera légèreÂŽ, précise Marc Debois, chef de secteur à lÂunité ressources naturelles de la Direction Développement de la Commission européenne. Et dÂajouter : ÂLa volatilité des prix devrait quant à elle connaître des pics plus fréquents, un peu comme, toute proportion gardée, ce que lÂon constate pour le climatÂŽ. > SÂagit-il dÂune pénurie alimentaire ? Non plus. Dans ses Perspectives sur lÂagriculture mondiale à lÂhorizon 2015-2030, la FAO lÂaffirme : ÂLa baisse, ces dernières années, des taux de croissance de la production agricole et du rendement des cultures, au niveau mondial (ƒ) ne résulte non pas d'un manque de terres ou d'eau, mais plutôt du ralentissement de la demande de produits agricolesÂŽ. Les raisons ? Une population mondiale dont le taux de croissance commence à décroître ; mais aussi, Âle fait que l'on atteint aujourd'hui dans de nombreux pays des niveaux de consommation alimentaire par habitant qui sont assez élevés, et ne pourront pas augmenter beaucoup plusÂŽ. Mais, ajoute la FAO, Âil est aussi vrai qu'une proportion de la population mondiale, qui reste obstinément forte, vit toujours dans une pauvreté extrême et, par conséquent, n'a pas les revenus nécessaires pour traduire ses besoins en demande effectiveÂŽ. En clair, la demande plafonne : soit en raison dÂun effet de saturation Â… dans les pays riches Â… soit, plus prosaïquement, parce quÂune frange importante de la population mondiale nÂa pas les moyens dÂacheter son pain quotidien. La FAO sÂattend ainsi à ce que la croissance de la demande mondiale de produits agricoles, qui était en moyenne de 2,2% ces 30 dernières années, chute à 1,5% par an dans les 30 prochaines années. Dans les pays en développement, le ralentissement sera encore plus spectaculaire, de 3,7% à 2%. Ceci est dû, en partie, au fait que la Chine aura passé la phase de croissance rapide de sa demande de produits alimentaires. Reste cette Âproportion obstinément forteÂŽ de la population mondiale qui nÂa pas les moyens de se payer une nourriture à un prix qui, in fine, reflète les humeurs commerciales des grands exportateurs : suffisamment bas depuis 30 ans pour étouffer la production locale et les rendre dépendants de produits de base importés, et trop haut actuellement pour leur permettre de se payer ces mêmes denrées. ÂLa mondialisation en matière dÂalimentation et dÂagriculture, estime de son côté la FAO, donne des espérances mais présente également des problèmes. Elle a permis, dans lÂensemble, de réduire la pauvreté en Asie.ÂŽ Mais, reconnaît-elle, Âelle a aussi entraîné lÂessor des sociétés alimentaires multinationales qui ont le potentiel de dominer les agriculteurs dans de nombreux paysÂŽ. Et de conclure : ÂLes pays en développement doivent disposer des cadres légaux et administratifs leur permettant de parer aux menaces tout en récoltant les bénéficesÂŽ. AujourdÂhui, la notion dÂautosuffisance alimentaire gagne enfin quelques galons. M.M.B. Graines de colère, graines de changement Après les “émeutes de la faim”, le premier choc passé, les analystes font leurs comptes. Oui, les prix ont atteint des niveaux records, mais ils étaient singulièrement bas depuis 30 ans. Oui, certaines régions du monde sont en déficit agricole, mais la pénurie globale est un leurre. Petit tour dÂ’horizon, chiffres de la FAO à lÂ’appui. Mots-clésEmeutes de la faim ; prix alimentaires ; pénurie alimentaire ; mondialisation ; multinationales agro-alimentaires ; Haiti ; Cameroun.CRISE
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LÂAGRICULTURE 12 “L Âaide dÂurgence est nécessaire mais doit être limitée dans le tempsÂŽ, déclarait le 5 juin à Rome Louis Michel. Le Commissaire européen au Développement faisait référence aux quelque 3,20 milliards dÂeuros promis par divers donateurs dont la Banque mondiale, les Etats-Unis, la Banque islamique de développement et la France, sans oublier les 550 millions dÂeuros déjà mobilisés par la Commission européenne. ÂJe suis convaincuÂŽ, a poursuivi Louis Michel, Âque cette aide dÂurgence doit être limitée dans le temps et quÂil faut engager des limites volontaristes pour assurer une transition rapide vers des mécanismes de sécurité alimentaire de nature structurelleÂŽ. Tout comme la Banque mondiale en avril dernier, ou encore le ministre français de lÂAgriculture, Michel Barnier, le Commissaire au Développement a reconnu : ÂAprès des années de sous-investissements Â… voire de désintérêt dans le secteur du développement rural Â… nous assistons à un retour de lÂagriculture sur le devant de la scèneÂŽ. Mais à la Commission européenne, on se défend dÂavoir été pris de court. ÂLa crise alimentaire a poussé sur le devant de la scène politique des dossiers préparés depuis des mois par lÂexécutif européenÂŽ, explique Marc Debois, chef de secteur à la DG Développement de la Commission européenne, en charge des ressources naturelles. LÂun dÂeux, important, est celui qui sÂattaque à lÂagriculture en Afrique (lire article suivant). > Aide européenne Plus globalement, on retrouve le Programme stratégique de lÂUnion européenne pour la sécurité alimentaire. Depuis 2007, cet instrument a été scindé en deux : dÂun côté, lÂaide D ossierCrise alimentaire Quand LÂAGRICULTUREsÂinvite à la table des grands Conférence de presse de clôture par le directeur général, Jacques Diouf. Conférence de haut niveau sur la sécurité alimentaire mondiale : les défis du changement climatique et des bioénergies. Organisation des Nations Unies pour lÂ’alimentation et lÂ’agriculture (FAO), Rome, 3-5 juin 2008. © FAO/Giulio Napolitano Mme Mary Chinery-Hesse, Conseillère principale auprès du Président de la République du Ghana, lors de son communiqué à la conférence de haut niveau. © FAO/Giulia Muir M. Louis Michel, commissaire européen en charge du Développement et de lÂ’aide humanitaire, lors de son communiqué à la conférence de haut niveau.© FAO/Giulia Muir Prévu de longue date, le Sommet de la FAO qui a rassemblé quelque 180 nations à Rome en juin dernier, soit quelques mois à peine après les premières émeutes de la faim, a déçu. Son échec relatif a révélé le manque de vision à long terme des nations sur la politique à mener en matière agricole. La défense des intérêts à court terme a prévalu : suppression des subventions pour les uns, défense des biocarburants pour les autres. Mais une seule réunion ne pouvait apporter des réponses à des défis pieusement ignorés par la plupart des institutions financières internationales. Côté positif : tout le monde à Rome sÂ’est accordé pour reconnaître que lÂ’agriculture est une chose trop sérieuse pour être réglée uniquement à coups de milliards dÂ’euros dÂ’aide alimentaire.
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N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 D ossier Crise alimentaire13 humanitaire dÂurgence, délivrée par la direction ECHO de la Commission européenne, de lÂautre un programme finançant des activités régionales ou globales relatives à la sécurité alimentaire. Chaque ligne bénéficie dÂenviron 250 millions dÂeuros par an. ÂCÂest au titre de cette seconde ligneÂŽ, explique M. Debois, Âque nous finançons notamment le programme dÂalerte de la FAO. Les actions financées doivent par ailleurs faire le lien entre aide dÂurgence et développement et ne sont financées que sÂil existe une stratégie opérationnelle avec le pays concernéŽ. Le programme stratégique a été établi pour la période 2007-2013. Dans ce cadre, la seconde ligne activités régionales a déjà fait lÂobjet dÂune programmation jusquÂà lÂhorizon 2010 et bénéficie dÂun budget de 925 millions dÂeuros. ÂNous allons utiliser cet instrument, du moins en partie, pour répondre à la crise alimentaire actuelleÂŽ, précise M. Debois. Reste la première ligne, celle dÂurgence. ÂQuelque 230 millions dÂeuros ont déjà été dépensés depuis le début de 2008 au titre de lÂaide alimentaire dÂurgence, tout pays confonduÂŽ, indique M. Debois qui ajoute : ÂPour faire face aux demandes, une rallonge de 60 millions dÂeuros a déjà été demandée, en utilisant la réserve budgétaireÂŽ. Cette aide, insiste-t-il, Âdevrait être apportée en utilisant si possible la production locale ou régionaleÂŽ. > Cibler les pays les plus nécessiteux SÂagissant des pays ACP, lÂUE a prévu une enveloppe spéciale dÂaide dÂurgence dans le cadre du Fond européen de développement (FED). Quelque 200 millions dÂeuros ont été affectés pour lÂannée 2008. Mais ces fonds ne sont accordés que sÂils répondent à des conditions strictes. A commencer par la demande officielle dÂaide du pays concerné. Ensuite, si possible, par une évaluation correcte des besoins. ÂLe risqueÂŽ, ajoute M. Debois, Âest que certains Etats membres donnent leur préférence à certains pays. Il sÂagit donc dÂassurer un bon ciblage afin dÂéviter que des pays se retrouvent Âorphelins ou Âtrop aidésÂÂŽ. ÂPour lÂheure, et après une rapide enquête auprès des délégations de la Commission dans les pays tiers Â… quel a été lÂimpact réel de la crise sur les prix, si augmentation il y a, a-telle réellement posé problème, quelles ont été les mesures prises par les gouvernements, quels sont les risques dÂaggravation tant sur le plan alimentaire que politique Â…, nous avons identifié une trentaine de pays à qui nous pourrions apporter une aideÂŽ, précise-t-il. > Priorité au développement rural A plus long terme, et alertée notamment par un rapport de la Banque mondiale qui, en 2007, faisait son mea culpa et insistait sur la nécessité de réorienter les financements vers lÂagriculture, la Commission européenne a décidé de réhabiliter ce secteur. ÂSoutenir une politique agricole cohérente, créer des filières, tout cela a été négligé depuis une vingtaine dÂannéesÂŽ, reconnaît Marc Debois, rappelant que lÂaide octroyée auparavant par lÂUE représentait 20% de son budget total dÂaide au développement, contre 3,4% aujourdÂhui. Le dernier (et 10e) Fonds européen de développement programmé pour la période 2008-2013, remédie à cette carence. ÂLe développement rural dans son ensemble bénéficie dÂun doublement des montants, soit 1,2 milliard dÂeuros sous le 10e FED contre 650 millions dÂeuros sous le précédentÂŽ, a déclaré Louis Michel à Rome. Et dÂajouter : ÂCela nÂa pas toujours été facile ; nous avons dû plaider auprès de nos partenaires quÂil a fallu convaincre de sÂengager davantage dans ce secteurÂŽ.> Intégration régionale et gouvernance Mais, a rappelé le Commissaire européen au Développement, lÂagriculture est avant tout une question de création et dÂorganisation des marchés agricoles locaux et régionaux. ÂApproximativement un tiers des pénuries alimentaires du mondeÂŽ, a-t-il souligné à Rome, Âpourrait être significativement allégé en améliorant les réseaux de distribution et en aidant à relier mieux les petits agriculteurs aux marchésÂŽ, plaidant pour une intégration régionale, indispensable dans la lutte contre lÂinsécurité alimentaire. Enfin, il faut sÂattaquer au renforcement de la gouvernance alimentaire mondiale. ÂJe pense notammentÂŽ, a déclaré Louis Michel à Rome, Âà la FAO qui doit re-devenir une agence phareÂŽ. Et dÂinsister sur une meilleure coordination entre bailleurs de fonds : ÂLa Commission considère que la réponse de lÂUnion devra être alignée avec des initiatives plus larges telles que celle lancée par le Secrétariat des Nations Unies (le CFA Â… Comprehensive Framework for Action Â… Cadre exhaustif dÂaction) et le récent appel de la FAO pour une initiative globale portant sur les prix agricoles (lÂISFP Â…Initiative for Soaring Food Prices).ÂŽ M.M.B. Mots-clésMarie-Martine Buckens ; Louis Michel ; Jacques Diouf ; aides dÂurgence ; commerce ; OMC ; petit paysan. Journée dÂ’ouverture de la Conférence de haut niveau sur la sécurité alimentaire mondiale : les défis du changement climatique et des bioénergies. Organisation des Nations Unies pour lÂ’alimentation et lÂ’agriculture (FAO), Rome, 3-5 juin 2008. © FAO/Giulia Muir
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14Quelles sont, selon vous, les raisons de la crise alimentaire qui sévit depuis des mois dans les ACP ? LÂune des raisons, à mon avis, est que ces pays ne sont pas des Etats, au plan historique. Ils sont issus des colonies. Le problème est structurel. Ceux qui se sont développés ne sont pas passés par une étape indispensable qui est la création dÂun marché intérieur. Prenez le cas du Japon : son premier souci a été dÂériger des droits de douane pour se permettre de produire. A lÂinverse, ces pays, singulièrement en Afrique, sont restés des fournisseurs de matières premières. Or on a connu 30 ans de chute des prix agricoles, en raison principalement des subventions accordées par lÂEurope et les Etats-Unis à leurs agriculteurs. CÂest ce Âcouple infernal qui est le principal responsable de la crise actuelle. Comme le dit un proverbe africain : Âquand deux éléphants se battent, cÂest lÂherbe qui en pâtitÂŽ. En bradant les produits alimentaires, ils ont étouffé les pays qui ne disposaient pas de moyens pour subventionner leur agriculture. Les petits paysans ont arrêté de produire et lÂon a assisté à la constitution dÂune Âplèbe urbaine, faiblement productive. Un cercle vicieux sÂinstalle. Les gouvernements de ces pays se voient pris entre deux injonctions contradictoires : soit augmenter les prix pour sauver la production, soit les diminuer pour les consommateurs. SÂy greffe aujourdÂhui une spéculation sur les matières premières, ce que jÂappellerais une maladie dÂopportunité car elle nÂest possible que si le marché est très tendu. Autre maladie opportune : les biocarburants, mis en place pour éponger les excédents des pays qui subventionnent leur agriculture, typiquement le cas des Etats-Unis ou de lÂEurope où les biocarburants ont émergé lorsque a été mis en place le système de jachère, condition afin de poursuivre les subventions. Mais il existe une seconde cause à la situation actuelle, souvent mal connue, à savoir que ces pays nÂont pas développé une fiscalité adéquate. LÂappareil dÂEtat est essentiellement financé par les taxes sur les produits à lÂimportation et à lÂexportation. Ainsi, dans un pays comme le Burkina Faso, cÂest lÂexploitation agricole, de coton essentiellement, qui finance lÂEtat, ce qui le rend particulièrement vulnérable aux fluctuations de prix de cette matière. Or ce qui est important, cÂest la richesse créée en interne. LÂUE pourrait jouer un rôle en aidant ces pays à mettre en place de bons plans de fiscalité, les aidant du même coup à penser autrement leur développement. D ossierCrise alimentaire ÂIl nous faut une politiqueAGRICOLE MONDIALE ÂŽ Récolte de la moisson, Éthiopie. © François Misser Fermier éthiopien surveillant sa récolte. © François Misser Rencontre avec Matthieu Calame, ingénieur agronome, expert à la Fondation Charles Léopold Mayer et auteur de La tourmente alimentaire Pour une politique agricole mondiale (Ed. CLM,avril 2008)*.
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Voici une première action que pourrait développer lÂUE à moyen terme. Mais à court terme ? On ne peut faire lÂéconomie dÂaides à court terme, même si elles sont mauvaises pour le long terme. Reste à savoir comment ces aides vont être distribuées et par qui. Autre règle importante à respecter : acheter si possible sur place et associer les syndicats agricoles, sÂils existent. Cette aide à court terme nÂest pas sans effets pervers. Les famines sÂenregistrent tant dans les zones urbaines que rurales Â… un producteur de coton peut aussi être en situation de famine. Mais souvent, pour des raisons de stabilité politique, ce sont les villes qui sont les premières servies avec pour résultat de provoquer un flux massif des paysans vers les villes. Je nÂai pas de solution miracle. De façon globale, je verrais assez bien un système Â… qui existait dÂailleurs au XIXe siècle en Europe, les fameux Âateliers dÂEtatÂŽ Â… où chacun est rattaché à une Commune. En cas de crise, la population sÂadresse à elle. Il sÂagit dÂun processus de décentralisation et je ne crois pas quÂon pourra y échapper. En Europe nous sommes dans ce processus : pourquoi ne pas soutenir cette décentralisation dans ces pays ? A long terme, que prônez-vous comme modèle de relations entre lÂUE et les ACP, en matière agricole ? Tout dÂabord, il faut garder en mémoire que ces pays ne se sont pas émancipés du modèle économique qui les intègre à la métropole, alors que les liens de solidarité avec celle-ci sÂeffilochent. Côté européen, nous nÂavons pas de diplomatie intégrée. Perdure donc souvent un clientélisme, comme cÂest le cas de la Françafrique ou du Royaume-Uni avec ses anciennes colonies. Ce clientélisme est au cÂœur du lien entre les pays ACP et lÂUE. En résulte un manque de volonté de développer une production concurrentielle. Ces pays ne sont pas passés par les étapes tout dÂabord du protectionnisme, du développement ensuite, enfin de la diversification de leur production. Mais revenons à votre question. En partant du constat quÂil est primordial de réinvestir dans les outils de la terre. NÂoubliez pas que lÂEtat sÂest toujours construit autour de lÂagriculture. La question est : que peut faire lÂUE au regard de son histoire, en particulier de lÂhistoire de la politique agricole commune (PAC) ? Une PAC relativement réussie Â… qui a ses faiblesses, notamment sociales et environnementales Â… car basée sur le principe dÂun marché unifié, et régulé. Et lÂhypothèse que je fais à long terme est quÂon a intérêt à mettre en place une politique agricole mondiale. Vous prônez une politique agricole mondiale : mais comment pondérer les intérêts de chacun ? Rappelez-vous les négociations entre lÂAllemagne et la France lors de la mise en place de la PAC : les Allemands voulaient garder des prix élevés pour protéger leur agriculture, alors que Paris voulait des prix bas pour favoriser ses exportations. Les Allemands ont eu gain de cause, mais pour ce faire ils ont accepté de payer le prix en devenant le premier contributeur net de la Communauté européenne. Toute proportion gardée, il faudrait avoir le même raisonnement au plan mondial. Ainsi, on peut imaginer que les pays riches payent pour avoir un marché libre Â… en puisant dans leurs ressources du marché non agricole. Que les choses soient difficiles nÂest pas contestable, mais il y a-t-il une alternative ? Soit il nÂy a pas dÂorganisation et à la moindre crise tout le monde ferme ses frontières. On a vu les réactions rigides de la Thaïlande ou du Vietnam qui ont refusé dÂexporter leur riz. Ces réactions sont porteuses en germe de conflits énormes. Il faut se méfier des scénarios de replis nationaux ou régionaux. Donc, la seule alternative, est la mise en place dÂaccords internationaux. Voilà pour le long terme, mais que pourrait déjà faire lÂUE sur la scène internationale ? Peut-être que lÂUE pourrait présenter à lÂOrganisation mondiale du commerce (OMC) des propositions pour aider les pays ACP. Il sÂagirait de relancer les négociations pour permettre à ces pays non seulement de bénéficier dÂexonérations sur les tarifs pour les produits comme les bananes ou le sucre Â… ces produits ÂconfortÂŽ pour nous, pays occidentaux Â… mais de proposer dÂétendre ces négociations à tous les produits agricoles. DÂaccord, cela risque de poser problème notamment à la Thaïlande, exportatrice de riz brisé au Sénégal ; mais pourquoi ne pas lÂassocier aux discussions ? M.M.B. * La fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de lÂhomme (anciennement fondation pour le Progrès de lÂHomme, dÂoù sa sigle fph) est une fondation indépendante. Son but statutaire est très large : financer, par lÂaction de dons ou de prêts, des recherches et actions qui concourent, de manière significative et innovante, aux progrès des hommes par la science et le développement social.N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 D ossier Crise alimentaire15 Mots-clésMarie-Martine Buckens ; Matthieu Calame ; PAC (politique agricole commune) ; subventions ; coton ; Burkina Faso. Photo de Matthieu Calame. Avec lÂ’aimable autorisation de Matthieu Calame
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> LÂaccès à la terre, enjeu crucial En Afrique, si chaque pays dispose dÂun régime foncier original, il résulte le plus souvent dÂun mariage forcé entre droit privé, importé par les colonisateurs, et droit collectif, ou coutumier. Chaque système foncier entraînant dans son sillage un mode de production : basé sur la monoculture (avec les cultures dÂexportation comme le café ou lÂarachide) dans le modèle ÂoccidentalÂŽ ; multifonctionnel et, souvent, plus respectueux des équilibres écologiques, dans le second cas. Mais le régime foncier ne règle pas tout. DÂautres facteurs pèsent de tout leur poids, à commencer par la migration de populations fuyant les conflits et la misère, ou encore le conflit qui oppose les agriculteurs et chasseurs et les autorités des parcs naturels.> Le cas sud-africain La question foncière fait partie des problèmes qui hantent la nouvelle Afrique du Sud. Mais, explique Thierry Vircoulon, auteur de LÂAfrique du Sud démocratique ou la réinvention dÂune nation (Paris, LÂHarmattan, 2005), Âau lieu du problème foncier il faut parler des problèmes fonciers !ÂŽ Depuis 1994, explique-t-il, la réforme agraire peine à rééquilibrer la répartition foncière en faveur des communautés précédemment dépossédées : lÂimmense majorité des fermes sont encore la propriété des Blancs et lÂimmense majorité des ouvriers agricoles sont encore des Noirs. Et de poursuivre : ÂCette situation, qui empoisonne les relations interraciales, dissimule un second problème foncier négligé à tort : celui des terres tribales.ÂŽ Gérées par les autorités traditionnelles mais appartenant de jure à lÂEtat, ces terres sont convoitées par divers groupes constitutifs du monde rural africain, dont les intérêts sont divergents, voire antagonistes. Le second problème foncier de lÂAfrique du Sud Â… la détribalisation de la terre Â… émerge donc lentement après dix ans de démocratie. Il est donc nécessaire, estime Thierry Vircoulon, Âde dépasser le discours politique dominant pour réaliser que la question D ossierCrise alimentaire 16 Questions OUVERTESEn réhabilitant lÂ’autosuffisance alimentaire, les pays en développement devront sÂ’attaquer à la question – sources de maints conflits – de lÂ’accès à la terre. Et à la place quÂ’ils seront prêts à donner aux biocarburants et aux OGM. Champs de maïs. © Fataiphotorush
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N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 D ossier Crise alimentaire17 foncière sud-africaine nÂest pas un simple têteà -tête Blancs/Noirs, mais un problème opposant aussi les groupes sociaux dÂun monde rural africain en proie à une transformation rapide et à une grande pauvretéŽ. > La fausse bonne idée des biocarburants ? ÂIl faut geler les subventions et les investissements destinés à la production de biocarburants.ÂŽ CÂest du moins lÂavis dÂOlivier De Schutter, nommé en mai dernier Rapporteur spécial pour le droit à lÂalimentation par le Conseil des droits de lÂhomme des Nations Unies. Certains espéraient un discours plus nuancé, mais cet éminent juriste belge a repris le flambeau de son bouillant prédécesseur, le Suisse Jean Ziegler. Olivier De Schutter soulignait en juin dernier, à la veille du Sommet de la FAO :  Cent millions dÂhectares seraient nécessaires pour produire 5% des carburants en 2015, et cela est tout simplement insupportable. Les objectifs des Etats-Unis de 136 milliards de litres de biocarburants pour 2022 et de lÂUnion européenne de 10% de biocarburants pour les transports en 2020 sont irréalistes. En abandonnant ces objectifs, nous enverrions un signal fort aux marchés que le prix des récoltes de denrées alimentaires ne va pas monter indéfiniment, décourageant ainsi la spéculation. ÂŽ LÂUE, de son côté, tempère, arguant notamment des bénéfices que pourraient représenter les biocarburants pour les pays en développement qui les cultiveraient. Si les prix élevés quÂils entraînent sont défavorables aux consommateurs, reconnaît-on à la Commission européenne, ils sont en revanche tout bénéfice pour les producteurs.  La hausse des prix alimentaires ne doit pas être systématiquement considérée sous un angle négatif ÂŽ, a rappelé Louis Michel, Commissaire européen au Développement, poursuivant :  Elle est aussi porteuse dÂopportunités pour les pays en développement qui ont le potentiel dÂexporter des denrées alimentaires. ÂŽ Les biocarburants deviendraient alors une nouvelle culture de rente, au même titre que le coton ou le café. Avec le risque que les Etats se détournent, comme dans le passé, dÂune culture vivrière, diversifiée. En attendant, plusieurs compagnies privées ont dÂores et déjà acquis des terres en Afrique pour y produire des biocarburants, principalement à partir de jatropha. CÂest le cas notamment au Mozambique, en Ethiopie ou en Tanzanie. Se pose à nouveau la question du foncier : dans certains cas, les compagnies ont acquis les terres pour 99 ans ; difficile pour lÂEtat central de les récupérer sÂil veut augmenter sa production alimentaire. > Que faire des OGM ?Les organismes génétiquement modifiés (OGM), soutiennent leurs défenseurs, permettront de produire des aliments dans des terres marginales, en particulier les sols arides, mais aussi des produits enrichis en vitamine, sans compter quÂils nécessitent moins de pesticides. Autant dÂarguments qui ont convaincu plusieurs pays en développement, même si des sceptiques dans ces mêmes pays sÂinterrogent sur la portée de ces qualités. Une chose semble certaine : l es OGM ne peuvent se développer que dans une économie agricole déjà structurée, où les agriculteurs disposent de suffisamment de fonds pour se payer des semences chères (et brevetées) ; ce qui explique leur échec notamment auprès des producteurs indiens de coton, retrouvés souvent ruinés. Ce qui explique sans doute aussi pourquoi lÂAlliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA), financée par deux fondations américaines Â… celle de Bill Gates et la Rockefeller Â… et présidée par lÂancien Secrétaire général des lÂONU, Kofi Annan, a déclaré, dans un premier temps, ne pas vouloir diffuser les OGM en Afrique. Dans un premier temps, car lÂAlliance verte entend bien y recourir le moment venu. Mais les OGM sont déjà bien implantés dans certains pays dÂAfrique. Après lÂAfrique du Sud, cÂest le Burkina Faso qui, dès 2003, lançait des cultures expérimentales de coton transgénique, en collaboration étroite avec la firme américaine Monsanto. En 2006, sept autres pays africains producteurs de coton (Bénin, Mali, Tchad, Cameroun, Côte dÂIvoire, Ghana et Togo), épaulés par la Banque mondiale, se sont engagés à créer un Centre régional de biotechnologie, convenant ÂquÂen plus des engrais, il y a lieu dÂintégrer la question des semences et le passage aux OGMÂŽ. Là encore, il sÂagit de soutenir une culture de rente, par ailleurs en piteux état face aux producteurs subventionnés dÂEurope (du moins jusquÂen 2000), des Etats-Unis et de la Chine. Mais beaucoup dÂanalystes sÂaccordent pour dire que la crise alimentaire est dÂabord politique et sociale et que cÂest la capacité de mettre en place qui permettra de résoudre le problème. Et certains craignent les fuites en avant technologiques qui détourneraient du problème de la répartition de la production et de la capacité du pouvoir dÂachat. CÂest lÂavis même du patron de la FAO, le Sénégalais Jacques Diouf qui, du moins en 2006, déclarait que les OGM en Afrique Âne sont pas une prioritéŽ pour atteindre les Objectifs du Millénaire sur le développement. M.M.B. Mots-clésMarie-Martine Buckens ; Régime foncier ; Afrique du Sud ; terres tribales ; conflit Blancs/Noirs ; biocarburants ; OGM. Lieu du séchage du riz. © Fataiphotorush
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Âpotentiel considérableÂŽ 18 D ossier Crise alimentaire A dopté au Sommet de Maputo à lÂoccasion de la deuxième assemblée ordinaire de lÂUnion africaine en juillet 2003, le Programme détaillé pour le développement de lÂagriculture africaine (PDDAA) représente le programme le plus abouti des pays africains pour répondre au défi de la crise alimentaire. A Maputo, les dirigeants africains se sont engagés à porter le soutien budgétaire au secteur agricole à hauteur de 10% des budgets nationaux. Conformément aux Objectifs du Millénaire (ODM) qui visent à réduire de moitié la pauvreté et la faim dÂici 2015, le PDDAA ambitionne 6% de croissance annuelle dans le secteur agricole. Pour ce faire, il identifie quatre domaines majeurs pour les investissements : terre et gestion de lÂeau, infrastructure rurale et capacités dÂaccès aux marchés, nourriture et réduction de la faim, recherche agricole et vulgarisation. > La révolution verte selon AGRA Mais le PDDAA nÂest pas la seule réponse africaine. Parmi les multiples réponses avancées, il y a la fameuse nouvelle Ârévolution verte soutenue par deux fondations américaines Â… Rockefeller et Gates Â… et présidée par lÂancien Secrétaire des Nations Unies, Kofi Annan. Cette Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA) a signé lors du Sommet de la FAO en juin dernier un protocole avec la FAO, le Fonds international pour le développement agricole (FIDA) et le Programme alimentaire mondial (PAM) pour ÂlÂoptimisation de la production dans les zones des Âgreniers à blé de lÂAfriqueÂŽ. Ce nouveau partenariat Âvise maintenant à faire la différence en optimisant la production alimentaire dans les zones aux conditions relativement favorables en terme de précipitations, sols, infrastructures, et marchésÂŽ, explique un communiqué de la FAO. Une initiative qui, selon son président fait partie de la vision stratégique dÂAGRA pour Âétablir des partenariats qui unissent les forces et les ressources des secteurs public et privé, de la société civile, des organisations paysannes, des donateurs, des scientifiques et des entrepreneurs dÂun bout à lÂautre de la chaîne de valeur agricoleÂŽ. En outre, précise-t-il, Âil fera progresser lÂobjectif du PDDAA du NEPADÂŽ. LeÂpotentiel considérableÂŽ de lÂAfrique Parler du ‘potentiel considérableÂ’ de ce continent, singulièrement lÂ’Afrique sub-saharienne, cÂ’est reconnaître la situation alimentaire dramatique dans laquelle il se trouve actuellement. Mais lÂ’Afrique se réveille. En témoignent les différentes initiatives prises depuis quelques années, notamment et surtout le vaste programme de développement agricole du Nouveau partenariat pour le développement de lÂ’Afrique (NEPAD) de lÂ’Union africaine (UA).Kofi Annan, Président du Conseil de lÂ’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA), lors de la cérémonie de signature dÂ’un protocole dÂ’accord entre lÂ’AGRA et les responsables de la FAO, du FIDA et du PAM. Conférence de haut niveau sur la sécurité alimentaire mondiale : les défis du changement climatique et des bioénergies. Organisation des Nations Unies pour lÂ’alimentation et lÂ’agriculture (FAO), Rome, 3-5 juin 2008. © FAO/Giulia Muir
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> La collaboration européenne ÂNous croyons très fort à lÂapproche du programme PDDAA du NEPADÂŽ, indique Marc Debois, chef de secteur à la DG Développement de la Commission européenne, poursuivant : ÂDÂabord pour ce quÂelle promeut, ensuite parce que, politiquement, elle nous permet de resserrer nos liens avec lÂUnion africaine.ÂŽ Pour lÂheure, la Commission européenne planche pour savoir ce quÂelle va mettre dans le ÂpartenariatÂŽ quÂelle propose dans sa communication ÂPromouvoir lÂagriculture africaineÂŽ (Advancing African Agriculture), élaborée en 2007 et entérinée par le Conseil des ministres de lÂUE. ÂLÂidéeÂŽ, poursuit M. Debois, Âest de créer des tables rondes nationales où tous les acteurs Â… représentants politiques, industriels, paysans, ONG, etc. Â… définissent une politique agricole pour le pays. Le Ghana lÂa fait.ÂŽ En réalité, le document de la Commission propose une action à la fois à court et à long terme. SÂagissant du long terme, il fait la part belle au soutien de la recherche et développement, tout en prévoyant des actions pour la gestion des ressources naturelles. Mais le court terme reste prégnant. Des mécanismes de gestion de risque sont prévus, de même quÂun programme dÂalerte avancée, en collaboration avec la FAO, qui dispose déjà dÂun système de récolte dÂinformations, prévoyant des outils permettant dÂaider les gouvernements locaux confrontés à une crise dÂutiliser les informations recueillies. M.M.B. D ossier Crise alimentaire19 N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 Mots-clésMarie-Martine Buckens ; AGRA (alliance pour une révolution verte) ; Kofi Annan ; riz.DES CHIFFRESLa sécurité alimentaire et nutritionnelle demeure le défi le plus fondamental de lÂ’Afrique. Environ 200 millions dÂ’habitants de ce continent souffrent de malnutrition, ce qui correspond à une augmentation de 15% depuis le début des années 1990 et presque au double de la malnutrition de la fin des années 1960. De son côté, Jeffrey Sachs, conseiller spécial du Secrétaire général des Nations Unies et auteur du livre La Fin de la pauvreté , estime quÂ’il faudra 8 milliards de dollars par an pour remettre lÂ’agriculture africaine à niveau (contre 5 milliards de dollars pour lÂ’Asie et 3 milliards pour le reste du monde). Comment faire ? La philosophie de Jeffrey Sachs est simple : “Pour surmonter cette crise, nous devons aider financièrement les producteurs agricoles dans les pays pauvres ; cela augmenterait la production et donc ferait baisser les prix. Cela aiderait également à résorber lÂ’urgence actuelle.” Une vision que ne partage pas la Commission. “Nous sommes opposés, notre Commissaire en particulier, à ce type dÂ’aide verticale”, tient à préciser Marc Debois, poursuivant : “La situation est tellement complexe que nous ne pouvons nous satisfaire dÂ’aide ciblée qui consisterait par exemple à inonder les paysans dÂ’engrais, sans au préalable assurer des structures de distribution et des conseils dÂ’utilisation.” DES SOLUTIONSComme beaucoup de pays en développement, les pays africains sont dépendants de lÂ’extérieur pour leur approvisionnement en céréales. Une situation qui a mis le feu aux poudres avec lÂ’explosion des prix alimentaires. Une des solutions : rendre lÂ’Afrique autosuffisante en riz. Les surfaces existent, les variétés aussi – dont le fameux riz Nerica mis au point par lÂ’ADRAO, le Centre du riz pour lÂ’Afrique. Son directeur, le Dr Papa A. Seck, estime que pour y arriver des mesures sÂ’imposent dont le soutien massif à la riziculture, soulignant notamment le dérèglement du commerce international. “JusquÂ’Ã une année récente”, expliquet-il, “les 11 000 riziculteurs américains recevaient des subventions dÂ’une valeur de 1,4 milliard de dollars par an. Par contre, les 7 millions de riziculteurs africains continuent de se battre dans un marché libéralisé sans aucune subvention et avec un accès limité au crédit, aux intrants et à lÂ’information sur le marché.” Table ronde n° 4 sur les bioénergies et la sécurité alimentaire. Conférence de haut niveau sur la sécurité alimentaire mondiale : les défis du changement climatique et des bioénergies. Organisation des Nations Unies pour lÂ’alimentation et lÂ’agriculture (FAO), Rome, 3-5 juin 2008. © FAO/Giulia Muir
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PACIFIQUE :une SECURITErelative PACIFIQUE :une SECURITErelativeL es îles du Pacifique, comme le rappellent tous les experts, souffrent essentiellement de trois maux : isolement, exiguïté et fréquence des catastrophes naturelles. Trois maux qui pèsent lourdement sur la sécurité alimentaire des îles, singulièrement les plus petites comme Tonga, Niue ou Vanuatu. > Dépendance LÂisolement géographique grève dÂautant le prix des produits à importer ou exporter. LÂexiguïté, explique K.L. Sharma, professeur à lÂUniversité du Pacifique Sud à Fidji, est synonyme de 20 D ossierCrise alimentaire Une agriculture de subsistance couplée à des ressources halieutiques encore avérées permet pour lÂ’heure aux îles du Pacifique de ne pas subir de plein fouet la hausse des prix des denrées alimentaires. Avec des bémols importants, comme lÂ’incertitude sur la valeur marchande de cultures dÂ’exportation notamment le sucre fidjien, ou les effets dévastateurs des cyclones. Plage à OarsmanÂ’s Bay aux îles Fidji. © Andrew Potter. Image de BigstockPhoto.com
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ressources naturelles limitées, et donc de dépendance aux produits importés. Une dépendance qui sÂest accrue ces dernières années sous lÂeffet conjugué de trois facteurs. Tout dÂabord, lÂattrait pour les denrées importées, conditionnées et souvent bon marché. Parallèlement, des politiques gouvernementales ÂinconsistantesÂŽ, selon K.L. Sharma, ont permis à certaines denrées importées de supplanter la production locale. CÂest le cas du riz fidjien, dont la production locale est passée de 29.000 à 14.000 tonnes entre 1993 et 2002, Âen raison principalementÂŽ, poursuit Sharma, Âde la suppression des aides accordées par le gouvernement sous forme de fourniture de produits agricoles ou de conseils techniques, du non-renouvellement des baux de terres, de la dérégulation du marché et, in fine, de la préférence pour le riz importé, devenu en outre moins cher que le riz localÂŽ. Et malgré les efforts entrepris depuis par les autorités locales pour revitaliser le secteur, le pays reste importateur net dÂune denrée dont le prix a atteint des niveaux records au cours du premier trimestre de cette année. Autre facteur : la dévastation des cultures par les cyclones. Les Fidjiens gardent encore à lÂesprit lÂimpact du cyclone Ami qui, en 2003, a détruit fermes, infrastructures, cultures de rente et vivrières. Coût estimé : 66 millions de dollars.> LÂexpérience samoane Pourtant les cultures et élevages traditionnels Â… manioc, taro, noix de coco, fruits de lÂarbre à pain, porc, volaille Â… restent prégnantes dans bien des îles. A commencer par Fidji où la production dite de subsistance Â… opposée à la production commerciale à grande échelle Â… a même réussi à infiltrer les marchés des villes, alimentant une proportion non négligeable dÂune population citadine en expansion rapide. En 2002, indique K.L. Sharma, Âla production de subsistance représentait 6% du PIB et 37% de la production agricole, forestière et halieutiqueÂŽ. Belle performance, et Fidji est souvent citée comme exemple à suivre pour dÂautres îles du Pacifique qui, bien que possédant une culture traditionnelle robuste, manquent dÂexpériences en matière de développement commercial. Reste à gérer une inconnue de taille : lÂimpact des cyclones. ÂCultivez autant dÂignames que vous le pouvez et mettez-les de côté en prévision des cyclones. LorsquÂil nÂy a ni taro, ni fruits de lÂarbre à pain, ni bananes, les ignames seront votre réserve de nourriture.ÂŽ Tel est le conseil donné par un agriculteur de Samoa et repris dans la fiche technique élaborée par le Réseau des Nations Unies pour le développement rural et la sécurité alimentaire. En effet, plus lÂigname est laissée en terre, plus son rendement augmente. Cette denrée ne subit donc pas les effets des ouragans. Mais que faire après le passage dÂun cyclone? Les pénuries dÂeau et de nourriture peuvent durer de deux semaines à huit mois. La brochure passe en revue dÂautres stratégies dÂadaptation telles que privilégier les cultures rapides comme le manioc et les patates douces. Pour le stockage, les agriculteurs ont suggéré un retour aux habitudes locales, comme celle de faire fermenter le fruit de lÂarbre à pain et les bananes dans un trou creusé dans le sol (Âbiscuit de SamoaÂ). Des conseils vitaux pour une population dont les deux tiers dépendent de lÂagriculture de subsistance (y compris les forêts et les pêches) pour survivre. M.M.B. Mots-clésMarie-Martine Buckens ; Fidji ; riz ; cultures traditionnelles ; cyclones ; igname ; Taro. LES VERTUS DU TAROTaro, talo, dalo, dago, aba, anega, aro, ma : autant de mots différents qui désignent tous une même plante qui, depuis des siècles, assure une nutrition de choix aux Océaniens. Si son nom varie dÂ’une île à lÂ’autre, ses tubercules et ses feuilles savoureuses ont la même valeur nutritive partout. Et quelle valeur : des fibres, du calcium et du fer dans les tubercules ; des vitamines A, C, B2 et B1 dans les feuilles. Et pourtant, ce “trésor alimentaire”, comme le qualifie la docte FAO dans une de ses fiches techniques, est menacé. “Sur beaucoup d’îles”, explique la FAO, “le taro ne tient plus dans la vie quotidienne la place importante quÂ’il occupait autrefois. Son prix est souvent élevé. Les citadins qui travaillent toute la journée trouvent parfois quÂ’il est plus rapide de faire cuire du riz que de cultiver ou dÂ’acheter du taro et de lÂ’apprêter. De nos jours beaucoup dÂ’insulaires préfèrent acheter du riz de préférence à ce tubercule nourrissant, pour la bonne raison quÂ’il cuit plus vite”. Le riz est certes riche en protéines et calories, mais il ne tient pas la comparaison avec le taro en matière de sels minéraux et de vitamines. La FAO confirme : “Les légumes importés à grand frais dÂ’Europe ne peuvent soutenir la comparaison avec ce savoureux tubercule riche en éléments nutritifs quÂ’on trouve facilement dans la région.” La fiche technique de la FAO ne contient pas que des données purement nutritives ou techniques. Elle foisonne également de recettes, à déguster sur : http://www.fao.org/WAIRdocs/x5425f/x5425f01.htm CEREALES IMPORTEESLÂ’attrait de plus en plus marqué des populations du Pacifique pour les céréales comme le riz ou le blé se paie cash. En témoignent les dernières estimations de K.L. Sharma : Les îles Cook, Samoa et Tonga sont dépendantes à 100% des importations en céréales. La dépendance de Fidji est passée de 79 à 90% au cours de la période 1993-2002 en raison principalement du déclin (50%) de sa production de riz. Au cours de la même période, la Papouasie Nouvelle Guinée a vu sa dépendance reculer légèrement (99 à 97%), alors que celle des îles Salomon est passée de 91 à 95%. Toutes les îles sont à 100% dépendantes des importations pour la farine de blé. Les îles Cook, Vanuatu, Samoa, Tonga et Fidji sont dépendantes des importations de riz dans une fourchette allant de 65 à 100%. N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 D ossier Crise alimentaire21 21 A la page 20: piment rouge séché. © Fataiphotorush
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LES CARAIBES SÂINTERROGENT LÂ’augmentation des prix des denrées alimentaires dans les Caraïbes, en particulier à Haïti où des émeutes meurtrières ont éclaté, soulève la question de la forte dépendance de la région à lÂ’importation de produits alimentaires. Les faiblesses du secteur sont épinglées et des voix s’élèvent pour réclamer des actes concrets. LÂ’augmentation des prix des denrées alimentaires dans les Caraïbes, en particulier à Haïti où des émeutes meurtrières ont éclaté, soulève la question de la forte dépendance de la région à lÂ’importation de produits alimentaires. Les faiblesses du secteur sont épinglées et des voix s’élèvent pour réclamer des actes concrets. 22 D ossierCrise alimentaire 22 “L a crise ne trouve pas son origine dans les pénuries alimentaires, mais bien dans les prixÂŽ, explique Chandra Madramootoo, dÂorigine guyanaise et doyen de la faculté dÂagriculture de lÂuniversité McGill, au Canada. Durant notre entretien, il nous a expliqué que tous les pays de la Communauté et du Marché commun des Caraïbes (CARICOM) souffraient de la flambée des prix. Selon lui, Guyana et Belize sont un peu moins mal lotis, puisque Guyana est producteur de riz. Les Caraïbes sont très touchées par les augmentations de prix à cause de leur forte dépendance à lÂimportation de denrées alimentaires. LÂaugmentation des frais de transport, qui grimpe en même temps que le prix du baril, entraîne une hausse des prix des produits alimentaires. Rares sont aujourdÂhui les pays CARICOM dont lÂéconomie dépend de lÂagriculture. Et Madramootoo de prendre lÂexemple de Sainte-Lucie : il y a une trentaine dÂannées, lÂagriculture représentait encore 25 à 30 % de son produit intérieur brut (PIB). AujourdÂhui, elle nÂen représente plus que 5 ou 6%, le tourisme lÂa supplantée. En Haïti, Jean-Baptiste Chavannes, porteparole du Mouvement paysan national du Congrès de Papaye largement représentatif des agriculteurs, a déjà tiré la sonnette dÂalarme face à lÂalourdissement de la facture de lÂimportation de produits alimentaires. Dans un entretien accordé au magazine Le Courrier à la fin de lÂannée 2007 à Port-auPrince, il a déclaré : ÂNous importons 300 millions de dollars de nourriture chaque année. CÂest une catastrophe.ÂŽ D ans les années 1960, Haïti vivait encore dans lÂautosuffisance alimentaire, mais les producteurs locaux de riz, de volaille et dÂÂœufs ont progressivement disparu.> Le poids de la libéralisation Selon Chavannes, en Haïti lÂagriculture pâtit depuis des années de négligence. Son déclin a été précipité par la libéralisation dans les années 1980, sous le règne des Duvalier, ainsi que par une trop forte dépendance aux importations. Le coup fatal a été porté à lÂagriculture locale entre 1991 et 1994, pendant lÂembargo économique qui interdisait lÂimportation de fourrage pour lÂélevage. Depuis, lÂinstabilité politique qui a affaibli lÂadministration, le manque conséquent de crédit à lÂachat dÂintrants, lÂappauvrissement des terres arables sous lÂeffet de la déforestation pour le bois de chauffage et les mauvaises infrastructures ont accéléré le déclin du secteur. Selon Chavannes, 50% du territoire national nÂest désormais pas cultivable. Selon Madramootoo, des pénuries, en particulier de volaille et de riz, se produisent sporadiquement à cause de la forte demande internationale. Des voix sÂélèvent dans la région, ditil, pour dénoncer lÂexportation du riz guyanais. Et il ajoute que les pêcheurs luttent pour survivre à cause des prix élevés du carburant. Quoi quÂil en soit, il aurait fallu sÂattaquer bien plus tôt aux problèmes de lÂagriculture. Parmi ceux-ci, Madramootoo cite la distribution dÂeau, les liens entre lÂagriculture et dÂautres secteurs dÂactivité comme le tourisme, lÂinsuffisance des investissements privés, la petite taille des exploitations agricoles, le manque de main-dÂÂœuvre qualifiée, lÂinsuffisance des infrastructures de transport, le manque dÂassurances et la piètre valorisation des produits locaux. Le rhum (de canne à sucre) est lÂun des rares produits agricoles à valeur ajoutée. D.P. LES CARAIBES SÂINTERROGENTsur leur dépendance aux importations Mots-clésAgriculture ; Caraïbes ; Dr Chandra Madramootoo. La liste des dangers qui guettent lÂagriculture dans les Caraïbes selon Chandra MadramootooLes caprices de la météo Le manque de main-dÂ’Âœuvre qualifiée et hautement qualifiée La faiblesse des marchés et la médiocrité des infrastructures de transport Le manque de capitaux et dÂ’assurances pour les entreprises à haut risque La faiblesse des liens entre lÂ’agriculture et dÂ’autres secteurs de l’économie Le coût élevé des intrants agricoles et de l’énergie Le manque dÂ’instissevements dans la Recherche et le Développement Le manque de liens entre les producteurs locaux et le secteur de lÂ’agroalimentaire La petite taille des exploitations LÂ’absence dÂ’une industrie de transformation Le manque de valorisation de la production primaire LÂ’abondance de lÂ’agriculture en Haïti. Peinture de L. Saul, Villa Créole, Portau-Prince, Haïti 2007. © Debra Percival
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I nteractions L a petite équipe slovène dÂexperts en développement a eu fort à faire pour veiller à ce que tout reste bien sur les rails, déclare Uro Mahkovec, conseiller ACP de la représentation de la Slovénie auprès de lÂUE. Elle a notamment dû faire progresser les négociations menées pour transformer dÂici la fin de lÂannée les Accords de partenariat économique (APE) initialement ÂintérimairesÂŽ Â… les accords de libre-échange entre le groupe ACP et lÂUE Â… en accords à part entière. Elle a également eu pour tâche, avec les partenaires du CARIFORUM*, dÂaplanir les dernières difficultés présentes dans les textes juridiques pour permettre la signature de leur APE régional à part entière prévue fin juillet 2008 à la Barbade. Pas moins de 42 Etats ACP Â… surtout des pays les moins avancés (PMA) Â… doivent encore signer un APE sous lÂune ou lÂautre forme. Parmi ses priorités, la présidence devait également assurer, dÂune part, le suivi du sommet Afrique-UE de Lisbonne et, dÂautre part, relancer la dynamique en faveur de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), des sujets inscrits à lÂordre du jour du sommet de lÂUE de juin 2008. Le Secrétaire dÂEtat aux Affaires étrangères de la Slovénie est désormais un visage familier pour certains. Il a en effet participé à des réunions de la troïka UE (présidences ancienne, actuelle et future) avec respectivement des ministres du Nigéria, du Cap Vert et de l'Afrique du Sud. Le soutien accordé par les deux présidences précédentes, à savoir lÂAllemagne et le Portugal, sÂest avéré extrêmement précieux pour la Slovénie, souligne Uro Mahkovec. Ce ÂtrioÂŽ de pays a élaboré une stratégie de développement conjointe déployée sur 18 mois, de janvier 2007 à juin 2008. LÂapport spécifique de la Slovénie a consisté à convaincre les Etats membres de lÂUE dÂaccorder davantage dÂattention à lÂimpact des conflits armés sur les femmes et les enfants dans les pays en développement. Deux organisations non gouvernementales (ONG) slovènes, à savoir Together, le Centre régional pour le bien-être psychosocial des enfants, spécialisé en assistance psychologique, et l International Trust Fund (ITF), actif dans des projets de déminage, jouissent dÂores et déjà dÂune reconnaissance mondiale grâce à leur savoir-faire acquis dans la région proche que forment les Balkans. Uro Mahkovec estime que pour un Etat membre de lÂUE, la petite taille est synonyme de flexibilité : ÂTout le monde sait que nous nÂavons pas un énorme agenda national à gérer.ÂŽ Il souligne les progrès accomplis pour faire progresser les Accords de partenariat économique (APE). La Slovénie a organisé une réunion de 30 ministres ACP ÂclésÂŽdans sa capitale, Ljubljana, pour discuter des APE. Tout en respectant lesLa considération de la Slovénie pour lÂAccord de CotonouPour un Etat membre de lÂ’Union européenne (UE) qui a assumé la présidence tournante de lÂ’UE, il nÂ’est pas facile d’évaluer la contribution quÂ’il a lui-même apportée aux relations avec les nations dÂ’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) pendant ses six mois de présidence. Pour cet Etat membre comme pour les autres, la machine continue à tourner. Au moment où la Slovénie, aux commandes de la présidence depuis le 1er janvier 2008, passe le flambeau à la France – dont le tour va du 1er juillet au 31 décembre – regardons comment lÂ’un des plus petits et plus récents Etats membres de lÂ’UE, sans tradition nationale en matière de politique de développement, a employé son savoir-faire pour laisser son empreinte. “Tout le monde sait que nous nÂ’avons pas un énorme agenda national à gérer.” 23 23 N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 Victor Borges, ministre des affaires étrangères du Cap Vert (à droite) lors de la réunion Troïka UE/ Cap Vert, 27/5/2008, avec Andrej Ster, secrétaire d’État au ministère des Affaires étrangères de Slovénie (à gauche). © Conseil de lÂ’Union européenne
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24 craintes de pertes fiscales du Nigéria, M. Mahkovec trouve que ce pays, par exemple, est à présent moins hostile à lÂidée dÂun APE. >Adoucissement Cet ÂadoucissementÂŽvis-à -vis des APE a été évoqué à la réunion ministérielle conjointe ACP-UE à Addis-Abeba les 12 et 13 juin, où une résolution conjointe a traduit lÂengagement des deux partenaires Âà faire leur possible pour veiller à ce que toutes les régions concluent des APE à part entière compatibles avec lÂOrganisation mondiale du commerce (OMC) et prenant dûment en compte les circonstances spécifiques des pays ACPÂŽ. Uro Mahkovec estime que lÂélaboration de cette résolution est une réussite en soi. Depuis 33 ans que de telles réunions existent, cÂest la première fois quÂun accord ACP-UE est conclu. Ce texte traite aussi dÂun recentrage sur lÂagriculture dans les politiques ACP-UE et de la nécessité pour les deux partenaires dÂagir pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement dÂici à 2015. Â104 pays (77 Etats ACP et 27 de lÂUE), cela représente presque la moitié des membres de la plupart des forums multilatéraux. Si nous pouvions en faire autant dans dÂautres domaines tels que lÂOMC, cela constituerait un excellent précédent.ÂŽIl ressort de lÂentretien avec Uro Mahkovec une considération pour le type de solidarité qui peut être créé au travers de lÂAccord ACP-UE de Cotonou (2000-2020). Etant un Etat membre de lÂUE depuis mai 2004, la Slovénie est lÂun des 12nouveaux contributeurs aux programmes dÂaide financés par lÂUE en faveur des nations ACP dans le cadre du 10e Fonds européen de développement (FED), dÂun montant de 22,682 milliards dÂeuros et dÂune durée de six ans (2008 à 2013) qui débute le 1er juillet 2008. La contribution de la Slovénie sÂélèvera à 40,827 millions dÂeuros, une grosse somme pour un petit pays. Ceci nécessite par ailleurs une réorganisation interne de lÂadministration slovène, qui envisage de mettre sur pied une agence spécialisée dans le développement. La seule présence diplomatique du pays se trouve au Caire. La Slovénie compte cependant saisir les nouvelles opportunités offertes par lÂAccord de Cotonou, notamment pour ses entreprises et ses citoyens. Pour la Slovénie, la récente mission de la ÂtroïkaÂŽenvoyée à Fidji les 19 et 20 juin afin dÂévaluer la situation politique et lÂengagement de Fidji en faveur de lÂorganisation de nouvelles élections parlementaires après le coup dÂEtat militaire orchestré par le commandant Frank Bainimarama en décembre 2006, démontre la force du principe de dialogue consacré par lÂarticle 96 de lÂAccord de Cotonou. L évincement de Laisenia Qarase, Premier ministre élu démocratiquement, a été considéré comme une violation des Âéléments essentielsÂŽde lÂAccord de Cotonou, à savoir les droits de lÂhomme, les principes démocratiques et lÂEtat de droit (voir par ailleurs lÂarticle consacré à Fidji dans le ÂTour dÂhorizonÂŽ). D.P. * Voir dans ce numéro, à la rubrique Tour dÂhorizon, lÂarticle sur la réunion ministérielle ACP. Sites Internet : www.itf-fund.si ; www.together-foundation.si Mots-clés Debra Percival ; Slovénie ; APE ; 10e FED ; Cotonou ; Fidji. Les ONG slovènes souhaitent étendre lÂ’expertise acquise. Victime dÂ’une mine après sa réhabilitation, Albanie. Fonds international dÂ’affectation spéciale pour le déminage et lÂ’assistance aux victimes des mines (ITF). © Arne Hodalic P our la période 2007-2013, ce sont 35,4 millions dÂeuros du FEDER auxquels sÂajoutent les quotes-parts de lÂEtat français et de la Réunion pour arriver à 47,3 millions qui seront consacrés à un programme opérationnel ÂOcéan Indien impliquant la Réunion et de lÂautre les autres îles ACP de lÂOcéan Indien, Madagascar, Maurice, Seychelles et Comores. Ce programme comporte trois volets, respectivement: Développement durable et environnement visant à renforcer les compétences en la matière, à développer la recherche innovation et à soutenir la lutte contre les risques naturels ; Intégration économique régionale pour accompagner le secteur privé réunionnais dans des projets de coopération économique et favoriser les échanges de savoir-faire notamment dans les domaines de la sécurité maritime et de la gestion des stocks de pêche. Le dernier volet dénommé Favoriser le développement humain et la solidarité internationale au profit dÂune intégration régionaleharmonieuse concerne les échanges culturels et sportifs, et la coopération sur la formation, lÂéducation et lÂinsertion. Des projets financés sur le fonds FED sont aussi en exécution ou prêts de lÂêtre dans la région, au total 8 projets totalisant 54 millions dÂeuros parmi lesquels un Programme régional de protection des végétaux (PRPV), bénéficiant de 4,85 millions dÂeuros sur un montant total de 6,6 millions dÂeuros. La Réunion, non éligible à ce fonds destiné aux ACP, finance sa participation à hauteur de 1,24 millions dÂeuros. LÂapport des quatre pays ACP se chiffre lui à 510.000 euros. COOPERATION UE, la Réunion et Océan Indien Mots-clésLa Réunion ; ACP ; FED ; FEDER.I nteractions UE-ACP Hegel Goutier
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La gouvernance D ans la capitale slovène, la gouvernance, la démocratie et les droits de lÂhomme, avec pour toile de fonds les crises du Tchad, du Kenya et les négociations des Accords de partenariats économiques (APE), ont déclenché des discussions enflammées entre parlementaires dÂEurope et des pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). Signe positif, lÂAssemblée parlementaire paritaire (APP) a réussi à sÂaccorder sur le dossier chaud du Kenya, saluant la sortie de crise réussie et la médiation de Kofi Annan. Les parlementaires venus des quatre continents ont demandé à Nairobi que les infractions à la loi électorale fassent ÂlÂobjet dÂune enquête impartiale et rigoureuseÂŽ mais se sont félicités de lÂaccord politique trouvé au plus haut niveau de lÂEtat dans une résolution dÂurgence. La médiation de Kofi Annan est Âla preuve que les Africains ont la capacité de résoudre les crises eux-mêmesÂŽ, sÂest réjoui Peya Mushelenga, parlementaire namibien. En revanche, sur le Tchad, lÂéchec fut au rendez-vous. La partie ACP, arguant de lÂabsence de tout représentant tchadien dans la salle, a finalement refusé de voter un texte de compromis qui dénonçait la répression menée par le président Idriss Déby contre lÂopposition non armée. Une opposition amèrement dénoncée par nombre de leurs collègues européens qui y ont vu une tentative dÂobstruction de NÂDjamena et une preuve de la frilosité de certains parlementaires ACP lorsque les questions des droits de lÂhomme et de la gouvernance sont mises sur le tapis. Pour le député allemand Jürgen Schröder, Âil est décevant quÂils aient rejeté un texte aussi équilibréŽ, longuement négocié, qui condamnait les attaques des rebelles armés contre le président Déby tout comme les agissements de lÂONG française de lÂArche de Zoé. ÂLa stabilité durable du pays passe par une ouverture politique à toutes ses composantes internesÂŽ, a prévenu Louis Michel. Avec sa passion habituelle, il a rappelé que le développement des pays ACP exigeait précisément le renforcement de la bonne gouvernance. Et de souligner que lÂaffermissement des Etats était un objectif-clé de la politique de la Commission. ÂRenforcer les institutions publiques est la priorité de notre actionÂŽ, a expliqué le Commissaire en prenant pour preuve lÂimportante augmentation de la part de lÂaide budgétaire directe dans le 10e Fonds N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 25 25La gouvernancedans tous ses états à Ljubljana“Il nÂ’y a pas 36 conceptions du principe de séparation de lÂ’Etat, de la présomption dÂ’innocence ou de la liberté dÂ’expression !” Louis Michel, le Commissaire européen au Développement, a donné le ton des débats de la 15e Assemblée parlementaire paritaire UE-ACP du 17 au 20 mars à Ljubljana. Sebastien Falletti*Quai Gallus, Ljubljana. © Ljubljana Tourist Board Archive Hans-Gert Pöttering, président du Parlement européen. © Parlement européen I nteractions UE-ACP
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européen de développement prévu pour la période 2008-2013. Désormais 47% de lÂenveloppe ira directement aux budgets des pays ACP afin quÂils améliorent leurs services publics dans des secteurs-clés comme lÂéducation ou la santé. Une nouvelle approche qui implique aussi une plus grande responsabilité des gouvernements en matière de droits de lÂhomme et de démocratie et un véritable dialogue politique avec lÂUE. LÂinsistance sur le rôle de lÂEtat visait également à rassurer des parlementaires échaudés par les négociations des Accords de partenariat économique (APE). Après la passion quÂavait déclenché ce dossier sensible lors de la précédente session à Kigali au Rwanda en novembre 2007, la pression est redescendue dÂun cran à Ljubljana sans pour autant effacer les inquiétudes. ÂLe conflit et la controverse ont embourbé lÂensemble du processus des APEÂŽ, a rappelé Glenys Kinnock co-présidente de lÂAPP durant la séance dÂouverture. Son collègue du côté ACP, Wilkie Rasmussen, des Iles Cook, nÂa pas manqué de pointer du doigt les conséquences des subventions agricoles européennes sur les économies des pays pauvres et dÂégratigner la stratégie de négociation de la Commission. Le commissaire lui sÂest tourné délibérément vers lÂavenir pour convaincre les pays africains et du Pacifique de négocier des APE complets à lÂimage de celui conclu par la région Caraïbes. Au lendemain de la signature dÂaccords dits ÂintérimairesÂŽ à la fin 2007 afin de se plier aux exigences de lÂOMC, lÂUnion européenne (UE) appelle les pays ACP à transformer lÂessai en ratifiant les accords intérimaires et en concluant des APE. Et de rassurer sur les conséquences sociales et le caractère progressif de lÂouverture commerciale. ÂJe ne suis pas un grand prêtre de la libéralisation sauvageÂŽ, a tonné Louis Michel qui a réaffirmé lÂengagement de lÂUE à accompagner financièrement les pays tout au long de leur ouverture progressive au marché mondial. Il a bénéficié de lÂappui du Conseil économique et social européen (CESE) qui a salué le chapitre social de lÂAPE conclu avec la région Caraïbes et invité les Etats africains à suivre cette voie. Néanmoins, lÂaccès au marché est une condition Ânécessaire, mais pas suffisante du développementÂŽ, a précisé Gérard Dantin, représentant du CESE. Pour permettre aux économies ACP de renforcer progressivement leur compétitivité avant de plonger dans le Âgrand bainÂŽ de la compétition globale, la Commission mise sur lÂintégration régionale. Louis Michel prépare une communication sur le sujet pour septembre et a invité les parlementaires ACP à exprimer leurs vues dans le cadre de la consultation publique en cours. Les APE prévoient une libéralisation de 80% du commerce des biens des pays ACP sur une période de transition de 15 années. Les débats de Ljubljana ont démontré que le sujet était loin dÂêtre clos. ÂDe nombreuses questions restent sans réponseÂŽ, a rappelé Ali Farah Assoweh, Ministre des Finances de Djibouti et Président en exercice du Conseil des pays ACP. Et dÂédicter une série de conditions à la signature dÂun APE, dont la protection des secteurs les plus sensibles de lÂéconomie des ACP et un financement complémentaire pour accompagner le processus de libéralisation du commerce. La route vers des APE complets sera encore Âlongue et douloureuseÂŽ , a-t-il conclu. LÂAssemblée, qui plantait pour la première fois son chapiteau dans un des ÂnouveauxÂŽ Etats membres ayant rejoint lÂUE en 2004, changera dÂhorizon pour sa prochaine session mais sans doute pas de thématiques. Gouvernance, développement ou commerce, les parlementaires, les ONG comme les commissaires ont encore beaucoup à dire afin de prouver que les relations UE-ACP sont aussi Âune union entre les peuplesÂŽ suivant le mot dÂHans-Gert Pöttering, le Président du Parlement européen. Rendezvous est donc déjà pris à Port Moresby en Papouasie Nouvelle Guinée, du 22 au 28 novembre 2008. * Journaliste basé à Bruxelles. 26 Mots-clésAssemblée parlementaire paritaire (APP) ; ACP ; APE ; Tchad ; Slovénie.Le Pont aux dragons (détail), Ljubljana. © Ljubljana Tourist Board Archive I nteractions UE-ACP
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des MIGRATIONS N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 “I l est de notre devoir de souligner les éléments positifs des migrations et dÂéliminer les préjugés dans ce domaineÂŽ, a déclaré Sir John Kaputin, Secrétaire général du Groupe ACP. La Résolution de Bruxelles des Ministres ACP sur la migration et le développement, adoptée lors de la réunion, sera présentée lors du prochain Forum mondial sur la migration et le développement à Manille, aux Philippines, en octobre 2008. Ce document demande une étude plus approfondie des causes de la migration Â… notamment le lien avec le changement climatique Â… et lÂarrêt immédiat du déversement de déchets toxiques dans les eaux des pays ACP, une pratique à lÂorigine de mouvements migratoires. La résolution recommande également aux gouvernements des pays ACP dÂaméliorer la gestion de lÂasile, des migrations et de la mobilité. Dans leur résolution, les Ministres demandent au Secrétariat ACP de commissionner dÂici 2009 une étude sur les meilleures pratiques visant à promouvoir lÂintégration des migrants dans les pays dÂaccueil. La résolution demande aussi dÂidentifier des solutions innovantes sur les migrations illégales pour enrayer la Âfuite des cerveaux et autres travailleurs qualifiés originaires des pays ACP. Les ministres ACP estiment quÂil faut encourager la migration ÂcirculaireÂŽ, en dÂautres termes, faciliter à la fois lÂintégration professionnelle des travailleurs originaires des pays ACP et leur retour dans leur pays dÂorigine. La résolution précise aussi que les gouvernements devraient sÂattaquer au problème des travailleurs immigrés sans papiers et que les pays ACP devraient de leur côté ratifier des cadres juridiques pour lutter contre la traite des êtres humains. Interrogée par des journalistes à propos des récents épisodes de violence contre les immigrés zimbabwéens en Afrique du Sud, la sénatrice Elma Campbell, Ministre dÂEtat à lÂimmigration des Bahamas et présidente de la réunion à Bruxelles, a déclaré : ÂNous encourageons vivement les pays ACP à appliquer les lois permettant de lutter contre le racisme et la xénophobie et à améliorer la sensibilisation à ce phénomène.ÂŽ > Observatoire ACP des migrations Aya Kasasa, expert en charge des dossiers culture et migration au Secrétariat ACP à Bruxelles, a déclaré à la presse quÂune ÂFacilité ACP pour la migrationÂŽ est en cours de création, financée à hauteur de 25 millions dÂeuros au titre du 9e Fonds européen de développement (FED) par lÂUE. Un appel dÂoffres a été lancé par le Secrétariat ACP en vue de la sélection du consortium qui assurera la mise en Âœuvre dÂun Observatoire central des migrations, complété par un réseau dÂobservatoires dans six régions ACP : lÂAfrique occidentale, lÂAfrique centrale, lÂAfrique orientale, lÂAfrique méridionale, les Caraïbes et le Pacifique. Cet appel constitue la première phase de ce projet. Dans un premier27 Les avantages des migrations et lÂ’approfondissement de l’étude des flux migratoires dans les pays dÂ’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) pour mieux intégrer les intérêts des migrants aux politiques de développement ont été au cÂœur des préoccupations de la 2e réunion des ministres ACP en charge des questions dÂ’asile, de migration et de mobilité, organisée à Bruxelles les 29 et 30 mai. Etudier les aspects positifs des MIGRATIONS De nombreuses Âœuvres dÂ’art exposées durant DakÂ’art se rapportaient auVoile au vent 3, DakÂ’art 2008 ‘Afrique : miroir ?Â’ Photo Iside Ceroni I nteractions ACP
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temps, lÂaccent sera mis sur les flux migratoires entre pays ACP, plutôt que sur les mouvements du Sud vers le Nord. Rappelons ici que les projets de développement nÂassocient pas souvent les migrants. LÂObservatoire sera composé de chercheurs universitaires, dÂacteurs de la société civile, de réseaux existants de migrants, voire de migrants à titre individuel. Les membres de lÂObservatoire rassembleront des faits et les conclusions des recherches effectuées sur les flux migratoires, la nature et lÂampleur des migrations, les projets actuels destinés aux migrants, les statistiques économiques et sociales et lÂimpact des migrations sur la pauvreté, le commerce et la santé. LÂobjectif est de fournir des nouvelles informations et des études récentes, ainsi que de présenter de nouvelles initiatives aux décideurs. ÂNous veillerons à ne pas faire deux fois le même travail et tenterons plutôt dÂapprofondir les recherches existantesÂŽ, a déclaré Andrew Bradley, Sous-secrétaire général du Secrétariat ACP en charge des affaires politiques et du développement humain. Sir John Kaputin a quant à lui ajouté : ÂEn tant que pays en voie de développement, les pays ACP doivent jouer un rôle actif dans la formulation du débat sur la migrationÂŽ. Lors dÂune étape ultérieure, cette nouvelle ÂFacilitéŽ tâchera de renforcer à la fois les organismes ACP régionaux et les ministères nationaux en matière de migration dans 12 pays pilotes : le Sénégal, le Nigeria, la Tanzanie, le Kenya, la République Démocratique du Congo, le Cameroun, lÂAngola, le Lesotho, Haïti, Trinité et Tobago, la Papouasie Nouvelle Guinée et le Timor Leste. A un stade ultérieur, la ÂFacilitéŽ sÂintéressera à un autre aspect : le rôle de la société civile dans les discussions sur des thèmes pouvant intéresser les migrants. Ndioro Ndiaye, Directeur général adjoint de lÂOrganisation internationale pour les migrations (OIM), avait été invité à prendre la parole lors de la réunion ministérielle. Selon lui, ÂlÂaide au développement de lÂUE devrait être plus attentive et accorder plus de crédit aux efforts de la Âdiaspora des ACP dans les Etats membres de lÂUE et à leur potentiel de multiplication des aides au développement par le biais des envois dÂargent dans leur pays dÂorigine, du transfert de connaissances et de la transmission de lÂexpérience professionnelle.ÂŽ Une autre invitée, Annemie Turtelboom, Ministre belge de lÂImmigration, sÂest réjouie des avancées dans le débat sur lÂimmigration au sein de lÂUE depuis 2006, lorsque ÂlÂEurope envisageait lÂimmigration dÂun point de vue défensifÂŽ. ÂCeux qui estiment pouvoir arrêter ou interrompre ces mouvements par des mesures répressives font erreur.ÂŽ La ministre belge a par ailleurs précisé que la Belgique risquait dÂêtre touchée par une réelle pénurie de travailleurs, qui pourrait sÂélever à 360.000 personnes en 2050. ÂOr, si la Belgique ferme ses frontières à lÂimmigration, ce sont 984.000 travailleurs qui manqueront à la Belgique, soit 23% de la population activeÂŽ, a-t-elle précisé aux ministres ACP. Mme Turtelboom a donc plaidé pour une organisation et une gestion des migrations susceptibles dÂêtre bénéfiques à tous : migrants, pays dÂorigine et pays dÂaccueil. ÂVoilà ce que jÂappellerais une situation Âgagnant-gagnantÂÂŽ, a-telle expliqué à ses homologues des pays ACP, précisant que cette dimension était intégrée dans lÂidée de lÂUE de créer une Âcarte bleueÂŽ pour les travailleurs immigrés. ÂLÂidée dÂorganiser lÂimmigration économique offre une alternative à lÂimmigration illégale, tout en sÂinscrivant dans la lutte contre le travail non déclaréŽ, a-t-elle ajouté devant les ministres ACP. D.P. 28 Mots-clésMigration ; ministres ACP ; Debra Percival.Babacar Niang, Émigration illégale, DakÂ’art 2008 ‘Afrique : miroir ?Â’Photo Iside Ceroni I nteractions ACP
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D epuis lÂan 2000, lÂéconomie du Mozambique a enregistré une croissance annuelle de 8% et le pays a bénéficié dÂune hausse des investissements étrangers directs, surtout dans le secteur des ressources minérales, mais aussi dans lÂindustrie, lÂagro-industrie et les services, tandis que la construction dÂinfrastructures est toujours en plein boom. Dans le même temps, le pays a mis en place des politiques fiscales et monétaires efficaces, qui ont permis de ramener le taux dÂinflation à 9% pour 2005-2007, contre 13% en 2002-2004. Le Mozambique sÂefforce aussi de renforcer le secteur de lÂagriculture et des petites entreprises. Le système bancaire et la fiscalité ont ainsi été modifiés au bénéfice des petits entrepreneurs. Maria Manuela Lucas, Ambassadrice du Mozambique auprès du Benelux et des Communautés européennes, assurant le suivi dÂune visite de son président aux PaysBas, a insisté, dans son discours à Utrecht, sur la bonne santé du secteur financier dans les régions rurales. Les Pays-Bas sont un bon exemple pour le Mozambique. Dans son discours à Rotterdam, le Président Guebuza a fait remarquer que Âles 29 C ommerce Et si le MOZAMBIQUE devenait un dragon économique africain ? Le 27 février, lors dÂ’une visite aux Pays-Bas, Armando Emilio Guebuza, Président du Mozambique, sÂ’est adressé à la communauté néerlandaise pour attirer des investisseurs privés. Au cours de ces 10 dernières années, les présidents successifs du Mozambique ont régulièrement rendu hommage à leurs principaux partenaires commerciaux, qui ont contribué à faire de ce pays lÂ’une des économies les plus attrayantes dÂ’Afrique. Ces dernières années, les exportations du Mozambique ont augmenté en moyenne de 10% par an et les prévisions font état de 7% pour 2008. N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 Maputo. © Umberto Marin-TimeForAfrica Onlus
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exportations [du Mozambique] vers les Pays-Bas avaient atteint 1,4 milliard de dollars en 2006, contre 6,5 millions de dollars en 2001. De même, les importations en provenance des Pays-Bas sont passées de 9,4 millions de dollars en 2001 à 423 millions de dollars en 2006.ÂŽ Avec 1 million de dollars investis au Mozambique en 2003, la Chine se classait en 9e position. En 2007, elle sÂétait hissée à la 6e place avec 60 millions de dollars dÂinvestissements. Un montant encore bien inférieur aux 5 milliards de dollars placés par le principal investisseur Â… les Etats-Unis. Ces dernières années, le Mozambique est devenu une destination encore plus intéressante pour les affaires. Il sÂagit dÂun des pays où lÂAgence multilatérale de garantie des investissements (MIGA) garantit les investissements étrangers depuis 1994. Le portefeuille de la MIGA inclut des secteurs tels que lÂindustrie, lÂagriculture industrielle, le tourisme, le pétrole, le gaz et les infrastructures. Le secteur touristique, par exemple, a enregistré un total de 144 millions de dollars de recettes en 2006. La nature sauvage préservée de la Réserve du Nyassa dans le nord du Mozambique est devenue une destination touristique clé. Selon le gouvernement du Mozambique, la Coupe du monde qui aura lieu en Afrique du Sud en 2010 pourrait générer des recettes considérables dans ce secteur. Le pays sÂest engagé sur la voie des réformes économiques, parmi lesquelles la suppression des subventions, la réduction et la simplification des droits à lÂimportation et la libéralisation des échanges agricoles. Un vaste programme de privatisation a été mis en place dans le secteur bancaire et dans les sociétés industrielles publiques. De nouveaux codes fiscaux ont été adoptés afin de réduire lÂimpact de lÂinflation passée. Le Mozambique dispose dÂun potentiel permettant de développer, dans un avenir proche, des niches importantes dans plusieurs secteurs. JusquÂà ce jour, le pays nÂa exploité quÂune petite partie de ses réserves de pétrole et de gaz et il dispose de gigantesques ressources minérales. Le gouvernement attache beaucoup dÂimportance au potentiel de développement du secteur de lÂagriculture, non seulement pour lÂalimentation mais aussi pour la production dÂénergie. Selon les estimations, le pays pourrait produire environ 40 millions de litres de biodiesel et 21 millions de litres de bioéthanol par an. Le gouvernement est cependant parfaitement conscient de la nécessité de trouver un équilibre entre les cultures affectées à la production de nouveaux carburants et celles destinées à nourrir la population. Notons par ailleurs que la croissance économique ne semble pas avoir été affectée par les inondations qui ont frappé le pays en 2007. Et si le Mozambique devenait un dragon économique africain ? La réponse dépend dÂune autre question. Malgré le taux de croissance actuel, combien de temps faudra-t-il pour réduire le taux de pauvreté de la population du Mozambique, qui sÂélève toujours à 50% ? Ce problème semble dÂailleurs retenir toute lÂattention du gouvernement du Mozambique. H.G. 30 30 Mots-clésHegel Goutier ; Mozambique ; économie ; MIGA ; Armando Emilio Guebuza ; Maria Manuela Lucas. Maputo, publicité sur le téléphone mobile. © Umberto Marin-TimeForAfrica Onlus La cathédrale de Maputo. © Hegel Goutier C ommerce
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W alcott a publié son premier poème à lÂâge de 14 ans. Les injustices de 400 ans de colonialisme dans les Caraïbes et la célébration de leur métissage culturel, associées à une quête dÂidentité personnelle sont les thèmes centraux de son Âœuvre. Il a produit quantité de poèmes et plus de 20 pièces de théâtre, dont Henri Christophe (1950), Ti Jean et ses frères (1958) et Rêve sur la montagne au singe (1967). Le poème ÂNord et SudÂŽ (1981) exprime la quête dÂune identité personnelle :  un parvenu des colonies à la fin de lÂempire, un satellite en orbite, seul et sans foyer. ÂŽ Il fréquente le Collège Sainte-Marie de Castries sur lÂîle de Sainte-Lucie avant dÂétudier à la West Indies University à Kingston, en Jamaïque, puis dans une école de théâtre new-yorkaise (1958-1959). Au début de sa carrière, il est à la fois enseignant dans les Caraïbes, journaliste pour Public Opinion en Jamaïque et chroniqueur et critique de théâtre pour le Trinidad Guardian. Sa passion du théâtre est également précoce. Agé de 20 ans à peine, il crée la St.Lucia Arts Guild . En 1966, il fonde la Trinidation Theatre Workshop (Atelier théâtral de Trinidad). > Peintre Suivant les traces de son père aquarelliste amateur, il consacre désormais plus de temps à la peinture pour saisir lÂessence de la beauté naturelle époustouflante de Sainte-Lucie :ÂJÂy étais il y a deux jours, par une journée magnifique... CÂétait stupéfiantÂŽ, nous dit-il lors de notre rencontre à Louvain. A Sainte-Lucie, il peut se reposer loin du circuit littéraire et réintroduire une certaine routine dans sa vie : ÂAprès avoir pris mon petit N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 31 Z oom Une journée dans la vie de DEREK WALCOTT POETE , DRAMATURGE , ARTISTE ET PRI X NO B EL Derek Walcott fait partie de la jet-set littéraire. AujourdÂ’hui, la fondation Herman Servotte* lÂ’a invité pour une lecture de poèmes à la Katholieke Universiteit Leuven (Université catholique de Louvain) en Belgique. La semaine dÂ’après**, il participera au festival littéraire de Calabash, en Jamaïque, où il lira un nouveau poème, “The Mongoose” (“La mangouste”), raillant un autre auteur des Caraïbes, V.S. Naipaul, originaire de Trinité et Tobago. Walcott est né à Sainte-Lucie et a décroché le prix Nobel de littérature en 1992 pour son poème épique Omeros (1990), une adaptation des récits homériques de lÂ’ Iliade et lÂ’ Odyssée au décor des Caraïbes. Il est également lÂ’un des universitaires les plus célèbres de lÂ’Université de Boston.Derek Walcott, Parma 2001. © Antonio Dalla Libera
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32 déjeuner et avoir un peu travaillé, je descends pour une baignade matinale, puis je remonte pour le déjeuner et la sieste. Je ne travaille jamais tard le soir, mais lÂaprès-midi peut parfois se prolonger jusque dans la soirée lors de mes répétitions de théâtre.ÂŽ Il a justement reproduit la griserie de la natation dans un de ses tableaux, intitulé simplement Le nageur . Il y montre un homme seul, marchant dans la mer, tandis que les vagues arrivent et sÂabattent sur son corps. Il préfère la réalité des paysages ou des portraits à lÂart abstrait. Après avoir animé un atelier dÂécriture à lÂUniversité de Boston pendant plusieurs années, il possède toujours un pied-à -terre à NewYork. AujourdÂhui, il passe cependant plus de temps sur lÂîle de Sainte-Lucie et plus particulièrement sur son extrémité nord, le Cap, qui offre un panorama sur la mer des Caraïbes dÂun côté et sur lÂocéan Atlantique de lÂautre. > Rivière Dorée Il interrompt notre conversation pour suggérer de regarder lÂancienne place de Louvain par la fenêtre. La création de lÂuniversité remonte à 1425. Aussi étrange que cela puisse paraître, il ne dit pas un mot sur les maisons à pignon superbement restaurées. Nous supposons quÂil doit être davantage inspiré par les plaisirs sensoriels de la nature de son île et des Caraïbes que par les terrasses alignées sur la place. Il continue en évoquant lÂun de ses endroits préférés de Sainte-Lucie, Rivière Dorée, près de Choiseul dans le sud, une crique de pêche cachée, inondée dÂune lumière dorée en soirée. ÂJÂai un nouveau recueil de poèmes, qui sortira lÂan prochain. De manière générale, il parlede ce qui arrive à lÂauteur en tant que personne, ce quÂil vit, ce quÂil gagne et ce quÂil perd.ÂŽ Sa voix est aussi mélodieuse et entraînante. En dialoguant avec M. Walcott, on a presque lÂimpression de jouer dans une pièce de théâtre. Il pourrait prononcer une perle littéraire à tout instant. Revenons à Sainte-Lucie. QuÂest-ce quÂelle a de si particulier, son île natale ?ÂSa topographie, les montagnes en forme de cône qui apparaissent soudainement et la mer. CÂest une bénédiction de pouvoir en profiter chaque jour de sa vie.ÂŽ Walcott sÂinquiète toutefois clairement de lÂimpact du tourisme sur lÂîle et sur lÂensemble des Caraïbes :ÂLe tourisme peut constituer une menace considérable sur une petite île, peuplée dÂune race différente et dont lÂhistoire des lieux doit être respectée. Actuellement, un promoteur essaie de construire une série dÂimmeubles à côté de ma maison. Ils débarquent à ma porte, comme ils débarqueront à la porte de nombreux autres.ÂŽ Il ajoute : ÂOn érige de grands hôtels en nous disant sans cesse de sourire, dÂêtre heureux, dÂêtre poli, mais cÂest dangereux et jÂen parle dans mes écrits.ÂŽ Le tourisme nÂest pas un crime, dit-il, mais il a le sentiment que les promoteurs et les gouvernements devraient accorder plus dÂimportance au développement de la richesse culturelle des Caraïbes. ÂUne solution serait de faire payer les promoteurs touristiques en échange de ce quÂils font sur notre île. Faire construire un théâtre ou un musée et accorder quelques bourses dÂétude, par exemple. Mais ils ont peur de taxer le secteur touristique, et si lÂon ne sÂy résout pas, notre croissance économique ne sera quÂéphémère.ÂŽ > ÂMa plageÂŽ Il poursuit : ÂJÂavais lÂhabitude de descendre sur Âma plage (Rodney Bay). Vous savez que tous les habitants des Caraïbes ont leur propre plage. Et bien, on a construit un hôtel sur Âla mienneÂ. Je me sens évincé par cet hôtel, ce qui est un sentiment stupide, puisque je peux nager nÂimporte où ailleurs, mais jÂavais simplement le sentiment que cette plage mÂappartenait. Je ne pense pas quÂun hôtel soit suffisant pour compenser ce que jÂai perdu. Il sÂagit dÂune sorte de métaphore pour lÂensemble des Caraïbes. Un pays ne peut pas se contenter dÂune grange en guise de théâtre et je suis très déçu par le conformisme des gouvernements caribéens.ÂŽ Nous revenons à ses projets immédiats : ÂActuellement, je travaille sur des scénarios de cinéma. Je vais réaliser quelques films Â… jÂespère.ÂŽ Le scénario du premier est basé sur TiJean , lÂautre étant une pièce familiale située à Port-of-Spain à Trinité et Tobago.  Ti-Jean est une fable sur un garçon et ses deux frères, qui a pour cadre la Soufrière sur lÂîle de Sainte-Lucie. Le premier frère a une grande force physique. LÂautre se prend pour un intellectuel, un gros avocat qui remet tout en question. La morale étant quÂil faut se méfier du diableÂŽ, explique Walcott. En automne, il sera à Londres pour mettre en scène la pièce The Burial of Thebes ( LÂenterrement à Thèbes ), du poète irlandais Seamus Heaney, au Globe Theatre. Il apprécie clairement la compagnie et le contact avec dÂautres artistes quÂil trouve au théâtre. Le lendemain soir, nous nous retrouvons à Passa Porta, un lieu littéraire du centre de Bruxelles. Après une lecture d Omeros , il répond aux questions dÂun public bien informé sur lÂidentité caribéenne, lÂutilisation du créole dans la littérature... Il savoure manifestement la vénération pour son Âœuvre. A un moment, il affiche cependant le regard vulnérable de lÂauteur confirmé obligé dÂassister à la dissection impitoyable de son Âœuvre. Il attend probablement avec impatience la routine des baignades matinales à la source de son inspiration, Sainte-Lucie. D.P. * La fondation Herman Servotte a été créée en 2004 pour rendre hommage au défunt professeur de littérature anglaise Herman Servotte et promouvoir les études de littérature anglaise. ** La journaliste a rencontré le poète à Louvain-la-Neuve le 15 mai 2008. Sites web : www.fondshermanservotte.be www.passaporta.be Mots-clésDebra Percival ; Derek Walcott ; SainteLucie ; Caraïbes ; Prix Nobel ; littérature. La Soufrière, Ste Lucie. Paysage pour« Ti-Jean » 2006.© Mark Percival Z oom
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N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 L a disparition dÂarbres, de lacs, de la faune et de la flore, lÂextension des terres agricoles et les incendies ne sont que quelques-uns des phénomènes qui peuvent être contrôlés au moyen des images en haute définition prises par les satellites navigant à 850 kilomètres dÂaltitude. Un suivi qui permet à son tour dÂaméliorer la gestion des forêts et de prévenir les conflits Â… deux volets de la lutte contre la pauvreté. CÂest ce quÂexplique Alan Belward, chef de lÂunité de surveillance globale de lÂenvironnement au Centre commun de recherche (CCR) de la Commission européenne (CE). LÂéquipe du CCR, établie à Ispra, en Italie, tente de déterminer Âdans quelle mesure lÂutilisation optimale des satellites peut soutenir le développementÂŽ. La recherche et les statistiques rassemblées par lÂéquipe composée de 8 à 9 scientifiques, dont un stagiaire africain, contribuent à combler un manque dÂinformations dans ce domaine tout en aidant les bailleurs de fonds et les gouvernements à planifier et prendre les décisions qui sÂimposent. Actuellement focalisées sur lÂAfrique, ces activités pourraient parfaitement être appliquées aux Caraïbes et au Pacifique, a ajouté Alan Belward. La technologie satellitaire ne date pas dÂhier. Le premier satellite global a été lancé en 1957 et le premier satellite dÂobservation en 1972. Ce nÂest que durant les 10 dernières années, toutefois, que les satellites ont été utilisés pour les prévisions agricoles et en tant quÂoutil de ÂdéveloppementÂŽ. Les accords conclus par le CCR en ce qui concerne lÂutilisation de cette technologie englobent notamment lÂaccord avec lÂOrganisation européenne pour lÂexploitation de satellites météorologiques (EUMESTAT), qui recueille des statistiques météorologiques et suit lÂévolution du climat. DÂune manière générale, lÂimagerie satellitaire peut être utilisée dans quatre domaines de la politique de développement : la protection des ressources naturelles ; lÂaide humanitaire et le soutien au développement ; les initiatives de réduction des catastrophes naturelles et lÂestimation précoce des rendements agricoles et les alertes en cas de mauvaise récolte. Alan Belward nous a montré des images haute résolution prises au-dessus du lac Tchad en 1963 pour que nous puissions les comparer à un cliché plus récent. LÂobservation révèle que la superficie du lac a considérablement diminué. La dégradation des terres, la déforestation et la perte de la biodiversité peuvent être contrôlées de la même manière.33 D e la terre Déploiement de SATELLITES pour lutter contre la pauvretéLe lien entre la technologie satellitaire et la lutte contre la pauvreté nÂ’est pas des plus manifestes. Le Centre commun de recherche (CCR) de la Commission européenne analyse pourtant à cette fin des images en très haute résolution. Une initiative à laquelle le Sommet des chefs dÂ’Etats africains et européens de décembre 2007 a contribué à donner un nouvel élan politique. Changement du paysage agricole au Soudan. À gauche : image satellite prise dans les années 1970. À droite : nouvelles aires agricoles en vert foncé dans les années 2000. © JRC, Ispra
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> Qui ne sÂacquitte pas de lÂimpôt ? Les clichés de routes dans les régions forestières permettent quant à eux de repérer les activités de déboisement et fournissent de cette manière aux autorités des informations sur les activités de déboisement illicites et sur les personnes qui devraient ainsi être taxées. M. Belward insiste sur le fait que les pays africains doivent sÂapproprier ces données statistiques. Celles-ci peuvent être communiquées à divers organismes, parmi lesquels lÂobservatoire africain des forêts (FORAF), qui vient dÂouvrir de nouveaux bureaux à Kinshasa dans le cadre du partenariat pour les forêts du bassin du Congo et qui doit mettre en place un système de surveillance des activités de déboisement dans lÂensemble du bassin. Les images analysées par le CCR montrent que depuis les années 1970, 50.000 km²de végétation naturelle en Afrique ont été remplacés par des cultures Â… soit une superficie équivalant à une fois et demie la Belgique, même si cette progression ne représente quÂun cinquième seulement du taux de progression en Asie du Sud et la moitié de celui enregistré en Amazonie. M. Belward ajoute que le rythme actuel de déforestation dans des pays du bassin du Congo Â… Cameroun, Gabon, Burundi, République du Congo Â… est de 0,17%, un pourcentage peu élevé qui peut être attribué à lÂamélioration de la gestion forestière. Une autre image du parc ÂWÂŽqui sÂétend sur trois pays Â… le Bénin, le Burkina Faso et le Niger Â… révèle lÂexistence dÂactivités agricoles dans le périmètre du parc. Les images obtenues à lÂinfrarouge permettent de déceler les incendies. Les textos et les messages électroniques peuvent être envoyés immédiatement aux gardes forestiers qui se chargent de les éteindre. Pour Alan Belward, la mise au point de systèmes dÂalerte automatique pourrait représenter un avantage considérable pour ces régions, par exemple dans le domaine de la gestion forestière. Les menaces pesant sur la biodiversité peuvent aussi être enregistrées grâce à la technologie géospatiale. Le CCR surveille la perte de la biodiversité dans 741 régions protégées dÂAfrique, un continent qui abrite 280 espèces de mammifères, 381 espèces dÂoiseaux et 930 espèces dÂamphibiens. Les informations actualisées tous les 10 jours sont assemblées par lÂUnion internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources(UICN). Un site web a été réalisé et diffuse tous les résultats au grand public. Outre la conservation, les satellites peuvent aussi se révéler utiles dans le domaine de lÂaide humanitaire. LÂimagerie à très haute résolution permet de surveiller les camps de réfugiés dans les régions en situation de crise, le Darfour par exemple. Cela peut permettre dÂestimer le nombre de personnes hébergées dans un camp et devant être secourues. Le CCR coopère également avec la Banque mondiale et dÂautres institutions en vue de mettre au point une méthodologie appropriée pour observer et éventuellement se préparer aux catastrophes naturelles, les tremblements de terre par exemple, lÂobjectif étant de limiter au mieux les dégâts occasionnés. Les récoltes sont aussi placées sous surveillance et des modèles agro-météorologiques ont été mis en place dans plus 30 pays vulnérables aux crises et aux pénuries alimentaires. En raison de la fréquence des pénuries alimentaires et en lÂabsence de suivi à lÂéchelon régional, la Corne de lÂAfrique est tout particulièrement placée sous observation. Les rapports mensuels sur lÂétat des cultures, les rendements, les perspectives et les éventuelles pénuries alimentaires sont publiés entre avril et octobre et les informations sont communiquées aux bureaux de lÂUE et aux partenaires des Nations Unies. D.P. 34 Mots-clésCCR ; Afrique ; forêts ; conservation ; Debra Percival. En haut : Images satellite montrant lÂ’abandon de lÂ’agriculture en Angola. À gauche : image prise dans les 1970. Notez la tache vert foncé au centre. Dans les années 2000, elle a disparu. © JRC IspraÀ gauche : images du Lac Tchad aujourdÂ’hui (en haut) et en 1963 (en bas), étendue dÂ’eau plus importante. © JRC Ispra D e la terre
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R eportage N. 6 N.S. … JUIN JUILLET 2008 35 GHANALe Ghana est à l’honneur dans ce numéro. Accra, la capitale de ce pays considéré comme un modèle africain, accueillera le 6e Sommet des 79 membres du Groupe ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique) du 30 septembre au 3 octobre de cette année. Parmi les atouts largement reconnus du Ghana, retenons notamment sa démocratie multipartite durable, sa croissance économique régulière, l’augmentation du taux d’instruction de sa population et son secteur privé très actif. Dans tous les secteurs, des Ghanéens très compétents – citons notamment Kofi Annan, ancien Secrétaire général des Nations Unies – se sont fait connaître sur la scène internationale. Le pays connaît une vaste diaspora, tant sur le continent africain qu’au-delà , qui continue d’envoyer des fonds au pays, au bénéfice de son développement économique. Enfin, ses forces de maintien de la paix sont très sollicitées, tant pour les missions régionales que celles organisées dans le cadre des opérations des Nations Unies. Alors que l’actuel président John Agyekum Kufuor doit achever son 2e mandat en décembre 2008, date à laquelle des élections présidentielles et parlementaires seront organisées, nous retraçons l’histoire du pays et nous nous penchons sur son avenir politique. Nous examinerons également si le Ghana pourra continuer de bénéficier de la bonne santé de ses exportations malgré la flambée de deux produits importés massivement – le pétrole et les denrées alimentaires. Enfin, nous vous expliquerons comment l’Union européenne (UE) aide financièrement le Ghana à réaliser ses Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). 35 Dossier de Francis Kokutse, Debra Percival, Hegel Goutier Image de la ville d’Elmina, du livre “Elmina. Building on the past to create a better future” sous la direction d’E. van Steekelenburg (ed.). Avec l’aimable autorisation de KIT Publishers. Contact : www.kit.nl/publishers
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L e symbole est très fort. En 1957, alors que la Côte dÂOr était le premier pays africain à prétendre à lÂindépendance de la puissance coloniale, ses dirigeants sortaient des oubliettes de lÂhistoire son nom prestigieux de Ghana. Comme le Ghana ancien, la nation moderne tirait sa richesse de lÂor. En réalité, il nÂexiste guère de liens entre le Ghana actuel et le Ghana du passé, qui recouvrait une partie du nord du Sénégal actuel et du sud de la Mauritanie dÂaujourdÂhui. Le Ghana, tel que nous le connaissons, est situé à près de 600 kilomètres au sudest. Son emplacement est donc différent, mais il nÂexiste de surcroît que très peu de liens ethniques entre la population du Ghana moderne et celle du Ghana ancien. CÂest probablement vers la fin du Ier Millénaire de notre ère que Dinga Cisse réunit plusieurs clans du peuple soninké pour créer la nation du Ghana. En réalité, le pays sÂappelait le Royaume soninké, Ghana étant le titre du roi. Certains auteurs arabes ont cependant retenu ce nom pour désigner lÂEtat.> Age dÂor et déclin Le Ghana ancien était riche en mines dÂor, selon les descriptions de plusieurs auteurs arabes, tels que Al-Hamdani. Il tirait aussi des richesses du commerce du sel, du cuivre et, dans une moindre mesure, des esclaves. Sa capitale, Kumbi Saleh, tirait profit de sa situation au bout des pistes sahariennes empruntées par les marchands du Maghreb. Ces liens commerciaux ont introduit lÂIslam dans le pays. Les musulmans installés à Kumbi Saleh restèrent dÂabord loin du palais royal, mais certains dÂentre eux, les plus érudits, furent ensuite nommés dans lÂadministration locale. Pour de nombreuses raisons, les deux premiers siècles du IIe millénaire virent le début du déclin du Ghana, les causes principales étant les sécheresses prolongées et lÂouverture de nouvelles routes vers dÂautres mines dÂor, découvertes à Bure, dans la Guinée actuelle. Le Ghana fut aussi occupé par les Almoravides ; personne ne sait avec certitude si ceux-ci ont envahi le pays militairement ou si leur influence a grandi graduellement. Ensuite, le souverain Sosso, Sumanguru, sÂest emparé du pays, mais il a été vaincu par Sundiata Keita en 1236 et le Ghana a été absorbé par lÂempire du Mali. > Empire ashanti Des fouilles archéologiques indiquent que le Ghana moderne était habité dès le début de lÂâge de bronze, vers 4000 avant J.-C. Mais la population actuelle du Ghana a commencé à sÂinstaller dans les régions actuellement couvertes par le pays au début du Xe siècle. Ce nÂest que vers la fin du XVIIe siècle que la plupart des groupes ethniques constituant la nation ghanéenne se sont rassemblés. Il sÂagit notamment des Akans, des Twifus et des Mandas, ces derniers venant de lÂactuel Nigeria (les Etats haoussas de lÂépoque). Une branche du peuple akan, les Ashantis, allait jouer un rôle de premier plan dans la constitution du Ghana moderne. Les Ashantis étaient plus unis que les autres groupes et ils se sont rapidement étendus, pour créer une nation puissante avant le milieu du XVIIe siècle. Vers la fin du XVIIe siècle, leur souverain, Osei Tutu, fut proclamé Asantehene, roi des Ashantis. Les Ashantis ont conquis de nombreux autres Etats akans. Leur empire accorda une autonomie suffisante à chaque Etat subordonné, tout en préservant toujours lÂintérêt commun, dÂoù lÂexistence, dès le XVIIIe siècle, dÂun Etat très bien organisé qui restera solide jusquÂau début du XIXe siècle. > LÂère britannique Depuis le début du XVIe siècle, des habitants de la Côte dÂOr, plus particulièrement les Akans, commerçaient avec les Portugais, arrivés en 1471. Des aventuriers venus de la plupart des pays européens essayèrent de sÂinstaller en Côte dÂOr. Les Hollandais succédèrent aux Portugais, suivis à leur tour par les Anglais, les Suédois et les Danois. Les Britanniques fondèrent la Compagnie britannique des commerçants dÂAfrique en 1750. Le commerce dÂesclaves a éclipsé lÂor de la Côte dÂOr après lÂinstallation de grandes plantations en Amérique. La côte africaine occidentale devint rapidement le premier fournisseur dÂesclaves pour le continent américain. Au XVIIIe siècle, 4,5 millions dÂesclaves furent expédiés par mer de lÂAfrique occidentale vers lÂAmérique. En 1844, les Britanniques signèrent un traité avec les chefs fantis. En 1873, ils capturèrent le chef ashanti Kumasi et fondèrent une colonie sur la Côte dÂOr. Contrairement aux Français, qui installaient une vaste colonie administrée par un gouverneur général, la Grande-Bretagne opta pour des colonies distinctes, relativement autodéterminées. A la fin de la longue guerre anglo-ashanti, la Grande-Bretagne soumit les Ashantis à son protectorat en 1896. LÂadministration locale fut partagée entre chefs traditionnels dans les instances indigènes et les représentants élus par la population dans les villes et les conseils municipaux. En 1902, les territoires du Nord furent proclamés protectorat britannique. La fin de la Première Guerre mondiale marqua un changement au Togo allemand, qui passa aux mains de la Grande-Bretagne en 1919. Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, les forces africaines originaires de la Côte dÂOr ont combattu les forces italiennes en Ethiopie, ainsi que lÂarmée japonaise en Birmanie, aux côtés des Britanniques et des Indiens.> Vers lÂindépendance Le premier mouvement nationaliste aspirant à lÂautonomie de la Côte dÂOr, voire à son indépendance totale, fut la United Gold Coast Convention (UGCC), créée en 1947 par un groupe de personnes instruites, dont le secrétaire général Kwame Nkrumah, théoricien et36 36 LE GHANA MODERNE , loin du Ghana ancien H ISTOIRE DU G H ANA R eportageGhana
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nationaliste. Après des études aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, Nkrumah fut lÂun des militants à prendre part au Congrès panafricainde 1945 à Manchester. En juin 1949, Kwame Nkrumah rompit avec lÂUGCC, considéré comme trop conservatrice, et mit en place une organisation réellement favorable à lÂindépendance : le Convention PeopleÂs Party (CPP). Entre-temps, Nkrumah était devenu lÂun des ÂVeranda boysÂ(proches de la population ordinaire, plutôt que des intellectuels). Après avoir été arrêté et emprisonné, il devint lÂun des dirigeants les plus populaires du pays. En 1950, le CPP lança une campagne dÂaction ÂpositiveÂŽ (action non violente). Nkrumah fut une nouvelle fois arrêté, ainsi que de nombreux autres dirigeants. Nkrumah devint un symbole, un martyr, un héros. Malgré sa détention, il décrocha un siège lors des premières élections législatives organisées sous la nouvelle constitution en 1951 et son parti remporta la majorité des deux tiers. Le parti de la communauté ashanti, le National Liberation Movement (NLM), créé en 1954, sÂopposa au CPP, qui exigeait lÂindépendance immédiate, et lÂassemblée fut dissoute en juillet 1956. Le gouverneur accepta dÂaccorder lÂindépendance si elle était demandée par les deux tiers des représentants à lÂassemblée. Le CPP remporta de nouveau une majorité des deux tiers. Avant les élections, un référendum fut organisé par les Nations Unies concernant lÂavenir du Togo britannique (lié à la Côte dÂOr) et du Togo français. Ce référendum entraîna la réunification des deux parties du Togo, sous le gouvernement français. LÂindépendance de la nouvelle nation, baptisée Ghana, fut célébrée le 6 mars 1957. Le pays devint une république suite au référendum du 1er juillet et Nkrumah lÂun des plus éminents dirigeants du Tiers monde. En 1964, le Ghana fut proclamé pays à parti unique. Deux ans plus tard, un coup dÂEtat militaire renversa Nkrumah, alors quÂil était en visite en Chine. Le National Liberation Party prit le pouvoir. > La nuit sans fin du coup dÂEtat Le Progress Party , dirigé par Kofi A. Busia, remporta les élections de 1969 et celui-ci devint Premier ministre. Mais un coup dÂEtat organisé par le général Ignatius Acheampong porta au pouvoir le National Redemption Council (NRC), une junte militaire, en janvier 1972. Le NRC fut remplacé par une autre junte militaire, le Supreme Military Council (SMC), également dirigé par Acheampong, en 1975. De jeunes officiers, dirigés par le capitaine de lÂarmée de lÂair Jerry John Rawlings, tentèrent un contrecoup violent en juin 1979. De nombreux membres du SMC furent exécutés et des purges eurent lieu dans les rangs des officiers supérieurs de lÂarmée. Hilla Limann devint président de la république en juillet 1979, mais lÂadministration civile fut surveillée par le ÂMouvement du 4 juinÂŽ, un groupe militaire. Suite à la hausse du taux dÂinflation, qui se répercuta sur le coût de la vie, Limann perdit le soutien tant des travailleurs que de la fraction militaire qui lÂavait aidé. Rawlings orchestra son second coup à la fin de lÂannée 1980.> Aboutissement pacifique Rawlings resta président du Conseil provisoire de défense nationale pendant 12 ans, avant de restaurer le multipartisme en 1990 et dÂorganiser des élections, quÂil remporta en janvier 1993. Il abandonna le pouvoir le 7 janvier 2001, après deux mandats, et fut remplacé par John Agyekum Kufuor, qui occupe encore ce poste aujourdÂhui. Depuis la mise en place du système multipartite par Jerry Rawlings, le Ghana semble avoir bien intégré sa démocratie et avoir progressé en matière de bonne gouvernance. Sa bonne réputation au sein des institutions internationales, ainsi quÂauprès des investisseurs, en témoigne. H.G. 37 N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 37 Mots-clésHegel Goutier ; Ghana ; Côte dÂOr; Togo ; Dinga Cisse ; Soninke ; Ashanti ; Kwame Nkrumah ; Jerry Rawlings ; Kofi Busia ; Ignatius Acheampong ; Hilla Limann ; John Kufuor.John Kufuor, président du Ghana et président en exercice de lÂ’Union africaine en 2007 (à droite). Javier Solana, Haut représentant de lÂ’Union européenne (à gauche). Sommet Afrique-UE 2007. © Conseil européen R eportage Ghana
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38 PREPARER les élections de décembre Francis Kokutse*, Debra PercivalLe Ghana a beaucoup participé aux missions de l’ONU. Membre de la force de police ghanéenne à Léopoldville, République du Congo (août 1960), faisant partie des deux contingents de la police ghanéenne envoyés en vertu de la résolution 14/7/1960 de Conseil de sécurité des Nations Unies. © Nations Unies R eportageGhana
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M algré la hausse des prix du pétrole, le pays a connu des taux de croissance vigoureux depuis 2000. La croissance du produit intérieur brut en termes réels a grimpé de 3,7% pour atteindre 5,9% en 2000-2005, puis 6,2% en 2006. Selon les statistiques de la Commission européenne, ce résultat peut être mis sur le compte des bonnes prestations de la production et du marketing du cacao, de la construction, de lÂor, de lÂexploitation forestière et du transport, de lÂentreposage et des communications dans ce secteur. Selon Paul Acquah, Gouverneur de la Banque centrale du Ghana, les exportations de marchandises représentaient 868 millions de dollars au cours des deux premiers mois de 2008, contre 690,3 millions pour la même période en 2007. Toujours selon Acquah, lÂor a littéralement brillé : ÂLes exportations dÂor représentaient 404,4 millions de dollars pendant les deux premiers mois de 2008, contre 263,71 millions lors de la même période en 2007.ÂŽ Il ajoute que les exportations de fèves et de produits cacaoyers ont cependant enregistré une légère baisse et sÂélèvent à 227,4 millions de dollars pour les deux premiers mois de 2008, contre les 247 millions enregistrés pendant la même période en 2007. Alors que la hausse de prix des denrées alimentaires et des produits pétroliers perturbe les économies du monde entier, Kufuor a récemment fait remarquer que Âgrâce à sa vigueur et à son élasticité naturelles, notre économie nationale sÂest avérée capable de résister aux chocs terribles qui ont secoué le marchéŽ. Même si cela ne signifie pas pour autant que le pays a été épargné par les effets de la crise mondiale. Selon Kufuor, la facture nationale des importations de pétrole brut a augmenté au cours de lÂannée écoulée. Elle est passée de 500 millions de dollars en 2005 à 2,1 milliards lÂannée dernière. > Calmer les nerfs Le Président a déclaré récemment que Âparmi les effets indésirables de la hausse incessante des prix pétroliers, on note la hausse des prix du pétrole à la pompe et lÂexplosion du coût des transports, qui perturbent la distribution des denrées alimentaires et des marchandises en général, tout en rendant la vie des citoyens plus difficileÂŽ. Mais que pour contrer cet effet, ÂlÂagriculture sÂest bien portée cette année, ce qui a permis de trouver facilement les produits récoltés localement, tels que le maïs, les patates douces, les plantains, le manioc et le taroÂŽ et le gouvernement sÂintéressera bientôt de plus près à lÂagriculture en augmentant ses investissements agricoles. Le Président Kufuor a aussitôt calmé les nerfs des Ghanéens au sujet de la hausse des prix des produits alimentaires. Les droits de douane à lÂimportation sur le riz et lÂhuile ont été supprimés pour réduire le prix des denrées de base. Frank Agyekum, Ministre adjoint à lÂInformation du gouvernement, dit quÂune étude sur le niveau de vie ghanéen montre que celui-ci nÂa jamais été aussi élevé quÂau cours de ces huit dernières années, mais Elvis Efriyie Ankrah, Sous-secrétaire général du parti dÂopposition NDC, conteste ce point de vue. Il dit que la faiblesse du niveau de vie Âa été masquée par des chiffres qui ne reflètent pas le niveau de vie réel de la populationÂŽ. DÂautres prétendent que la bonne santé des exportations des matières premières devraient permettre au Ghana de faire bonne recette, ce qui nÂest pas le cas. LÂagriculture reste rudimentaire. Citons, notamment, lÂinsécurité des fermages, lÂaccès limité aux ressources et les mauvaises routes. Et le secteur industriel est en outre dominé par les petites entreprises à faible productivité. Les investissements étrangers directs sÂélevaient seulement à 156 millions de dollars en 2005 selon la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED). Pour Tony Aidoo, ancien Ministre de la Défense du NDC, le NPP du gouvernement actuel Âest arrivé au pouvoir alors que lÂéconomie avait été rétablie et que les bases dÂune relance avaient été posées. En 1982, le Conseil provisoire de défense nationale ( Provisional National Defence Council Â… PNDC), qui sÂest ensuite transformé en NDC, enregistrait une croissance négative de 8%. La situation sÂest rétablie pour atteindre une croissance positive de 7%, avant de se stabiliser à 5% en 2000ÂŽ. Toujours selon Aidoo, Âle gouvernement a de la chance dÂêtre au pouvoir alors que les prix des matières premières sont très élevés. De surcroît, il continue dÂaugmenter les taxes et les coûts des services publics, ce qui rend la vie très difficile pour la populationÂŽ. Et dÂajouter que Âce gouvernement a été caractérisé par un niveau de copinage, de justifications et de tribalisme jamais atteint dans ce pays auparavantÂŽ. Il fait allusion aux membres du précédent gouvernement NDC, qui ont été jugés et emprisonnés suite à la fameuse loi sur les Âpertes financières causées à lÂEtatÂŽ. Rappelons que cÂest le NDC même qui avait voté cette loi pendant quÂil était au pouvoir. Frank Agyekum souligne que Âpersonne ne se trouve en prison aujourdÂhui sans avoir été jugé par un tribunalÂŽ. Il ajoute que le gouvernement est sans cesse loué dans le monde entier pour sa bonne gouvernance. ÂLe gouvernement a dépénalisé N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 39 39 Les élections présidentielles et parlementaires sont prévues pour décembre prochain. Il sÂ’agira de désigner le successeur du président sortant John Agyekum Kufuor, qui occupe ce poste depuis janvier 2001 et aura épuisé le maximum autorisé de deux mandats de quatre ans. Le Ghana est toujours resté en tête des classements africains pour ses réformes économiques, son respect des droits politiques et civiques et la liberté de sa presse au cours des dernières années**. Tout au long de son mandat, le pays a connu une bonne croissance économique. Selon les critiques de lÂ’opposition, le Président Kufuor a simplement eu beaucoup de chance et a pu tirer profit de la montée du prix de certaines matières premières, telles que lÂ’or. Le parti dÂ’opposition – National Democratic Congress (NDC) – dénonce le copinage au sein du gouvernement et dit que le Président Kufuor ne bénéficie plus du soutien inconditionnel de son New Patriotic Party (NPP) à lÂ’approche de la fin de son mandat. Les droits de douane à lÂ’importation sur le riz et lÂ’huile végétale ont été supprimésR eportage Ghana
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40 la diffamation et les gens peuvent désormais dire ce quÂils pensent. Cette tendance est renforcée par les nombreuses stations de radio FM aux quatre coins du pays, qui proposent des séquences téléphoniques permettant aux Ghanéens ordinaires dÂappeler pour exprimer leur point de vue sur les ondes.ÂŽ> Une société civile influente La société civile a de plus en plus dÂinfluence sur la prise de décision. Les mouvements de fermiers, syndicats et associations professionnelles ont toujours été présents sur la scène, mais dÂautres associations, telles que les organisations pour le développement des Âvilles dÂorigineÂŽ, les groupes de défense des droits de la femme, les clubs de charité, les associations de parents et dÂenseignants et les organisations religieuses donnent une nouvelle vivacité à la société civile. Pour Steve Manteaw, coordinateur des campagnes dÂISODEC, une organisation non gouvernementale (ONG) pour le développement et la défense des droits sociaux : ÂAu cours des sept dernières années, seule la société civile a tenté de mener une opposition réelle dans ce pays.ÂŽ Manteaw dit que la faiblesse du parlement est due à la personnalité de ses membres. ÂCertains sont creux et nÂont pas le bagage nécessaire pour pouvoir analyser les problèmes de manière critique.ÂŽ Il dit avoir été contacté par le gouvernement pour aider à développer les compétences des parlementaires cette année, par exemple en organisant un atelier de formation sur le budget pour 30 députés. Selon Manteaw, ISODEC était soutenu par les églises dans ses efforts visant à renforcer la pratique démocratique. Il mentionne le Conseil chrétien, impliqué dans la Campagne mondiale contre la pauvreté, ainsi que la Conférence des évêques catholiques, qui est également très active en matière de bonne gouvernance. La lenteur des avancées en matière dÂégalité entre les hommes et les femmes ternit quelque peu lÂéclat de lÂimage internationale du modèle ghanéen. Les femmes sont sous-représentées dans la vie publique et nÂont quÂun accès limité aux ressources économiques. Il existe des lois protégeant les droits des femmes et des enfants, telles que la Politique nationale des sexes et des enfants de 2004 et la Politique de soins et de développement pour la petite enfance, mais les observateurs affirment La décentralisation enregistre aussi un certain retard que leur mise en Âœuvre se fait attendre. suite aux soucis en matière de compétences locales. Malgré le budget de 2007, qui autorise le transfert dÂun nombre important de fonctionnaires des départements et agences ministériels vers les administrations des districts en 2008, le problème des réformes politiques au niveau local reste dÂactualité. Un tiers des membres des Assemblées des districts, ainsi que les gouverneurs de district (District Chief Executives), sont nommés par le Président plutôt que désignés par voie électorale. Et les litiges relatifs aux héritages de terres et de successions, liés aux chefferies, sont susceptibles dÂentraîner des conflits locaux. ÂCes sept dernières années, le gouvernement nÂa pas été clair quant à ses intentions en termes de gouvernance au niveau localÂŽ, dit John Larvie, coordinateur de programmes au Centre de développement démocratique, pour exprimer son point de vue personnel. ÂMême si lÂadministration locale ne peut en principe pas être partisane, le gouvernement a entaché son impartialité en nommant des gouverneurs de district fidèles à la ligne du parti. Même les 30% de membres des Assemblées de district désignés par le gouvernement ont été choisis purement sur base de leur appartenance partisane et les décisions continuent dÂêtre prises au centre, ce qui revient à réfuter toute tentative de décentralisation de lÂadministration.ÂŽ En pensant à lÂavenir, certains observateurs politiques au Ghana prévoient déjà que le pays suivra lÂexemple du Kenya Â… faisant référence au désordre ayant suivi la manipulation des élections au Kenya. Vladimir Antwi-Danso, chercheur principal au Centre dÂaffaires internationales de lÂUniversité du Ghana, tire la sonnette dÂalarme : ÂCertaines poches de conflits pourraient sÂintensifier si les politiciens ne sÂoccupent pas assez bien des élections.ÂŽ Agyekum confirme :  La sécurité nationale est en jeu et cÂest pour cette raison que le gouvernement a renforcé la commission électorale, afin de la rendre capable dÂorganiser des élections crédibles et honnêtes, pour que les réalisations positives du gouvernement ne soient pas avortées par la rancÂœur et la violence pendant et après les élections. ÂŽ Le Président Kufuor, quant à lui, a promis que Âla commission électorale disposerait de toutes les ressources nécessaires pour lui permettre dÂorganiser des élections crédibles et honnêtesÂŽ. JusquÂà présent, les partis politiques se sont lancés dans leurs campagnes politiques sans anicroches, mais cela ne signifie pas que le gouvernement nÂa aucun problème à régler, affirme John Larvie. ÂLe Président Kufuor ne semble pas vraiment capable de contrôler ses ministres. Voilà le résultat des réaménagements réguliers quÂil a imposés à son gouvernementÂŽ, dit-il. Et Ankrah, du NDC, dit quÂil semble y avoir une sorte de scission entre le Président et le parti au pouvoir. ÂLors du dernier congrès des délégués nationaux, le Président avait exprimé son soutien à Stephen Ntim, mais les membres du parti ont décidé de voter pour leur propre candidat. Ensuite, les délégués ont voté contre Alan Kyermanten, qui était le dauphin désigné par le Président Kufuor lui-même. AujourdÂhui, le parti sÂoppose à lui au sujet de la nomination de Evans Atta Mills, le candidat du NDC à la présidence, pour un prix national.ÂŽ Aux dernières élections, John Kufuor a gagné 52,45% des votes et John Atta-Mills du National Democratic Congress a décroché 44,64% dans la course pour la présidence ghanéenne, qui oppose traditionnellement les deux partis. Ankrah ajoute que les électeurs perspicaces Âdevraient se rendre aux élections pour choisir celui quÂils pensent être le meilleur pour redresser la situation du paysÂŽ. * Journaliste basé à Accra. * Dans le dernier rapport Doing Business (Banque mondiale, 2006), le Ghana est classé parmi les 10 meilleurs réformateurs. En 2005, le Ghana occupait la 4e place de lÂindicateur du potentiel de croissance (growth competitive index) de la Banque mondiale pour lÂAfrique. Mots-clésGhana; politique ; président John Agyekum Kufuor ; Francis Kokutse, Debra Percival. La décentralisation enregistre aussi un certain retardTroupes ghanéennes parmi dÂ’autres, mission des Nations Unies au Soudan en 2006. © Nations Unies R eportageGhana
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N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 41 O n dirait que la Providence a élu le Ghana parmi tous les pays de la région, pour lÂinonder de ses faveurs. Le pays a subi toutes sortes de souffrances, mais est resté intact. Comme les autres pays de la région, il a eu sa part de perturbations politiques en raison dÂinterventions militaires mais par bonheur, il est resté le seul pays à nÂavoir connu aucun conflit interne grave. Sous le gouvernement sortant du Président John Agyekum Kufuor, lÂéconomie est marquée par une belle croissance et reste vigoureuse. En outre, la découverte récente dÂénormes gisements de pétrole apporte un autre signe avant-coureur dÂun grand bond en avant pour le pays. Le Président Kufuor nÂa pas pu cacher ses rêves dÂun Ghana meilleur lorsquÂil a déclaré, en sÂadressant à la nation sur les ondes récemment, que la hausse mondiale des prix du pétrole nÂétait quÂune difficulté passagère et que Âles inconvénients actuels ne pourront être que temporaires. Envisageons donc lÂavenir avec confiance et espoirÂŽ. Kufuor a raison. En découvrant des gisements de plus de 3,9 milliards de barils, on peut dire que les Ghanéens ont beaucoup de chance à ce moment précis de leur développement, ce qui pourrait être le résultat dÂune bénédiction providentielle. Certains analystes refusent cependant dÂimputer cette situation à la Providence. Ils prétendent que le pays prépare sa prospérité future depuis les années 1960. ÂOn a beaucoup travaillé dans ce sensÂŽ, a dit Fred Sagoe, ancien employé de la Ghana National Petroleum Corporation. ÂLa prospection pétrolière a sondé tout le pays et commence seulement à porter ses fruits . Le pays dispose aussi dÂun nombre considérable dÂingénieurs pétroliers, qui travaillent dans le monde entier. Tout cela signifie que le pays préparait discrètement son avenir.ÂŽ > LÂhéritage de Kwame Nkrumah Selon Vladimir Antwi-Danso, chercheur principal au Centre dÂaffaires internationales de lÂUniversité du Ghana : ÂLes bases de lÂéconoPROVIDENCE, prudence et préparation Passé, présent et stabilité politique sont indissociables dÂ’une économie vigoureuse, qui a permis une planification économique efficace et une bonne croissance. De nouveaux gisements de pétrole présagent un bel avenir. Quartier commercial, Accra, Ghana 2008. © D. K. Anobil R eportage Ghana
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42 mie du pays ont été posées au cours de la première république, sous le règne de feu Kwame Nkrumah.ÂŽ A lÂépoque, peu de gens réalisaient que la plupart des politiques mises en place profiteraient au pays plus tard. Nkrumah a été critiqué, mais sa politique a donné le ton de la voie à suivre par le pays aujourdÂhui. Antwi-Danso explique quÂau départ, lÂéconomie ghanéenne était fermée sur elle-même. Le programme de substitution aux importations mis en place a été considéré comme un mauvais choix à lÂépoque. Il a cependant Âengendré la construction dÂinfrastructures et généré un taux dÂemploi élevé dans le paysÂŽ, dit-il. Le projet hydroélectrique sur la Volta à Akosombo, qui est la principale source dÂénergie du pays actuellement, en est un bon exemple. En outre, le port de Tema et son agglomération, qui faisait partie du plan dÂindustrialisation de Nkrumah, est resté lÂun des principaux héritages laissés au pays par Nkrumah. Antwi-Danso ajoute que le gouvernement de lÂépoque sÂest aussi embarqué dans un programme éducatif accéléré grâce à la création du Ghana Education Trust. Il a favorisé la construction de nouvelles écoles dans tout le pays. ÂIl en résulte que le pays dispose de ressources humaines très qualifiées Â… quÂil a même exportées vers certains pays développés Â… et quÂil tire actuellement profit dÂenvois de fonds depuis lÂétranger.ÂŽ Paul Acquah, Gouverneur de la Banque du Ghana, a confirmé lÂaugmentation de ces envois de fonds. Le montant des transferts arrivés par lÂintermédiaire des banques et compagnies financières pendant les deux premiers mois de 2008 sÂélevait à 1.380 milliards de dollars, soit une hausse de 48,7% par rapport aux 927,9 millions de dollars enregistrés au cours de la même période en 2007. ÂSur le montant total des virements à la fin de février 2008, 275,5 millions de dollars revenaient à des individus, contre 202,3 millions de dollars en février 2007ÂŽ, a précisé Acquah lors dÂune conférence de presse récente à Accra. La croissance dont bénéficie le pays aujourdÂhui tire profit des efforts du passé. Certains analystes économiques disent que le pays a traversé des périodes difficiles entre les années 1970 et la fin des années 1980. Ils attribuent donc un grand mérite à lÂancien Président Jerry Rawlings, qui a pu préserver la stabilité politique du pays pendant que la plupart de ses pays voisins sÂeffondraient sous le poids des luttes intestines.> Trouver un abri sûr au Ghana Jacob Fredua, chauffeur de taxi à Accra, se souvient que ÂRawlings a réussi à préserver lÂintégrité du Ghana, alors que la guerre faisait rage au Libéria et en Sierra Leone. Quand le Togo était en guerre sous feu Gnassingbe Eyadema, le Ghana a offert un abri aux Togolais désireux de se mettre en sécurité. Quand les Ivoiriens ont décidé de sÂentretuer, on a fait appel à notre pays pour trouver une solution au problème de la Côte dÂIvoireÂŽ. Cela ne signifie pas pour autant que le Ghana nÂa pas ses propres problèmes. Des zones dÂinsécurité ont existé dans certaines régions du pays. Au nord, dans le Haut-Ghana oriental puis, plus récemment, dans la région de la Volta, des troubles ont parfois éclaté, mais ceux-ci nÂont pas perturbé lÂordre public, malgré un bilan lourd en perte de vies humaines. Selon Antwi-Danso, la stabilité politique a donné au Ghana un avantage par rapport à ses voisins. Elle a permis au pays de se développer. Il ajoute : ÂLe redressement du pays est largement dû à une injection massive de capitaux.ÂŽ Et il a raison. Lorsque le Ghana traversait un Programme dÂajustement structurel (PAS) au milieu des années 1980, lÂafflux de capitaux étrangers a permis de revitaliser une économie malade. ÂLe régime actuel, qui est au pouvoir depuis sept ans, a été capable de continuer le processus de reconstruction grâce à des politiques économiques prudentesÂŽ, ajoute AntwiDanso. Le gouvernement actuel a aussi attiré des investissements étrangers considérables en obtenant le statut de pays pauvre très endetté (PPTE). Ce programme a permis de soulager la dette de manière multilatérale. Selon AntwiDanso, Âenviron 6,2 milliards de dollars de la dette ont été annulés grâce au statut de PPTE obtenu par le paysÂŽ. Des fonds dÂorigine locale, qui autrement auraient disparu dans le remboursement de la dette, ont dès lors pu être utilisés pour financer des projets dÂinfrastructure et ont permis de créer des emplois au sein de lÂéconomie. Cela a permis au pays de préserver sa croissance et de contrôler lÂinflation jusquÂà cette année, lorsque la hausse mondiale des prix pétroliers et la crise alimentaire qui a suivi se sont fait partiellement ressentir sur la croissance modeste enregistrée au cours des six dernières années. Antwi-Danso dit néanmoins que le gouvernement est resté fidèle à la sagesse économique. Il attribue du mérite Âà la Banque du Ghana, pour sa politique monétaire favorableÂŽ. F.K. Mots-clésFrancis Kokutse ; Ghana ; Politique ; Président John Agyekum Kufuor ; Crise alimentaire ; Pétrole. R eportageGhana Nouakchott : Opus incertum. Oeuvre de Philippe Bernard © Philippe Bernard (www.afriqueinvisu.org)Commerce actif de produits de base.© EC/T. Dorn
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N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 43 U ne somme de 175 millions dÂeuros est allouée à lÂappui budgétaire général. LÂUE est un des donateurs qui versent des fonds de développement directement au budget du gouvernement pour soutenir, par exemple, des réformes économiques et le développement du secteur privé. Depuis 2003, les donateurs offrant ce type dÂaide au développement se sont réunis au sein du forum Multi-Donor Budget Support (MDBS) [Appui budgétaire multi-donateurs], qui compte actuellement 10 membres : lÂUE, la France, le Canada, le Danemark, lÂAllemagne, les Pays-Bas, la Suisse, le Royaume-Uni, la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque mondiale. Les parties au forum MDBS supervisent régulièrement lÂappui budgétaire et discutent des critères dÂéligibilité au financement en mesurant, entre autres, les progrès réalisés par le gouvernement dans lÂapplication de politiques macro-économiques axées sur la stabilité, dans la réforme des finances publiques et dans la réalisation des objectifs de réduction de la pauvreté. LÂUE devrait offrir deux programmes dÂappui budgétaire distincts au titre du 10e FED, chacun dÂune durée de trois ans.> Gouvernance Les 95 millions dÂeuros affectés à la gouvernance permettront de progresser sur la voie de la décentralisation. Selon des responsables de la Commission européenne, ces fonds serviront pour une part à lÂappui budgétaire et, pour lÂautre, à lÂaide aux projets, notamment au financement de routes dÂaccès et dÂinstallations dÂapprovisionnement en eau et dÂassainissement. Ce financement sera étroitement lié aux 2000 micro-projets mis sur pied sous les FED précédents, surtout dans les domaines deNouvelle AIDE DE LÂUE pour la gouvernance et le transportLÂ’appui budgétaire, la gouvernance et la mise en place dÂ’un centre de transport au Ghana restent des priorités de premier ordre du 10e Fonds européen de développement (FED). LÂ’enveloppe budgétaire du 10e FED, dÂ’un montant de 367 millions dÂ’euros, a été établie entre lÂ’UE et le gouvernement du Ghana pour la période 2008-2013. Plage dÂ’Accra. © Igino Schraffl R eportage Ghana
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lÂéducation, de la santé et de lÂeau. Selon une évaluation récente, la participation des Assemblées de district est cruciale pour la réussite de tels projets. Les montants affectés à la gouvernance seront utilisés pour renforcer la société civile (8 millions dÂeuros) et les institutions non exécutives de gouvernance (4 millions dÂeuros), afin que ces deux types de structures puissent nouer un dialogue avec les administrations locales et jouer un rôle de surveillance. Le financement au titre du 10e FED ciblera surtout les organisations rurales et locales. Un financement peut aussi être éventuellement accordé à des institutions non exécutives de gouvernance, telles que le Ghana Audit Service , pour contribuer à renforcer leurs liens avec le parlement.> Transport Une somme de 76 millions dÂeuros a été affectée au transport, perçu comme un secteur-clé pour réduire la pauvreté. LÂUE a donné son soutien à lÂélaboration dÂun Plan national dÂintégration des transports couvrant les ports, les installations portuaires, les chemins de fer et les routes. Axé cette fois sur lÂintégration régionale, le 10e FED ciblera lÂamélioration et la construction de routes principales pour faire du Ghana un pivot du transport régional. La remise en état de routes principales dans lÂouest du Ghana fait partie des objectifs, mais la construction de nouvelles routes dans cette zone ne se fera quÂaprès évaluation sociale et environnementale. Si les avantages ne sÂavèrent pas suffisants, lÂattention pourrait, selon des responsables de lÂUE, se porter sur dÂautres routes principales, telles que la continuation du corridor est. > Commerce et conservation Sur les 21 millions dÂeuros restants, 9 millions devraient être affectés à la facilitation du commerce, le Ghana ayant récemment paraphé un accord intérimaire de partenariat avec lÂUE. Les fonds devraient aider le pays à renforcer sa compétitivité dans les exportations non traditionnelles et pourraient aussi servir à améliorer la documentation douanière. Sur la somme restante, 8 millions dÂeuros sont consacrés à la gestion des ressources naturelles, y compris au renforcement des principaux organes de réglementation de la gestion des ressources naturelles et au soutien du régime relatif à lÂapplication des réglementations forestières, à la gouvernance et aux échanges commerciaux (FLEGT) de lÂUE, afin de limiter les abattages illégaux. Deux millions dÂeuros du budget total sont affectés aux migrations, à la diaspora et à la sécurité.DÂaprès les responsables de lÂUE, un projet de ce type pourrait être la compilation dÂun annuaire des cadres ghanéens, mentionnant les coordonnées de leurs entreprises respectives et des adresses électroniques pour un accès facile. Une assistance technique pour améliorer la capacité des services de police et des migrations à faire respecter les lois est aussi prévue. Cinq pour cent de la population du Ghana appartient à la diaspora : 1 million de Ghanéens résideraient en Afrique (chiffre cité dans Twum Baah 2005) et 189.461 figurent dans la base de données sur les migrations de lÂOrganisation de coopération et de développement économiques, hors Allemagne. Selon dÂautres études, 600.000 Ghanéens vivraient dans lÂUnion européenne, principalement au Royaume-Uni. Par ses envois dÂargent au Ghana, la diaspora est un important fournisseur de devises étrangères. Beaucoup de Ghanéens sont hautement qualifiés et travaillent dans le secteur de la santé à lÂétranger. Au Ghana, la construction est un secteur majeur de croissance, financé en partie par les revenus rapatriés au Ghana. Une récente modification de la loi autorise la double nationalité pour les Ghanéens et étend le droit de vote aux Ghanéens vivant à lÂétranger. En 2006, un ministère du Tourisme et des Relations avec la diaspora a été créé. Deux millions dÂeuros sont également prévus pour une facilité de coopération technique. En plus de lÂenveloppe principale appelée enveloppe ÂAÂŽ, 6,6 millions dÂeuros sont budgétés pour les deux premières années du 10e FED dans une enveloppe ÂBÂŽ couvrant des besoins imprévus, tels quÂune aide dÂurgence, des initiatives dÂallégement de dette convenues au niveau international et un soutien financier pour atténuer lÂimpact négatif de lÂinstabilité des recettes dÂexportation. En tant que membre de la Communauté économique des Etats dÂAfrique de lÂOuest (CEDEAO) Â… lÂorganisation régionale de lÂAfrique de lÂOuest Â… le Ghana bénéficiera aussi du 10e programme indicatif régional de lÂUE pour lÂAfrique de lÂOuest et est éligible à dÂautres financements au titre à la fois des facilités de lÂUE pour lÂénergie et lÂeau et du partenariat UE-Afrique pour les infrastructures. D.P. Mots-clésGhana; FED ; Appui budgétaire; Gouvernance ; Debra Percival. Superficie : 238.540 km2 Indépendance : 6 mars 1957 Président : John Agyekum Kufuor (New Patriotic Party) Population : 23,1 millions Principales exportations : cacao, or, bois, bauxite, aluminium, minerai de manganèse Principales importations : denrées alimentaires, combustibles/carburants, biens d’équipement Valeur des exportations : 4 milliards de dollars US Valeur des importations : 8 milliards de dollars US (2007) Espérance de vie à la naissance, en années : 59,7 Taux de mortalité infantile (par 1.000 naissances vivantes) : 76 PNB : 12,8 milliards de dollars US PNB par habitant : 510 dollars US Indice PNUD : 135 sur 177 (rapport 20072008 des Nations Unies sur le développement humain) Pouvoir législatif : 230 parlementaires élus au suffrage universel tous les 4 ans. Les prochaines élections présidentielles et législatives sont prévues pour décembre 2008 Principaux partis politiques : New Patriotic Party (NPP), National Democratic Congress (NDC), PeopleÂ’s National Convention (PNC), Convention PeopleÂ’s party (CPP), United Ghana Movement (UGM) et National Reform Party (NRP). Sources : Gouvernement du Ghana, Commission européenne, Banque mondiale, PNUD, CIA* Statistiques de 2006, sauf indication contraireLE G H ANA EN C H IFFRES * 44 44 Carte du Ghana en 2007.© Université du Texas à Austin R eportageGhana
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Le Ghana nÂ’est peut-être pas un aussi grand acteur économique que son voisin le Nigéria mais il se débrouille très bien dans une catégorie supérieure à son poids dans les forums régionaux.N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 45 L e Ghana doit avoir un petit quelque chose qui lui donne un rôle de premier plan en Afrique de lÂOuest alors quÂil nÂest pas un gros acteur économique. Sa population sÂenorgueillit de son grand pacifisme, une qualité qui a permis au pays dÂéchapper à tous les traumatismes des guerres civiles dont ont souffert ses voisins. En avril de cette année, African Business , un magazine panafricain publié à Londres, classait le Nigéria troisième dÂune liste des pays africains comptant le plus de ÂgrandesÂsociétés. Trente entreprises nigérianes figuraient parmi le ÂTop 200Âafricain. Les statistiques régionales de ce magazine pour lÂAfrique de lÂOuest sont encore plus parlantes. Le ÂTop 50 des entreprises dÂAfrique de lÂOuest, classe le Nigéria premier, avec 45 entreprises, mais ne cite que deux entreprises ghanéennes. Qui plus est, ces deux entreprises, Standard Chartered Bank et Ecobank Ghana Limited nÂappartiennent pas à des Ghanéens de souche. On sÂattendrait dès lors à ce que ce soit le Nigéria et non le Ghana qui joue un rôle de premier plan dans le contexte régional de lÂAfrique de lÂOuest. Or il semble que ce soit le contraire. Selon un analyste basé à Accra, Jos Anyima-Ackah, si le Ghana peut se vanter de sa stabilité économique et de sa croissance sous un régime démocratique continu, le Nigéria ne peut en faire autant. Anyima-Ackah a constaté que le Ghana a revendiqué un rôle dominant dans les investissements économiques sur le continent africain et dans la sous-région, ce que le Nigéria nÂa pu égaler. Ces faits inquiètent certains Nigérians, qui voient leur pays comme un géant amorphe. Selon Vladimir Antwi-Danso, chargé de recherche au Centre pour les Affaires internationales de lÂUniversité du Ghana, Âsi, malgré le manque de grosses entreprises, le Ghana continue à attirer les entreprises sérieuses, cÂest parce que le Nigéria reste perçu comme un pays corrompu. Cela ne veut pas dire que la corruption nÂexiste pas au Ghana. Elle y est présente mais sous une forme plus subtile alors quÂau Nigéria, elle est généralisée et cÂest ce qui a contribué à donner au Ghana un rôle majeur dans la sous-région, rôle que le Ghana assume en donnant lÂexempleÂŽ. > Influence du Ghana Tout au long de son histoire, le Ghana a été un refuge pour la plupart de ses voisins. Pendant les guerres civiles nigérianes, cÂest à Aburi, une petite ville en bordure dÂAccra, que les belligérants ont négocié leur paix. Le Ghana a servi de refuge aux Togolais, Ivoiriens, SierraLéonais et Libériens fuyant les guerres civiles de leurs pays respectifs. CÂest ainsi que le Ghana a gagné un certain ascendant sur les autres pays dans les activités régies par la Communauté économique des Etats dÂAfrique de lÂOuest (CEDEAO). DÂaprès un journaliste nigérian, Laide Thomas, Âmis à part la paix que les Ghanéens considèrent eux-mêmes comme allant de soi, le Ghana est le seul pays de la région à avoir la capacité de faire bouger les choses. La plupart des villes du Ghana ont lÂeau courante en permanence et lÂélectricité ; aussi, lorsque les dirigeants ghanéens parlent de ce qui devrait être le moteur dÂun pays, les autres dirigeants écoutentÂŽ. Le Ghana est le seul pays de la région à avoir la capacité de faire bouger les choses. Il nÂest pas surprenant quÂAntwi-Danso dise : ÂLe Ghana est devenu une destination pour les entreprises.ÂŽ Déjà la Communauté économique des États dÂAfrique de lÂOuest (CEDEAO) a décidé dÂy installer sa Banque centrale. LÂInstitut monétaire de lÂAfrique de lÂOuest est basé au Ghana. Voilà autant dÂindices qui tendent à prouver que Âle Ghana joue effectivement un rôle pivot dans le programme de la CEDEAOÂŽ. Le rôle quÂil continue à jouer a graduellement transformé le pays en un centre du commerce de lÂAfrique de lÂOuest. Tema Port, à lÂextérieur dÂAccra, est devenue la base de transit pour des pays enclavés comme le Burkina Faso, le Mali et le Niger, Âparce que le pays a ouvert ses portes à la circulation des biens et servicesÂŽ. F.K. 45 Un rôle PIVOT dans la région Le Ghana nÂ’est peut-être pas un aussi grand acteur économique que son voisin le Nigéria mais il se débrouille très bien dans une catégorie supérieure à son poids dans les forums régionaux. Mots-clésFrancis Kokutse; coopération régionale ; Ghana ; CEDEAO; finances.Drapeau ghanéen, dans le livre “Elmina. Building on the past to create a better future” sous la direction dÂ’E.van Steekelenburg (ed.). © www.kit.nl/publishers R eportage Ghana Le Ghana est le seul pays de la région à avoir la capacité de faire bouger les choses.
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46 46 P our se préparer à lÂintérêt soudain suscité par le pays en tant que destination touristique, les autorités se sont embarquées dans un plan ambitieux afin dÂattirer au moins 700.000 visiteurs dÂici à la fin de lÂannée prochaine. Ils ont toutes les raisons dÂavoir bon espoir, car le pays a enregistré 450.000 touristes au total en 2005 et depuis, les chiffres nÂont cessé de croître, selon E. V. Hagan, un directeur du ministère du Tourisme et des Relations avec la diaspora. Le pays a enregistré 500.000 touristes en 2006 et plus de 600.000 au total lÂannée dernière. Du coup, selon Hagan, le gouvernement essaie dÂutiliser ce secteur comme un volet de lÂeffort national de réduction de la pauvreté, en encourageant les habitants à créer de lÂemploi par des formations professionnelles visant à les aider à générer leur propre revenu. LÂintérêt soudain pour le Ghana en tant que destination touristique nÂest pas dû au hasard. Wilhelm Koch, un touriste allemand à Accra, a déclaré : ÂCÂest un ami qui mÂa recommandé le Ghana comme destination touristique, il y avait passé quatre semaines il y a deux ans. Cela mÂa encouragé à venir sur place pour vérifier ce quÂil entend par lÂaccueil chaleureux des Ghanéens.ÂŽ Et Koch dÂajouter : ÂMon séjour ne mÂa pas déçu, car les gens sont très gentils et nous font oublier que nous sommes loin de chez nous. Ce qui fait défaut, cÂest un plan coordonné pour rendre le tourisme très épanouissant.ÂŽ Hagan dit que le gouvernement Âmettra à profit les quatre prochaines années pour améliorer les infrastructures de toutes les attractions touristiques afin de réaliser cet objectif. Du coup, nous développons toutes les attractions touristiques du pays en vue de les rendre accessibles aux visiteursÂŽ.> Développer les attractions touristiques Vingt et une attractions touristiques ont été sélectionnées en vue de leur développement. Parmi celles-ci, on trouve notamment le site de lÂancien marché dÂesclaves à Assin Manso, ainsi que le point de départ de la traversée des esclaves à Assin Praso. En outre, lÂattrait du plus grand arbre dÂAfrique occidentale, du site dÂAkim Oda, du marché dÂesclaves de Salaga et des chutes de Wli sera amélioré pour séduire les visiteurs. Malgré tous ces efforts, Osah ThompsonMensah, analyste à la Ecobank à Accra, estime que le pays doit fournir beaucoup plus dÂefforts pour réaliser son objectif en vue dÂaméliorer le secteur touristique pour relancer lÂéconomie. ÂLes hôtels actuels sont trop chers par rapport au service fourni, qui est loin dÂêtre de première qualitéŽ, explique Thompson-Mensah. ÂDe surcroît, aucune infrastructure nÂest disponible pour répondre aux besoins des visiteurs. Voilà des questions que les agences concernées par le développement touristique devraient examiner.ÂŽ Mais le pays est favorisé par sa stabilité et sa présence internationale très forte. Selon Thompson-Mensah, Âil est important dÂaugmenter les investissements dans le secteur pour que le pays puisse bénéficier des avantages du tourismeÂŽ. Il estime que le tourisme a un bel avenir au Ghana : ÂIl reste à assurer que les défis auxquels le secteur est confronté ne lÂempêchent pas de progresser.ÂŽ F.K. Le GHANA Â… accueillant à lÂexcès Les Ghanéens se plaignent parfois d’être trop accueillants. On retrouve cette idée dans le mot ‘AkwaabaÂ’, qui signifie ‘bienvenueÂ’ dans la langue akan locale. Elle sÂ’exprime par lÂ’accueil inconditionnel réservé aux visiteurs dans nÂ’importe quelle maison du Ghana. Ce type de gentillesse est un nectar qui attire les touristes étrangers comme des abeilles. Mots-clésGhana ; Tourisme ; Francis Kokutse.Attente des pêcheurs.© Igino Schraffl R eportageGhana
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PASSE AVENIR Restaurer le PASSE auprofit de l AVENIR N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 U n projet de deux millions dÂeuros au titre du 9e Fonds européen de développement (FED) a démarré en 2004, dans le cadre de la stratégie ÂElmina 2015 :Bâtir sur le passé pour créer un avenir meilleurÂŽ. Le nom dÂElmina est dérivé de ÂLa MinaÂŽ, qui signifie Âla mineÂŽ en portugais. Cette ville clé de lÂhistoire ghanéenne se trouvait au cÂœur du commerce de lÂor dans lÂAfrique occidentale du XVI e siècle.Le château de Saint-Georges à Elmina date de 1482.Les Hollandais se sont emparés dÂElmina au détriment des Portugais en 1637. Ils ont fait de la ville leur quartier général sur la Côte dÂOr et lÂont transformée en centre du commerce dÂesclaves à destination des plantations américaines vers la fin du XVIIe siècle. JusquÂau XIXe siècle, la ville a prospéré grâce à la production alimentaire, la pêche et les services industriels tels que transports et stockage. Les Hollandais ont fini par abandonner le commerce des esclaves et ont vendu leurs possessions sur la CôtedÂOr à la Grande-Bretagne en 1872, en échange de droits sur Bengkulu, situé à Sumatra en Indonésie.Les Britanniques ont bombardé la ville dÂElmina, car le roi dÂElmina refusait dÂaccepter le nouveau gouvernement britannique.Accra est alors devenue le centre de lÂadministration coloniale britannique, et puis lÂimportance dÂElmina a diminué.> Remise en forme Le château et le fort dÂElmina sont deux sites du Patrimoine mondial de lÂOrganisation des Nations Unies pour lÂéducation, la science et la culture (UNESCO). Ils accueillent de nombreux visiteurs issus de la diaspora ghanéenne, qui veulent se souvenir de la souffrance subie par leurs ancêtres dÂAfrique occidentale.Le projet ÂElmina 2015 Â… Bâtir sur le passé pour créer un avenir meilleur a été lancé pour célébrer 300 années de relations diplomatiques entre les Pays-Bas et le Ghana.En 2002, en concertation avec les Hollandais, la population locale, y compris des chefs religieux et des propriétaires dÂhôtels,ont esquissé environ 80 projets en vue dÂinsuffler une nouvelle vie à leur ville. Dix projets ont pu bénéficier dÂun financement du 9e FED :réparation de lÂentrée et des terrasses supérieures du château Saint-Georges ; rénovation et aménagement paysager du fort Saint-Jago ; infrastructure touristique à Elmina ; rénovation de 15 maisons historiques ; construction dÂescaliers pour accéder aux collines Saint-Joseph et Java ; rénovation de la place Nana Kobina Gyan ; rénovation de la chapelle et salle paroissiale du XIXe siècle ; rénovation du cimetière hollandais et son environnement ; extension du musée catholique et rénovation de quatre postes Asafos. Ils nÂont pas seulement situé clairement Elmina sur les cartes touristiques, ils ont eu de surcroît de nombreuses retombées économiques, à la fois dans le secteur privé et public, telles que bars, gîtes et traitement du poisson.Cette renaissance est expliquée dans une brochure illustrée, récemment publiée par la délégation de la CE à Accra.La publication cite Christopher Ewusi, directeur de lÂoffice du tourisme dÂElmina, disant que 15 à 20 visiteurs par jour représentent le double du nombre de touristes accueillis en 2007 et la population locale loue les infrastructures remises en état sur la place pour ses grands événements familiaux, tels que mariages et enterrements. Le 9e FEDa alloué 305.100 euros (environ 400.000 cedis ghanéens) à la restauration du fort Usshet et du Vieux Accra, qui figurent également dans la liste du Patrimoine mondial de lÂUNESCO.Il sÂagit dÂun autre souvenir du commerce transatlantique dÂesclaves. D.P. www.encounterelmina.com www.delgha.eu.europa.eu47 47 En restaurant une partie du passé du Ghana à Elmina et à Usshertown-Old Accra, lÂ’UE a joué un rôle de premier plan pour favoriser le tourisme à destination du Ghana. Un habitant a qualifié le projet à Elmina de “bouée de sauvetage”. Mots-clésGhana ; tourisme ; UNESCO ; Debra Percival. Square Nana Kobina Gyan à Elmina, du livre “Elmina. Building on the past to create a better future” sous la direction dÂ’E.van Steekelenburg (ed.).© www.kit.nl/publishers R eportage Ghana
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48 D écouvrir l’Europe 48 Essence decultures.Evanescence depréjugésLa Réunion est certes l’un des pays avec le métissage ethnique le plus poussé, mais c’est surtout un pays riche d’un métissage religieux rare, où la même personne peut s’adonner au culte catholique et tamoul ou même catholique et musulman. Cette osmose spirituelle est intrinsèquement liée à l’histoire de l’île.La RéunionReportage de Hegel Goutier
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49 Mots-clésHegel Goutier ; La Réunion ; Métissage ; Paul Vergès. C elle-ci dispose dÂautres atouts remarquables dont son pari sur le futur pour son développement économique : déjà 30% de son énergie de source soutenable avec le but dÂêtre la première terre au monde à atteindre les 100%. Sans compter la beauté de ses paysages parés autant de belles plages pour le farniente ou le surf que de hautes montagnes parfois enneigées. Et lÂhospitalité vraiment unique de la population. Mais rassurez-vous, le paradis nÂexiste pas. LÂhistoire de la Réunion est celle dÂune île vide au départ de toute population autochtone et dont lÂinstallation des tout premiers habitants ne remonte quÂau XVIIe siècle, quelques hommes français et malgaches et des femmes malgaches, en nombre dÂailleurs insuffisant pour les hommes. Au commencement était le métissage.> Une histoire de femmes Par la suite et pendant longtemps, très peu de femmes sont arrivées de la métropole, lÂîle ayant été considérée comme inhospitalière et le voyage trop risqué. Et les hommes, colons et a fortiori esclaves et plus tard ÂengagésÂŽ, devaient se rabattre sur les rares femmes à portée de leur désir et de leur statut. Les origines diverses des femmes et la rencontre dès le départ de religions différentes et structurées Â… catholicisme, croyance malgache, hindouisme et plus tard islamisme Â… constitueront lÂalambic dÂoù sortira une essence de cultures et ce qui ressemble à une évanescence de préjugés. Autant ce métissage a permis une beauté physique des personnes, supérieure à la moyenne, autant il a fait sÂinstaller un éclectisme suave dans les contacts humains et une relative tolérance sinon une ouverture religieuse.> Les dieux en partage La plupart des Chinois du pays sont catholiques tout en pratiquant certains rituels de leur pays dÂorigine. Plus rare, mais cela existe aussi, la double confession musulmane et catholique. Telle Prisca, jeune métisse indo-européenne, plus européenne quÂindienne, travaillant dans lÂhôtellerie. Elle dira : ÂCÂest normal, tout le monde est métissé ici, je suis à trois quarts européenne mais jÂai grandi avec les deux religions.ÂŽ Et dÂexpliquer ÂquÂun Réunionnais pas du tout mélangé, ça nÂexiste pas, même sÂil croit quÂil ne lÂest pasÂŽ ; et quÂon fait tout de suite la différence entre un Blanc créole et un zorèy , celui qui nÂest pas insulaire de souche. Fatura, indo-musulmane de 3e génération, tout en se considérant musulmane ne rejette pas le legs de cette éducation chrétienne longtemps imposée dans les écoles de lÂîle. Elle nÂhésite pas à inviter celui qui photographie sa magnifique demeure privée à entrer la visiter et à partager avec elle, ses trois filles et leurs propres filles, le goûter du dimanche après-midi. Ce serait shocking dans bien des endroits. Elle est propriétaire dÂune boutique de lingerie fine en ville. Démonstration plus quÂéloquente de la sympathie et de lÂhospitalité des Réunionnais et aussi de lÂouverture dÂesprit dans les pratiques religieuses. Les plus beaux exemples de ce métissage de la foi sont probablement les plus de 500 petites chapelles de Saint Expédit partout dans le pays devant lesquelles, Tamouls et chrétiens viennent faire leurs dévotions. Toutes se ressemblent. Le saint est chrétien, le décor et la symbolique des couleurs, indiens. Ceci ne sÂapparente pas non plus au commerce de la foi présent dans nombre de pays très pauvres où lÂespérance est la seule sécurité sociale. La misère crasse nÂexiste pas sur lÂîle et les pauvres reçoivent une aide sociale quelconque.> Des effets collatéraux positifs de lÂassimilation Un élément important pour comprendre la Réunion est ÂlÂassimilationnismeÂŽ extrême de lÂadministration française sur cette île durant une longue période. Après lÂabolition de lÂesclavage (1848) et après que la colonie a dû recourir au service dÂÂengagésÂŽ du Sud de lÂInde, de la région de Bombay, de Chine et un peu plus tard du Vietnam et dÂailleurs, tout était fait pour éviter lÂenracinement de communautés culturelles. La langue française, la religion catholique, le code napoléonien, voilà les repères imposés à tous. Et des noms français ou francisés, y compris les noms de famille, à tous. Ce qui aujourdÂhui représente un casse-tête pour les généalogistes. Cette assimilation forcée a probablement contribué à cette ouverture dÂesprit de la Réunion tant sur les relations entre les ÂracesÂŽ que dans la pratique religieuse. Les conséquences des faits politiques sont finalement souvent indépendantes de tout jugement de moralité.> Les zoréoles Il a fallu attendre le milieu du XXe siècle pour que la liberté religieuse soit en pratique complète. Les derniers arrivés dans lÂîle se métissent peu, quasiment pas pour les négociants pakistanais et chinois, et moins que la moyenne pour les zorèys même si les ÂzoréolesÂŽ, enfants de zorèys et de Créoles ne sont pas rares. Christophe Tézier, rédacteur en chef de lÂun des deux grands quotidiens réunionnais, estime que ÂlÂharmonie métisse est vraiment réelle. La preuve, il y a des Blancs riches et des Blancs pauvres. Dans les parties pauvres de lÂîle, il nÂy a que des Blancs, les descendants de ceux montés couper la canne après la fin de lÂesclavage. Le mariage multiracial est monnaie courante. Même sÂil y a des communautés pakistanaises et chinoises très fermées et quelque enfermement chez certaines femmes arabes et quelques rares familles blanchesÂŽ. Mais dans lÂensemble, la société réunionnaise est probablement unique, ce qui fait dire à Paul Vergès, Président du Conseil régional de lÂîle que Âla Réunion a dépassé le stade de la diversité culturelle et en est à une société intra-culturelle . Toute la population est consciente quÂon a intégré les éléments culturels dÂAfrique, dÂAsie et dÂEurope.ÂŽ H.G. N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008Ville de Saint-Denis. Temple tamoul. Le catholicisme, la religion malgache, lÂ’hindouisme et plus tard lÂ’Islam ont formé un pot pourri de cultures 2008. © Hegel Goutier D écouvrir lÂ’Europe La Réunion
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50 O fficiellement, la Réunion est habitée depuis 1663. La date dÂétablissement des premiers vrais colons. En fait, les premiers habitants de lÂîle y avaient été déportés de Madagascar en 1646 par Jacques de Pronis, chef du comptoir de la Compagnie française des Indes dont ils avaient critiqué les malversations au profit dÂune maîtresse malgache. LÂîle nÂétait pas pour autant inconnue jusque là . DÂabord des navigateurs arabes, probablement égyptiens, y étaient arrivés vers le XIIe siècle. CÂest la Dina Morgabim ou Mghrebin des premiers portulans. Plus tard, les Portugais explorant la route du Cap de Bonne-Espérance vers les Indes, nÂont pas tardé à leur emboîter le pas. Le premier dÂentre eux, au retour de son voyage vers Goa de 1512 à 1516, est Pedro Mascarenhas. DÂoù le nom dÂîles Mascareignes partagées par la Réunion avec Maurice et son île sÂœur Rodrigues. Les navigateurs y feront régulièrement escale, appréciant la beauté de sa flore et la variété de sa faune. En 1638, le capitaine Goubert, au nom de Louis XIII, établit la souveraineté française sur lÂîle alors dénommée en français Mascarin. Quatre ans plus tard, la Compagnie française des Indes, création de Richelieu, obtient de celui-ci une concession de 10 ans avec, pour chef de comptoir, Jacques de Pronis installé à Fort Dauphin, Madagascar. En 1649, le capitaine Roger Lebourg, toujours au nom du Roi, prend possession de lÂîle et la rebaptise ÂIle BourbonÂŽ. CÂest lui qui trouvera en bonne santé les bannis donnés pour morts quÂil récupérera. > Refuge de mutins En 1654, Flacourt, qui a succédé à de Pronis, a repris les bonnes vieilles habitudes de se débarrasser des gêneurs. La victime cette fois : Antoine Couillard accompagné de sept volontaires français et de six serviteurs malgaches. Ils resteront quatre ans à Bourbon avant de sÂenfuir par un bateau en escale. Et en 1663, Louis Payen plus un compagnon et 10 serviteurs malgaches sÂinstallent. Vrais colons car ils ont commencé à développer un embryon dÂagriculture et dÂélevage. Plus tard, Etienne Regnault, nommé gouverneur de Bourbon, sÂinstalle avec une vingtaine de colons en 1665. Des Malgaches y sont aussi envoyés. Le développement de la colonie se fait très lentement à ses débuts. CÂest lÂintroduction en 1715 du café, dont les plants viennent du Yémen, qui va lÂaccélérer. La Compagnie française des Indes est alors un Etat dans lÂEtat, contrôlant toute lÂéconomie de Bourbon et tout le négoce entre la colonie et la métropole, amassant des gains faramineux. CÂest lÂépoque où le célèbre pirate Olivier Le Vasseur dit La Buse, parmi dÂautres, écumait les eaux de lÂOcéan Indien. Il aurait fait en avril 1721 main basse sur le navire Vierge du Cap, abîmé par un cyclone, et ramassé un monceau dÂor, de diamants et de pierres précieuses quÂil aurait enfoui dans les environs de la ville de Saint-Gilles avant de finir sur lÂéchafaud à Bourbon en 1727. De temps à autre, raconte-on encore sur lÂîle, le terrassement dans cette région rend certains propriétaires richissimes. Pendant presque un siècle, le café assurera un grand essor économique. Après le café, lÂîle se rabattra sur les épices introduites par Pierre Poivre en 1767.> Ile Bonaparte On arrive à la Révolution française. Le Code noir, en vigueur depuis 1685, assimile toujours lÂesclave à un bien meuble. Contrairement aux Antilles, il nÂy a pas de soubresauts à Bourbon en 1789. Le décret du 4 février 1794 sur lÂabolition de lÂesclavage appliquée dans les Antilles, surtout à Saint-Domingue (Haïti), est ignoré ici. Plutôt, il a provoqué une ÂunionÂŽ mue par une velléité indépendantiste. Et ceci jusquÂau rétablissement de lÂesclavage par Napoléon en mai 1802. Pour couronner cet épisode, en 1806, lÂîle change de nom et devient ÂIle BonaparteÂŽ. Après plusieurs tentatives, les Anglais, qui entretemps se sont installés à Maurice et à Rodrigues, réussirent à conquérir lÂIle Bonaparte en 1810 avant de la rétrocéder dans le cadre du Traité de Paris en 1814 (réellement en avril 1815), moment où lÂîle reprend son appellation de Bourbon, la France étant redevenue une monarchie, Maurice et Rodrigues restant anglais.> Monoculture de la canne et période de désespérance Durant le XIXe siècle, lÂagriculture a évolué vers la monoculture HISTOIRE Ville de Saint-Paul. Statue de la Vierge. Pour éviter la distinction des communautés culturelles, la langue française, le catholicisme et le code napoléonien ont été imposés à tous 2008. © Hegel Goutier D écouvrir lÂ’EuropeLa Réunion
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de la canne à sucre. Ce qui entraîne une croissance de la population qui a quasiment doublé de 1848, année de la vraie abolition de lÂesclavage, à 1869. Après une période de grande prospérité, est arrivée la crise sucrière vers 1860. Cyclones, choléra et troubles sociaux achèveront lÂinstallation de la désespérance. A partir de 1880, il y a une perte dÂintérêt de la France pour la Réunion au profit de Madagascar. Une tentative de diversification est opérée, du sucre vers la vanille et les plantes à parfum, en premier lieu le géranium dont la Réunion deviendra le premier exportateur mondial dÂessence.> Engagement citoyen Malgré lÂabsence de conscription, les Réunionnais sÂengageront en masse durant la Première Guerre mondiale : 15.000 volontaires dont 3.000 morts. Durant la Deuxième Guerre mondiale, le pouvoir local se ralliera à Vichy, entraînant un blocus anglais. LÂîle sera libérée en 1942 par Forces françaises libres. Mais le pays est alors sous-développé. Le Parti communiste réunionnais avec comme leaders la famille Vergès et le syndicat de cheminots lutteront en faveur de la départementalisation. Une stratégie concertée de la Réunion, la Martinique avec Aimé Césaire comme porte-drapeau, la Guadeloupe et la Guyane débouchera sur la loi de la départementalisation du 19 mars 1946. Les années 60 seront celles de la modernisation. La Réunion a rattrapé beaucoup de retard. Elle a lÂapparence de la société européenne moderne, avec ses réseaux routiers, le développement des télécommunications, etc. La Réunion est la seule région monodépartementale de France. Il existe actuellement un projet de bidépartementalisation soutenu par le parti communiste et une partie de la droite. Saint-Pierre serait le deuxième chef-lieu. Actuellement, Paul Vergès réélu à gauche en 2004 est à la tête du Conseil régional (le département), lÂinstance qui gère les plans de développement de lÂîle, et Nassimah Dindar (UMP) à la tête du Conseil général (département). Un communiste et une femme musulmane. H.G. 51 Vocabulaire pour comprendre LÂHISTOIRE Créoles: Gros Blancs , Petits Blancs et Cafres . Gros Blancs (descendants de grands planteurs riches). Petits Blancs (petits paysans des hauteurs). Cafres, les Noirs réunionnais (de lÂarabe kafir : infidèle). A différencier des Noirs non créoles, Comoriens et Mahorais. Les Créoles représentent les deux tiers de la population. Malbars : Indiens (de religion hindoue), ceux arrivés depuis le milieu du XIX e siècle comme ÂengagésÂŽ sur les plantations de canne à sucre. Ils représentent 20% de la population. En fait, ce sont plutôt des Tamouls de la zone de Madras. Petits planteurs surtout. Certains ont acquis des richesses. Zarabes : +/5%. Indiens musulmans principalement de la zone de Gujurat (nord de Bombay). Arrivés au début du XX e siècle. Contrôlent près de la moitié de lÂéconomie de lÂîle. Chinois : Vers 1860-1870 et au cours de la 2 e décennie du XX e siècle. Proviennent de la région de Canton notamment. Petit commerce, épicerie et la grande distribution. A peine 3% de la population. Catholiques et métissage religieux. Zorèys : Métropolitains, cadres et fonctionnaires, experts pour courte et moyenne période. 6% de la population. En haut de la pyramide sociale, les Gros Blancs et les Zarabes. En bas, les Petits Blancs et les Noirs non créoles. H.G. Mots-clésHegel Goutier ; Dina Morgabim ; Mghrebin ; Iles Mascareignes ; Madagascar ; Ile Bourbon ; Paul Vergès ; Nassimah Dindar ; Ile Bonaparte. Mots-clésHegel Goutier ; créole ; malbar ; zarabe ; zorèy. N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 D écouvrir lÂ’Europe La Réunion Habitants de l’île de la Réunion : Fatura (à droite), adolescents (au centre) et Prisca (à gauche) 2008. © Hegel Goutier
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Le bas de laine de la Réunion,LA HAUTE TECHNOLOGIE. Le bas de laine de la Réunion,LA HAUTE TECHNOLOGIE. 52 L Âhomme est égal à lui-même, de la tchatche, de la culture, lors de ses conférences de presse bien courues pour sa rhétorique qui garde en haleine même ses détracteurs. Ce jour-là , Paul Vergès annonçait sa grande inquiétude quant à la situation de la Réunion quÂil juge Âen état dÂalerte n°1ÂŽ du fait de la situation globale de la terre. Pour arriver aux solutions quÂil prône : lÂinvestissement dans les technologies du futur dans lesquelles la Réunion a mis ses atouts et le co-développement avec ses voisins de lÂOcéan Indien. DÂabord, il a captivé lÂaudience avec une dialectique ciselée sur les liens entre les contestations diffuses çà et là à travers le monde, les incidences planétaires du binôme ClintonObama, les prochaines élections à la présidence de la Commission européenne, la démographie mondiale, lÂaugmentation du nombre de tornades aux Etats-Unis et autres dérèglements climatiques, la Birmanie étant le plus récent, et le prix des matières premières et du pétrole. En plus des négociations des Accords de partenariat économique Afrique, Caraïbes, Pacifique et Union européenne et la mondialisation de lÂéconomie. ÂEn face de cela, la Réunion doit se développer vite mais, en même temps, elle subit de plein fouet les effets globaux.ÂŽ Les agriculteurs craignent avec les APE la concurrence de leurs voisins et néanmoins partenaires du codéveloppement prôné par Vergès. Le secteur privé craint lÂabolition de ÂlÂoctroi de merÂŽ qui autorise les municipalités de lÂîle à ajouter une taxation particulière sur les produits importés. Et quid du fameux projet ÂTrain-TramÂŽ pour révolutionner la circulation dans lÂîle, qui subit de plein fouet la montée vertigineuse des prix de lÂénergie et des matières premières ? Pour mieux nous faire comprendre ses stratégies de développement pour sa région, la Réunion, Paul Vergès a donné une interview exclusive au Courrier . Avec le constat que vous faites de la situation globale qui pèse sur un petit territoire comme la Réunion, de quelle marge de manÂœuvre disposez-vous ? Une évidence pour nous à la Réunion, nous avons la modestie de notre territoire et la modestie de notre population. Pour notre stratégie de développement, nous avons observé les grands C onversation avec P aul Vergès, le P résident du C onseil régional Surprenant Montgaillard. Siège du Conseil Régional 2008. © Hegel Goutier D écouvrir lÂ’EuropeLa Réunion
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courants planétaires et permanents. Nous avons retenu la croissance démographique. Nous étions 300.000 habitants en 1946, nous avons une population de plus de 800.000 aujourdÂhui. Et dÂun million bientôt. En plus, il y a le changement climatique. On admire nos plages et on ignore que 50% de nos barrières coralliennes sont mortes et quÂil nÂy aura plus de plages. Le troisième grand élément réside dans les échanges. LÂactivité productrice principale de la Réunion est la canne et le sucre. Conséquence des accords entre lÂUnion européenne et lÂOMC, il y aura une chute de 36% du prix du sucre avant 2013. Que ferons-nous après cette date ? Pour des exportations se chiffrant à 400.000 euros, nous importons pour 4.300.000 euros, le tout grevé par les prix des transports. Quels sont vos atouts alors ? Nous sommes une région intertropicale. Schématiquement, le XXIe siècle sera celui de lÂespace et de la mer. DÂune part, nous sommes, comme la Guyane, dans le positionnement le plus favorable pour la conquête de lÂespace. Il faut un tiers dÂénergie en moins pour propulser un satellite dÂici par rapport à une base américaine. DÂautre part, la mer, le point de départ de tous les changements climatiques. Il y a là des champs de recherche et dÂinnovation sur les ressources halieutiques et la biodiversité par exemple. La Réunion est une région ultrapériphérique de lÂUE et un département français, nous avons bénéficié dÂaide structurelle et de transferts en termes dÂéducation. Nous les avons utilisés pour la formation technique et universitaire. Et nous allons le plus loin possible dans la technique et la connaissance. Un des 10 cyclotrons français utilisés dans la recherche en cancérologie est ici. Nous avions été frappés par le chikungunya . Nous avons créé un centre de recherche sur les maladies émergentes. Nous allons installer un système satellitaire pour permettre de connaître le développement environnemental sur 2.500 km de diamètre et ainsi prévoir les catastrophes climatiques comme la sécheresse et lÂérosion du littoral, la température de la mer à différents niveaux et lÂétat des récoltes. Nous avons obtenu que le parlement français vote une de nos propositions de loi faisant de lÂadaptation aux changements climatiques une priorité nationale. Quand on voit le Grenelle de lÂenvironnement, la France en est à notre niveau de réflexion dÂil y a 10 ans. Nous voulions déjà être indépendants sur le plan énergétique. Nous avions anticipé sur les dispositions de Kyoto. Nous serons ici à la Réunion le premier pays au monde à fournir 100% de son énergie. Nous en sommes déjà à 30%, trois fois plus que la moyenne de lÂUE. Et ceci notamment avec lÂénergie hydraulique et la biomasse. Nous avons engagé des recherches sur la houle de lÂAntarctique qui vient mourir sur nos rivages. Seul le Portugal suit actuellement aussi cette piste. Nous allons étudier le dynamisme des courants pour lÂinstallation de lÂéquivalent des éoliennes sur les fonds marins. Deux expériences pareilles sont conduites, une en Bretagne en France et une autre ailleurs en Europe. Nous utilisons une autre forme de dynamisme, le différentiel de température entre le fond marin et la surface, de 5 degrés à 20 degrés. Par ailleurs, il y a moyen dÂexploiter des flux dÂeau potable circulant à une centaine de mètres de profondeur. Nous disposons dÂune telle eau. A Hawaï, elle est déjà commercialisée en bouteille. Nous avons envoyé une mission sur place pour étudier comment passer nous aussi à la pratique. Quelle est la place de vos voisins de lÂOcéan Indien par rapport à ces atouts dans le cadre du co-développement que vous promouvez ? A partir de cette situation objective dont nous parlons, nous devons faire face à la mondialisation : il faut transformer les relations Union européenne-Afrique, Caraïbe, Pacifique. Comment consolider notre intégration à lÂUE en même temps que celle à notre environnement géo-économique ? Nous avons donc développé le concept du co-développement. Pas celui de coopération sous-entendant un pays développé établissant des contacts avec des pays en développement. Quand Madagascar avait 4 millions dÂhabitants, la Réunion en avait 250000. AujourdÂhui, Madagascar en a 19 millions et la Réunion, 800.000. En 2025, nous en serons à 1 million et Madagascar à 30 millions. Vers 2050, Madagascar aura 43,5 millions dÂhabitants, une population 11 fois plus nombreuse quÂen 1940. Nous aurons donc à nos portes un pays plus peuplé que la France du milieu du XXe siècle. LÂInstitut français de recherche maritime a estimé que 97% des prises des grands pélagiques dans lÂOcéan Indien sont faites par des pays non riverains (Europe, Pacifique). Or nous avons un grand développement démographique donc un grand besoin de protéines. Le devoir de lÂUE est donc dÂaider les pays de lÂOI à construire leur flotte. Nous revenons donc ici du global au local. Nous voulons, avec nos voisins de Madagascar, Maurice, Seychelles et Comores, mettre sur place une activité de pêche à même de fournir les besoins protéiniques aux 40 millions de Malgaches dans 40 ans. H.G. * Article 14, al. 1 Version consolidée du Traité sur lÂUnion européenne (Traité de Lisbonne) 9.5.2008 FR Journal officiel de lÂUnion européenne C 115/13 ÂLe Parlement européen exerce, conjointement avec le Conseil, les fonctions législative et budgétaire. Il exerce des fonctions de contrôle politique et consultatives conformément aux conditions prévues par les traités. Il élit le président de la Commission.ÂŽN. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 53 Mots-clésHegel Goutier ; Camille Sudre ; Laurent Médéa. Mots-clésHegel Goutier ; Paul Vergès ; APE ; technologies ; La Réunion.L e problème le plus profond de la Réunion est le chiffre de 30% de chômeurs, ce qui explique, considère le sociologue Laurent Médéa, une jeunesse parfois déboussolée. LÂassistanat de la métropole fournit le gros des revenus de lÂîle. Les entreprises sont souvent soutenues financièrement par les aides de la France et de lÂUnion européenne, avec souvent comme conséquence leur manque de compétitivité. Une autre plaie, souvent dénoncée dans la presse locale, réside dans lÂéconomie grise Â… drogue, braconnage, jeux de hasard. Les émeutes dites de Chaudron en 1991 contre la corruption, pour défendre Radio et Télé Freedom, sont un exemple de mécontentement populaire. Une Âopération main propreÂŽ a alors eu lieu. Plusieurs grands dirigeants politiques ont été condamnés à la prison. Toutes les familles politiques ou presque avaient été touchées. Camille Sudre qui symbolisait la lutte pour la transparence, a alors été élu Président du Conseil régional en 1992 mais son élection avait été invalidée pour des questions de procédure. Maggie Sudre, son épouse, a été élue à sa place en 1993. La Réunion compte : 63.000 RMIstes (allocataires sociaux) et 100.000 illettrés sur une population de 800.000 habitants. H.G. LES OMBRES AU SOLEIL PRO B LEMES ECONOMI Q UES ET SOCIAU XD écouvrir lÂ’Europe La Réunion
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54 I l explique que Ziskakan est un flux qui vient de partout, Inde, Asie, Europe, pas juste une juxtaposition. ÂComme dans toutes les îles, notre culture vient du viol et de la violence, mais ce qui en est sorti est beau, fruit de la souffrance, de plusieurs souffrances lÂune à côté de lÂautre, qui ont fini par être ensemble. Ziskakan est à lÂimage de ce pays.ÂŽ Plus quÂun groupe dÂartistes, Ziskakan est un mouvement. Créé il y a une trentaine dÂannées, le groupe de Pounia a commencé par jouer les musiques locales, sega et maloya. Avant, celle-ci était à peine tolérée, presque interdite. Grâce à une mobilisation qui a touché de plus en plus de Réunionnais, Ânotre culture est sortie de la clandestinitéŽ. A lÂépoque, cÂétait un événement de voir le gros tambour sur une scène officielle. Cela aurait été considéré comme une provocation. Au début, le groupe jouait dans les champs de canne. Lui et ses compagnons sont allés enseigner la musique aux gens du peuple, les conscientiser, en projetant par exemple des diapos sur lÂAfrique du Sud en lutte contre lÂapartheid. ÂLa musique était un support de lÂengagement. Le parler créole aussi, même pour dire que la montagne était belle, même pour faire du doudouisme et du folklorisme.ÂŽ CÂest la langue en soi qui était frappée dÂun ostracisme que la persévérance de Ziskakan et dÂautres groupes apparus dans son sillage allait contraindre à sÂassouplir puis disparaître. Ziskakan travaille dès le départ sur beaucoup de terrains, diffusion musicale, édition de livres de poésie, de contes traditionnels, adaptation “Ziskakan ?”, du créole “JusquÂ’Ã quand ?” La question était posée par les artistes il y a à peine 30 ans quand les piliers de la culture créole et populaire étaient mal considérés, la langue créole interdite dans les écoles, la musique et la danse maloya écartées des grandes scènes, le tambour, maudit, assimilé à la sauvagerie. Pounia est une icône dans son pays mais il est difficile de lui arracher un “je” dans la conversation car tout ce quÂ’il a fait, créé, révolutionné, il en estompera le prestige derrière un “on” ou un “nous” modeste, comme une offrande à tous ceux qui se sont agglutinés autour de lui. Plus que de la modestie, du raffinement.Gilbert Pounia et ses artistes de Ziskakan resteront adulés à la RéunionJusquÂà QUAND ?Ville de Saint-Denis. Musée Léon Dierx, Installation. Photo : Hegel Goutier. D écouvrir lÂ’EuropeLa Réunion
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pour le théâtre de beaucoup dÂÂœuvres du corpus traditionnel. Et dès les premières opportunités, Pounia allait profiter du créneau des radios libres pour donner la parole à tous, desserrer le bâillon appliqué sur la culture populaire. Il en a profité pour faire découvrir chez lui des artistes dÂailleurs comme Joby Bernabé de Martinique, Toto Bissainthe dÂHaïti, Patrick Victor des Seychelles. Un grand colloque de Ziskakan sur la culture réunionnaise en 1981 a cristallisé les volontés en vue dÂune nouvelle prise en compte de la nature profonde de cette terre. Et dans le sillage de lÂarrivée au pouvoir de la gauche en France, le mouvement va sÂamplifier mais le gros était déjà fait. ÂQuand la gauche est arrivée, nous avions déjà débroussaillé le terrain. La victoire de la gauche nÂen a pas moins donné beaucoup dÂespoir.ÂŽ Ziskakan a-t-il fait alors le choix de lÂexpérience politique ? ÂSi cÂest Jimmy Hendricks Experience, oui, sourit Gilbert Pounia. Non, nous ne sommes que des gratteurs de guitare. Nous avions continué à faire ce que nous faisions, jouer, travailler le créole et créer de plus belles images encore dans cette langue si imagée.ÂŽ Par contre, les politiques sont allés vers Ziskakan à partir de 81. Avant, il nÂy avait que le Parti communiste qui avait osé le faire. Dorénavant, les portes des scènes ont commencé à lui être ouvertes. ÂEt puis, Philippe Constantin de Polygram a aimé notre travail et a été le premier à nous éditer à une grande échelle. Son intérêt était surprenant car je ne suis pas bien dans un moule et je nÂavais pas envie de formater ma musique aux trois minutes réglementaires pour passer à la radio.ÂŽ Trente ans plus tard, Ziskakan a toujours le même succès à la Réunion. Pounia y est toujours vénéré. Le grand acteur français, Ânotre amiÂŽ Richard Bohringer, tourne avec un de leurs spectacles de contes, Ti Jan , créé en créole quÂil a adapté en français. Ziskakan édite et produit aussi des artistes de tout lÂOcéan Indien, comme le poète Michel Ducasse et lÂécrivaine Shenaz Patel de Maurice. Il sÂapprête à éditer un livre dÂun philosophe malgache. H.G. N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 Mots-clésGilbert Pounia ; Ziskakan ; créole ; Richard Bohringer ; Toto Bissainthe ; Joby Bernabé ; Patrick Victor ; Michel Ducasse ; Shenaz Patel ; Réunion ; Hegel Goutier.A près les mésaventures de Louis Payen et de son compagnon qui ont vu fuir, avec les marrons malgaches, les deux femmes quÂils avaient emmenées, Etienne Regnault a essayé en 1665 de faire venir de France des femmes pour la vingtaine de premiers colons. Aucune métropolitaine ordinaire nÂétant pressée de faire ce long voyage vers lÂinconnu, il en a dénichées à la Salpêtrière, refuge dÂorphelines, délinquantes et prostituées. Mais sur la vingtaine embarquée, deux seulement sont arrivées dans lÂOcéan Indien. Alors on en a fait chercher une vingtaine dans la colonie portugaise de Goa en Inde en 1678. Les rabatteurs sont tombés sur Teixeira da Mota, Indienne qui avait 11 filles dÂun Portugais, toutes, mère et filles, acceptant dÂémigrer. CÂétaient les premiers métis de lÂîle. Avec elles, sera créée la lignée des Técher (de Teixeira). Chaque bateau sera ensuite lÂoccasion de ramener des femmes dÂInde. A partir de lÂinstauration de lÂesclavage, vers 1690, certaines femmes esclaves seront amenées aussi dÂAfrique.> Saint Expédit vénéré par les chrétiens et les hindous contre toute attente La vraie liberté de culte est instaurée à la fin du XIX e siècle. On a vu alors la création de mosquées, de pagodes et autres lieux de culte non chrétiens. Et la mixité religieuse nÂa pas tardé. Le catholicisme avait été imposé avec prosélytisme à une population plutôt analphabète. La symbolique des couleurs est forte dans les religions. Pour le catholicisme, blanc et bleu sont nobles, le rouge est mal. Or le rouge est la couleur de Karli, la déesse principale de lÂhindouisme. LÂéglise, nÂappréciant pas la raison de la dévotion des catholiques pour saint Expédit, souvent imploré pour faire du mal à autrui, a peint en rouge les chapelles dédiées au saint. Effet inattendu : une attraction des hindous pour les parements rouges du saint et une fidélité persistante des catholiques. Tel est pris qui croyait prendre. * Patrice Louaisel, est psychosociologue et guide conférencier sur les questions identitaires et sur les religions. Contact : patrice.louaisel@orange.fr première mère de la Réunion et autres histoires Commentaires de Patrice Louaisel*, présentés par Hegel Goutier Mots-clésPatrice Louaisel ; Réunion ; Teixeira da Mota ; Saint Expédit ; Karli. 55 Oratoire de Saint-Expedit 2008.© Hegel Goutier D écouvrir lÂ’Europe La RéunionTEIXEIRA DA MOTA, TEIXEIRA DA MOTA,
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NEIGEet FEUsous les tropiquesIncompréhensible quÂ’au début de sa colonisation peu fussent disposés à sÂ’installer à la Réunion jugée invivable et sans intérêt. Le visiteur dÂ’aujourdÂ’hui nÂ’a aucune réticence à utiliser les descriptifs touristiques ressassés de “paradisiaque” et de “pays de contrastes”. A peine exagérés. 56 I maginez, dans ce qui ressemble à un cercle dÂà peine 200 kilomètres de circonférence, des plages lovées dans des criques aux surfaces étales ou dissimulées comme des piscines derrière des lignes de rochers les protégeant des houles. Et à quelques hectomètres de là , dÂautres aux vagues impétueuses tutoyant lÂaudace des surfeurs les plus aguerris. Tournez le dos à la mer et grimpez la montagne toujours proche, et cÂest le vent frisquet entre les frondaisons de pays tempérés. Si ce nÂest la neige, une fois tous les 20 ans, il est vrai, mais ça arrive sur le Piton des Neiges. La dernière fois, cÂétait il y a un an, elle a provoqué presque des émeutes de curieux prenant un jour de congé pour aller admirer la poudreuse et qui se voyaient bloqués par la gendarmerie craignant des éboulements. Dans la montagne donc, la neigeƒ ou le feu. Le Piton de la Fournaise bouillonne, le volcan est en phase de travail depuis des années. La lave de la dernière éruption dÂil y a presque deux ans est encore rougeoyante en certains endroits. Ne manquez pas de voir lÂéglise miraculée de Sainte-Rose contournée de près sans être dévastée par la monstrueuse coulée de lave de lÂéruption de 1977. Pour en témoigner, la lave durcie est conservée telle quelle pour la dévotion des pèlerins. Toutes les parties de lÂîle méritent une visite. A commencer par la capitale Saint-Denis, française, indienne et créole à la fois, avec ses belles cases (maisons) créoles, ses villas de style Gingerbread, ses buildings élégants et ses magnifiques lieux du culte, mosquée, temple tamoul, temple chinois, églises. Les Hauts de Saint-Denis sont riches de petits coins tranquilles entre des bâtiments de prestige dominant, la mer comme ceux de lÂuniversité. Sur la ÂCôte sous le ventÂŽ à lÂouest, de beaux petits coins champêtres semblent protégés du brouhaha moderne, comme le Moulin à eau de Saint-Paul situé dans un village où le temps semble sÂêtre arrêté. Un peu plus loin, sÂétalent de belles plages, Saint-Gilles-les-Bains en NEIGEetFEUsous les tropiquesIncompréhensible quÂ’au début de sa colonisation peu fussent disposés à sÂ’installer à la Réunion jugée invivable et sans intérêt. Le visiteur dÂ’aujourdÂ’hui nÂ’a aucune réticence à utiliser les descriptifs touristiques ressassés de “paradisiaque” et de “pays de contrastes”. A peine exagérés. TOURISME D écouvrir lÂ’EuropeLa Réunion
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est une des plus prisées. Et il suffit de sÂen écarter un peu vers les hauteurs pour être enveloppé du parfum des géraniums. Plus haut encore vous arriverez aux trois cirques constituant le Piton des Neiges avec ses multiples cascades comme le Voile de la Mariée. Entretemps, à admirer avant les éventuels brouillards et les pluies battantes de Salazie : SainteSuzanne avec ses champs de canne étendus à lÂombre de majestueux temples tamouls. Pour la vanille, la variété Bourbon, le meilleur du monde semble-t-il, il faut aller plutôt au sud-est, du côté de Basse Vallée, et en profiter pour admirer les multiples coulées de lave du volcan. Mais les belles senteurs et les belles couleurs de la nature vous poursuivront presque partout, la fantaisie des petites fleurs dÂantigone rose ou blanche, les hibiscus, toutes sortes de fougères, du vétiver, des hibiscus Â… la vanille en est un dÂailleurs Â… sans oublier les notes magiques et capiteuses de lÂylang-ylang. Toutes ces visites invitent à la fringale. Pour les curiosités gastronomiques, on peut sÂarrêter à Saint-Paul près de son moulin pour goûter au tangue , proche du hérisson, préparé en civet ou en cari. Tout cela arrosé du vin des coteaux de Cilaos ou de son eau minérale. On peut faire confiance aux tibars le long des rues ou des routes. La qualité et la propreté y sont. Un autre cari original est celui de bichiques , alevins de cabot, ou de bouche ronde, partant de la mer et remontant les cours dÂeau. CÂest le caviar local, relativement cher mais vos papilles apprécieront. H.G. N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 57 Mots-clésHegel Goutier ; Piton des Neiges ; Piton de la Fournaise ; vanille Bourbon ; tangue ; bichiques. Les ressources de lÂUnion européenne ont largement contribué à lÂessor économique de lÂîle de la Réunion. Elles grimperont à environ 1 milliard dÂeuros pour le seul Fonds européen de développement régional (FEDER) 2007-2013, auquel il faut ajouter différents autres supports. Pour 2000-2007, le total des fonds structurels européens alloués à lÂîle au titre du FEDER, du Fonds européen dÂorientation et de garantie agricole (FEOGA), de lÂInstrument financier dÂorientation de la pêche (IFOP) et du Fonds social européen (FSE) avaient cumulé à 1,7 milliard dÂeuros, un montant de loin supérieur aux contributions de la France pour lÂensemble de ces programmes, soit 62% contre 38%. Les programmes à développer avec les fonds européens ont été définis en coordination avec la région et la France dans le cadre dÂun document unique de stratégie. Ils concernent : lÂamélioration de la compétitivité des personnes, lÂamélioration de la compétitivité économique avec un accent particulier sur le développement dÂun pôle économique de lÂOcéan Indien orienté vers la recherche, les TIC et le tourisme, lÂingénierie financière et lÂaide aux entreprises ; la réalisation dÂinfrastructures entre autres hydrauliques et pour la pêche ; lÂamélioration de la compétitivité du territoire à travers notamment des réseaux de transport et la construction de logements ; et la Âcompensation des handicaps liés à lÂultrapériphérieÂŽ : insularité, relief et climat difficiles, faible superficie. H.G. Presque 2 milliards de lÂUE pour BOOSTER LÂECONOMIE REUNIONNAISE Mots-clésHegel Goutier ; Réunion ; FEDER ; FEOGA ; IFOP ; FSE.La lave du volcan du Piton de la Fournaise 2008. © Hegel Goutier Pont 2008. © Hegel Goutier D écouvrir lÂ’Europe La Réunion
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58 C réativité Sandra Federici*AFRIQUE IN VISU:rencontres de photographesEN LIGNE LÂ’histoire de la photographie africaine est étroitement liée à celle des Rencontres africaines de la photographie de Bamako, qui lÂ’ont rapprochée du grand public. La Biennale photographique de Bamako et la recherche menée par Revue Noire ont fait connaître de grands talents comme Seydou Keïta et Malick Sidibé.Ces auteurs ont acquis une réelle notoriété sur le marché de lÂart grâce à des collectionneurs et des marchands dÂart qui sont parvenus, dÂune part, à susciter lÂintérêt du public mais aussi, dÂautre part, à consolider lÂimage ÂSixties-SeventiesÂŽ de la photographie africaine, définie comme une Âphotographie de studioÂŽ dédiée tout particulièrement à la représentation humaine. Il convient de souligner que, sous la direction de Simon Njami, les dernières éditions de la Biennale se sont ouvertes aux innovations stylistiques et aux artistes internationaux tout en tentant dÂéveiller lÂintérêt du public local par le biais de manifestations ÂoffÂŽ. > De nouvelles approches pour faire connaître les artistes africains Bamako ne monopolise pas pour autant la scène artistique africaine. Depuis deux ou trois ans, de nouvelles façons de ÂlancerÂŽ les photographes africains sont apparues. Il sÂagit pour la plupart de blogs et autres sites web grâce auxquels les photographes peuvent publier, en toute indépendance, leurs Âœuvres, leur biographie et leurs partis pris artistiques. Ce processus ne repose pas sur une structure verticale, au sein de laquelle le marchand/conservateur/collectionneur (le plus souvent occidental) choisit un auteur, le sauve de l oubli et commercialise son travail. Au contraire, la structure du blog fait davantage songer à lÂinternet, en ce sens quÂelle favorise un échange continu entre des ÂnÂœudsÂŽ dÂune plate-forme non hiérarchisée et infinie. CÂest donc une petite révolution que lÂInternet a apportée au système africain de lÂart, à sa capacité à sÂauto-définir et à sÂautopromouvoir. Même si, dÂun point de vue économique, les résultats de cette mini-révolution ne seront perceptibles quÂà moyen et à long terme. Car on est loin de lÂimpact à court terme des opérateurs classiques du marché de lÂart. Parmi les projets les plus actifs et dynamiques, il faut épingler Afrique in Visu , une initiative qui a démarré en octobre 2006 au Mali, en partenariat avec lÂEcole de photographie de Bamako. Elle est organisée par la chercheuse française Jeanne Mercier et le photographe Baptiste de Ville dÂAvray. Pour faire face aux principaux problèmes que sont les manques de structure, de formation et de politiques culturelles cohérentes et efficaces, le projet se propose dÂorganiser des ateliers et des résidences artistiques en Afrique et de créer une solide communauté en ligne. > Communautés créatives et Internet Outre le forum, une autre approche d Afrique in visu semble porter ses fruits : la collecte dÂinformations sur de jeunes photographes africains et sur les principales initiatives comme les expositions, les ateliers et les conférences (les sites attirent environ 2.500 visiteurs par jour). Régulièrement, les projecteurs sont braqués sur le site personnel dÂun auteur particulier, pour lui permettre de se distinguer sur la grande toile mondiale et de susciter des réactions à propos de son Âœuvre. Le site internet propose en outre un portefeuille particulièrement intéressant de clichés pris en Afrique par des artistes africains et non africains : Hip hop & société (à Brazzaville) de Baudouin Mouanda ; Architecture sans architecte (Mali) dÂAlioune Ba ; Brazzaville au quotidien , du Collectif génération Eliliƒ ÂNos principaux objectifs sont lÂapprentissage autodidacte professionnel par le biais dÂéchanges dÂinformations et de savoir-faireÂŽ,explique Jeanne Mercier, Âet une bonne visibilité qui, dans le contexte africain, va nécessairement au-delà des frontières. En outre, nous aidons ces artistes à se faire nominer aux festivals ou résidences dÂartistes. Grâce à Afrique in Visu , de nombreux auteurs ont été approchés par des magazines souhaitant se procurer leurs photos ou leurs services de reportage photographique.ÂŽ Les auteurs ont-ils facilement accès aux services en ligne ? ÂLa plupart des auteurs ne disposent pas dÂun ordinateur et dÂun accès privé à Internet. Ils éditent et publient numériquement leurs photos dans les centres multimédias aménagés à lÂintérieur des centres culturels français, dans des cybercafés ou dans des écoles dÂart ou de photographie.ÂŽ La fracture numérique reste immense mais, quoi quÂil en soit, lÂénergie de ces artistes et leur débrouillardise leur permettent de se hisser sur la scène internationale. * Directrice de la revue italienne Africa e Mediterraneo.© Baudouin Mouanda Mots-clésPhotographie ; blog ; communautés Internet ; Afrique in Visu ; Biennale de Bamako.
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La culture contemporaine au Sénégal : DakÂArt 2008 N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 59 Une biennale dÂ’art est toujours une occasion à ne pas manquer. Celle de DakÂ’Art, au Sénégal, est en outre un excellent prétexte pour découvrir lÂ’un des centres culturels les plus bouillonnants dÂ’Afrique et le seul projet panafricain au monde mettant à lÂ’honneur lÂ’art contemporain. Créé par le célèbre poète, intellectuel et président-fondateur Léopold Senghor, instigateur en 1966 du “Festival des Arts nègres” destiné à promouvoir la culture afro-centrique moderne en opposition directe au colonialisme européen, DakÂ’Art a été remis à lÂ’honneur à la fin des années 80. La culture contemporaine au Sénégal : DakÂArt 2008ÂAfrique : Miroir ?ÂL a Biennale DakÂArt sÂarticulait cette année autour du thème ÂAfrique : Miroir ?ÂŽ. LÂévénement, qui sÂest tenu du 9 mai au 9 juin, sÂest avéré plus grandiose et plus intéressant que jamais. Outre des artistes de tout le continent, cette édition 2008 rassemblait également des projets parallèles portant sur la musique, la mode et le design africains mais aussi des rencontres et des échanges couvrant un large éventail de projets culturels dÂenvergure internationale, y compris dans le domaine des nouveaux médias. > 130 expositions dans le cadre dÂun projet sénégalais CÂest le président Wade en personne qui a inauguré le vernissage officiel au Musée T. Monod (IFAN). Il a rappelé avec éloquence lÂimportance de la culture contemporaine au Sénégal, la présentant comme un instrument de coopération internationale mais aussi de développement national. Car il sÂagit bien, en effet, dÂun projet sénégalais, financé et organisé par un comité dÂorientation dirigé par Ousseynou Wade et présidé par un nouveau venu, Gérard Senac, collectionneur et mécène, directeur dÂEiffage, une des plus grandes entreprises du Sénégal et partenaire de DakÂArt. Ce comité dÂorientation comprend dÂautres personnalités, parmi lesquelles Gilles Hervio, chef de la délégation de la Commission européenne, Thierry Raspail, directeur de la Biennale de Lyon en France, Goran Christenson du Musée de Malmö en Suède, ainsi que de nombreux spécialistes et artistes africains comme Abdoulaye Konaté, Sithabile Mlotshwa, directrice de la Fondation Thamgidi, Maguèye Kassé, professeur, et Issa Samb, directeur du laboratoire ÂAgit-artÂŽ.Riche de plus de 130 expositions organisées aux quatre coins de Dakar et de sa grande banlieue, lÂédition 2008 de DakÂArt sÂest déployée sur deux niveaux. Les sites officiels de DakÂArt IN (lÂIFAN, la Galerie nationale dÂart et la Galerie Le Manège, rénovée récemment) ont accueilli quelque 35 artistes bien établis comme Fathi Hassan et Ndary Lo. Pour sa part, Mauro Petroni, résident de longue date, a mis à lÂhonneur, en tant que conservateur, DakÂArt OFF, qui a investi une myriade de sites divers. Un époustouflant nouvel ensemble architectural, créé sur la Corniche, a accueilli une grande rétrospective du maître sénégalais Iba Ndiaye. A retenir également cette année le très intéressant ÂGorée Regards sur coursÂŽ dans le cadre duquel une cinquantaine dÂateliers, de cours et de jardins privés (dont la villa de George Soros !) de lÂîle de Gorée ont ouvert leurs portes au public pour le week-end, chaque site étant consacré à un artiste. Une initiative parallèle était aussi organisée à lÂatelier de Gorée du très célèbre M. Dimé où les visiteurs ont pu découvrir de jeunes metteurs en scène associés à ÂFree dimensionalÂŽ, une plate-forme internationale faisant le lien entre les communautés artistiques et la justice sociale. Mary Angela Schroth* Ndary Lô, La Muraille verte, DakÂ’art 2008 ‘Afrique : miroir ?Â’ Photo Valentina Peri C réativité Occhiello Ndary Lô, La Muraille verte, DakÂ’art 2008 ‘Afrique : miroir ?Â’Photo Valentina Peri
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> Un événement véritablement international Cette année, la biennale a investi un ÂvillageÂŽ dÂaccueil sur le site de lÂex-IFAN où les journalistes et le public ont pu se rencontrer, voir une série de vidéos et participer à diverses rencontres avec dÂéminentes personnalités, comme le conservateur et écrivain Simon Njami (créateur de ÂAfrica RemixÂŽ et directeur des ÂRencontres africaines de la photographieÂŽ à Bamako, au Mali), lÂAngolais Fernando Alvim (organisateur du Pavillon dÂart africain de la biennale de Venise 2007) et Salah Hassan du Forum for African Arts . Epinglons également les contacts avec des artistes et des journalistes sénégalais comme le célèbre dessinateur de bande dessinée T.T. Fons, créateur de ÂGoorgoorlouÂŽ. La villa pour lÂart Ker Thiossane a accueilli pour sa part Afro Pixel, un intéressant festival réunissant des artistes africains qui utilisent Internet et les médias numériques. Enfin, Elio Grazioli de Milan et ÂLettera 27ÂŽ ont animé un débat sur la création de WikiAfrica Art destiné à Wikipedia. DakÂArt est un événement réellement international où lÂon peut admirer des oeuvres dÂartistes allemands, français, israéliens et espagnols, y compris des Canaries, qui exposaient leurs créations sur les nombreux sites. Le Sénégal et ses artistes se sont naturellement taillé la part du lion : lÂexposition-représentation de lÂartiste V. Diba à la galerie de Joelle Le Busy Fall a attiré beaucoup dÂattention. Comme lors des éditions précédentes, lÂextraordinaire créatrice de mode Oumou Sy a organisé pas moins de trois défilés mettant à lÂhonneur de jeunes créateurs sénégalais et ses propres créations, à lÂespace Metissacana. Le ÂThéâtre national Daniel SoranoÂŽ a présenté quant à lui une interprétation originale de La Mort et lÂEcuyer du Roi de Wole Soyinka, tandis que différentes discothèques comme le Just for You et le PenÂArt ont permis à ceux qui le souhaitaient de sÂimprégner de musiques et de danses locales jusquÂaux petites heures. *Critique dÂart et directrice de la galerie ÂSala 1ÂŽ à Rome (Italie). 60 PRIX DAKÂART 2008 : Grand Prix ÂLéopold Sédar SenghorÂŽ : Mansour Ciss Kanakassy Ndary Lo Prix du ministère de la Culture et du Patrimoine historique : Nkosikhona Ngcobo Prix de lÂUnion européenne : Johann Van Der Schijff Prix de lÂOrganisation internationale de la francophonie : Jems Robert Kokobi Prix Culture France (Afrique et Caraïbes en création) : Guy Bertrand Woueté Lotchouang Prix de la ville de Dakar : Amadou Kan SyPRIX OFF DE LÂUNION EUROPEENNE : 1er prix : Mbaye Ndoye, peinture 2eprix : Mamadou Faye, design 3e prix : Ibrahima Niang (dit Piniang), vidéo Mentions spéciales (IN/OFF) : Saïdou Dicko, photographie Ousmane Mbaye, design Mots-clésDakÂArt 2008 ; art contemporain ; Sénégal. Fathi Hassan, Whispering memory(Les murmures de la mémoire). Avec lÂ’aimable autorisation de lÂ’auteur et de Sala 1, Rome. Ciss Mansour “Kanakassis”, Le Laboratoire Déberlinisation, DakÂ’art 2008 ‘Afrique: miroir?Â’ Photo Valentina Peri C réativité
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N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 M ettre à lÂaffiche Clark Gable et Vivien Leigh, protagonistes inoubliables de Au temps en emporte le vent , en première de couverture dÂun roman africain peut paraître un choix éditorial pour le moins étonnant. Et pourtant, dans sa volonté dÂillustrer lÂÂœuvre de Calixthe Beyala, La piantagione (traduit de La plantation , Albin Michel, 2005), par le plus célèbre des baisers hollywoodiens, la maison dÂédition italienne Epoché ne fait quÂinsinuer ce qui, au fil des pages, apparaîtra comme lÂun des thèmes centraux du livre de la romancière camerounaise : le destin dÂune jeune africaine blanche, Blues Cornu, confrontée à lÂécroulement dÂun monde de privilèges bâti sur les dérives de la discrimination raciale. Comme Tara, tombée sous le joug de la guerre de Sécession américaine (186165), la famille Cornu doit elle aussi faire face aux revirements de lÂHistoire. Dans le Zimbabwe du Âprésident démocratiquement élu à vieÂŽ (son nom nÂest pas cité), lÂannée 2000 sonne le glas pour les richissimes fermiers blancs, invités à quitter le pays pour laisser leur place aux Noirs africains. Et comme Scarlett OÂHara, Blues préfère défendre ses terres plutôt que de vouer sa vie aux hommes, convaincue que Âdemain sera un autre jourÂŽ. Mais les similitudes sÂarrêtent là . Alors que dans la production hollywoodienne, les Noirs ne servent que dÂaccessoires, La piantagione ne laisse pas aux Blancs les premiers rôles. Certes Beyala, connue pour son engagement contre le racisme dÂEuropéens, prend cette fois le parti des colonisateurs, mais cÂétait sans compter sur son clair dessein dÂune fresque où Âil nÂy a que des anti-hérosÂŽ. Les désastres accumulés par Mugabe dans son processus de spoliation des propriétaires terriens blancs ont sûrement convaincu lÂécrivain de ne pas brosser un monde manichéen. ÂAucun personnageÂŽ, assure-t-elle, ÂnÂest totalement clair. Tout être humain est fait de lumières et dÂombresÂŽ. Avec La piantagione , Calixthe Beyala a su déjouer le piège des identités raciales pour brosser des portraits dÂhommes et de femmes unis par leur attachement au continent africain. Dans le bien et dans le mal. * À lÂoccasion de la sortie récente en Italie du dernier roman de Calixthe Beyala, La piantagione , Epoché, 2008 ( La plantation , Albin Michel, 2005).61 Même poids, même mesure pour les ÂANTI-HEROS du ZimbabweJoshua MassarentiLA PLANTATION * Mots-clésCalixthe Beyala ; Zimbabwe ; littérature ; racisme. Depuis 1948, la Jamaïque a décroché sept médailles dÂor, 24 médailles dÂargent et 19 médailles de bronze aux Jeux olympiques. En cette année olympique, un livre du Jamaïcain Patrick Robinson paraît à point nommé. LÂauteur tente dÂexpliquer pourquoi les Jamaïcains sont devenus des athlètes tellement exceptionnels. ÂCes performances ont été réalisées avec de faibles moyens, voire sans aucune ressourceÂŽ, a expliqué Robinson lors du lancement, à Bruxelles, de son livre Jamaican Athletics: A model For the World. Robinson est juge à la Cour pénale internationale de La Haye, mais il est aussi un grand amateur de sport. Selon lui, cÂest le système développé en Jamaïque au travers des championnats interécoles (Interscholastic Championships Â… CHAMPS) qui est à lÂorigine de telles performances chez les juniors. A un niveau supérieur, de nombreux athlètes jamaïcains prometteurs allaient volontiers étudier et se perfectionner aux Etats-Unis. Cela se passait avant les années 1970. Depuis, le College of Arts Science and Technology (CAST), devenu plus tard la University of Technology (UTECH), a comblé le vide. ÂJÂy vois une opportunité fantastique pour la Jamaïque, qui pourrait ainsi devenir une véritable plaque tournante de lÂathlétisme, un centre mondial spécialisé dans cette disciplineÂŽ, prédit lÂauteur. D.P. Jamaican athletics a Model for the World par Patrick Robinson. Athlétisme jamaïcain : un modèle pour le MONDE La couverture de l’édition italienne du livreLa Plantationde Calixthe Beyala. Couverture du livre de Patrick Robinson Jamaican Athletics(Athlétisme jamaïcain). C réativité
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62 D any Laferrière nous avait une fois donné cette réponse : ÂJÂai écrit des livres pour coucher avec des filles et gagner de lÂargent. JÂai couché avec beaucoup de filles et jÂai gagné beaucoup dÂargent, je ne vais quand même pas passer toute ma vie à être écrivainÂŽ. LÂauteur à succès de Comment faire lÂamour avec un Nègre sans se fatiguer a encore frappé. Après la série dÂÂœuvres où il a tant fait rire et pleurer à la fois, inventant un romantisme sans pleurnicherie, sans crinoline, allant de LÂodeur du café au Charme des après-midi sans fin, il sÂétait voué à dÂautres exercices : scénarios, livre et film conjugué comme son Vers le Sud . Mais surtout, il brouille les pistes du lecteur. DÂabord il fait croire quÂil ne parle que de luimême. Dans Je suis un écrivain japonais , il Â… ou le personnage qui utilise le ÂJeÂŽ comme dans une autobiographie répond à un fonctionnaire de lÂambassade du Japon qui lui demandait sÂil écrivait bien sur le Japon ÂJe nÂécris jamais sur autre chose que sur moimêmeÂŽ. Ceci se passe après la mort dÂune danseuse japonaise tombée de la fenêtre de son appartement. La police montée canadienne enquête aussi. LÂauteur (ou le personnage) parle de sa vie en Haïti, au Canada. DÂabord comment il en est arrivé au projet dÂun livre dont le titre serait ÂJe suis un écrivain japonaisÂŽ. Pour avoir une avance de 10 000 dollars de son éditeur, il lui a balancé sans réfléchir ce titre qui lui est passé sans raison par la tête. Il faut alors écrire. Il va visiter des lieux interlopes, le café Sarajevo avec ses torrides danseuses japonaises mi-perverses, mi-démiurges. Il jette son dévolu sur Basho (1644-1694), dont il avait vaguement côtoyé lÂÂœuvre dans le passé, adoptant son récit La Route étroite vers les districts du Nord . Il entre littéralement dans le livre. Ou ce moine rusé, poète vagabond, est entré en lui. Il paiera cher ses divagations entre Basho et les Japonaises du ÂBaisers IncorporationÂŽ au Sarajevo. Suspense. Quand Laferrière Â… ou le personnage quÂil appelle Je -parle de lui, il parle de la vie, de lÂessentiel, de lÂamour, de la mort. Il parle surtout de vous. En slamant. DÂun jazz saccadé avec un swing comme une extase, une jouissance. Vous berce et vous fait peur. JÂai voulu parler du livre sans en lire les dernières pages, sans risque donc de livrer la clef de lÂénigme, si énigme il y a. Je ne sais donc pas dans quelle histoire je suis tombé. Mais quelle histoire ! Excusez, je vais achever ma lecture. H.G. Je suis un écrivain japonais , Dany Laferrière, 268 p, 2008 Editions Grasset, Paris France KeywordsHegel Goutier ; Dany Laferrière ; Haïti ; littérature ; japonais. LA PROVOCATION AFFECTUEUSEDany Lafferrière.Avec lÂ’aimable autorisation des Éditions Grasset. © D.L.-C. Beauregard C réativité
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63 A ux plus jeunes N. 6 N.S. Â… JUIN JUILLET 2008 ON A FAIM! Par Didier Viode
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Août 2008 > 19-21 Réunion annuelle du Forum du Pacifique Septembre > 1-4 Forum de haut niveau sur lÂefficacité de lÂaide, Accra, Ghana> 8-11 13e session de lÂAssemblée parlementaire ACP Réunion des parlementaires dÂAfrique, des Caraïbes et du Pacifique, Bruxelles, Belgique> 12-13 Forum Médias et développement, Ouagadougou, Burkina Faso> 15-18 4e réunion des ministres des Finances ACP, Bruxelles, Belgique Octobre > 2-3 Sommet des chefs dÂEtat et de gouvernement ACP, Accra, Ghana> 16-18 Sommet de la diaspora africaine, Johannesburgh, Afrique du Sud > 27-30 Deuxième forum mondial sur la Migration et le Développement, Manilles, Philippines Novembre > 15-17 Strasbourg accueille les Journées européennes du Développement 2008. La ville française de Strasbourg accueillera la 3e édition des Journées européennes du développement (JED). Ce forum annuel organisé par la DG Développement de la Commission européenne se tiendra du 15 au 17 novembre. Il aura pour thème les autorités locales et le développement. www.eudevdays.eu > 24-27 16e session de lÂAssemblée parlementaire paritaire ACP-UE Réunion semestrielle des parlementaires des pays ACP et de leurs homologues du Parlement européen, Port Moresby, Papouasie Nouvelle Guinée > 29-3 Conférence sur le financement du développement : bilan du consensus de Monterrey, Doha, Qatar Décembre > 4-5 Réunion des responsables des organisations d'intégration régionale des pays ACP, Bruxelles, Belgique > 11-12 88e session du Conseil des ministres ACP, Bruxelles, Belgique 64JÂai trouvé les articles sur le Timor oriental très utiles. JÂétudie depuis un certain temps la situation au Timor et la lecture de ce dossier mÂa beaucoup aidé. Je suis convaincu que lÂaide au développement est la meilleure approche pour soutenir les pays émergents. Merci pour la publication. Yurithzi JÂai trouvé les articles du premier numéro spécial (Â50 ans de coopération ACP-UEÂŽ) très instructifs. Dans mon pays, il nÂexiste malheureusement pas, à ma connaissance, de publications sur ces thèmes et la plupart des gens ne savent pratiquement rien sur lÂAfrique. Même à lÂheure actuelle, alors que nous faisons officiellement partie de lÂUE, je ne pense pas que mon pays ait mis en place une quelconque initiative dÂaide aux pays ACP. Outre lÂarrogance de certains politiciens, je pense quÂici, les gens ont encore à lÂesprit quÂils habitent dans un pays bénéficiaire des programmes. Ils ont du mal à se rendre compte que nous pouvons aussi être des bailleurs dÂaide et exporter à ce titre notre expérience de la mise en Âœuvre de projets. Quoi quÂil en soit, la première chose à faire Â… la plus importante sans doute Â… est dÂapprendre à connaître les pays ACP. Rumyana Dobreva Merci pour tout ce que vous faites. Crescent Mwebaze A votre écoute Adresse : Le Courrier 45, Rue de Trèves 1040 Brussels (Belgium) email : info@acp-eucourier.info website : www.acp-eucourier.infoCalendrier Juin – Juillet 2008 La parole aux lecteurs Vos points-de-vue et vos réactions nous intéressent. NÂ’hésitez pas à nous en faire part.
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