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REPORTAGESIERRA LEONE Et la lumière futDOSSIERPêche Problèmes aux larges des pays ACPBiocarburants Plus de questions que de réponses REPORTAGESIERRA LEONE Et la lumière futDOSSIERPêche Problèmes aux larges des pays ACPBiocarburants Plus de questions que de réponses Not for sale ISSN 1784-6803 C urrierN.5 N.S.AVRIL MAI 2008LeLe magazine des relations et CoopŽrations Afrique Cara•bes Pacifique et Union europŽenne
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Conseil Editorial Co-prÂŽsidents Sir John Kaputin, SecrÂŽtaire gÂŽnÂŽral SecrÂŽtariat du Groupe des Etats ACP www.acp.int M. Stefano Manservisi, Directeur-GÂŽnÂŽral DG DÂŽveloppement ec.europa.eu/development/ RÂŽdaction Directeur et RÂŽdacteur en chef Hegel Goutier Journaliste Debra Percival Assistant Editorial et Production Joshua Massarenti Ont participÂŽ ˆ ce numÂŽro Marie-Martine Buckens, Sandra Federici, Gibril Foday-Musa, T. T. Fons, BÂŽatrice Gorez, Gaoussou Gueye, Andrea Marchesini Reggiani, FranÂois Misser Relations publiques et Coordination artistique Relations publiques Andrea Marchesini Reggiani (Responsable Relations publiques et rÂŽseaux ONG et experts) Joan Ruiz Valero (Responsable Networking avec les institutions UE et nationales) Coordination artistique Sandra Federici Concepteur Graphique, Maquette Orazio Metello Orsini Arketipa Gestionnaire de contrat Claudia Rechten Tracey D'Afters CouvertureVendeur de casseroles en aluminium fabriquÂŽes ˆ partir de matÂŽriel recyclÂŽ, Freetown, Sierra Leone, 2008 © Debra PercivalQuatriÂme de couvertureA droite : Ismail Farouk, Entrance to the Jack Mincer Taxi Rank & Park Central Filling Station, Shot from the Drill Hall, Video, colour, 2006. Avec l'aimable autorisation de Ismail Farouk A gauche: Ismail Farouk, GHB626GP, 2006. Avec l'aimable autorisation de Ismail FaroukContact Le Courrier 45, Rue de TrÂves 1040 Bruxelles Belgique (EU) info@acp-eucourier.info www.acp-eucourier.info Tel : +32 2 2374392 Fax : +32 2 2801406 PubliÂŽ tous les deux mois en franÂais, anglais, espagnole et portugaisPour toute information concernant l'abonnement, veuillez consulter notre site web www .acp-eucourier .info ou contacter info@acp-eucourier .info Editeur responsable Hegel Goutier Consortium Gopa-Cartermill Grand Angle Lai-momo Le SecrÂŽtariat ACP et l'Union europÂŽenne, membres du Conseil Editorial de la revue, dÂŽclinent toute responsabilitÂŽ quant aux positions prises dans les articles du magazine Le Courrier. Le consortium et la rÂŽdaction dÂŽclinent toute responsabilitÂŽ quant aux articles ÂŽcrits par les rÂŽdacteurs extÂŽrieurs ˆ l'ÂŽquipe de rÂŽdaction et par tout rÂŽdacteur invitÂŽ. Notre partenaire privilégié ESPACE SENGHORLÂEspace Senghor est un centre qui assure la promotion dÂartistes venus des pays dÂAfrique, Caraïbes et Pacifique et lÂéchange culturel entre communautés, au travers de programmes variés allant des arts scéniques, de la musique, du cinéma, à la tenue de conférences. SÂy rencontrent belges, immigrés dÂorigine diverses, fonctionnaires européens. E-mail : espace.senghor@chello.be Site : www.senghor.beCet espace est réservé aux partenaires privilégiés Le magazine des relations et CoopÂŽrations Afrique Cara•bes Pacifique et Union europÂŽenneCurrierLe EDITORIALLe retour de vieilles peurs 3SANS DƒTOUR Aux commandes de la ÂMachinerieÂcaribéenne. Entretien avec le Dr. Richard Bernal 4TOUR D'HORIZON6DOSSIERPÂche,ˆ la recherche d'un modÂle durableGuerre ouverte à la pêche Âillicite, non déclarée, non réglementéeÂŽ 11 Les nouveaux accords de partenariat 13 LÂexemple Â… controversé Â… de la Mauritanie 15 La pêche artisanale ACP: la plus performante pour répondre aux défis du nouveau millénaire 18 Pêches artisanales : les défis de la traçabilité et de la qualité. Le cas du Sénégal 19INTERACTIONSLes figures de proue de la coopération ACP-UE 21COMMERCEDébat enflammé sur le marché des biocarburants 25ZOOMUne journée dans la vie de King Fisher 26DE LA TERREBarrage sous haute surveillance 28REPORTAGESierra LeoneGuerre et paix 30 Le business de la gouvernance 33 Une opposition bipartite 35 Secteur minier : une réforme en chantier 36 LÂagriculture en ligne de mire à mesure que les prix du riz grimpent 38 Relever le défi écologique 40 Des fonds européens pour soutenir la stabilité 42 Tourisme : Le réveil du lion ? 43DƒCOUVRIR L'EUROPE Chypre et MalteChypre. Histoire de rencontres et de métissage 44 Miracle économique 46 Le ÂPlanning BureauÂ, architecte du miracle économique au service du développemen 47 Identités chypriotes 48 Stelios Ieronimidis. Adjoint au maire de Nicosie 49 Beauté et charme de trois continents 50 Comme si Malte contrôlait son histoire 52 L'âme de Malte. Ouverture et enfermement 54 Une économie intelligente qui ne craint pas la mondialisation 56 Malte d'hier et d'aujourd'hui 58CRƒATIVITƒPhotographie contemporaine du Congo RDC. Congo EZA, conjugaison de réalités et de rêves sur papier sensible 59 .ZAYoung art from South Africa 60 Programme dÂappui aux industries culturelles des pays ACP 61 Danzas des deux mondes. Quand la musique classique se métisse 62AUX PLUS JEUNESGoorgoorlou, le pêcheur 63Ë VOTRE ƒCOUTE/AGENDA64SommaireC urrierNo5 N.S. AVRILMAI 2008LeLe magazine des relations et CoopÂŽrations Afrique Cara•bes Pacifique et Union europÂŽenne LE COURRIER,N.5 NOUVELLE SERIE (N.S)
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N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008E ditorial 3 Le surgissement de ce quÂon a vite baptisé Âles émeutes de la finÂŽ a réveillé partout une vieille peur ancestrale, celle des affres de la famine. Et ceci, même dans les pays riches qui semblent sÂêtre protégés contre ce fléau. Au fur et à mesure que les nouvelles tombaient, la qualification de la peur sÂalourdissait De manifestations en Egypte, on est passé aux émeutes au Cameroun, au Burkina Faso, au Sénégal, au Sri Lanka ou en Côte dÂIvoire, aux affrontements violents en Haïti. Certains se sont souvenus que les grands blocs de pays riches se sont érigés dÂabord pour se prévenir contre la faim. LÂUnion européenne consacrait dans le temps jusquÂau deux-tiers de son budget à sa politique agricole. CÂétait le prix de la sérénité contre la peur de la faim qui avait titillé des populations ayant souffert du mal et qui lÂavaient intégré dans leur mémoire collective. DÂautres se sont souvenus quÂaucun pays nÂétait devenu riche en respectant scrupuleusement la nature, la bonne gouvernance et les droits de lÂhomme et que le challenge réclamé aujourdÂhui aux pays pauvres Â… et qui est indispensable dans le contexte actuel Â… , est à nul autre pareil. Encore maintenant, les grandes puissances sont celles qui arrivent dÂabord à se nourrir, plus que celles disposant de matières premières exportables, fussent-elles du pétrole ou du diamant. Ce nÂest pas simplement une question de gouvernance. La Chine ou lÂInde sont en train de pénétrer le cercle des puissants seulement après avoir commencé à nourrir beaucoup mieux leurs peuples. Et pourtant, cela faisait longtemps que lÂInde était capable de fournir des pléthores dÂingénieurs et de mathématiciens. Ce qui alarmait peu, il y a peu, a été vu donc dans sa vraie dimension: une catastrophe mondiale. Le Commissaire européen au Développement, Louis Michel qui avait déjà attiré lÂattention dans le temps sur cette menace lÂa même identifiée comme un tsunami. Le Programme alimentaire mondial avait déjà lancé un SOS en mars dernier, un mois avant les éruptions. Mais combien dÂexperts, de prospecteurs, dÂanalystes nÂon rien vu venir ? Alors que rien nÂest vraiment nouveau dans les pays touchés. En Haïti par exemple, sous la première présidence de René Préval à la fin de la décennie 90, les rizières ont disparu alors que le pays était dans le temps exportateur. Acause de problèmes dÂirrigation mais surtout du fait de grands de lÂagroalimentaire américain qui vendaient leur riz moins cher que la production locale, le temps que celle-ci disparaisse. Des explications existaient : la mauvaise gouvernance, le manque de liberté, le bas niveau de lÂéducation et de la santé. Toutes sont vraies mais elles ne suffisent pas. Il y a eu aussi des conseils judicieux quand il était apparu que le développement économique était souvent plombé par les prix croissants de lÂénergie. Il fallait produire du biodiesel. Il sÂavère que le soya, lÂhuile de palme ou le maïs utilisés pour sa production forment un vase communicant avec les denrées destinées à lÂalimentation. Jeu dans lequel le biocarburant gagne au départ, il se vend plus cher. Mais un jeu qui peut se révéler dangereux, entraînant la hausse insoutenable du prix des aliments dans un cercle vicieux. Le chemin de lÂenfer est vraiment pavé de bonnes intentions. Dans ce numéro du Courrier nous évoquons cette problématique. Nous couvrons aussi Sierra Leone. Au bas du classement du développement du PNUD. Mais ces jours-ci au haut de lÂespoir grâce au retour de lÂélectricité coïncidant avec lÂinstauration dÂun nouveau gouvernement . Son ministre de lÂAgriculture est déjà courtisé pour la production de biocarburant à partir de lÂhuile de palme. Mais il préfère prendre son temps pour répondre ne voulant pas que le veau dÂor de lÂénergie prenne la place du riz ou du cacao. Il y a de la lumière dans ce doute. Hegel Goutier Directeur et Rédacteur en chef Le retour de vieilles peurs Gulda El Magamba, "CÂŽrÂŽmonie de divination Sanga", extrait de "Congo Eza", Africalia Editions & Roularta Books. Avec l'aimable autorisation de Africalia. Site internet : www.africalia.beLe retour des vieilles peurs : les affres de la faim. Combien d'experts, de prospecteurs, d'analystes n'on rien vu venir ?
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N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008 5 4 S ans détour S ans dÂŽtour Les négociations se sont ainsi achevées le 16 décembre 2007, non pas en raison de pressions externes, mais parce que les négociateurs comme les chefs dÂEtat avaient la conviction quÂil sÂagissait dÂun ÂbonÂŽ accord et que le mandat avait été mené à bonne fin. LÂAPE ne risque-t-il pas dÂêtre dénoncé au sein de lÂOMC ? En droit, lÂissue heureuse d'un procès ou d'une procédure dépend souvent de deux variables : l'interprétation du droit et la crédibilité des arguments présentés par le demandeur et la plaidoirie. L'OMC ne fait pas exception à la règle. Il n'est donc pas exclu que des membres de l'OMC en viennent à dénoncer l'APE. Certaines dispositions des règles de lÂOMC sont ambiguës et n'ont pas encore passé de façon probante lÂépreuve du test et de lÂinterprétation sur la base de la jurisprudence de l'OMC. Une telle ambiguïté pourrait faciliter la remise en question de l'accord, notamment par des pays développés concurrents mais aussi par des pays en développement n'appartenant pas au Groupe ACP. Mais dans le même temps, cette ambiguïté offre une certaine latitude pour des interprétations libérales et l'application du principe juridique. En nous associant aux négociations, nous voulions parvenir à un accord qui, contrairement au système de préférences de Cotonou qui exigeait une dérogation, serait dÂemblée compatible avec les règles de lÂOMC. Nous avons pris soin de négocier un accord susceptible de garantir nos intérêts commerciaux mais qui passerait avec succès le test de l'examen juridique attentif. Quels sont les avantages de lÂAPE pour les Caribéens ? Un des avantages les plus immédiats de lÂAccord est quÂil permet au CARIFORUM dÂéviter dÂêtre confronté au SPG, qui se serait révélé considérablement moins avantageux que lÂAPE. Certains secteurs clés du CARIFORUM, comme lÂindustrie bananière, auraient clairement souffert dÂune absence dÂAPE, étant donné que le SPG ne couvre pas les bananes. En outre, à court/moyen terme, les réductions tarifaires pourraient entraîner une baisse du prix de certains biens et services, dÂoù des économies potentielles pour les consommateurs. La diminution des prix de détail devrait également entraîner à la baisse les coûts de production pour les producteurs du CARIFORUM dont les processus de production et les entrants sont extrêmement dépendants des importations. Sur le long terme, lÂAPE assure au CARIFORUM un accès préférentiel aux marchés européens, dans les secteurs traditionnels et nouveaux des marchandises et des services et dans une forme compatible avec les règles de lÂOMC. QuÂen est-il des pertes de recettes tarifaires qui menacent les gouvernements ACP? En s'engageant à libéraliser les échanges, le CARIFORUM comme l'Europe devront éliminer les droits d'importation frappant certains biens. Cette suppression sÂaccompagnera dÂune perte des revenus provenant de ces droits. Le CARIFORUM devrait libéraliser pas moins de 80% de tous les biens importés dÂEurope même s'il n'est pas tenu dÂéliminer immédiatement tous ces droits de douane. Contrairement à lÂEurope qui est tenue de supprimer dÂemblée les droits et les contingentements pour tous les biens, à lÂexception du riz et du sucre, le CARIFORUM bénéficie, quant à lui, dÂun calendrier de suppression progressive des droits, de sorte que les droits ne seront pas tout de suite complètement supprimés. Pour certains produits, le CARIFORUM peut ainsi différer la libéralisation de 5, 10 ou 15 ans, voire dans certains cas de 25 ans. En outre, l'APE prévoit une liste de produits ne devant pas être libéralisés. Au titre dÂun accord commercial comme lÂAPE, lÂon peut sÂattendre à ce que les pertes de revenus soient compensées par lÂexploitation des opportunités de marché offertes aux entreprises. Toutefois, au sein du CARIFORUM, lÂajustement à la perte de revenus liée à la libéralisation peut être encore facilité par une réforme des systèmes fiscaux, lÂidée étant de renoncer progressivement au système de taxes faisant obstacle aux échanges commerciaux au profit dÂautres formes de taxation. Quelle forme dÂaide au développement faut-il prévoir pour soutenir lÂAPE ? La réussite de la mise en Âœuvre de l'accord au sein du CARIFORUM repose sur la définition et la mise en Âœuvre dÂune aide au développement financière et non financière ainsi que sur la coopération. Les mesures et les priorités dÂaide au développement au titre de lÂAPE sont décrites dans les grandes lignes dans un chapitre sur le développement, mais elles sont davantage détaillées dans les chapitres axés sur les questions commerciales particulières au titre de l'accord. La définition de la formulation et de la mise en Âœuvre de projets spécifiques dÂaide au développement doit être précédée dÂun processus dÂévaluation des besoins. Ce processus, qui nÂest toutefois pas encore terminé, a démarré bien avant la fin des négociations autour de lÂAPE. LÂévaluation des coûts de la mise en Âœuvre sera déterminée via ce processus. Il appartient aux Etats membres de déterminer quels seront ces projets. Et le suivi ? Le suivi de la mise en Âœuvre de lÂAPE devrait être facilité grâce aux processus participatifs existant à lÂéchelon national, tant au sein du CARIFORUM qu'en Europe. LÂAPE inclut cependant certaines dispositions institutionnelles, parmi lesquelles la création de trois institutions CARIFORUM-UE : un Conseil paritaire, un Comité CARIFORUM-EU pour le commerce et le développement et enfin la Commission parlementaire. www.crnm.org, www.eu.europa.eu/trade* Directeur général du CRNM ** Le CARIFORUM est le Forum caribéen du Groupe des Etats dÂAfrique, des Caraïbes et du Pacifique. Il comprend des membres du groupement régional du Caricom, à savoir : les Bahamas, la Barbade, Belize, la Dominique, Grenade, la Guyane, Haïti, la Jamaïque, Saint Christophe et Nevis, Sainte Lucie, Saint Vincent et les Grenadines, le Suriname, Trinité et Tobago, la République Dominicaine et Cuba. L'UE a paraphé un APE le 16 décembre 2007 avec tous les Etats du CARIFORUM, à l'exception de Cuba. Quel a été le rôle du CRNM dans l'adoption de l'APE ? Le CRNM a joué un rôle de coordination et a ainsi facilité lÂélaboration de positions de négociation régionales. Il a en quelque sorte animé les consultations avec les parties prenantes, mais aussi la recherche et les travaux techniques. LÂaboutissement des négociations avec l'adoption de l'APE est ainsi dû en partie au travail technique des négociateurs et du CRNM, mais surtout aux Etats membres qui, en fin de compte, sont tenus de définir le mandat de négociation et de guider les négociateurs tout au long du processus. Une ÂMachinerieÂsuppose une avancée, quelle quÂelle soit ! LorsquÂon entre dans sa voiture, on sÂattend généralement à ce quÂelle démarre dès quÂon a mis la clé de contact. De la même manière, on sÂattend à ce que la ÂMachinerieÂde négociation fonctionne elle aussi correctement et de manière cohérente en tenant compte de lÂévolution de la nature et du champ dÂapplication de la politique de commerce extérieure du CARIFORUM. Pensez-vous que lÂon vous ait poussé à signer lÂAPE précipitamment ? LÂimpact de la suppression des préférences commerciales non réciproques au titre de lÂAccord de Cotonou a été particulièrement perceptible dans notre région. Trois grandes possibilités sÂoffraient à nous : recourir au Système généralisé de préférences (SGP), négocier un nouvel accord dÂaccès portant exclusivement sur les marchandises ou négocier un APE à part entière. Reconnaissant le potentiel commercial dans le domaine des services et des investissements, la région a décidé qu'un APE à part entière représentait la meilleure solution.A A U U X X C C O O M M M M A A N N D D E E S S D D E E L L A A ÂM M A A C C H H I I N N E E R R I I E E ÂC C A A R R I I B B É É E E N N N N E E . . E E N N T T R R E E T T I I E E N N A A V V E E C C L L E E D D R R R R I I C C H H A A R R D D B B E E R R N N A A L L* *Debra Percival Mots-clés Richard Bernal ; CARICOM ; APE ; CRNM. Bernal (à droite) signant l'APE avec Karl Falkenberg, directeur gÂŽnÂŽral adjoint du commerce ˆ la Commission europÂŽenne. DerriÂre, Kusha Haraksingh, nÂŽgociateur en chef pour les aspects juridiques de l'APE, et le CollÂge des nÂŽgociateurs. © Wayne Lewis Au centre: l'Ambassadeur Richard Bernal ; ˆ gauche, Henry Gill, Directeur technique senior du MÂŽcanisme de nÂŽgociation rÂŽgionale caribÂŽen (CRNM) ; ˆ droite, Junior Lodge, coordinateur senior du CRNM, basÂŽ ˆ Bruxelles. © CEQuatorze membres du CARIFORUM** font partie du seul groupe rÂŽgional ACP ˆ avoir paraphÂŽ ˆ ce jour un Accord de partenariat ÂŽconomique (APE) ˆ part entiÂre avec l'Union europÂŽenne (UE). Une avancÂŽe pour laquelle il convient de rendre hommage ˆ la Machinerie de nÂŽgociation rÂŽgionale caribÂŽen (CRNM), basÂŽ en Jama•que. Cet organisme a vu le jour en 1997, sur l'initiative des chefs d'Etat et de gouvernement du CARICOM (l'organisme rÂŽgional basÂŽ en Guyane qui s'emploie ˆ promouvoir l'intÂŽgration des CaribÂŽens) en vue de mettre en commun les ressources et de coordonner toutes les nÂŽgociations commerciales avec les partenaires. Le nouvel accord CARIFORUM-UE devait Âtre signÂŽ durant le printemps 2008, sa mise en Ãuvre transitoire dÂŽmarrant en juillet. M. Richard Bernal, directeur gÂŽnÂŽral du CRNM et ÂŽconomiste, s'est entretenu avec Le Courrier.
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N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008T our d'horizon Occhiello7 T our dÂ’horizon Le 13 décembre dernier, le Parlement des Iles Salomon a émis un vote de méfiance contre le gouvernement, procédant ainsi à la démission du Premier ministre et chef du gouvernement, Manasseh Sogavare. Une semaine après, son successeur Derek Sikua à peine intronisé a été chaudement salué par la communauté internationale et surtout par lÂAustralie qui sÂest engagée à intensifier sa coopération avec son gouvernement, mettant ainsi fin à la tension qui pourrissait les relations entre les deux pays. Surtout, lÂun des premiers actes forts du nouveau chef du gouvernement a été de se rendre à Malaita pour présenter des excuses à la population locale Âpour les offenses et les injusticesÂŽ perpétrées contre elle durant les récents conflits ethniques. Les différends entre les originaires de cette province et les habitants de lÂîle de Guadalcanal ont été en grande partie à lÂorigine de la longue crise dans laquelle le pays est plongé depuis la fin des années 90. LÂappel de M. Derek à une grande réconciliation a été assorti dÂune demande de négociations avec lÂexécutif de Malaita en vue notamment de la réalisation dÂimportants projets de développement dont celui du Aulauta Oil Palm espéré depuis longtemps sur place. >La notion de ÂWantokÂŽ Lors de la visite du Courrier aux Iles Salomon, il y a quelques mois, lÂancien Premier ministre, Manasseh Sogavare, alors en poste avait largement souligné lÂâpreté des relations de son gouvernement avec lÂAustralie, reprochant notamment à ce pays de vouloir imposer des solutions ne tenant pas compte de la culture et des us et coutumes des Iles Salomon. Pour comprendre lÂévolution de la situation dans ce pays, une notion est importante, celle du ÂwantokÂŽ (one talk) , en dÂautres termes ceux qui parlent la même langue que soi, du même clan donc, vis-à -vis desquels on a un devoir de solidarité, à la limite souvent de la légalité. Cette notion est bien ancrée dans la culture mélanési-I I L L E E S S S S A A L L O O M M O O N N . . L L E E N N T T E E S S O O R R T T I I E E D D E EL L O O N N G G U U E E C C R R I I S S E E . .Hegel GoutierLe Parlement des Iles Salomon vient d'ÂŽlire le 13 dÂŽcembre dernier un nouveau Premier ministre aprÂs avoir ÂŽmis un vote de mÂŽfiance contre son prÂŽdÂŽcesseur. Le jeu dÂŽmocratique a ÂŽtÂŽ respectÂŽ et, cette fois, sans ÂŽmeutes populaires, contrairement aux mauvaises expÂŽriences du passÂŽ rÂŽcent. La tension avec le puissant voisin australien s'est vite estompÂŽe. La sortie de crise entamÂŽe depuis longtemps semble progresser.enne à laquelle appartiennent la plupart des habitants des Iles Salomon. Par ailleurs, la dizaine dÂîles constituant ce pays et qui sÂest rassemblées dans un ensemble quÂavec lÂindépendance, est chacune peuplée de clans différents, dont plusieurs ont entretenu des antagonismes séculaires. Pour une population dÂenviron 540.000 habitants, coexistent plus de 70 langues totalement différentes les unes des autres. Le processus dÂunification de cet ensemble dÂîles nÂa vraiment commencé quÂà la Seconde Guerre mondiale, qui a vu la région, et particulièrement lÂIle de Guadalcanal, devenir le théâtre dÂun des plus spectaculaires et déterminants affrontements entre les forces nippones et américaines. CÂest là en définitive que les Japonais ont perdu la guerre. Ce sont les baraquements de lÂaéroport militaire dÂHoniara qui allaient devenir la base de la future capitale, Honiara. Et les autres îles seront regroupées autour de Guadalcanal, lÂEtat des Iles Salomon à qui le Royaume-Uni accordera lÂindépendance en 1978, sans avoir connu une vraie histoire partagée. Le wantok, pratiqué par des politiques détenant le pouvoir a souvent été perçu par des bailleurs de fonds comme une mauvaise gouvernance. DÂoù, pour le moins, des incompréhensions, sinon de graves tensions !>Troubles répétés La courte histoire du nouvel Etat a vite été dominée par la tension entre les Malaitais et la population de Guadalcanal. La densité de la population à Malaita est relativement élevée et les opportunités économiques relativement faibles comparées à sa voisine Guadalcanal, siège du pouvoir politique. Une partie importante de sa population va y émigrer. Les premiers troubles importants remontent à la fin des années 90 avec pour point de départ lÂopposition entre les populations originaires de Malaita installées dans la province de Guadalcanal et les locaux. Le peuple gwale de Guadalcanal, lÂîle la plus prospère, a commencé à émettre de vives protestations contre ce quÂil considère comme une invasion des habitants des autres îles surtout, de celle voisine de Malaita accusés de sÂemparer non seulement des terres mais aussi des emplois. Des bandes paramilitaires se sont constituées. DÂabord, le Guadalcanal Revolutionnary Army (GRA) qui a commencé à intimider les ÂimmigrésÂŽ malaitais, les forçant à fuir par milliers (plus de 20.000 de 1999 à 2003) les zones rurales vers la capitale ou vers leur terre dÂorigine. Aux intimidations de ce groupe dÂirrédentistes sÂest constitué le Malaitan Eagle Force qui a opéré en juin 2000 un coup dÂEtat de facto en capturant le Premier ministre. Réponse dÂune nouvelle bande paramilitaire gwale (le Isatabu Freedom Fighters qui a remplacé le GRA), qui a assassiné un membre du nouveau gouvernement. Bilan: des centaines de morts. Deux accords de paix successifs entre les parties sont restés lettre morte, surtout quÂà partir dÂavril 2000, des conflits ont éclaté dans le Western Province. En arrière-fond de cette nouvelle crise, lÂexploitation ÂinsoutenableÂŽ des forêts par des sociétés étrangères, principalement asiatiques, dont les impacts ne concernent pas seulement lÂenvironnement, lÂéconomie, la bonne gouvernance mais aussi la culture et les us et coutumes. Normalement, la propriété terrienne dans plusieurs îles de la région, comme à Guadalcanal, revient à la femme. Or, les compagnies forestières sont accusées de faire des transactions irrégulières avec certains responsables de villages et de déposséder les femmes. Des manifestations de femmes de grande ampleur se sont répétées et ont été victimes de brutalités des gardes de sécurité privés de certaines plantations. Ella Kauhue, Secrétaire générale du National Council of Women explique au Courrier :  À Guadalcanal par exemple, la règle est la matrilinéarité qui prime. Ce sont les femmes qui sont propriétaires des terres. Mais souvent, lorsquÂil MusÂŽe national et centre culturel, Honiara 2008. © Hegel Goutier Le MÂŽmorial de Guadalcanal 2008. © Hegel GoutierParlement, Honiara. © Hegel Goutier "La rÂŽcente crise politique concernant la direction du pays a montrÂŽ la force de nos institutions dÂŽmocratiques fondamentales pour garantir une issue juste et dÂŽmocratique", a dÂŽclarÂŽ le Premier ministre Derek Sikua 6 De la fumÂŽe dans la brousse, prÂs de Honiara 2008.© Hegel Goutier En arriÂre-fond de cette nouvelle crise, l'exploitation "insoutenable" des forÂts.
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N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008T our d'horizon Occhiello8 T our d'horizonOcchiello est question de permettre à des étrangers de venir, les femmes ne participent pas aux décisions. Les hommes reçoivent dÂimportantes sommes dÂargent. Ils voyagent, dépensent lÂargent puis reviennent au villageÂŽ. En avril 2003, les Etats insulaires du Pacifique, dans le cadre de la Déclaration de Biketawa*, ont décidé de dépêcher aux îles Salomon une mission de police Â… le RAMSI (Regional Assistance to Solomon Islands) Â… sous la direction de lÂAustralie qui a fourni 80% du contingent. Des unités néo-zélandaises et dÂautres îles du Pacifique en font également partie. Anoter que celles de Fidji et Papouasie Nouvelle Guinée sont rémunérées par lÂAustralie. Le RAMSI a réussi à y ré-instaurer lÂordre malgré des troubles intermittents. Ainsi, après des élections relativement bien déroulées en 2006, le Premier ministre élu par une large majorité issue des trois premiers partis du pays a dû démissionner après plusieurs jours dÂémeutes, accusé dÂavoir partie liée avec la corruption. Etaient particulièrement visés les milieux dÂaffaires asiatiques, surtout taiwanais, impliqués dans la gestion des forêts. Ces émeutes ont causé, entre autres, la destruction du Chinatown dÂHoniara. Un nouveau Premier ministre a été élu par le Parlement qui semblait convenir aux émeutiers, M. Manasseh Sogavare (encore en poste lors du reportage du Courrier ) mais qui allait entretenir des relations tendues avec une partie de la Communauté internationale et plus spécialement avec lÂAustralie. La raison principale en était que le Premier ministre avait placé dans son gouvernement deux personnalités accusées dÂavoir participé à lÂorganisation des émeutes. Dans un communiqué publié en mai 2006, lÂUnion européenne a dÂailleurs fait part de sa désapprobation. Sous la pression internationale, ces nominations ont été annulées mais les relations avec lÂAustralie sont restées envenimées à cause notamment dÂautres nominations contestées. M. Sogavare avait déjà été Premier ministre à la suite du coup dÂEtat de 2000 et ce jusquÂaux élections de décembre 2001 perdues par son parti. Le 13 décembre, un vote de confiance du Parlement, a démis Sogavare de son poste et le 20 décembre il a été remplacé par M. Derek Sikua. M. Sogavare assume désormais le rôle de leader de lÂopposition. Rarement depuis la crise de 1999 un changement de gouvernement ne sÂest opéré dans un tel calme, sans échauffourées dans les villes ou les campagnes. Pour le nouveau Premier ministre, cÂest un signe que les institutions démocratiques ont pris de la vigueur:  La récente crise politique concernant la direction du pays a montré la force de nos institutions démocratiques fondamentales pour garantir une issue juste et démocratiqueÂŽ. Effectivement, depuis lÂarrivée des forces du RAMSI, le jeu démocratique a été respecté mais souvent avec volatilité et des convulsions plus ou moins graves qui ne permettaient pas de présumer dÂune sortie totale de crise et du départ des troupes du RAMSI. La foule nombreuse à Malaita qui a applaudi le nouveau Premier ministre a été interprétée par beaucoup comme le début dÂune vraie réconciliation nationale. Pourvu que la détente actuelle ne soit pas suivie de nouveaux atermoiements et dÂautres hoquets de la démocratie. * La Déclaration de Biketawa adoptée en octobre 2000 par le Forum des Iles du Pacifique (Pacific Islands Forum) a défini les bases dÂune réponse coordonnée aux crises régionales.Le Président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a appelé les Etats membres de lÂUnion européenne à revoir à la hausse leur aide officielle au développement. Cette condition est nécessaire à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Il sÂagit entre autres de réduire de moitié dÂici à 2015 lÂextrême pauvreté dans le monde. Lors dÂune conférence de presse le 9 avril à Bruxelles, M. Barroso a affirmé : ÂNous affichons de bons résultats en termes d'efficacité de l'aide, mais soyons honnêtes, il faut reconnaître qu'en termes de volume, nos performances en 2007 ont tout simplement été insuffisantesÂŽ. Il est fait mention dÂun appel à un renforcement de lÂaide dans un document communautaire intitulé ÂL'UE partenaire global pour le développementÂŽ. Cette communication de la Commission européenne, publiée le 9 avril, entend ouvrir les négociations pour une position commune de lÂUE en vue du Forum de haut niveau sur lÂefficacité de lÂaide prévu en septembre à Accra, au Ghana, et en vue de la Conférence sur le financement du développement, qui se tiendra en décembre à Doha. Le total de lÂaide officielle au développement des 27 Etats membres de lÂUE pour lÂensemble des nations en développement a diminué pour la première fois depuis 2000. De 47,7 milliards dÂeuros en 2006, il est passé à 43,1 milliards dÂeuros en 2007. Des chiffres récents de lÂOrganisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont révélé que lÂaide des pays suivants a diminué en 2007, alors quÂil sÂagit de pays dont la contribution en volume est habituellement élevée : la Belgique (11,2%), la France (15,9%), lÂItalie (3,6%), le Portugal (9,4%), la Suède (2,6%) et le Royaume-Uni (29,1%). Les pays suivants ont été plus généreux en 2007 : lÂAllemagne (+ 5,9%), Irlande (+ 4,6%), le Luxembourg (+ 11,7%), lÂEspagne (+ 33,8%), lÂAutriche (+ 7,6%), le Danemark (+ 2,9%), la Finlande (+ 5,5%), la Grèce (+ 5,3%) et les Pays-Bas (+ 3,1%). Le Président Barroso a déclaré que la Commission européenne se devait de jouer un rôle de premier plan dans la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Il a demandé que les Etats membres précisent leurs dépenses annuelles en matière de développement jusquÂà 2015. Il a ajouté que cette question serait évoquée en juin lors de la réunion en Slovénie des chefs dÂEtat et de gouvernement de lÂUnion européenne et en juillet au Japon devant le Groupe des huit pays les plus industrialisés (G8). Les Etats membres ont également été appelés à contribuer à une nouvelle ligne budgétaire annuelle de la Commission européenne qui se chiffre à 2 milliards dÂeuros pour lÂaide au commerce jusquÂen 2010, montant dont une moitié viendra de la Commission et lÂautre des Etats membres. Le financement sera affecté à des infrastructures visant à stimuler le commerce régional dans les pays en développement. On sÂattend à ce que les pays dÂAfrique, des Caraïbes et du Pacifique en bénéficient largement. Un accroissement de lÂaide ne constitue quÂune des recommandations du document Âpartenaire globalÂŽ, une autre étant une plus grande efficacité de lÂaide. DÂimportants progrès ont été réalisés sur ce plan. Comme lÂa expliqué le Commissaire au Développement, Louis Michel, à des journalistes le 9 avril, les Etats membres ont en effet pris des décisions communes de planification. Ainsi, en Somalie, la coordination de lÂaide a été assurée par six pays européens et par la Norvège. M. Michel a également apporté son appui au soutien budgétaire car Âainsi sÂest créée une relation de confiance dÂégal à égalÂŽ. 47% des 22,6 milliards dÂeuros au titre du 10e Fonds européen de développement (FED) seront affectés à lÂaide budgétaire dans les pays ACP. Le document recommande avec insistance une meilleure cohérence des politiques de lÂUE en matière de développement et dans les autres domaines, pour éviter des situations où elles seraient en contradiction les unes avec les autres, un exemple étant les biocarburants (Voir lÂarticle sur les biocarburants dans la rubrique sur le commerce). D.P . L L a a r r é é d d u u c c t t i i o o n n d d e e l l   a a i i d d e e d d e e s s E E t t a a t t s s m m e e m m b b r r e e s s d d e e l l   U U n n i i o o n n e e u u r r o o p p é é e e n n n n e e : : l l e e s s p p r r o o m m e e s s s s e e s s e e n n m m a a t t i i è è r r e e d d e e l l u u t t t t e e c c oo n n t t r r e e l l a a P P A A U U V V R R E E T T É É s s o o n n t t c c o o m m p p r r o o m m i i s s e e s s L L E EG G E E E E R R E E F F L L U U T T T T E E C C O O N N T T R R E E L L E E C C H H A A N N G G E E M M E E N N T T C C L L I I M M A A T T I I Q Q U U E E Le GEEREF (Global Energy Efficiency and Renewable Energy Fund) est le fonds mondial pour la promotion de l'efficacitÂŽ ÂŽnergÂŽtique et des ÂŽnergies renouvelables. Il s'agit d'un nouveau fonds europÂŽen destinÂŽ ˆ financer des projets ˆ petite ÂŽchelle qui travaillent ˆ l'amÂŽlioration de l'efficacitÂŽ ÂŽnergÂŽtique ou ˆ la promotion de l'ÂŽnergie renouvelable dans les pays en dÂŽveloppement et dans les ÂŽconomies en transition. L'objectif global des projets est d'attÂŽnuer le changement climatique. Au cours des quatre prochaines annÂŽes, la Commission europÂŽenne va affecter 80 millions d'euros au fonds afin de le relancer et de stimuler les investissements privÂŽs. Auront la prioritÂŽ les projets utilisant des technologies ÂŽprouvÂŽes, respectueuses de l'environnement. Les ressortissants des pays ACP peuvent participer. D.P . Mots-clés Iles Salomon ; Pacifique ; forêt ; gouvernance ; Sogavare ; Derek Sikua. Mots-clés Debra Percival ; objectifs du Millénaire pour le développement ; aide ; José Manuel Barroso ; Louis Michel. Campagne anti-sida de Save the Children 2008. © Hegel Goutier MarchÂŽ de Honiara 2008 © Hegel Goutier Station-service dans le quartier chinois, Honaria 2008. © Hegel Goutier Le mÂŽcontentement visait plus particuliÂrement les milieux d'affaires asiatiques. Pendant ces ÂŽmeutes, le Chinatown d'Honiara a ÂŽtÂŽ dÂŽtruit. Au large de Honaria 2008. © Hegel Goutier Encart logo de la campagne Action Climat. © CE9
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L Le secteur des pêches des Etats côtiers dÂAfrique, Caraïbes et Pacifique vit des jours mouvementés. Les défis auxquels il doit faire face sont multiples. Que ce soit la question de lÂintégration ou non du secteur dans les Accords de partenariat économique, la mise en place de structures adéquates pour assurer une pêche durable, tant de la part de leurs flottes que des flottes étrangères Â… singulièrement les flottes européennes Â… ou encore la viabilité des pêcheries artisanales, vitales dans certains Etats côtiers comme le Sénégal, la Mauritanie ou certains pays des Caraïbes. En toile de fond, la nouvelle proposition déposée par la Commission européenne en octobre 2007 pour lutter contre la pêche illégale, fléau dÂune envergure telle quÂil est devenu lÂun des dossiers prioritaires sur le plan international. Les défis sont dÂune telle ampleur que ce dossier a fait un arrêt sur image sur trois questions dÂactualité : la lutte contre la pêche illicite, lÂaccord de partenariat pêche entre lÂUE et la Mauritanie, exemplaire, et la pêche artisanale. PÊCHE ,à la recherche dÂun modèle durable de Marie-Martine Buckens"Pour les pays ACPet nos relations avec eux, le dossier de la pêche illégale est dÂune importance majeureÂŽ, estime dÂemblée Cesar Deben, Âdans la mesure où lÂon assiste à un développement progressif de ce type de pêche et dans la mesure où lÂEurope a un rôle majeur à jouer, compte tenu du fait que nous sommes le marché le plus porteur Â… même si on assiste à lÂémergence de la Russie et de la Chine Â… surtout pour les produits de qualitéŽ. LÂUnion européenne joue en effet un rôle important dans le commerce international des produits de la pêche. En 2003, la quantité importée par les 25 Etats membres de lÂépoque sÂélevait à plus de 10 millions de tonnes, pour un montant de quelque 24 milliards dÂeuros. Au cours de la même année, lÂUE nÂa exporté que 6 millions de tonnes de produits de la pêche, pour un montant dÂenviron 14 milliards dÂeuros. LÂUE est donc un importateur net de ces produits, tendance qui ne fait que se confirmer. CÂest pour cette raison quÂau fil du temps, lÂUE a conclu des accords de pêche avec certains Etats côtiers des ACP: accords mixtes (permettant la capture de différentes espèces), en particulier avec lÂAfrique de lÂOuest, proche des côtes européennes, surtout espagnoles, ou accords thoniers avec des pays de lÂocéan Indien (Seychelles et Comores notamment) et de lÂocéanGUERREOUVERTEà laPÊCHEÂillicite, non déclarée, non réglementéeÂŽ L'UE a dÂŽcidÂŽ de s'attaquer de front ˆ un flÂŽau qui affecterait prÂs d'un cinquiÂme du volume mondial de la pÂche : la pÂche illÂŽgale. Le point avec Cesar Deben Alfonso, Directeur en charge du contr™le et de l'exÂŽcution ˆ la Direction gÂŽnÂŽrale de la PÂche et des Affaires maritimes ˆ la Commission europÂŽenne. Inspecteurs s'apprÂtant ˆ contr™ler un bateau de pÂche 2002. © ECL'Europe et l'Afrique, la nuit.© NASA-DLR 10 N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008D ossier Pêche 11 D ossier SÂŽchage du poisson ˆ Cap Skirring, en Casamance, SÂŽnÂŽgal. © DÂŽlÂŽgation de l'UE au SÂŽnÂŽgal
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N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008D ossier Pêche13 12 Pacifique Â… une des régions les plus riches en grands migrateurs Â… (îles Salomon, Kiribati et les Etats Fédéraux de Micronésie). Des accords qui cherchent avant tout à offrir à la flotte européenne les moyens de sÂassurer un approvisionnement régulier. Mais le marché international des produits de la pêche a pris une telle ampleur quÂil a entraîné dans son sillage de nouveaux pirates des mers, attirés par des gains juteux, dÂautant quÂils ne sÂencombrent pas des règles Â… technique de pêche, quotas Â… imposées aux flottes légales.>Vaste chantierÂLes raisons pour lesquelles nous abordons ce vaste chantier sont triplesÂŽ, poursuit Cesar Deben. ÂTout dÂabord, il sÂagit de conserver la ressource. Ensuite, le règlement que nous avons proposé en octobre 2007 offre un cadre de coopération, en particulier avec les pays ACPqui en sont les premières victimes en raison de lÂincapacité structurelle à faire face à ce fléau ; en raison aussi des problèmes de corruption. Il faut savoir que le contrôle des activités de pêche entraîne un coût énorme auquel bon nombre de pays ne peuvent faire faceÂŽ. Troisième raison : mettre la flotte européenne sur pied dÂégalité avec les flottes des pays tiers. ÂNotre flotte doit faire face à des normes très élevéesÂŽ, explique le directeur, Âelle est la plus contrôlée au monde, et il faut quÂelle puisse être assurée dÂune concurrence loyaleÂŽ. Et de citer la présence à bord des navires de la Âboîte bleueÂŽ qui permet de localiser les navires par satellite et du livre de bord électronique qui sera généralisé dès 2009. Cesar Deben reconnaît toutefois que la pêche illicite touche toutes les flottes, que ce soit via des sociétés créées dans des pays tiers ou les fameux pavillons de complaisance.>Un chapelet de mesures contraignantesJusquÂici, lÂUE a soutenu lÂadoption de certaines mesures de lutte contre la pêche illicite prises par les organisations régionales de pêche. Mais cÂest la première fois que des mesures légalement contraignantes, sous forme dÂun Règlement du Conseil, peuvent être adoptées par les ministres européens de la Pêche. Quelles sont-elles ? Tout dÂabord sÂattaquer au statut du pavillon de complaisance. ÂLe droit de la mer prévoit que lÂEtat est responsable des activités des navires battant son pavillon. Il sÂagit de faire respecter pleinement cette obligationÂŽ. Heureusement, estime Cesar Deben, les cas se font plus rares ; ainsi des pays comme la Guinée Equatoriale, la République Dominicaine, Belize ou le Panama auraient abandonné cette pratique. ÂMais il en reste encore beaucoupÂŽ, estime-t-il. Et de poursuivre : ÂNous voulons agir suivant deux axes. Le premier est de forcer les Etats à renforcer le contrôle. SÂils ne sont pas coopérants, nous refuserons leurs produits dans les ports européens. Ensuite, nous changeons le cadre juridique en renversant le droit de la preuve. Les exploitants désirant exporter leurs cargaisons en Europe devront prouver le caractère légal de leurs captures, pratique dÂailleurs courante aux Etats-UnisÂŽ. Pour ce faire, le règlement prévoit un mécanisme de certification (qui existe déjà pour la pêche thonière) et Âles pays qui ne collaborent pas pourront être décertifiésÂŽ, ajoute le directeur européen. Il ne sÂagirait pas dÂétablir une liste noire des bateaux pirates mais plutôt de supprimer un droit automatique. ÂIl existe déjà des normes sanitaires, il suffit dÂy ajouter un critère de légalitéŽ.>Mesures dÂaccompagnementÂIl faut égalementÂŽ, poursuit Cesar Deben, Âque le mécanisme soit en accord avec les règles de lÂOrganisation mondiale du commerce et quÂil nÂait pas de retombées négatives pour les exportateurs des pays en développement. Les principaux pays ACPexportateurs de produits de la pêche en Europe sont lÂAfrique du Sud, la Namibie, suivis de quelques pays dÂAfrique de lÂOuest, la Mauritanie en particulier. On estime ainsi que 80% des produits pêchés restent en Afrique via la chaîne du froid. Par ailleurs, nombre de ces pays sont les principales victimes de la pêche illégale. Les flottilles asiatiques qui pêchent sans licence dans ces eaux sont un véritable fléauÂŽ. Pour ces pays, lÂUE prévoit une compensation afin de les aider à respecter la légalité des activités de pêche. Une aide financière est prévue dans les accords de partenariats pêche conclus entre lÂUE et certains Etats ACP (appelés, il est vrai, à être de moins en moins nombreux). Cesar Deben : ÂNous pouvons par ailleurs prévoir des délais de mise en conformité plus longs, de même que des mesures dÂaccompagnement, notamment pour former des douaniersÂŽ. Ces mesures pourraient être financées au titre du Fond européen de développement (FED) ou de la Politique commune de la pêche (PCP) de lÂUE. ÂCes propositions ont dans lÂensemble été bien reçues, tant par les ONG que par le Parlement européen et le Comité économique et social européenÂŽ, conclut Cesar Deben. Mais aussi par les grands concurrents de lÂUE dans ce secteur (notamment la Norvège, les Etats-Unis, même les Chinois seraient prêts à coopérer), facteur important puisque le règlement prévoit la mise en place dÂun réseau international. M.M.B . Les nouveaux accords dePARTENARIATLa fameuse politique du "pÂcher, payer, partir", appliquÂŽe par l'UE avec les pays ACP, avec lesquels elle a signÂŽ des accords bilatÂŽraux de pÂche, est rÂŽvolue. Place ˆ prÂŽsent ˆ des "accords de partenariat dans le secteur de la pÂche", les APP, placÂŽs sous l'ÂŽtendard du "dÂŽveloppement durable".L'introduction de ces accords de partenariat a été dictée par des impératifs écologiques Â… la surexploitation sans cesse menaçante Â… mais aussi commerciaux. Devançant les nouvelles règles de l'OMC en matière de subventions à la pêche, la Commission estime en effet Âque la contribution financière offerte par la Communauté ne peut être considérée comme une subvention aux pêcheurs européensÂŽ. Al'avenir, poursuit-elle, Âla contribution financière de la Communauté devra être considérée comme un investissement visant à améliorer la pêche responsable et rationnelle et, donc, fondée sur de nouvelles considérationsÂŽ. La transformation des accords de pêche en accords de partenariat de pêche (APP) est récente, et la plupart des APPne sont en vigueur que depuis un an. Il nÂemp êche, lÂobjectif premier des APPest, tout comme les anciens accords bilatéraux, de garantir aux flottes européennes un accès aux eaux territoriales de certains Etats côtiers. Dans les années 1970, la plupart des Etats côtiers établissaient des zones économiques exclusives (ZEE) en élargissant leur juridiction en mer d'une étendue comprise entre 3 et 12 miles nautiques à 200 miles nautiques. Cette mesure plaçait près de 90% des ressources de pêche mondiales sous le contrôle des Etats côtiers. Les flottes des Etats membres de l'UE, qui avaient une tradition de pêche dans les eaux de pays tiers, ont brusquement été exclues de leurs zones de pêche traditionnelles. Pour assurer l'accès de ses flottes, l'UE a conclu des accords de pêche avec les pays tiers concernés. Lorsque l'Espagne et le Portugal ont adhéré à l'UE en 1986, les accords bilatéraux nationaux qu'ils avaient conclus ont été progressivement retirés et remplacés par des accords de lÂUE. Lorsqu'il n'existe pas d'accords de pêche de lÂUE (par exemple en Afrique du Sud), les accords bilatéraux nationaux demeurent en vigueur. >Garantir lÂaccèsLa politique de l'UE relative à la pêche lointaine, qui a pour principal objectif de défendre les intérêts de l'UE dans le secteur de la pêche, a jusqu'à présent été le principal moteur des relations ACP-UE dans le secteur de la pêche, indique le Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA). En juillet 2007, 14 accords de pêche de lÂUE ont été conclus avec les pays ACPimpliquant le paiement d'une contrepartie financière. En échange, les flottes de l'UE bénéficient d'un accès aux ressources qui ne sont pas en théorie exploitées par l'Etat côtier et qui sont souvent dénommées Âsurplus de ressourcesÂŽ. >Les intérêts espagnols en première ligneUne étude commandée en 2005 par le département du Royaume-Uni en charge du développement international (DFID) souligne les principales raisons justifiant que l'UE signe Mots-clés Marie-Martine Buckens ; Pêche illégale ; CesarDeben ; Commission européenne ; ACP; OMC ; flotte européenne. Autre inspection sur un chalutier, 2002. © EC Poulpes © Lauri Dammert. Images de BigstockPhoto.comLes thons sont l'une des espÂces prÂŽsentes dans les eaux des ƒtats ACP c™tiers qui intÂŽressent les flottes de l'UE.© Chrissie Shepherd. Image de BigstockPhoto.com D ossierPêche
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14 N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008 D ossierPêche D ossier Pêche 15 des accords de pêche. Elles sont notamment les suivantes : Fourniture de matières premières à l'industrie de la transformation du poisson de l'UE, compte tenu de la hausse de la demande sur le marché de l'UE et de la baisse de l'approvisionnement dans les eaux de l'UE qui est essentiellement provoquée par la surpêche. L'UE doit importer 60% environ des poissons consommés sur son marché. Depuis 2000, il a fallu importer un volume supplémentaire de 9 millions de tonnes de poissons par an pour satisfaire la demande de l'industrie de transformation du poisson et des consommateurs de l'UE. On évalue à 694 millions d'euros la valeur ajoutée engendrée au titre des accords ACP-UE par les activités de transformation et de commercialisation des poissons dans les Etats membres. Maintien de la capacité de pêche à l'extérieur des eaux de l'UE. Dans les années 1990, les accords de pêche ACP-UE autorisaient quelque 800 navires de l'UE à pêcher dans les eaux des pays en développement. Il faut noter qu'avec le temps, l'effort de pêche qui a effectivement été déployé par le biais des accords de pêche ACP-UE a augmenté pour des raisons liées à la technologie. Maintien de l'emploi dans l'UE. Les accords de pêche ACP-UE représentent 35.000 emplois, essentiellement dans le secteur de la transformation de l'UE. L'essentiel des bénéfices découlant des accords conclus entre les pays ACPet l'UE revient aux exploitants espagnols qui obtiennent plus de 80% de la valeur ajoutée et des emplois. La part de la France et du Portugal est de 7% environ. En 2006, le budget total des accords de pêche était de 240 millions dÂeuros. Pour certains des accords de pêche ACP-UE les plus importants, les dépenses en 2006 se décomposaient comme suit : 86 millions d'euros pour l'accord UEMauritanie ; 7,2 millions d'euros pour l'accord UE-Guinée Bissau ; 4,12 millions d'euros pour l'accord UESeychelles ; 3,9 millions d'euros pour l'accord UE-Guinée. Les stocks de poissons peuplant les eaux des Etats côtiers ACPet intéressant les flottes de pêche lointaine se divisent principalement en trois catégories : Espèces démersales : y compris essentiellement le poulpe, la sole, les crevettes, les vivaneaux, le merlu ; Petites espèces pélagiques : sardinelles, chinchards/saurel, sardines, pilchards ; Toutes les espèces de thons. >Les APP, Âsource de tous les mauxÂŽ ?Certains observateurs estiment que les nouveaux accords de partenariat pêche que lÂUE négocie actuellement avec les pays côtiers ACP en remplacement des accords bilatéraux, seraient Âsources de tous les mauxÂŽ et ne feraient que favoriser la pêche illégale. Faux, estime le CTAqui cite lÂexemple de ces chalutiers espagnols qui, opérant dans les eaux sudafricaines avec la bénédiction de la South African Marine and Coastal Management (MCM), auraient réussi à contourner la réduction des quantités de merlus pêchés, réclamée par certains détenteurs de quotas, en transformant le merlu en saucisse. Or, fait remarquer le CTA, Âdans le cas de lÂAfrique du Sud, lÂabsence dÂun accord de pêche nÂa pas empêché certains armateurs européens dÂaccéder aux zones de pêche sud-africaines. Bien trop souvent, des accords privés mènent à des situations déloyales et défavorables aussi bien aux populations ACPlocales quÂaux ressources halieutiquesÂŽ. M.M.B . E n décembre 2007, la Commission européenne décidait de révoquer le Protocole en vigueur entre lÂUE et la Mauritanie, estimant que Âles possibilités de pêche ne sont actuellement pas pleinement utilisées par les armateurs communautairesÂŽ. Une série de réunions techniques est depuis prévue afin que le nouveau protocole, selon la Commission, Âsoit mieux adapté au profil de la flotte communautaire pêchant dans les eaux mauritaniennes et réponde mieux aux besoins de la Mauritanie en matière de développement de son secteur national des pêchesÂŽ. Le 19 février dernier, les ministres de lÂUE de la Pêche, réunis en Conseil, donnaient leur aval à la Commission afin quÂelle détermine Âdes possibilités de pêche pour les navires communautaires en équilibre avec la compensation financière versée à la MauritanieÂŽ. En clair, revoir la contribution financière versée par lÂUE pour permettre, notamment, à ses flottilles de pêcher dans les eaux mauritaniennes. Le Conseil invite également les deux parties à prévoir Âdes consultations afin de garantir l'adoption de mesures appropriées pour une gestion durable des ressources marines mauritaniennes à la lumière des meilleurs avis scientifiques disponibles, notamment sur lÂétat des stocksÂŽ. Le premier Accord de partenariat en matière de pêche entre l'Union européenne et la Mauritanie remonte à 1987. Le dernier accord a été signé pour la période 2006-2012. Le Protocole fixant les possibilités de pêche et la contribution financière afférente a été signé pour une période de deux ans et a pris effet le 1er août 2006. Au terme d'une année dÂapplication du protocole, la Commission européenne a estimé que les possibilités de pêche accordées aux Etats membres étaient insuffisantes. LÂAPPUE-Mauritanie est exemplaire. CÂest lÂaccord de pêche le plus important que lÂUnion européenne ait conclu avec un pays tiers, tant en termes financiers Â… la contribution de lÂUE sÂélève à 86 millions dÂeuros par an, ce qui représente environ 32% du revenu national de la Mauritanie Â… qu'en ce qui concerne les possibilités de pêche pour les navires communautaires Â… quelque 200 navires provenant d'Espagne, d'Italie, du Portugal,LÂexemple Â… controversé Â… de la MAURITANIE Concilier accÂs aux ressources et exploitation durable relÂve parfois de la gageure. En tÂŽmoignent les difficultÂŽs rencontrÂŽes dans l'application de l'accord de partenariat entre l'UE et la Mauritanie. Mots-clés Marie-Martine Buckens ; Accord de partenariat de pêche (APP); ACP; flotte européenne ; surpêche ; CTA. Chalutier industriel © iStockphoto.com/rramirez125 Port de Kalaban Koro, prÂs de Bamako, Mali. © Anne-Sophie Costenoble. Avac l'aimable autorisation de Anne-Sophie Costenoble. Contact : costi@skynet.be Bateaux au large des c™tes mauritaniennes. © DÂŽlÂŽgation de l'UE en Mauritanie
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N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008D ossier Pêche17 16 D ossierPêche de France, de Grèce, des Pays-Bas, de Lituanie et de Lettonie opèrent actuellement dans les eaux mauritaniennes. Mais il représente aussi un cas dÂécole pour tenter de régler la sempiternelle question de la surexploitation des ressources. LÂaccord prévoit en effet des possibilités de pêche pour les crustacés, essentiellement des crevettes, du merlu et dÂautres espèces démersales, des petites pélagiques, du thon et, ressource clé de la Mauritanie, des céphalopodes. >Le spectre de la surexploitationEn décembre 2007, 20 bateaux de pêche appartenant à lÂassociation espagnole de céphalopodiers ANACEF et pêchant des céphalopodes dans le cadre de lÂactuel accord UE-Mauritanie ont décidé dÂarrêter leurs activités, en raison dÂune perte de profits due, selon lÂassociation, au fait que les mesures techniques inscrites dans lÂaccord ne sont pas appropriées. LÂANACEF pointe du doigt en particulier la taille minimale fixée pour la capture des céphalopodes, soit 500 g, quÂelle juge trop élevée, ce qui lÂobligerait à pêcher au-delà de la limite des six miles. Ils avaient engagé, depuis plusieurs mois maintenant, un bras de fer avec les autorités mauritaniennes pour se voir reconnaître le droit de pêcher des tailles interdites de commercialisation. Ils se plaignent également dÂêtre privés dÂaccès, à moins de payer des amendes fortes, aux céphalopodes juvéniles, dits ÂpoulposÂŽ. Selon l'ANACEF, le retour au bercail des navires espagnols Âprovoquera la perte de 340 emplois directs et 1.600 indirects, ainsi que la rupture d'approvisionnement des marchés espagnol, italien et japonais qui se verront privés de sept tonnes de céphalopodesÂŽ que ces bateaux rapportaient de Mauritanie. Une tonne de poulpe peut atteindre parfois le prix de 7.000 à 8.000 dollars. Le comité scientifique de l'Institut mauritanien des recherches océanographiques et des pêches (IMROP) avait lancé, il y a quelques mois, une alerte visant à protéger la régénérescence des céphalopodes. Toutes les flottes opérant dans les eaux mauritaniennes, quÂelles soient nationales ou étrangères comme la flotte de pêche européenne de céphalopodes, ne cessent dÂenregistrer des pertes en raison de la surexploitation des ressources. LÂobjectif prioritaire de lÂaccord devrait donc être, selon le CTA, dÂaider la Mauritanie à ajuster ses capacités de pêche aux ressources disponibles et de maintenir le principe selon lequel les flottes européennes ne pourraient avoir accès quÂaux surplus des ressources qui ne peuvent être pêchées localement. Il est tout aussi important, poursuit le Centre, que lÂUE poursuive son engagement à soutenir les efforts de la Mauritanie pour le développement dÂune politique sectorielle durable.>La course aux céphalopodesLes céphalopodes, les poulpes en particulier, représentent une des ressources halieutiques clés de la Mauritanie. En 2004, la Société mauritanienne de commercialisation des produits de la pêche (SMCP), qui commercialise la totalité des démersaux et céphalopodes congelés débarqués par la flottille nationale, a exporté près de 40.000 tonnes de poisson, pour une valeur de près de 119 millions dÂeuros. Le poulpe, à lui seul représente 51,2% de ce tonnage total exporté, pour une valeur de presque 98 millions dÂeuros, soit 82% du chiffre dÂaffaires total de la SMCP. Pour les Européens, lÂenjeu du poulpe mauritanien est également important. Ainsi, toujours en 2004, les chalutiers céphalopodiers européens étaient responsables de 33% du chiffre dÂaffaires réalisé dans le cadre de lÂaccord de pêche (contre 38% pour les petits pélagiques et 16% pour les crevettiers).>LÂarrivée des ChinoisDébut des années 90, alors quÂune pêche artisanale au poulpe prenait son essor, des navires dÂorigine chinoise ont été introduits massivement, dans le cadre dÂun renouvellement de flotte, décidé malgré les avertissements du Centre national de recherches océanographiques et des pêches (CNROP) et de la FAO sur lÂétat des stocks, qui ne pouvaient supporter une telle pression. LÂarrivée des chalutiers céphalopodiers de lÂUE entre 1994 et 1996, a alors eu pour effet dÂaccélérer lÂeffondrement des stocks et des rendements. En 2006, explique Béatrice Gorez de lÂorganisation non gouvernementale en faveur des accords de pêche équitables (CAPE), les 125 unités de la flotte nationale industrielle sont en majorité composées de ces navires dÂorigine chinoise. En 2006, lÂIMROP, qui réunit tous les 4 ans les meilleurs spécialistes internationaux des pêches mauritaniennes, estimait à 31% lÂexcédent de pêche du poulpe, représentant une perte de production de 20%. Pour réaliser lÂobjectif de maximisation de la rente, fixé par la politique mauritanienne, il aurait fallu réduire lÂeffort de 40% pour le ramener au niveau du maximum économique. Si, ajoute la coalition CAPE, on examine lÂaccès proposé par lÂactuel accord Mauritanie-UE, 43 licences pour la pêche au poulpe sont prévues pour les chalutiers européens. Si on compare avec lÂaccord précédent, les chiffres les plus récents disponibles montrent que, au cours du premier trimestre 2005, 46 licences de pêche au poulpe seulement avaient été utilisées, sur les 55 initialement prévues dans lÂaccord 2001-2006, à cause du mauvais état des ressources. On passerait donc, conclut CAPE, de quelque 46 licences à 43 licences, soit une diminution de 6,5%. Il est difficile dÂimaginer comment cette modique diminution pourra conduire à une diminution de 30% de lÂeffort de pêche européen annoncé officiellement. M.M.B . Nouvel accordavec la Côte dÂIvoireLe 20 fÂŽvrier 2008, le Conseil des ministres de l'UE donnait son feu vert ˆ un nouvel accord de partenariat avec la C™te d'Ivoire dans le secteur de la pÂche. L'accord à nettement moins important que celui qui lie l'UE ˆ la Mauritanie à prÂŽvoit une contribution financiÂre de l'UE de 455.000 euros par an. Les quotas de pÂche fixÂŽs par ce protocole seront, pour la pÂŽriode du 1er juillet 2007 au 30 juin 2013 (avec effets rÂŽtroactifs) rÂŽpartis entre les Etats membres comme suit : à 25 senneurs : Espagne (15 navires) et France (10 navires) ; à 15 palangriers de surface : Espagne (10 navires) et Portugal (5 navires). La contribution financiÂre de l'UE ÂŽquivalant ˆ un tonnage de rÂŽfÂŽrence de 7.000 tonnes par an, plus un montant spÂŽcifique de 140.000 euros par an pour aider ˆ la mise en Ãuvre de la politique de pÂche du gouvernement ivoirien. Le nouvel accord est censÂŽ remplacer celui de 1990 relatif ˆ la pÂche au large des c™tes ivoiriennes. Le protocole prÂŽvoit ÂŽgalement une clause de rÂŽvision qui permet, ˆ la suite du troisiÂme anniversaire, de modifier le protocole et ses annexes, si la Commission mixte le juge nÂŽcessaire. Mots-clés Marie-Martine Buckens ; surpêche ; Mauritanie ; APP; ANACEF; Chine ; céphalopodes ; CAPE. L'Accord de partenariat dans le secteur de la pÂche signÂŽ entre l'UE et la Mauritanie devrait faire ÂŽcole. Il s'agit du principal accord conclu dans ce secteur entre l'UE et un pays tiers. Un accord financiÂrement important, de surcro”t, puisque la contribution de l'UE s'ÂŽlÂve ˆ 86 millions d'euros par an, soit un tiers environ du revenu national mauritanien. © DÂŽlÂŽgation de l'UE en Mauritanie PÂche traditionnelle en Mauritanie.© DÂŽlÂŽgation de l'UE en Mauritanie
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Dans le monde, la pêche artisanale est à lÂorigine de plus de 80% des emplois directs et indirects qui se créent dans le secteur pêche. La pêche artisanale ACPest également essentielle aux activités de transformation artisanale qui alimentent en poisson les marchés locaux et régionaux. En Afrique sub-saharienne par exemple, les statistiques de la FAO montrent que cÂest la pêche artisanale qui assure jusquÂà 80% des débarquements de poisson destiné à la consommation humaine directe. DÂautre part, dans le cas de lÂAfrique de lÂOuest, la pêche artisanale joue également un rôle important dans la croissance de lÂoffre de poisson frais vers des marchés internationaux rémunérateurs, comme lÂEurope, les Etats-Unis ou lÂAsie. En 2006, lors dÂune rencontre organisée par les armateurs européens pour envisager la manière dont ils pourraient contribuer au développement durable des pays ACP, le Ministre de la Pêche du Mozambique a déclaré quÂil était nécessaire pour lÂEurope de Âmieux comprendre les problèmes auxquels les pays sont confrontés lorsqu'ils souhaitent gérer leurs pêcheries d'une manière durable. La principale lutte étant la lutte contre la pauvreté absolue. Le secteur de la pêche a un rôle à jouer dans cette lutte. À cet égard, notre principal objectif est le développement intégré de la pêche artisanaleÂŽ. La pêche artisanale comme outil privilégié de lutte contre la pauvreté, cÂest une relation qui se vérifie dans tous les pays ACPcôtiers. Loin des images misérabilistes véhiculées par certains, la pêche artisanale est un secteur dynamique, capable dÂinnovation et, pour peu quÂon lui accorde une attention et un soutien appropriés, qui représente un choix privilégié pour répondre aux défis du nouveau millénaire. Un de ces grands défis pour les pays ACP, cÂest la restauration des écosystèmes fragilisés et des stocks de pêche surexploités par une pêche intensive et destructrice. Dans ce contexte dÂappauvrissement des ressources, les pêcheurs ACP doivent sÂattacher désormais à une pêche de qualité plutôt quÂà une pêche de quantité et à privilégier des techniques qui respectent tant lÂenvironnement marin que la qualité du produit. Déjà , un lien clair existe entre la qualité du produit et les débarquements de la flotte artisanale. Dans la pêche mauritanienne par exemple, la supériorité de la pêche artisanale en ce qui concerne la qualité et la valeur ajoutée de produit est un élément constant. Ainsi, en 2005, le poulpe pêché par la pêche artisanale mauritanienne se vendait à un prix supérieur de 200 dollars/tonne au prix de celui capturé par les chalutiers congélateurs. En ce qui concerne les poissons nobles de fond, seuls les produits artisanaux fournissent la qualité requise pour lÂexportation en frais vers lÂEurope, atteignant un prix moyen de 4,5 euros le kilo, alors que les mêmes poissons congelés de la pêche industrielle sont à moins de 2 euros le kilo. Donner la priorité à lÂinvestissement dans ces petites et moyennes entreprises de pêche artisanale ACP, de même que dans les secteurs des services et des infrastructures (portuaires, accès aux sites de transformation, utilisation de technologies appropriées) pour permettre à ce secteur dÂexprimer tout son potentiel en matière de lutte contre la pauvreté et de sécurité alimentaire, voilà qui devrait être au centre des dispositions concernant les interventions de lÂUnion européenne dans le secteur pêche ACP. * Coordinatrice CAPE (Coalition pour des accords de La pêche artisanale ACP : LA PLUS PERFORMANTEpour répondre aux défis du nouveau millénairePêches artisanales : LES DÉFIS DE LA TRAÇABILITÉ ET DE LA QUALITÉ. Le cas du Sénégal** La notion de Âvaleur ajoutéeÂŽIl est souvent erronÂŽ de parler de "valeur ajoutÂŽe" dans la transformation du poisson. En effet, dans bien des cas, l'effort de transformation n'ajoute pas vraiment de valeur au produit. En rÂŽalitÂŽ, le poisson commence ˆ perdre de sa valeur aussit™t qu'on le sort de l'eau... Si bien que si l'on veut optimiser la valeur des dÂŽbarquements, il faut garder le produit vivant ou frais aussi longtemps que possible et ainsi "prÂŽserver sa valeur". BÂŽatrice Gorez*La pÂche artisanale sÂŽnÂŽgalaise, c'est 12.000 pirogues, 60.000 pÂcheurs et autant d'emplois indirects crÂŽÂŽs dans les communautÂŽs de pÂcheurs : femmes transformatrices, mareyeurs et autres activitÂŽs annexes. La pÂche artisanale sÂŽnÂŽgalaise est aussi le principal fournisseur de produits de la pÂche, tant pour l'exportation vers les marchÂŽs internationaux que pour les marchÂŽs rÂŽgionaux et locaux. C'est dire l'importance cruciale pour notre secteur de l'amÂŽlioration de la traÂabilitÂŽ et de la qualitÂŽ, sanitaire notamment, de nos produits. Mots-clés Pêche artisanale ; CAPE (Coalition pourdes Accords de pêche équitables) ; Béatrice Gorez.Peinture murale, CAPE, Alex's beach, Freetown, Sierra Leone 2008. © Debra Percival Bateaux de pÂche traditionnels ˆ Djifer, un village de pÂcheurs au sud du SÂŽnÂŽgal. © DÂŽlÂŽgation de l'UE au SÂŽnÂŽgal 18 N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008 D ossierPêche D ossier Pêche 19 Gaoussou Gueye*
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N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008 21 I nteractions 20 D ossierPêche A ssurer la qualité, cela commence en mer, juste au moment où le poisson sort de lÂeau. CÂest pourquoi nous devons travailler à améliorer la qualité de nos embarcations. AujourdÂhui, les professionnels de la pêche artisanale voient positivement le remplacement progressif des pirogues traditionnelles en bois par des pirogues en fibre de verre. Ce remplacement peut sÂavérer positif pour notre pays qui doit faire face à la déforestation, car, pour construire une grande pirogue en bois, il faut deux grands arbres. De plus, elles demandent un entretien coûteux et fréquent : tous les six mois, nous devons voir le charpentier pour des réparations. Les pirogues en fibre de verre sont aussi plus propres et plus légères que nos pirogues en bois et consomment donc moins de carburant. CÂest un élément à prendre en compte à une époque où le coût du carburant pèse de plus en plus lourd sur nos activités. Les pirogues en fibre de verre sont aussi mieux équipées pour conserver le poisson et sont plus faciles à entretenir. >Embarcations modernes et hygièneMais le remplacement des pirogues en bois par des pirogues en fibre de verre est coûteux pour les pêcheurs, étant donné quÂune pirogue en fibre de verre coûte plus du double dÂune pirogue en bois. Pour assurer un renouvellement progressif de notre flotte, et pour que cette option ne soit pas réservée quÂà ceux qui ont les moyens financiers dÂinvestir dans ces nouvelles pirogues, il faudra que des mécanismes spécifiques permettant une aide ou un crédit approprié soient mis en place. Cependant, remplacer les pirogues en bois par des pirogues en fibre de verre ne résoudra pas les problèmes dÂhygiène si les comportements ne changent pas dans la filière pêche artisanale pour les opérations de manipulation du poisson. La plupart des gens qui manipulent le poisson sur les pirogues et beaucoup de femmes impliquées dans la filière et au niveau des quais de débarquement ne sont pas bien informés de ce que les exigences en matière de traçabilité et dÂhygiène représentent comme changements dans leurs comportements de tous les jours. Des informations et formations sont nécessaires à ce niveau. Le fait que beaucoup de ces personnes soient peu alphabétisées rend les choses encore plus difficiles. Ace point de vue, je dois préciser que lorsquÂon dit que ces gens ne sont pas alphabétisés, cÂest souvent pour dire quÂils ne maîtrisent pas le français. Mais la plupart de ces gens maîtrisent parfaitement la langue nationale, parlée et écrite. Il serait donc possible dÂadapter les formalités en langue nationale pour que ces personnes impliquées dans les manipulations du poisson puissent remplir les documents nécessaires et donner les bonnes informations. En effet, le point de la Âpremière venteÂŽ (quais de débarquement) Â… est un endroit clé pour récolter des éléments servant à la traçabilité du poisson. >Le rôle crucial du consommateurOn peut néanmoins déjà remarquer que des changements importants ont eu lieu en termes de professionnalisation et de spécialisation pour des personnes qui ont des responsabilités en matière de traçabilité et dÂhygiène. Ainsi, les caisses polystyrène servant à conserver le poisson à bord ne sont plus aujourdÂhui nettoyées par les pêcheurs eux-mêmes mais par des hommes et des femmes qui se sont spécialisés dans cette activité et ont acquis le savoir-faire permettant dÂassurer une excellente hygiène au niveau de ces caisses. De la même manière, les chauffeurs des camions frigorifiques qui transportent le poisson du quai de débarquement jusquÂà Dakar sont aujourdÂhui regroupés en association et ont reçu une formation pour que le transport du poisson se fasse dans de bonnes conditions. Ils ont reçu un agrément individuel reconnaissant leur spécialisation. Un vaste chantier nous attend : il sÂagit de lÂamélioration des conditions de travail et de manipulation au niveau des produits artisanalement transformés qui sont vendus dans toute la sous-région. Les problèmes sont nombreux : propreté et hygiène au niveau des sites de transformation Â… ce qui requiert aussi des efforts de la part des autorités locales pour lÂenlèvement régulier des déchets par exemple, lÂégouttage et lÂeau potable au niveau de ces sites Â… les problèmes dÂemballage de la marchandise, etc. Enfin, je voudrais attirer lÂattention sur la responsabilité des consommateurs et la nécessité de les éduquer sur le sujet de la pêche durable et la nécessité de lutter contre la pêche illégale. DÂun côté, les consommateurs veulent un produit de bonne qualité et sain mais dÂun autre côté, ils ne sont pas toujours intéressés par le fait de savoir si le produit vient de sources légales ou non. Par exemple, le consommateur va vouloir dans son assiette des poissons de 300 g, même si la loi stipule que la taille minimale est de 400 g pour des raisons de conservation de la ressource. Le pêcheur fera alors de son mieux pour répondre à la demande du consommateur, même si cela le met hors la loi et sÂil doit tricher avec les demandes liées à la traçabilité. CÂest le cas de beaucoup dÂhôtels, qui demandent des tailles de poisson correspondant à des juvéniles, particulièrement pour des espèces comme le thiof, la daurade, la crevette, etc., et ce même si cela va à lÂencontre du Code de la pêche sénégalais. Mais cÂest aussi le cas en Espagne où, lors de notre visite au marché de Barcelone, nous avons constaté que des juvéniles dÂespèces provenant de nos régions étaient en vente sur les étals. CÂest pourquoi les consommateurs et les acheteurs (incluant les hôtels) doivent être informés et responsabilisés par rapport à leurs demandes pour des produits de la pêche qui soient en adéquation avec les lois et réglementations liées à la conservation. * Vice-PrÂŽsident du Conseil national interprofessionnel de la pÂche artisanale au SÂŽnÂŽgal (CONIPAS), e-mail : gaoussoug@yahoo.fr ** PrÂŽsentation faite lors du "Sommet des produits de la pÂche" organisÂŽ par la Seafood choices Alliance, du 27 au 30 janvier 2008 ˆ Barcelone (Espagne) Mots-clésPêche artisanale ; Sénégal ; pirogue ; CONIPAS ; traçabilité. Bateaux de pÂche traditionnels sur une plage au SÂŽnÂŽgal.© DÂŽlÂŽgation de l'UE au SÂŽnÂŽgal. La coopération se traduit par des actes. Elle est aussi le fruit du débat démocratique. Mais ces actes et ce débat ont des visages de femmes et dÂhommes. Il nÂest pas possible de citer tous les acteurs de cette Âœuvre commune semi-séculaire. Le Courrier a toutefois dressé le portrait de quelques figures de proue ACPet européennes, au gré des possibilités. Certaines étaient malades ou injoignables. DÂautres tels Lorenzo Natali, commissaire européen de 1985 à 1989, Tiéoulé Mamadou Konaté, premier secrétaire général du Groupe ACP(1975-1980), ou Isabelle Bassong, ambassadeur du Cameroun de 1988 à 2006 auprès des institutions européennes, nous ont quitté. La galerie des portraits de personnes qui, ponctuellement, ou au long des années ont joué un rôle ou un rôle, est immense. Tout ce que le Courrier peut faire, cÂest dÂen donner un aperçu, en commençant, pourquoi pas, par citer lÂun des ses fondateurs, le légendaire chef du protocole et chef du service de presse du Groupe ACP, Alpha Niaka Bary, célèbre par sa promptitude à résoudre maints problèmes et par son impressionnante collection de cannes. Son compatriote, Seydina Oumar Sy, ancien ambassadeur et ancien ministre du commerce extérieur et des affaires du Sénégal a été de toutes les négociations des conventions de Lomé. Le chef de file des négociateurs ACPde la première convention de Lomé, lÂambassadeur nigérian Olu Sanu se fit remarquer par sa ténacité. La princesse Anne a aussi marqué de son empreinte lÂhistoire de cette coopération, en exhortant en ces termes les membres de lÂAssemblée Paritaire CEE-ACPlors de la session dÂInverness en septembre 1985 : Âne vous contentez pas de parler de lÂaide, rendez-la efficaceÂŽ. DÂautres personnalités politiques de poids comme lÂancien ministre français de lÂintérieur Michel Poniatowski, on apporté leur pierre à lÂédifice, appelant au renouveau de la politique de coopération, à la veille de Lomé III, en tant que président de la Commission du développement du Parlement européen. Dans la lignée des bâtisseurs, il faut citer Edgar Pisani, Commissaire européen au développement (1981-1984), père du dialogue politique avec les ACPet de la priorité donnée au développement rural et à la sécurité alimentaire, fort de son expérience antérieure engrangée au ministère de lÂagriculture en France. LÂhistoire retiendra aussi que lÂarrivée de Lorenzo Natali au poste de Commissaire au développement en 1985, met fin à ce qui semblait une chasse gardée française sur ce poste. Il fut en effet suivi de lÂEspagnol Manuel Marin (1989), du Portugais João de Deus Pinheiro (1994), du Danois Poul Nielson (1999) et du Belge Louis Michel (2004). LESFIGURESDEproue de la coopération ACP-UEFranÂois Misser, Hegel Goutier et Andrea MarchesiniË en juger d'aprÂs les rÂŽsultats, la coopÂŽration est le fruit d'un dÂŽbat dÂŽmocratique. Les rÂŽsultats de ces dÂŽbats se rÂŽsument toutefois ˆ une seule chose : des hommes et des femmes. Il est bien sžr impossible de citer le nom de toutes les personnes qui se sont associÂŽes au fil des ans ˆ la coopÂŽration ACP-UE. Le Courrier tente dÂs lors de prÂŽsenter quelques-uns des acteurs clÂŽs des dÂŽbats et des discussions.
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22 N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008 I nteractionsFigures de proue ACP-UE I nteractions Figures de proue ACP-UE 23 >Michel Rocard LEBRISEURDETABOUSLÂancien Premier Ministre français, Michel Rocard, connu pour son engagement contre la guerre dÂAlgérie et pour avoir défendu le principe de lÂauto-détermination de la Nouvelle Calédonie, a continué à mener bataille tant au sein de la Commission du développement du Parlement Européen que de lÂAssemblée Parlementaire Paritaire (APP) pour faire tomber quelques tabous. Au nombre de ceux-ci : la confusion sous lÂappelation dÂÂinformelÂŽ des trafics dÂarmes, de pierres précieuses et dÂêtres humains avec lÂéconomie populaire des pays ACP. Un autre selon lui est le Âslogan mensonger et dangereuxÂŽ selon lequel Âla clé du développement de lÂAfrique serait lÂaccès de ses produits aux marchés des pays développés, alors que les deux tiers des pays dÂAfrique nÂont rien à exporter et que pour les autres lÂaffectation de la rente pétrolière au développement nÂa rien apportéŽ. Rocard nÂa cessé également de rappeler quÂen raison de la baisse de lÂautosuffisance alimentaire en Afrique, il fallait donc y protéger lÂagriculture vivrière. >Louis MichelPRIORITƒAUXINFRASTRUCTURESCommandant de bord de la coopération européenne au développement depuis 2004, le commissaire Louis Michel, ancien ministre belge des Affaires étrangères, a déjà imprimé sa marque sur lÂévolution des relations avec les partenaires dÂAfrique, des Caraïbes et du Pacifique. Tout dÂabord, sous sa direction, la Commission européenne a accru la proportion de lÂaide directe aux budgets des Etats ACP, afin de les responsabiliser, dans un souci dÂappropriation par ces derniers des programmes de développement financés par lÂUE. Qui plus est, cÂest sous sa houlette et celle de son collègue, en charge du Commerce, le Commissaire Peter Mandelson, que doivent être conclus au cours de lÂannée 2008, les Accords de partenariat économique (APE) avec les pays ACP. Ces accords devraient stimuler le commerce régional, attire des investissements très nécessaires tout en prenant en compte les besoins de développement des économies ACP. Un élément-clé de la politique de Louis Michel pour les Objectifs du millénaire pour le développement, a été de se focaliser sur lÂappui aux infrastructures, particulièrement en Afrique, pour donner aux partenaires ACP, les moyens de devenir compétitifs et de générer la richesse pour leurs citoyens. >Giovanni Bersani JETERDESPONTSENTREL'UE ETLESACP Diplômé en droit, activiste contre le nazisme et le fascisme en Italie, après la seconde guerre mondiale, Giovanni Bersani a été parmi les fondateurs du movement italien des travailleurs chrétiens, viceprésident de lÂACLI et parlementaire italien durant sept legislatures. Il a été sous-secrétaire du Ministre du Travail sous le gouvernement De Gasperi en 1952-1953 En tant que membre du Parlement Européen depuis 1960, il a été spécialement impliqué dans les relations extérieures, en particulier avec lÂAfrique pour développer une politique européenne de paix à travers des relations fortes, vers la fin des années 1960. Le but de son activité politique a été dÂaffirmer lÂEurope, selon lÂesprit des pères fondateurs, en tant que puissance civique et morale plutôt quÂen tant que force militaire. Il a été ensuite vice-président de la Commission du Développement et membre de la Commissions des Relations économiques extérieures. Au départ, il a rejoint le Parti Démocrate Chrétien puis le groupe parlementaire du Parti Populaire Européen. De 1976 à 1989, il a été président de lÂAssemblée Parlementaire Paritaire créée par la Convention de Lomé, et à la fin de son mandat, il a été nommé Président à vie ad honorem. Depuis 1980, il a consacré sa vie politique aux relations avec les pays méditerranéens nÂappartenant pas à lÂUE. En avril 1989, il a lancé un appel à la première Assemblée Parlementaire Méditerranéenne pour une Âcoopération totaleÂŽ. Cette assemblée a approuvé un plan de coopération permanent, dans lequel une Assemblée Parlementaire Paritaire joue un rôle central comme dans le cas des conventions de Lomé. >Glenys KinnockUNEPERSONNALITƒDEPREMIERPLANAncienne enseignante, Glenys Kinnock a été élue en 1994 pour la première fois puis réélue en 1999 et en 2004, en tant que parlementaire représentant le Pays de Galles. Elle est membre de la commission du Développement et de la Coopération du Parlement Européen et co-présidente de lÂAssemblée Parlementaire Paritaire ACP-UE (APP), faisant en sorte que lÂagenda soit bien fourni et sans détour. Comme le notait un collègue de lÂAPPà la session de Wiesbaden en juin 2007 : Ânos réunions ne seront pas les mêmes sans elleÂŽ. Présidente de lÂONG One World Action et marraine de la Drop the Debt Campaign, ses activités en faveur du développement sÂétendent en dehors des forums parlementaires. Tous les membres de lÂAPE se souviennent de son vibrant plaidoyer en faveur des Objectifs du Millénaire pour le Développement à la session de>Dieter FrischLENƒGOCIATEUREUROPƒENDESCONVENTIONSDELOMƒDirecteur général du Développement à la Commission européenne de 1983 à 1993, ce diplômé en sciences économiques (Université de Bonn) et en langues modernes (Université de Heidelberg), a suivi lÂaventure de la construction européenne depuis 1958. Après avoir quitté ses fonctions à la Commission, il a continué de nourrir la réflexion sur le développement, tout en sÂengageant au sein de Transparency International, dont il est lÂun des membres fondateurs avec son compatriote allemand et ancien haut-fonctionnaire de la Banque Mondiale, Peter Eigen, dans la lutte contre la grande corruption : celle qui constitue un entrave au développement. Selon lui, lÂune des plus grandes leçons à tirer des accords de Lomé entre la Communauté européenne de lÂépoque et les pays ACPest quÂils ont été des accords pionniers, qui ont enclenché une dynamique qui a mené à dÂautres accords avec les pays de la Méditerranée, dÂAmérique Latine et dÂAsie. >Ghebray Berhane"LESACP DOIVENTTROUVERUNEAUTREAMBITION" Secrétaire général du Groupe ACP de 1990 à 1995, ce docteur en droit diplômé de la Sorbonne, a accumulé une expérience de 14 ans en ce qui concerne la coopération UE-ACP. Avant de prendre ses fonctions à la tête du Secrétariat ACP, en tant quÂambassadeur dÂEthiopie auprès des institutions européennes, de 1978 à 1987, Ghebray Berhane, a négocié les conventions de Lomé III et de Lomé IV. Fort de cette expérience, mais aussi de celle acquise depuis son départ du Secrétariat ACPà la tête dÂune firme de conseil juridique et de consultance basée à Addis Abeba, qui a presté ses services auprès de lÂEthiopian Privatization Agency, de la Commonwealth Development Corporation mais aussi dans le domaine de lÂarbitrage pour le compte du Programme Alimentaire Mondial et de lÂUnion Européenne, Ghebray Berhane, considère alors que les régions ACPse sont engagées à signer des accords de partenariat économique séparés avec lÂUE, que le moment est venu pour les ACPde trouver à présent Âun nouvel élan, une autre ambitionÂŽ. Ason avis, les ACPseraient avisés dÂaffronter les grands défis qui ne peuvent être traités sur base régionale, comme les changements climatiques ou les grands fléaux par exemple. >Claude CheyssonPéREDELOMƒETDUSTABEXAncien ministre français des relations extérieures, de 1981 à 1984, Claude Cheysson est lÂun des architectes de la politique de coopération de lÂUnion européenne. En tant que Commissaire européen au Développement, il a porté sur les fonds baptismaux la première Convention de Lomé, entrée en vigueur en 1975 qui a révolutionné la coopération de papa, en raison notamment de son caractère contractuel qui a fait que les avantages consentis ne pouvaient plus être retirés. Mais aussi parce que Lomé a été le pari de lÂappropriation par les partenaires ACPde la définition des priorités de leur coopération avec lÂUnion européenne. De surcroît, Lomé I fut le premier accord de coopération international à introduire un mécanisme de compensation pour les pertes de recettes dÂexportation des produits agricoles ACPvers lÂUE : le Stabex. Tous ces choix ne sauraient étonner chez un homme, qui à son entrée dans la diplomatie française, au lendemain de la seconde guerre mondiale, a compris les aspirations à lÂindépendance des anciennes colonies. Conseiller du président du Vietnam en 1952, Claude Cheysson fut un fervent défenseur de lÂémancipation de lÂAlgérie. Et cÂest encore lui, qui de 1985 à 1988, insuffla lÂesprit de Lomé pour donner de lÂélan à la coopération avec dÂautres pays en tant que Commissaire européen chargé de la politique méditerranéenne et des relations Nord-Sud. >Edwin Carrington LEPRAGMATIQUELÂéconomiste trinidadien Edwin Carrington, qui a passé 14 ans au Secrétariat ACP, comme Secrétaire Général adjoint (1976-1985) et Secrétaire Général (1985-1990), est lÂun des meilleurs connaisseurs des conventions de Lomé pour les avoir toutes négociées. De surcroît, en tant que Secrétaire Général du Caricom depuis 1992, par la force des choses il continue à suivre le dossier de la coopération avec lÂUE. Impossible ici de résumer les kilomètres de discours prononcés sur le sujet par Edwin Carrington. Mais on peut en retenir une invitation, notamment exprimée dès lÂédition de janvier 1982 du Courrier, à Âune appréciation de plus en plus réaliste des potentialitésÂŽ de cette coopération. En clair, les accords, en eux-mêmes nÂapportent aucune solution facile aux problèmes des pays ACP, même sÂils constituent le seul cadre de coopération de cette nature. CÂest aux pays ACPdÂapprendre dans quels secteurs, ils peuvent en tirer avantage et puisquÂils contribuent eux-mêmes à la fixation des priorités, ils doivent être donc considérés comme responsablesƒ
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L a menace du changement climatique associée au réchauffement planétaire et la flambée des prix pétroliers favorisent lÂutilisation de sources dÂénergie alternatives, comme les biocarburants, qui rejettent moins de carbone dans lÂatmosphère. Les biocarburants peuvent être produits à partir du maïs, du soja, du colza, de la canne à sucre et de lÂhuile de palme. On peut les utiliser purs si le moteur est adapté, sinon ils peuvent être mélangés au diesel ou à l'essence. En mars 2007, les chefs dÂEtat et de gouvernement convenaient de faire passer la part des biocarburants issus de sources renouvelables dans les transports à 10% dÂici à 2020. Un an plus tard, les participants à une réunion du secteur des biocarburants décidaient qu'il fallait renforcer la production pour atteindre cet objectif. Le 13 mars, lors du congrès du World Biofuels Markets, Olivier Schaeffer, représentant du secteur et directeur politique du Conseil européen pour les énergies renouvelables (EREC) a déclaré : ÂJe pense que nous pouvons atteindre cet objectif de 10%. Et nous pouvons même faire beaucoup plusÂŽ. En mars toujours, mais dans dÂautres salles de réunion de Bruxelles, lÂenthousiasme quant à lÂavenir des biocarburants était bien plus mitigé. Les participants au séminaire du Parlement européen ÂNi tout blanc, ni tout noir : les biocarburants sont-ils gris ?ÂŽ ont évoqué leurs craintes. Selon eux le détournement de terres de cultures vivrières au profit de céréales pour en tirer des biocarburants risque de faire flamber le prix des denrées alimentaires. Lors de cette même réunion, dÂaucuns ont clairement souligné les risques, pour la biodiversité, de ce détournement massif de terres cultivables au profit de la production de biocarburants. De passage à Bruxelles pour la promotion de son livre Plan B 3.0 Mobilizing to Save Civilisation, Lester Brown, directeur du Earth Policy Institute à Washington, en a profité pour adresser une mise en garde : ÂLÂéconomie alimentaire et lÂéconomie énergétique étaient séparées, mais elles sont à présent en train de fusionner. Les distilleries dÂéthanol qui convertissent les céréales en carburant se multiplient. CÂest la raison pour laquelle le prix des céréales sur les marchés internationaux grimpe progressivement, en fonction de sa valeur en équivalents pétrole. Le monde se retrouve brusquement devant un problème moral et politique sans précédent : devons-nous utiliser les céréales pour alimenter les véhicules ou pour nourrir les habitants de la planète ?ÂŽ Et Brown de prédire : Âavec le risque que la flambée du prix des céréales entraîne un chaos sur les marchés mondiaux des céréales et des émeutes liées à la faim dans les pays à bas et à moyen salaire qui importent des céréales !ÂŽ > Une réaction réflexe Claire Wenner, directrice de la Biofuels Renewable Energy Association à Londres, a déclaré lors de la réunion des industriels du secteur des biocarburants : ÂLes biocarburants utilisent environ 1% de la totalité des terres cultivablesÂŽ (le chiffre étant légèrement plus élevé en Europe). Selon elle, Âaccuser les biocarburants de tous les maux, cÂest prendre le risque de mettre au placard Â… par simple réflexe Â… la question des besoins énergétiques durant les 50 prochaines annéesÂŽ. Lors de la conférence du Parlement européen, dÂautres responsables ont appelé à accroître les investissements dans les biocarburants dits de la Âseconde générationÂŽ, comme le jatropha, un arbuste qui produit un fruit non comestible de la taille dÂune balle de golf. Les graines renferment une huile pouvant être transformée en biocarburant. En outre, le jatropha pousse dans le désert, ce qui présente un réel avantage ! Entre-temps, des pays comme la Sierra Leone ont des décisions à prendre. Interrogé par Le Courrier à Freetown, Sam Sesay, Ministre de lÂAgriculture, a déclaré avoir reçu de nombreuses demandes de la part dÂinvestisseurs intéressés par lÂhuile de palme mais il met en garde : ÂNotre priorité est de satisfaire les besoins domestiques avant de songer aux exportations. Nous ne voulons pas non plus que l'huile de palme réduise l'importance d'autres cultures, comme le riz, le café et le cacao. Nous devons trouver un équilibre afin de ne pas négliger les autres cultures importantesÂŽ. D.P. DÉBAT ENFLAMMÉ sur le MARCHÉ desBIOCARBURANTS DÉBAT ENFLAMMÉ sur le MARCHÉ desBIOCARBURANTSLes palmiers se balancent majestueusement dans la jungle sierra-lÂŽonaise, positionnant potentiellement l'huile de palme sur le marchÂŽ des biocarburants. Mais dans les cercles bruxellois, des mises en garde s'ÂŽlÂvent contre les consÂŽquences nÂŽgatives d'une telle utilisation des palmiers. Mots-clés Debra Percival ; Sierra Leone ; énergie ; biocarburants.© Jim Parkin. Image de BigstockPhoto.com N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008 25 C ommerce 24 I nteractionsFigures de proue ACP-UE novembre 2006 à la Barbade, lorsquÂelle a exhorté à la fois les pays ACP et lÂEurope à se concentrer sur les services publics essentiels, arguant que Âle marché seul ne peut pas ne devrait pas prendre en main ces tâches vitalesÂŽ. Elle a également insisté sur le fait ÂlÂaide doit être plus prévisible, flexible et ponctuelle afin que les gouvernement puissent planifier et dépenser dÂune manière concertée et transparente dans les secteurs de la santé et de lÂéducationÂŽ. Sur le commerce, elle a ensuite insisté sur le fait que lÂEurope ait présent à lÂesprit quÂÂelle négocie les APE avec un groupe ACPqui comprend quelques unes des économies les plus vulnérables du mondeÂŽ. Enfin, elle a conclu quÂÂaucun dÂentre nous échappera aux effets des changements climatiques mais ce sont les plus pauvres dÂentres nous qui paieront le plus haut prix de façon disproportionnéeÂŽ. >Jean-Robert Goulongana L'HOMMEDELACONCILIATIONLorsquÂil a pris ses fonctions à la tête du Secrétariat ACP, juste avant la signature de la future convention de Lomé, beaucoup ressentaient de fortes appréhensions quant aux capacités du Groupe à assurer certains changements dans la coopération avec lÂUnion. Et beaucoup nÂen donnaient pas large de la cohésion entre les ACPà lÂissue des négociations commerciales annoncées. Goulongana a vite fait son diagnostic. Le Groupe ne peut être fort sans un secrétariat fort et celui-ci ne peut lÂêtre sans son indépendance et surtout sans une dépolitisation. Et le Secrétaire général doit servir les Etats et animer le groupe. Il va être cet animateur, celui qui donnera de lÂâme en cas de risque dÂassoupissement et dans les moments de doute. Il se dit serviteur, il est plutôt chef dÂorchestre. Les musiciens jouent, il donne le rythme. Par ce talent de conciliateur, de réconciliateur, dÂarrangeur, il va permettre au Groupe de sortir de passes difficiles et à la coopération ACP-UE de traverser quelques écueils, en défendant bec et ongles les intérêts des ACPtout en gardant une compréhension totale pour les points de vue de leur partenaire. Les situations dans lesquelles, Goulongana va jouer de son art de la conciliation sont légions : le Âdialogue politiqueÂŽ entre lÂUE et des pays ACPsur les droits de lÂhomme, négociations des APE, concertation à lÂOMC. Chaque fois, il se révélera virtuose de la suite de lÂentente cordiale dans et après dispute familiale. >Sir John KaputinFACEAUXNOUVELLESMUTATIONSSir John Kaputin, Secrétaire général du Groupe ACPdepuis le 1er mars 2005 est un homme de loi avec une logue expérience de 30ans de parlementaire dans son pays, la Papouasie-NouvelleGuinée, de 1972 à 2002. Connaisseur profond du fonctionnement de la coopération ACP-UE, il a été associé aux négociations des Conventions de Lomé et de lÂAccord de Cotonou depuis 1978. Et il a été co-président de lÂAssemblée paritaire ACP-UE de 1995 à 1997. À peine sa carrière politique entamée, Sir John est entré dans le gouvernement de son pays et y est resté de façon presque discontinue de 1973 à 2002 et ce à la tête successivement des ministères de la Justice, due la Planification et du Développement, des Finances, des Mines et de lÂEnergie, des Affaires Etrangères et en fin de compte comme Ministre délégué aux Institutions financières internationales. Mots-clés UE ; ACP; DieterFrisch ; SirJohn Kaputin ; Jean-Robert Goulongana ; Louis Michel ; Giovanni Bersani ; Glenys Kinnock ; Michel Rocard ; Edwin Carrington ; Claude Cheysson ; Ghebray Berhane ; APP; Lomé; APE. Manuela Carzo, Abbracciamo il mondo, 2007 Manifesta! © Africa e Mediterraneo
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chaque album: ÂEn faisant ce premier album, jÂai dit aux autres que nous devions parler des choses qui nous ont conduits à la guerreÂŽ.>U go si amÂSur cet album, il y avait une chanson en créole, intitulée U go si am ou Vous verrez, chantée par EmmersonÂŽ, ajoute Fisher. ÂElle disait que si vous êtes corrompu et si vous détournez les ressources du pays, cela finira par vous retomber dessus. Ce morceau est devenu un très gros tube. Les gens sont tombés amoureux de la chanson parce quÂelle disait ce quÂils pensaient sans pouvoir le faireÂŽ. Ensuite, Fisher a produit un album solo, Borbor Bele , pour Emmerson Bockarie. Le morceau éponyme a également touché une corde sensible. ÂIl parle dÂune personne au ventre énorme, quelquÂun qui a détourné de lÂargent et cÂest pour cela quÂil a un si gros ventreÂŽ. Fisher prétend que la chanson a fait tomber le dernier gouvernement. Mais nÂa-t-il jamais été censuré? ÂJamaisÂŽ, répond-il. Fisher explique son mélange musical: ÂLa plupart des jeunes sont branchés hip hop: Notorious B.I.G et Tupac, tous ces rappeurs. Je me suis donc dit: pourquoi pas rapper dans la langue locale, le créole, et mélanger les rythmes hip hop avec les musiques des Caraïbes ou de la Jamaïque. Au début, les gens rigolaient. Mais maintenant tout le monde le faitÂŽ. AujourdÂhui, de nombreux jeunes essaient de gagner de lÂargent en faisant de la musique en Sierra Leone. Fisher craint que les productions ne soient pas toujours à la hauteur. Il a aussi lÂintention de sÂattaquer au piratage. Partout maintenant, à chaque croisement de routes, on peut trouver des compilations enregistrées à bon marché pour à peine 4.000 leones, soit moins de 2 euros. ÂNous avons créé une organisation: lÂAssociation nationale des artistes de scène (National Association of Performing Artists Â… NAPA). Il existe une loi contre le piratage, mais le problème est quÂelle est dépassée. Si quelquÂun a piraté vos chansons, le recours à la justice risque de vous coûter plus cher que le dédommagement que vous accordera le tribunal. Nous voulons utiliser une fois de plus le pouvoir de la musique pour faire changer les choses. Nous nÂavons pas encore trouvé le titre de la chanson. Cette loi doit pouvoir fonctionner efficacementÂŽ. Fisher planche actuellement sur deux albums, dont un dédié aux enfants, qui sera chanté principalement par des enfants dÂun orphelinat. Il dit que la Sierra Leone a signé la Déclaration des droits de lÂenfant des Nations Unies, mais que le Parlement ne lÂa toujours pas ratifiée. ÂLe premier objectif sera de pousser le Parlement à adopter cette Déclaration. LÂenseignement fondamental est supposé être gratuit, mais il faut dépenser tant dÂargent pour aller à lÂécole Â… pour acheter des livres, par exemple Â… quÂon se rend compte quÂil est devenu plus cher que si cÂétait payantÂŽ. Il a aussi encouragé DJ Lulu, la star féminine la plus en vogue en Sierra Leone actuellement : ÂElle a vécu des choses très difficiles pendant son enfance. Elle est dÂorigine métisse. Son père est libanais et sa mère est sierra-léonaise. Mais la communauté libanaise nÂapprécie pas ce genre de relation. Ala mort de son père, elle était encore très petite. La branche libanaise de sa famille a décidé de la rejeter. Elle a donc dû lutter pour sa survie. Une de ses chansons parle de la manière dont elle agrandi: Na Me Kam So. Elle dit: Vous pensiez que je nÂy arriverais pas, mais me voici ÂŽ. Pour Search for Common Ground , il fait actuellement des vidéos sur la gouvernance locale. Les élections pour les Conseils locaux auront lieu en juillet 2008. ÂNous nous rendons dans des villages de toutes les régions pour y enregistrer des images sur les réalisations des Conseils et pour ensuite les comparer entre elles. Lors des ateliers sur les Conseils, dans différentes régions, ils pourront visionner ces vidéos. Les gens pourront alors les commenter et dire que tel Conseil utilise bien son argent ou que tel autre Conseil ne sÂen sort pas bienÂŽ. LÂobjectif est de donner aux gens une voix pour le changement. Une autre préoccupation de Fisher est de garantir un gouvernement dÂunité, qui inclut toutes les tribus: ÂCe sera le sujet dÂune de mes chansonsÂŽ. Il est environ 19h00 et Fisher quitte son studio pour passer du temps avec Âses hommesÂŽ et boire une bière. Ensuite, il regardera peut-être un film dÂaction. Et il devra trouver le temps, dit-il, de dérouiller ses muscles pour lancer ses nouveaux albums. D.P. Mots-clés Debra Percival; King Fisher; Sierra Leone Musicien; Rap. Z oom C e samedi, nous avons rendez-vous au Body Guard Studio, dans une venelle de Freetown. Nous devons y rencontrer King Fisher, le plus grand DJ de Sierra Leone, devenu musicien, producteur de musique et cinéaste de documentaire. Il vient de rentrer dÂun voyage à lÂintérieur du pays, où il a tourné des vidéos sur les problèmes auxquels sont confrontés les Sierra-Léonais. Fisher est immergé dans une passion pour son pays et pour la musique. Les occasions quÂil a pour se détendre sont rares. Il commence à 6h30 et, après avoir écouté le journal sur BBC World, il se rend au studio pour brancher du nouveau matériel de production de musique et de vidéo. Pour de nombreux Sierra-Léonais comme King Fisher, alias Emrys Savage, la guerre civile a changé le cap de la vie. La scène musicale de son pays a décollé au cours des dix années du conflit qui a dominé les années 90, Âalors que tout le reste avait cessé de fonctionnerÂŽ. ÂÀ lÂépoque, jÂétais DJ et on avait commencé à organiser des compétitions de rap. La plupart du temps, jÂétais choisi comme juge. Lors dÂune de ces compétitions, jÂai rencontré un groupe qui sÂappelait Black Roots. Ils étaient le premier groupe de jeunes à jouer leur musique en direct. JÂétais tellement impressionné que je leur ai promis mon aide pour leurs albums. CÂétait en 1995ÂŽ. En 1997, Fisher commence à composer ses propres chansons. Il explique dÂoù vient le nom du studio: ÂSur British Forces Broadcasting (BFBS), une radio britannique, il y avait un formidable DJ, accompagné dÂun groupe qui sÂappelait The Bodyguard. JÂai simplement pris leur nom. JÂai aussi considéré le nom comme une sorte de protection contre beaucoup de choses qui devaient arriver plus tardÂŽ. Il parle de lÂinfluence de Jimmy Bangura, alias Jimmy B, un SierraLéonais sous contrat avec la maison de disques EMI, qui a passé la plupart de sa jeunesse aux Etats-Unis et en Afrique du Sud et qui a été le premier à introduire du matériel numérique en Sierra Leone. En 2002, après la guerre, il a créé le Paradise Recording Studioet a donné lÂopportunité à des jeunes Â… collectivement connus sous le nom de Paradise Family Â… de sortir le premier album réalisé en Sierra Leone. CÂétait un grand succès. ÂJÂai essayé de faire entrer les Black Roots au Paradise Family, mais je nÂy suis pas parvenu. Je leur ai cependant promis de créer un jour mon propre studio dÂenregistrementÂŽ. Une autre porte sÂest ouverte pour Fisher pendant son travail pour Search for Common Ground, une ONG sierra-léonaise pour laquelle il travaille toujours, en tournant des vidéos sur des sujets de préoccupation des Sierra-Léonais, allant des soins de santé à la dénonciation de la corruption. ÂCÂest à cette occasion que jÂai rencontré un expatrié qui installait le matériel numérique de lÂorganisation. Et je me suis dit : super, je vais pouvoir acheter un ordinateur et quelques périphériques, brancher le tout et créer un studio. Voilà comment est né le studio numériqueÂŽ. Fisher sÂarrête pour prendre le thé à 10h30, puis retourne directement en studio jusquÂau déjeuner à 15h00. Il nous parle de la sortie de son premier album. ÂPendant lÂenregistrement de notre première compilation au Body Guard Studio, intitulée Body Guard Revolution Chapter 1 , les gens me demandaient: quÂest-ce que cela signifie, cette révolution, tu veux recommencer la guerre? Je leur ai dit quÂil sÂagissait dÂune révolution positive.ÂŽ Pour Fisher, les Âvibrations engagéesÂŽ sont importantes pour KING FISHER Un artiste sierra-léonais aux Âvibrations engagéesÂUne journée dans la vie de Pages 26 et 27 King Fisher au Talking Drum Studio, Search for Common Ground, Freetown, Sierra Leone 2008. © Alfred Bangura aka Funky Fred, Talking Drum Studio L'album trÂs populaire de Emmerson, produit par King Fisher© Emmerson N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008Z oom Occhiello27 26 Z oom
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SIERRA LEONE De Debra Percival Il y a des symboles qui ne trompent pas. La population de Freetown, privÂŽe longtemps d'ÂŽlectricitÂŽ, a repris espoir en un changement quand, au dÂŽbut de cette annÂŽe, la lumiÂre a pour la premiÂre fois pu Âtre allumÂŽe. En septembre 2007, le PrÂŽsident Ernest Bai Koroma remportait de justesse le second tour des ÂŽlections prÂŽsidentielles et la production d'ÂŽlectricitÂŽ reste la prioritÂŽ numÂŽro un. Le projet de construction d'une centrale hydroÂŽlectrique ˆ Bumbuna, que le PrÂŽsident Koroma a lui-mÂme qualifiÂŽ "de plus long projet hydroÂŽlectrique de l'histoire de l'humanitÂŽ", devrait s'achever cette annÂŽe, et l'on s'attend ˆ ce que d'autres projets de ce type voient le jour de faÂon ˆ assurer la production d'ÂŽlectricitÂŽ dans les zones rurales, et non plus simplement dans la capitale Freetown. Koroma a expliquÂŽ aux citoyens que ces efforts de production ne s'arrÂteraient pas "tant que nous ne serons pas en mesure d'atteindre les 100 mÂŽgawatts pour le pays". Cinq annÂŽes se sont ÂŽcoulÂŽes depuis la fin d'un conflit violent qui a durÂŽ 11 ans, alimentÂŽ par le trafic des diamants. Un conflit menÂŽ par des rebelles et qui a dÂŽplacÂŽ prÂs de la moitiÂŽ de la population et fait des dizaines de milliers de morts et de nombreux blessÂŽs et personnes traumatisÂŽes. Un conflit qui a aussi laissÂŽ les organismes gouvernementaux sur le flanc et l'ÂŽconomie exsangue. Sierra Leone se classe toujours tout en bas de l'indice de dÂŽveloppement humain des Nations Unies (PNUD). Pourtant, les institutions gouvernementales se remettent sur pied gr‰ce ˆ l'assistance des bailleurs de fonds internationaux, parmi lesquels l'Union europÂŽenne, permettant la rÂŽforme de tous les secteurs de l'ÂŽconomie à l'extraction miniÂre, l'agriculture et le tourisme à au bÂŽnÂŽfice de tous les citoyens du pays africain. BARRAGE SOUS HAUTESURVEILLANCE L e troisième barrage que lÂOuganda sÂapprête à construire sur le Nil, à la sortie du lac Victoria, devrait lui permettre de disposer dÂune énergie dont le pays manque cruellement. Amoindre coût et sans impact négatif sur le plan social et environnemental. CÂest du moins la conclusion de lÂétude dÂimpact commanditée par la Banque mondiale. La Banque européenne dÂinvestissement (BEI) a donc décidé de cofinancer le projet. Le 7 janvier dernier, la BEI décidait dÂoctroyer un prêt de 136 millions de dollars (92 millions dÂeuros) en faveur de la société ougandaise Bujagali Energy Limited (BEL), chargée de la construction et lÂexploitation dÂun barrage et dÂune centrale hydroélectrique dÂune capacité de 250 MWà Bujagali, sur le cours supérieur du Nil, en aval du lac Victoria. Les autres cobailleurs de fonds seront la Société financière internationale (la filiale de la Banque mondiale qui octroie des prêts au secteur privé), la Banque africaine de développement et un groupement dÂinstitutions financières européennes, le montant global des prêts équivalant à 462 millions dÂeuros. Cette décision mettait un terme aux tergiversations entourant un projet décrié par une coalition dÂorganisations de la société civile, tant internationales quÂougandaises, en raison de son impact sur lÂenvironnement et sur certaines populations riveraines. Selon les promoteurs du projet, lÂhydroélectricité produite sur le Nil serait la source dÂélectricité la moins chère pour un pays comme lÂOuganda, dépourvu dÂaccès à la mer et parmi les plus pauvres dÂAfrique. Bujagali viendrait en réalité épauler deux autres barrages : celui de Nalubaale, construit à la fin des années 50 par les Britanniques, et celui de Kiira, construit dans les années 90 par les autorités de Kampala. Ces deux barrages, souligne la BEI, sont désormais insuffisants pour faire face à la demande croissante d'électricité, et, reconnaîtelle, les pannes de courant en période de faible débit d'eau provoquent de graves perturbations dans lÂactivité économique du pays. La construction dÂun troisième barrage en aval permettrait dÂaugmenter la production dÂélectricité. Mieux : Bujagali réutiliserait lÂeau ayant déjà servi à produire de lÂélectricité dans les barrages en amont.>La santé du lac Victoria menacée ?Mais le Forum ougandais pour le développement des barrages, qui regroupe dix ONG, sÂinquiète de la viabilité environnementale du projet. SÂappuyant sur un rapport de lÂONG américaine International River Networks (IRN), le Forum estime que les barrages seraient partiellement responsables de la baisse du niveau dÂeau du lac Victoria. Ils sÂinquiètent également quÂaucune étude nÂait été faite afin dÂévaluer lÂimpact du changement climatique sur la santé hydrologique du lac. En réponse à ces inquiétudes, plusieurs études ont été menées afin de déterminer les incidences environnementales et sociales du projet. Des incidences qui, estime la BEI, se révèlent relativement limitées. Ainsi, les consultants canadiens Burnside, chargés dÂune étude dÂimpact complète par la Banque mondiale, estiment que Bujagaly ne va pas altérer de manière ÂsignificativeÂŽ lÂhydrologie du lac et du fleuve. Seul aspect à tenir à lÂÂœil : les fluctuations du niveau dÂeau en aval, pour lequel ils recommandent la mise en place dÂun plan de gestion. En tout état de cause, promet la BEI, le projet fait et fera en permanence lÂobjet dÂun suivi et de mesures dÂatténuation selon des normes internationales rigoureuses, imposant notamment des consultations avec les habitants, les collectivités locales et les associations concernées. M.M.B. BARRAGE SOUS HAUTESURVEILLANCELe troisiÂme barrage que l'Ouganda s'apprÂte ˆ construire sur le Nil, ˆ la sortie du lac Victoria, devrait lui permettre de disposer d'une ÂŽnergie dont le pays manque cruellement. A moindre cožt et sans impact nÂŽgatif sur le plan social et environnemental. C'est du moins la conclusion de l'ÂŽtude d'impact commanditÂŽe par la Banque mondiale. La Banque europÂŽenne d'investissement (BEI) a donc dÂŽcidÂŽ de cofinancer le projet. Mots-clés Marie-Martine Buckens ; Ouganda ; Lac Victoria ; Nil ; BEI ; barrage.Le Nil. © iStockphoto.com/FrankvandenBergh N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008R eportage 29 28 D e la terre Akberet Seyoum Les chutes Victoria, Ouganda.©iStockphoto.com/Lingbeek Agriculture en milieu urbain prÂs de Freetown. La Sierra Leone dispose d'un formidable potentiel dans le domaine agricole 2008.© Debra Percival
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Au XVIe siècle, les marins anglais avaient rebaptisé le pays ÂSierra LeoaÂ. Ala fin des années 1700, Bunce Island, près de Freetown, devient lÂun des principaux sites dÂactivités négrières de la côte de l'Afrique occidentale. En 1782, des philanthropes britanniques fondent la ÂProvince de FreetownÂet ramènent sur le continent, dans la Province sierra-léonaise de Freedom, d'anciens Africains sans le sou qui vivaient à Londres. Des milliers d'esclaves africains affranchis retournent dans la région et s'établissent un peu partout en Afrique. Ils seront peu à peu connus sous le nom de Krios. Leur langue, le krio, est très répandue parmi les 15 groupes ethniques que compte aujourdÂhui le pays. En 1808, la Sierra Leone devient une colonie officielle de la Couronne britannique. CÂest aussi ici que siège le gouvernement représentant les autres colonies de la côte ouest-africaine. Grâce à la création, en 1827, dÂune des premières universités de la région, le Fourah Bay College, rapidement réputé pour la qualité des études de médecine, de droit et de philologie, Freetown se fait connaître comme lÂAthènes de lÂAfrique.> Un parti uniqueEn 1953, Sir Milton Margai, leader du SLPP(Sierra Leone PeopleÂs Party Â… Parti du Peuple sierra-léonais) est nommé gouverneur général. La Sierra Leone obtient son indépendance en 1961, et Margai devient le premier Premier ministre du pays. En mars 1967, Siaka Stevens, chef et candidat du parti All PeopleÂs Congress (APC) remporte les élections. Renversé au bout de quelques heures seulement après son investiture, il devra attendre 1968 pour accéder durablement au pouvoir. En 1971, le pays devient une république et Stevens, alors Premier ministre, devient Président exécutif. En 1978, une nouvelle Constitution instaure un régime de parti unique, avec lÂAPC comme seul parti autorisé. En 1985, Stevens se retire de la vie politique. Major Joseph Saidu Momoh lui succède à la présidence, au terme dÂun référendum avec un parti unique. La révision constitutionnelle du Président Momoh préconise le retour, pour 1991, dÂune constitution démocratique multipartite. Acette époque, les suspicions dÂabus de pouvoir et de gestion frauduleuse des ressources 30 N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008 R eportageSierra Leone R eportage Sierra Leone 31 de diamants vont bon train. Deux facteurs à lÂorigine de la guerre civile qui allait éclater. Foday Sankoh, ancien caporal dans lÂarmée, et son Front révolutionnaire uni (RUF) font campagne contre Momoh, et s'emparent de villes situées le long de la frontière avec le Libéria. Ses premières attaques auront pour cible le district diamantifère de Kailahum, à lÂest du pays. La guerre au Libéria voisin met elle aussi le feu aux poudres. Charles Taylor, à lÂépoque leader du Parti national patriotique du Libéria (NPFL), aurait ainsi aidé le RUF en échange de diamants sierra-léonais. Profitant de lÂincapacité du gouvernement à contrôler les rebelles, le capitaine Valentine Strasser s'empare du pays suite à un coup dÂEtat militaire et envoie Momoh en exil en Guinée en avril 1992. Strasser forme alors le Conseil national provisoire du gouvernement (NPRC), qui allait rester en place durant quatre ans.> De nouvelles électionsEn 1995, les rebelles contrôlent une grande partie de la province orientale riche en diamants et se trouvent aux portes de la capitale Freetown. Le NPRC aurait fait appel à des mercenaires travaillant pour la société privée de sécurité, Executive Outcomes, pour repousser les rebelles. Mais la gestion de la crise se heurte à une vague de mécontentement et Strasser est finalement renversé par un coup dÂEtat orchestré par son ministre de la défense, le brigadier général Julius Maada Bio. Bio rétablit la constitution et convoque les électeurs aux urnes. Le candidat du SLPP, Alhaji Ahmad Tejan Kabbah, est élu démocratiquement et entre en fonction en 1996. Une soi-disant tentative de coup dÂEtat contre Kabbah conduit le Général Major Johnny Koroma devant les tribunaux, et ensuite en prison. Contestant cette décision, un groupe de soldats, le Conseil révolutionnaire des forces armées (AFRC), renverse le Président et libère Koroma. Celui-ci reprend alors la présidence du pays et invite le RUF à sÂassocier à un gouvernement qui décide dÂinterdire les partis politiques, les manifestations et les radios privées. Ces mesures conduisent le Conseil de sécurité de lÂONU à imposer des sanctions contre la Sierra Leone en 1997, parmi lesquelles un embargo sur les armes et les produits pétroliers. En mars 2008, lÂECOMOG, la force de maintien de la paix de la Communauté des Etats de lÂAfrique de lÂOuest, réinstalle Kabbah à la tête du pays. LÂannée suivante, une tentative de coup dÂEtat de lÂARFC, soutenue par le RUF, fera 5.000 morts à Freetown et laissera le pays en ruines.> MINUSILEn octobre 1999, les forces de maintien de la paix des NU rétablissent l'ordre et désarment les armées rebelles. Au total, 17.000 casques bleus de la Mission des Nations Unies en Sierra Leone (MINUSIL) ont finalement été envoyés sur le terrain, explique Christian Holger Stohmann, attaché de presse auprès de lÂUNIOSIL, le Bureau intégré des Nations Unies en Sierra Leone à Freetown. Le cessez-le-feu et l'accord de paix signés ensuite Â… toujours en 1999 Â… dans la capitale togolaise Lomé permet aux rebelles dÂaccéder à des portefeuilles ministériels. Mais Sam Bokari, un des leaders rebelles, hostile à la présence des troupes de l'ONU, décide de sÂen prendre aux casques bleus, qui seront attaqués et détenus à l'est du pays. Un contingent de 800 parachutistes est dépêché sur le terrain afin de sécuriser l'aéroport et permettre lÂintervention des forces de la paix. Foday Sankoh est par ailleurs capturé. Le désarmement des rebelles commence en mai 2001, avec le soutien de l'armée nationale sierra-léonaise. En janvier 2002, la guerre civile prend officiellement fin. Kabbah, candidat du SLPP, remporte haut la main les élections multipartites organisées la même année. Lors des élections présidentielles de 2007, il perdra le pouvoir, vaincu par le candidat de l'APC, Ernest Bai Koroma.> MutilationsDifficile de trouver un Sierra-Léonais qui nÂaurait pas été directement touché par la brutalité des crimes de guerre perpétrés durant le conflit. D'atroces récits, faisant état de victimes mutilées, au hasard, sont encore bien présents dans les mémoires. Un jeune habitant de Freetown, ÂKennethÂexplique que des rebelles lui ont donné lÂordre de se mettre contre un mur, les mains liées, se demandant en même temps à haute voix sÂil fallait lui trancher les membres ! Il a été épargné mais bien dÂautres de ses compatriotes ont été mutilés, même des femmes et des enfants. Un autre jeune homme, ÂKanu raconte que sa sÂœur a disparu dans la brousse pendant trois mois, enlevée comme d'autres jeunes femmes pour cuisiner et faire la lessive des rebelles. Les viols faisaient partie du quotidien. De nombreux enfants soldats ont perdu la vie. Et pour les victimes amputées dÂun bras ou dÂune jambe, il est bien sûr deux fois plus difficile de trouver un emploi dans un pays où 65% des jeunes hommes de 18 à 40 ans sont sans travail. Le tribunal spécial mis en place après la guerre par les Nations Unies à la demande du gouvernement sierra-léonais siège toujours, mais il devrait interrompre ses activités en 2010, explique Francesca Varlese, gestionnaire de projets auprès de la délégation de la CE à Freetown. Depuis 2003, lÂUE soutient financièrement le tribunal spécial et propose divers services, comme un système video pour la retransmission en direct du procès de Charles Taylor qui se déroule actuellement à La Haye et des stages. Ce que permet de suivre le travail du tribunal. Concernant son efficacité, les avis divergent, explique Ambrose James, directeur national de lÂONG Search for Common Ground, qui réalise des vidéos et des émissions radio donnant la parole aux Sierra-Léonais. Selon lui, ceux-ci ont un avis mitigé sur ce tribunal. Acommencer par le fait que les principaux chefs rebelles, comme Sam Bokari Â… ÂMosquitoÂÂ… et dÂautres encore ont perdu la vie ou sont en fuite. DÂautres sÂinterrogent sur le pourquoi du jugement de certains membres de la Force de défense civile. Car après tout, elle était opposée aux rebelles. ÂLes gens ne se rendent pas compte que cette force a commis certaines violations des droits de lÂhomme, cÂest cela qui complique la situationÂŽ, explique Ambrose James dans son bureau de Freetown. Tout comme le problème des mandats respectifs du Tribunal spécial et de la Commission Vérité et Réconciliation Â… une émanation de lÂaccord de paix de Lomé. Il faut dire que lÂun sanctionne et lÂautre accorde le pardon. La guerre civile a aussi contraint 2 millions de Sierra-Léonais à se réfugier dans dÂautres régions du pays ou à lÂétranger. La guerre et les crises qui lÂont précédée ont laissé des traces sur le plan économique et social. La Sierra Leone se classe ainsi 177e sur 177 sur lÂéchelle de développement des Nations Unies pour 20072008, en raison dÂun taux particulièrement GUERREetPAIXEn 1462, l'explorateur portugais Pedro da Cintra dÂŽcouvre les montagnes entourant l'actuelle capitale du pays, Freetown, et leur donne le nom de ÔSierra Lyoa', littÂŽralement la Ômontagne du lion'. Ces sommets dÂŽchiquetÂŽs ressemblant selon lui ˆ des dents de lion. Le nouveau gouvernement d'Ernest Bai Koroma souhaite tourner la page aprÂs ces annÂŽes de conflit et aider l'ÂŽconomie de son pays ˆ reprendre du poil de la bÂte. Enfant vendant des bananes ˆ Moyamba. La pauvretÂŽ incite de nombreux enfants ˆ travailler 2008.© Debra Percival Affiche de la Court spÂŽciale à crimes punissables 2008. © Debra Percival
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préoccupant de mortalité infantile et dÂautres statistiques sanitaires et d'éducation. De très jeunes enfants tentent de se faire un peu dÂargent en vendant dans les rues des sacs de fruits ou de biscuits. Le taux dÂalphabétisation des adultes ne dépasse pas 30% et 68%de la population tente de survivre avec moins d'un dollar par jour.> De réelles attentesNombreux sont ceux qui placent tout leur espoir dans le nouveau gouvernement dÂErnest Bai Koroma. Ce dernier sÂest engagé à gouverner son pays comme un homme d'affaires mais un test de popularité l'attend lors des prochaines élections locales de juillet 2008. DÂautres changements prometteurs sont en vue depuis la mise en place du nouveau gouvernement. Ainsi, une commission anti-corruption, créée en 2000, entend lutter à tous les niveaux contre ce phénomène, explique Abdul TejanCole, aux commandes de cet organisme depuis décembre 2007. Il suggère la diffusion de jingles sur les chaînes radio afin dÂencourager le public à dénoncer de tels actes aux autorités compétentes et souhaite voir les parlementaires déclarer leur fortune. Mais développer lÂappareil dÂEtat dans un pays qui dépend actuellement de lÂaide budgétaire de nombreux bailleurs de fonds n'est pas une sinécure. Ces fonds sont en effet destinés avant tout à boucher les trous du budget gouvernemental. Les quatre principaux donateurs sont le Department for International Development britannique (DFID), lÂUE, la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque mondiale. Ils se réunissent régulièrement en vue d'examiner les critères dÂévaluation pour le décaissement de l'aide. Ces critères concernent par exemple la façon dont le gouvernement gère les finances publiques et le niveau de réalisation des objectifs de lutte contre la pauvreté. Ensemble, ces quatre bailleurs de fonds fournissent une aide budgétaire annuelle de 52 millions d'euros, soit 17% du budget national du pays. En 2007, des difficultés financières Â… surtout la flambée imprévue du prix du carburant Â… ont conduit à une suspension de l'aide, explique Hans Allden, chef de la délégation de lÂUE en Sierra Leone. Il souligne à ce propos le caractère délicat de lÂaide budgétaire, une gestion financière saine devant être associée à un flux prévisible dÂaide : ÂSans cela, cÂest la porte ouverte à divers types de problèmes de paiement, pouvant aller jusquÂà affecter la sécurité. Un groupe de personnes affamées et sans le sou constitue un risque pour la stabilitéŽ. LÂUE et le DFID, qui coordonnent leur stratégie dÂaide à Sierra Leone, fournissent actuellement 42% de la totalité du financement des donateurs. Chacun se concentre sur ce quÂil fait de mieux : lÂUE sur lÂinfrastructure et la gouvernance, et le DFID sur lÂenseignement, la santé et lÂassainissement. DÂautres pays de lÂUE mettant en oeuvre des programmes dÂaide bilatérale en faveur de la Sierra Leone sont lÂIrlande, lÂAllemagne, lÂItalie et la France. Et selon Hans Allden, le pays aimerait en fin de compte que les ressortissants sierra-léonais deviennent eux-mêmes des soldats de maintien de la paix. Une question selon lui de fierté nationale. D.P. 32 N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008 R eportageSierra Leone R eportage Sierra Leone 33 Ernest Bai Koroma a remporté le deuxième tour de scrutin des élections présidentielles du 8 septembre 2007 en battant son adversaire, Solomon Ekuma Berewa du Parti du peuple de Sierra Leone (Sierra Leone PeopleÂs Party Â… SLPP). Aucun des deux candidats nÂavait obtenu la majorité de 55% des suffrages, requise pour gagner au premier tour. Koroma veut appliquer ses compétences dÂhomme dÂaffaires à la gestion du gouvernement. Cet ancien directeur général de la Reliance Insurance Trust Corporation est membre du West African Insurance Institute ainsi que de lÂInstitute of Risk Management et de lÂInstitute of Directors du Royaume-Uni. Le Congrès de tout le peuple (All PeoplesÂCongress Â… APC), le parti de Koroma, détient une majorité de 59 sièges au Parlement depuis les élections dÂaoût 2007. Il a signé des ÂcontratsÂavec ses ministres pour les obliger à obtenir des résultats, nous a-t-il dit lors dÂun entretien au State House à Freetown à la fin de février 2008. Vous étiez présenté comme le candidat du changement. Quels changements avez-vous réalisés jusquÂà présent ? JÂai mis en place un mécanisme qui posera les fondations dÂun changement de cap qui permettra au pays de se remettre en mouvement et aux investisseurs de sÂinstaller ici. Nous avons provoqué une transition pacifique du gouvernement précédent au gouvernement actuel. Nous nous sommes aussi attaqués au sujet qui doit être un objectif prioritaire selon nous, la fourniture de ce pays en énergie. Freetown dispose désormais dÂune certaine quantité dÂélectricité. Nous avons sollicité la participation de la Banque mondiale et autres donateurs et nous avons activé un programme de Production indépendante dÂélectricité (IPP), qui cède la génération dÂélectricité au secteur privé, tandis que la National Power Authority (NPA) sÂoccupe des ventes. Nous avons hérité dÂune production dÂélectricité de six mégawatts, que nous avons augmentée de 15 mégawatts supplémentaires. Nous sommes donc en état de produire 21 à 22 mégawatts et nous avons réquisitionné un générateur dÂélectricité indépendant qui ajoute encore 10 mégawatts. La prochaine étape sera de trouver une solution à moyen terme, telle que lÂachèvement de la centrale hydroélectrique de Bumbuna. Nos donateurs nous ont fourni les 45 millions de dollars nécessaires pour achever le projet cette année. Quant à notre engagement à fournir de lÂélectricité partout dans le pays, il nécessitera le démarrage dÂun programme rural dÂélectrification. En ce moment-même, les Chinois examinent notre potentiel hydroélectrique. Il est possible de multiplier les petits projets hydroélectriques un peu partout si nous pouvons exploiter fructueusement les cinq rivières qui traversent notre pays. Quels secteurs soulageront la pauvreté ? Tous les pays sortant dÂune guerre sont confrontés à des problèmes de stabilisation humanitaire et sociale. Il faut aussi sÂoccuper des personnes amputées et des populations déplacées. AujourdÂhui, lÂheure est venue de nous engager dans une croissance économique réelle et dÂavoir un impact sur lÂéconomie. Outre lÂexploitation minière, nous avons le tourisme, la pêche et lÂagriculture. 60 à 70% de notre population travaille dans lÂagriculture. Nous avons le potentiel non seulement pour permettre assurer notre propre subsistance, mais aussi pour exporter des produits agricoles. La possibilité de commercialiser ces produits nous permettra de nous attaquer à la réduction de la pauvreté. Vous avez dit que vous aimeriez gouverner la Sierra Leone comme une entreprise ? Nos méthodes doivent être plus semblables à celles du monde de lÂentreprise. Nous rentrons dÂune retraite gouvernementale à Bumbuna, où nous avons défini des objectifs. Nous avions promis que le changement de cap serait perceptible dans les 36 mois. Voilà pourquoi jÂai introduit les contrats de gestion pour les ministres. Actuellement, ils sont tous en pourpar-LeBUSINESSde laGOUVERNANCEEntretien avec Ernest Bai Koroma, PrÂŽsident de Sierra Leone L'achÂvement de la centrale hydroÂŽlectrique de BumbunaSuperficie: 73,326 sq km2 Population: 5.9 millions (2007) PrÂŽvision: 6.9 millions (2015) Indice PNUD: 177 sur 177 pays (Rapport sur le dÂŽveloppement humain 2007-2008) EspÂŽrance de vie: 41.8 (2005) Taux d'alphabÂŽtisation des adultes (%15 ans et plus): 34.8 (1995-2005) Taux de mortalitÂŽ des moins de cinq ans (pour 1,000 naissance): 282 (2005) Importations: 306 millions d'euros (denrÂŽes alimentaires, outils et machines, pÂŽtrole)* Exportations: 163.5 millions d'euros (diamants, rutile, cacao, bauxite, cafÂŽ, poisson, minerai de fer, huile de palme)* Contexte politique PrÂŽsident: Ernest Bai Koroma (depuis septembre 2007) AssemblÂŽe unicamÂŽrale: Au mÂme titre que les parlementaires, le prÂŽsident est ÂŽlu tous les cinq ans au suffrage universel direct. Son mandat est renouvable une fois. Principaux partis politiques: All People's Congress (APC), Sierra Leone People's party (SLPP), People's Movement for Democratic Change (PMDC). 12 chefs traditionnels ÂŽlus au niveau local pour reprÂŽsenter les districts du pays. Sources: Banque mondiale, Programme des Nations Unies pour le dÂŽveloppement (PNUD), Commission europÂŽenne, Sierra Leone Encyclopedia 2007. Sites web : www.sfcg.org , www.sc-sl.org * 2006 AperÂu statistique de la Sierra Leone Mots-clés Debra Percival ; Sierra Leone ; ONU ; DFID ; aide budgétaire. Vente de pommes, Freetown, 2008. © SLIS Carte de la Sierra Leone.Copyright University of Texas. Le PrÂŽsident de la Sierra Leone, Ernest Bai Koroma, 2008. © Debra Percival
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34 N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008 R eportageSierra Leone R eportage Sierra Leone 35 C haque parti possède ses propres bastions. Le SLPPs'appuie ainsi sur les populations du Sud et de l'Est, appartenant à lÂethnie mende, qui constitue environ 30% de la population. Quant à l'APC, il trouve principalement son soutien au nord et à l'ouest du pays, parmi les Temnés qui représentent 30% de la population. Lors des dernières élections parlementaires, en août 2007, le SLPPa gagné 43 sièges. Il continue dÂaffirmer que son candidat a remporté le second tour des présidentielles le 8 septembre 2007. ÂDÂaprès toutes les données dont nous disposons, nous avons remporté les élections. Et pour des raisons parfaitement connues de la Commission électorale, cette victoire nous a été volée. Les votes de 477 bureaux dans notre bastion ont été annulés, et le décompte nÂa jamais eu lieuÂŽ, nous a expliqué Brima Koroma, secrétaire administratif national du parti dans ses bureaux de Freetown, en février..* Une déclaration en contradiction avec les conclusions dÂune multitude dÂobservateurs électoraux internationaux Â… y compris des observateurs de lÂUnion européenne Â… selon lesquelles les élections parlementaires et présidentielles avaient été Âlibres et équitablesÂŽ. Ahmad Tejan Kabbah, ex-président du SLPP, a dirigé le pays pendant 11 ans avant de se retirer avant les élections de 2007. ÂNotre priorité, en tant que partiÂŽ, poursuit Brima Koroma, Âétait dÂêtre élu par le peuple pour rétablir la paix. Tel était notre engagement. Cela étant, nous avons gagné les élections de 1996 et avons dû diriger le pays tout en étant exilés, entre 1996-1997. Nous nous étions fixé comme objectif de mettre fin à la guerre et nous y sommes arrivésÂŽ, ajoute-t-il. Et dÂajouter que le gouvernement SLPPsÂest attelé avec succès à la reconstruction du pays dès la fin officielle de la guerre, en 2000 : ÂNous avons consacré énormément de temps à réparer les infrastructures et à remettre en état tout ce qui avait été détruit dans les provinces. Il nÂy avait plus ni hôpitaux, ni écoles. Et nos objectifs ont été atteints. En 2002, notre pays pouvait sÂappuyer sur une économie stable, même en ce qui concerne le taux de change de notre devise, le leone, par rapport au dollarÂŽ. Il nous explique également que le gouvernement SLPPa réintroduit les conseils locaux en 2004. Les choses sont aujourdÂhui Âincroyablement difficilesÂŽ, déplore Koroma, épinglant entre autres le prix élevé du riz.> Un troisième pouvoir Le Mouvement populaire pour le changement démocratique (PMDC) détient dix sièges au Parlement et quatre portefeuilles ministériels, ÂrécompenseÂŽ de lÂAPC pour son soutien lors du second tour des présidentielles, en septembre, explique le secrétaire général du PMDC, le juriste Ansu Lansana. Son parti a offert aux Sierra-Léonais une alternative. ÂAprès toutes ces années de ping-pong politique entre les deux grands partis, nos compatriotes ont demandé à grands cris une troisième forceÂŽ. Les militants du PMDC sont pour la plupart ƒ des Sierra-Léonais mécontents, au chômage et laissés-pour-compteÂŽ, nous explique Lansana. Selon lui, les 11 années de pouvoir du SLPPont été caractérisées par un manque total d'efficacité. ÂUn pouvoir également trop focalisé sur la politique de jadis, qui voulait qu'on était SLPP de père en fils. Cette approche politique nuit au développement national car elle n'encourage pas la gouvernance fondée sur les résultatsÂŽ. Et voici ce quÂil nous dit du nouveau gouvernement : ÂLa seule chose qui me dérange, cÂest que lÂéquipe a commencé à se détourner de certaines des promesses faites au cours de la campagne. Je nourris un optimisme prudent quant à l'évolution de mon pays. Par certains aspects, positifs, on va de lÂavant mais dÂautres ont des relents du passé, comme le chômage et le désordreƒŽ D.P. * Douze grands chefs siègent également au Parlement, un pour chaque district du pays.O O P P P P O O S S I I T T I I O O N NU UN N E E O O P P P P O O S S I I T T I I O O N N B B I I P P A A R R T T I I T T E E Le premier parti d'opposition, le Parti du peuple sierra-lÂŽonais (SLPP), a dominÂŽ le paysage politique du pays, aux c™tÂŽs de l'APC (All People's Congress), parti au pouvoir. Le SLPP a vu le jour en 1951 et compte parmi ceux qui se sont battus pour obtenir l'indÂŽpendance de la Grande-Bretagne, en 1961. Ce parti a toujours ÂŽtÂŽ le principal opposant politique ˆ l'APC, constituÂŽ en 1960. Mots-clés Debra Percival ; Sierra Leone ; politique; opposition.lers avec le Bureau du Président pour se mettre dÂaccord sur leurs objectifs annuels et pour définir ceux quÂil leur faudra réaliser au cours des trois prochaines années. Comment pouvez-vous attirer des investisseurs étrangers ? Nous modifions nos lois, nous renforçons lÂindépendance et la crédibilité du pouvoir judiciaire et nous combattons fermement la corruption, afin de garantir la participation sérieuse de tous les acteurs. Cela séduira des investisseurs. Nous avons pour ainsi dire les meilleurs diamants du monde, les plus grandes réserves de rutile (dioxine de titanium), des réserves énormes de minerai de fer, de bauxite, de platine, etc. Nous avons aussi un potentiel considérable dans le secteur agricole. Acela sÂajoute notre potentiel touristique unique. Avec des investissements adéquats, la Sierra Leone pourra facilement devenir la meilleure destination touristique du monde. Notre faune, notre topographie et nos plages sont incomparables. La Sierra Leone est située tout en bas de lÂéchelle du développement humain (UNDP). Comment pouvez-vous améliorer votre position ? Nous venons de lancer un plan stratégique pour 2008-2010 visant les enfants et dÂautres groupes. Nous analysons notre système éducatif et nous planchons sur lÂaugmentation du nombre de personnes ayant accès à lÂeau courante, ainsi que sur lÂamélioration de notre infrastructure médicale. Quand tous ces projets seront mis sur les rails, je pense que nous pourrons nous concentrer sur la motivation des personnes chargées de ces services, les prestataires : médecins, infirmières et enseignants. Vous êtes confiant quant à votre futur succès aux élections locales de juillet ? Je crois que nous remporterons la plupart des sièges car les citoyens ont réalisé en très peu de temps que nous sommes un gouvernement privilégiant les résultats. Nous ne parlons pas de politique. Nos actes correspondent à nos paroles, comme pour lÂélectricité. Nous lancerons notre programme agricole et nous souhaitons assurer un programme de soins de santé. Il ne faut pas sÂattendre à voir des résultats tangibles du jour au lendemain. Ce quÂon voit, cÂest lÂactivité du gouvernement : notre effort à réaliser sur les promesses faites à notre peuple, et je pense que cela inspire confiance à la population. Notre seule difficulté est dÂêtre arrivée au pouvoir au moment où tous les prix grimpent sur le marché mondial. Le prix du gasoil est en hausse ainsi que ceux du riz et du blé. Certaines de ces augmentations ont malheureusement une incidence directe sur la vie des gens ordinaires. Nous ne pouvons pas subsidier, puisque nous nÂavons pas les fonds. Nous ne sommes pas un pays producteur de pétrole. Votre gouvernement favorise-t-il certaines ethnies au détriment dÂautres ? Ce nÂest pas le cas. Nous avons des gens originaires des autres régions, comme le ministre de la Santé et celui des Ressources marines, par exemple. JÂai toujours insisté sur le fait que nous sommes un gouvernement dÂinclusion et que chaque district est représenté, pas seulement au niveau gouvernemental, mais aussi au niveau des ministres adjoints. Toutes les personnes que nous nommons dans les entreprises publiques et les missions diplomatiques incarnent ce caractère national. Quelle est votre point de vue sur le fait que votre partenariat avec lÂUnion européenne se concentre sur lÂaide budgétaire ? Il est important que cela car la base de nos revenus est très limitée. Nous demandons un soutien qui nous apporte lÂoccasion de voler de nos propres ailes. En faisant redémarrer les activités minières, agricoles et touristiques, je pense que nous obtiendrons des revenus suffisants pour prendre en charge notre propre budget et nos efforts de développement. LÂUE joue aussi un rôle de premier plan dans les programmes dÂinfrastructures. Comme pour lÂénergie, lÂamélioration du réseau routier favorisera les activités économiques dans le pays. Elle permettra à la population de se déplacer librement, elle contribuera à la mobilité des produits agricoles et améliorera le tourisme et le commerce avec nos voisins, la Guinée et le Libéria. D.P. Mots-clés Debra Percival ; Président Ernest Bai Koroma ; Sierra Leone ; aide budgétaire ; électricité.La Sierra Leone est traversÂŽe par de nombreuses riviÂres 2008. © Debra Percival Habitations ˆ Kroo Bay, Freetown 2008. © Debra Percival
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N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008 37 36 R eportageSierra Leone ves, telles que plus de 100 millions de tonnes de bauxite, ainsi que des résidus de minerai de fer Â… nous lÂencouragerons à former un consortium regroupant les candidats extracteurs de minerai de fer et les candidats extracteurs de bauxite puisquÂils devront utiliser le même chemin de fer et les mêmes portsÂŽ. Il a ajouté : ÂLe cabinet mÂa mandaté pour créer un sous-comité chargé dÂexaminer tous les accords avec les grandes compagnies minières et, dans la foulée, nous les intégrerons aux nouveaux accords avec les sociétés minièresÂŽ. ÂNotre pire découverte est de constater que certains viennent chez nous pour décrocher une licence dÂexploitation minière, quÂils introduisent ensuite en bourse pour faire de lÂargent sur notre dos. Ils prétendent que cÂest légal, mais nous voulons changer celaÂŽ, a continué Jallon. Alfred Carew, Secrétaire général du Forum national sur les droits de lÂhomme et Président de la National Advocacy Coalition on Extraction , nous a dit quÂil pense que certaines sociétés font la même chose sur Internet. Il sÂinquiète des coûts sociaux de lÂextraction minière, tels que lÂoccupation dÂenfants pour casser les pierres, la prostitution, les maladies dans les régions minières et lÂimpact environnemental. Le Ministre a parlé de la Âmêlée généraleÂŽ actuelle dans le district diamantaire de Kono et de la contrebande quÂelle entraîne : ÂNous faisons de notre mieux pour tout organiser de manière structurée. Dans la plupart des cas, un distributeur aide le propriétaire du terrain et les travailleurs à obtenir des machines. Ensuite, cÂest à cette personne, qui a apporté son aide, que la production doit être vendue. Ason tour, elle donnera les diamants à un exportateur qui possède une licence et qui est seul autorisé à exporter. Pour obtenir cette licence, il faut payer 40.000 dollars. Nous pensons quÂil existe de la contrebande à différentes étapes, mais nous nÂavons pas de preuvesÂŽ. Le Ministre rappelle que le pays adhère au Processus de Kimberley, qui interdit la vente de diamants provenant de régions en guerre. ÂJe signe un certificat Kimberley pour tous ceux qui exportent. Mais il faut se rendre au lieu de destination pour se faire une idée définitive. QuelquÂun doit se trouver là pour vérifier si les diamants sont arrivés. Cela suppose une lourde administrationÂŽ.. D.P. * LÂEITI implique la publication régulière des montants payés aux gouvernements par toutes les sociétés de matériaux, de pétrole, de gaz et dÂextraction minière. H HO O R R S S D D E E S S S S E E N N T T I I E E R R S S B B A A T T T T U U S S S SI I E E R R R R A AR RU U T T I I L L E EL LT T D D. . U n prÂt de 24 millions d'euros, accordÂŽ en partie par SYSMIN, l'ancien systÂme d'aide aux produits miniers de la CE, le restant venant du Fonds europÂŽen de dÂŽveloppement (FED), a permis ˆ la sociÂŽtÂŽ Sierra Rutile Ltd. de redÂŽmarrer dans le district de Bonthe, dans le Sud-Ouest. Le rutile (dioxyde de titane) est exportÂŽ surtout vers l'Europe, l'AmÂŽrique du Nord, le BrÂŽsil, le Japon et la Russie, o il est utilisÂŽ dans des pigments de peinture, les qualitÂŽs supÂŽrieures ÂŽtant utilisÂŽes pour fabriquer des baguettes de soudure. Le prÂt de redÂŽmarrage a ÂŽtÂŽ transfÂŽrÂŽ au gouvernement, qui a ensuite redistribuÂŽ l'argent sous forme d'un prÂt commercial ˆ la sociÂŽtÂŽ. Bob Lloyd, Directeur gÂŽnÂŽral de la sociÂŽtÂŽ, dit qu'il s'agit : "d'une ÂŽtape majeure de la renaissance de la Sierra Leone ˆ la fin du conflit". Avec une production prÂŽvue de 180.000 tonnes cette annÂŽe, la sociÂŽtÂŽ a dÂŽpassÂŽ sa production de 140.000 tonnes de l'annÂŽe derniÂre. Le processus d'extraction implique le dÂŽversement de grandes quantitÂŽs d'eau. On pourrait les utiliser ˆ d'autres fins productives, explique JeanPierre Milard, assistant technique au ministÂre, subventionnÂŽ par l'Union europÂŽenne. Le processus n'ÂŽtant pas toxique, de nombreux projets peuvent Âtre envisagÂŽs. Bob Lloyd explique que Sierra Rutile Ltd. a crÂŽÂŽ une fondation qui finance actuellement un projet pilote de remise en valeur agricole sur l'un des "lacs". D'autres pistes visent l'aquaculture, et les "plages" de sable blanc immaculÂŽ ÂŽtalÂŽes par l'extraction miniÂre ÂŽveillent des idÂŽes touristiques. Il semblerait que la sociÂŽtÂŽ a encore de nombreuses annÂŽes d'activitÂŽ devant elle. Bob Lloyd a montrÂŽ au Courrier une carte indiquant les rÂŽserves dÂŽcouvertes autour de Bonthe. Et l'exploration est ÂŽgalement en cours le long de la c™te. Le capital et les intÂŽrÂts du prÂt de 45 millions d'euros devront Âtre remboursÂŽs au gouvernement de la Sierra Leone de 2008 ˆ 2013, ˆ commencer par un premier paiement de 716.000 euros en juin de cette annÂŽe. On prÂŽvoit que la CE aura son mot ˆ dire dans l'affectation de ces fonds. Bob Lloyd dit que les relations avec la population locale sont bonnes ; les reprÂŽsentants officiels rencontrent rÂŽguliÂrement les huit chefs suprÂmes des chefferies entourant la mine. Mots-clés Debra Percival ; Sierra Leone ; extraction minière ; diamants ; minerai de fer; rutile. L' extraction minière Â… et notamment le diamant, qui a contribué à financer la guerre pendant 11 années Â… est un secteur très sensible en Sierra Leone. Selon les statistiques de la Banque mondiale, le secteur minier représente 90% des exportations et 20% du PIB. Le gouvernement souhaite que lÂéclat de ce secteur profite désormais à tous les Sierra-Léonais. ÂNous sommes le deuxième plus grand producteur de rutile au monde (et le plus grand producteur de rutile brut). Nous disposons de grandes réserves de bauxite et de minerai de fer. Notre pays est couvert de diamants et nous extrayons la roche-mère à la recherche de diamant, de kimberlite et dÂorÂŽ, nous explique Alhaji Abubakar Jallon, Ministre des Ressources minérales, ancien directeur général de la National Diamond Company qui a travaillé comme géophysicien. La valeur totale des diamants exportés officiellement sÂélève à 125,3 millions de dollars, ce qui en fait le premier article dÂexportation du pays, sans compter le commerce clandestin. Dans lÂensemble, le secteur minier fait vivre 250.000 personnes, soit 14% de la population active, mais le gouvernement a le sentiment que lÂextraction pourrait être plus bénéfique pour la population de la Sierra Leone. Les représentants de la Banque mondiale estiment que lÂancien régime fiscal nÂa pas attiré beaucoup dÂinvestisseurs de qualité. Parmi les autres défauts, citons lÂattribution peu transparente des concessions minières, le grand nombre de mineurs artisanaux informels clandestins, ainsi que la contrebande dÂor et de diamants et lÂimpact environnemental et social pour les communautés locales. Selon les chiffres de la Banque mondiale, le secteur représentait à peine 2% du revenu fiscal en 2000. On prévoit lÂapprobation dÂun projet dÂassistance technique de la Banque mondiale (6 millions de dollars par lÂintermédiaire de lÂAssociation internationale de développement) en juillet 2008, pour examiner comment améliorer la transparence de lÂindustrie sous le régime actuel, augmenter les revenus miniers du gouvernement et améliorer le soutien du gouvernement à lÂInitiative pour la transparence des industries extractives (EITI)* auquel le pays a adhéré en 2006. Ce projet soutiendra les mesures prises jusquÂà présent pour réguler le secteur, y compris la ÂCore Mineral PolicyÂde 2003 et la collecte de données géologiques. Le Ministre Jallon souhaite que les compagnies construisent plus dÂinfrastructures autour des mines : ÂSi vous faites des travaux dÂextraction, donnez-nous une centrale électrique qui sera utile à la fois pour vous et pour la population de la région. Le lien entre extraction et infrastructures a fait lÂobjet dÂun consensus lors dÂun forum récent, organisé à Conakry en Guinée et sponsorisé par la Banque mondiale et la Banque africaine de développementÂŽ. Les accords tels quÂils étaient conclus anciennement ne devraient plus se reproduire, a précisé le ministre. Prenons lÂexemple de Delcros, une société dÂextraction de fer, qui, au cours de ses 20 années dÂactivité, a construit un chemin de fer et un port pour ses exportations. Après la fermeture de la mine, le port et le chemin de fer sont devenus inutiles : ÂDe telles situations ne devraient plus jamais se présenterÂŽ, a dit Jallon. ÂSi nous autorisons quelquÂun à développer la mine aujourdÂhui Â… car de nombreuses personnes viennent nous voir, et nous disposons dÂautres réserves, telles que plus de 100 millions de tonnes de bauxite, ainsi que desSECTEUR MINIER :UNE RÉFORMEen chantier SECTEUR MINIER :UNE RÉFORMEen chantierDragueur, Sierra Rutile Ltd 2008. © Debra Percival Ministre des ressources minÂŽrales, Alhaji Abubakar Jallon 2008. © Debra Percival R eportage Sierra Leone
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Selon le Dr Sesay, les noix de cajou, une excellente culture dans le Nord du pays, combleront le fossé économique entre le Nord et le Sud. > Un prix équitable pour le terrainUne amélioration des pistes, une harmonisation des normes des produits dans les pays de lÂorganisation régionale ouest-africaine CEDEAO ainsi que le régime foncier sont dÂautres problèmes importants pour la relance du secteur, selon le Dr Sesay, qui a déclaré que, dans les régions où du terrain est à vendre, Âvous devez payer un juste prix. Les terrains ont de la valeur et les gens nÂen obtiennent pas un juste prixÂŽ. LÂagriculture ne constitue pas un des secteurs clés des nouveaux programmes de financement de la CE dans le cadre du 10e FED. Durant la période dÂaprès-guerre, le financement du FED axé vers le développement rural a été orienté vers la réimplantation de la population dans les zones rurales ainsi que la promotion de la sécurité alimentaire. Un programme de réimplantation et de réhabilitation (30 millions dÂeuros) a été lancé pour lÂinfrastructure sociale dans les zones rurales de lÂensemble du pays via la reconstruction de centres sanitaires, de puits et dÂautres infrastructures détruites par la guerre. Ce programme a été suivi par un projet de lien entre urgence, réhabilitation et développement (LRRD) de 24 millions dÂeuros destiné à la fourniture dÂoutils et de semences, dÂeau et dÂinstallations sanitaires, explique M. Georges Dehoux, qui travaille au sein de lÂOffice de la sécurité alimentaire à la délégation de lÂUnion européenne en Sierra Leone. Dans un pays aussi fertile que la Sierra Leone, Âla sécurité alimentaire ne devrait pas être un problèmeÂŽ, affirme-t-il. DÂautres projets de sécurité alimentaire ont suivi. Grâce à une subvention de 4,2 millions dÂeuros octroyée par lÂancien Système de stabilisation des recettes dÂexportation (STABEX), qui compense les pertes des recettes dÂexportation agricole, les cultures commerciales à Bombali et à Tonkolili (riz) ainsi quÂà Kono, Kenema et Kailahun (cacao) bénéficient dÂune valeur ajoutée. Selon M. Matthias Reusing, responsable du développement rural au sein de la délégation de lÂUE en Sierra Leone, le pays ne peut rivaliser avec le gros volume dÂexportations de cacao de la Côte dÂIvoire et du Ghana mais le travail avec lÂONG néerlandaise AGRO ECO a permis dÂaméliorer les méthodes de séchage et de certifier que la production de cacao résultait du commerce équitable et dÂune culture biologique. Préséché, le cacao est vendu 1.000 dollars la tonne. Il peut rapporter désormais jusquÂà 1.400 voire 1.600 dollars la tonne. M. Reusing estime quÂil est temps pour le pays de contrebalancer la pénurie de café biologique robusta sur le marché mondial. Au sein de lÂUE, on trouve beaucoup de bon café arabica biologique cultivé sur les hauts plateaux dÂEthiopie, mais pas de robusta cultivé à plus basse altitude. Etant donné que les Européens apprécient un mélange dÂarabica et de robusta, cela pourrait représenter un nouveau créneau. Dans la foulée du projet STABEX, une somme de 12 millions dÂeuros a été réservée, dans le cadre du 10e FED, à lÂamélioration de la production, du traitement et de la commercialisation des cultures commerciales, en incluant une nouvelle fois les acteurs nationaux. Et 4 millions dÂeuros du 10e FED seront affectés à la décentralisation du secteur par le biais dÂun renforcement de la capacité des conseils de district et des acteurs non gouvernementaux. M. Georges Dehoux insiste sur la nécessité dÂagir à lÂéchelon local pour avancer. D.P. Websites: www.megapesca.org, www.oceanic-dev.com * 1 dollar = 3.000 leones ; 1 euro = 4.789 leones 38 N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008 R eportageSierra Leone R eportage Sierra Leone 39 L LA A P P Ê Ê C C H H E EÂ… Â… U U N N S S E E C C T T E E U U R R P P R R O O M M E E T T T T E E U U R R D' aprÂs un rapport financÂŽ par la CE et ÂŽlaborÂŽ par le consortium Oceanic Developpement (France) et MEGAPESCA (Portugal), la pÂche illicite pourrait cožter jusqu'ˆ 23 millions d'euros par an ˆ la Sierra Leone. L'ÂŽtude analyse les diffÂŽrentes options d'un partenariat de pÂche avec l'UE. Quelque 8000 embarcations artisanales, comme des pirogues et des navires faits de bordages, ainsi que 52 chalutiers de haute mer, principalement des navires grecs, espagnols et d'Asie du Sud-Est, ont actuellement des accords de participation pour pÂcher dans les eaux de la Sierra Leone. Des observateurs prÂŽtendent que des bateaux chinois pÂcheraient illÂŽgalement dans les eaux de la Sierra Leone. "Tout ce qui est proche de la c™te est critique", affirme M. Reusing. Une des quatre options ÂŽtudiÂŽes par le consortium consiste ˆ permettre aux navires de l'UE de pÂcher du thon, des crevettes de haute mer et d'autres poissons pÂŽlagiques ; un tel accord pourrait rapporter 2,5 millions d'euros par an en redevances. Etant donnÂŽ l'existence actuelle d'un embargo communautaire sur les exportations de poissons de la Sierra Leone à mais il pourrait Âtre levÂŽ cette annÂŽe à les prises dans le cadre de l'accord de participation doivent entrer dans l'UE par l'intermÂŽdiaire d'un pays tiers, comme des observateurs de Freetown l'ont laissÂŽ entendre. En collaboration avec l'Institut de biologie marine et d'ocÂŽanographie de la Sierra Leone, l'UE vient de lancer un soutien institutionnel pour la gestion de la pÂche (SIGP) de 3 millions d'euros en vue d'ÂŽvaluer les stocks et de fournir des conseils techniques pour la conservation des ressources. D'aprÂs M. Reusing, l'idÂŽe consiste ˆ affermir le statu quo actuel des stocks et ˆ mettre au point un plan de gestion durable. A l'avenir, l'UE entend continuer ˆ amÂŽliorer les normes d'hygiÂne dans l'industrie et ˆ accro”tre le contr™le et l'inspection de la pÂche dans les sept pays d'Afrique de l'Ouest, y compris la Sierra Leone, afin d'enrayer la pÂche illicite. Mots-clés Debra Percival ; Sierra Leone ; agriculture ; commerce ; pêche."Nous ne parviendrons pas à réduire la pauvreté si nous ne changeons pas la situation financière des agriculteursÂŽ, déclarait le Président Ernest Bai Koroma lors de sa visite à Kenema, dans lÂest du pays, en mars de cette année. Les ressources naturelles renouvelables comme la sylviculture, lÂagriculture et la pêche représentent 50% du produit intérieur brut (PIB). 75% de la population tire sa subsistance de ce secteur. Le pays dépend fortement des importations pour des produits de première nécessité comme le riz. Lors de notre visite fin février 2008, nous avons constaté que les esprits sÂéchauffaient dans les rues de Freetown à la vue du prix élevé dÂun simple sac de riz, qui coûtait environ 80.000 leones* alors que son prix avait été de 50.000 leones au moment des élections en août 2007. Le Président Koroma a déclaré à Kenema que le principal responsable de la hausse des prix nÂétait pas le nouveau gouvernement mais la crise alimentaire internationale, qui a entraîné une interdiction des exportations de riz dans certaines régions. Le Président a dit que la crise a clairement mis en évidence la dépendance du pays par rapport aux importations et il a ajouté quÂil fallait accroître la production intérieure. Le gouvernement entend créer une agence pour le développement de la production, agence chargée dÂétudier lÂensemble du secteur agricole et de stimuler la production. Dans son bureau de Freetown, le Ministre de lÂAgriculture, le Dr Sam Sesay, a fait part au Courrier de son inquiétude par rapport au fait que le riz franchissait si facilement les frontières du pays. ÂNous ne satisfaisons que 60% de nos exigences en riz sur le plan national. Notre pays est depuis toujours un producteur de riz et il en exportait dans les années 1960. Notre gouvernement se préoccupe du fait quÂune grande partie de notre production de riz passe vers les pays voisins comme le Libéria et la Guinée, qui en profitent. Des études ont montré que la Sierra Leone offrait un avantage comparatif en matière de production de riz, tant sur le marché intérieur quÂau niveau de la concurrence internationaleÂŽ. Pour lui, lÂavenir se situe aussi parmi dÂautres cultures comme les piments rouges, les noix de cajou et la limonade au gingembre. Le problème, explique-t-il, cÂest que la limonade au gingembre nÂest pas produite correctement. ÂCÂest un domaine dans lequel des améliorations sensibles peuvent être apportées. Nous pouvons en faire une excellente boisson locale, qui peut être préparée quasiment partoutÂŽ. LÂagriculturePÂche artisanale, Alex's beach 2008. © Debra Percival ScÂne rurale, district de Bonthe, 2008.© Debra Percival Projet cacao du STABEX © DÂŽlÂŽgation de l'UE en Sierra Leone/Matthias Reusing LÂagriculture en ligne de mire à mesure que les prix du riz grimpentLorsqu'on voit des terres aussi luxuriantes et fertiles, on comprend que nombreux sont ceux qui estiment que l'agriculture prÂŽsente un potentiel ÂŽnorme en Sierra Leone. Comme dans de nombreux autres domaines de l'ÂŽconomie nationale, les conflits ont laissÂŽ des traces, et les fonds manquent. Et puis il y a les difficultÂŽs ˆ amener la population ˆ travailler la terre. L'agriculture est considÂŽrÂŽe par certains comme une punition plut™t que comme un moyen de gagner sa vie, explique le Ministre de l'Agriculture, le Dr Sam Sesay, dont la mission consiste ˆ stimuler la production et ˆ crÂŽer des emplois dans le secteur.
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dangereux des opérations dÂexplosion menées de manière inconsidérée par la société dÂextraction minière. Koidu Holdings a aussi subi des attaques cinglantes de la part dÂune coalition de groupes de la société civile et dÂONG, qui considèrent toujours que les activités de la société sont écologiquement irresponsables et qui lui reprochent en outre de nÂavoir mis en place aucune mesure de réparation des dégâts écologiques causés par ses opérations minières. Koidu Holdings nÂest dÂailleurs pas un cas isolé. DÂautre part, dans son combat contre la dégradation écologique, le gouvernement de la Sierra Leone et ses partenaires en matière de développement devront faire face aux activités locales individuelles, telles que lÂabattage dÂarbres pour lÂobtention de bois de chauffage, lÂextraction minière sauvage illégale dans les zones diamantifères et lÂexploitation forestière. Paradoxalement, toutes ces activités sont aussi des moyens de subsistance et de survie importants pour de nombreuses personnes de tous les milieux. Après une enquête approfondie, un grand quotidien national, Awoko, a publié un reportage détaillé sur de jeunes mineurs déchaînés dans le district oriental de Kono. Des photos très évocatrices montraient une terre épuisée par les mineurs désespérés, qui creusaient même sous les ponts et les maisons. Plus de 100.000 jeunes fouillent simplement le sol pour gagner leur pain quotidien. CÂest du moins leur point de vue. Un autre quotidien, For Di People, a publié un article bien documenté, citant les noms de politiciens haut placés qui aident et encouragent tacitement des compagnies étrangères dans leurs activités dÂabattage clandestines, malgré lÂinterdiction gouvernementale. Au niveau local, les accusations de ÂconspirationÂŽ visent à la fois les leaders locaux et les leaders traditionnels. * Journaliste sierra-léonais, Freetown www.RSPB.orgP P l l u u s s d d e e m m e e s s u u r r e e s s v v e e r r t t e e s s . . . . . . M atthias Reusing, chef du dÂŽveloppement rural de la dÂŽlÂŽgation de l'UE en Sierra Leone, explique que l'UE a affectÂŽ 1 million d'euros ˆ l'assistance technique pour renforcer la Commission nationale pour l'environnement et l'amÂŽnagement forestier (NACEF, National Commission for Environment and Forestry). Elle sera le point de convergence de toutes les ÂŽvaluations des politiques, lÂŽgislations et donnÂŽes ÂŽcologiques et intÂŽgrera les sujets ÂŽcologiques aux grands domaines politiques tels que l'exploitation miniÂre, la pÂche, l'eau, l'assainissement et la dÂŽcentralisation. Dans le cadre du Programme de la forÂt de Gola, le pays envisage aussi le commerce du carbone. Le MÂŽcanisme de dÂŽveloppement propre du Protocole de Kyoto offre une possibilitÂŽ. Il vise ˆ accorder des unitÂŽs de rÂŽduction certifiÂŽe des ÂŽmissions (URCE) aux pays en voie de dÂŽveloppement pour rÂŽduire les ÂŽmissions. M. Reusing explique que, si la Sierra Leone n'a pas signÂŽ le Protocole de Kyoto jusqu'ˆ prÂŽsent, elle pourrait cependant envisager des marchÂŽs volontaires du carbone pour vendre des activitÂŽs rÂŽduisant l'ÂŽmission de gaz ˆ effet de serre ˆ des entreprises ou individus souhaitant rÂŽduire leur empreinte carbonique. La Sierra Leone est aussi impliquÂŽe dans une ÂŽtude de la DG DÂŽveloppement dÂŽbutant au printemps 2008 et portant sur le commerce transfrontalier lÂŽgal et illÂŽgal de bois et de produits forestiers en Afrique occidentale. Le gouvernement s'est rÂŽcemment montrÂŽ intÂŽressÂŽ par un accord de partenariat volontaire dans le cadre de l'Application des rÂŽglementations forestiÂres, la gouvernance et les ÂŽchanges commerciaux (FLEGT, Forest Law Enforcement, Governance and Trade) de l'UE pour freiner l'abattage illÂŽgal*. D.P. * Les accords FLEGT sont des projets de rÂŽglementation volontaire avec des pays partenaires garantissant que seul le bois lÂŽgal provenant des pays partenaires pourra entrer dans l'Union europÂŽenne. Mots clés Gibril Foday-Musa ; Sierra Leone ; environnement ; exploitation forestière ; FLEGT; extraction minière.Les couleurs vives des guirlandes de drapeaux des Etats membres de lÂUnion européenne suspendus au plafond ornent la salle du British Council à Freetown. Ce 10 décembre 2007, quatre mois après son arrivée au pouvoir, le gouvernement du Président Ernest Bai Koroma sÂapprête à lancer un programme de préservation de la forêt de Gola. Ce projet protégera 75.000 hectares de forêt tropicale, qui accueille plusieurs mammifères rares, tels que lÂhippopotame pygmée, le chimpanzé, lÂéléphant de forêt et jusquÂà 14 espèces dÂoiseaux menacées dÂextinction, dont les étranges picathartes à cou blanc et la chouette-pêcheuse rousse. Comme moins de 40% des dignitaires publics invités assistent à lÂévénement, le Président Ernest Bai Koroma nÂa pas dÂautre choix que dÂexprimer sa grande déception et dÂavertir ses compatriotes de la Âmenace mondiale imminenteÂŽ qui pèse sur lÂhabitat naturel du pays. La Société royale pour la protection des oiseaux (RSPB, Royal Society for the Protection of Birds), dont le siège se situe au Royaume-Uni, a récemment alloué au Programme de préservation de la forêt de Gola une dotation de 3 millions dÂeuros étalée sur cinq ans. Elle permettra de gérer les zones préservées, de renforcer les capacités à tous les niveaux, de lancer des programmes de subsistance et dÂimplication de la population locale dans le planning de lÂaménagement forestier, de faire de la recherche, dÂévaluer la biodiversité et de promouvoir lÂéducation en matière dÂécologie et de faire de la sensibilisation. LÂobjectif est de protéger les réserves forestières de Gola pour préserver la biodiversité et développer les communautés locales en créant un nouveau modèle de gestion durable des ressources naturelles pour la Sierra Leone. Celui-ci sera mis en Âœuvre en partenariat avec la Conservation Society of Sierra Leone et la Commission nationale pour lÂenvironnement et la gestion forestière (NACEF, National Commission for Environment and Forestry). La RSPB sollicite à son tour lÂaide de donateurs pour créer un fonds de dotation de 10 millions dÂeuros, afin de générer le paiement dÂune rente annuelle permettant de faire tourner le projet de préservation de Gola dans le futur.> Gola prêt à devenir un parc national Le Président Ernest Koroma était ravi. Il a souligné le lien entre importance écologique, paix, stabilité et développement durable. Il a aussi affirmé son engagement en faveur de la transformation de la forêt de Gola en parc national. Koroma a terminé en appelant la nation à reconnaître lÂimpact désastreux des dangers écologiques. Le nouveau gouvernement du Congrès de tout le peuple (APC, All PeoplesÂCongress) est confronté à des défis énormes en matière de protection de lÂenvironnement. Les nombreuses années de guerre civile dans la sousrégion ont entraîné des migrations massives vers des territoires vierges, et ces colonies continuent de peser lourdement sur la biodiversité, la faune et la flore. Par manque de connaissances et dÂexpérience en matière de gestion des réfugiés, les gouvernements, ONG ou missions des Nations Unies (ONU) chargées de lÂinstallation de tant de nouvelles infrastructures pour les personnes fuyant le danger ont accordé peu dÂattention aux conséquences écologiques de ces migrations. La situation a encore été aggravée par le pillage impitoyable des ressources naturelles et les ravages à la biodiversité au cours de la période de guerre. Le souci de lÂordre démocratique et du respect de la loi ont incité les gouvernements de la région à essayer de contrôler et de réguler des activités telles que lÂexploitation forestière, lÂextraction minière et la chasse et à en interdire dÂautres. Le gouvernement du Président Koroma a interdit lÂexploitation forestière et lÂexportation de bois, par exemple. Pour combattre la dévastation, le gouvernement de la Sierra Leone a proposé une loi par le biais dÂun plan dÂaction national en collaboration avec la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification. Ce programme vise à identifier les symptômes, les causes et les effets de la dévastation, tant au niveau local que national. Le gouvernement a en outre suspendu les activités de la société dÂextraction de kimberlite Koidu Holdings récemment après le décès de deux personnes lors dÂune confrontation violente avec des jeunes du lieu. > Non-respect de lÂenvironnementLe conflit portait sur lÂallégation accusant la société dÂavoir exproprié des populations locales de leurs terres et sur lÂimpact écologiqueR R e e l l e e v v e e r r l l e e d d é é f f i iÉ É C C O O L L O O G G I I Q Q U U E E Par Gibril Foday-Musa* Bois de chauffe ˆ vendre au bord de la route 2008. © Debra Percival Des jeunes ˆ la recherche de diamants, Kaisambo, Kono 2008.© Awoko Carte du projet forestier de Gola.© Conservation International 40 N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008 R eportageSierra Leone R eportage Sierra Leone 41
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La Sierra Leone est recouverte de forêts dÂun vert intense, contrastant avec le rouge profond de ses terres, et qui abritent une faune et une flore abondantes. Une nature exubérante face à laquelle on se sent tout petit mais qui semble aussi vous envelopper. Le gouvernement a conscience que la mise en valeur des ressources naturelles du pays pourrait faire revenir les touristes (voir article sur l'environnement). Selon M. Hindolo Tyre, Ministre sierra-léonais du Tourisme qui occupe un petit bureau aménagé dans le stade des sports, ce secteur ne sera pas laissé de côté : ÂLe pays a toujours eu un ministère du Tourisme mais il a malheureusement toujours été négligé. Et de fait, pour plaisanter, on avait coutume de dire quÂun ministre se retrouvait muté au ministère du Tourisme lorsquÂil avait fait quelque chose de travers. Une punition ! Mais pour moi, occuper cette fonction n'est pas une punition, c'est un défi. Les SierraLéonais ne pourront vivre éternellement de l'exploitation minière uniquementÂŽ. La Sierra Leone se situe à seulement six heures de vol du continent européen, mais il y a beaucoup à faire pour maintenir la première impression que laisse le pays. Côté plages, la Sierra Leone n'a certes rien à envier à la Gambie et au Sénégal : des baies abritées comme celles de Sussex et de River 2 ou la grande plage de Lumley. Côté infrastructures par contre, le pays est moins bien loti que ses voisins. Les vols à destination de la Sierra Leone sont comparativement coûteux et, comme l'aéroport national de Lungi se trouve sur une péninsule, il faut impérativement prendre lÂhélicoptère pour rejoindre la capitale Freetown. Car au moment où nous écrivons ces lignes, il nÂexiste encore aucune liaison par bateau entre lÂaéroport et la capitale. > ÂLa journée du nettoyageÂŽ DÂautres aspects peuvent dissuader les touristes de se rendre dans le pays : une effroyable misère, très visible, une économie largement numéraire et des problèmes environnementaux comme les déchets Â… en plastique surtout Â… rejetés sur la plage de Lumley. Le gouvernement a ainsi fait du dernier samedi du mois la journée mensuelle du nettoyage de lÂenvironnement. Ce jour-là , les voitures ne circulent pas et les habitants restent chez eux pour nettoyer leur zone. ÂLe secteur du tourisme peut devenir une source importante de devises étrangères et créer de lÂemploi. Affirmer que notre pays est déchiré par la guerre est faux. En réalité, nous devons faire la promotion de la Sierra Leone, chez nous comme à lÂétrangerÂŽ, poursuit le Ministre en charge du Tourisme. Pour commencer, le Ministre souhaite faire imprimer une carte épinglant les lieux, les sites historiques et les vestiges qui valent le détour. Et dÂévoquer lui-même certains hauts lieux touristiques, comme Bumbuna, un site dÂune beauté exceptionnelle proposant dÂélégantes chambres dÂhôtes, et l'île de Tiwai, une remarquable réserve naturelle. DÂanciennes maisons de lÂépoque coloniale aux vérandas richement décorées donnent à la capitale un petit air rétro. Un point central de la capitale est son fameux cotonnier, un arbre immense déjà là à la fin du XVIIIe siècle et découvert par dÂanciens esclaves américains qui avaient été affranchis pour avoir combattu aux côtés des Anglais pendant la Guerre civile américaine, ceux-là mêmes qui baptisèrent leur nouvelle colonie Freetown. ÂUn volet de notre programme stratégique prévoit lÂexamen de notre législation et de nos réglementations par des conseillers juridiques même pendant des périodes limitées à trois mois. Ces personnes se pencheraient par exemple sur le plan directeur pour le développement du tourisme de 1982. La loi sur les monuments et les vestiges, quant à elle, date de 1957. Enfin, même certains de nos accords avec les hôtels ne sont pas de nature à promouvoir notre paysÂŽ, explique le Ministre Tyre. Selon lui, les investissements extérieurs sont essentiels, étant donné que les priorités domestiques sont lÂélectricité, la nourriture et lÂeau. ÂNotre pays est pour ainsi dire vierge de tout investissement, mais nous préconisons une toute autre approche. L'ingérence politique est l'une des faiblesses de l'ancien système. Nous voulons autant que possible dépolitiserÂŽ. D.P. Site internet : www.sierraleone.orgTOURISME : le RÉVEIL DU LION ? D'immenses ÂŽtendues de sable blanc, des criques intimes, des bars de plage, des barracudas tout frais pÂchÂŽs, et un sentiment de totale dÂŽcontraction : on est loin de l'ÂŽtiquette d'un pays dÂŽchirÂŽ par la guerre. Etiquette qui a collÂŽ ˆ la peau de ce pays pendant une dizaine d'annÂŽes et que son gouvernement entend bien ™ter une fois pour toutes ! Mots-clés Debra Percival ; Sierra Leone ; tourisme ; environnement ; patrimoine. L'enveloppe ÂAÂdu 10e FED a prévu un montant de 242 millions dÂeuros pour la Sierre Leone. Ce financement met lÂaccent sur la bonne gouvernance (37 millions dÂeuros), la réhabilitation des infrastructures prioritaires (95 millions dÂeuros) et le soutien budgétaire général (90 millions d'euros). Outre ces secteurs bénéficiant de fonds ciblés, dÂautres domaines se voient également accorder une aide financière : lÂagriculture (12 millions d'euros Â… voir lÂarticle sur lÂagriculture sierra-léonaise) ; le commerce, y compris des fonds pour soutenir un éventuel Accord de partenariat économique (3 millions dÂeuros) ; une facilité de coopération technique (2,5 millions dÂeuros) ; et une contribution aux projets régionaux (2 millions d'euros). Une enveloppe ÂBÂde 26,4 millions dÂeuros supplémentaires a également été accordée. Prévue initialement pour une durée de deux ans, elle pourra être renouvelée. Cette somme est destinée à couvrir des besoins imprévus comme lÂaide dÂurgence, à contribuer à lÂallégement de la dette décidé à lÂéchelon international et à compenser les effets négatifs de lÂinstabilité sur les recettes dÂexportation. Le financement du FED en faveur de la Sierra Leone a augmenté depuis 1975, avec la mise en Âœuvre du 4e FED. La guerre civile ayant interrompu la programmation, 100 millions d'euros provenant de fonds précédents sont encore mis à contribution. Entre 1999 et 2002, ECHO, le Service d'aide humanitaire de la Commission européenne, a dégagé 44 millions d'euros en faveur des victimes de la guerre ainsi que des SierraLéonais rentrant dans leur pays et des réfugiés libériens. La Sierra Leone est lÂun des rares pays ACPoù la stratégie dÂaide humanitaire de l'Union européenne est assurée en coordination avec celle dÂun autre Etat membre, le Royaume-Uni, par le biais du Département du développement international britannique (DFID). ÂIl existe une réelle complémentarité entre le DFID, qui met lÂaccent sur la santé et lÂassainissement, et lÂUE, qui se concentre sur les transports et lÂinfrastructureÂŽ, nous explique Richard Hogg, directeur du bureau du DFID en Sierra Leone. Les deux bailleurs de fonds fournissent également un soutien budgétaire. Au titre du 10e FED, 15 millions dÂeuros sont versés annuellement. Une somme qui équivaut à 29% du soutien budgétaire total assuré par les bailleurs de fonds ou encore à 5% des recettes gouvernementales. Les critères pour le décaissement des sommes allouées sont fixés avec la Banque africaine de développement, la Banque mondiale et le DFID. LÂun de ces critères est la bonne gestion des finances publiques. Sur les 95 millions dÂeuros affectés aux infrastructures au titre du 10e FED, 48 millions dÂeuros sont destinés aux routes secondaires, 15 millions dÂeuros au revêtement de la route de jonction Songo-Moyamba et 7 millions dÂeuros à la construction du pont de Magbele. Le tronçon routier de 86 km entre Rogbere, en Sierra Leone, et la Guinée, ainsi que les 168 kilomètres séparant Masiaka de Bo sont actuellement réhabilités grâce au financement du FED. LÂextension de la route jusquÂà Bo en direction du Liberia est considérée comme une priorité de financement, étant donné qu'elle favoriserait les échanges commerciaux du Liberia vers la Guinée (voir carte). Le chapitre budgétaire ÂinfrastructuresÂŽ prévoit également des fonds pour le secteur capital de l'énergie (12 millions d'euros), un plan directeur pour Freetown (8 millions d'euros) Â… y compris le développement de routes urbaines et de marchés Â… et le développement des transports fluviaux (2 millions dÂeuros), dont la construc tion dÂembarcadères sur les 380 km de voies intérieures. Un soutien en faveur du ministre des Transports est également prévu (3 millions d'euros). Comme lÂexplique Fransesca Varlese, gestionnaire de projet auprès de la délégation européenne de Freetown, sur les 37 millions dÂeuros alloués à la bonne gouvernance, 8 millions dÂeuros seront affectés à la poursuite du soutien électoral, dont 3,7 millions pour les élections locales prévues en juillet, et aux instances électorales, à savoir la Commission électorale nationale et la Commission d'enregistrement des partis politiques. Chiara Bellini, de la section ÂgouvernanceÂŽ de la délégation, ajoute que la réforme du service public (10 millions d'euros) et la décentralisation des services (9 millions d'euros) figurent aussi parmi les priorités. En outre, le bureau de lÂOrdonnateur national du FED, chargé de la coordination des projets de l'UE pour le compte du gouvernement, continue de bénéficier d'un financement (5 millions d'euros). Il en va de même pour la gestion environnementale (4 millions d'euros) et le renforcement de la société civile (1 million d'euros). D.P. Des fonds communautairesPOUR SOUTENIR LA STABILITÉLe financement accordÂŽ ˆ la Sierra Leone pour la pÂŽriode 2008-2013, au titre du 10eFonds europÂŽen de dÂŽveloppement (FED), privilÂŽgiera les projets qui visent ˆ soutenir la stabilitÂŽ et la bonne gouvernance et ˆ donner un coup de pouce ˆ l'ÂŽconomie. Mots-clés Debra Percival ; Sierra Leone; 10e FED ; infrastructure RÂŽnovation d'une route financÂŽe par le 9e FED, Masiaka-Bo 2008. © Debra Percival Longue ÂŽtendue sablonneuse, plage de Lumley 2008. © Debra Percival 42 N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008 R eportageOcchiello R eportage Sierra Leone 43
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province de Byzance et le restera pendant près de neuf siècles, malgré des raids arabes successifs. Ce qui contribuera à lÂimprégner fortement de la culture de cet Empire romain dÂOrient. Ala fin du cinquième siècle, LÂéglise orthodoxe de Chypre deviendra autocéphale, disposant donc du droit de choisir son chef. Richard 1er (CÂœur de Lion) sÂemparera de lÂîle à la fin du douzième siècle et la cédera aux Templiers dont le règne rétrograde et dictatorial sera suivi de la domination vénitienne en 1489 puis de lÂoccupation ottomane en 1570. Celle-ci va durer jusquÂà la cession en 1878 de Chypre, toujours théoriquement partie de lÂEmpire ottoman, à lÂadministration britannique en 1878 en échange dÂune protection contre la menace russe. > Une des tragédies de lÂhistoire du XXe siècle En 1914, en représailles à lÂalignement de la Turquie sur lÂAllemagne, la Grande Bretagne annexa Chypre qui deviendra officiellement colonie britannique en 1925. LÂannexion était relativement bien acceptée car les partisans de lÂ"enosis" (le rattachement à la Grèce), le gros de la population, y voyaient une occasion propice. Elle a déchanté. SÂensuivirent des insurrections vite mâtées. Après la Seconde Guerre mondiale, non plus, la récompense nÂest pas arrivée pour les Chypriotes grecs enrôlés en masse (60.000 personnes) aux côtés des troupes anglaises. En 1955, ils sont entrés dans la lutte armée. Grâce à lÂintervention américaine, les leaders grec et turque sont parvenus en 1959 à un accord sur les conditions dÂindépendance de Chypre excluant toute union avec la Grèce et toute partition du pays. Un droit de veto a été prévu pour la minorité chypriote turque (environ 20% de la population) quant à certaines questions sensibles, tout comme une participation de 30% dans la fonction publique. Un accord définitif est intervenu entre les deux parties et la Grande Bretagne, garantissant entre autres à cette dernière le maintien de ses bases militaires. Chypre est devenue indépendante le 16 août 1960, avec à sa tête lÂarchevêque Makarios, lÂun des grands leaders tiersmondistes et non alignés.> La partition Les plus résolus des deux communautés étaient insatisfaits des accords pour lÂindépendance et des heurts successifs ont conduit à lÂenvoi en 1964 par le Conseil de Sécurité de lÂONU dÂune force de maintien de la paix. La partition du pays était déjà entamée car les ministres chypriotes turcs avaient démissionné du gouvernement et leurs congénères déménageaient de plus en plus vers la partie nord de lÂîle. La junte militaire qui sÂest emparée du pouvoir en Grèce en 1967 a fomenté un coup dÂEtat contre le président Makarios. En réponse à cette provocation, et en lÂabsence de toute réaction de la troisième puissance garante de lÂindépendance de Chypre, la Grande Bretagne, la Turquie en a profité pour dépêcher son armée le 20 juillet 1974. En peu de temps, elle occupe près de 35 % du territoire, soit la partie la plus développée à lÂépoque dont le potentiel économique était estimé à 70%. Et une nouvelle ligne de démarcation sÂest tracée déchirant la ville de Nicosie en son cÂœur. Actuellement, cÂest la seule capitale divisée au monde. Environ 140.000 Chypriotes grecs, le quart de la population du pays, ont dû abandonner leurs habitations pour fuir vers la partie sud. On compte par ailleurs 1500 disparus. Les Chypriotes grecs et les Maronites ne sont plus que quelques centaines dans la partie nord. > LÂespoir renaît Il aura fallu à peine vingt ans à la population de la République de Chypre pour reconstruire son économie et retrouver toutes ses splendeurs. De sorte que Chypre a pu répondre aux critères pour accéder à lÂUE. Dans les instances européennes, cette adhésion impliquait une réunification préalable dans le cadre du plan de lÂONU connu sous le nom de Plan Annan qui devait être adopté par référendum simultanément dans les deux parties de lÂîle. Alors que dans la Âpartie occupéeÂŽ, il a recueilli 65% des votes, il a été rejeté par 76% des Chypriotes grecs, ce qui a fermé la porte de lÂEurope à la partie nord du pays. Une douche froide dans les instances européennes et des ressentiments chez les Chypriotes turques. La réalité est beaucoup plus complexe. Contrairement à des procès dÂintention, les Chypriotes grecs ne semblaient pas vouloir se venger mais ils considéraient simplement le Plan Annan comme déséquilibré, avec trop de contraintes pour eux et trop de prérogatives aux Chypriotes turcs sinon à la Turquie. LÂélection à la présidence le 24 février dernier de Demetris Christofias, le candidat d'AKEL (le parti communiste de Chypre), montre clairement que les Chypriotes grecs ne souhaitaient pas la prolongation de la discorde. Les corrections demandées par Christofias au plan Annan lui ont valu le soutien du perdant principal de ces élections, lÂancien chef dÂEtat, Papadopoulos dont lÂélimination dès le premier tour malgré ses réussites sur le plan économique et social, est une indication supplémentaire quÂune grande partie des électeurs considérait que son jusquÂau-boutisme contre le plan Annan ne bénéficiait pas d'une large approbation. Le dialogue a repris dès le lendemain de lÂélection de Demetris Christofias qui a entamé les négociations avec Mehmet Ali Talat, le Président de la République turque de Chypre du Nord (Etat non reconnu par la communauté internationale). Le premier symbole de ce dégel est lÂouverture dans la ligne de démarcation dÂun passage, celui de la rue Ledra. Ledra était le premier nom de Chypre. H.G . L' histoire de Chypre est vieille, avec des traces de vie humaine remontant au IXe millénaire av. J.-C. Six mille ans plus tard, les populations qui y vivaient avaient évolué jusquÂà dominer les techniques du cuivre. Le pays a dÂailleurs donné son nom latin (cuprum) à ce métal. Mais lÂancrage de Chypre va sÂopérer avec lÂarrivée vers 1200 av. J.-C. des Grecs mycéniens apportant langue, culture et technique. Avec des hauts et des bas, la culture grecque va rester dominante dans lÂîle. Devenue vite un haut lieu de la culture grecque, Chypre a eu lÂart de métisser lÂhéritage de lÂalma-mater avec de lÂhumus de tant dÂautres cultures, toutes encore présentes dans le creuset que constitue ce pays. Un autre apport important va être celui des Phéniciens venus au neuvième siècle avant notre ère chassés de leur terre, lÂactuel Liban par les Assyriens. Avec eux, ce sera une nouvelle florescence de la culture notamment avec lÂexcellence de la céramique et de la bijouterie fine toujours prisées à Chypre. Nombre de conquérants se défileront, les Assyriens au huitième siècle avant J.C., les Egyptiens au sixième. Les Perses arrivés en 525 avant J.-C. vont tenir le pays dÂune main de fer. Et ceci jusquÂà la victoire dÂAlexandre le Grand en 333 avant J.-C. qui fit entrer Chypre officiellement dans son époque hellénistique et ce jusquÂen lÂan 30 avant J.-C. où commence la période romaine achevée en 330 après J.-C. Le pays devient alors C'est probablement sa longue histoire de point de rencontre et de mÂŽtissage culturel qui a donnÂŽ ˆ la population de Chypre son dynamisme et ses charmes dont une hospitalitÂŽ touchante et surtout un esprit du dialogue rare dans un pays souffrant de l'occupation d'une partie de son territoire. Les derniÂres ÂŽvolutions politiques prÂŽsument peut-Âtre la fin de cette tragÂŽdie. CHYPREetMALTE CHYPRE. Histoire de rencontres et de métissageExceptionnellement, le Courrier fait dÂŽcouvrir dans ce numÂŽro deux pays de l'Union EuropÂŽenne, Chypre et Malte. Les deux ont accÂŽdÂŽ en mÂme temps ˆ l'euro, le 1er janvier de cette annÂŽe. Aussi, parce que Malte et Chypre prÂŽsentent de nombreuses similitudes, ˆ commencer par leur ÂŽconomie de petite taille mais ouverte, rayonnante et saine, ce qui leur a justement permis de rÂŽpondre dans un court dÂŽlai aux critÂres dits de convergence exigÂŽs par l'Union europÂŽenne, relatifs notamment ˆ la croissance, au taux d'inflation et au dÂŽficit public. Les deux pays avaient adhÂŽrÂŽ au "MÂŽcanisme du Taux de Change" europÂŽen le 2 mai 2005. Et le16 mai 2007, la Commission EuropÂŽenne et la Banque centrale europÂŽenne leur donnaient dÂŽjˆ le feu vert pour l'Euro-zone, formalisÂŽ par le Conseil le 11 juillet. Tous les deux disposaient avant d'une monnaie forte et stable, respectivement les livres chypriote (1 = Lc0,5853) et maltaise (1 = Lm0,4293). Chypre et Malte sont aussi de vieux pays europÂŽens, ˆ la lisiÂre du continent et ayant eu une longue histoire de permÂŽabilitÂŽ ˆ d'autres espaces et d'autres cultures d'Afrique et de l'Orient. Mots-clésHegel Goutier; Chypre histoire ; Grèce ; Turquie ; Demetris Christofias ; Ledra.Maison abandonnÂŽe ˆ proximitÂŽ de la zone de dÂŽmarcation, Nicosie 2008. © Hegel Goutier N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008 D ÂŽcouvrir l'Europe Chypre45 44 D écouvrir lÂ’Europe Reportage de Hegel Goutier
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46 N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008 D ÂŽcouvrir l'EuropeChypre D ÂŽcouvrir l'Europe Chypre Avant 1974, le Nord du pays concentrait près des trois quarts de lÂéconomie. LÂoccupation avait jeté sur les routes quarante pour cent de la population qui sÂétaient retrouvés dans des camps de fortune. CÂétait un collapsus total de lÂéconomie. Mais il nÂaura fallu que quinze ans à Chypre pour la reconstruire. Pour Marios Tsiakkis, directeur du Département Industrie, de la Chambre de commerce et dÂindustrie de Chypre cÂest la détermination de toutes les couches sociales de la population qui était à la base du Âmiracle chyprioteÂŽ. Il raconte avec émotion comment les syndicats avaient spontanément réclamé une baisse des salaires en tant que leur apport à la reconstruction. Vers 1990, la partie était déjà gagnée. Actuellement considère M. Tsiakkis, Chypre fait face à un autre défi, celui de la compétitivité, dans le cadre de lÂEurope dÂune part et avec des tiers comme la Chine et les autres pays asiatiques dÂautre part. Actuellement lÂagriculture représente 3,5 % de lÂéconomie, les industries manufacturières 10% et les services 74%. ÂNous devons évoluer encore plus vers une économie industrielle basée sur les connaissances avec hautes valeurs ajoutées. Nous encourageons les entreprises chypriotes a investir dans des projets de recherche et développement et lÂinnovation. La Chambre de Commerce collabore avec lÂUniversité publique de Chypre. Elle se donne pour tâche dÂêtre un catalyseur entre lÂuniversité et les affairesÂŽ. Sur les 74% de lÂéconomie que couvre le secteur des services, le tourisme en représente 20 %. Les autres branches importantes sont les services financiers, le shipping, la construction qui connaît actuellement un boom, et également les services de comptabilité et dÂaudit auxquels ont recours nombre de grandes compagnies internationales. Le bas niveau des taxes sur les gains des sociétés (10%) constitue un facteur dÂattraction. A ajouter au fait que Chypre a conclu des accords avec une quarantaine de pays dans le monde permettant dÂéviter la double taxation. Et last but not least, les salaires à Chypre sont moins élevés que dans la plupart des autres pays de lÂUnion (environ 84% de la moyenne UE). Le bon état des infrastructures routières et des moyens de communication, lÂutilisation usuelle de la langue anglaise, le haut niveau des systèmes éducatif et de santé et le bon climat social parfont la réputation du pays auprès des investisseurs étrangers. Sans compter, insiste Tsiakkis, la sécurité, le climat agréable et la beauté du pays. LÂattrait de Chypre sur les investisseurs et résidents étrangers est manifeste à travers le boom de lÂimmobilier. Cela explique que dans le monde des affaires déjà largement partisan de la réunification, les entrepreneurs de la construction sont encore plus résolus. Ils anticipent déjà les milliards dÂeuros qui se déverseront après la réunification pour reconstruire le Nord du pays. H.G . MIRACLEéconomiqueL'une des surprises de Chypre est son haut niveau de dÂŽveloppement ÂŽconomique. Tout est ˆ neuf. Nicosie est ÂŽtincelante. Ses quartiers commerciaux peuvent rivaliser en dimension et en luxe avec ceux des villes les plus riches. Ils regorgent de diamantaires, de boutiques de luxe, de banques, de cabinets de grosses entreprises. La partie sud de Nicosie bien sžr. Le Nord en zone occupÂŽe ne manque pas de charmes mais il sent souvent l'abandon. Emmanuela Lambrianides, coordinatrice, ÂPlanning BureauÂ, ministère des Affaires étrangères*>Phase initiale : soustraitance de la mise en Âœuvre des projets En 2007, 0,12% du PIB de Chypre était consacré à la politique de développement. Conformément aux engagements pris au sein du Conseil européen, lÂobjectif est de faire passer ce chiffre à 0,17% à lÂhorizon 2010. Notre stratégie consiste à déléguer la mise en Âœuvre de notre coopération à dÂautres Etats membres de lÂUE. Une telle approche est due au fait que nous manquons dÂexperts locaux, mais est également liée à une question dÂefficacité Â… pourquoi investir d'importantes sommes pour mettre en place une grande administration qui fournira l'aide alors que nous avons la chance de pouvoir utiliser des forces déjà existantes. Nos principaux partenaires sont le Lesotho et le Mali dans les pays ACPainsi que quatre pays dÂAfrique du Nord et du Moyen-Orient situés non loin du nôtre**. Dix autres récipiendaires bénéficient dÂune aide moins importante.>Deuxième phase : démarrage de CyprusAidNous nous concentrons principalement sur la santé et lÂéducation. Nous disposons dÂavantages comparatifs dans ces domaines et voulons utiliser nos compétences. Nous avons créé des cours spécialisés dans lÂagriculture. Le programme est court (environ six semaines) et porte sur la recherche. Au terme de la première phase, nous pouvons assurer la gestion, mais nous avons également recours à des ONG. AlÂheure actuelle, nous collaborons avec elles afin de pouvoir anticiper nos actions post2010, lorsque la stratégie à moyen terme (2007-2010) arrivera à son terme. Nous avons également mis en place le mécanisme décisionnel permettant lÂétablissement de CyprusAid, qui favorise des liens plus étroits avec les pays bénéficiaires et développe ceux que nous entretenons avec nos ONG. Nous travaillons également dans les domaines de la navigation et des banques car nous avons reçu des demandes de formation à long terme. La planification économique est un autre sujet. Nous bénéficions dÂune certaine expérience dans ce domaine car lÂéconomie chypriote a été complètement démantelée. Le pays a dû énormément planifier et à ce titre, le Bureau a joué un rôle essentiel. Il a élaboré un plan quinquennal et a partagé ses connaissances avec le secteur privé. En seulement 15 ans, nous avons remis lÂéconomie du pays sur pied, ce dont le Bureau du plan sÂenorgueillit.Georges Virides, directeur en charge de la coopération au développement et de lÂaide humanitaire, ministère des Affaires étrangères*>Bénéficiaires ACPNous nous sommes impliqués dans trois projets, notamment au Lesotho où nous avons participé à la construction d'un pensionnat de filles dans le district de Mokhotlong. Chaque jour, les jeunes filles résidant dans les environs devaient marcher huit kilomètres pour se rendre à lÂécole et risquaient dÂêtre victimes dÂattaques à main armée. Le projet a été lancé en partenariat avec Irish Aid et mis en Âœuvre par le ministère de l'Education du Lesotho sur base d'un accord entre l'Irlande et le Lesotho. Au total, le projet a coûté 350.000 euros. Au Mali, nous avons mené à bien un projet sur la gestion durable des déchets dans la ville de Sikasso en partenariat avec les gouvernements belge et malien. CÂest lÂagence Coopération technique belge qui sÂest chargée de la mise en Âœuvre. La ville de Sikasso devait faire face à dÂimportants problèmes de santé publique en raison dÂune production croissante de déchets de tous types, principalement industriels. La contribution totale sÂest élevée à 151 000 euros et les équipements ont été livrés fin 2006. Actuellement, nous participons à un autre projet impliquant le gouvernement malien. Cette fois, nous allons construire quatre petits ponts qui offriront un accès à des villages lorsque leurs habitants seront isolés à cause des pluies. H.G . * Sur base d'entretiens rÂŽalisÂŽs par Hegel Goutier. ** L'Egypte, le YÂŽmen, le Liban et les territoires palestiniens autonomes.LEÂPLANNING BUREAU ,architecte du miracle économique au service du développement Afin de mettre sur les rails sa politique de dÂŽveloppement, Chypre a mobilisÂŽ tant le dÂŽpartement dÂŽveloppement de son ministÂre des Affaires ÂŽtrangÂres que le ÔPlanning Bureau' du gouvernement dont la mission a consistÂŽ ˆ redresser l'ÂŽconomie nationale au lendemain de l'invasion de l'”le par les Turcs. Mots-clés Hegel Goutier; Emmanuela Lambrianides ; Georges Virides ; développement ; politique ; ong. Mots-clés Hegel Goutier; Chypre ; économie ; Marios Tsiakkis ; investissements. Port de Paphos 2008. © Hegel Goutier Le quartier des affaires en plein essor, ˆ Nicosie, avec la zone occupÂŽe en arriÂrefond 2008. © Hegel Goutier Le chauffage solaire, symbole d'une ÂŽconomie dÂŽveloppÂŽe, est omniprÂŽsent 2008 © Hegel Goutier Emmanuela Lambrianides, Bureau de la planification, ministÂre des Affaires ÂŽtrangÂres 2008.© Hegel Goutier MinistÂre des Affaires ÂŽtrangÂres, Nicosie 2008.© Hegel Goutier 47
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Que diriez-vous pour inciter quelquÂun à venir à Nicosie ? SÂil sÂagit dÂune discussion dÂaffaires, je lui dirais que Chypre a toujours été un centre de services et que nous n'avons pas attendu l'adhésion à l'UE pour devenir un centre d'affaires. Notre industrie a également le vent en poupe. Suite à lÂadhésion, nous avons comme atout le plus faible taux d'impôt sur les sociétés dans l'Union européenne. Raison pour laquelle de nombreux citoyens dÂEurope et d'ailleurs envisagent de s'y installer. La majorité des activités commerciales ont lieu ici, à Nicosie. Les gens savent en général peu de choses sur Nicosie. Nicosia est la traduction anglaise de Lefkosia, qui signifie Âville blancheÂŽ. Lefko veut dire blanc. En slave, Bel veut aussi dire blanc. Belgrade est donc aussi la Âville blancheÂŽ. Mais pourquoi Lefkosia ? En raison du bleu du ciel tranchant avec le blanc des maisons et des immeubles. Mais Nicosie a bien plus à offrir quÂun temps radieux tout au long de lÂannée : ses monuments historiques valent aussi le détour. Et vu la petite superficie de lÂîle, on se déplace facilement d'un bout à l'autre du pays. LÂhistoire de Chypre remonte à lÂâge de la pierre. Le touriste peut visiter des sites construits par les hommes préhistoriques, ainsi que des monuments historiques témoignant de lÂévolution de la civilisation au Moyen-Orient Â… les Phéniciens, les Egyptiens et les Babyloniens. Le pays présente ainsi un réel intérêt du point de vue archéologique et Nicosie abrite dÂailleurs un musée très intéressant pour toute personne souhaitant en savoir plus sur l'histoire de Chypre, mais aussi de toute la région. Malgré une majorité de chrétiens, lÂîle compte de nombreux citoyens musulmans et mosquées et églises coexistent. Les remparts médiévaux qui encerclent la ville remontent à lÂépoque de la Chypre italienne, plus précisément de la domination vénitienne. Ils sont illuminés dès la tombée du jour. LÂarchitecture britannique, également présente sur lÂîle, date de lÂépoque de son occupation. Rares sont ceux qui savent que lÂhistoire du grand classique de Shakespeare, Othello, se déroule à Chypre. Son héros se maria à Famagouste. Les visiteurs pourront également admirer les superbes paysages aux alentours de la capitale. Les montagnes sont toute proches. Malgré le climat méditerranéen, les montagnes sont enneigées cinq à six mois par an. A45 minutes de route de Nicosie, vous vous retrouvez dans un paysage couvert de plus d'un demi-mètre de neige. Dans quelle mesure Nicosie a-t-elle souffert de la partition ? Le plus étrange, et le plus triste pour Nicosie, cÂest qu'elle est elle-même coupée en deux. Comme vous le savez, la Turquie a envahi lÂîle en 1974, sÂemparant de la moitié du pays. La ligne de démarcation traverse le cÂœur de la ville, qui s'est retrouvée coupée en deux. Nicosie est aujourd'hui la seule ville du monde dans ce cas. Jérusalem est divisée en secteurs, mais il nÂy a pas de séparation physique, comme cÂest le cas chez nous. CÂest très perceptible ici. Lorsque vous vous promenez en rue, notamment dans la vieille ville, vous rencontrez tôt ou tard un mur. Il y a aussi des rues tout à fait désertes, très différentes des rues animées situées quelques mètres plus loin. Notre mairie sÂefforce dÂinciter les habitants qui vivent près de la ligne de démarcation à s'installer dans ces maisons abandonnées. L'objectif est d'atténuer les problèmes liés à la désertion des quartiers proches de la ligne. La municipalité acquiert dÂoffice ces maisons abandonnées et offre une compensation à leurs propriétaires. Nous invitons ensuite les anciens propriétaires à venir sÂy installer moyennant un loyer très intéressant. SÂils refusent, le bien sera loué à toute autre personne intéressée. Comme les logements qui ont été rénovés ne nous permettent pas de faire face à la demande, nous imposons aux locataires potentiels des critères d'éligibilité. Ce sont donc généralement des familles à revenus modestes qui sont retenues. Comment lÂinvasion turque a-t-elle changé lÂâme de la ville ? LÂinvasion turque a contraint de nombreux habitants à quitter leur maison située au nord. Après 1974, la périphérie de Nicosie a changé de physionomie, avec la construction de nombreux nouveaux immeubles, dont certains ne sont pas de la meilleure qualité. La ville s'est étendue. Nous avons fait beaucoup d'efforts pour démolir une partie des murs en vue d'une meilleure accessibilité, mais l'armée turque tient à rester ici, proclamant avoir des droits sur les Chypriotes turcs. Ils conservent dès lors leurs quartiers militaires au cÂœur même de la capitale. En tant qu'autorité locale, nous rêvons d'une réunification de la ville ! H.G . >Neshe YasinPOƒTESSE, TURQUECHYPRIOTE* La question de lÂidentité chypriote est une source de confusion. Il existe des définitions verticales et horizontales. Il existe des religions : chrétienne et musulmane. Et il existe enfin des nationalités : turque et grecque. Les Britanniques ont demandé aux gens de se définir. Certains de ceux quÂon appelle les Turcs chypriotes provenaient dÂAfrique noire, dÂautres étaient probablement des rebelles turkmènes qui avaient été amenés dans nos contrées et qui avaient adopté la religion musulmane. Dans ce pays, vous pouvez dire que vous êtes Turc, Turc chypriote, Chypriote, Grec et Grec chypriote. La façon dont une personne se définit dépend de lÂidée quÂelle se fait de lÂavenir politique. Un Grec sera probablement perçu comme une personne de droite. Si vous dites être chypriote, les chances que vous penchiez à gauche seront grandes. Les Grecs chypriotes et les Turcs chypriotes sont entre les deux. Mais quelle est la part dÂidentité chypriote, grecque ou turque dans tout cela ? LÂidentité chypriote, cÂest également un engagement envers un projet géographique dÂunité, ou contre celui-ci. Comme toute île, Chypre a pour seule frontière la mer. Et il nÂexiste pas un Chypriote que la forme du pays dérange. Ses contours se déclinent en pinÂs et en bijoux. LÂendroit où nous avons vécu ne quitte pas notre mémoire, mais bon nombre dÂentre nous ont vu leur mémoire effacée de force. Etre doté dÂune identité, cÂest toujours attendre quelque chose. Je suis une poétesse. Certains poètes sont en quête dÂhybridité et je considère que le Chypriote est un être hybride. Il en va de même pour les langues. Parfois, ce sont même les mots que l'on partage. Des mots italiens se retrouvent dans toutes nos langues, mais également dans les esprits et les caractères. Nous partageons une mémoire commune. Et nos manières de penser sont assez semblables, tout comme la structure familiale, la manière de parler, lÂexcitation. Dans les villages, la survie dépend de lÂentraide. Par exemple, lors des jours fériés turcs, on avait lÂhabitude d'offrir un animal à un Grec chypriote pour quÂil sÂen occupe et vice versa. Ce genre de pratiques nÂa plus cours en raison dÂun conflit portant sur la nationalitéƒ>Giorgos MoleskisPOéTE, GRECCHYPRIOTE* Il y a tant dÂidentités à Chypre. Il existe plusieurs religions : grecque orthodoxe, musulmane, maronite, chrétienne arménienne et catholique romaine. DÂun point de vue linguistique, lÂensemble des chrétiens a été assimilé à la langue grecque. Les catholiques romains sont associés aux maronites du Liban. Les maronites parlent grec mais ont également conservé leur dialecte maronite, parlé dans certains villages chypriotes. Cette langue est mélangée à des mots provenant du grec, de turc et de l'arabe. Mon épouse est née à Erevan, en Arménie. Les Arméniens ont une publication en arménien et en anglais. Depuis 1996, tout citoyen a dû spécifier sa religion. La perception dÂun Grec chypriote ou dÂun Turc chypriote importe peu. Qui utilise une langue, utilise une culture. La culture grecque dÂune part et la culture turque de lÂautre. Mais nous écrivons tous la même histoire. Pendant des siècles, Grecs chypriotes et Turcs chypriotes ont vécu dans le même village. Un berger prenait soin de leurs troupeaux. Ils partageaient tout, des terres au berger. Etudiant, je me rappelle avoir rendu visite aux parents dÂun ami. Grecs et Turcs cohabitaient et partageaient tout : la terre et le bétail, ils jouaient dans le même quartier. La musique, les danses folkloriques et la nourriture étaient les mêmes. La même amitié, la même hospitalité, la même façon de cultiver la terre. Tout était pareil. La langue, la culture et la tradition sont autant dÂéléments qui forment lÂidentité. Mais la vie au quotidien en est un autre. H.G . * Sur base d'entretiens rÂŽalisÂŽs par Hegel GoutierIdentitésCHYPRIOTESSTELIOS IERONIMIDISAdjoint au maire de NicosieInterview rÂŽalisÂŽe par Hegel Goutier Mots-clés Hegel Goutier; Stelios Ieronimidis ; Nicosie ; Famagouste ; Chypre. Mots-clés Hegel Goutier; Giorgios Moleskis ; Grèc chypriote ; Turc chypriote. Livres de Neshe Yasin, poÂte chypriote turc, et d'autres ÂŽcrivains chypriotes 2008.© Hegel Goutier © Hegel Goutier 48 N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008 D ÂŽcouvrir l'Europe Chypre D ÂŽcouvrir l'Europe Chypre 49
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Nicosie recèle des patrimoines inestimables comme le Musée dÂart byzantin, unique. Nombre dÂassociations et de fondations culturelles comme la Symphony Orchestra Fondation vulgarise avec un certain succès la culture. La partie nord de Nicosie nÂest pas en reste, Parmi ses chefs-dÂÂœuvre, la cathédrale Sainte-Sophie transformée en mosquée. Théâtres, salles de concert, cinéma et festivals internationaux dÂart et de culture dans toutes les disciplines font de lÂîle un trésor pour les amateurs dÂart et les visiteurs. H.G . Deux millions et demi de touristes visitent Chypre chaque année. LÂîle semble pouvoir sÂaccommoder à lÂétat dÂâme de chacun. Le silence et la sérénité des sites archéologiques pour les uns, les belles plages ou les sommets enneigés pour dÂautres, les beaux musées et autres lieux de culture pour la délectation des amateurs dÂart et les lieux dÂamusement pour les fêtards. Et tout à moins dÂune heure dÂune atmosphère à une autre. En outre, lÂîle offre le parfait dépaysement, ayant mâtiné son héritage grec de tant dÂinfluences orientales et même africaines. DÂailleurs, tous les prestigieux sites archéologiques sont romains et non grecs. Sa peinture est byzantine, son artisanat vénitien. Chypre est vraiment chypriote. Et cÂest sa plus belle qualité. Christina Mita, guide touristique professionnelle, résume ainsi son pays : ÂLa danse, la musique, le dialecte sont différents de la Grèce. LÂinfluence grecque empêche à Chypre dÂêtre orientale et lÂOrient très présent lÂempêche dÂêtre grecque à cent pour centÂŽ. Depuis la fermeture de lÂaéroport de Nicosie suite à lÂoccupation, Larnaca, charmante ville côtière du Sud-est, est devenue la porte dÂentrée principale du pays. Elle affiche son charme désuet, surtout celui de lÂancien quartier turc, et lÂambiance romantique et pittoresque des promenades dÂamoureux du bord de mer dès la nuit tombée. Certains villages comme Pyrga et Kiti sont, par la décoration intérieure de leurs églises et chapelles, de superbes témoignages du passage des rois Francs. Au nord de Larnaca, sÂexcitait dans le temps la joyeuse Famagouste. Seule une petite partie de sa banlieue sud est sous le contrôle de la République de Chypre. Elle est aujourdÂhui la belle au bois dormant, vidée de tous ses habitants, gardée comme éventuel terme de lÂéchange pour une hypothétique reconnaissance de lÂEtat du Nord par la République de Chypre. Sur la côte sud, se trouve, Limassol, le pôle important du tourisme de plage avec ses night-clubs et le vacarme des cités balnéaires. Mais à sa porte, cÂest la sérénité du site archéologique de la cité gréco-romaine de Kourion convoitée longtemps par lÂEgypte (Ramsès III) et qui sera assyrienne, puis perse. Son théâtre avec la mer en arrière-scène, abrite un grand festival dÂart. Et des experts continuent à dégager des pans entiers de la cité romaine. Entre Limassol et Paphos sur la côte plus à lÂouest, presque à lÂentrée de cette ville la plus branchée de Chypre, lÂimaginaire se réveille à Pétra tou Romiou, là où la déesse de lÂamour, Aphrodite émergea de lÂécume (aphros) de la mer. Si vous avez le moindre doute sur la réalité du mythe, le rocher esquissant son profil qui a aussi surgi de lÂeau en même temps quÂelle, est toujours bien présent. Plus au nord, à lÂintérieur des terres, un autre monde, cÂest le calme des monastères des hautes montagnes de Troodos prisées aussi par les amateurs de ski. >Lieu de culture check points Sites archéologiques, monastères, partout, lÂhistoire est présente. Elle est encore plus prégnante dans la capitale Nicosie, Lefkosia en grec, Lefko_a en turc. Nicosie est probablement la plus détendue des villes divisées de lÂhistoire. Même en sÂapprochant de la ligne de démarcation, nulle tension ne se sent. Un symbole émouvant : sur la ligne de démarcation entre le check point de la République de Chypre et celui de la partie nord, sont installées des forces de lÂUNFICYP dans le Ledra Palace. Une ou deux fois par semaine, un chÂœur y tient ses répétitions, le ÂBi-communal choirÂŽ composé de Chypriotes grecs et turcs, chaque membre devant passer le point de contrôle pour venir aux répétitions. Les deux chefs de chÂœur, un de chacune des communautés, sÂexpriment plutôt en anglais. Le chÂœur a été créé dès lÂouverture du premier point de passage en avril 2003. Il donne des concerts au Nord comme au Sud. Les chants sont ceux des deux communautés, parfois le même chanté dans les deux langues, comme cette vieille rengaine turque adoptée aussi par les Grecs, Niksarin Fidanlari. Mme Lenia Melanidou et Costis Kyranides, les deux chefs, nous ont raconté la longue histoire du chÂœur, seule association bicommunautaire à avoir tenu si longtemps, à travers découragements et vicissitudes. BEAUTÉ ET CHARME DEtrois continentsLa culture a-t-elle vaincu les check points ? Mots-clés Hegel Goutier; Chypre ; tourisme ; culture ; Nicosie ; byzantin ; Larnaca ; Aphrodite.A droite Le Rocher d'Aphrodite. © ECCi-dessousNo border Underwear, magasin ˆ proximitÂŽ de la ligne de dÂŽmarcation 2008.© Hegel Goutier Par-delˆ les points de contr™le. En bas ˆ gauche : Port de Paphos 2008.© Hegel Goutier En bas ˆ droite : Maison de Dionysos, Paphos 2008. © Hegel Goutier 50 N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008 D ÂŽcouvrir l'EuropeChypre D ÂŽcouvrir l'Europe Chypre 51
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>L'Ordre s'installeAu début du XVIe siècle, les troupes ottomanes de Soliman le Magnifique conquièrent l'île grecque de Rhodes et menacent la Sicile alors dans le royaume de Charles Quint. Celui-ci fait d'abord appel aux chevaliers de l'ordre hospitalier de Saint-Jean-de-Jérusalem pour barrer l'offensive musulmane à Malte qui en a déjà subi quelques raids d'envergure ; et finit par leur céder l'île en 1530. Au départ, les chevaliers de l'ordre ne voyaient pas grand intérêt à s'installer sur cette terre aride dont la population, réduite depuis longtemps, n'était plus constituée que de la vieille noblesse de Mdina, descendante des Normands de Sicile. Après avoir perdu Tripoli, l'ordre gagne la bataille de Malte contre les Turcs en 1565. Avec cette victoire, les chrétiens achèvent la reconquête de la Méditerranée européenne. Une nouvelle capitale est érigée, La Valette, une ville-bastion, dont la construction a commencé en 1566. Les combats navals font alors souvent rage entre la flotte turque et les galères de l'Ordre. Celui-ci va transformer Malte en une gigantesque école navale européenne qui fournira des marins à la France qui, en 1765, fait de l'île son protectorat. L'ordre ayant pris parti en 1789 pour Louis XVI contre la révolution, celle-ci le déposséda de tous ses biens en 1792. En réaction, l'ordre choisit pour chef un Allemand. En 1798 le général Bonaparte à la tête d'une flotte de 300 navires conquit Malte sans coup férir. Il fit main basse sur les fortunes de l'ordre et fit voile vers l'Egypte. Sa garnison restée sur place provoqua l'ire de la population à cause notamment de ses harcèlements anticléricaux. Elle dut capituler en 1800, assiégée par des troupes anglaises. Les Maltais, ne voulant plus du gouvernement du grand maître, sollicitèrent en 1802 la tutelle britannique, ne réclamant que la garantie de garder leur constitution et la religion catholique romaine. L'accord entre Malte et la Grande-Bretagne fut ratifié par le Traité de Paris en 1814. Après une période difficile, notamment à cause d'épidémies successives de peste et de choléra, Malte va connaître une période faste dans la deuxième moitié du XIXe siècle, notamment grâce à ses ports charbonniers et à sa localisation à proximité du nouveau canal de Suez. Elle va aussi être secouée par la querelle linguistique entre partisans respectifs de l'italien et de l'anglais, alimentée par les premiers sursauts d'indépendantisme. Ces revendications endormies par quelques concessions vont refaire surface dans le contexte de la récession économique de la fin de la Première Guerre mondiale. L'administration britannique réagit par des volte-face consécutives. Dans la lignée des concessions, le maltais est reconnu comme langue officielle en 1934. La Deuxième Guerre mondiale va ressouder Maltais et Anglais. Pour résister aux assauts pressentis de l'Allemagne, l'île forteresse va devenir un bunker. Jusqu'aux grottes néolithiques et aux catacombes vont être transformées en abris. Au début de la guerre, Malte (moins de 250 km2 pour l'île principale, un peu plus de 300 avec Gozo et Comino) subira quelque 2.500 attaques aériennes en deux ans. Elles feront 2.000 morts et la destruction de plus de 40.000 maisons. Vers l'été 1942, il y eut 154 jours (et nuits) de bombardement continu sur Malte (contre 56 sur Londres), 6.500 tonnes de bombes lâchées sur le seul Grand Harbour de La Valette (contre 250 sur Coventry). Le pays sera décoré de la GeorgeÂs Cross pour héroïsme. Indépendant, il intégrera ce titre de gloire à son drapeau. Malte la héroïque recevra en récompense l'autodétermination en 1947 mais le parti nationaliste, contrairement à son rival libéral, ne s'en contente pas. Et dès son accession au pouvoir en 1962, son leader Gorg Borg Olivier exige la reconnaissance de l'indépendance totale de Malte. Celle-ci deviendra effective le 21 septembre 1964. Arrivé au pouvoir en 1974, le parti travailliste (Labour party) fera adopter la même année une constitution républicaine. Il obtiendra également l'évacuation de la base britannique. Le gouvernement de son leader Dom Mintoff est aussi marqué par son positionnement tiers-mondiste et de neutralité entre les deux grands blocs. Le parti nationaliste accédera de nouveau au pouvoir en 1984, avec à sa tête Eddie Fenech Adami. Il y restera jusqu'en 1996. Acette période, l'ordre de Malte, banni depuis longtemps, a été reconnu de nouveau. Dans le domaine de l'économie, il rompra avec les tendances socialistes de son prédécesseur tout en restant fidèle à l'option de neutralité en politique internationale. Il a ouvert en 1992 les négociations pour l'adhésion de Malte à l'Union européenne. Mais l'introduction de la TVAva lui coûter cher aux élections qui vont suivre en 1996. Le Labour revient avec, comme chef du gouvernement, Alfred Santz. Il n'y restera que deux ans, après le tollé suscité par son gel des négociations d'adhésion du pays à l'UE. Les nationalistes qui gagnent les élections de 1998, toujours avec Eddie Fenech Adami à leur tête, relancent en 2.000 le processus d'adhésion à l'UE à laquelle Malte accédera le 1er janvier 2004. Ils gagneront les élections suivantes, dont les dernières le 8 mars 2008. H .G. Probablement les tout premiers habitants de l'île y étaient arrivés au cours du VIIe millénaire avant J.-C. Avec certitude des populations venant de Sicile avaient gagné Malte durant le Ve millénaire avant J.-C. Les témoignages de culture les plus anciens Â… et qui contribuent fortement aujourd'hui à la renommée de l'île Â… les temples mégalithiques et les hypogées dont celle remarquable de Hal Saflieni, un patrimoine de l'humanité, ont été érigés entre le IVe et le IIIe millénaire avant J.-C. Ce seront les Phéniciens et les Carthaginois qui vont d'abord marquer de façon indélébile la culture du pays à partir de 700 et ce jusqu'à 218 avant J.-C., année à laquelle il intégrera l'empire romain. Les Carthaginois y avaient déjà développé la construction navale. >Christianisation précoceAu début de l'ère chrétienne, l'échouage en l'an 60 du navire du futur saint Paul en route vers Rome pour y être jugé, va être un élément fondateur du caractère du pays, sa christianisation et sa latinisation. Al'administration de Rome, succédera celle de Byzance, en 395, jusqu'à l'invasion arabe de 870 par les Aghlabides de Tunisie. Ces derniers y resteront deux siècles. Les Arabes sont alors aussi en Sicile, à Gibraltar et en Espagne. >Du monde arabe aux Vêpres siciliennesLes deux siècles d'occupation arabe vont aussi imprégner profondément Malte. La langue arabe maghrébine constituera la base du maltais. Après, différents conquérants se succéderont durant près de cinq siècles. D'abord les Normands de Sicile qui ont tiré parti des discordes entre les pays musulmans dont plusieurs sont, en plus, embourbés dans un conflit avec Byzance. En 1090, ils ont absorbé Malte sans pour autant en chasser les Arabes. L'île où vivent en communauté, chrétiens, musulmans et juifs, est alors le point de passage des pèlerins et des croisés. Malte va rester quatre siècles dans le giron de la Sicile, tout au long des aléas que connaîtra celle-ci. En 1130 quand la Sicile devient un royaume autonome, quand elle passera sous l'autorité de l'empereur germanique Frédéric II (en 1194) et sous celle française de Charles d'Anjou (1266) et enfin quand les Vêpres siciliennes de 1282 chasseront les Français pour faire passer la Sicile sous l'obédience du royaume d'Aragon puis, en 1409, sous celle du gouvernement de cette région. Dès le début de la période sicilienne, ce fut le retour du christianisme à Malte. Et, l'adoption de la langue italienne par sa noblesse. Enfin en 1479, toujours avec la Sicile, Malte passe sous le contrôle des rois catholiques d'Espagne qui laissèrent s'y développer des fiefs féodaux s'adonnant à la piraterie et à la contrebande. Sept mille ans d'intÂŽgration plut™t que d'occupation, d'adaptation plut™t que de rÂŽvolte et de rÂŽvolution. Malte a toujours fait partie intÂŽgrante des empires qui l'ont englobÂŽe. Jusqu'ˆ son entrÂŽe dans l'empire britannique qu'elle a rÂŽclamÂŽe elle-mÂme au dÂŽbut du XIXe siÂcle et ˆ son indÂŽpendance en 1964 intervenue de faÂon conciliante contrairement aux remous des dÂŽcolonisations. Comme si Malte contr™lait son histoire. Mots-clés Hegel Goutier; Malte ; histoire ; mégalithiques ; hypogée ; Templiers. COMME SI MALTE contrôlait son histoire Le Palais des Grands Ma”tres ˆ La Valette 2008. © Hegel Goutier Le Palais des Grands Ma”tres ˆ La Valette (intÂŽrieur) 2008.© Hegel Goutier Au dÂŽpart, les chevaliers de l'ordre ne voyaient pas grand intÂŽrÂt ˆ venir s'installer ˆ Malte. 52 N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008 D ÂŽcouvrir l'EuropeMalte D ÂŽcouvrir l'Europe Malte 53
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sens de la dualité et de l'ambiguïté. ÂDe la façade, elle a l'air dÂun garage. Et l'intérieur fait penser à un théâtre. Ils avaient à affronter le sort. Mais il reste une ambiguïté. Ils veulent toujours donner l'image de l'importance de MalteÂŽ. >Divisions et consensusL'opinion publique est toujours divisée au départ. Sur l'adhésion à l'Europe par exemple. Des deux grands partis politiques, le Labour était en faveur d'un partenariat mais pas d'une adhésion complète et le parti libéral était pour cette dernière option. Le résultat du référendum a été clair en faveur du oui et les socialistes l'ont endossé. ÂMalte est ainsi : d'abord la division puis la réunion. Mais toujours le consensus national a prévaluÂŽ. Une ligne de partage passe à l'intérieur de la grande île entre le Nord plutôt libéral et le Sud plus conservateur. ÂNous ne sommes pas d'accord sur tout mais nous avons besoin de la cohésion pour survivre. Et au prochain défi, nous serons de nouveau partagés pour nous réunir de nouveau. C'est la perpétuelle session de boxe puis la paix, et encore l'affrontementÂŽ. Cette ambiguïté reflète une vérité profonde, celle de la globalité de Malte, Âtrès petite mais complète, comme un petit insecte avec un organisme entier, pas une moitié de nationÂŽ. La vision politique dans le pays serait à lÂimage de lÂâme maltaise. ÂIl y a un sens de l'attachement au cercle intérieur, à la paroisse, au parti. Qui êtes-vous, d'où venez-vous ? Secte, caste, régions, groupes sociaux, tout cela est important ici à MalteÂŽ. Les Maltais ont défini leur identité en termes de mer et de terre. La carte du pays montre une petite île encerclée de forts. Ils pensent toujours à l'éventualité de l'envahisseur, avec la peur d'être attaqués. ÂLa Valette est une forteresse, il y a ceux qui sont à l'intérieur et ceux qui sont dehors. DÂoù venez-vous ? Sur le plan psychologique, le peuple de Malte garde la mémoire de la persécution à Rhodes. Ainsi notre psychologie est plus vieille que nousÂŽ. Il y a une centaine d'années, la division avait porté sur la question linguistique. Fallait-il adopter l'italien, la langue de la tradition ou l'anglais, celle du pouvoir ? La question a refait surface à l'indépendance mais avec moins d'acuité. Entre-temps, il y eut la guerre de 39-45 au cours de laquelle Malte a porté un appui considérable aux troupes alliées, et la reconnaissance que l'Angleterre lui a manifestée en lui décernant la GeorgeÂs Cross. L'anglais avait naturellement été adopté comme seconde langue officielle, le maltais jouissant en plus du statut de langue nationale. Mais le cÂœur balance encore, sourit Friggieri, quand il y a un match de football entre l'Italie et l'Angleterre. ÂC'est plus profond que juste du sport. C'est plus vieux que cela. Il y a quelque chose à voir avec l'image du père. Notre identité nous précède. Une île veut dire tradition, identité, résistance au changementÂŽ. Malte est donc profondément une île mais qui a absorbé beaucoup des grands pays alentour. Beaucoup adopté, comparé, modifié, adopté à sa mesure.>Langue arabe pour peuple européenLa langue maltaise est sans conteste sémitique, dans le cas précis de structure arabe. Malte a quasiment toujours été exposée à l'arrivée de populations du nord. Et paradoxalement, ce sont l'Afrique et le Moyen-Orient qui lui ont donné sa langue, la base de son architecture et tant d'autres traits de sa culture. >Appartenance à l'Union européennePour Friggieri, Malte a le sens de la sécurité et de l'autosuffisance. Et de cette recherche du père qui prend soin de vous. ÂAinsi, il y a un gouvernement et il y a Bruxelles qui donne une identité internationale. Mais beaucoup pensent que c'est loin BruxellesÂŽ, ajoute-t-il. ÂPourquoi m'en soucierais-je ?ÂŽ Les médias locaux parlent relativement peu de l'Europe sauf pour certaines informations techniques, taux de change de l'euro, événements politiques majeurs par exemple. ÂMalte est à la périphérie, à la périphérie d'elle-même, au bord d'elle-mêmeÂŽ, conclut-il. H.G . * Oliver Friggieri, professeur de littÂŽrature maltaise et de littÂŽrature comparÂŽe ˆ l'UniversitÂŽ de Malte. Ses livres sont traduits dans de nombreuses langues et ses poÂmes sont retenus dans plusieurs anthologies internationales. Ses publications sont couronnÂŽes de nombreux prix littÂŽraires prestigieux ˆ travers le monde. Il est ÂŽgalement auteur de nombreuses piÂces musicales et animateur de programmes culturels ˆ la radio et ˆ la tÂŽlÂŽvision (voir entre autres The International Who's who, 2007, Londres).L'Âœuvre de Friggieri tourne autour du problème de l'appartenance à une terre, une île proche de l'Afrique, au sud de l'Europe et d'une culture mixte, latine et sémitique sans compter d'autres apports. En fait, considère t-il, ÂJe n'écris pas sur Malte, j'écris sur l'être humainÂŽ. Friggieri a publié un nombre considérable de livres Â… poésies, romans, essais Â… traduits en de nombreuses langues. Tous font le tour de cette petite île qui l'obsède, la sienne, Malte et son multiculturalisme. >Constante dualitéÂLe type de Malte dans lequel j'avais grandi est complètement différent de celui d'aujourd'hui. Maintenant l'île ressemble à une villeÂŽ. Au centre du village, il y avait l'église, en face de laquelle s'étendait la place ( misra ), puis les maisons et après, les champs. L'église au centre reflétait le concept du pouvoir et de la culture. Des églises énormes, Âparce que nous sommes petitsÂŽ. Au-delà de cet ensemble, se trouvait un autre village avec le même agencement. Et il est arrivé que ces villages se sont rencontrés et se sont emboîtés. Mais malgré tout, la nation a gardé son identité. Malte est une nation où chacun vit proche de chacun. La misra y a connu une mutation. La capitale, La Valette est déserte dès six heures du soir. Le centre (misra) n'y est pas alors. Les gens préfèrent sortir dans les lieux de loisirs de St-Julians. Les bases de la culture de la nation maltaise sont la foi chrétienne et la langue. Dans chacune d'elles, on retrouve une dualité. Par exemple, celle entre la magnificence de la Cathédrale Saint-Jean à LaValette et les petites églises des villages. Un trait de caractère important du pays est qu'il a toujours fait partie de pouvoirs forts. Avec Napoléon au faîte de sa puissance, de 1798 à 1800, après avec les Anglais Nelson et Alexander. ÂMalte a toujours fait partie de grands empires et maintenant elle est dans l'Union européenne. Nous tendons à exagérer : le plus gros, le plus fort, le plus grandÂŽ. De nouveau, Friggieri prend l'exemple de la Cathédrale Saint-Jean et duParce qu'elle est petite, Malte a toujours fait partie de grands empires. Elle s'ouvre sur le monde pour mieux se concentrer sur sa sÂŽcuritÂŽ. "Malta est ˆ la pÂŽriphÂŽrie d'elle-mÂme, au bord d'elle-mÂme". Elle se divise sur tout mais trouve toujours un consensus national. C'est l'analyse d'Oliver Friggieri*, professeur de littÂŽrature, poÂte et critique littÂŽraire. L'‰me de Malte OUVERTUREetENFERMEMENT Mots-clés Hegel Goutier; OliverFriggieri ; misra ; Malte ; maltais ; La Valette. Page54 En bas Cottonera, les trois citÂŽs qui protÂgent La Valette, la villeforteresse 2008. © Hegel Goutier "La Valette peut se fermerÉ O que l'on soit ˆ Malte,, il y a ceux qui sont ˆ l'intÂŽrieur et ceux qui sont ˆ l'extÂŽrieur".Page55 Bus typique ˆ La Valette 2008. © Hegel Goutier "Malte est en pÂŽriphÂŽrie, l'”le est en pÂŽriphÂŽrie d'elle-mÂme". Oliver Figgieri 2008© Hegel Goutier 54 N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008 D ÂŽcouvrir l'EuropeMalte D ÂŽcouvrir l'Europe Malte 55
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sociétés comme Corinthia sont assez grandes pour se débrouiller seules.>Ville intelligenteNotre pays sÂengage sur la voie informatique. Smart City est semblable à Internet City à Dubaï. Le gouvernement a donné son feu vert pour sa construction, dans la région de Ricasoli. Ce projet créera 5600 emplois pour informaticiens programmateurs et autres. De nombreux Maltais y travailleront. Le développement de la zone a commencé il y a six mois. Smart City sera terminée dans cinq ou six ans. Nous disposons actuellement dÂun ordinateur pour six étudiants. Dans six mois, nous aurons un ordinateur pour quatre étudiants, le taux le plus élevé du monde. Toutes les classes disposeront de cours sur le web.>Malte au cinémaLÂindustrie cinématographique est un autre secteur économique en croissance. Plusieurs films célèbres ont été tournés à Malte: Gladiator , Troie , Munich et, très bientôt, un grand film espagnol dont le titre nÂa pas encore été révélé. Nous bénéficions aussi du tourisme de croisières. En hiver, Malte accueille 15 bateaux de croisière par semaine. Certains dÂentre eux viennent tout au long de lÂannée. Même sÂils ne restent quÂune journée, les touristes dépensent de lÂargent. Le touriste moyen reste six à sept jours. Quand il fait trop froid dans le Nord, des retraités britanniques et allemands viennent pour deux ou trois semaines, voire parfois cinq semaines ou plus. Je suis très optimiste quant à lÂéconomie. Le gouvernement peut se permettre de réduire les taxes. Les salaires et les bénéfices augmentent. Le montant global des taxes a augmenté, alors que leurs taux ont diminué de 35 à 32%. Le Premier ministre a annoncé que lÂéconomie était suffisamment forte pour réduire de 35 à 25% le taux dÂimposition de la tranche supérieure des revenus. Et si vous gagnez 12.000 euros par an actuellement, vous ne payerez pas dÂimpôt sur le revenu. Le chômage est actuellement de 6%, ce qui est très bas. Ce taux a baissé au cours des cinq dernières années. Le déficit public et la dette publique ont également diminué. Tous ces facteurs avaient ouvert la voie permettant à Malte dÂentrer dans la zone euro. Nous croyons que notre entrée dans la zone euro permettra à notre économie de prospérer; le PIB augmentera et la dette diminuera.>De nombreux emplois pour étrangersLe nombre de travailleurs immigrés est très élevé à Malte. Dans un petit pays, il nÂest pas toujours facile de trouver des travailleurs au profil adéquat. Les spécialistes de lÂinformatique, par exemple, viennent généralement dÂEurope et plus particulièrement du Royaume-Uni. LÂindustrie hôtelière attire des travailleurs italiens et français. Les travailleurs de la construction sont originaires dÂAfrique et de la région méditerranéenne. Sans ces travailleurs, les salaires sÂenvoleraient et les entreprises seraient moins compétitives.>LogementMalte souffre dÂun problème de logement, car de nombreuses maisons ont été détruites par des bombardements aériens au cours des deux guerres mondiales. Le gouvernement a voté une loi pour faciliter grandement la location dÂune maison par les habitants des immeubles détruits. Cette loi nÂa jamais changé depuis et est très favorable aux locataires. Le locataire, ses enfants et même les enfants de ses enfants pourront rester dans la maison en conservant le même loyer et le propriétaire est responsable de tout lÂentretien. Les gens habitent dans de belles maisons en payant seulement 100 euros par mois. La loi a changé en 1994, mais seulement pour les nouveaux locataires, pas pour les anciens. Les propriétaires préfèrent donc souvent laisser les maisons vides. La Chambre de Commerce fait du lobbying auprès du gouvernement pour changer cette loi, mais lÂhésitation reste grande. Le gouvernement craint que certains habitants ne soient pas capables de payer plus cher. Tous les aspects devront être examinés soigneusement avant que le gouvernement ne prenne la moindre décision. H.G . Malte a gagné son indépendance en 1964. De 1964 à 1979, le pays a encore bénéficié dÂun grand soutien du RoyaumeUni, qui avait des bases militaires dans lÂîle. Depuis 1979, lÂéconomie maltaise est devenue autosuffisante. Dans le secteur privé, le gouvernement a identifié deux secteurs importants : lÂindustrie et le tourisme.>Fonder une industrie de transformation dynamique Le gouvernement a créé la Malta Development Cooperation (MDC), chargée dÂattirer les investisseurs étrangers. AlÂépoque, les salaires et le niveau de vie étaient bas. Des institutions telles que la Chambre de commerce siégeaient au Conseil dÂadministration de la MDC, mais le gouvernement jouait le premier rôle. Des sociétés de divers secteurs Â… mode, textile, pièces de rechange pour voitures, etc. Â… sont venues du Royaume-Uni, dÂAllemagne et des Etats-Unis. Le gouvernement a également accordé des avantages (subventions, facilités de loyer et autres types de soutien) pour encourager les investisseurs. Dans le secteur touristique, le gouvernement a subventionné la construction dÂhôtels et de stations touristiques et a cédé des terres et des plages en concession. Au cours des années 70, le gouvernement a créé Air Malta, qui avait pour objectif premier de promouvoir le tourisme. Malte pouvait en outre compter sur sa population. Travailleurs et anglophones, nous pouvions être formés par des étrangers. Vers la fin des années 90, le niveau de vie des Maltais avait sensiblement augmenté. Au début, la création dÂemplois nÂétait pas très rapide dans le secteur privé, le secteur public a alors pris le relais: police, revenu cadastral, etc. Il existait de nombreux monopoles publics à lÂépoque: électricité, téléphone, télévisions et Air Malta.Ils appartiennent tous au gouvernement. Le chômage nÂa jamais été très élevé à Malte. On travaillait soit pour le gouvernement, soit dans les services, soit comme indépendant. Vers la fin des années 90, nous avons atteint notre niveau de vie actuel et les salaires avaient augmenté. En même temps, la concurrence pour les investissements étrangers avec lÂEurope de lÂEst et la Chine est apparue. Nous avons toujours été préparés à cette éventualité. En 2004, Malte est entrée dans lÂUE et pouvait prétendre à certaines aides. Grâce à ces aides, elle a pu former sa population, surtout en informatique, et a été capable de construire des infrastructures et des routes, de développer la fibre optique, de mettre en place des connexions Internet et de moderniser lÂaéroport. LÂéconomie a changé: elle et devenue moins dépendante de lÂindustrie et repose plus sur les services. Certaines usines ont été délocalisées en Tunisie, mais continuent dÂappartenir à des Maltais. De nombreuses entreprises de marketing, de design et de recherche & développement restent à Malte. La transformation des tomates fait partie des industries qui ont déménagé vers la Tunisie. Ces activités étaient situées à Gozo auparavant. Dans lÂindustrie de la mode, la confection est réalisée en Tunisie, tandis que le design, le marketing et les négociations économiques se font à Malte. Malte fait partie dÂune planète mondialisée, même si la population ne se rend pas souvent à lÂétranger. Dans le secteur touristique, Corinthia (Corinthia Group of Companies ) est une grosse entreprise. Elle possède une chaîne dÂhôtels et ouvrira bientôt un grand hôtel à Londres. Elle est déjà installée au Gabon, en Libye, en Turquie, au Portugal, en République tchèque et en Hongrie. Notre Chambre de Commerce encourage nos entreprises à ouvrir des succursales outre-mer. Notre message est le suivant: si vous pouvez vendre aux Maltais et aux touristes chez nous, pourquoi ne pourriez-vous pas en faire autant à Casablanca ou à Prague? Ils doivent y aller. Au sein de la Chambre, nous disposons dÂun expert qui peut aider les PME. Les grandesUNE ÉCONOMIE intelligente qui ne craint pas la MONDIALISATION Kevin J. Borg, Directeur gÂŽnÂŽral de la Chambre de commerce et d'entreprise de Malte Propos recueillis par Hegel GoutierAperÂu de l'ÂŽconomie maltaise Boat people maltais Ces cinq derniÂres annÂŽes, Malte a ÂŽtÂŽ confrontÂŽe ˆ l'arrivÂŽe rÂŽguliÂre de boat people originaires d'Afrique, qui accostent ˆ Malte ou qui sont interceptÂŽs par les garde-c™te maltais. Il s'agit en moyenne de 1.500 personnes par an, qui ont souvent traversÂŽ le Sahara avant de prendre la mer dans une embarcation de fortune en Libye. Ils sont tous d'abord logÂŽs au centre fermÂŽ Hal Far Open, qui loge environ 600 personnes en moyenne ˆ tout instant. Ce camp situÂŽ prÂs de l'aÂŽroport national est composÂŽ de tentes et offre au mieux un confort minimal, provoquant des protestations de la part de certaines ONG. AprÂs leur transfert vers un deuxiÂme centre ouvert, les personnes auxquelles l'asile est accordÂŽ sont confrontÂŽes au manque de travail. MalgrÂŽ son ÂŽconomie prospÂre, la population maltaise atteint ˆ peine 400.000 personnes et le pays ne peut offrir que 1.000 ˆ 1.500 emplois ˆ des ÂŽtrangers chaque annÂŽe. Ces emplois sont rarement, voire jamais, accessibles aux boat people. Soit ils ne disposent pas des compÂŽtences requises, soit ils sont simplement rejetÂŽs, d'aprÂs les mÂŽdias locaux, ˆ cause de leur statut de boat people. Mots-clés Malte ; Kevin J. Borg ; commerce ; économie ; tourisme ; technologie de lÂinformation. Vignobles, Malte 2008. © Hegel Goutier Chambre de commerce et d'industrie, 2008.© Hegel Goutier Ç Si nous pouvons vendre ici aux Maltais comme aux touristes, pourquoi ne pourrions-nous pas faire de mÂme ˆ Casablanca et ˆ Prague ? È Kevin Borg 2008© Hegel Goutier 56 N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008 D ÂŽcouvrir l'EuropeMalte D ÂŽcouvrir l'Europe Malte 57
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On nÂa pas souvent lÂoccasion de caresser dÂaussi beaux livres de photographies consacrés à des créateurs de cette partie dÂAfrique, sinon du Sud. Congo Eza est lÂune des exceptions qui font la règle. Il y en a eu dÂautres heureusement, comme le mémorable numéro spécial de Revue Noire en 2001 qui rendait plutôt hommage à la photo dÂart. Congo Eza est la conjugaison de la réalité congolaise contemporaine, de la guerre récente au bouillonnement de vie et de créativité de ce pays. Conjugaisons dÂétats dÂâme, dÂémotions, de regards et de rendus. Noir et blanc et couleur. Spontanéité, composition dramatique, insolence, révolte, transgression, légèreté, humour, clins dÂÂœil, toutes palettes confondues. Les photographes viennent dÂhorizons divers. Ils sont 24. Le lien entre eux: avoir participé à deux expériences artistiques et à des formations mises en place respectivement par la Délégation Wallonie-Bruxelles de Kinshasa et par le Commissariat aux relations extérieures de la Communauté française de Belgique, dont le festival de culture du Congo en Belgique Yambi 2007. Du fruit de ces rencontres, lÂassociation AFRICALIA(Bruxelles) a décidé de garder les traces sous la forme de cet ouvrage de prestige. La conjugaison se fait avec une sélection de verbes du lingala jalonnant les différents chapitres de lÂopus. Kokekola , apprendre éduquer, grandir. Des images dÂEpinal surtout en noir et blanc évoquant lÂenvie dÂapprendre dans les livres, sur les aires de sport, par empathie avec des êtres chers, mais malheureusement aussi par Âle plus connu des jeux des gamins par ici: le jeu de la guerreÂŽ, comme le souligne le texte de Marie-Louise Bibish Mumbu en exergue à ce chapitre. Beau texte, comme toutes les autres poésies accompagnant la tournée dans ce kaléidoscope de la vie et du rêve congolais. Et puis, kobouger , mot métisse pour bouger, se déplacer; kolingana , sÂaimer; kobeta libanga , survivre, se débrouiller; komilakisa , se montrer, paraître, poser; kosambela , prier; kokoma , écrire, tagger, peindre. Et enfin, kopana bakambi , choisir, voter, élire, avec un poème de Fiston Nasser Mwanza, tragique et humoristique, en épigraphe, ÂExÂŽ donne son titre à ce livre et reflète comme en écho son ton dual de nostalgie et de relent dÂamertume: ÂEx-Association internationale du Congo Ex-Comité dÂétudes du Haut-Congo Ex-Etat indépendant du Congo Ex-Congo belge Ex-République Démocratique du Congo, Ex-Zaïre Re-République Démocratique du Congo ƒƒƒ Congo ezalaki Congo eza Congo ezakoya Il fut, il est là , il vientƒ ƒƒ.ÂŽ . (extrait) Un livreƒ Comment dit-on émouvant en lingala? Congo Eza , Africalia Editions & Roularta Books, Bruxelles 2007, 264 pages. H.G. Photographie contemporaine DU CONGO RDCCongo Eza , conjugaison de rÂŽalitÂŽs et de rÂves sur papier sensible Mots-clés Hegel Goutier; Congo ; Zaïre ; Eza ; Africalia ; photographie. M alte peut se prévaloir des charmes d'un pays méditerranéen autant que de l'héritage culturel européen le plus éclectique. Plages et lieux de divertissement, saveur de l'Orient, langue sémitique, collections uniques d'Âœuvres d'art. Le passé partout présent y va de pair avec la modernité et des anticipations du futur. De celles-ci, les créations d'un architecte de génie, Richard England, qui insuffle à la puissance des constructions des chevaliers de l'Ordre, du rêve et de la magie. Avec un territoire d'à peine 300 kilomètres carrés les îles adjacentes, Gozo et Comino comprises Â…, ses bonnes routes et les liaisons maritimes rapides, toutes les merveilles du pays peuvent se visiter à la limite en deux ou trois jours. Une solution idéale pour le visiteur est le Red Tour : un jour pour la South route et un autre pour la North. Avoir parmi d'autres curiosités sur la ÂSouth RouteÂŽ : les doubles rangées de fortifications des trois cités de Cottonera, éperonnant La Valette et leurs chantiers navals ; le chatoyant village de pêcheurs de Marsaxlokk avec ses bateaux colorés défilant comme dans un songe ; les belles plages de Bugibba, Qawra et St. Paul's Bay et leurs lieux de divertissement ; les eaux cristallines de Blue Grotto. Sur la ÂNorth routeÂŽ : les Jardins botaniques de San Anton ; le charme de l'ancienne capitale, Mdina, Âla ville silencieuseÂŽ avec son mélange suave d'architecture médiévale et baroque et les méandres de ses venelles ; les falaises vertigineuses de Dingli près des Jardins de Buskett avec leurs vignoble, orangeraie, oliveraie et plantation d'agrumes ; et les luxueux quartiers à la mode de Silema ou de St Julians. ALa Valette, à portée d'yeux, des trésors. Ceux de la Co-Cathédrale Saint-Jean qui abrite, entre autres merveilles, le ÂSaint Jean décapitéŽ du Caravage, le Palais du grand maître de l'ordre et tant d'autres palais ; et de superbes jardins perchés sur les frontons, comme ceux de Upper Baraka. > L'esprit a besoin de plus de place que le corps Et puis à La Valette, on peut admirer l'ancienne forteresse de St James Cavalier transformée en un lieu de culture et de créativité pétillant par Richard England, poète, dessinateur et philosophe qui donne une âme aux défenses imposantes des chevaliers, qui fait entrer la lumière et le rêve dans des basses fosses de forts militaires. Parmi les repères sous-tendant son Âœuvre architectural, l'ellipse d'Axel Munthe : ÂThe soul needs more space than the bodyÂŽ*. England rêve de donner à toute La Valette la magie de ses grandes réalisations, le ÂMartin Luther King MemorialÂŽ à Washington, le ÂItehak Rabin MemorialÂŽ à Tel-Aviv et d'autres Âœuvres à Moscou, Buenos Aires, Wroclaw, etc. Habitations privées, églises, théâtres, sanctuaires. Il veut souligner dans la ville Âthe silence in betweenÂŽ comme il l'a fait avec maestria dans le ÂMain lecture hallÂŽ ou dans le ÂHumanities blockÂŽ de l'Université de Malte. Ala fin de la réalisation de son ÂValetta entrance master planÂŽ, c'est toute la personnalité de La Valette qui connaîtra une métamorphose, celle préfigurée par le ÂSt James CavalierÂŽ et la ÂCentral Bank of MaltaÂŽ pour lesquels il est intervenu de façon chirurgicale dans le passé pour créer de l'évanescence avec respect et empathie pour ce qui a existé. H.G . * Voir The story of San Michele 1929. MALTE d'hier et d'aujourd'hui. Midna, une ville pleine de charme 2008.© Hegel Goutier Rabbat et Midna 2008.© Hegel Goutier Port de Marsaxlokk 2008. © Hegel Goutier Carnaval ˆ La Vallette 2008. © Hegel Goutier Carnaval ˆ La Vallette 2008. © Hegel Goutier Blanchard Labakh, Petit Dobakh, CitÂŽ Verte, Kinshasa, RDC, 2007. Avec l'aimable autorisation d'Africalia. N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008 59 C réativité 58 D ÂŽcouvrir l'EuropeMalte Mots-clésHegel Goutier; Malte ; Gozo ; Comino ; Richard England ; La Vallette ; Cathédrale Saint-Jean.
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sentiments négatifs à lÂencontre de leur ancien ennemi. LÂexposition présente des Âœuvres ayant pour thèmes lÂidentité sud-africaine et ses sites. Elle épingle les conflits que doit encore résoudre cette société multiethnique, sans pour autant négliger des thématiques plus générales. Serenade, le montage-spectacle de Simon Gush , met en scène une voiture de la police locale, trônant à lÂentrée de lÂancien Palais. Un acteur, vêtu dÂun uniforme de police, sÂassoit dans le véhicule et entonne CanÂt Take my Eyes off of You . Un air diffusé par les haut-parleurs placés sur le toit de la voiture. Et de fait, quel spectacle étrange (et dérangeant) que dÂentendre un policier fredonner cette chanson à lÂeau de rose:  I love you baby! And if itÂs quite alright, I need you, baby! ÂŽ The Black Passage de James Webb est un corridor sombre et étroit que le visiteur traverse avant de parvenir à la source dÂun grondement Â… une mise en scène évoquant la descente dans une mine. Au fond du couloir, une lumière laisse entrevoir une porte mi-close, mais ce nÂest quÂun mirage, car le visiteur sÂaperçoit quÂil est coincé. Une expérience choc et surréaliste dans un tunnel minier, qui fait songer à une voie sans issue, tant sur le plan physique que psychologique. Les vidéos dÂIsmail Farouk nous offrent une représentation intéressante de la vie dans les villes dÂAfrique du Sud. Les photographies de Zanele Muholi recentrent lÂattention sur les questions de discrimination et dÂidentité, sous lÂangle racial, sexuel et des rapports entre les hommes et les femmes. Night Journey de Colleen Alborough est une création interactive: un labyrinthe de rideaux où le spectateur devient partie intégrante du parcours sensoriel et narratif, fait des rêves et des cauchemars dÂune étrange personne endormie. Mentionnons encore les silhouettes en cuir de Nandipha Mntambo qui traversent les murs en quête du passé. Ces personnages ne sont pas sans rappeler la nature agressive et perturbatrice des animaux sud-africains mais aussi lÂélégance des vêtements du XVIII e siècle En résumé,  le nouvel art sud-africain ÂŽ nÂest plus exclusivement en rapport avec lÂapartheid, malgré une tonalité sociale et politique toujours marquée. Les artistes de .ZA illustrent parfaitement la condition des intellectuels se retrouvant dans une position périphérique au sein dÂun monde aujourdÂhui globalisé Â… où si chaque chose semble proche et accessible, la périphérie reste la périphérie. Au vu des Âœuvres exposées, il ne fait aucun doute que les artistes sélectionnés ne sont pas de ceux qui prennent le risque de jouer le jeu des clichés africains pour se faire accepter ou ÂsÂexporterÂŽ. Ce corpus de créations artistiques Â… dÂun réel intérêt malgré lÂimmaturité de certaines Â… se juxtapose au site, un étonnant palace du XV e siècle. Une succession de salles, de couloirs et de plafonds ornés de peintures de style renaissance. La beauté des lieux est encore rehaussée par une tourelle, qui en plus dÂoffrir la plus belle vue panoramique sur la ville de Sienne, se trouve être aussi lÂendroit où Galilée vit sa peine de prison commuée en résidence à vie. CÂest donc ici quÂil fut assigné à résidence après avoir abjuré sa théorie au profit de la croyance catholique. Nous retiendrons surtout le matériel iconographique que les cinq artistes-curateurs ont mis à la disposition de lÂexposition afin de rehausser son image: cinq affiches dynamiques, Âcoup de poingÂŽ recouvrant à la fois les murs et le sol de lÂentrée. CÂest aussi lÂendroit qui a servi de cadre à la performance centrale de Johan Thom qui, lors du vernissage, sÂest fait arroser pendant quatre heures dÂéclats de verre brisé et dÂhuile jaune! Les co-curateurs ont également écrit les textes du catalogue, lÂintention étant dÂillustrer la situation actuelle dÂune série dÂartistes dÂAfrique du Sud. LÂanalyse que propose Kendell Geers sur les systèmes culturels du pays est particulièrement poignante: ÂDepuis la fin du régime de lÂapartheid, lÂAfrique du Sud se bat pour accepter la violence de son histoire, sÂefforçant sans relâche de trouver un équilibre entre la construction de son avenir et la suppression des inégalités passées. [ƒ] Pourtant, lÂAfrique du Sud nÂa pas rendu lÂhommage que méritait lÂexcellence de son art, lÂÂœuvre dÂart a au contraire été réduite à une donnée démographique politiquement correcte, mettant lÂaccent sur lÂartisanat traditionnelÂŽ. Il sÂagit au fond dÂune accusation à lÂencontre des politiques de discrimination positive qui voulaient inverser les relations entre les Blancs et les Noirs, et contre lesquelles lÂart se rebellait. Toutefois, en tentant dÂaplanir leurs différences avec leurs homologues noirs de peau, les artistes et écrivains de race blanche ont souvent perdu de leur crédibilité, le public finissant par avoir lÂimpression quÂils parlaient au nom du peuple noir opprimé. Avec la fin de lÂapartheid, le problème le plus sérieux quÂont rencontré les artistes a été la disparition dÂun ÂennemiÂŽ commun, ce qui les a obligés à trouver une autre finalité à leur Âœuvre. Les jeunes artistes de .ZA , qui ont grandi dans la Nation arc-en-ciel de Mandela et de Mbeki, semblent avoir résolu ce problème de manière positive, sans nourrir de Sandra Federici.ZA YOUNGart from South "Est-il possible dÂévoquer lÂAfrique du Sud sans tomber dans le piège des clichés sur la race, lÂapartheid, le colonialisme, les classes sociales, la pauvreté et le sida ?ÂŽ Telle est la question que se pose Kendell Geers dans le texte quÂil a écrit pour le catalogue de lÂexposition .ZAYoung art from South Africa . Et cÂest précisément le défi que sous-tend lÂexposition produite par le Centre dÂart contemporain du Palazzo delle Papesse, à Sienne. Comme lÂexplique son directeur, Marco Pierini, cette initiative a été lancée dans le but de ÂphotographierÂŽ la jeune production artistique du pays, avec lÂaide dÂartistes plus matures (Marlene Dumas, Kendell Geers, Bernie Searle, Minnette Vári, S ue Williamson) qui ont chacun choisi de parrainer trois jeunes artistes. Le créateur de lÂexposition, Lorenzo Fusi, les a rejoints. Programme dÂappui aux industries culturelles des pays ACP upport gramme to Le SecrÂŽtariat ACP a ÂŽlaborÂŽ un programme visant ˆ soutenir les industries de la culture des 79 pays ACP. Le programme, gÂŽrÂŽ et mis en Ãuvre par le SecrÂŽtariat ACP et une unitÂŽ de gestion de programme, est financÂŽ au titre du 9e Fonds europÂŽen de dÂŽveloppement (FED). L'objectif est de renforcer les capacitÂŽs des dÂŽcideurs politiques et des opÂŽrateurs culturels par le biais des trois ÂŽlÂŽments suivants : • un Observatoire culturel ACP pour amÂŽliorer le cadre politique et l'encadrement juridique et institu-tion-nel du secteur de la culture des Etats ACP ; • un Fonds de soutien au secteur culturel intra-ACP en vue de renforcer les opÂŽrateurs culturels de ces pays et d'accro”tre leur professionnalisme ; • un projet conjoint ACP/OIT/CNUCED/UNESCO en vue de renforcer les industries crÂŽatives dans cinq pays (les Fidji, le Mozambique, le SÂŽnÂŽgal, TrinitÂŽ et Tobago et la Zambie). "Ce programme est l'aboutissement d'un processus qui a vu le jour avec la dÂŽclaration de Dakar des ministres ACP de la culture, lesquels, en 2003, ont fixÂŽ des objectifs pour promouvoir les industries culturelles des ACP", explique Aya Kasasa, responsable du programme au SecrÂŽtariat ACP. "Il existait une rÂŽelle attente chez les opÂŽrateurs des ACP, en raison des nombreux ÂŽchanges d'informations qui ont pu avoir lieu gr‰ce au Festival ACP de la culture, premier rÂŽsultat concret de la dÂŽclaration de Dakar. A prÂŽsent, nous mettons au point un programme de travail semestriel qui ÂŽtablira les objectifs et le calendrier du Fonds. Un appel ˆ propositions sera publiÂŽ en mai 2008". INFO: http://www.acp.int/index_f.htmLes auteurs : COLLEEN ALBOROUGH BRIDGET BAKER ZANDER BLOM DINEO BOPAPE ISMAIL FAROUK FRANCES GOODMAN SIMON GUSH NICHOLAS HLOBO MOSHEKWA LANGA NONTSIKELELO LOLO VELEKO CHURCHILL MADIKIDA NANDIPHA MNTAMBO ZANELE MUHOLI RUTH SACKS SEAN SLEMON DOREEN SOUTHWOOD MIKHAEL SUBOTZKY JOHAN THOM INA VAN ZYL JAMES WEBB Mots-clés Afrique du Sud ; .ZA; art ; Kendell Geers. Kendell Geers, affiche rÂŽalisÂŽe pour l'exposition .ZA young art from South Africa, Palazzo delle Papesse, Sienne, Italie 2008. En haut Johan Thom, Come in peace/Go to pieces, Performance, 2008.photo © Ela Bialkowska Palazzo delle Papesse 60 N. 1n.s.JUILLETAOÛT2007 C rÂŽativitÂŽ C rÂŽativitÂŽ 61 N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008
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A ux plus jeunes On identifie plus volontiers dans lÂart de la Caraïbe les influences africaines. Mais celles dÂEurope ont été tout aussi manifestes dans la fusion qui va insuffler aux corps autant quÂaux chants et aux danses le romantisme, le hâle, la mélancolie sensuelle et la vision écarquillée de ces îles. De la musique européenne, cÂest lÂenvol de la danse Â… rondes, valses, mazurkas, pas de deux Â… et le romantisme, notamment celui de lÂEurope centrale et orientale tel que cristallisé dans la musique dÂun Brahms ou dÂun Chopin, qui vont entrer dans lÂamalgame caribéen. Au tournant du XVIII e siècle, en Haïti par exemple, les Polonais, arrivés souvent malgré eux dans les bagages des troupes napoléoniennes, seront les premiers Européens à soutenir la nation en gestation. Ils auraient largement participé à répandre dans la région le violon et le spleen de leur musique. Violon et spleen encore retrouvés dans le meringue, la guaracha ou le zouk. Cet héritage européen va se retrouver dans les fondements de toutes les tendances musicales, autant à Cuba quÂen Haïti, à Puerto Rico quÂà la Martinique. Mais dans la bourgeoisie naissante, la musique classique dÂEurope ou des créateurs locaux va sÂintituler Âmusique savanteÂŽ. Elle va sÂapprendre dès la première décennie du XIX e siècle à lÂEcole de musique de Milo, créée par le roi Christophe dans le Nord dÂHaïti ou dans les cercles de musique de Santo Domingo. Elle va se métisser encore plus chaudement avec le temps, ses traits sÂaccentuant. Plus romantique, plus chaude, plus suave. Telles sont les danzas du Cubain Ignacio Cervantes ( Duchas frias et 3 Danzas ) et des Haïtiens Ludovic Lamothe ( Danses espagnoles n°2 en la mineur, n°3 en fa mineur, Déclaration ), Frank Lassègue ( Chanson du rivage n°3) et Alain Clérié ( Prélude ) en deuxième partie du concert de Michel Laurent qui sÂouvre avec des pièces de Brahms ( Valses Opus 3 ) et Chopin ( Mazurkas, Opus 6 n°1, Opus 67 n°2, 3 et 4 ). La souplesse, lÂélégance, lÂinterprétation passionnée de Michel Laurent sont toutes désignées pour rendre la sensualité dÂun tel répertoire. H.G. Théâtre Molière, à Bruxelles, le 26 avril à 20h00 ÂDanzas des deux mondesÂŽ se destine à organiser régulièrement des spectacles sur le métissage entre les musiques classiques caribéenne et européenne. Info : danzas2worlds@hotmail.comDANZASDE DEUX MONDESQuand la musique classique se métisseDÂs le dÂŽbut de la rencontre des trois mondes Europe, Afrique, AmÂŽrique, la musique ÂŽtait de la partie, pour calmer les aigreurs et accompagner sinon les joies, du moins les moments de parenthÂse. Autant les nÂŽgriers d'Afrique que les vaisseaux marchands d'Europe transportaient dans leurs cales et sur leurs ponts non seulement des esclaves, flibustiers, colons et marchandises mais aussi la culture à musique, plaintes dÂŽsespÂŽrÂŽes, chants et autres rÂves. Mots-clés Hegel Goutier; musique ; classique ; Haïti ; Cuba ; Ignacio Cervantes ; Ludovic Lamothe ; Franck Lassègue ; Alain Clérié ; Michel Laurent.Europe, Cara•be Ludovic Lamothe.© Anonyme Doreen Southwood, The Dancer, Bronze, peinture laquÂŽe, tissu, acier, 176 x 190 x 292 cm, 2007, dÂŽtail. Avec l'aimable autorisation de Michael Stevenson, Le Cap Photo: Mario Todeschini. .ZA young art from South Africa, Palazzo delle Papesse, Sienne, Italie. T.T. Fons N. 5 N.S. Â… AVRILMAI 2008 63 62 C rÂŽativitÂŽOcchiello Avec l'aimable autorisation de l'auteur.
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Les pays Afrique Caraïbes Pacifique et Union européenne AFRIQUE Afrique du Sud Angola BÂŽnin Botswana Burkina Faso Burundi Cameroun Cap Vert Comores Congo C™te d'Ivoire Djibouti ErythrÂŽe Ethiopie Gabon Gambie Ghana GuinÂŽe GuinÂŽe Bissau GuinÂŽe Equatoriale Kenya Lesotho LibÂŽria Madagascar Malawi Mali Maurice Mauritanie Mozambique Namibie Niger Nigeria Ouganda RÂŽpublique Centrafricaine RÂŽpublique DÂŽmocratique du Congo Rwanda Sao TomÂŽ et Principe SÂŽnÂŽgal Seychelles Sierra Leone Somalie Soudan Swaziland Tanzanie Tchad Togo Zambie Zimbabwe CARAìBES Antigua et Barbuda Bahamas Barbade Belize Cuba Dominique Grenade Guyane Ha•ti Jama•que RÂŽpublique Dominicaine Saint Christophe et Nevis Sainte Lucie Saint Vincent et les Grenadines Suriname TrinitÂŽ et Tobago PACIFIQUE Iles Cook Fidji Kiribati Iles Marshall Etats FÂŽdÂŽraux de MicronÂŽsie Nauru Niue Palau Papouasie Nouvelle GuinÂŽe Iles Salomon Samoa Timor Leste Tonga Tuvalu Vanuatu UNION EUROPƒENNE Allemagne Autriche Belgique Bulgarie Chypre Danemark Espagne Estonie Finlande France GrÂce Hongrie Irlande Italie Lettonie Lituanie Luxembourg Malte Pays-Bas Pologne Portugal Royaume-Uni RÂŽpublique tchÂque Roumanie Slovaquie SlovÂŽnie SuÂde Les listes de pays publiÂŽes par Le Courrier ne prÂŽjugent pas le statut de ces pays, territoires et dÂŽpartements, ni l'ÂŽvolution de ce statut. Le Courrier utilise des cartes de diverses origines. Cette reproduction n'implique la reconnaissance d'aucune frontiÂre particu liÂre ni ne prÂŽjuge le statut d'aucun Etat ou territoire. votre écoute La parole aux lecteurs Merci beaucoup pour les numÂŽros du Courrier que vous avez envoyÂŽs au LycÂŽe Evariste ˆ Parny (Ile de la RÂŽunion). Nous ferons bon usage de vos articles. Christine FourestCela fait maintenant pas mal d'annÂŽes que j'ai le privilÂge de lire le Courrier. Je pense que tous les politiciens et ceux qui aspirent ˆ faire de la politique devraient ÂŽtudier les articles de votre magazine. Cela les rendrait plus ˆ mÂme de pouvoir contribuer au dÂŽveloppement de leurs pays.Courtney Lafleur ,Je viens de recevoir le dernier numÂŽro du Courrier dÂŽdiÂŽ ˆ Haiti et ˆ la Roumanie. Je vous fais mes compliments les plus sincÂres sur la mise en page et les sujets vraiment intÂŽressants que vous avez abordÂŽs. Il y a tout le potentiel pour faire du Courrier un trÂs grand magazine. Continuez !Andrea Frazzetta, photographe de lÂagence Grazia Neri, Milan, Italie Vos points-de-vue et vos rÂŽactions nous intÂŽressent. N'hÂŽsitez pas ˆ nous en faire part Address : The Courier 45, Rue de TrÂves 1040 Brussels (Belgium) email : info@acp-eucourier.info website : www.acp-eucourier.info Juin 2008 > 3-5 Conférence FAO de haut niveau sur la sécurité alimentaire mondiale : les défis du changement climatique et des bioénergies, Rome, Italie> 17-18 Conseil ADPIC de lÂOMC, Genève, Suisse> 8-13 87e Session du Conseil des ministres ACP, Addis-Abeba, Ethiopie > 8-13 33e Session du Conseil des ministres ACP-CE, Addis-Abeba, Ethiopie> 25-27 3e Forum ACPde la société civile, Bruxelles, Belgique> 26-1 Sommet de lÂUnion africaine, Sharm el Sheik, Egypte> 30-2 Sommet commercial et Forum commercial CARIFORUM Â… UE, Trinidad Juillet > 2-5 29e Réunion régulière de la Conférence des chefs de gouvernements Antigua et Barbuda> 12 Sommet CARICOM-Espagne, Saragosse, en Espagne> 15-16 CRNM : formation Bootcamp sur les négociations commerciales (Trade Negotiations Bootcamp), à Haïti> 16-18 Réunion Habitat ACP-ONU, Dar es-Salaam, Tanzanie> 17-18 Comité de l'OMC sur les accords commerciaux régionaux à Genève> 23-25 Révision des politiques commerciales de lÂOMC, Barbade> 29-30 Conseil général de lÂOMC, Genève, Suisse Sommet CARICOM-Canada, Ottawa (date à décider) Août > 19-21 Réunion annuelle du Forum du Pacifique, Niue (à confirmer) Septembre > 12-13 Forum médias et développement, Ouagadougou, Burkina Faso> 23-25 ONU Â… besoins de lÂAfrique en matière de développement, New York, Etats-Unis CARICOM : Communauté des Caraïbes (15 Etats membres) CARIFORUM : Forum des Etats ACPdes Caraïbes CRNM : Caribbean Regional Negotiating Machinery (Mécanisme de négociation régionale caribéen) EU-LAC : Union européenne, Amérique latine et Caraïbes OMC : Organisation mondiale du commerce CALENDRIER Juin à Septembre 2008 Strasbourg, France, accueille la 3e ÂŽdition des JournÂŽes europÂŽennes du dÂŽveloppement, 15-17 novembre 2008. Info: http://eudevdays.eu/Public/index.html
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REPORTAGESIERRA LEONE Et la lumière futDOSSIERPêche Problèmes aux larges des pays ACPBiocarburants Plus de questions que de réponses REPORTAGESIERRA LEONE Et la lumière futDOSSIERPêche Problèmes aux larges des pays ACPBiocarburants Plus de questions que de réponses Not for sale ISSN 1784-6803 C urrierN.5 N.S.AVRIL MAI 2008LeLe magazine des relations et CoopŽrations Afrique Cara•bes Pacifique et Union europŽenne
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