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Courrier (French)

Material Information

Title:
Courrier (French)
Place of Publication:
Brussels, Belgium
Publisher:
Hegel Goutier
Publication Date:
Copyright Date:
2008
Language:
English
French
Portuguese
Spanish

Subjects

Genre:
serial ( sobekcm )

Record Information

Source Institution:
University of Florida
Holding Location:
University of Florida
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All applicable rights reserved by the source institution and holding location.

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Caribbean Newspapers, dLOC
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REPORTAGESIERRA LEONE Et la lumière futDOSSIERPêche Problèmes aux larges des pays ACPBiocarburants Plus de questions que de réponses REPORTAGESIERRA LEONE Et la lumière futDOSSIERPêche Problèmes aux larges des pays ACPBiocarburants Plus de questions que de réponses Not for sale ISSN 1784-6803 C urrierN.5 N.S.AVRIL MAI 2008LeLe magazine des relations et CoopŽrations Afrique Cara•bes Pacifique et Union europŽenne

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Conseil Editorial Co-prŽsidents Sir John Kaputin, SecrŽtaire gŽnŽral SecrŽtariat du Groupe des Etats ACP www.acp.int M. Stefano Manservisi, Directeur-GŽnŽral DG DŽveloppement ec.europa.eu/development/ RŽdaction Directeur et RŽdacteur en chef Hegel Goutier Journaliste Debra Percival Assistant Editorial et Production Joshua Massarenti Ont participŽ ˆ ce numŽro Marie-Martine Buckens, Sandra Federici, Gibril Foday-Musa, T. T. Fons, BŽatrice Gorez, Gaoussou Gueye, Andrea Marchesini Reggiani, Franois Misser Relations publiques et Coordination artistique Relations publiques Andrea Marchesini Reggiani (Responsable Relations publiques et rŽseaux ONG et experts) Joan Ruiz Valero (Responsable Networking avec les institutions UE et nationales) Coordination artistique Sandra Federici Concepteur Graphique, Maquette Orazio Metello Orsini Arketipa Gestionnaire de contrat Claudia Rechten Tracey D'Afters CouvertureVendeur de casseroles en aluminium fabriquŽes ˆ partir de matŽriel recyclŽ, Freetown, Sierra Leone, 2008 © Debra PercivalQuatrime de couvertureA droite : Ismail Farouk, Entrance to the Jack Mincer Taxi Rank & Park Central Filling Station, Shot from the Drill Hall, Video, colour, 2006. Avec l'aimable autorisation de Ismail Farouk A gauche: Ismail Farouk, GHB626GP, 2006. Avec l'aimable autorisation de Ismail FaroukContact Le Courrier 45, Rue de Trves 1040 Bruxelles Belgique (EU) info@acp-eucourier.info www.acp-eucourier.info Tel : +32 2 2374392 Fax : +32 2 2801406 PubliŽ tous les deux mois en franais, anglais, espagnole et portugaisPour toute information concernant l'abonnement, veuillez consulter notre site web www .acp-eucourier .info ou contacter info@acp-eucourier .info Editeur responsable Hegel Goutier Consortium Gopa-Cartermill Grand Angle Lai-momo Le SecrŽtariat ACP et l'Union europŽenne, membres du Conseil Editorial de la revue, dŽclinent toute responsabilitŽ quant aux positions prises dans les articles du magazine Le Courrier. Le consortium et la rŽdaction dŽclinent toute responsabilitŽ quant aux articles Žcrits par les rŽdacteurs extŽrieurs ˆ l'Žquipe de rŽdaction et par tout rŽdacteur invitŽ. Notre partenaire privilégié ESPACE SENGHORLEspace Senghor est un centre qui assure la promotion dartistes venus des pays dAfrique, Caraïbes et Pacifique et léchange culturel entre communautés, au travers de programmes variés allant des arts scéniques, de la musique, du cinéma, à la tenue de conférences. Sy rencontrent belges, immigrés dorigine diverses, fonctionnaires européens. E-mail : espace.senghor@chello.be Site : www.senghor.beCet espace est réservé aux partenaires privilégiés Le magazine des relations et CoopŽrations Afrique Cara•bes Pacifique et Union europŽenneCurrierLe EDITORIALLe retour de vieilles peurs 3SANS DƒTOUR Aux commandes de la Machineriecaribéenne. Entretien avec le Dr. Richard Bernal 4TOUR D'HORIZON6DOSSIERPche,ˆ la recherche d'un modle durableGuerre ouverte à la pêche illicite, non déclarée, non réglementéeŽ 11 Les nouveaux accords de partenariat 13 Lexemple … controversé … de la Mauritanie 15 La pêche artisanale ACP: la plus performante pour répondre aux défis du nouveau millénaire 18 Pêches artisanales : les défis de la traçabilité et de la qualité. Le cas du Sénégal 19INTERACTIONSLes figures de proue de la coopération ACP-UE 21COMMERCEDébat enflammé sur le marché des biocarburants 25ZOOMUne journée dans la vie de King Fisher 26DE LA TERREBarrage sous haute surveillance 28REPORTAGESierra LeoneGuerre et paix 30 Le business de la gouvernance 33 Une opposition bipartite 35 Secteur minier : une réforme en chantier 36 Lagriculture en ligne de mire à mesure que les prix du riz grimpent 38 Relever le défi écologique 40 Des fonds européens pour soutenir la stabilité 42 Tourisme : Le réveil du lion ? 43DƒCOUVRIR L'EUROPE Chypre et MalteChypre. Histoire de rencontres et de métissage 44 Miracle économique 46 Le Planning Bureau, architecte du miracle économique au service du développemen 47 Identités chypriotes 48 Stelios Ieronimidis. Adjoint au maire de Nicosie 49 Beauté et charme de trois continents 50 Comme si Malte contrôlait son histoire 52 L'âme de Malte. Ouverture et enfermement 54 Une économie intelligente qui ne craint pas la mondialisation 56 Malte d'hier et d'aujourd'hui 58CRƒATIVITƒPhotographie contemporaine du Congo RDC. Congo EZA, conjugaison de réalités et de rêves sur papier sensible 59 .ZAYoung art from South Africa 60 Programme dappui aux industries culturelles des pays ACP 61 Danzas des deux mondes. Quand la musique classique se métisse 62AUX PLUS JEUNESGoorgoorlou, le pêcheur 63Ë VOTRE ƒCOUTE/AGENDA64SommaireC urrierNo5 N.S. AVRILMAI 2008LeLe magazine des relations et CoopŽrations Afrique Cara•bes Pacifique et Union europŽenne LE COURRIER,N.5 NOUVELLE SERIE (N.S)

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N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008E ditorial 3 Le surgissement de ce quon a vite baptisé les émeutes de la finŽ a réveillé partout une vieille peur ancestrale, celle des affres de la famine. Et ceci, même dans les pays riches qui semblent sêtre protégés contre ce fléau. Au fur et à mesure que les nouvelles tombaient, la qualification de la peur salourdissait De manifestations en Egypte, on est passé aux émeutes au Cameroun, au Burkina Faso, au Sénégal, au Sri Lanka ou en Côte dIvoire, aux affrontements violents en Haïti. Certains se sont souvenus que les grands blocs de pays riches se sont érigés dabord pour se prévenir contre la faim. LUnion européenne consacrait dans le temps jusquau deux-tiers de son budget à sa politique agricole. Cétait le prix de la sérénité contre la peur de la faim qui avait titillé des populations ayant souffert du mal et qui lavaient intégré dans leur mémoire collective. Dautres se sont souvenus quaucun pays nétait devenu riche en respectant scrupuleusement la nature, la bonne gouvernance et les droits de lhomme et que le challenge réclamé aujourdhui aux pays pauvres … et qui est indispensable dans le contexte actuel … , est à nul autre pareil. Encore maintenant, les grandes puissances sont celles qui arrivent dabord à se nourrir, plus que celles disposant de matières premières exportables, fussent-elles du pétrole ou du diamant. Ce nest pas simplement une question de gouvernance. La Chine ou lInde sont en train de pénétrer le cercle des puissants seulement après avoir commencé à nourrir beaucoup mieux leurs peuples. Et pourtant, cela faisait longtemps que lInde était capable de fournir des pléthores dingénieurs et de mathématiciens. Ce qui alarmait peu, il y a peu, a été vu donc dans sa vraie dimension: une catastrophe mondiale. Le Commissaire européen au Développement, Louis Michel qui avait déjà attiré lattention dans le temps sur cette menace la même identifiée comme un tsunami. Le Programme alimentaire mondial avait déjà lancé un SOS en mars dernier, un mois avant les éruptions. Mais combien dexperts, de prospecteurs, danalystes non rien vu venir ? Alors que rien nest vraiment nouveau dans les pays touchés. En Haïti par exemple, sous la première présidence de René Préval à la fin de la décennie 90, les rizières ont disparu alors que le pays était dans le temps exportateur. Acause de problèmes dirrigation mais surtout du fait de grands de lagroalimentaire américain qui vendaient leur riz moins cher que la production locale, le temps que celle-ci disparaisse. Des explications existaient : la mauvaise gouvernance, le manque de liberté, le bas niveau de léducation et de la santé. Toutes sont vraies mais elles ne suffisent pas. Il y a eu aussi des conseils judicieux quand il était apparu que le développement économique était souvent plombé par les prix croissants de lénergie. Il fallait produire du biodiesel. Il savère que le soya, lhuile de palme ou le maïs utilisés pour sa production forment un vase communicant avec les denrées destinées à lalimentation. Jeu dans lequel le biocarburant gagne au départ, il se vend plus cher. Mais un jeu qui peut se révéler dangereux, entraînant la hausse insoutenable du prix des aliments dans un cercle vicieux. Le chemin de lenfer est vraiment pavé de bonnes intentions. Dans ce numéro du Courrier nous évoquons cette problématique. Nous couvrons aussi Sierra Leone. Au bas du classement du développement du PNUD. Mais ces jours-ci au haut de lespoir grâce au retour de lélectricité coïncidant avec linstauration dun nouveau gouvernement . Son ministre de lAgriculture est déjà courtisé pour la production de biocarburant à partir de lhuile de palme. Mais il préfère prendre son temps pour répondre ne voulant pas que le veau dor de lénergie prenne la place du riz ou du cacao. Il y a de la lumière dans ce doute. Hegel Goutier Directeur et Rédacteur en chef Le retour de vieilles peurs Gulda El Magamba, "CŽrŽmonie de divination Sanga", extrait de "Congo Eza", Africalia Editions & Roularta Books. Avec l'aimable autorisation de Africalia. Site internet : www.africalia.beLe retour des vieilles peurs : les affres de la faim. Combien d'experts, de prospecteurs, d'analystes n'on rien vu venir ?

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N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008 5 4 S ans détour S ans dŽtour Les négociations se sont ainsi achevées le 16 décembre 2007, non pas en raison de pressions externes, mais parce que les négociateurs comme les chefs dEtat avaient la conviction quil sagissait dun bonŽ accord et que le mandat avait été mené à bonne fin. LAPE ne risque-t-il pas dêtre dénoncé au sein de lOMC ? En droit, lissue heureuse d'un procès ou d'une procédure dépend souvent de deux variables : l'interprétation du droit et la crédibilité des arguments présentés par le demandeur et la plaidoirie. L'OMC ne fait pas exception à la règle. Il n'est donc pas exclu que des membres de l'OMC en viennent à dénoncer l'APE. Certaines dispositions des règles de lOMC sont ambiguës et n'ont pas encore passé de façon probante lépreuve du test et de linterprétation sur la base de la jurisprudence de l'OMC. Une telle ambiguïté pourrait faciliter la remise en question de l'accord, notamment par des pays développés concurrents mais aussi par des pays en développement n'appartenant pas au Groupe ACP. Mais dans le même temps, cette ambiguïté offre une certaine latitude pour des interprétations libérales et l'application du principe juridique. En nous associant aux négociations, nous voulions parvenir à un accord qui, contrairement au système de préférences de Cotonou qui exigeait une dérogation, serait demblée compatible avec les règles de lOMC. Nous avons pris soin de négocier un accord susceptible de garantir nos intérêts commerciaux mais qui passerait avec succès le test de l'examen juridique attentif. Quels sont les avantages de lAPE pour les Caribéens ? Un des avantages les plus immédiats de lAccord est quil permet au CARIFORUM déviter dêtre confronté au SPG, qui se serait révélé considérablement moins avantageux que lAPE. Certains secteurs clés du CARIFORUM, comme lindustrie bananière, auraient clairement souffert dune absence dAPE, étant donné que le SPG ne couvre pas les bananes. En outre, à court/moyen terme, les réductions tarifaires pourraient entraîner une baisse du prix de certains biens et services, doù des économies potentielles pour les consommateurs. La diminution des prix de détail devrait également entraîner à la baisse les coûts de production pour les producteurs du CARIFORUM dont les processus de production et les entrants sont extrêmement dépendants des importations. Sur le long terme, lAPE assure au CARIFORUM un accès préférentiel aux marchés européens, dans les secteurs traditionnels et nouveaux des marchandises et des services et dans une forme compatible avec les règles de lOMC. Quen est-il des pertes de recettes tarifaires qui menacent les gouvernements ACP? En s'engageant à libéraliser les échanges, le CARIFORUM comme l'Europe devront éliminer les droits d'importation frappant certains biens. Cette suppression saccompagnera dune perte des revenus provenant de ces droits. Le CARIFORUM devrait libéraliser pas moins de 80% de tous les biens importés dEurope même s'il n'est pas tenu déliminer immédiatement tous ces droits de douane. Contrairement à lEurope qui est tenue de supprimer demblée les droits et les contingentements pour tous les biens, à lexception du riz et du sucre, le CARIFORUM bénéficie, quant à lui, dun calendrier de suppression progressive des droits, de sorte que les droits ne seront pas tout de suite complètement supprimés. Pour certains produits, le CARIFORUM peut ainsi différer la libéralisation de 5, 10 ou 15 ans, voire dans certains cas de 25 ans. En outre, l'APE prévoit une liste de produits ne devant pas être libéralisés. Au titre dun accord commercial comme lAPE, lon peut sattendre à ce que les pertes de revenus soient compensées par lexploitation des opportunités de marché offertes aux entreprises. Toutefois, au sein du CARIFORUM, lajustement à la perte de revenus liée à la libéralisation peut être encore facilité par une réforme des systèmes fiscaux, lidée étant de renoncer progressivement au système de taxes faisant obstacle aux échanges commerciaux au profit dautres formes de taxation. Quelle forme daide au développement faut-il prévoir pour soutenir lAPE ? La réussite de la mise en œuvre de l'accord au sein du CARIFORUM repose sur la définition et la mise en œuvre dune aide au développement financière et non financière ainsi que sur la coopération. Les mesures et les priorités daide au développement au titre de lAPE sont décrites dans les grandes lignes dans un chapitre sur le développement, mais elles sont davantage détaillées dans les chapitres axés sur les questions commerciales particulières au titre de l'accord. La définition de la formulation et de la mise en œuvre de projets spécifiques daide au développement doit être précédée dun processus dévaluation des besoins. Ce processus, qui nest toutefois pas encore terminé, a démarré bien avant la fin des négociations autour de lAPE. Lévaluation des coûts de la mise en œuvre sera déterminée via ce processus. Il appartient aux Etats membres de déterminer quels seront ces projets. Et le suivi ? Le suivi de la mise en œuvre de lAPE devrait être facilité grâce aux processus participatifs existant à léchelon national, tant au sein du CARIFORUM qu'en Europe. LAPE inclut cependant certaines dispositions institutionnelles, parmi lesquelles la création de trois institutions CARIFORUM-UE : un Conseil paritaire, un Comité CARIFORUM-EU pour le commerce et le développement et enfin la Commission parlementaire. www.crnm.org, www.eu.europa.eu/trade* Directeur général du CRNM ** Le CARIFORUM est le Forum caribéen du Groupe des Etats dAfrique, des Caraïbes et du Pacifique. Il comprend des membres du groupement régional du Caricom, à savoir : les Bahamas, la Barbade, Belize, la Dominique, Grenade, la Guyane, Haïti, la Jamaïque, Saint Christophe et Nevis, Sainte Lucie, Saint Vincent et les Grenadines, le Suriname, Trinité et Tobago, la République Dominicaine et Cuba. L'UE a paraphé un APE le 16 décembre 2007 avec tous les Etats du CARIFORUM, à l'exception de Cuba. Quel a été le rôle du CRNM dans l'adoption de l'APE ? Le CRNM a joué un rôle de coordination et a ainsi facilité lélaboration de positions de négociation régionales. Il a en quelque sorte animé les consultations avec les parties prenantes, mais aussi la recherche et les travaux techniques. Laboutissement des négociations avec l'adoption de l'APE est ainsi dû en partie au travail technique des négociateurs et du CRNM, mais surtout aux Etats membres qui, en fin de compte, sont tenus de définir le mandat de négociation et de guider les négociateurs tout au long du processus. Une Machineriesuppose une avancée, quelle quelle soit ! Lorsquon entre dans sa voiture, on sattend généralement à ce quelle démarre dès quon a mis la clé de contact. De la même manière, on sattend à ce que la Machineriede négociation fonctionne elle aussi correctement et de manière cohérente en tenant compte de lévolution de la nature et du champ dapplication de la politique de commerce extérieure du CARIFORUM. Pensez-vous que lon vous ait poussé à signer lAPE précipitamment ? Limpact de la suppression des préférences commerciales non réciproques au titre de lAccord de Cotonou a été particulièrement perceptible dans notre région. Trois grandes possibilités soffraient à nous : recourir au Système généralisé de préférences (SGP), négocier un nouvel accord daccès portant exclusivement sur les marchandises ou négocier un APE à part entière. Reconnaissant le potentiel commercial dans le domaine des services et des investissements, la région a décidé qu'un APE à part entière représentait la meilleure solution.A A U U X X C C O O M M M M A A N N D D E E S S D D E E L L A A M M A A C C H H I I N N E E R R I I E E C C A A R R I I B B É É E E N N N N E E . . E E N N T T R R E E T T I I E E N N A A V V E E C C L L E E D D R R R R I I C C H H A A R R D D B B E E R R N N A A L L* *Debra Percival Mots-clés Richard Bernal ; CARICOM ; APE ; CRNM. Bernal (àdroite) signant l'APE avec Karl Falkenberg, directeur gŽnŽral adjoint du commerce ˆ la Commission europŽenne. Derrire, Kusha Haraksingh, nŽgociateur en chef pour les aspects juridiques de l'APE, et le Collge des nŽgociateurs. © Wayne Lewis Au centre: l'Ambassadeur Richard Bernal ; ˆ gauche, Henry Gill, Directeur technique senior du MŽcanisme de nŽgociation rŽgionale caribŽen (CRNM) ; ˆ droite, Junior Lodge, coordinateur senior du CRNM, basŽ ˆ Bruxelles. © CEQuatorze membres du CARIFORUM** font partie du seul groupe rŽgional ACP ˆ avoir paraphŽ ˆ ce jour un Accord de partenariat Žconomique (APE) ˆ part entire avec l'Union europŽenne (UE). Une avancŽe pour laquelle il convient de rendre hommage ˆ la Machinerie de nŽgociation rŽgionale caribŽen (CRNM), basŽ en Jama•que. Cet organisme a vu le jour en 1997, sur l'initiative des chefs d'Etat et de gouvernement du CARICOM (l'organisme rŽgional basŽ en Guyane qui s'emploie ˆ promouvoir l'intŽgration des CaribŽens) en vue de mettre en commun les ressources et de coordonner toutes les nŽgociations commerciales avec les partenaires. Le nouvel accord CARIFORUM-UE devait tre signŽ durant le printemps 2008, sa mise en Ïuvre transitoire dŽmarrant en juillet. M. Richard Bernal, directeur gŽnŽral du CRNM et Žconomiste, s'est entretenu avec Le Courrier.

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N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008T our d'horizon Occhiello7 T our d’horizon Le 13 décembre dernier, le Parlement des Iles Salomon a émis un vote de méfiance contre le gouvernement, procédant ainsi à la démission du Premier ministre et chef du gouvernement, Manasseh Sogavare. Une semaine après, son successeur Derek Sikua à peine intronisé a été chaudement salué par la communauté internationale et surtout par lAustralie qui sest engagée à intensifier sa coopération avec son gouvernement, mettant ainsi fin à la tension qui pourrissait les relations entre les deux pays. Surtout, lun des premiers actes forts du nouveau chef du gouvernement a été de se rendre à Malaita pour présenter des excuses à la population locale pour les offenses et les injusticesŽ perpétrées contre elle durant les récents conflits ethniques. Les différends entre les originaires de cette province et les habitants de lîle de Guadalcanal ont été en grande partie à lorigine de la longue crise dans laquelle le pays est plongé depuis la fin des années 90. Lappel de M. Derek à une grande réconciliation a été assorti dune demande de négociations avec lexécutif de Malaita en vue notamment de la réalisation dimportants projets de développement dont celui du Aulauta Oil Palm espéré depuis longtemps sur place. >La notion de WantokŽ Lors de la visite du Courrier aux Iles Salomon, il y a quelques mois, lancien Premier ministre, Manasseh Sogavare, alors en poste avait largement souligné lâpreté des relations de son gouvernement avec lAustralie, reprochant notamment à ce pays de vouloir imposer des solutions ne tenant pas compte de la culture et des us et coutumes des Iles Salomon. Pour comprendre lévolution de la situation dans ce pays, une notion est importante, celle du wantokŽ (one talk) , en dautres termes ceux qui parlent la même langue que soi, du même clan donc, vis-à-vis desquels on a un devoir de solidarité, à la limite souvent de la légalité. Cette notion est bien ancrée dans la culture mélanési-I I L L E E S S S S A A L L O O M M O O N N . . L L E E N N T T E E S S O O R R T T I I E E D D E EL L O O N N G G U U E E C C R R I I S S E E . .Hegel GoutierLe Parlement des Iles Salomon vient d'Žlire le 13 dŽcembre dernier un nouveau Premier ministre aprs avoir Žmis un vote de mŽfiance contre son prŽdŽcesseur. Le jeu dŽmocratique a ŽtŽ respectŽ et, cette fois, sans Žmeutes populaires, contrairement aux mauvaises expŽriences du passŽ rŽcent. La tension avec le puissant voisin australien s'est vite estompŽe. La sortie de crise entamŽe depuis longtemps semble progresser.enne à laquelle appartiennent la plupart des habitants des Iles Salomon. Par ailleurs, la dizaine dîles constituant ce pays et qui sest rassemblées dans un ensemble quavec lindépendance, est chacune peuplée de clans différents, dont plusieurs ont entretenu des antagonismes séculaires. Pour une population denviron 540.000 habitants, coexistent plus de 70 langues totalement différentes les unes des autres. Le processus dunification de cet ensemble dîles na vraiment commencé quà la Seconde Guerre mondiale, qui a vu la région, et particulièrement lIle de Guadalcanal, devenir le théâtre dun des plus spectaculaires et déterminants affrontements entre les forces nippones et américaines. Cest là en définitive que les Japonais ont perdu la guerre. Ce sont les baraquements de laéroport militaire dHoniara qui allaient devenir la base de la future capitale, Honiara. Et les autres îles seront regroupées autour de Guadalcanal, lEtat des Iles Salomon à qui le Royaume-Uni accordera lindépendance en 1978, sans avoir connu une vraie histoire partagée. Le wantok, pratiqué par des politiques détenant le pouvoir a souvent été perçu par des bailleurs de fonds comme une mauvaise gouvernance. Doù, pour le moins, des incompréhensions, sinon de graves tensions !>Troubles répétés La courte histoire du nouvel Etat a vite été dominée par la tension entre les Malaitais et la population de Guadalcanal. La densité de la population à Malaita est relativement élevée et les opportunités économiques relativement faibles comparées à sa voisine Guadalcanal, siège du pouvoir politique. Une partie importante de sa population va y émigrer. Les premiers troubles importants remontent à la fin des années 90 avec pour point de départ lopposition entre les populations originaires de Malaita installées dans la province de Guadalcanal et les locaux. Le peuple gwale de Guadalcanal, lîle la plus prospère, a commencé à émettre de vives protestations contre ce quil considère comme une invasion des habitants des autres îles surtout, de celle voisine de Malaita accusés de semparer non seulement des terres mais aussi des emplois. Des bandes paramilitaires se sont constituées. Dabord, le Guadalcanal Revolutionnary Army (GRA) qui a commencé à intimider les immigrésŽ malaitais, les forçant à fuir par milliers (plus de 20.000 de 1999 à 2003) les zones rurales vers la capitale ou vers leur terre dorigine. Aux intimidations de ce groupe dirrédentistes sest constitué le Malaitan Eagle Force qui a opéré en juin 2000 un coup dEtat de facto en capturant le Premier ministre. Réponse dune nouvelle bande paramilitaire gwale (le Isatabu Freedom Fighters qui a remplacé le GRA), qui a assassiné un membre du nouveau gouvernement. Bilan: des centaines de morts. Deux accords de paix successifs entre les parties sont restés lettre morte, surtout quà partir davril 2000, des conflits ont éclaté dans le Western Province. En arrière-fond de cette nouvelle crise, lexploitation insoutenableŽ des forêts par des sociétés étrangères, principalement asiatiques, dont les impacts ne concernent pas seulement lenvironnement, léconomie, la bonne gouvernance mais aussi la culture et les us et coutumes. Normalement, la propriété terrienne dans plusieurs îles de la région, comme à Guadalcanal, revient à la femme. Or, les compagnies forestières sont accusées de faire des transactions irrégulières avec certains responsables de villages et de déposséder les femmes. Des manifestations de femmes de grande ampleur se sont répétées et ont été victimes de brutalités des gardes de sécurité privés de certaines plantations. Ella Kauhue, Secrétaire générale du National Council of Women explique au Courrier :  À Guadalcanal par exemple, la règle est la matrilinéarité qui prime. Ce sont les femmes qui sont propriétaires des terres. Mais souvent, lorsquil MusŽe national et centre culturel, Honiara 2008. © Hegel Goutier Le MŽmorial de Guadalcanal 2008. © Hegel GoutierParlement, Honiara. © Hegel Goutier "La rŽcente crise politique concernant la direction du pays a montrŽ la force de nos institutions dŽmocratiques fondamentales pour garantir une issue juste et dŽmocratique", a dŽclarŽ le Premier ministre Derek Sikua 6 De la fumŽe dans la brousse, prs de Honiara 2008.© Hegel Goutier En arrire-fond de cette nouvelle crise, l'exploitation "insoutenable" des forts.

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N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008T our d'horizon Occhiello8 T our d'horizonOcchiello est question de permettre à des étrangers de venir, les femmes ne participent pas aux décisions. Les hommes reçoivent dimportantes sommes dargent. Ils voyagent, dépensent largent puis reviennent au villageŽ. En avril 2003, les Etats insulaires du Pacifique, dans le cadre de la Déclaration de Biketawa*, ont décidé de dépêcher aux îles Salomon une mission de police … le RAMSI (Regional Assistance to Solomon Islands) … sous la direction de lAustralie qui a fourni 80% du contingent. Des unités néo-zélandaises et dautres îles du Pacifique en font également partie. Anoter que celles de Fidji et Papouasie Nouvelle Guinée sont rémunérées par lAustralie. Le RAMSI a réussi à y ré-instaurer lordre malgré des troubles intermittents. Ainsi, après des élections relativement bien déroulées en 2006, le Premier ministre élu par une large majorité issue des trois premiers partis du pays a dû démissionner après plusieurs jours démeutes, accusé davoir partie liée avec la corruption. Etaient particulièrement visés les milieux daffaires asiatiques, surtout taiwanais, impliqués dans la gestion des forêts. Ces émeutes ont causé, entre autres, la destruction du Chinatown dHoniara. Un nouveau Premier ministre a été élu par le Parlement qui semblait convenir aux émeutiers, M. Manasseh Sogavare (encore en poste lors du reportage du Courrier ) mais qui allait entretenir des relations tendues avec une partie de la Communauté internationale et plus spécialement avec lAustralie. La raison principale en était que le Premier ministre avait placé dans son gouvernement deux personnalités accusées davoir participé à lorganisation des émeutes. Dans un communiqué publié en mai 2006, lUnion européenne a dailleurs fait part de sa désapprobation. Sous la pression internationale, ces nominations ont été annulées mais les relations avec lAustralie sont restées envenimées à cause notamment dautres nominations contestées. M. Sogavare avait déjà été Premier ministre à la suite du coup dEtat de 2000 et ce jusquaux élections de décembre 2001 perdues par son parti. Le 13 décembre, un vote de confiance du Parlement, a démis Sogavare de son poste et le 20 décembre il a été remplacé par M. Derek Sikua. M. Sogavare assume désormais le rôle de leader de lopposition. Rarement depuis la crise de 1999 un changement de gouvernement ne sest opéré dans un tel calme, sans échauffourées dans les villes ou les campagnes. Pour le nouveau Premier ministre, cest un signe que les institutions démocratiques ont pris de la vigueur:  La récente crise politique concernant la direction du pays a montré la force de nos institutions démocratiques fondamentales pour garantir une issue juste et démocratiqueŽ. Effectivement, depuis larrivée des forces du RAMSI, le jeu démocratique a été respecté mais souvent avec volatilité et des convulsions plus ou moins graves qui ne permettaient pas de présumer dune sortie totale de crise et du départ des troupes du RAMSI. La foule nombreuse à Malaita qui a applaudi le nouveau Premier ministre a été interprétée par beaucoup comme le début dune vraie réconciliation nationale. Pourvu que la détente actuelle ne soit pas suivie de nouveaux atermoiements et dautres hoquets de la démocratie. * La Déclaration de Biketawa adoptée en octobre 2000 par le Forum des Iles du Pacifique (Pacific Islands Forum) a défini les bases dune réponse coordonnée aux crises régionales.Le Président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a appelé les Etats membres de lUnion européenne à revoir à la hausse leur aide officielle au développement. Cette condition est nécessaire à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Il sagit entre autres de réduire de moitié dici à 2015 lextrême pauvreté dans le monde. Lors dune conférence de presse le 9 avril à Bruxelles, M. Barroso a affirmé : Nous affichons de bons résultats en termes d'efficacité de l'aide, mais soyons honnêtes, il faut reconnaître qu'en termes de volume, nos performances en 2007 ont tout simplement été insuffisantesŽ. Il est fait mention dun appel à un renforcement de laide dans un document communautaire intitulé L'UE partenaire global pour le développementŽ. Cette communication de la Commission européenne, publiée le 9 avril, entend ouvrir les négociations pour une position commune de lUE en vue du Forum de haut niveau sur lefficacité de laide prévu en septembre à Accra, au Ghana, et en vue de la Conférence sur le financement du développement, qui se tiendra en décembre à Doha. Le total de laide officielle au développement des 27 Etats membres de lUE pour lensemble des nations en développement a diminué pour la première fois depuis 2000. De 47,7 milliards deuros en 2006, il est passé à 43,1 milliards deuros en 2007. Des chiffres récents de lOrganisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont révélé que laide des pays suivants a diminué en 2007, alors quil sagit de pays dont la contribution en volume est habituellement élevée : la Belgique (11,2%), la France (15,9%), lItalie (3,6%), le Portugal (9,4%), la Suède (2,6%) et le Royaume-Uni (29,1%). Les pays suivants ont été plus généreux en 2007 : lAllemagne (+ 5,9%), Irlande (+ 4,6%), le Luxembourg (+ 11,7%), lEspagne (+ 33,8%), lAutriche (+ 7,6%), le Danemark (+ 2,9%), la Finlande (+ 5,5%), la Grèce (+ 5,3%) et les Pays-Bas (+ 3,1%). Le Président Barroso a déclaré que la Commission européenne se devait de jouer un rôle de premier plan dans la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Il a demandé que les Etats membres précisent leurs dépenses annuelles en matière de développement jusquà 2015. Il a ajouté que cette question serait évoquée en juin lors de la réunion en Slovénie des chefs dEtat et de gouvernement de lUnion européenne et en juillet au Japon devant le Groupe des huit pays les plus industrialisés (G8). Les Etats membres ont également été appelés à contribuer à une nouvelle ligne budgétaire annuelle de la Commission européenne qui se chiffre à 2 milliards deuros pour laide au commerce jusquen 2010, montant dont une moitié viendra de la Commission et lautre des Etats membres. Le financement sera affecté à des infrastructures visant à stimuler le commerce régional dans les pays en développement. On sattend à ce que les pays dAfrique, des Caraïbes et du Pacifique en bénéficient largement. Un accroissement de laide ne constitue quune des recommandations du document partenaire globalŽ, une autre étant une plus grande efficacité de laide. Dimportants progrès ont été réalisés sur ce plan. Comme la expliqué le Commissaire au Développement, Louis Michel, à des journalistes le 9 avril, les Etats membres ont en effet pris des décisions communes de planification. Ainsi, en Somalie, la coordination de laide a été assurée par six pays européens et par la Norvège. M. Michel a également apporté son appui au soutien budgétaire car ainsi sest créée une relation de confiance dégal à égalŽ. 47% des 22,6 milliards deuros au titre du 10e Fonds européen de développement (FED) seront affectés à laide budgétaire dans les pays ACP. Le document recommande avec insistance une meilleure cohérence des politiques de lUE en matière de développement et dans les autres domaines, pour éviter des situations où elles seraient en contradiction les unes avec les autres, un exemple étant les biocarburants (Voir larticle sur les biocarburants dans la rubrique sur le commerce). D.P . L L a a r r é é d d u u c c t t i i o o n n d d e e l l   a a i i d d e e d d e e s s E E t t a a t t s s m m e e m m b b r r e e s s d d e e l l   U U n n i i o o n n e e u u r r o o p p é é e e n n n n e e : : l l e e s s p p r r o o m m e e s s s s e e s s e e n n m m a a t t i i è è r r e e d d e e l l u u t t t t e e c c oo n n t t r r e e l l a a P P A A U U V V R R E E T T É É s s o o n n t t c c o o m m p p r r o o m m i i s s e e s s L L E EG G E E E E R R E E F F L L U U T T T T E E C C O O N N T T R R E E L L E E C C H H A A N N G G E E M M E E N N T T C C L L I I M M A A T T I I Q Q U U E E Le GEEREF (Global Energy Efficiency and Renewable Energy Fund) est le fonds mondial pour la promotion de l'efficacitŽ ŽnergŽtique et des Žnergies renouvelables. Il s'agit d'un nouveau fonds europŽen destinŽ ˆ financer des projets ˆ petite Žchelle qui travaillent ˆ l'amŽlioration de l'efficacitŽ ŽnergŽtique ou ˆ la promotion de l'Žnergie renouvelable dans les pays en dŽveloppement et dans les Žconomies en transition. L'objectif global des projets est d'attŽnuer le changement climatique. Au cours des quatre prochaines annŽes, la Commission europŽenne va affecter 80 millions d'euros au fonds afin de le relancer et de stimuler les investissements privŽs. Auront la prioritŽ les projets utilisant des technologies ŽprouvŽes, respectueuses de l'environnement. Les ressortissants des pays ACP peuvent participer. D.P . Mots-clés Iles Salomon ; Pacifique ; forêt ; gouvernance ; Sogavare ; Derek Sikua. Mots-clés Debra Percival ; objectifs du Millénaire pour le développement ; aide ; José Manuel Barroso ; Louis Michel. Campagne anti-sida de Save the Children 2008. © Hegel Goutier MarchŽ de Honiara 2008 © Hegel Goutier Station-service dans le quartier chinois, Honaria 2008. © Hegel Goutier Le mŽcontentement visait plus particulirement les milieux d'affaires asiatiques. Pendant ces Žmeutes, le Chinatown d'Honiara a ŽtŽ dŽtruit. Au large de Honaria 2008. © Hegel Goutier Encart logo de la campagne Action Climat. © CE9

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L Le secteur des pêches des Etats côtiers dAfrique, Caraïbes et Pacifique vit des jours mouvementés. Les défis auxquels il doit faire face sont multiples. Que ce soit la question de lintégration ou non du secteur dans les Accords de partenariat économique, la mise en place de structures adéquates pour assurer une pêche durable, tant de la part de leurs flottes que des flottes étrangères … singulièrement les flottes européennes … ou encore la viabilité des pêcheries artisanales, vitales dans certains Etats côtiers comme le Sénégal, la Mauritanie ou certains pays des Caraïbes. En toile de fond, la nouvelle proposition déposée par la Commission européenne en octobre 2007 pour lutter contre la pêche illégale, fléau dune envergure telle quil est devenu lun des dossiers prioritaires sur le plan international. Les défis sont dune telle ampleur que ce dossier a fait un arrêt sur image sur trois questions dactualité : la lutte contre la pêche illicite, laccord de partenariat pêche entre lUE et la Mauritanie, exemplaire, et la pêche artisanale. PÊCHE ,à la recherche dun modèle durable de Marie-Martine Buckens"Pour les pays ACPet nos relations avec eux, le dossier de la pêche illégale est dune importance majeureŽ, estime demblée Cesar Deben, dans la mesure où lon assiste à un développement progressif de ce type de pêche et dans la mesure où lEurope a un rôle majeur à jouer, compte tenu du fait que nous sommes le marché le plus porteur … même si on assiste à lémergence de la Russie et de la Chine … surtout pour les produits de qualitéŽ. LUnion européenne joue en effet un rôle important dans le commerce international des produits de la pêche. En 2003, la quantité importée par les 25 Etats membres de lépoque sélevait à plus de 10 millions de tonnes, pour un montant de quelque 24 milliards deuros. Au cours de la même année, lUE na exporté que 6 millions de tonnes de produits de la pêche, pour un montant denviron 14 milliards deuros. LUE est donc un importateur net de ces produits, tendance qui ne fait que se confirmer. Cest pour cette raison quau fil du temps, lUE a conclu des accords de pêche avec certains Etats côtiers des ACP: accords mixtes (permettant la capture de différentes espèces), en particulier avec lAfrique de lOuest, proche des côtes européennes, surtout espagnoles, ou accords thoniers avec des pays de locéan Indien (Seychelles et Comores notamment) et de locéanGUERREOUVERTEà laPÊCHEillicite, non déclarée, non réglementéeŽ L'UE a dŽcidŽ de s'attaquer de front ˆ un flŽau qui affecterait prs d'un cinquime du volume mondial de la pche : la pche illŽgale. Le point avec Cesar Deben Alfonso, Directeur en charge du contr™le et de l'exŽcution ˆ la Direction gŽnŽrale de la Pche et des Affaires maritimes ˆ la Commission europŽenne. Inspecteurs s'apprtant ˆ contr™ler un bateau de pche 2002. © ECL'Europe et l'Afrique, la nuit.© NASA-DLR 10 N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008D ossier Pêche 11 D ossier SŽchage du poisson ˆ Cap Skirring, en Casamance, SŽnŽgal. © DŽlŽgation de l'UE au SŽnŽgal

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N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008D ossier Pêche13 12 Pacifique … une des régions les plus riches en grands migrateurs … (îles Salomon, Kiribati et les Etats Fédéraux de Micronésie). Des accords qui cherchent avant tout à offrir à la flotte européenne les moyens de sassurer un approvisionnement régulier. Mais le marché international des produits de la pêche a pris une telle ampleur quil a entraîné dans son sillage de nouveaux pirates des mers, attirés par des gains juteux, dautant quils ne sencombrent pas des règles … technique de pêche, quotas … imposées aux flottes légales.>Vaste chantierLes raisons pour lesquelles nous abordons ce vaste chantier sont triplesŽ, poursuit Cesar Deben. Tout dabord, il sagit de conserver la ressource. Ensuite, le règlement que nous avons proposé en octobre 2007 offre un cadre de coopération, en particulier avec les pays ACPqui en sont les premières victimes en raison de lincapacité structurelle à faire face à ce fléau ; en raison aussi des problèmes de corruption. Il faut savoir que le contrôle des activités de pêche entraîne un coût énorme auquel bon nombre de pays ne peuvent faire faceŽ. Troisième raison : mettre la flotte européenne sur pied dégalité avec les flottes des pays tiers. Notre flotte doit faire face à des normes très élevéesŽ, explique le directeur, elle est la plus contrôlée au monde, et il faut quelle puisse être assurée dune concurrence loyaleŽ. Et de citer la présence à bord des navires de la boîte bleueŽ qui permet de localiser les navires par satellite et du livre de bord électronique qui sera généralisé dès 2009. Cesar Deben reconnaît toutefois que la pêche illicite touche toutes les flottes, que ce soit via des sociétés créées dans des pays tiers ou les fameux pavillons de complaisance.>Un chapelet de mesures contraignantesJusquici, lUE a soutenu ladoption de certaines mesures de lutte contre la pêche illicite prises par les organisations régionales de pêche. Mais cest la première fois que des mesures légalement contraignantes, sous forme dun Règlement du Conseil, peuvent être adoptées par les ministres européens de la Pêche. Quelles sont-elles ? Tout dabord sattaquer au statut du pavillon de complaisance. Le droit de la mer prévoit que lEtat est responsable des activités des navires battant son pavillon. Il sagit de faire respecter pleinement cette obligationŽ. Heureusement, estime Cesar Deben, les cas se font plus rares ; ainsi des pays comme la Guinée Equatoriale, la République Dominicaine, Belize ou le Panama auraient abandonné cette pratique. Mais il en reste encore beaucoupŽ, estime-t-il. Et de poursuivre : Nous voulons agir suivant deux axes. Le premier est de forcer les Etats à renforcer le contrôle. Sils ne sont pas coopérants, nous refuserons leurs produits dans les ports européens. Ensuite, nous changeons le cadre juridique en renversant le droit de la preuve. Les exploitants désirant exporter leurs cargaisons en Europe devront prouver le caractère légal de leurs captures, pratique dailleurs courante aux Etats-UnisŽ. Pour ce faire, le règlement prévoit un mécanisme de certification (qui existe déjà pour la pêche thonière) et les pays qui ne collaborent pas pourront être décertifiésŽ, ajoute le directeur européen. Il ne sagirait pas détablir une liste noire des bateaux pirates mais plutôt de supprimer un droit automatique. Il existe déjà des normes sanitaires, il suffit dy ajouter un critère de légalitéŽ.>Mesures daccompagnementIl faut égalementŽ, poursuit Cesar Deben, que le mécanisme soit en accord avec les règles de lOrganisation mondiale du commerce et quil nait pas de retombées négatives pour les exportateurs des pays en développement. Les principaux pays ACPexportateurs de produits de la pêche en Europe sont lAfrique du Sud, la Namibie, suivis de quelques pays dAfrique de lOuest, la Mauritanie en particulier. On estime ainsi que 80% des produits pêchés restent en Afrique via la chaîne du froid. Par ailleurs, nombre de ces pays sont les principales victimes de la pêche illégale. Les flottilles asiatiques qui pêchent sans licence dans ces eaux sont un véritable fléauŽ. Pour ces pays, lUE prévoit une compensation afin de les aider à respecter la légalité des activités de pêche. Une aide financière est prévue dans les accords de partenariats pêche conclus entre lUE et certains Etats ACP (appelés, il est vrai, à être de moins en moins nombreux). Cesar Deben : Nous pouvons par ailleurs prévoir des délais de mise en conformité plus longs, de même que des mesures daccompagnement, notamment pour former des douaniersŽ. Ces mesures pourraient être financées au titre du Fond européen de développement (FED) ou de la Politique commune de la pêche (PCP) de lUE. Ces propositions ont dans lensemble été bien reçues, tant par les ONG que par le Parlement européen et le Comité économique et social européenŽ, conclut Cesar Deben. Mais aussi par les grands concurrents de lUE dans ce secteur (notamment la Norvège, les Etats-Unis, même les Chinois seraient prêts à coopérer), facteur important puisque le règlement prévoit la mise en place dun réseau international. M.M.B . Les nouveaux accords dePARTENARIATLa fameuse politique du "pcher, payer, partir", appliquŽe par l'UE avec les pays ACP, avec lesquels elle a signŽ des accords bilatŽraux de pche, est rŽvolue. Place ˆ prŽsent ˆ des "accords de partenariat dans le secteur de la pche", les APP, placŽs sous l'Žtendard du "dŽveloppement durable".L'introduction de ces accords de partenariat a été dictée par des impératifs écologiques … la surexploitation sans cesse menaçante … mais aussi commerciaux. Devançant les nouvelles règles de l'OMC en matière de subventions à la pêche, la Commission estime en effet que la contribution financière offerte par la Communauté ne peut être considérée comme une subvention aux pêcheurs européensŽ. Al'avenir, poursuit-elle, la contribution financière de la Communauté devra être considérée comme un investissement visant à améliorer la pêche responsable et rationnelle et, donc, fondée sur de nouvelles considérationsŽ. La transformation des accords de pêche en accords de partenariat de pêche (APP) est récente, et la plupart des APPne sont en vigueur que depuis un an. Il nemp êche, lobjectif premier des APPest, tout comme les anciens accords bilatéraux, de garantir aux flottes européennes un accès aux eaux territoriales de certains Etats côtiers. Dans les années 1970, la plupart des Etats côtiers établissaient des zones économiques exclusives (ZEE) en élargissant leur juridiction en mer d'une étendue comprise entre 3 et 12 miles nautiques à 200 miles nautiques. Cette mesure plaçait près de 90% des ressources de pêche mondiales sous le contrôle des Etats côtiers. Les flottes des Etats membres de l'UE, qui avaient une tradition de pêche dans les eaux de pays tiers, ont brusquement été exclues de leurs zones de pêche traditionnelles. Pour assurer l'accès de ses flottes, l'UE a conclu des accords de pêche avec les pays tiers concernés. Lorsque l'Espagne et le Portugal ont adhéré à l'UE en 1986, les accords bilatéraux nationaux qu'ils avaient conclus ont été progressivement retirés et remplacés par des accords de lUE. Lorsqu'il n'existe pas d'accords de pêche de lUE (par exemple en Afrique du Sud), les accords bilatéraux nationaux demeurent en vigueur. >Garantir laccèsLa politique de l'UE relative à la pêche lointaine, qui a pour principal objectif de défendre les intérêts de l'UE dans le secteur de la pêche, a jusqu'à présent été le principal moteur des relations ACP-UE dans le secteur de la pêche, indique le Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA). En juillet 2007, 14 accords de pêche de lUE ont été conclus avec les pays ACPimpliquant le paiement d'une contrepartie financière. En échange, les flottes de l'UE bénéficient d'un accès aux ressources qui ne sont pas en théorie exploitées par l'Etat côtier et qui sont souvent dénommées surplus de ressourcesŽ. >Les intérêts espagnols en première ligneUne étude commandée en 2005 par le département du Royaume-Uni en charge du développement international (DFID) souligne les principales raisons justifiant que l'UE signe Mots-clés Marie-Martine Buckens ; Pêche illégale ; CesarDeben ; Commission européenne ; ACP; OMC ; flotte européenne. Autre inspection sur un chalutier, 2002. © EC Poulpes © Lauri Dammert. Images de BigstockPhoto.comLes thons sont l'une des espces prŽsentes dans les eaux des ƒtats ACP c™tiers qui intŽressent les flottes de l'UE.© Chrissie Shepherd. Image de BigstockPhoto.com D ossierPêche

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14 N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008 D ossierPêche D ossier Pêche 15 des accords de pêche. Elles sont notamment les suivantes : Fourniture de matières premières à l'industrie de la transformation du poisson de l'UE, compte tenu de la hausse de la demande sur le marché de l'UE et de la baisse de l'approvisionnement dans les eaux de l'UE qui est essentiellement provoquée par la surpêche. L'UE doit importer 60% environ des poissons consommés sur son marché. Depuis 2000, il a fallu importer un volume supplémentaire de 9 millions de tonnes de poissons par an pour satisfaire la demande de l'industrie de transformation du poisson et des consommateurs de l'UE. On évalue à 694 millions d'euros la valeur ajoutée engendrée au titre des accords ACP-UE par les activités de transformation et de commercialisation des poissons dans les Etats membres. Maintien de la capacité de pêche à l'extérieur des eaux de l'UE. Dans les années 1990, les accords de pêche ACP-UE autorisaient quelque 800 navires de l'UE à pêcher dans les eaux des pays en développement. Il faut noter qu'avec le temps, l'effort de pêche qui a effectivement été déployé par le biais des accords de pêche ACP-UE a augmenté pour des raisons liées à la technologie. Maintien de l'emploi dans l'UE. Les accords de pêche ACP-UE représentent 35.000 emplois, essentiellement dans le secteur de la transformation de l'UE. L'essentiel des bénéfices découlant des accords conclus entre les pays ACPet l'UE revient aux exploitants espagnols qui obtiennent plus de 80% de la valeur ajoutée et des emplois. La part de la France et du Portugal est de 7% environ. En 2006, le budget total des accords de pêche était de 240 millions deuros. Pour certains des accords de pêche ACP-UE les plus importants, les dépenses en 2006 se décomposaient comme suit : 86 millions d'euros pour l'accord UEMauritanie ; 7,2 millions d'euros pour l'accord UE-Guinée Bissau ; 4,12 millions d'euros pour l'accord UESeychelles ; 3,9 millions d'euros pour l'accord UE-Guinée. Les stocks de poissons peuplant les eaux des Etats côtiers ACPet intéressant les flottes de pêche lointaine se divisent principalement en trois catégories : Espèces démersales : y compris essentiellement le poulpe, la sole, les crevettes, les vivaneaux, le merlu ; Petites espèces pélagiques : sardinelles, chinchards/saurel, sardines, pilchards ; Toutes les espèces de thons. >Les APP, source de tous les mauxŽ ?Certains observateurs estiment que les nouveaux accords de partenariat pêche que lUE négocie actuellement avec les pays côtiers ACP en remplacement des accords bilatéraux, seraient sources de tous les mauxŽ et ne feraient que favoriser la pêche illégale. Faux, estime le CTAqui cite lexemple de ces chalutiers espagnols qui, opérant dans les eaux sudafricaines avec la bénédiction de la South African Marine and Coastal Management (MCM), auraient réussi à contourner la réduction des quantités de merlus pêchés, réclamée par certains détenteurs de quotas, en transformant le merlu en saucisse. Or, fait remarquer le CTA, dans le cas de lAfrique du Sud, labsence dun accord de pêche na pas empêché certains armateurs européens daccéder aux zones de pêche sud-africaines. Bien trop souvent, des accords privés mènent à des situations déloyales et défavorables aussi bien aux populations ACPlocales quaux ressources halieutiquesŽ. M.M.B . E n décembre 2007, la Commission européenne décidait de révoquer le Protocole en vigueur entre lUE et la Mauritanie, estimant que les possibilités de pêche ne sont actuellement pas pleinement utilisées par les armateurs communautairesŽ. Une série de réunions techniques est depuis prévue afin que le nouveau protocole, selon la Commission, soit mieux adapté au profil de la flotte communautaire pêchant dans les eaux mauritaniennes et réponde mieux aux besoins de la Mauritanie en matière de développement de son secteur national des pêchesŽ. Le 19 février dernier, les ministres de lUE de la Pêche, réunis en Conseil, donnaient leur aval à la Commission afin quelle détermine des possibilités de pêche pour les navires communautaires en équilibre avec la compensation financière versée à la MauritanieŽ. En clair, revoir la contribution financière versée par lUE pour permettre, notamment, à ses flottilles de pêcher dans les eaux mauritaniennes. Le Conseil invite également les deux parties à prévoir des consultations afin de garantir l'adoption de mesures appropriées pour une gestion durable des ressources marines mauritaniennes à la lumière des meilleurs avis scientifiques disponibles, notamment sur létat des stocksŽ. Le premier Accord de partenariat en matière de pêche entre l'Union européenne et la Mauritanie remonte à 1987. Le dernier accord a été signé pour la période 2006-2012. Le Protocole fixant les possibilités de pêche et la contribution financière afférente a été signé pour une période de deux ans et a pris effet le 1er août 2006. Au terme d'une année dapplication du protocole, la Commission européenne a estimé que les possibilités de pêche accordées aux Etats membres étaient insuffisantes. LAPPUE-Mauritanie est exemplaire. Cest laccord de pêche le plus important que lUnion européenne ait conclu avec un pays tiers, tant en termes financiers … la contribution de lUE sélève à 86 millions deuros par an, ce qui représente environ 32% du revenu national de la Mauritanie … qu'en ce qui concerne les possibilités de pêche pour les navires communautaires … quelque 200 navires provenant d'Espagne, d'Italie, du Portugal,Lexemple … controversé … de la MAURITANIE Concilier accs aux ressources et exploitation durable relve parfois de la gageure. En tŽmoignent les difficultŽs rencontrŽes dans l'application de l'accord de partenariat entre l'UE et la Mauritanie. Mots-clés Marie-Martine Buckens ; Accord de partenariat de pêche (APP); ACP; flotte européenne ; surpêche ; CTA. Chalutier industriel © iStockphoto.com/rramirez125 Port de Kalaban Koro, prs de Bamako, Mali. © Anne-Sophie Costenoble. Avac l'aimable autorisation de Anne-Sophie Costenoble. Contact : costi@skynet.be Bateaux au large des c™tes mauritaniennes. © DŽlŽgation de l'UE en Mauritanie

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N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008D ossier Pêche17 16 D ossierPêche de France, de Grèce, des Pays-Bas, de Lituanie et de Lettonie opèrent actuellement dans les eaux mauritaniennes. Mais il représente aussi un cas décole pour tenter de régler la sempiternelle question de la surexploitation des ressources. Laccord prévoit en effet des possibilités de pêche pour les crustacés, essentiellement des crevettes, du merlu et dautres espèces démersales, des petites pélagiques, du thon et, ressource clé de la Mauritanie, des céphalopodes. >Le spectre de la surexploitationEn décembre 2007, 20 bateaux de pêche appartenant à lassociation espagnole de céphalopodiers ANACEF et pêchant des céphalopodes dans le cadre de lactuel accord UE-Mauritanie ont décidé darrêter leurs activités, en raison dune perte de profits due, selon lassociation, au fait que les mesures techniques inscrites dans laccord ne sont pas appropriées. LANACEF pointe du doigt en particulier la taille minimale fixée pour la capture des céphalopodes, soit 500 g, quelle juge trop élevée, ce qui lobligerait à pêcher au-delà de la limite des six miles. Ils avaient engagé, depuis plusieurs mois maintenant, un bras de fer avec les autorités mauritaniennes pour se voir reconnaître le droit de pêcher des tailles interdites de commercialisation. Ils se plaignent également dêtre privés daccès, à moins de payer des amendes fortes, aux céphalopodes juvéniles, dits poulposŽ. Selon l'ANACEF, le retour au bercail des navires espagnols provoquera la perte de 340 emplois directs et 1.600 indirects, ainsi que la rupture d'approvisionnement des marchés espagnol, italien et japonais qui se verront privés de sept tonnes de céphalopodesŽ que ces bateaux rapportaient de Mauritanie. Une tonne de poulpe peut atteindre parfois le prix de 7.000 à 8.000 dollars. Le comité scientifique de l'Institut mauritanien des recherches océanographiques et des pêches (IMROP) avait lancé, il y a quelques mois, une alerte visant à protéger la régénérescence des céphalopodes. Toutes les flottes opérant dans les eaux mauritaniennes, quelles soient nationales ou étrangères comme la flotte de pêche européenne de céphalopodes, ne cessent denregistrer des pertes en raison de la surexploitation des ressources. Lobjectif prioritaire de laccord devrait donc être, selon le CTA, daider la Mauritanie à ajuster ses capacités de pêche aux ressources disponibles et de maintenir le principe selon lequel les flottes européennes ne pourraient avoir accès quaux surplus des ressources qui ne peuvent être pêchées localement. Il est tout aussi important, poursuit le Centre, que lUE poursuive son engagement à soutenir les efforts de la Mauritanie pour le développement dune politique sectorielle durable.>La course aux céphalopodesLes céphalopodes, les poulpes en particulier, représentent une des ressources halieutiques clés de la Mauritanie. En 2004, la Société mauritanienne de commercialisation des produits de la pêche (SMCP), qui commercialise la totalité des démersaux et céphalopodes congelés débarqués par la flottille nationale, a exporté près de 40.000 tonnes de poisson, pour une valeur de près de 119 millions deuros. Le poulpe, à lui seul représente 51,2% de ce tonnage total exporté, pour une valeur de presque 98 millions deuros, soit 82% du chiffre daffaires total de la SMCP. Pour les Européens, lenjeu du poulpe mauritanien est également important. Ainsi, toujours en 2004, les chalutiers céphalopodiers européens étaient responsables de 33% du chiffre daffaires réalisé dans le cadre de laccord de pêche (contre 38% pour les petits pélagiques et 16% pour les crevettiers).>Larrivée des ChinoisDébut des années 90, alors quune pêche artisanale au poulpe prenait son essor, des navires dorigine chinoise ont été introduits massivement, dans le cadre dun renouvellement de flotte, décidé malgré les avertissements du Centre national de recherches océanographiques et des pêches (CNROP) et de la FAO sur létat des stocks, qui ne pouvaient supporter une telle pression. Larrivée des chalutiers céphalopodiers de lUE entre 1994 et 1996, a alors eu pour effet daccélérer leffondrement des stocks et des rendements. En 2006, explique Béatrice Gorez de lorganisation non gouvernementale en faveur des accords de pêche équitables (CAPE), les 125 unités de la flotte nationale industrielle sont en majorité composées de ces navires dorigine chinoise. En 2006, lIMROP, qui réunit tous les 4 ans les meilleurs spécialistes internationaux des pêches mauritaniennes, estimait à 31% lexcédent de pêche du poulpe, représentant une perte de production de 20%. Pour réaliser lobjectif de maximisation de la rente, fixé par la politique mauritanienne, il aurait fallu réduire leffort de 40% pour le ramener au niveau du maximum économique. Si, ajoute la coalition CAPE, on examine laccès proposé par lactuel accord Mauritanie-UE, 43 licences pour la pêche au poulpe sont prévues pour les chalutiers européens. Si on compare avec laccord précédent, les chiffres les plus récents disponibles montrent que, au cours du premier trimestre 2005, 46 licences de pêche au poulpe seulement avaient été utilisées, sur les 55 initialement prévues dans laccord 2001-2006, à cause du mauvais état des ressources. On passerait donc, conclut CAPE, de quelque 46 licences à 43 licences, soit une diminution de 6,5%. Il est difficile dimaginer comment cette modique diminution pourra conduire à une diminution de 30% de leffort de pêche européen annoncé officiellement. M.M.B . Nouvel accordavec la Côte dIvoireLe 20 fŽvrier 2008, le Conseil des ministres de l'UE donnait son feu vert ˆ un nouvel accord de partenariat avec la C™te d'Ivoire dans le secteur de la pche. L'accord Ð nettement moins important que celui qui lie l'UE ˆ la Mauritanie Ð prŽvoit une contribution financire de l'UE de 455.000 euros par an. Les quotas de pche fixŽs par ce protocole seront, pour la pŽriode du 1er juillet 2007 au 30 juin 2013 (avec effets rŽtroactifs) rŽpartis entre les Etats membres comme suit : Ð 25 senneurs : Espagne (15 navires) et France (10 navires) ; Ð 15 palangriers de surface : Espagne (10 navires) et Portugal (5 navires). La contribution financire de l'UE Žquivalant ˆ un tonnage de rŽfŽrence de 7.000 tonnes par an, plus un montant spŽcifique de 140.000 euros par an pour aider ˆ la mise en Ïuvre de la politique de pche du gouvernement ivoirien. Le nouvel accord est censŽ remplacer celui de 1990 relatif ˆ la pche au large des c™tes ivoiriennes. Le protocole prŽvoit Žgalement une clause de rŽvision qui permet, ˆ la suite du troisime anniversaire, de modifier le protocole et ses annexes, si la Commission mixte le juge nŽcessaire. Mots-clés Marie-Martine Buckens ; surpêche ; Mauritanie ; APP; ANACEF; Chine ; céphalopodes ; CAPE. L'Accord de partenariat dans le secteur de la pche signŽ entre l'UE et la Mauritanie devrait faire Žcole. Il s'agit du principal accord conclu dans ce secteur entre l'UE et un pays tiers. Un accord financirement important, de surcro”t, puisque la contribution de l'UE s'Žlve ˆ 86 millions d'euros par an, soit un tiers environ du revenu national mauritanien. © DŽlŽgation de l'UE en Mauritanie Pche traditionnelle en Mauritanie.© DŽlŽgation de l'UE en Mauritanie

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Dans le monde, la pêche artisanale est à lorigine de plus de 80% des emplois directs et indirects qui se créent dans le secteur pêche. La pêche artisanale ACPest également essentielle aux activités de transformation artisanale qui alimentent en poisson les marchés locaux et régionaux. En Afrique sub-saharienne par exemple, les statistiques de la FAO montrent que cest la pêche artisanale qui assure jusquà 80% des débarquements de poisson destiné à la consommation humaine directe. Dautre part, dans le cas de lAfrique de lOuest, la pêche artisanale joue également un rôle important dans la croissance de loffre de poisson frais vers des marchés internationaux rémunérateurs, comme lEurope, les Etats-Unis ou lAsie. En 2006, lors dune rencontre organisée par les armateurs européens pour envisager la manière dont ils pourraient contribuer au développement durable des pays ACP, le Ministre de la Pêche du Mozambique a déclaré quil était nécessaire pour lEurope de mieux comprendre les problèmes auxquels les pays sont confrontés lorsqu'ils souhaitent gérer leurs pêcheries d'une manière durable. La principale lutte étant la lutte contre la pauvreté absolue. Le secteur de la pêche a un rôle à jouer dans cette lutte. À cet égard, notre principal objectif est le développement intégré de la pêche artisanaleŽ. La pêche artisanale comme outil privilégié de lutte contre la pauvreté, cest une relation qui se vérifie dans tous les pays ACPcôtiers. Loin des images misérabilistes véhiculées par certains, la pêche artisanale est un secteur dynamique, capable dinnovation et, pour peu quon lui accorde une attention et un soutien appropriés, qui représente un choix privilégié pour répondre aux défis du nouveau millénaire. Un de ces grands défis pour les pays ACP, cest la restauration des écosystèmes fragilisés et des stocks de pêche surexploités par une pêche intensive et destructrice. Dans ce contexte dappauvrissement des ressources, les pêcheurs ACP doivent sattacher désormais à une pêche de qualité plutôt quà une pêche de quantité et à privilégier des techniques qui respectent tant lenvironnement marin que la qualité du produit. Déjà, un lien clair existe entre la qualité du produit et les débarquements de la flotte artisanale. Dans la pêche mauritanienne par exemple, la supériorité de la pêche artisanale en ce qui concerne la qualité et la valeur ajoutée de produit est un élément constant. Ainsi, en 2005, le poulpe pêché par la pêche artisanale mauritanienne se vendait à un prix supérieur de 200 dollars/tonne au prix de celui capturé par les chalutiers congélateurs. En ce qui concerne les poissons nobles de fond, seuls les produits artisanaux fournissent la qualité requise pour lexportation en frais vers lEurope, atteignant un prix moyen de 4,5 euros le kilo, alors que les mêmes poissons congelés de la pêche industrielle sont à moins de 2 euros le kilo. Donner la priorité à linvestissement dans ces petites et moyennes entreprises de pêche artisanale ACP, de même que dans les secteurs des services et des infrastructures (portuaires, accès aux sites de transformation, utilisation de technologies appropriées) pour permettre à ce secteur dexprimer tout son potentiel en matière de lutte contre la pauvreté et de sécurité alimentaire, voilà qui devrait être au centre des dispositions concernant les interventions de lUnion européenne dans le secteur pêche ACP. * Coordinatrice CAPE (Coalition pour des accords de La pêche artisanale ACP : LA PLUS PERFORMANTEpour répondre aux défis du nouveau millénairePêches artisanales : LES DÉFIS DE LA TRAÇABILITÉ ET DE LA QUALITÉ. Le cas du Sénégal** La notion de valeur ajoutéeŽIl est souvent erronŽ de parler de "valeur ajoutŽe" dans la transformation du poisson. En effet, dans bien des cas, l'effort de transformation n'ajoute pas vraiment de valeur au produit. En rŽalitŽ, le poisson commence ˆ perdre de sa valeur aussit™t qu'on le sort de l'eau... Si bien que si l'on veut optimiser la valeur des dŽbarquements, il faut garder le produit vivant ou frais aussi longtemps que possible et ainsi "prŽserver sa valeur". BŽatrice Gorez*La pche artisanale sŽnŽgalaise, c'est 12.000 pirogues, 60.000 pcheurs et autant d'emplois indirects crŽŽs dans les communautŽs de pcheurs : femmes transformatrices, mareyeurs et autres activitŽs annexes. La pche artisanale sŽnŽgalaise est aussi le principal fournisseur de produits de la pche, tant pour l'exportation vers les marchŽs internationaux que pour les marchŽs rŽgionaux et locaux. C'est dire l'importance cruciale pour notre secteur de l'amŽlioration de la traabilitŽ et de la qualitŽ, sanitaire notamment, de nos produits. Mots-clés Pêche artisanale ; CAPE (Coalition pourdes Accords de pêche équitables) ; Béatrice Gorez.Peinture murale, CAPE, Alex's beach, Freetown, Sierra Leone 2008. © Debra Percival Bateaux de pche traditionnels ˆ Djifer, un village de pcheurs au sud du SŽnŽgal. © DŽlŽgation de l'UE au SŽnŽgal 18 N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008 D ossierPêche D ossier Pêche 19 Gaoussou Gueye*

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N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008 21 I nteractions 20 D ossierPêche A ssurer la qualité, cela commence en mer, juste au moment où le poisson sort de leau. Cest pourquoi nous devons travailler à améliorer la qualité de nos embarcations. Aujourdhui, les professionnels de la pêche artisanale voient positivement le remplacement progressif des pirogues traditionnelles en bois par des pirogues en fibre de verre. Ce remplacement peut savérer positif pour notre pays qui doit faire face à la déforestation, car, pour construire une grande pirogue en bois, il faut deux grands arbres. De plus, elles demandent un entretien coûteux et fréquent : tous les six mois, nous devons voir le charpentier pour des réparations. Les pirogues en fibre de verre sont aussi plus propres et plus légères que nos pirogues en bois et consomment donc moins de carburant. Cest un élément à prendre en compte à une époque où le coût du carburant pèse de plus en plus lourd sur nos activités. Les pirogues en fibre de verre sont aussi mieux équipées pour conserver le poisson et sont plus faciles à entretenir. >Embarcations modernes et hygièneMais le remplacement des pirogues en bois par des pirogues en fibre de verre est coûteux pour les pêcheurs, étant donné quune pirogue en fibre de verre coûte plus du double dune pirogue en bois. Pour assurer un renouvellement progressif de notre flotte, et pour que cette option ne soit pas réservée quà ceux qui ont les moyens financiers dinvestir dans ces nouvelles pirogues, il faudra que des mécanismes spécifiques permettant une aide ou un crédit approprié soient mis en place. Cependant, remplacer les pirogues en bois par des pirogues en fibre de verre ne résoudra pas les problèmes dhygiène si les comportements ne changent pas dans la filière pêche artisanale pour les opérations de manipulation du poisson. La plupart des gens qui manipulent le poisson sur les pirogues et beaucoup de femmes impliquées dans la filière et au niveau des quais de débarquement ne sont pas bien informés de ce que les exigences en matière de traçabilité et dhygiène représentent comme changements dans leurs comportements de tous les jours. Des informations et formations sont nécessaires à ce niveau. Le fait que beaucoup de ces personnes soient peu alphabétisées rend les choses encore plus difficiles. Ace point de vue, je dois préciser que lorsquon dit que ces gens ne sont pas alphabétisés, cest souvent pour dire quils ne maîtrisent pas le français. Mais la plupart de ces gens maîtrisent parfaitement la langue nationale, parlée et écrite. Il serait donc possible dadapter les formalités en langue nationale pour que ces personnes impliquées dans les manipulations du poisson puissent remplir les documents nécessaires et donner les bonnes informations. En effet, le point de la première venteŽ (quais de débarquement) … est un endroit clé pour récolter des éléments servant à la traçabilité du poisson. >Le rôle crucial du consommateurOn peut néanmoins déjà remarquer que des changements importants ont eu lieu en termes de professionnalisation et de spécialisation pour des personnes qui ont des responsabilités en matière de traçabilité et dhygiène. Ainsi, les caisses polystyrène servant à conserver le poisson à bord ne sont plus aujourdhui nettoyées par les pêcheurs eux-mêmes mais par des hommes et des femmes qui se sont spécialisés dans cette activité et ont acquis le savoir-faire permettant dassurer une excellente hygiène au niveau de ces caisses. De la même manière, les chauffeurs des camions frigorifiques qui transportent le poisson du quai de débarquement jusquà Dakar sont aujourdhui regroupés en association et ont reçu une formation pour que le transport du poisson se fasse dans de bonnes conditions. Ils ont reçu un agrément individuel reconnaissant leur spécialisation. Un vaste chantier nous attend : il sagit de lamélioration des conditions de travail et de manipulation au niveau des produits artisanalement transformés qui sont vendus dans toute la sous-région. Les problèmes sont nombreux : propreté et hygiène au niveau des sites de transformation … ce qui requiert aussi des efforts de la part des autorités locales pour lenlèvement régulier des déchets par exemple, légouttage et leau potable au niveau de ces sites … les problèmes demballage de la marchandise, etc. Enfin, je voudrais attirer lattention sur la responsabilité des consommateurs et la nécessité de les éduquer sur le sujet de la pêche durable et la nécessité de lutter contre la pêche illégale. Dun côté, les consommateurs veulent un produit de bonne qualité et sain mais dun autre côté, ils ne sont pas toujours intéressés par le fait de savoir si le produit vient de sources légales ou non. Par exemple, le consommateur va vouloir dans son assiette des poissons de 300 g, même si la loi stipule que la taille minimale est de 400 g pour des raisons de conservation de la ressource. Le pêcheur fera alors de son mieux pour répondre à la demande du consommateur, même si cela le met hors la loi et sil doit tricher avec les demandes liées à la traçabilité. Cest le cas de beaucoup dhôtels, qui demandent des tailles de poisson correspondant à des juvéniles, particulièrement pour des espèces comme le thiof, la daurade, la crevette, etc., et ce même si cela va à lencontre du Code de la pêche sénégalais. Mais cest aussi le cas en Espagne où, lors de notre visite au marché de Barcelone, nous avons constaté que des juvéniles despèces provenant de nos régions étaient en vente sur les étals. Cest pourquoi les consommateurs et les acheteurs (incluant les hôtels) doivent être informés et responsabilisés par rapport à leurs demandes pour des produits de la pêche qui soient en adéquation avec les lois et réglementations liées à la conservation. * Vice-PrŽsident du Conseil national interprofessionnel de la pche artisanale au SŽnŽgal (CONIPAS), e-mail : gaoussoug@yahoo.fr ** PrŽsentation faite lors du "Sommet des produits de la pche" organisŽ par la Seafood choices Alliance, du 27 au 30 janvier 2008 ˆ Barcelone (Espagne) Mots-clésPêche artisanale ; Sénégal ; pirogue ; CONIPAS ; traçabilité. Bateaux de pche traditionnels sur une plage au SŽnŽgal.© DŽlŽgation de l'UE au SŽnŽgal. La coopération se traduit par des actes. Elle est aussi le fruit du débat démocratique. Mais ces actes et ce débat ont des visages de femmes et dhommes. Il nest pas possible de citer tous les acteurs de cette œuvre commune semi-séculaire. Le Courrier a toutefois dressé le portrait de quelques figures de proue ACPet européennes, au gré des possibilités. Certaines étaient malades ou injoignables. Dautres tels Lorenzo Natali, commissaire européen de 1985 à 1989, Tiéoulé Mamadou Konaté, premier secrétaire général du Groupe ACP(1975-1980), ou Isabelle Bassong, ambassadeur du Cameroun de 1988 à 2006 auprès des institutions européennes, nous ont quitté. La galerie des portraits de personnes qui, ponctuellement, ou au long des années ont joué un rôle ou un rôle, est immense. Tout ce que le Courrier peut faire, cest den donner un aperçu, en commençant, pourquoi pas, par citer lun des ses fondateurs, le légendaire chef du protocole et chef du service de presse du Groupe ACP, Alpha Niaka Bary, célèbre par sa promptitude à résoudre maints problèmes et par son impressionnante collection de cannes. Son compatriote, Seydina Oumar Sy, ancien ambassadeur et ancien ministre du commerce extérieur et des affaires du Sénégal a été de toutes les négociations des conventions de Lomé. Le chef de file des négociateurs ACPde la première convention de Lomé, lambassadeur nigérian Olu Sanu se fit remarquer par sa ténacité. La princesse Anne a aussi marqué de son empreinte lhistoire de cette coopération, en exhortant en ces termes les membres de lAssemblée Paritaire CEE-ACPlors de la session dInverness en septembre 1985 : ne vous contentez pas de parler de laide, rendez-la efficaceŽ. Dautres personnalités politiques de poids comme lancien ministre français de lintérieur Michel Poniatowski, on apporté leur pierre à lédifice, appelant au renouveau de la politique de coopération, à la veille de Lomé III, en tant que président de la Commission du développement du Parlement européen. Dans la lignée des bâtisseurs, il faut citer Edgar Pisani, Commissaire européen au développement (1981-1984), père du dialogue politique avec les ACPet de la priorité donnée au développement rural et à la sécurité alimentaire, fort de son expérience antérieure engrangée au ministère de lagriculture en France. Lhistoire retiendra aussi que larrivée de Lorenzo Natali au poste de Commissaire au développement en 1985, met fin à ce qui semblait une chasse gardée française sur ce poste. Il fut en effet suivi de lEspagnol Manuel Marin (1989), du Portugais João de Deus Pinheiro (1994), du Danois Poul Nielson (1999) et du Belge Louis Michel (2004). LESFIGURESDEproue de la coopération ACP-UEFranois Misser, Hegel Goutier et Andrea MarchesiniË en juger d'aprs les rŽsultats, la coopŽration est le fruit d'un dŽbat dŽmocratique. Les rŽsultats de ces dŽbats se rŽsument toutefois ˆ une seule chose : des hommes et des femmes. Il est bien sžr impossible de citer le nom de toutes les personnes qui se sont associŽes au fil des ans ˆ la coopŽration ACP-UE. Le Courrier tente ds lors de prŽsenter quelques-uns des acteurs clŽs des dŽbats et des discussions.

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22 N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008 I nteractionsFigures de proue ACP-UE I nteractions Figures de proue ACP-UE 23 >Michel Rocard LEBRISEURDETABOUSLancien Premier Ministre français, Michel Rocard, connu pour son engagement contre la guerre dAlgérie et pour avoir défendu le principe de lauto-détermination de la Nouvelle Calédonie, a continué à mener bataille tant au sein de la Commission du développement du Parlement Européen que de lAssemblée Parlementaire Paritaire (APP) pour faire tomber quelques tabous. Au nombre de ceux-ci : la confusion sous lappelation dinformelŽ des trafics darmes, de pierres précieuses et dêtres humains avec léconomie populaire des pays ACP. Un autre selon lui est le slogan mensonger et dangereuxŽ selon lequel la clé du développement de lAfrique serait laccès de ses produits aux marchés des pays développés, alors que les deux tiers des pays dAfrique nont rien à exporter et que pour les autres laffectation de la rente pétrolière au développement na rien apportéŽ. Rocard na cessé également de rappeler quen raison de la baisse de lautosuffisance alimentaire en Afrique, il fallait donc y protéger lagriculture vivrière. >Louis MichelPRIORITƒAUXINFRASTRUCTURESCommandant de bord de la coopération européenne au développement depuis 2004, le commissaire Louis Michel, ancien ministre belge des Affaires étrangères, a déjà imprimé sa marque sur lévolution des relations avec les partenaires dAfrique, des Caraïbes et du Pacifique. Tout dabord, sous sa direction, la Commission européenne a accru la proportion de laide directe aux budgets des Etats ACP, afin de les responsabiliser, dans un souci dappropriation par ces derniers des programmes de développement financés par lUE. Qui plus est, cest sous sa houlette et celle de son collègue, en charge du Commerce, le Commissaire Peter Mandelson, que doivent être conclus au cours de lannée 2008, les Accords de partenariat économique (APE) avec les pays ACP. Ces accords devraient stimuler le commerce régional, attire des investissements très nécessaires tout en prenant en compte les besoins de développement des économies ACP. Un élément-clé de la politique de Louis Michel pour les Objectifs du millénaire pour le développement, a été de se focaliser sur lappui aux infrastructures, particulièrement en Afrique, pour donner aux partenaires ACP, les moyens de devenir compétitifs et de générer la richesse pour leurs citoyens. >Giovanni Bersani JETERDESPONTSENTREL'UE ETLESACP Diplômé en droit, activiste contre le nazisme et le fascisme en Italie, après la seconde guerre mondiale, Giovanni Bersani a été parmi les fondateurs du movement italien des travailleurs chrétiens, viceprésident de lACLI et parlementaire italien durant sept legislatures. Il a été sous-secrétaire du Ministre du Travail sous le gouvernement De Gasperi en 1952-1953 En tant que membre du Parlement Européen depuis 1960, il a été spécialement impliqué dans les relations extérieures, en particulier avec lAfrique pour développer une politique européenne de paix à travers des relations fortes, vers la fin des années 1960. Le but de son activité politique a été daffirmer lEurope, selon lesprit des pères fondateurs, en tant que puissance civique et morale plutôt quen tant que force militaire. Il a été ensuite vice-président de la Commission du Développement et membre de la Commissions des Relations économiques extérieures. Au départ, il a rejoint le Parti Démocrate Chrétien puis le groupe parlementaire du Parti Populaire Européen. De 1976 à 1989, il a été président de lAssemblée Parlementaire Paritaire créée par la Convention de Lomé, et à la fin de son mandat, il a été nommé Président à vie ad honorem. Depuis 1980, il a consacré sa vie politique aux relations avec les pays méditerranéens nappartenant pas à lUE. En avril 1989, il a lancé un appel à la première Assemblée Parlementaire Méditerranéenne pour une coopération totaleŽ. Cette assemblée a approuvé un plan de coopération permanent, dans lequel une Assemblée Parlementaire Paritaire joue un rôle central comme dans le cas des conventions de Lomé. >Glenys KinnockUNEPERSONNALITƒDEPREMIERPLANAncienne enseignante, Glenys Kinnock a été élue en 1994 pour la première fois puis réélue en 1999 et en 2004, en tant que parlementaire représentant le Pays de Galles. Elle est membre de la commission du Développement et de la Coopération du Parlement Européen et co-présidente de lAssemblée Parlementaire Paritaire ACP-UE (APP), faisant en sorte que lagenda soit bien fourni et sans détour. Comme le notait un collègue de lAPPà la session de Wiesbaden en juin 2007 : nos réunions ne seront pas les mêmes sans elleŽ. Présidente de lONG One World Action et marraine de la Drop the Debt Campaign, ses activités en faveur du développement sétendent en dehors des forums parlementaires. Tous les membres de lAPE se souviennent de son vibrant plaidoyer en faveur des Objectifs du Millénaire pour le Développement à la session de>Dieter FrischLENƒGOCIATEUREUROPƒENDESCONVENTIONSDELOMƒDirecteur général du Développement à la Commission européenne de 1983 à 1993, ce diplômé en sciences économiques (Université de Bonn) et en langues modernes (Université de Heidelberg), a suivi laventure de la construction européenne depuis 1958. Après avoir quitté ses fonctions à la Commission, il a continué de nourrir la réflexion sur le développement, tout en sengageant au sein de Transparency International, dont il est lun des membres fondateurs avec son compatriote allemand et ancien haut-fonctionnaire de la Banque Mondiale, Peter Eigen, dans la lutte contre la grande corruption : celle qui constitue un entrave au développement. Selon lui, lune des plus grandes leçons à tirer des accords de Lomé entre la Communauté européenne de lépoque et les pays ACPest quils ont été des accords pionniers, qui ont enclenché une dynamique qui a mené à dautres accords avec les pays de la Méditerranée, dAmérique Latine et dAsie. >Ghebray Berhane"LESACP DOIVENTTROUVERUNEAUTREAMBITION" Secrétaire général du Groupe ACP de 1990 à 1995, ce docteur en droit diplômé de la Sorbonne, a accumulé une expérience de 14 ans en ce qui concerne la coopération UE-ACP. Avant de prendre ses fonctions à la tête du Secrétariat ACP, en tant quambassadeur dEthiopie auprès des institutions européennes, de 1978 à 1987, Ghebray Berhane, a négocié les conventions de Lomé III et de Lomé IV. Fort de cette expérience, mais aussi de celle acquise depuis son départ du Secrétariat ACPà la tête dune firme de conseil juridique et de consultance basée à Addis Abeba, qui a presté ses services auprès de lEthiopian Privatization Agency, de la Commonwealth Development Corporation mais aussi dans le domaine de larbitrage pour le compte du Programme Alimentaire Mondial et de lUnion Européenne, Ghebray Berhane, considère alors que les régions ACPse sont engagées à signer des accords de partenariat économique séparés avec lUE, que le moment est venu pour les ACPde trouver à présent un nouvel élan, une autre ambitionŽ. Ason avis, les ACPseraient avisés daffronter les grands défis qui ne peuvent être traités sur base régionale, comme les changements climatiques ou les grands fléaux par exemple. >Claude CheyssonPéREDELOMƒETDUSTABEXAncien ministre français des relations extérieures, de 1981 à 1984, Claude Cheysson est lun des architectes de la politique de coopération de lUnion européenne. En tant que Commissaire européen au Développement, il a porté sur les fonds baptismaux la première Convention de Lomé, entrée en vigueur en 1975 qui a révolutionné la coopération de papa, en raison notamment de son caractère contractuel qui a fait que les avantages consentis ne pouvaient plus être retirés. Mais aussi parce que Lomé a été le pari de lappropriation par les partenaires ACPde la définition des priorités de leur coopération avec lUnion européenne. De surcroît, Lomé I fut le premier accord de coopération international à introduire un mécanisme de compensation pour les pertes de recettes dexportation des produits agricoles ACPvers lUE : le Stabex. Tous ces choix ne sauraient étonner chez un homme, qui à son entrée dans la diplomatie française, au lendemain de la seconde guerre mondiale, a compris les aspirations à lindépendance des anciennes colonies. Conseiller du président du Vietnam en 1952, Claude Cheysson fut un fervent défenseur de lémancipation de lAlgérie. Et cest encore lui, qui de 1985 à 1988, insuffla lesprit de Lomé pour donner de lélan à la coopération avec dautres pays en tant que Commissaire européen chargé de la politique méditerranéenne et des relations Nord-Sud. >Edwin Carrington LEPRAGMATIQUELéconomiste trinidadien Edwin Carrington, qui a passé 14 ans au Secrétariat ACP, comme Secrétaire Général adjoint (1976-1985) et Secrétaire Général (1985-1990), est lun des meilleurs connaisseurs des conventions de Lomé pour les avoir toutes négociées. De surcroît, en tant que Secrétaire Général du Caricom depuis 1992, par la force des choses il continue à suivre le dossier de la coopération avec lUE. Impossible ici de résumer les kilomètres de discours prononcés sur le sujet par Edwin Carrington. Mais on peut en retenir une invitation, notamment exprimée dès lédition de janvier 1982 du Courrier, à une appréciation de plus en plus réaliste des potentialitésŽ de cette coopération. En clair, les accords, en eux-mêmes napportent aucune solution facile aux problèmes des pays ACP, même sils constituent le seul cadre de coopération de cette nature. Cest aux pays ACPdapprendre dans quels secteurs, ils peuvent en tirer avantage et puisquils contribuent eux-mêmes à la fixation des priorités, ils doivent être donc considérés comme responsablesƒ

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L a menace du changement climatique associée au réchauffement planétaire et la flambée des prix pétroliers favorisent lutilisation de sources dénergie alternatives, comme les biocarburants, qui rejettent moins de carbone dans latmosphère. Les biocarburants peuvent être produits à partir du maïs, du soja, du colza, de la canne à sucre et de lhuile de palme. On peut les utiliser purs si le moteur est adapté, sinon ils peuvent être mélangés au diesel ou à l'essence. En mars 2007, les chefs dEtat et de gouvernement convenaient de faire passer la part des biocarburants issus de sources renouvelables dans les transports à 10% dici à 2020. Un an plus tard, les participants à une réunion du secteur des biocarburants décidaient qu'il fallait renforcer la production pour atteindre cet objectif. Le 13 mars, lors du congrès du World Biofuels Markets, Olivier Schaeffer, représentant du secteur et directeur politique du Conseil européen pour les énergies renouvelables (EREC) a déclaré : Je pense que nous pouvons atteindre cet objectif de 10%. Et nous pouvons même faire beaucoup plusŽ. En mars toujours, mais dans dautres salles de réunion de Bruxelles, lenthousiasme quant à lavenir des biocarburants était bien plus mitigé. Les participants au séminaire du Parlement européen Ni tout blanc, ni tout noir : les biocarburants sont-ils gris ?Ž ont évoqué leurs craintes. Selon eux le détournement de terres de cultures vivrières au profit de céréales pour en tirer des biocarburants risque de faire flamber le prix des denrées alimentaires. Lors de cette même réunion, daucuns ont clairement souligné les risques, pour la biodiversité, de ce détournement massif de terres cultivables au profit de la production de biocarburants. De passage à Bruxelles pour la promotion de son livre Plan B 3.0 Mobilizing to Save Civilisation, Lester Brown, directeur du Earth Policy Institute à Washington, en a profité pour adresser une mise en garde : Léconomie alimentaire et léconomie énergétique étaient séparées, mais elles sont à présent en train de fusionner. Les distilleries déthanol qui convertissent les céréales en carburant se multiplient. Cest la raison pour laquelle le prix des céréales sur les marchés internationaux grimpe progressivement, en fonction de sa valeur en équivalents pétrole. Le monde se retrouve brusquement devant un problème moral et politique sans précédent : devons-nous utiliser les céréales pour alimenter les véhicules ou pour nourrir les habitants de la planète ?Ž Et Brown de prédire : avec le risque que la flambée du prix des céréales entraîne un chaos sur les marchés mondiaux des céréales et des émeutes liées à la faim dans les pays à bas et à moyen salaire qui importent des céréales !Ž > Une réaction réflexe Claire Wenner, directrice de la Biofuels Renewable Energy Association à Londres, a déclaré lors de la réunion des industriels du secteur des biocarburants : Les biocarburants utilisent environ 1% de la totalité des terres cultivablesŽ (le chiffre étant légèrement plus élevé en Europe). Selon elle, accuser les biocarburants de tous les maux, cest prendre le risque de mettre au placard … par simple réflexe … la question des besoins énergétiques durant les 50 prochaines annéesŽ. Lors de la conférence du Parlement européen, dautres responsables ont appelé à accroître les investissements dans les biocarburants dits de la seconde générationŽ, comme le jatropha, un arbuste qui produit un fruit non comestible de la taille dune balle de golf. Les graines renferment une huile pouvant être transformée en biocarburant. En outre, le jatropha pousse dans le désert, ce qui présente un réel avantage ! Entre-temps, des pays comme la Sierra Leone ont des décisions à prendre. Interrogé par Le Courrier à Freetown, Sam Sesay, Ministre de lAgriculture, a déclaré avoir reçu de nombreuses demandes de la part dinvestisseurs intéressés par lhuile de palme mais il met en garde : Notre priorité est de satisfaire les besoins domestiques avant de songer aux exportations. Nous ne voulons pas non plus que l'huile de palme réduise l'importance d'autres cultures, comme le riz, le café et le cacao. Nous devons trouver un équilibre afin de ne pas négliger les autres cultures importantesŽ. D.P. DÉBAT ENFLAMMÉ sur le MARCHÉ desBIOCARBURANTS DÉBAT ENFLAMMÉ sur le MARCHÉ desBIOCARBURANTSLes palmiers se balancent majestueusement dans la jungle sierra-lŽonaise, positionnant potentiellement l'huile de palme sur le marchŽ des biocarburants. Mais dans les cercles bruxellois, des mises en garde s'Žlvent contre les consŽquences nŽgatives d'une telle utilisation des palmiers. Mots-clés Debra Percival ; Sierra Leone ; énergie ; biocarburants.© Jim Parkin. Image de BigstockPhoto.com N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008 25 C ommerce 24 I nteractionsFigures de proue ACP-UE novembre 2006 à la Barbade, lorsquelle a exhorté à la fois les pays ACP et lEurope à se concentrer sur les services publics essentiels, arguant que le marché seul ne peut pas ne devrait pas prendre en main ces tâches vitalesŽ. Elle a également insisté sur le fait laide doit être plus prévisible, flexible et ponctuelle afin que les gouvernement puissent planifier et dépenser dune manière concertée et transparente dans les secteurs de la santé et de léducationŽ. Sur le commerce, elle a ensuite insisté sur le fait que lEurope ait présent à lesprit quelle négocie les APE avec un groupe ACPqui comprend quelques unes des économies les plus vulnérables du mondeŽ. Enfin, elle a conclu quaucun dentre nous échappera aux effets des changements climatiques mais ce sont les plus pauvres dentres nous qui paieront le plus haut prix de façon disproportionnéeŽ. >Jean-Robert Goulongana L'HOMMEDELACONCILIATIONLorsquil a pris ses fonctions à la tête du Secrétariat ACP, juste avant la signature de la future convention de Lomé, beaucoup ressentaient de fortes appréhensions quant aux capacités du Groupe à assurer certains changements dans la coopération avec lUnion. Et beaucoup nen donnaient pas large de la cohésion entre les ACPà lissue des négociations commerciales annoncées. Goulongana a vite fait son diagnostic. Le Groupe ne peut être fort sans un secrétariat fort et celui-ci ne peut lêtre sans son indépendance et surtout sans une dépolitisation. Et le Secrétaire général doit servir les Etats et animer le groupe. Il va être cet animateur, celui qui donnera de lâme en cas de risque dassoupissement et dans les moments de doute. Il se dit serviteur, il est plutôt chef dorchestre. Les musiciens jouent, il donne le rythme. Par ce talent de conciliateur, de réconciliateur, darrangeur, il va permettre au Groupe de sortir de passes difficiles et à la coopération ACP-UE de traverser quelques écueils, en défendant bec et ongles les intérêts des ACPtout en gardant une compréhension totale pour les points de vue de leur partenaire. Les situations dans lesquelles, Goulongana va jouer de son art de la conciliation sont légions : le dialogue politiqueŽ entre lUE et des pays ACPsur les droits de lhomme, négociations des APE, concertation à lOMC. Chaque fois, il se révélera virtuose de la suite de lentente cordiale dans et après dispute familiale. >Sir John KaputinFACEAUXNOUVELLESMUTATIONSSir John Kaputin, Secrétaire général du Groupe ACPdepuis le 1er mars 2005 est un homme de loi avec une logue expérience de 30ans de parlementaire dans son pays, la Papouasie-NouvelleGuinée, de 1972 à 2002. Connaisseur profond du fonctionnement de la coopération ACP-UE, il a été associé aux négociations des Conventions de Lomé et de lAccord de Cotonou depuis 1978. Et il a été co-président de lAssemblée paritaire ACP-UE de 1995 à 1997. À peine sa carrière politique entamée, Sir John est entré dans le gouvernement de son pays et y est resté de façon presque discontinue de 1973 à 2002 et ce à la tête successivement des ministères de la Justice, due la Planification et du Développement, des Finances, des Mines et de lEnergie, des Affaires Etrangères et en fin de compte comme Ministre délégué aux Institutions financières internationales. Mots-clés UE ; ACP; DieterFrisch ; SirJohn Kaputin ; Jean-Robert Goulongana ; Louis Michel ; Giovanni Bersani ; Glenys Kinnock ; Michel Rocard ; Edwin Carrington ; Claude Cheysson ; Ghebray Berhane ; APP; Lomé; APE. Manuela Carzo, Abbracciamo il mondo, 2007 Manifesta! © Africa e Mediterraneo

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chaque album: En faisant ce premier album, jai dit aux autres que nous devions parler des choses qui nous ont conduits à la guerreŽ.>U go si amSur cet album, il y avait une chanson en créole, intitulée U go si am ou Vous verrez, chantée par EmmersonŽ, ajoute Fisher. Elle disait que si vous êtes corrompu et si vous détournez les ressources du pays, cela finira par vous retomber dessus. Ce morceau est devenu un très gros tube. Les gens sont tombés amoureux de la chanson parce quelle disait ce quils pensaient sans pouvoir le faireŽ. Ensuite, Fisher a produit un album solo, Borbor Bele , pour Emmerson Bockarie. Le morceau éponyme a également touché une corde sensible. Il parle dune personne au ventre énorme, quelquun qui a détourné de largent et cest pour cela quil a un si gros ventreŽ. Fisher prétend que la chanson a fait tomber le dernier gouvernement. Mais na-t-il jamais été censuré? JamaisŽ, répond-il. Fisher explique son mélange musical: La plupart des jeunes sont branchés hip hop: Notorious B.I.G et Tupac, tous ces rappeurs. Je me suis donc dit: pourquoi pas rapper dans la langue locale, le créole, et mélanger les rythmes hip hop avec les musiques des Caraïbes ou de la Jamaïque. Au début, les gens rigolaient. Mais maintenant tout le monde le faitŽ. Aujourdhui, de nombreux jeunes essaient de gagner de largent en faisant de la musique en Sierra Leone. Fisher craint que les productions ne soient pas toujours à la hauteur. Il a aussi lintention de sattaquer au piratage. Partout maintenant, à chaque croisement de routes, on peut trouver des compilations enregistrées à bon marché pour à peine 4.000 leones, soit moins de 2 euros. Nous avons créé une organisation: lAssociation nationale des artistes de scène (National Association of Performing Artists … NAPA). Il existe une loi contre le piratage, mais le problème est quelle est dépassée. Si quelquun a piraté vos chansons, le recours à la justice risque de vous coûter plus cher que le dédommagement que vous accordera le tribunal. Nous voulons utiliser une fois de plus le pouvoir de la musique pour faire changer les choses. Nous navons pas encore trouvé le titre de la chanson. Cette loi doit pouvoir fonctionner efficacementŽ. Fisher planche actuellement sur deux albums, dont un dédié aux enfants, qui sera chanté principalement par des enfants dun orphelinat. Il dit que la Sierra Leone a signé la Déclaration des droits de lenfant des Nations Unies, mais que le Parlement ne la toujours pas ratifiée. Le premier objectif sera de pousser le Parlement à adopter cette Déclaration. Lenseignement fondamental est supposé être gratuit, mais il faut dépenser tant dargent pour aller à lécole … pour acheter des livres, par exemple … quon se rend compte quil est devenu plus cher que si cétait payantŽ. Il a aussi encouragé DJ Lulu, la star féminine la plus en vogue en Sierra Leone actuellement : Elle a vécu des choses très difficiles pendant son enfance. Elle est dorigine métisse. Son père est libanais et sa mère est sierra-léonaise. Mais la communauté libanaise napprécie pas ce genre de relation. Ala mort de son père, elle était encore très petite. La branche libanaise de sa famille a décidé de la rejeter. Elle a donc dû lutter pour sa survie. Une de ses chansons parle de la manière dont elle agrandi: Na Me Kam So. Elle dit: Vous pensiez que je ny arriverais pas, mais me voici Ž. Pour Search for Common Ground , il fait actuellement des vidéos sur la gouvernance locale. Les élections pour les Conseils locaux auront lieu en juillet 2008. Nous nous rendons dans des villages de toutes les régions pour y enregistrer des images sur les réalisations des Conseils et pour ensuite les comparer entre elles. Lors des ateliers sur les Conseils, dans différentes régions, ils pourront visionner ces vidéos. Les gens pourront alors les commenter et dire que tel Conseil utilise bien son argent ou que tel autre Conseil ne sen sort pas bienŽ. Lobjectif est de donner aux gens une voix pour le changement. Une autre préoccupation de Fisher est de garantir un gouvernement dunité, qui inclut toutes les tribus: Ce sera le sujet dune de mes chansonsŽ. Il est environ 19h00 et Fisher quitte son studio pour passer du temps avec ses hommesŽ et boire une bière. Ensuite, il regardera peut-être un film daction. Et il devra trouver le temps, dit-il, de dérouiller ses muscles pour lancer ses nouveaux albums. D.P. Mots-clés Debra Percival; King Fisher; Sierra Leone Musicien; Rap. Z oom C e samedi, nous avons rendez-vous au Body Guard Studio, dans une venelle de Freetown. Nous devons y rencontrer King Fisher, le plus grand DJ de Sierra Leone, devenu musicien, producteur de musique et cinéaste de documentaire. Il vient de rentrer dun voyage à lintérieur du pays, où il a tourné des vidéos sur les problèmes auxquels sont confrontés les Sierra-Léonais. Fisher est immergé dans une passion pour son pays et pour la musique. Les occasions quil a pour se détendre sont rares. Il commence à 6h30 et, après avoir écouté le journal sur BBC World, il se rend au studio pour brancher du nouveau matériel de production de musique et de vidéo. Pour de nombreux Sierra-Léonais comme King Fisher, alias Emrys Savage, la guerre civile a changé le cap de la vie. La scène musicale de son pays a décollé au cours des dix années du conflit qui a dominé les années 90, alors que tout le reste avait cessé de fonctionnerŽ. À lépoque, jétais DJ et on avait commencé à organiser des compétitions de rap. La plupart du temps, jétais choisi comme juge. Lors dune de ces compétitions, jai rencontré un groupe qui sappelait Black Roots. Ils étaient le premier groupe de jeunes à jouer leur musique en direct. Jétais tellement impressionné que je leur ai promis mon aide pour leurs albums. Cétait en 1995Ž. En 1997, Fisher commence à composer ses propres chansons. Il explique doù vient le nom du studio: Sur British Forces Broadcasting (BFBS), une radio britannique, il y avait un formidable DJ, accompagné dun groupe qui sappelait The Bodyguard. Jai simplement pris leur nom. Jai aussi considéré le nom comme une sorte de protection contre beaucoup de choses qui devaient arriver plus tardŽ. Il parle de linfluence de Jimmy Bangura, alias Jimmy B, un SierraLéonais sous contrat avec la maison de disques EMI, qui a passé la plupart de sa jeunesse aux Etats-Unis et en Afrique du Sud et qui a été le premier à introduire du matériel numérique en Sierra Leone. En 2002, après la guerre, il a créé le Paradise Recording Studioet a donné lopportunité à des jeunes … collectivement connus sous le nom de Paradise Family … de sortir le premier album réalisé en Sierra Leone. Cétait un grand succès. Jai essayé de faire entrer les Black Roots au Paradise Family, mais je ny suis pas parvenu. Je leur ai cependant promis de créer un jour mon propre studio denregistrementŽ. Une autre porte sest ouverte pour Fisher pendant son travail pour Search for Common Ground, une ONG sierra-léonaise pour laquelle il travaille toujours, en tournant des vidéos sur des sujets de préoccupation des Sierra-Léonais, allant des soins de santé à la dénonciation de la corruption. Cest à cette occasion que jai rencontré un expatrié qui installait le matériel numérique de lorganisation. Et je me suis dit : super, je vais pouvoir acheter un ordinateur et quelques périphériques, brancher le tout et créer un studio. Voilà comment est né le studio numériqueŽ. Fisher sarrête pour prendre le thé à 10h30, puis retourne directement en studio jusquau déjeuner à 15h00. Il nous parle de la sortie de son premier album. Pendant lenregistrement de notre première compilation au Body Guard Studio, intitulée Body Guard Revolution Chapter 1 , les gens me demandaient: quest-ce que cela signifie, cette révolution, tu veux recommencer la guerre? Je leur ai dit quil sagissait dune révolution positive.Ž Pour Fisher, les vibrations engagéesŽ sont importantes pour KING FISHER Un artiste sierra-léonais aux vibrations engagéesUne journée dans la vie de Pages 26 et 27 King Fisher au Talking Drum Studio, Search for Common Ground, Freetown, Sierra Leone 2008. © Alfred Bangura aka Funky Fred, Talking Drum Studio L'album trs populaire de Emmerson, produit par King Fisher© Emmerson N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008Z oom Occhiello27 26 Z oom

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SIERRA LEONE De Debra Percival Il y a des symboles qui ne trompent pas. La population de Freetown, privŽe longtemps d'ŽlectricitŽ, a repris espoir en un changement quand, au dŽbut de cette annŽe, la lumire a pour la premire fois pu tre allumŽe. En septembre 2007, le PrŽsident Ernest Bai Koroma remportait de justesse le second tour des Žlections prŽsidentielles et la production d'ŽlectricitŽ reste la prioritŽ numŽro un. Le projet de construction d'une centrale hydroŽlectrique ˆ Bumbuna, que le PrŽsident Koroma a lui-mme qualifiŽ "de plus long projet hydroŽlectrique de l'histoire de l'humanitŽ", devrait s'achever cette annŽe, et l'on s'attend ˆ ce que d'autres projets de ce type voient le jour de faon ˆ assurer la production d'ŽlectricitŽ dans les zones rurales, et non plus simplement dans la capitale Freetown. Koroma a expliquŽ aux citoyens que ces efforts de production ne s'arrteraient pas "tant que nous ne serons pas en mesure d'atteindre les 100 mŽgawatts pour le pays". Cinq annŽes se sont ŽcoulŽes depuis la fin d'un conflit violent qui a durŽ 11 ans, alimentŽ par le trafic des diamants. Un conflit menŽ par des rebelles et qui a dŽplacŽ prs de la moitiŽ de la population et fait des dizaines de milliers de morts et de nombreux blessŽs et personnes traumatisŽes. Un conflit qui a aussi laissŽ les organismes gouvernementaux sur le flanc et l'Žconomie exsangue. Sierra Leone se classe toujours tout en bas de l'indice de dŽveloppement humain des Nations Unies (PNUD). Pourtant, les institutions gouvernementales se remettent sur pied gr‰ce ˆ l'assistance des bailleurs de fonds internationaux, parmi lesquels l'Union europŽenne, permettant la rŽforme de tous les secteurs de l'Žconomie Ð l'extraction minire, l'agriculture et le tourisme Ð au bŽnŽfice de tous les citoyens du pays africain. BARRAGE SOUS HAUTESURVEILLANCE L e troisième barrage que lOuganda sapprête à construire sur le Nil, à la sortie du lac Victoria, devrait lui permettre de disposer dune énergie dont le pays manque cruellement. Amoindre coût et sans impact négatif sur le plan social et environnemental. Cest du moins la conclusion de létude dimpact commanditée par la Banque mondiale. La Banque européenne dinvestissement (BEI) a donc décidé de cofinancer le projet. Le 7 janvier dernier, la BEI décidait doctroyer un prêt de 136 millions de dollars (92 millions deuros) en faveur de la société ougandaise Bujagali Energy Limited (BEL), chargée de la construction et lexploitation dun barrage et dune centrale hydroélectrique dune capacité de 250 MWà Bujagali, sur le cours supérieur du Nil, en aval du lac Victoria. Les autres cobailleurs de fonds seront la Société financière internationale (la filiale de la Banque mondiale qui octroie des prêts au secteur privé), la Banque africaine de développement et un groupement dinstitutions financières européennes, le montant global des prêts équivalant à 462 millions deuros. Cette décision mettait un terme aux tergiversations entourant un projet décrié par une coalition dorganisations de la société civile, tant internationales quougandaises, en raison de son impact sur lenvironnement et sur certaines populations riveraines. Selon les promoteurs du projet, lhydroélectricité produite sur le Nil serait la source délectricité la moins chère pour un pays comme lOuganda, dépourvu daccès à la mer et parmi les plus pauvres dAfrique. Bujagali viendrait en réalité épauler deux autres barrages : celui de Nalubaale, construit à la fin des années 50 par les Britanniques, et celui de Kiira, construit dans les années 90 par les autorités de Kampala. Ces deux barrages, souligne la BEI, sont désormais insuffisants pour faire face à la demande croissante d'électricité, et, reconnaîtelle, les pannes de courant en période de faible débit d'eau provoquent de graves perturbations dans lactivité économique du pays. La construction dun troisième barrage en aval permettrait daugmenter la production délectricité. Mieux : Bujagali réutiliserait leau ayant déjà servi à produire de lélectricité dans les barrages en amont.>La santé du lac Victoria menacée ?Mais le Forum ougandais pour le développement des barrages, qui regroupe dix ONG, sinquiète de la viabilité environnementale du projet. Sappuyant sur un rapport de lONG américaine International River Networks (IRN), le Forum estime que les barrages seraient partiellement responsables de la baisse du niveau deau du lac Victoria. Ils sinquiètent également quaucune étude nait été faite afin dévaluer limpact du changement climatique sur la santé hydrologique du lac. En réponse à ces inquiétudes, plusieurs études ont été menées afin de déterminer les incidences environnementales et sociales du projet. Des incidences qui, estime la BEI, se révèlent relativement limitées. Ainsi, les consultants canadiens Burnside, chargés dune étude dimpact complète par la Banque mondiale, estiment que Bujagaly ne va pas altérer de manière significativeŽ lhydrologie du lac et du fleuve. Seul aspect à tenir à lœil : les fluctuations du niveau deau en aval, pour lequel ils recommandent la mise en place dun plan de gestion. En tout état de cause, promet la BEI, le projet fait et fera en permanence lobjet dun suivi et de mesures datténuation selon des normes internationales rigoureuses, imposant notamment des consultations avec les habitants, les collectivités locales et les associations concernées. M.M.B. BARRAGE SOUS HAUTESURVEILLANCELe troisime barrage que l'Ouganda s'apprte ˆ construire sur le Nil, ˆ la sortie du lac Victoria, devrait lui permettre de disposer d'une Žnergie dont le pays manque cruellement. A moindre cožt et sans impact nŽgatif sur le plan social et environnemental. C'est du moins la conclusion de l'Žtude d'impact commanditŽe par la Banque mondiale. La Banque europŽenne d'investissement (BEI) a donc dŽcidŽ de cofinancer le projet. Mots-clés Marie-Martine Buckens ; Ouganda ; Lac Victoria ; Nil ; BEI ; barrage.Le Nil. © iStockphoto.com/FrankvandenBergh N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008R eportage 29 28 D e la terre Akberet Seyoum Les chutes Victoria, Ouganda.©iStockphoto.com/Lingbeek Agriculture en milieu urbain prs de Freetown. La Sierra Leone dispose d'un formidable potentiel dans le domaine agricole 2008.© Debra Percival

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Au XVIe siècle, les marins anglais avaient rebaptisé le pays Sierra Leoa. Ala fin des années 1700, Bunce Island, près de Freetown, devient lun des principaux sites dactivités négrières de la côte de l'Afrique occidentale. En 1782, des philanthropes britanniques fondent la Province de Freetownet ramènent sur le continent, dans la Province sierra-léonaise de Freedom, d'anciens Africains sans le sou qui vivaient à Londres. Des milliers d'esclaves africains affranchis retournent dans la région et s'établissent un peu partout en Afrique. Ils seront peu à peu connus sous le nom de Krios. Leur langue, le krio, est très répandue parmi les 15 groupes ethniques que compte aujourdhui le pays. En 1808, la Sierra Leone devient une colonie officielle de la Couronne britannique. Cest aussi ici que siège le gouvernement représentant les autres colonies de la côte ouest-africaine. Grâce à la création, en 1827, dune des premières universités de la région, le Fourah Bay College, rapidement réputé pour la qualité des études de médecine, de droit et de philologie, Freetown se fait connaître comme lAthènes de lAfrique.> Un parti uniqueEn 1953, Sir Milton Margai, leader du SLPP(Sierra Leone Peoples Party … Parti du Peuple sierra-léonais) est nommé gouverneur général. La Sierra Leone obtient son indépendance en 1961, et Margai devient le premier Premier ministre du pays. En mars 1967, Siaka Stevens, chef et candidat du parti All Peoples Congress (APC) remporte les élections. Renversé au bout de quelques heures seulement après son investiture, il devra attendre 1968 pour accéder durablement au pouvoir. En 1971, le pays devient une république et Stevens, alors Premier ministre, devient Président exécutif. En 1978, une nouvelle Constitution instaure un régime de parti unique, avec lAPC comme seul parti autorisé. En 1985, Stevens se retire de la vie politique. Major Joseph Saidu Momoh lui succède à la présidence, au terme dun référendum avec un parti unique. La révision constitutionnelle du Président Momoh préconise le retour, pour 1991, dune constitution démocratique multipartite. Acette époque, les suspicions dabus de pouvoir et de gestion frauduleuse des ressources 30 N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008 R eportageSierra Leone R eportage Sierra Leone 31 de diamants vont bon train. Deux facteurs à lorigine de la guerre civile qui allait éclater. Foday Sankoh, ancien caporal dans larmée, et son Front révolutionnaire uni (RUF) font campagne contre Momoh, et s'emparent de villes situées le long de la frontière avec le Libéria. Ses premières attaques auront pour cible le district diamantifère de Kailahum, à lest du pays. La guerre au Libéria voisin met elle aussi le feu aux poudres. Charles Taylor, à lépoque leader du Parti national patriotique du Libéria (NPFL), aurait ainsi aidé le RUF en échange de diamants sierra-léonais. Profitant de lincapacité du gouvernement à contrôler les rebelles, le capitaine Valentine Strasser s'empare du pays suite à un coup dEtat militaire et envoie Momoh en exil en Guinée en avril 1992. Strasser forme alors le Conseil national provisoire du gouvernement (NPRC), qui allait rester en place durant quatre ans.> De nouvelles électionsEn 1995, les rebelles contrôlent une grande partie de la province orientale riche en diamants et se trouvent aux portes de la capitale Freetown. Le NPRC aurait fait appel à des mercenaires travaillant pour la société privée de sécurité, Executive Outcomes, pour repousser les rebelles. Mais la gestion de la crise se heurte à une vague de mécontentement et Strasser est finalement renversé par un coup dEtat orchestré par son ministre de la défense, le brigadier général Julius Maada Bio. Bio rétablit la constitution et convoque les électeurs aux urnes. Le candidat du SLPP, Alhaji Ahmad Tejan Kabbah, est élu démocratiquement et entre en fonction en 1996. Une soi-disant tentative de coup dEtat contre Kabbah conduit le Général Major Johnny Koroma devant les tribunaux, et ensuite en prison. Contestant cette décision, un groupe de soldats, le Conseil révolutionnaire des forces armées (AFRC), renverse le Président et libère Koroma. Celui-ci reprend alors la présidence du pays et invite le RUF à sassocier à un gouvernement qui décide dinterdire les partis politiques, les manifestations et les radios privées. Ces mesures conduisent le Conseil de sécurité de lONU à imposer des sanctions contre la Sierra Leone en 1997, parmi lesquelles un embargo sur les armes et les produits pétroliers. En mars 2008, lECOMOG, la force de maintien de la paix de la Communauté des Etats de lAfrique de lOuest, réinstalle Kabbah à la tête du pays. Lannée suivante, une tentative de coup dEtat de lARFC, soutenue par le RUF, fera 5.000 morts à Freetown et laissera le pays en ruines.> MINUSILEn octobre 1999, les forces de maintien de la paix des NU rétablissent l'ordre et désarment les armées rebelles. Au total, 17.000 casques bleus de la Mission des Nations Unies en Sierra Leone (MINUSIL) ont finalement été envoyés sur le terrain, explique Christian Holger Stohmann, attaché de presse auprès de lUNIOSIL, le Bureau intégré des Nations Unies en Sierra Leone à Freetown. Le cessez-le-feu et l'accord de paix signés ensuite … toujours en 1999 … dans la capitale togolaise Lomé permet aux rebelles daccéder à des portefeuilles ministériels. Mais Sam Bokari, un des leaders rebelles, hostile à la présence des troupes de l'ONU, décide de sen prendre aux casques bleus, qui seront attaqués et détenus à l'est du pays. Un contingent de 800 parachutistes est dépêché sur le terrain afin de sécuriser l'aéroport et permettre lintervention des forces de la paix. Foday Sankoh est par ailleurs capturé. Le désarmement des rebelles commence en mai 2001, avec le soutien de l'armée nationale sierra-léonaise. En janvier 2002, la guerre civile prend officiellement fin. Kabbah, candidat du SLPP, remporte haut la main les élections multipartites organisées la même année. Lors des élections présidentielles de 2007, il perdra le pouvoir, vaincu par le candidat de l'APC, Ernest Bai Koroma.> MutilationsDifficile de trouver un Sierra-Léonais qui naurait pas été directement touché par la brutalité des crimes de guerre perpétrés durant le conflit. D'atroces récits, faisant état de victimes mutilées, au hasard, sont encore bien présents dans les mémoires. Un jeune habitant de Freetown, Kennethexplique que des rebelles lui ont donné lordre de se mettre contre un mur, les mains liées, se demandant en même temps à haute voix sil fallait lui trancher les membres ! Il a été épargné mais bien dautres de ses compatriotes ont été mutilés, même des femmes et des enfants. Un autre jeune homme, Kanu raconte que sa sœur a disparu dans la brousse pendant trois mois, enlevée comme d'autres jeunes femmes pour cuisiner et faire la lessive des rebelles. Les viols faisaient partie du quotidien. De nombreux enfants soldats ont perdu la vie. Et pour les victimes amputées dun bras ou dune jambe, il est bien sûr deux fois plus difficile de trouver un emploi dans un pays où 65% des jeunes hommes de 18 à 40 ans sont sans travail. Le tribunal spécial mis en place après la guerre par les Nations Unies à la demande du gouvernement sierra-léonais siège toujours, mais il devrait interrompre ses activités en 2010, explique Francesca Varlese, gestionnaire de projets auprès de la délégation de la CE à Freetown. Depuis 2003, lUE soutient financièrement le tribunal spécial et propose divers services, comme un système video pour la retransmission en direct du procès de Charles Taylor qui se déroule actuellement à La Haye et des stages. Ce que permet de suivre le travail du tribunal. Concernant son efficacité, les avis divergent, explique Ambrose James, directeur national de lONG Search for Common Ground, qui réalise des vidéos et des émissions radio donnant la parole aux Sierra-Léonais. Selon lui, ceux-ci ont un avis mitigé sur ce tribunal. Acommencer par le fait que les principaux chefs rebelles, comme Sam Bokari … Mosquito… et dautres encore ont perdu la vie ou sont en fuite. Dautres sinterrogent sur le pourquoi du jugement de certains membres de la Force de défense civile. Car après tout, elle était opposée aux rebelles. Les gens ne se rendent pas compte que cette force a commis certaines violations des droits de lhomme, cest cela qui complique la situationŽ, explique Ambrose James dans son bureau de Freetown. Tout comme le problème des mandats respectifs du Tribunal spécial et de la Commission Vérité et Réconciliation … une émanation de laccord de paix de Lomé. Il faut dire que lun sanctionne et lautre accorde le pardon. La guerre civile a aussi contraint 2 millions de Sierra-Léonais à se réfugier dans dautres régions du pays ou à létranger. La guerre et les crises qui lont précédée ont laissé des traces sur le plan économique et social. La Sierra Leone se classe ainsi 177e sur 177 sur léchelle de développement des Nations Unies pour 20072008, en raison dun taux particulièrement GUERREetPAIXEn 1462, l'explorateur portugais Pedro da Cintra dŽcouvre les montagnes entourant l'actuelle capitale du pays, Freetown, et leur donne le nom de ÔSierra Lyoa', littŽralement la Ômontagne du lion'. Ces sommets dŽchiquetŽs ressemblant selon lui ˆ des dents de lion. Le nouveau gouvernement d'Ernest Bai Koroma souhaite tourner la page aprs ces annŽes de conflit et aider l'Žconomie de son pays ˆ reprendre du poil de la bte. Enfant vendant des bananes ˆ Moyamba. La pauvretŽ incite de nombreux enfants ˆ travailler 2008.© Debra Percival Affiche de la Court spŽciale Ð crimes punissables 2008. © Debra Percival

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préoccupant de mortalité infantile et dautres statistiques sanitaires et d'éducation. De très jeunes enfants tentent de se faire un peu dargent en vendant dans les rues des sacs de fruits ou de biscuits. Le taux dalphabétisation des adultes ne dépasse pas 30% et 68%de la population tente de survivre avec moins d'un dollar par jour.> De réelles attentesNombreux sont ceux qui placent tout leur espoir dans le nouveau gouvernement dErnest Bai Koroma. Ce dernier sest engagé à gouverner son pays comme un homme d'affaires mais un test de popularité l'attend lors des prochaines élections locales de juillet 2008. Dautres changements prometteurs sont en vue depuis la mise en place du nouveau gouvernement. Ainsi, une commission anti-corruption, créée en 2000, entend lutter à tous les niveaux contre ce phénomène, explique Abdul TejanCole, aux commandes de cet organisme depuis décembre 2007. Il suggère la diffusion de jingles sur les chaînes radio afin dencourager le public à dénoncer de tels actes aux autorités compétentes et souhaite voir les parlementaires déclarer leur fortune. Mais développer lappareil dEtat dans un pays qui dépend actuellement de laide budgétaire de nombreux bailleurs de fonds n'est pas une sinécure. Ces fonds sont en effet destinés avant tout à boucher les trous du budget gouvernemental. Les quatre principaux donateurs sont le Department for International Development britannique (DFID), lUE, la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque mondiale. Ils se réunissent régulièrement en vue d'examiner les critères dévaluation pour le décaissement de l'aide. Ces critères concernent par exemple la façon dont le gouvernement gère les finances publiques et le niveau de réalisation des objectifs de lutte contre la pauvreté. Ensemble, ces quatre bailleurs de fonds fournissent une aide budgétaire annuelle de 52 millions d'euros, soit 17% du budget national du pays. En 2007, des difficultés financières … surtout la flambée imprévue du prix du carburant … ont conduit à une suspension de l'aide, explique Hans Allden, chef de la délégation de lUE en Sierra Leone. Il souligne à ce propos le caractère délicat de laide budgétaire, une gestion financière saine devant être associée à un flux prévisible daide : Sans cela, cest la porte ouverte à divers types de problèmes de paiement, pouvant aller jusquà affecter la sécurité. Un groupe de personnes affamées et sans le sou constitue un risque pour la stabilitéŽ. LUE et le DFID, qui coordonnent leur stratégie daide à Sierra Leone, fournissent actuellement 42% de la totalité du financement des donateurs. Chacun se concentre sur ce quil fait de mieux : lUE sur linfrastructure et la gouvernance, et le DFID sur lenseignement, la santé et lassainissement. Dautres pays de lUE mettant en oeuvre des programmes daide bilatérale en faveur de la Sierra Leone sont lIrlande, lAllemagne, lItalie et la France. Et selon Hans Allden, le pays aimerait en fin de compte que les ressortissants sierra-léonais deviennent eux-mêmes des soldats de maintien de la paix. Une question selon lui de fierté nationale. D.P. 32 N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008 R eportageSierra Leone R eportage Sierra Leone 33 Ernest Bai Koroma a remporté le deuxième tour de scrutin des élections présidentielles du 8 septembre 2007 en battant son adversaire, Solomon Ekuma Berewa du Parti du peuple de Sierra Leone (Sierra Leone Peoples Party … SLPP). Aucun des deux candidats navait obtenu la majorité de 55% des suffrages, requise pour gagner au premier tour. Koroma veut appliquer ses compétences dhomme daffaires à la gestion du gouvernement. Cet ancien directeur général de la Reliance Insurance Trust Corporation est membre du West African Insurance Institute ainsi que de lInstitute of Risk Management et de lInstitute of Directors du Royaume-Uni. Le Congrès de tout le peuple (All PeoplesCongress … APC), le parti de Koroma, détient une majorité de 59 sièges au Parlement depuis les élections daoût 2007. Il a signé des contratsavec ses ministres pour les obliger à obtenir des résultats, nous a-t-il dit lors dun entretien au State House à Freetown à la fin de février 2008. Vous étiez présenté comme le candidat du changement. Quels changements avez-vous réalisés jusquà présent ? Jai mis en place un mécanisme qui posera les fondations dun changement de cap qui permettra au pays de se remettre en mouvement et aux investisseurs de sinstaller ici. Nous avons provoqué une transition pacifique du gouvernement précédent au gouvernement actuel. Nous nous sommes aussi attaqués au sujet qui doit être un objectif prioritaire selon nous, la fourniture de ce pays en énergie. Freetown dispose désormais dune certaine quantité délectricité. Nous avons sollicité la participation de la Banque mondiale et autres donateurs et nous avons activé un programme de Production indépendante délectricité (IPP), qui cède la génération délectricité au secteur privé, tandis que la National Power Authority (NPA) soccupe des ventes. Nous avons hérité dune production délectricité de six mégawatts, que nous avons augmentée de 15 mégawatts supplémentaires. Nous sommes donc en état de produire 21 à 22 mégawatts et nous avons réquisitionné un générateur délectricité indépendant qui ajoute encore 10 mégawatts. La prochaine étape sera de trouver une solution à moyen terme, telle que lachèvement de la centrale hydroélectrique de Bumbuna. Nos donateurs nous ont fourni les 45 millions de dollars nécessaires pour achever le projet cette année. Quant à notre engagement à fournir de lélectricité partout dans le pays, il nécessitera le démarrage dun programme rural délectrification. En ce moment-même, les Chinois examinent notre potentiel hydroélectrique. Il est possible de multiplier les petits projets hydroélectriques un peu partout si nous pouvons exploiter fructueusement les cinq rivières qui traversent notre pays. Quels secteurs soulageront la pauvreté ? Tous les pays sortant dune guerre sont confrontés à des problèmes de stabilisation humanitaire et sociale. Il faut aussi soccuper des personnes amputées et des populations déplacées. Aujourdhui, lheure est venue de nous engager dans une croissance économique réelle et davoir un impact sur léconomie. Outre lexploitation minière, nous avons le tourisme, la pêche et lagriculture. 60 à 70% de notre population travaille dans lagriculture. Nous avons le potentiel non seulement pour permettre assurer notre propre subsistance, mais aussi pour exporter des produits agricoles. La possibilité de commercialiser ces produits nous permettra de nous attaquer à la réduction de la pauvreté. Vous avez dit que vous aimeriez gouverner la Sierra Leone comme une entreprise ? Nos méthodes doivent être plus semblables à celles du monde de lentreprise. Nous rentrons dune retraite gouvernementale à Bumbuna, où nous avons défini des objectifs. Nous avions promis que le changement de cap serait perceptible dans les 36 mois. Voilà pourquoi jai introduit les contrats de gestion pour les ministres. Actuellement, ils sont tous en pourpar-LeBUSINESSde laGOUVERNANCEEntretien avec Ernest Bai Koroma, PrŽsident de Sierra Leone L'achvement de la centrale hydroŽlectrique de BumbunaSuperficie: 73,326 sq km2 Population: 5.9 millions (2007) PrŽvision: 6.9 millions (2015) Indice PNUD: 177 sur 177 pays (Rapport sur le dŽveloppement humain 2007-2008) EspŽrance de vie: 41.8 (2005) Taux d'alphabŽtisation des adultes (%15 ans et plus): 34.8 (1995-2005) Taux de mortalitŽ des moins de cinq ans (pour 1,000 naissance): 282 (2005) Importations: 306 millions d'euros (denrŽes alimentaires, outils et machines, pŽtrole)* Exportations: 163.5 millions d'euros (diamants, rutile, cacao, bauxite, cafŽ, poisson, minerai de fer, huile de palme)* Contexte politique PrŽsident: Ernest Bai Koroma (depuis septembre 2007) AssemblŽe unicamŽrale: Au mme titre que les parlementaires, le prŽsident est Žlu tous les cinq ans au suffrage universel direct. Son mandat est renouvable une fois. Principaux partis politiques: All People's Congress (APC), Sierra Leone People's party (SLPP), People's Movement for Democratic Change (PMDC). 12 chefs traditionnels Žlus au niveau local pour reprŽsenter les districts du pays. Sources: Banque mondiale, Programme des Nations Unies pour le dŽveloppement (PNUD), Commission europŽenne, Sierra Leone Encyclopedia 2007. Sites web : www.sfcg.org , www.sc-sl.org * 2006 Aperu statistique de la Sierra Leone Mots-clés Debra Percival ; Sierra Leone ; ONU ; DFID ; aide budgétaire. Vente de pommes, Freetown, 2008. © SLIS Carte de la Sierra Leone.Copyright University of Texas. Le PrŽsident de la Sierra Leone, Ernest Bai Koroma, 2008. © Debra Percival

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34 N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008 R eportageSierra Leone R eportage Sierra Leone 35 C haque parti possède ses propres bastions. Le SLPPs'appuie ainsi sur les populations du Sud et de l'Est, appartenant à lethnie mende, qui constitue environ 30% de la population. Quant à l'APC, il trouve principalement son soutien au nord et à l'ouest du pays, parmi les Temnés qui représentent 30% de la population. Lors des dernières élections parlementaires, en août 2007, le SLPPa gagné 43 sièges. Il continue daffirmer que son candidat a remporté le second tour des présidentielles le 8 septembre 2007. Daprès toutes les données dont nous disposons, nous avons remporté les élections. Et pour des raisons parfaitement connues de la Commission électorale, cette victoire nous a été volée. Les votes de 477 bureaux dans notre bastion ont été annulés, et le décompte na jamais eu lieuŽ, nous a expliqué Brima Koroma, secrétaire administratif national du parti dans ses bureaux de Freetown, en février..* Une déclaration en contradiction avec les conclusions dune multitude dobservateurs électoraux internationaux … y compris des observateurs de lUnion européenne … selon lesquelles les élections parlementaires et présidentielles avaient été libres et équitablesŽ. Ahmad Tejan Kabbah, ex-président du SLPP, a dirigé le pays pendant 11 ans avant de se retirer avant les élections de 2007. Notre priorité, en tant que partiŽ, poursuit Brima Koroma, était dêtre élu par le peuple pour rétablir la paix. Tel était notre engagement. Cela étant, nous avons gagné les élections de 1996 et avons dû diriger le pays tout en étant exilés, entre 1996-1997. Nous nous étions fixé comme objectif de mettre fin à la guerre et nous y sommes arrivésŽ, ajoute-t-il. Et dajouter que le gouvernement SLPPsest attelé avec succès à la reconstruction du pays dès la fin officielle de la guerre, en 2000 : Nous avons consacré énormément de temps à réparer les infrastructures et à remettre en état tout ce qui avait été détruit dans les provinces. Il ny avait plus ni hôpitaux, ni écoles. Et nos objectifs ont été atteints. En 2002, notre pays pouvait sappuyer sur une économie stable, même en ce qui concerne le taux de change de notre devise, le leone, par rapport au dollarŽ. Il nous explique également que le gouvernement SLPPa réintroduit les conseils locaux en 2004. Les choses sont aujourdhui incroyablement difficilesŽ, déplore Koroma, épinglant entre autres le prix élevé du riz.> Un troisième pouvoir Le Mouvement populaire pour le changement démocratique (PMDC) détient dix sièges au Parlement et quatre portefeuilles ministériels, récompenseŽ de lAPC pour son soutien lors du second tour des présidentielles, en septembre, explique le secrétaire général du PMDC, le juriste Ansu Lansana. Son parti a offert aux Sierra-Léonais une alternative. Après toutes ces années de ping-pong politique entre les deux grands partis, nos compatriotes ont demandé à grands cris une troisième forceŽ. Les militants du PMDC sont pour la plupart ƒ des Sierra-Léonais mécontents, au chômage et laissés-pour-compteŽ, nous explique Lansana. Selon lui, les 11 années de pouvoir du SLPPont été caractérisées par un manque total d'efficacité. Un pouvoir également trop focalisé sur la politique de jadis, qui voulait qu'on était SLPP de père en fils. Cette approche politique nuit au développement national car elle n'encourage pas la gouvernance fondée sur les résultatsŽ. Et voici ce quil nous dit du nouveau gouvernement : La seule chose qui me dérange, cest que léquipe a commencé à se détourner de certaines des promesses faites au cours de la campagne. Je nourris un optimisme prudent quant à l'évolution de mon pays. Par certains aspects, positifs, on va de lavant mais dautres ont des relents du passé, comme le chômage et le désordreƒŽ D.P. * Douze grands chefs siègent également au Parlement, un pour chaque district du pays.O O P P P P O O S S I I T T I I O O N NU UN N E E O O P P P P O O S S I I T T I I O O N N B B I I P P A A R R T T I I T T E E Le premier parti d'opposition, le Parti du peuple sierra-lŽonais (SLPP), a dominŽ le paysage politique du pays, aux c™tŽs de l'APC (All People's Congress), parti au pouvoir. Le SLPP a vu le jour en 1951 et compte parmi ceux qui se sont battus pour obtenir l'indŽpendance de la Grande-Bretagne, en 1961. Ce parti a toujours ŽtŽ le principal opposant politique ˆ l'APC, constituŽ en 1960. Mots-clés Debra Percival ; Sierra Leone ; politique; opposition.lers avec le Bureau du Président pour se mettre daccord sur leurs objectifs annuels et pour définir ceux quil leur faudra réaliser au cours des trois prochaines années. Comment pouvez-vous attirer des investisseurs étrangers ? Nous modifions nos lois, nous renforçons lindépendance et la crédibilité du pouvoir judiciaire et nous combattons fermement la corruption, afin de garantir la participation sérieuse de tous les acteurs. Cela séduira des investisseurs. Nous avons pour ainsi dire les meilleurs diamants du monde, les plus grandes réserves de rutile (dioxine de titanium), des réserves énormes de minerai de fer, de bauxite, de platine, etc. Nous avons aussi un potentiel considérable dans le secteur agricole. Acela sajoute notre potentiel touristique unique. Avec des investissements adéquats, la Sierra Leone pourra facilement devenir la meilleure destination touristique du monde. Notre faune, notre topographie et nos plages sont incomparables. La Sierra Leone est située tout en bas de léchelle du développement humain (UNDP). Comment pouvez-vous améliorer votre position ? Nous venons de lancer un plan stratégique pour 2008-2010 visant les enfants et dautres groupes. Nous analysons notre système éducatif et nous planchons sur laugmentation du nombre de personnes ayant accès à leau courante, ainsi que sur lamélioration de notre infrastructure médicale. Quand tous ces projets seront mis sur les rails, je pense que nous pourrons nous concentrer sur la motivation des personnes chargées de ces services, les prestataires : médecins, infirmières et enseignants. Vous êtes confiant quant à votre futur succès aux élections locales de juillet ? Je crois que nous remporterons la plupart des sièges car les citoyens ont réalisé en très peu de temps que nous sommes un gouvernement privilégiant les résultats. Nous ne parlons pas de politique. Nos actes correspondent à nos paroles, comme pour lélectricité. Nous lancerons notre programme agricole et nous souhaitons assurer un programme de soins de santé. Il ne faut pas sattendre à voir des résultats tangibles du jour au lendemain. Ce quon voit, cest lactivité du gouvernement : notre effort à réaliser sur les promesses faites à notre peuple, et je pense que cela inspire confiance à la population. Notre seule difficulté est dêtre arrivée au pouvoir au moment où tous les prix grimpent sur le marché mondial. Le prix du gasoil est en hausse ainsi que ceux du riz et du blé. Certaines de ces augmentations ont malheureusement une incidence directe sur la vie des gens ordinaires. Nous ne pouvons pas subsidier, puisque nous navons pas les fonds. Nous ne sommes pas un pays producteur de pétrole. Votre gouvernement favorise-t-il certaines ethnies au détriment dautres ? Ce nest pas le cas. Nous avons des gens originaires des autres régions, comme le ministre de la Santé et celui des Ressources marines, par exemple. Jai toujours insisté sur le fait que nous sommes un gouvernement dinclusion et que chaque district est représenté, pas seulement au niveau gouvernemental, mais aussi au niveau des ministres adjoints. Toutes les personnes que nous nommons dans les entreprises publiques et les missions diplomatiques incarnent ce caractère national. Quelle est votre point de vue sur le fait que votre partenariat avec lUnion européenne se concentre sur laide budgétaire ? Il est important que cela car la base de nos revenus est très limitée. Nous demandons un soutien qui nous apporte loccasion de voler de nos propres ailes. En faisant redémarrer les activités minières, agricoles et touristiques, je pense que nous obtiendrons des revenus suffisants pour prendre en charge notre propre budget et nos efforts de développement. LUE joue aussi un rôle de premier plan dans les programmes dinfrastructures. Comme pour lénergie, lamélioration du réseau routier favorisera les activités économiques dans le pays. Elle permettra à la population de se déplacer librement, elle contribuera à la mobilité des produits agricoles et améliorera le tourisme et le commerce avec nos voisins, la Guinée et le Libéria. D.P. Mots-clés Debra Percival ; Président Ernest Bai Koroma ; Sierra Leone ; aide budgétaire ; électricité.La Sierra Leone est traversŽe par de nombreuses rivires 2008. © Debra Percival Habitations ˆ Kroo Bay, Freetown 2008. © Debra Percival

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N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008 37 36 R eportageSierra Leone ves, telles que plus de 100 millions de tonnes de bauxite, ainsi que des résidus de minerai de fer … nous lencouragerons à former un consortium regroupant les candidats extracteurs de minerai de fer et les candidats extracteurs de bauxite puisquils devront utiliser le même chemin de fer et les mêmes portsŽ. Il a ajouté : Le cabinet ma mandaté pour créer un sous-comité chargé dexaminer tous les accords avec les grandes compagnies minières et, dans la foulée, nous les intégrerons aux nouveaux accords avec les sociétés minièresŽ. Notre pire découverte est de constater que certains viennent chez nous pour décrocher une licence dexploitation minière, quils introduisent ensuite en bourse pour faire de largent sur notre dos. Ils prétendent que cest légal, mais nous voulons changer celaŽ, a continué Jallon. Alfred Carew, Secrétaire général du Forum national sur les droits de lhomme et Président de la National Advocacy Coalition on Extraction , nous a dit quil pense que certaines sociétés font la même chose sur Internet. Il sinquiète des coûts sociaux de lextraction minière, tels que loccupation denfants pour casser les pierres, la prostitution, les maladies dans les régions minières et limpact environnemental. Le Ministre a parlé de la mêlée généraleŽ actuelle dans le district diamantaire de Kono et de la contrebande quelle entraîne : Nous faisons de notre mieux pour tout organiser de manière structurée. Dans la plupart des cas, un distributeur aide le propriétaire du terrain et les travailleurs à obtenir des machines. Ensuite, cest à cette personne, qui a apporté son aide, que la production doit être vendue. Ason tour, elle donnera les diamants à un exportateur qui possède une licence et qui est seul autorisé à exporter. Pour obtenir cette licence, il faut payer 40.000 dollars. Nous pensons quil existe de la contrebande à différentes étapes, mais nous navons pas de preuvesŽ. Le Ministre rappelle que le pays adhère au Processus de Kimberley, qui interdit la vente de diamants provenant de régions en guerre. Je signe un certificat Kimberley pour tous ceux qui exportent. Mais il faut se rendre au lieu de destination pour se faire une idée définitive. Quelquun doit se trouver là pour vérifier si les diamants sont arrivés. Cela suppose une lourde administrationŽ.. D.P. * LEITI implique la publication régulière des montants payés aux gouvernements par toutes les sociétés de matériaux, de pétrole, de gaz et dextraction minière. H HO O R R S S D D E E S S S S E E N N T T I I E E R R S S B B A A T T T T U U S S S SI I E E R R R R A AR RU U T T I I L L E EL LT T D D. . U n prt de 24 millions d'euros, accordŽ en partie par SYSMIN, l'ancien systme d'aide aux produits miniers de la CE, le restant venant du Fonds europŽen de dŽveloppement (FED), a permis ˆ la sociŽtŽ Sierra Rutile Ltd. de redŽmarrer dans le district de Bonthe, dans le Sud-Ouest. Le rutile (dioxyde de titane) est exportŽ surtout vers l'Europe, l'AmŽrique du Nord, le BrŽsil, le Japon et la Russie, o il est utilisŽ dans des pigments de peinture, les qualitŽs supŽrieures Žtant utilisŽes pour fabriquer des baguettes de soudure. Le prt de redŽmarrage a ŽtŽ transfŽrŽ au gouvernement, qui a ensuite redistribuŽ l'argent sous forme d'un prt commercial ˆ la sociŽtŽ. Bob Lloyd, Directeur gŽnŽral de la sociŽtŽ, dit qu'il s'agit : "d'une Žtape majeure de la renaissance de la Sierra Leone ˆ la fin du conflit". Avec une production prŽvue de 180.000 tonnes cette annŽe, la sociŽtŽ a dŽpassŽ sa production de 140.000 tonnes de l'annŽe dernire. Le processus d'extraction implique le dŽversement de grandes quantitŽs d'eau. On pourrait les utiliser ˆ d'autres fins productives, explique JeanPierre Milard, assistant technique au ministre, subventionnŽ par l'Union europŽenne. Le processus n'Žtant pas toxique, de nombreux projets peuvent tre envisagŽs. Bob Lloyd explique que Sierra Rutile Ltd. a crŽŽ une fondation qui finance actuellement un projet pilote de remise en valeur agricole sur l'un des "lacs". D'autres pistes visent l'aquaculture, et les "plages" de sable blanc immaculŽ ŽtalŽes par l'extraction minire Žveillent des idŽes touristiques. Il semblerait que la sociŽtŽ a encore de nombreuses annŽes d'activitŽ devant elle. Bob Lloyd a montrŽ au Courrier une carte indiquant les rŽserves dŽcouvertes autour de Bonthe. Et l'exploration est Žgalement en cours le long de la c™te. Le capital et les intŽrts du prt de 45 millions d'euros devront tre remboursŽs au gouvernement de la Sierra Leone de 2008 ˆ 2013, ˆ commencer par un premier paiement de 716.000 euros en juin de cette annŽe. On prŽvoit que la CE aura son mot ˆ dire dans l'affectation de ces fonds. Bob Lloyd dit que les relations avec la population locale sont bonnes ; les reprŽsentants officiels rencontrent rŽgulirement les huit chefs suprmes des chefferies entourant la mine. Mots-clés Debra Percival ; Sierra Leone ; extraction minière ; diamants ; minerai de fer; rutile. L' extraction minière … et notamment le diamant, qui a contribué à financer la guerre pendant 11 années … est un secteur très sensible en Sierra Leone. Selon les statistiques de la Banque mondiale, le secteur minier représente 90% des exportations et 20% du PIB. Le gouvernement souhaite que léclat de ce secteur profite désormais à tous les Sierra-Léonais. Nous sommes le deuxième plus grand producteur de rutile au monde (et le plus grand producteur de rutile brut). Nous disposons de grandes réserves de bauxite et de minerai de fer. Notre pays est couvert de diamants et nous extrayons la roche-mère à la recherche de diamant, de kimberlite et dorŽ, nous explique Alhaji Abubakar Jallon, Ministre des Ressources minérales, ancien directeur général de la National Diamond Company qui a travaillé comme géophysicien. La valeur totale des diamants exportés officiellement sélève à 125,3 millions de dollars, ce qui en fait le premier article dexportation du pays, sans compter le commerce clandestin. Dans lensemble, le secteur minier fait vivre 250.000 personnes, soit 14% de la population active, mais le gouvernement a le sentiment que lextraction pourrait être plus bénéfique pour la population de la Sierra Leone. Les représentants de la Banque mondiale estiment que lancien régime fiscal na pas attiré beaucoup dinvestisseurs de qualité. Parmi les autres défauts, citons lattribution peu transparente des concessions minières, le grand nombre de mineurs artisanaux informels clandestins, ainsi que la contrebande dor et de diamants et limpact environnemental et social pour les communautés locales. Selon les chiffres de la Banque mondiale, le secteur représentait à peine 2% du revenu fiscal en 2000. On prévoit lapprobation dun projet dassistance technique de la Banque mondiale (6 millions de dollars par lintermédiaire de lAssociation internationale de développement) en juillet 2008, pour examiner comment améliorer la transparence de lindustrie sous le régime actuel, augmenter les revenus miniers du gouvernement et améliorer le soutien du gouvernement à lInitiative pour la transparence des industries extractives (EITI)* auquel le pays a adhéré en 2006. Ce projet soutiendra les mesures prises jusquà présent pour réguler le secteur, y compris la Core Mineral Policyde 2003 et la collecte de données géologiques. Le Ministre Jallon souhaite que les compagnies construisent plus dinfrastructures autour des mines : Si vous faites des travaux dextraction, donnez-nous une centrale électrique qui sera utile à la fois pour vous et pour la population de la région. Le lien entre extraction et infrastructures a fait lobjet dun consensus lors dun forum récent, organisé à Conakry en Guinée et sponsorisé par la Banque mondiale et la Banque africaine de développementŽ. Les accords tels quils étaient conclus anciennement ne devraient plus se reproduire, a précisé le ministre. Prenons lexemple de Delcros, une société dextraction de fer, qui, au cours de ses 20 années dactivité, a construit un chemin de fer et un port pour ses exportations. Après la fermeture de la mine, le port et le chemin de fer sont devenus inutiles : De telles situations ne devraient plus jamais se présenterŽ, a dit Jallon. Si nous autorisons quelquun à développer la mine aujourdhui … car de nombreuses personnes viennent nous voir, et nous disposons dautres réserves, telles que plus de 100 millions de tonnes de bauxite, ainsi que desSECTEUR MINIER :UNE RÉFORMEen chantier SECTEUR MINIER :UNE RÉFORMEen chantierDragueur, Sierra Rutile Ltd 2008. © Debra Percival Ministre des ressources minŽrales, Alhaji Abubakar Jallon 2008. © Debra Percival R eportage Sierra Leone

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Selon le Dr Sesay, les noix de cajou, une excellente culture dans le Nord du pays, combleront le fossé économique entre le Nord et le Sud. > Un prix équitable pour le terrainUne amélioration des pistes, une harmonisation des normes des produits dans les pays de lorganisation régionale ouest-africaine CEDEAO ainsi que le régime foncier sont dautres problèmes importants pour la relance du secteur, selon le Dr Sesay, qui a déclaré que, dans les régions où du terrain est à vendre, vous devez payer un juste prix. Les terrains ont de la valeur et les gens nen obtiennent pas un juste prixŽ. Lagriculture ne constitue pas un des secteurs clés des nouveaux programmes de financement de la CE dans le cadre du 10e FED. Durant la période daprès-guerre, le financement du FED axé vers le développement rural a été orienté vers la réimplantation de la population dans les zones rurales ainsi que la promotion de la sécurité alimentaire. Un programme de réimplantation et de réhabilitation (30 millions deuros) a été lancé pour linfrastructure sociale dans les zones rurales de lensemble du pays via la reconstruction de centres sanitaires, de puits et dautres infrastructures détruites par la guerre. Ce programme a été suivi par un projet de lien entre urgence, réhabilitation et développement (LRRD) de 24 millions deuros destiné à la fourniture doutils et de semences, deau et dinstallations sanitaires, explique M. Georges Dehoux, qui travaille au sein de lOffice de la sécurité alimentaire à la délégation de lUnion européenne en Sierra Leone. Dans un pays aussi fertile que la Sierra Leone, la sécurité alimentaire ne devrait pas être un problèmeŽ, affirme-t-il. Dautres projets de sécurité alimentaire ont suivi. Grâce à une subvention de 4,2 millions deuros octroyée par lancien Système de stabilisation des recettes dexportation (STABEX), qui compense les pertes des recettes dexportation agricole, les cultures commerciales à Bombali et à Tonkolili (riz) ainsi quà Kono, Kenema et Kailahun (cacao) bénéficient dune valeur ajoutée. Selon M. Matthias Reusing, responsable du développement rural au sein de la délégation de lUE en Sierra Leone, le pays ne peut rivaliser avec le gros volume dexportations de cacao de la Côte dIvoire et du Ghana mais le travail avec lONG néerlandaise AGRO ECO a permis daméliorer les méthodes de séchage et de certifier que la production de cacao résultait du commerce équitable et dune culture biologique. Préséché, le cacao est vendu 1.000 dollars la tonne. Il peut rapporter désormais jusquà 1.400 voire 1.600 dollars la tonne. M. Reusing estime quil est temps pour le pays de contrebalancer la pénurie de café biologique robusta sur le marché mondial. Au sein de lUE, on trouve beaucoup de bon café arabica biologique cultivé sur les hauts plateaux dEthiopie, mais pas de robusta cultivé à plus basse altitude. Etant donné que les Européens apprécient un mélange darabica et de robusta, cela pourrait représenter un nouveau créneau. Dans la foulée du projet STABEX, une somme de 12 millions deuros a été réservée, dans le cadre du 10e FED, à lamélioration de la production, du traitement et de la commercialisation des cultures commerciales, en incluant une nouvelle fois les acteurs nationaux. Et 4 millions deuros du 10e FED seront affectés à la décentralisation du secteur par le biais dun renforcement de la capacité des conseils de district et des acteurs non gouvernementaux. M. Georges Dehoux insiste sur la nécessité dagir à léchelon local pour avancer. D.P. Websites: www.megapesca.org, www.oceanic-dev.com * 1 dollar = 3.000 leones ; 1 euro = 4.789 leones 38 N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008 R eportageSierra Leone R eportage Sierra Leone 39 L LA A P P Ê Ê C C H H E E… … U U N N S S E E C C T T E E U U R R P P R R O O M M E E T T T T E E U U R R D' aprs un rapport financŽ par la CE et ŽlaborŽ par le consortium Oceanic Developpement (France) et MEGAPESCA (Portugal), la pche illicite pourrait cožter jusqu'ˆ 23 millions d'euros par an ˆ la Sierra Leone. L'Žtude analyse les diffŽrentes options d'un partenariat de pche avec l'UE. Quelque 8000 embarcations artisanales, comme des pirogues et des navires faits de bordages, ainsi que 52 chalutiers de haute mer, principalement des navires grecs, espagnols et d'Asie du Sud-Est, ont actuellement des accords de participation pour pcher dans les eaux de la Sierra Leone. Des observateurs prŽtendent que des bateaux chinois pcheraient illŽgalement dans les eaux de la Sierra Leone. "Tout ce qui est proche de la c™te est critique", affirme M. Reusing. Une des quatre options ŽtudiŽes par le consortium consiste ˆ permettre aux navires de l'UE de pcher du thon, des crevettes de haute mer et d'autres poissons pŽlagiques ; un tel accord pourrait rapporter 2,5 millions d'euros par an en redevances. Etant donnŽ l'existence actuelle d'un embargo communautaire sur les exportations de poissons de la Sierra Leone Ð mais il pourrait tre levŽ cette annŽe Ð les prises dans le cadre de l'accord de participation doivent entrer dans l'UE par l'intermŽdiaire d'un pays tiers, comme des observateurs de Freetown l'ont laissŽ entendre. En collaboration avec l'Institut de biologie marine et d'ocŽanographie de la Sierra Leone, l'UE vient de lancer un soutien institutionnel pour la gestion de la pche (SIGP) de 3 millions d'euros en vue d'Žvaluer les stocks et de fournir des conseils techniques pour la conservation des ressources. D'aprs M. Reusing, l'idŽe consiste ˆ affermir le statu quo actuel des stocks et ˆ mettre au point un plan de gestion durable. A l'avenir, l'UE entend continuer ˆ amŽliorer les normes d'hygine dans l'industrie et ˆ accro”tre le contr™le et l'inspection de la pche dans les sept pays d'Afrique de l'Ouest, y compris la Sierra Leone, afin d'enrayer la pche illicite. Mots-clés Debra Percival ; Sierra Leone ; agriculture ; commerce ; pêche."Nous ne parviendrons pas à réduire la pauvreté si nous ne changeons pas la situation financière des agriculteursŽ, déclarait le Président Ernest Bai Koroma lors de sa visite à Kenema, dans lest du pays, en mars de cette année. Les ressources naturelles renouvelables comme la sylviculture, lagriculture et la pêche représentent 50% du produit intérieur brut (PIB). 75% de la population tire sa subsistance de ce secteur. Le pays dépend fortement des importations pour des produits de première nécessité comme le riz. Lors de notre visite fin février 2008, nous avons constaté que les esprits séchauffaient dans les rues de Freetown à la vue du prix élevé dun simple sac de riz, qui coûtait environ 80.000 leones* alors que son prix avait été de 50.000 leones au moment des élections en août 2007. Le Président Koroma a déclaré à Kenema que le principal responsable de la hausse des prix nétait pas le nouveau gouvernement mais la crise alimentaire internationale, qui a entraîné une interdiction des exportations de riz dans certaines régions. Le Président a dit que la crise a clairement mis en évidence la dépendance du pays par rapport aux importations et il a ajouté quil fallait accroître la production intérieure. Le gouvernement entend créer une agence pour le développement de la production, agence chargée détudier lensemble du secteur agricole et de stimuler la production. Dans son bureau de Freetown, le Ministre de lAgriculture, le Dr Sam Sesay, a fait part au Courrier de son inquiétude par rapport au fait que le riz franchissait si facilement les frontières du pays. Nous ne satisfaisons que 60% de nos exigences en riz sur le plan national. Notre pays est depuis toujours un producteur de riz et il en exportait dans les années 1960. Notre gouvernement se préoccupe du fait quune grande partie de notre production de riz passe vers les pays voisins comme le Libéria et la Guinée, qui en profitent. Des études ont montré que la Sierra Leone offrait un avantage comparatif en matière de production de riz, tant sur le marché intérieur quau niveau de la concurrence internationaleŽ. Pour lui, lavenir se situe aussi parmi dautres cultures comme les piments rouges, les noix de cajou et la limonade au gingembre. Le problème, explique-t-il, cest que la limonade au gingembre nest pas produite correctement. Cest un domaine dans lequel des améliorations sensibles peuvent être apportées. Nous pouvons en faire une excellente boisson locale, qui peut être préparée quasiment partoutŽ. LagriculturePche artisanale, Alex's beach 2008. © Debra Percival Scne rurale, district de Bonthe, 2008.© Debra Percival Projet cacao du STABEX © DŽlŽgation de l'UE en Sierra Leone/Matthias Reusing Lagriculture en ligne de mire à mesure que les prix du riz grimpentLorsqu'on voit des terres aussi luxuriantes et fertiles, on comprend que nombreux sont ceux qui estiment que l'agriculture prŽsente un potentiel Žnorme en Sierra Leone. Comme dans de nombreux autres domaines de l'Žconomie nationale, les conflits ont laissŽ des traces, et les fonds manquent. Et puis il y a les difficultŽs ˆ amener la population ˆ travailler la terre. L'agriculture est considŽrŽe par certains comme une punition plut™t que comme un moyen de gagner sa vie, explique le Ministre de l'Agriculture, le Dr Sam Sesay, dont la mission consiste ˆ stimuler la production et ˆ crŽer des emplois dans le secteur.

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dangereux des opérations dexplosion menées de manière inconsidérée par la société dextraction minière. Koidu Holdings a aussi subi des attaques cinglantes de la part dune coalition de groupes de la société civile et dONG, qui considèrent toujours que les activités de la société sont écologiquement irresponsables et qui lui reprochent en outre de navoir mis en place aucune mesure de réparation des dégâts écologiques causés par ses opérations minières. Koidu Holdings nest dailleurs pas un cas isolé. Dautre part, dans son combat contre la dégradation écologique, le gouvernement de la Sierra Leone et ses partenaires en matière de développement devront faire face aux activités locales individuelles, telles que labattage darbres pour lobtention de bois de chauffage, lextraction minière sauvage illégale dans les zones diamantifères et lexploitation forestière. Paradoxalement, toutes ces activités sont aussi des moyens de subsistance et de survie importants pour de nombreuses personnes de tous les milieux. Après une enquête approfondie, un grand quotidien national, Awoko, a publié un reportage détaillé sur de jeunes mineurs déchaînés dans le district oriental de Kono. Des photos très évocatrices montraient une terre épuisée par les mineurs désespérés, qui creusaient même sous les ponts et les maisons. Plus de 100.000 jeunes fouillent simplement le sol pour gagner leur pain quotidien. Cest du moins leur point de vue. Un autre quotidien, For Di People, a publié un article bien documenté, citant les noms de politiciens haut placés qui aident et encouragent tacitement des compagnies étrangères dans leurs activités dabattage clandestines, malgré linterdiction gouvernementale. Au niveau local, les accusations de conspirationŽ visent à la fois les leaders locaux et les leaders traditionnels. * Journaliste sierra-léonais, Freetown www.RSPB.orgP P l l u u s s d d e e m m e e s s u u r r e e s s v v e e r r t t e e s s . . . . . . M atthias Reusing, chef du dŽveloppement rural de la dŽlŽgation de l'UE en Sierra Leone, explique que l'UE a affectŽ 1 million d'euros ˆ l'assistance technique pour renforcer la Commission nationale pour l'environnement et l'amŽnagement forestier (NACEF, National Commission for Environment and Forestry). Elle sera le point de convergence de toutes les Žvaluations des politiques, lŽgislations et donnŽes Žcologiques et intŽgrera les sujets Žcologiques aux grands domaines politiques tels que l'exploitation minire, la pche, l'eau, l'assainissement et la dŽcentralisation. Dans le cadre du Programme de la fort de Gola, le pays envisage aussi le commerce du carbone. Le MŽcanisme de dŽveloppement propre du Protocole de Kyoto offre une possibilitŽ. Il vise ˆ accorder des unitŽs de rŽduction certifiŽe des Žmissions (URCE) aux pays en voie de dŽveloppement pour rŽduire les Žmissions. M. Reusing explique que, si la Sierra Leone n'a pas signŽ le Protocole de Kyoto jusqu'ˆ prŽsent, elle pourrait cependant envisager des marchŽs volontaires du carbone pour vendre des activitŽs rŽduisant l'Žmission de gaz ˆ effet de serre ˆ des entreprises ou individus souhaitant rŽduire leur empreinte carbonique. La Sierra Leone est aussi impliquŽe dans une Žtude de la DG DŽveloppement dŽbutant au printemps 2008 et portant sur le commerce transfrontalier lŽgal et illŽgal de bois et de produits forestiers en Afrique occidentale. Le gouvernement s'est rŽcemment montrŽ intŽressŽ par un accord de partenariat volontaire dans le cadre de l'Application des rŽglementations forestires, la gouvernance et les Žchanges commerciaux (FLEGT, Forest Law Enforcement, Governance and Trade) de l'UE pour freiner l'abattage illŽgal*. D.P. * Les accords FLEGT sont des projets de rŽglementation volontaire avec des pays partenaires garantissant que seul le bois lŽgal provenant des pays partenaires pourra entrer dans l'Union europŽenne. Mots clés Gibril Foday-Musa ; Sierra Leone ; environnement ; exploitation forestière ; FLEGT; extraction minière.Les couleurs vives des guirlandes de drapeaux des Etats membres de lUnion européenne suspendus au plafond ornent la salle du British Council à Freetown. Ce 10 décembre 2007, quatre mois après son arrivée au pouvoir, le gouvernement du Président Ernest Bai Koroma sapprête à lancer un programme de préservation de la forêt de Gola. Ce projet protégera 75.000 hectares de forêt tropicale, qui accueille plusieurs mammifères rares, tels que lhippopotame pygmée, le chimpanzé, léléphant de forêt et jusquà 14 espèces doiseaux menacées dextinction, dont les étranges picathartes à cou blanc et la chouette-pêcheuse rousse. Comme moins de 40% des dignitaires publics invités assistent à lévénement, le Président Ernest Bai Koroma na pas dautre choix que dexprimer sa grande déception et davertir ses compatriotes de la menace mondiale imminenteŽ qui pèse sur lhabitat naturel du pays. La Société royale pour la protection des oiseaux (RSPB, Royal Society for the Protection of Birds), dont le siège se situe au Royaume-Uni, a récemment alloué au Programme de préservation de la forêt de Gola une dotation de 3 millions deuros étalée sur cinq ans. Elle permettra de gérer les zones préservées, de renforcer les capacités à tous les niveaux, de lancer des programmes de subsistance et dimplication de la population locale dans le planning de laménagement forestier, de faire de la recherche, dévaluer la biodiversité et de promouvoir léducation en matière décologie et de faire de la sensibilisation. Lobjectif est de protéger les réserves forestières de Gola pour préserver la biodiversité et développer les communautés locales en créant un nouveau modèle de gestion durable des ressources naturelles pour la Sierra Leone. Celui-ci sera mis en œuvre en partenariat avec la Conservation Society of Sierra Leone et la Commission nationale pour lenvironnement et la gestion forestière (NACEF, National Commission for Environment and Forestry). La RSPB sollicite à son tour laide de donateurs pour créer un fonds de dotation de 10 millions deuros, afin de générer le paiement dune rente annuelle permettant de faire tourner le projet de préservation de Gola dans le futur.> Gola prêt à devenir un parc national Le Président Ernest Koroma était ravi. Il a souligné le lien entre importance écologique, paix, stabilité et développement durable. Il a aussi affirmé son engagement en faveur de la transformation de la forêt de Gola en parc national. Koroma a terminé en appelant la nation à reconnaître limpact désastreux des dangers écologiques. Le nouveau gouvernement du Congrès de tout le peuple (APC, All PeoplesCongress) est confronté à des défis énormes en matière de protection de lenvironnement. Les nombreuses années de guerre civile dans la sousrégion ont entraîné des migrations massives vers des territoires vierges, et ces colonies continuent de peser lourdement sur la biodiversité, la faune et la flore. Par manque de connaissances et dexpérience en matière de gestion des réfugiés, les gouvernements, ONG ou missions des Nations Unies (ONU) chargées de linstallation de tant de nouvelles infrastructures pour les personnes fuyant le danger ont accordé peu dattention aux conséquences écologiques de ces migrations. La situation a encore été aggravée par le pillage impitoyable des ressources naturelles et les ravages à la biodiversité au cours de la période de guerre. Le souci de lordre démocratique et du respect de la loi ont incité les gouvernements de la région à essayer de contrôler et de réguler des activités telles que lexploitation forestière, lextraction minière et la chasse et à en interdire dautres. Le gouvernement du Président Koroma a interdit lexploitation forestière et lexportation de bois, par exemple. Pour combattre la dévastation, le gouvernement de la Sierra Leone a proposé une loi par le biais dun plan daction national en collaboration avec la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification. Ce programme vise à identifier les symptômes, les causes et les effets de la dévastation, tant au niveau local que national. Le gouvernement a en outre suspendu les activités de la société dextraction de kimberlite Koidu Holdings récemment après le décès de deux personnes lors dune confrontation violente avec des jeunes du lieu. > Non-respect de lenvironnementLe conflit portait sur lallégation accusant la société davoir exproprié des populations locales de leurs terres et sur limpact écologiqueR R e e l l e e v v e e r r l l e e d d é é f f i iÉ É C C O O L L O O G G I I Q Q U U E E Par Gibril Foday-Musa* Bois de chauffe ˆ vendre au bord de la route 2008. © Debra Percival Des jeunes ˆ la recherche de diamants, Kaisambo, Kono 2008.© Awoko Carte du projet forestier de Gola.© Conservation International 40 N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008 R eportageSierra Leone R eportage Sierra Leone 41

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La Sierra Leone est recouverte de forêts dun vert intense, contrastant avec le rouge profond de ses terres, et qui abritent une faune et une flore abondantes. Une nature exubérante face à laquelle on se sent tout petit mais qui semble aussi vous envelopper. Le gouvernement a conscience que la mise en valeur des ressources naturelles du pays pourrait faire revenir les touristes (voir article sur l'environnement). Selon M. Hindolo Tyre, Ministre sierra-léonais du Tourisme qui occupe un petit bureau aménagé dans le stade des sports, ce secteur ne sera pas laissé de côté : Le pays a toujours eu un ministère du Tourisme mais il a malheureusement toujours été négligé. Et de fait, pour plaisanter, on avait coutume de dire quun ministre se retrouvait muté au ministère du Tourisme lorsquil avait fait quelque chose de travers. Une punition ! Mais pour moi, occuper cette fonction n'est pas une punition, c'est un défi. Les SierraLéonais ne pourront vivre éternellement de l'exploitation minière uniquementŽ. La Sierra Leone se situe à seulement six heures de vol du continent européen, mais il y a beaucoup à faire pour maintenir la première impression que laisse le pays. Côté plages, la Sierra Leone n'a certes rien à envier à la Gambie et au Sénégal : des baies abritées comme celles de Sussex et de River 2 ou la grande plage de Lumley. Côté infrastructures par contre, le pays est moins bien loti que ses voisins. Les vols à destination de la Sierra Leone sont comparativement coûteux et, comme l'aéroport national de Lungi se trouve sur une péninsule, il faut impérativement prendre lhélicoptère pour rejoindre la capitale Freetown. Car au moment où nous écrivons ces lignes, il nexiste encore aucune liaison par bateau entre laéroport et la capitale. > La journée du nettoyageŽ Dautres aspects peuvent dissuader les touristes de se rendre dans le pays : une effroyable misère, très visible, une économie largement numéraire et des problèmes environnementaux comme les déchets … en plastique surtout … rejetés sur la plage de Lumley. Le gouvernement a ainsi fait du dernier samedi du mois la journée mensuelle du nettoyage de lenvironnement. Ce jour-là, les voitures ne circulent pas et les habitants restent chez eux pour nettoyer leur zone. Le secteur du tourisme peut devenir une source importante de devises étrangères et créer de lemploi. Affirmer que notre pays est déchiré par la guerre est faux. En réalité, nous devons faire la promotion de la Sierra Leone, chez nous comme à létrangerŽ, poursuit le Ministre en charge du Tourisme. Pour commencer, le Ministre souhaite faire imprimer une carte épinglant les lieux, les sites historiques et les vestiges qui valent le détour. Et dévoquer lui-même certains hauts lieux touristiques, comme Bumbuna, un site dune beauté exceptionnelle proposant délégantes chambres dhôtes, et l'île de Tiwai, une remarquable réserve naturelle. Danciennes maisons de lépoque coloniale aux vérandas richement décorées donnent à la capitale un petit air rétro. Un point central de la capitale est son fameux cotonnier, un arbre immense déjà là à la fin du XVIIIe siècle et découvert par danciens esclaves américains qui avaient été affranchis pour avoir combattu aux côtés des Anglais pendant la Guerre civile américaine, ceux-là mêmes qui baptisèrent leur nouvelle colonie Freetown. Un volet de notre programme stratégique prévoit lexamen de notre législation et de nos réglementations par des conseillers juridiques même pendant des périodes limitées à trois mois. Ces personnes se pencheraient par exemple sur le plan directeur pour le développement du tourisme de 1982. La loi sur les monuments et les vestiges, quant à elle, date de 1957. Enfin, même certains de nos accords avec les hôtels ne sont pas de nature à promouvoir notre paysŽ, explique le Ministre Tyre. Selon lui, les investissements extérieurs sont essentiels, étant donné que les priorités domestiques sont lélectricité, la nourriture et leau. Notre pays est pour ainsi dire vierge de tout investissement, mais nous préconisons une toute autre approche. L'ingérence politique est l'une des faiblesses de l'ancien système. Nous voulons autant que possible dépolitiserŽ. D.P. Site internet : www.sierraleone.orgTOURISME : le RÉVEIL DU LION ? D'immenses Žtendues de sable blanc, des criques intimes, des bars de plage, des barracudas tout frais pchŽs, et un sentiment de totale dŽcontraction : on est loin de l'Žtiquette d'un pays dŽchirŽ par la guerre. Etiquette qui a collŽ ˆ la peau de ce pays pendant une dizaine d'annŽes et que son gouvernement entend bien ™ter une fois pour toutes ! Mots-clés Debra Percival ; Sierra Leone ; tourisme ; environnement ; patrimoine. L'enveloppe Adu 10e FED a prévu un montant de 242 millions deuros pour la Sierre Leone. Ce financement met laccent sur la bonne gouvernance (37 millions deuros), la réhabilitation des infrastructures prioritaires (95 millions deuros) et le soutien budgétaire général (90 millions d'euros). Outre ces secteurs bénéficiant de fonds ciblés, dautres domaines se voient également accorder une aide financière : lagriculture (12 millions d'euros … voir larticle sur lagriculture sierra-léonaise) ; le commerce, y compris des fonds pour soutenir un éventuel Accord de partenariat économique (3 millions deuros) ; une facilité de coopération technique (2,5 millions deuros) ; et une contribution aux projets régionaux (2 millions d'euros). Une enveloppe Bde 26,4 millions deuros supplémentaires a également été accordée. Prévue initialement pour une durée de deux ans, elle pourra être renouvelée. Cette somme est destinée à couvrir des besoins imprévus comme laide durgence, à contribuer à lallégement de la dette décidé à léchelon international et à compenser les effets négatifs de linstabilité sur les recettes dexportation. Le financement du FED en faveur de la Sierra Leone a augmenté depuis 1975, avec la mise en œuvre du 4e FED. La guerre civile ayant interrompu la programmation, 100 millions d'euros provenant de fonds précédents sont encore mis à contribution. Entre 1999 et 2002, ECHO, le Service d'aide humanitaire de la Commission européenne, a dégagé 44 millions d'euros en faveur des victimes de la guerre ainsi que des SierraLéonais rentrant dans leur pays et des réfugiés libériens. La Sierra Leone est lun des rares pays ACPoù la stratégie daide humanitaire de l'Union européenne est assurée en coordination avec celle dun autre Etat membre, le Royaume-Uni, par le biais du Département du développement international britannique (DFID). Il existe une réelle complémentarité entre le DFID, qui met laccent sur la santé et lassainissement, et lUE, qui se concentre sur les transports et linfrastructureŽ, nous explique Richard Hogg, directeur du bureau du DFID en Sierra Leone. Les deux bailleurs de fonds fournissent également un soutien budgétaire. Au titre du 10e FED, 15 millions deuros sont versés annuellement. Une somme qui équivaut à 29% du soutien budgétaire total assuré par les bailleurs de fonds ou encore à 5% des recettes gouvernementales. Les critères pour le décaissement des sommes allouées sont fixés avec la Banque africaine de développement, la Banque mondiale et le DFID. Lun de ces critères est la bonne gestion des finances publiques. Sur les 95 millions deuros affectés aux infrastructures au titre du 10e FED, 48 millions deuros sont destinés aux routes secondaires, 15 millions deuros au revêtement de la route de jonction Songo-Moyamba et 7 millions deuros à la construction du pont de Magbele. Le tronçon routier de 86 km entre Rogbere, en Sierra Leone, et la Guinée, ainsi que les 168 kilomètres séparant Masiaka de Bo sont actuellement réhabilités grâce au financement du FED. Lextension de la route jusquà Bo en direction du Liberia est considérée comme une priorité de financement, étant donné qu'elle favoriserait les échanges commerciaux du Liberia vers la Guinée (voir carte). Le chapitre budgétaire infrastructuresŽ prévoit également des fonds pour le secteur capital de l'énergie (12 millions d'euros), un plan directeur pour Freetown (8 millions d'euros) … y compris le développement de routes urbaines et de marchés … et le développement des transports fluviaux (2 millions deuros), dont la construc tion dembarcadères sur les 380 km de voies intérieures. Un soutien en faveur du ministre des Transports est également prévu (3 millions d'euros). Comme lexplique Fransesca Varlese, gestionnaire de projet auprès de la délégation européenne de Freetown, sur les 37 millions deuros alloués à la bonne gouvernance, 8 millions deuros seront affectés à la poursuite du soutien électoral, dont 3,7 millions pour les élections locales prévues en juillet, et aux instances électorales, à savoir la Commission électorale nationale et la Commission d'enregistrement des partis politiques. Chiara Bellini, de la section gouvernanceŽ de la délégation, ajoute que la réforme du service public (10 millions d'euros) et la décentralisation des services (9 millions d'euros) figurent aussi parmi les priorités. En outre, le bureau de lOrdonnateur national du FED, chargé de la coordination des projets de l'UE pour le compte du gouvernement, continue de bénéficier d'un financement (5 millions d'euros). Il en va de même pour la gestion environnementale (4 millions d'euros) et le renforcement de la société civile (1 million d'euros). D.P. Des fonds communautairesPOUR SOUTENIR LA STABILITÉLe financement accordŽ ˆ la Sierra Leone pour la pŽriode 2008-2013, au titre du 10eFonds europŽen de dŽveloppement (FED), privilŽgiera les projets qui visent ˆ soutenir la stabilitŽ et la bonne gouvernance et ˆ donner un coup de pouce ˆ l'Žconomie. Mots-clés Debra Percival ; Sierra Leone; 10e FED ; infrastructure RŽnovation d'une route financŽe par le 9e FED, Masiaka-Bo 2008. © Debra Percival Longue Žtendue sablonneuse, plage de Lumley 2008. © Debra Percival 42 N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008 R eportageOcchiello R eportage Sierra Leone 43

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province de Byzance et le restera pendant près de neuf siècles, malgré des raids arabes successifs. Ce qui contribuera à limprégner fortement de la culture de cet Empire romain dOrient. Ala fin du cinquième siècle, Léglise orthodoxe de Chypre deviendra autocéphale, disposant donc du droit de choisir son chef. Richard 1er (Cœur de Lion) semparera de lîle à la fin du douzième siècle et la cédera aux Templiers dont le règne rétrograde et dictatorial sera suivi de la domination vénitienne en 1489 puis de loccupation ottomane en 1570. Celle-ci va durer jusquà la cession en 1878 de Chypre, toujours théoriquement partie de lEmpire ottoman, à ladministration britannique en 1878 en échange dune protection contre la menace russe. > Une des tragédies de lhistoire du XXe siècle En 1914, en représailles à lalignement de la Turquie sur lAllemagne, la Grande Bretagne annexa Chypre qui deviendra officiellement colonie britannique en 1925. Lannexion était relativement bien acceptée car les partisans de l"enosis" (le rattachement à la Grèce), le gros de la population, y voyaient une occasion propice. Elle a déchanté. Sensuivirent des insurrections vite mâtées. Après la Seconde Guerre mondiale, non plus, la récompense nest pas arrivée pour les Chypriotes grecs enrôlés en masse (60.000 personnes) aux côtés des troupes anglaises. En 1955, ils sont entrés dans la lutte armée. Grâce à lintervention américaine, les leaders grec et turque sont parvenus en 1959 à un accord sur les conditions dindépendance de Chypre excluant toute union avec la Grèce et toute partition du pays. Un droit de veto a été prévu pour la minorité chypriote turque (environ 20% de la population) quant à certaines questions sensibles, tout comme une participation de 30% dans la fonction publique. Un accord définitif est intervenu entre les deux parties et la Grande Bretagne, garantissant entre autres à cette dernière le maintien de ses bases militaires. Chypre est devenue indépendante le 16 août 1960, avec à sa tête larchevêque Makarios, lun des grands leaders tiersmondistes et non alignés.> La partition Les plus résolus des deux communautés étaient insatisfaits des accords pour lindépendance et des heurts successifs ont conduit à lenvoi en 1964 par le Conseil de Sécurité de lONU dune force de maintien de la paix. La partition du pays était déjà entamée car les ministres chypriotes turcs avaient démissionné du gouvernement et leurs congénères déménageaient de plus en plus vers la partie nord de lîle. La junte militaire qui sest emparée du pouvoir en Grèce en 1967 a fomenté un coup dEtat contre le président Makarios. En réponse à cette provocation, et en labsence de toute réaction de la troisième puissance garante de lindépendance de Chypre, la Grande Bretagne, la Turquie en a profité pour dépêcher son armée le 20 juillet 1974. En peu de temps, elle occupe près de 35 % du territoire, soit la partie la plus développée à lépoque dont le potentiel économique était estimé à 70%. Et une nouvelle ligne de démarcation sest tracée déchirant la ville de Nicosie en son cœur. Actuellement, cest la seule capitale divisée au monde. Environ 140.000 Chypriotes grecs, le quart de la population du pays, ont dû abandonner leurs habitations pour fuir vers la partie sud. On compte par ailleurs 1500 disparus. Les Chypriotes grecs et les Maronites ne sont plus que quelques centaines dans la partie nord. > Lespoir renaît Il aura fallu à peine vingt ans à la population de la République de Chypre pour reconstruire son économie et retrouver toutes ses splendeurs. De sorte que Chypre a pu répondre aux critères pour accéder à lUE. Dans les instances européennes, cette adhésion impliquait une réunification préalable dans le cadre du plan de lONU connu sous le nom de Plan Annan qui devait être adopté par référendum simultanément dans les deux parties de lîle. Alors que dans la partie occupéeŽ, il a recueilli 65% des votes, il a été rejeté par 76% des Chypriotes grecs, ce qui a fermé la porte de lEurope à la partie nord du pays. Une douche froide dans les instances européennes et des ressentiments chez les Chypriotes turques. La réalité est beaucoup plus complexe. Contrairement à des procès dintention, les Chypriotes grecs ne semblaient pas vouloir se venger mais ils considéraient simplement le Plan Annan comme déséquilibré, avec trop de contraintes pour eux et trop de prérogatives aux Chypriotes turcs sinon à la Turquie. Lélection à la présidence le 24 février dernier de Demetris Christofias, le candidat d'AKEL (le parti communiste de Chypre), montre clairement que les Chypriotes grecs ne souhaitaient pas la prolongation de la discorde. Les corrections demandées par Christofias au plan Annan lui ont valu le soutien du perdant principal de ces élections, lancien chef dEtat, Papadopoulos dont lélimination dès le premier tour malgré ses réussites sur le plan économique et social, est une indication supplémentaire quune grande partie des électeurs considérait que son jusquau-boutisme contre le plan Annan ne bénéficiait pas d'une large approbation. Le dialogue a repris dès le lendemain de lélection de Demetris Christofias qui a entamé les négociations avec Mehmet Ali Talat, le Président de la République turque de Chypre du Nord (Etat non reconnu par la communauté internationale). Le premier symbole de ce dégel est louverture dans la ligne de démarcation dun passage, celui de la rue Ledra. Ledra était le premier nom de Chypre. H.G . L' histoire de Chypre est vieille, avec des traces de vie humaine remontant au IXe millénaire av. J.-C. Six mille ans plus tard, les populations qui y vivaient avaient évolué jusquà dominer les techniques du cuivre. Le pays a dailleurs donné son nom latin (cuprum) à ce métal. Mais lancrage de Chypre va sopérer avec larrivée vers 1200 av. J.-C. des Grecs mycéniens apportant langue, culture et technique. Avec des hauts et des bas, la culture grecque va rester dominante dans lîle. Devenue vite un haut lieu de la culture grecque, Chypre a eu lart de métisser lhéritage de lalma-mater avec de lhumus de tant dautres cultures, toutes encore présentes dans le creuset que constitue ce pays. Un autre apport important va être celui des Phéniciens venus au neuvième siècle avant notre ère chassés de leur terre, lactuel Liban par les Assyriens. Avec eux, ce sera une nouvelle florescence de la culture notamment avec lexcellence de la céramique et de la bijouterie fine toujours prisées à Chypre. Nombre de conquérants se défileront, les Assyriens au huitième siècle avant J.C., les Egyptiens au sixième. Les Perses arrivés en 525 avant J.-C. vont tenir le pays dune main de fer. Et ceci jusquà la victoire dAlexandre le Grand en 333 avant J.-C. qui fit entrer Chypre officiellement dans son époque hellénistique et ce jusquen lan 30 avant J.-C. où commence la période romaine achevée en 330 après J.-C. Le pays devient alors C'est probablement sa longue histoire de point de rencontre et de mŽtissage culturel qui a donnŽ ˆ la population de Chypre son dynamisme et ses charmes dont une hospitalitŽ touchante et surtout un esprit du dialogue rare dans un pays souffrant de l'occupation d'une partie de son territoire. Les dernires Žvolutions politiques prŽsument peut-tre la fin de cette tragŽdie. CHYPREetMALTE CHYPRE. Histoire de rencontres et de métissageExceptionnellement, le Courrier fait dŽcouvrir dans ce numŽro deux pays de l'Union EuropŽenne, Chypre et Malte. Les deux ont accŽdŽ en mme temps ˆ l'euro, le 1er janvier de cette annŽe. Aussi, parce que Malte et Chypre prŽsentent de nombreuses similitudes, ˆ commencer par leur Žconomie de petite taille mais ouverte, rayonnante et saine, ce qui leur a justement permis de rŽpondre dans un court dŽlai aux critres dits de convergence exigŽs par l'Union europŽenne, relatifs notamment ˆ la croissance, au taux d'inflation et au dŽficit public. Les deux pays avaient adhŽrŽ au "MŽcanisme du Taux de Change" europŽen le 2 mai 2005. Et le16 mai 2007, la Commission EuropŽenne et la Banque centrale europŽenne leur donnaient dŽjˆ le feu vert pour l'Euro-zone, formalisŽ par le Conseil le 11 juillet. Tous les deux disposaient avant d'une monnaie forte et stable, respectivement les livres chypriote (1 = Lc0,5853) et maltaise (1 = Lm0,4293). Chypre et Malte sont aussi de vieux pays europŽens, ˆ la lisire du continent et ayant eu une longue histoire de permŽabilitŽ ˆ d'autres espaces et d'autres cultures d'Afrique et de l'Orient. Mots-clésHegel Goutier; Chypre histoire ; Grèce ; Turquie ; Demetris Christofias ; Ledra.Maison abandonnŽe ˆ proximitŽ de la zone de dŽmarcation, Nicosie 2008. © Hegel Goutier N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008 D Žcouvrir l'Europe Chypre45 44 D écouvrir l’Europe Reportage de Hegel Goutier

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46 N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008 D Žcouvrir l'EuropeChypre D Žcouvrir l'Europe Chypre Avant 1974, le Nord du pays concentrait près des trois quarts de léconomie. Loccupation avait jeté sur les routes quarante pour cent de la population qui sétaient retrouvés dans des camps de fortune. Cétait un collapsus total de léconomie. Mais il naura fallu que quinze ans à Chypre pour la reconstruire. Pour Marios Tsiakkis, directeur du Département Industrie, de la Chambre de commerce et dindustrie de Chypre cest la détermination de toutes les couches sociales de la population qui était à la base du miracle chyprioteŽ. Il raconte avec émotion comment les syndicats avaient spontanément réclamé une baisse des salaires en tant que leur apport à la reconstruction. Vers 1990, la partie était déjà gagnée. Actuellement considère M. Tsiakkis, Chypre fait face à un autre défi, celui de la compétitivité, dans le cadre de lEurope dune part et avec des tiers comme la Chine et les autres pays asiatiques dautre part. Actuellement lagriculture représente 3,5 % de léconomie, les industries manufacturières 10% et les services 74%. Nous devons évoluer encore plus vers une économie industrielle basée sur les connaissances avec hautes valeurs ajoutées. Nous encourageons les entreprises chypriotes a investir dans des projets de recherche et développement et linnovation. La Chambre de Commerce collabore avec lUniversité publique de Chypre. Elle se donne pour tâche dêtre un catalyseur entre luniversité et les affairesŽ. Sur les 74% de léconomie que couvre le secteur des services, le tourisme en représente 20 %. Les autres branches importantes sont les services financiers, le shipping, la construction qui connaît actuellement un boom, et également les services de comptabilité et daudit auxquels ont recours nombre de grandes compagnies internationales. Le bas niveau des taxes sur les gains des sociétés (10%) constitue un facteur dattraction. A ajouter au fait que Chypre a conclu des accords avec une quarantaine de pays dans le monde permettant déviter la double taxation. Et last but not least, les salaires à Chypre sont moins élevés que dans la plupart des autres pays de lUnion (environ 84% de la moyenne UE). Le bon état des infrastructures routières et des moyens de communication, lutilisation usuelle de la langue anglaise, le haut niveau des systèmes éducatif et de santé et le bon climat social parfont la réputation du pays auprès des investisseurs étrangers. Sans compter, insiste Tsiakkis, la sécurité, le climat agréable et la beauté du pays. Lattrait de Chypre sur les investisseurs et résidents étrangers est manifeste à travers le boom de limmobilier. Cela explique que dans le monde des affaires déjà largement partisan de la réunification, les entrepreneurs de la construction sont encore plus résolus. Ils anticipent déjà les milliards deuros qui se déverseront après la réunification pour reconstruire le Nord du pays. H.G . MIRACLEéconomiqueL'une des surprises de Chypre est son haut niveau de dŽveloppement Žconomique. Tout est ˆ neuf. Nicosie est Žtincelante. Ses quartiers commerciaux peuvent rivaliser en dimension et en luxe avec ceux des villes les plus riches. Ils regorgent de diamantaires, de boutiques de luxe, de banques, de cabinets de grosses entreprises. La partie sud de Nicosie bien sžr. Le Nord en zone occupŽe ne manque pas de charmes mais il sent souvent l'abandon. Emmanuela Lambrianides, coordinatrice, Planning Bureau, ministère des Affaires étrangères*>Phase initiale : soustraitance de la mise en œuvre des projets En 2007, 0,12% du PIB de Chypre était consacré à la politique de développement. Conformément aux engagements pris au sein du Conseil européen, lobjectif est de faire passer ce chiffre à 0,17% à lhorizon 2010. Notre stratégie consiste à déléguer la mise en œuvre de notre coopération à dautres Etats membres de lUE. Une telle approche est due au fait que nous manquons dexperts locaux, mais est également liée à une question defficacité … pourquoi investir d'importantes sommes pour mettre en place une grande administration qui fournira l'aide alors que nous avons la chance de pouvoir utiliser des forces déjà existantes. Nos principaux partenaires sont le Lesotho et le Mali dans les pays ACPainsi que quatre pays dAfrique du Nord et du Moyen-Orient situés non loin du nôtre**. Dix autres récipiendaires bénéficient dune aide moins importante.>Deuxième phase : démarrage de CyprusAidNous nous concentrons principalement sur la santé et léducation. Nous disposons davantages comparatifs dans ces domaines et voulons utiliser nos compétences. Nous avons créé des cours spécialisés dans lagriculture. Le programme est court (environ six semaines) et porte sur la recherche. Au terme de la première phase, nous pouvons assurer la gestion, mais nous avons également recours à des ONG. Alheure actuelle, nous collaborons avec elles afin de pouvoir anticiper nos actions post2010, lorsque la stratégie à moyen terme (2007-2010) arrivera à son terme. Nous avons également mis en place le mécanisme décisionnel permettant létablissement de CyprusAid, qui favorise des liens plus étroits avec les pays bénéficiaires et développe ceux que nous entretenons avec nos ONG. Nous travaillons également dans les domaines de la navigation et des banques car nous avons reçu des demandes de formation à long terme. La planification économique est un autre sujet. Nous bénéficions dune certaine expérience dans ce domaine car léconomie chypriote a été complètement démantelée. Le pays a dû énormément planifier et à ce titre, le Bureau a joué un rôle essentiel. Il a élaboré un plan quinquennal et a partagé ses connaissances avec le secteur privé. En seulement 15 ans, nous avons remis léconomie du pays sur pied, ce dont le Bureau du plan senorgueillit.Georges Virides, directeur en charge de la coopération au développement et de laide humanitaire, ministère des Affaires étrangères*>Bénéficiaires ACPNous nous sommes impliqués dans trois projets, notamment au Lesotho où nous avons participé à la construction d'un pensionnat de filles dans le district de Mokhotlong. Chaque jour, les jeunes filles résidant dans les environs devaient marcher huit kilomètres pour se rendre à lécole et risquaient dêtre victimes dattaques à main armée. Le projet a été lancé en partenariat avec Irish Aid et mis en œuvre par le ministère de l'Education du Lesotho sur base d'un accord entre l'Irlande et le Lesotho. Au total, le projet a coûté 350.000 euros. Au Mali, nous avons mené à bien un projet sur la gestion durable des déchets dans la ville de Sikasso en partenariat avec les gouvernements belge et malien. Cest lagence Coopération technique belge qui sest chargée de la mise en œuvre. La ville de Sikasso devait faire face à dimportants problèmes de santé publique en raison dune production croissante de déchets de tous types, principalement industriels. La contribution totale sest élevée à 151 000 euros et les équipements ont été livrés fin 2006. Actuellement, nous participons à un autre projet impliquant le gouvernement malien. Cette fois, nous allons construire quatre petits ponts qui offriront un accès à des villages lorsque leurs habitants seront isolés à cause des pluies. H.G . * Sur base d'entretiens rŽalisŽs par Hegel Goutier. ** L'Egypte, le YŽmen, le Liban et les territoires palestiniens autonomes.LEPLANNING BUREAU ,architecte du miracle économique au service du développement Afin de mettre sur les rails sa politique de dŽveloppement, Chypre a mobilisŽ tant le dŽpartement dŽveloppement de son ministre des Affaires Žtrangres que le ÔPlanning Bureau' du gouvernement dont la mission a consistŽ ˆ redresser l'Žconomie nationale au lendemain de l'invasion de l'”le par les Turcs. Mots-clés Hegel Goutier; Emmanuela Lambrianides ; Georges Virides ; développement ; politique ; ong. Mots-clés Hegel Goutier; Chypre ; économie ; Marios Tsiakkis ; investissements. Port de Paphos 2008. © Hegel Goutier Le quartier des affaires en plein essor, ˆ Nicosie, avec la zone occupŽe en arrirefond 2008. © Hegel Goutier Le chauffage solaire, symbole d'une Žconomie dŽveloppŽe, est omniprŽsent 2008 © Hegel Goutier Emmanuela Lambrianides, Bureau de la planification, ministre des Affaires Žtrangres 2008.© Hegel Goutier Ministre des Affaires Žtrangres, Nicosie 2008.© Hegel Goutier 47

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Que diriez-vous pour inciter quelquun à venir à Nicosie ? Sil sagit dune discussion daffaires, je lui dirais que Chypre a toujours été un centre de services et que nous n'avons pas attendu l'adhésion à l'UE pour devenir un centre d'affaires. Notre industrie a également le vent en poupe. Suite à ladhésion, nous avons comme atout le plus faible taux d'impôt sur les sociétés dans l'Union européenne. Raison pour laquelle de nombreux citoyens dEurope et d'ailleurs envisagent de s'y installer. La majorité des activités commerciales ont lieu ici, à Nicosie. Les gens savent en général peu de choses sur Nicosie. Nicosia est la traduction anglaise de Lefkosia, qui signifie ville blancheŽ. Lefko veut dire blanc. En slave, Bel veut aussi dire blanc. Belgrade est donc aussi la ville blancheŽ. Mais pourquoi Lefkosia ? En raison du bleu du ciel tranchant avec le blanc des maisons et des immeubles. Mais Nicosie a bien plus à offrir quun temps radieux tout au long de lannée : ses monuments historiques valent aussi le détour. Et vu la petite superficie de lîle, on se déplace facilement d'un bout à l'autre du pays. Lhistoire de Chypre remonte à lâge de la pierre. Le touriste peut visiter des sites construits par les hommes préhistoriques, ainsi que des monuments historiques témoignant de lévolution de la civilisation au Moyen-Orient … les Phéniciens, les Egyptiens et les Babyloniens. Le pays présente ainsi un réel intérêt du point de vue archéologique et Nicosie abrite dailleurs un musée très intéressant pour toute personne souhaitant en savoir plus sur l'histoire de Chypre, mais aussi de toute la région. Malgré une majorité de chrétiens, lîle compte de nombreux citoyens musulmans et mosquées et églises coexistent. Les remparts médiévaux qui encerclent la ville remontent à lépoque de la Chypre italienne, plus précisément de la domination vénitienne. Ils sont illuminés dès la tombée du jour. Larchitecture britannique, également présente sur lîle, date de lépoque de son occupation. Rares sont ceux qui savent que lhistoire du grand classique de Shakespeare, Othello, se déroule à Chypre. Son héros se maria à Famagouste. Les visiteurs pourront également admirer les superbes paysages aux alentours de la capitale. Les montagnes sont toute proches. Malgré le climat méditerranéen, les montagnes sont enneigées cinq à six mois par an. A45 minutes de route de Nicosie, vous vous retrouvez dans un paysage couvert de plus d'un demi-mètre de neige. Dans quelle mesure Nicosie a-t-elle souffert de la partition ? Le plus étrange, et le plus triste pour Nicosie, cest qu'elle est elle-même coupée en deux. Comme vous le savez, la Turquie a envahi lîle en 1974, semparant de la moitié du pays. La ligne de démarcation traverse le cœur de la ville, qui s'est retrouvée coupée en deux. Nicosie est aujourd'hui la seule ville du monde dans ce cas. Jérusalem est divisée en secteurs, mais il ny a pas de séparation physique, comme cest le cas chez nous. Cest très perceptible ici. Lorsque vous vous promenez en rue, notamment dans la vieille ville, vous rencontrez tôt ou tard un mur. Il y a aussi des rues tout à fait désertes, très différentes des rues animées situées quelques mètres plus loin. Notre mairie sefforce dinciter les habitants qui vivent près de la ligne de démarcation à s'installer dans ces maisons abandonnées. L'objectif est d'atténuer les problèmes liés à la désertion des quartiers proches de la ligne. La municipalité acquiert doffice ces maisons abandonnées et offre une compensation à leurs propriétaires. Nous invitons ensuite les anciens propriétaires à venir sy installer moyennant un loyer très intéressant. Sils refusent, le bien sera loué à toute autre personne intéressée. Comme les logements qui ont été rénovés ne nous permettent pas de faire face à la demande, nous imposons aux locataires potentiels des critères d'éligibilité. Ce sont donc généralement des familles à revenus modestes qui sont retenues. Comment linvasion turque a-t-elle changé lâme de la ville ? Linvasion turque a contraint de nombreux habitants à quitter leur maison située au nord. Après 1974, la périphérie de Nicosie a changé de physionomie, avec la construction de nombreux nouveaux immeubles, dont certains ne sont pas de la meilleure qualité. La ville s'est étendue. Nous avons fait beaucoup d'efforts pour démolir une partie des murs en vue d'une meilleure accessibilité, mais l'armée turque tient à rester ici, proclamant avoir des droits sur les Chypriotes turcs. Ils conservent dès lors leurs quartiers militaires au cœur même de la capitale. En tant qu'autorité locale, nous rêvons d'une réunification de la ville ! H.G . >Neshe YasinPOƒTESSE, TURQUECHYPRIOTE* La question de lidentité chypriote est une source de confusion. Il existe des définitions verticales et horizontales. Il existe des religions : chrétienne et musulmane. Et il existe enfin des nationalités : turque et grecque. Les Britanniques ont demandé aux gens de se définir. Certains de ceux quon appelle les Turcs chypriotes provenaient dAfrique noire, dautres étaient probablement des rebelles turkmènes qui avaient été amenés dans nos contrées et qui avaient adopté la religion musulmane. Dans ce pays, vous pouvez dire que vous êtes Turc, Turc chypriote, Chypriote, Grec et Grec chypriote. La façon dont une personne se définit dépend de lidée quelle se fait de lavenir politique. Un Grec sera probablement perçu comme une personne de droite. Si vous dites être chypriote, les chances que vous penchiez à gauche seront grandes. Les Grecs chypriotes et les Turcs chypriotes sont entre les deux. Mais quelle est la part didentité chypriote, grecque ou turque dans tout cela ? Lidentité chypriote, cest également un engagement envers un projet géographique dunité, ou contre celui-ci. Comme toute île, Chypre a pour seule frontière la mer. Et il nexiste pas un Chypriote que la forme du pays dérange. Ses contours se déclinent en pins et en bijoux. Lendroit où nous avons vécu ne quitte pas notre mémoire, mais bon nombre dentre nous ont vu leur mémoire effacée de force. Etre doté dune identité, cest toujours attendre quelque chose. Je suis une poétesse. Certains poètes sont en quête dhybridité et je considère que le Chypriote est un être hybride. Il en va de même pour les langues. Parfois, ce sont même les mots que l'on partage. Des mots italiens se retrouvent dans toutes nos langues, mais également dans les esprits et les caractères. Nous partageons une mémoire commune. Et nos manières de penser sont assez semblables, tout comme la structure familiale, la manière de parler, lexcitation. Dans les villages, la survie dépend de lentraide. Par exemple, lors des jours fériés turcs, on avait lhabitude d'offrir un animal à un Grec chypriote pour quil sen occupe et vice versa. Ce genre de pratiques na plus cours en raison dun conflit portant sur la nationalitéƒ>Giorgos MoleskisPOéTE, GRECCHYPRIOTE* Il y a tant didentités à Chypre. Il existe plusieurs religions : grecque orthodoxe, musulmane, maronite, chrétienne arménienne et catholique romaine. Dun point de vue linguistique, lensemble des chrétiens a été assimilé à la langue grecque. Les catholiques romains sont associés aux maronites du Liban. Les maronites parlent grec mais ont également conservé leur dialecte maronite, parlé dans certains villages chypriotes. Cette langue est mélangée à des mots provenant du grec, de turc et de l'arabe. Mon épouse est née à Erevan, en Arménie. Les Arméniens ont une publication en arménien et en anglais. Depuis 1996, tout citoyen a dû spécifier sa religion. La perception dun Grec chypriote ou dun Turc chypriote importe peu. Qui utilise une langue, utilise une culture. La culture grecque dune part et la culture turque de lautre. Mais nous écrivons tous la même histoire. Pendant des siècles, Grecs chypriotes et Turcs chypriotes ont vécu dans le même village. Un berger prenait soin de leurs troupeaux. Ils partageaient tout, des terres au berger. Etudiant, je me rappelle avoir rendu visite aux parents dun ami. Grecs et Turcs cohabitaient et partageaient tout : la terre et le bétail, ils jouaient dans le même quartier. La musique, les danses folkloriques et la nourriture étaient les mêmes. La même amitié, la même hospitalité, la même façon de cultiver la terre. Tout était pareil. La langue, la culture et la tradition sont autant déléments qui forment lidentité. Mais la vie au quotidien en est un autre. H.G . * Sur base d'entretiens rŽalisŽs par Hegel GoutierIdentitésCHYPRIOTESSTELIOS IERONIMIDISAdjoint au maire de NicosieInterview rŽalisŽe par Hegel Goutier Mots-clés Hegel Goutier; Stelios Ieronimidis ; Nicosie ; Famagouste ; Chypre. Mots-clés Hegel Goutier; Giorgios Moleskis ; Grèc chypriote ; Turc chypriote. Livres de Neshe Yasin, pote chypriote turc, et d'autres Žcrivains chypriotes 2008.© Hegel Goutier © Hegel Goutier 48 N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008 D Žcouvrir l'Europe Chypre D Žcouvrir l'Europe Chypre 49

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Nicosie recèle des patrimoines inestimables comme le Musée dart byzantin, unique. Nombre dassociations et de fondations culturelles comme la Symphony Orchestra Fondation vulgarise avec un certain succès la culture. La partie nord de Nicosie nest pas en reste, Parmi ses chefs-dœuvre, la cathédrale Sainte-Sophie transformée en mosquée. Théâtres, salles de concert, cinéma et festivals internationaux dart et de culture dans toutes les disciplines font de lîle un trésor pour les amateurs dart et les visiteurs. H.G . Deux millions et demi de touristes visitent Chypre chaque année. Lîle semble pouvoir saccommoder à létat dâme de chacun. Le silence et la sérénité des sites archéologiques pour les uns, les belles plages ou les sommets enneigés pour dautres, les beaux musées et autres lieux de culture pour la délectation des amateurs dart et les lieux damusement pour les fêtards. Et tout à moins dune heure dune atmosphère à une autre. En outre, lîle offre le parfait dépaysement, ayant mâtiné son héritage grec de tant dinfluences orientales et même africaines. Dailleurs, tous les prestigieux sites archéologiques sont romains et non grecs. Sa peinture est byzantine, son artisanat vénitien. Chypre est vraiment chypriote. Et cest sa plus belle qualité. Christina Mita, guide touristique professionnelle, résume ainsi son pays : La danse, la musique, le dialecte sont différents de la Grèce. Linfluence grecque empêche à Chypre dêtre orientale et lOrient très présent lempêche dêtre grecque à cent pour centŽ. Depuis la fermeture de laéroport de Nicosie suite à loccupation, Larnaca, charmante ville côtière du Sud-est, est devenue la porte dentrée principale du pays. Elle affiche son charme désuet, surtout celui de lancien quartier turc, et lambiance romantique et pittoresque des promenades damoureux du bord de mer dès la nuit tombée. Certains villages comme Pyrga et Kiti sont, par la décoration intérieure de leurs églises et chapelles, de superbes témoignages du passage des rois Francs. Au nord de Larnaca, sexcitait dans le temps la joyeuse Famagouste. Seule une petite partie de sa banlieue sud est sous le contrôle de la République de Chypre. Elle est aujourdhui la belle au bois dormant, vidée de tous ses habitants, gardée comme éventuel terme de léchange pour une hypothétique reconnaissance de lEtat du Nord par la République de Chypre. Sur la côte sud, se trouve, Limassol, le pôle important du tourisme de plage avec ses night-clubs et le vacarme des cités balnéaires. Mais à sa porte, cest la sérénité du site archéologique de la cité gréco-romaine de Kourion convoitée longtemps par lEgypte (Ramsès III) et qui sera assyrienne, puis perse. Son théâtre avec la mer en arrière-scène, abrite un grand festival dart. Et des experts continuent à dégager des pans entiers de la cité romaine. Entre Limassol et Paphos sur la côte plus à louest, presque à lentrée de cette ville la plus branchée de Chypre, limaginaire se réveille à Pétra tou Romiou, là où la déesse de lamour, Aphrodite émergea de lécume (aphros) de la mer. Si vous avez le moindre doute sur la réalité du mythe, le rocher esquissant son profil qui a aussi surgi de leau en même temps quelle, est toujours bien présent. Plus au nord, à lintérieur des terres, un autre monde, cest le calme des monastères des hautes montagnes de Troodos prisées aussi par les amateurs de ski. >Lieu de culture check points Sites archéologiques, monastères, partout, lhistoire est présente. Elle est encore plus prégnante dans la capitale Nicosie, Lefkosia en grec, Lefko_a en turc. Nicosie est probablement la plus détendue des villes divisées de lhistoire. Même en sapprochant de la ligne de démarcation, nulle tension ne se sent. Un symbole émouvant : sur la ligne de démarcation entre le check point de la République de Chypre et celui de la partie nord, sont installées des forces de lUNFICYP dans le Ledra Palace. Une ou deux fois par semaine, un chœur y tient ses répétitions, le Bi-communal choirŽ composé de Chypriotes grecs et turcs, chaque membre devant passer le point de contrôle pour venir aux répétitions. Les deux chefs de chœur, un de chacune des communautés, sexpriment plutôt en anglais. Le chœur a été créé dès louverture du premier point de passage en avril 2003. Il donne des concerts au Nord comme au Sud. Les chants sont ceux des deux communautés, parfois le même chanté dans les deux langues, comme cette vieille rengaine turque adoptée aussi par les Grecs, Niksarin Fidanlari. Mme Lenia Melanidou et Costis Kyranides, les deux chefs, nous ont raconté la longue histoire du chœur, seule association bicommunautaire à avoir tenu si longtemps, à travers découragements et vicissitudes. BEAUTÉ ET CHARME DEtrois continentsLa culture a-t-elle vaincu les check points ? Mots-clés Hegel Goutier; Chypre ; tourisme ; culture ; Nicosie ; byzantin ; Larnaca ; Aphrodite.A droite Le Rocher d'Aphrodite. © ECCi-dessousNo border Underwear, magasin ˆ proximitŽ de la ligne de dŽmarcation 2008.© Hegel Goutier Par-delˆ les points de contr™le. En bas ˆ gauche : Port de Paphos 2008.© Hegel Goutier En bas ˆ droite : Maison de Dionysos, Paphos 2008. © Hegel Goutier 50 N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008 D Žcouvrir l'EuropeChypre D Žcouvrir l'Europe Chypre 51

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>L'Ordre s'installeAu début du XVIe siècle, les troupes ottomanes de Soliman le Magnifique conquièrent l'île grecque de Rhodes et menacent la Sicile alors dans le royaume de Charles Quint. Celui-ci fait d'abord appel aux chevaliers de l'ordre hospitalier de Saint-Jean-de-Jérusalem pour barrer l'offensive musulmane à Malte qui en a déjà subi quelques raids d'envergure ; et finit par leur céder l'île en 1530. Au départ, les chevaliers de l'ordre ne voyaient pas grand intérêt à s'installer sur cette terre aride dont la population, réduite depuis longtemps, n'était plus constituée que de la vieille noblesse de Mdina, descendante des Normands de Sicile. Après avoir perdu Tripoli, l'ordre gagne la bataille de Malte contre les Turcs en 1565. Avec cette victoire, les chrétiens achèvent la reconquête de la Méditerranée européenne. Une nouvelle capitale est érigée, La Valette, une ville-bastion, dont la construction a commencé en 1566. Les combats navals font alors souvent rage entre la flotte turque et les galères de l'Ordre. Celui-ci va transformer Malte en une gigantesque école navale européenne qui fournira des marins à la France qui, en 1765, fait de l'île son protectorat. L'ordre ayant pris parti en 1789 pour Louis XVI contre la révolution, celle-ci le déposséda de tous ses biens en 1792. En réaction, l'ordre choisit pour chef un Allemand. En 1798 le général Bonaparte à la tête d'une flotte de 300 navires conquit Malte sans coup férir. Il fit main basse sur les fortunes de l'ordre et fit voile vers l'Egypte. Sa garnison restée sur place provoqua l'ire de la population à cause notamment de ses harcèlements anticléricaux. Elle dut capituler en 1800, assiégée par des troupes anglaises. Les Maltais, ne voulant plus du gouvernement du grand maître, sollicitèrent en 1802 la tutelle britannique, ne réclamant que la garantie de garder leur constitution et la religion catholique romaine. L'accord entre Malte et la Grande-Bretagne fut ratifié par le Traité de Paris en 1814. Après une période difficile, notamment à cause d'épidémies successives de peste et de choléra, Malte va connaître une période faste dans la deuxième moitié du XIXe siècle, notamment grâce à ses ports charbonniers et à sa localisation à proximité du nouveau canal de Suez. Elle va aussi être secouée par la querelle linguistique entre partisans respectifs de l'italien et de l'anglais, alimentée par les premiers sursauts d'indépendantisme. Ces revendications endormies par quelques concessions vont refaire surface dans le contexte de la récession économique de la fin de la Première Guerre mondiale. L'administration britannique réagit par des volte-face consécutives. Dans la lignée des concessions, le maltais est reconnu comme langue officielle en 1934. La Deuxième Guerre mondiale va ressouder Maltais et Anglais. Pour résister aux assauts pressentis de l'Allemagne, l'île forteresse va devenir un bunker. Jusqu'aux grottes néolithiques et aux catacombes vont être transformées en abris. Au début de la guerre, Malte (moins de 250 km2 pour l'île principale, un peu plus de 300 avec Gozo et Comino) subira quelque 2.500 attaques aériennes en deux ans. Elles feront 2.000 morts et la destruction de plus de 40.000 maisons. Vers l'été 1942, il y eut 154 jours (et nuits) de bombardement continu sur Malte (contre 56 sur Londres), 6.500 tonnes de bombes lâchées sur le seul Grand Harbour de La Valette (contre 250 sur Coventry). Le pays sera décoré de la Georges Cross pour héroïsme. Indépendant, il intégrera ce titre de gloire à son drapeau. Malte la héroïque recevra en récompense l'autodétermination en 1947 mais le parti nationaliste, contrairement à son rival libéral, ne s'en contente pas. Et dès son accession au pouvoir en 1962, son leader Gorg Borg Olivier exige la reconnaissance de l'indépendance totale de Malte. Celle-ci deviendra effective le 21 septembre 1964. Arrivé au pouvoir en 1974, le parti travailliste (Labour party) fera adopter la même année une constitution républicaine. Il obtiendra également l'évacuation de la base britannique. Le gouvernement de son leader Dom Mintoff est aussi marqué par son positionnement tiers-mondiste et de neutralité entre les deux grands blocs. Le parti nationaliste accédera de nouveau au pouvoir en 1984, avec à sa tête Eddie Fenech Adami. Il y restera jusqu'en 1996. Acette période, l'ordre de Malte, banni depuis longtemps, a été reconnu de nouveau. Dans le domaine de l'économie, il rompra avec les tendances socialistes de son prédécesseur tout en restant fidèle à l'option de neutralité en politique internationale. Il a ouvert en 1992 les négociations pour l'adhésion de Malte à l'Union européenne. Mais l'introduction de la TVAva lui coûter cher aux élections qui vont suivre en 1996. Le Labour revient avec, comme chef du gouvernement, Alfred Santz. Il n'y restera que deux ans, après le tollé suscité par son gel des négociations d'adhésion du pays à l'UE. Les nationalistes qui gagnent les élections de 1998, toujours avec Eddie Fenech Adami à leur tête, relancent en 2.000 le processus d'adhésion à l'UE à laquelle Malte accédera le 1er janvier 2004. Ils gagneront les élections suivantes, dont les dernières le 8 mars 2008. H .G. Probablement les tout premiers habitants de l'île y étaient arrivés au cours du VIIe millénaire avant J.-C. Avec certitude des populations venant de Sicile avaient gagné Malte durant le Ve millénaire avant J.-C. Les témoignages de culture les plus anciens … et qui contribuent fortement aujourd'hui à la renommée de l'île … les temples mégalithiques et les hypogées dont celle remarquable de Hal Saflieni, un patrimoine de l'humanité, ont été érigés entre le IVe et le IIIe millénaire avant J.-C. Ce seront les Phéniciens et les Carthaginois qui vont d'abord marquer de façon indélébile la culture du pays à partir de 700 et ce jusqu'à 218 avant J.-C., année à laquelle il intégrera l'empire romain. Les Carthaginois y avaient déjà développé la construction navale. >Christianisation précoceAu début de l'ère chrétienne, l'échouage en l'an 60 du navire du futur saint Paul en route vers Rome pour y être jugé, va être un élément fondateur du caractère du pays, sa christianisation et sa latinisation. Al'administration de Rome, succédera celle de Byzance, en 395, jusqu'à l'invasion arabe de 870 par les Aghlabides de Tunisie. Ces derniers y resteront deux siècles. Les Arabes sont alors aussi en Sicile, à Gibraltar et en Espagne. >Du monde arabe aux Vêpres siciliennesLes deux siècles d'occupation arabe vont aussi imprégner profondément Malte. La langue arabe maghrébine constituera la base du maltais. Après, différents conquérants se succéderont durant près de cinq siècles. D'abord les Normands de Sicile qui ont tiré parti des discordes entre les pays musulmans dont plusieurs sont, en plus, embourbés dans un conflit avec Byzance. En 1090, ils ont absorbé Malte sans pour autant en chasser les Arabes. L'île où vivent en communauté, chrétiens, musulmans et juifs, est alors le point de passage des pèlerins et des croisés. Malte va rester quatre siècles dans le giron de la Sicile, tout au long des aléas que connaîtra celle-ci. En 1130 quand la Sicile devient un royaume autonome, quand elle passera sous l'autorité de l'empereur germanique Frédéric II (en 1194) et sous celle française de Charles d'Anjou (1266) et enfin quand les Vêpres siciliennes de 1282 chasseront les Français pour faire passer la Sicile sous l'obédience du royaume d'Aragon puis, en 1409, sous celle du gouvernement de cette région. Dès le début de la période sicilienne, ce fut le retour du christianisme à Malte. Et, l'adoption de la langue italienne par sa noblesse. Enfin en 1479, toujours avec la Sicile, Malte passe sous le contrôle des rois catholiques d'Espagne qui laissèrent s'y développer des fiefs féodaux s'adonnant à la piraterie et à la contrebande. Sept mille ans d'intŽgration plut™t que d'occupation, d'adaptation plut™t que de rŽvolte et de rŽvolution. Malte a toujours fait partie intŽgrante des empires qui l'ont englobŽe. Jusqu'ˆ son entrŽe dans l'empire britannique qu'elle a rŽclamŽe elle-mme au dŽbut du XIXe sicle et ˆ son indŽpendance en 1964 intervenue de faon conciliante contrairement aux remous des dŽcolonisations. Comme si Malte contr™lait son histoire. Mots-clés Hegel Goutier; Malte ; histoire ; mégalithiques ; hypogée ; Templiers. COMME SI MALTE contrôlait son histoire Le Palais des Grands Ma”tres ˆ La Valette 2008. © Hegel Goutier Le Palais des Grands Ma”tres ˆ La Valette (intŽrieur) 2008.© Hegel Goutier Au dŽpart, les chevaliers de l'ordre ne voyaient pas grand intŽrt ˆ venir s'installer ˆ Malte. 52 N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008 D Žcouvrir l'EuropeMalte D Žcouvrir l'Europe Malte 53

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sens de la dualité et de l'ambiguïté. De la façade, elle a l'air dun garage. Et l'intérieur fait penser à un théâtre. Ils avaient à affronter le sort. Mais il reste une ambiguïté. Ils veulent toujours donner l'image de l'importance de MalteŽ. >Divisions et consensusL'opinion publique est toujours divisée au départ. Sur l'adhésion à l'Europe par exemple. Des deux grands partis politiques, le Labour était en faveur d'un partenariat mais pas d'une adhésion complète et le parti libéral était pour cette dernière option. Le résultat du référendum a été clair en faveur du oui et les socialistes l'ont endossé. Malte est ainsi : d'abord la division puis la réunion. Mais toujours le consensus national a prévaluŽ. Une ligne de partage passe à l'intérieur de la grande île entre le Nord plutôt libéral et le Sud plus conservateur. Nous ne sommes pas d'accord sur tout mais nous avons besoin de la cohésion pour survivre. Et au prochain défi, nous serons de nouveau partagés pour nous réunir de nouveau. C'est la perpétuelle session de boxe puis la paix, et encore l'affrontementŽ. Cette ambiguïté reflète une vérité profonde, celle de la globalité de Malte, très petite mais complète, comme un petit insecte avec un organisme entier, pas une moitié de nationŽ. La vision politique dans le pays serait à limage de lâme maltaise. Il y a un sens de l'attachement au cercle intérieur, à la paroisse, au parti. Qui êtes-vous, d'où venez-vous ? Secte, caste, régions, groupes sociaux, tout cela est important ici à MalteŽ. Les Maltais ont défini leur identité en termes de mer et de terre. La carte du pays montre une petite île encerclée de forts. Ils pensent toujours à l'éventualité de l'envahisseur, avec la peur d'être attaqués. La Valette est une forteresse, il y a ceux qui sont à l'intérieur et ceux qui sont dehors. Doù venez-vous ? Sur le plan psychologique, le peuple de Malte garde la mémoire de la persécution à Rhodes. Ainsi notre psychologie est plus vieille que nousŽ. Il y a une centaine d'années, la division avait porté sur la question linguistique. Fallait-il adopter l'italien, la langue de la tradition ou l'anglais, celle du pouvoir ? La question a refait surface à l'indépendance mais avec moins d'acuité. Entre-temps, il y eut la guerre de 39-45 au cours de laquelle Malte a porté un appui considérable aux troupes alliées, et la reconnaissance que l'Angleterre lui a manifestée en lui décernant la Georges Cross. L'anglais avait naturellement été adopté comme seconde langue officielle, le maltais jouissant en plus du statut de langue nationale. Mais le cœur balance encore, sourit Friggieri, quand il y a un match de football entre l'Italie et l'Angleterre. C'est plus profond que juste du sport. C'est plus vieux que cela. Il y a quelque chose à voir avec l'image du père. Notre identité nous précède. Une île veut dire tradition, identité, résistance au changementŽ. Malte est donc profondément une île mais qui a absorbé beaucoup des grands pays alentour. Beaucoup adopté, comparé, modifié, adopté à sa mesure.>Langue arabe pour peuple européenLa langue maltaise est sans conteste sémitique, dans le cas précis de structure arabe. Malte a quasiment toujours été exposée à l'arrivée de populations du nord. Et paradoxalement, ce sont l'Afrique et le Moyen-Orient qui lui ont donné sa langue, la base de son architecture et tant d'autres traits de sa culture. >Appartenance à l'Union européennePour Friggieri, Malte a le sens de la sécurité et de l'autosuffisance. Et de cette recherche du père qui prend soin de vous. Ainsi, il y a un gouvernement et il y a Bruxelles qui donne une identité internationale. Mais beaucoup pensent que c'est loin BruxellesŽ, ajoute-t-il. Pourquoi m'en soucierais-je ?Ž Les médias locaux parlent relativement peu de l'Europe sauf pour certaines informations techniques, taux de change de l'euro, événements politiques majeurs par exemple. Malte est à la périphérie, à la périphérie d'elle-même, au bord d'elle-mêmeŽ, conclut-il. H.G . * Oliver Friggieri, professeur de littŽrature maltaise et de littŽrature comparŽe ˆ l'UniversitŽ de Malte. Ses livres sont traduits dans de nombreuses langues et ses pomes sont retenus dans plusieurs anthologies internationales. Ses publications sont couronnŽes de nombreux prix littŽraires prestigieux ˆ travers le monde. Il est Žgalement auteur de nombreuses pices musicales et animateur de programmes culturels ˆ la radio et ˆ la tŽlŽvision (voir entre autres The International Who's who, 2007, Londres).L'œuvre de Friggieri tourne autour du problème de l'appartenance à une terre, une île proche de l'Afrique, au sud de l'Europe et d'une culture mixte, latine et sémitique sans compter d'autres apports. En fait, considère t-il, Je n'écris pas sur Malte, j'écris sur l'être humainŽ. Friggieri a publié un nombre considérable de livres … poésies, romans, essais … traduits en de nombreuses langues. Tous font le tour de cette petite île qui l'obsède, la sienne, Malte et son multiculturalisme. >Constante dualitéLe type de Malte dans lequel j'avais grandi est complètement différent de celui d'aujourd'hui. Maintenant l'île ressemble à une villeŽ. Au centre du village, il y avait l'église, en face de laquelle s'étendait la place ( misra ), puis les maisons et après, les champs. L'église au centre reflétait le concept du pouvoir et de la culture. Des églises énormes, parce que nous sommes petitsŽ. Au-delà de cet ensemble, se trouvait un autre village avec le même agencement. Et il est arrivé que ces villages se sont rencontrés et se sont emboîtés. Mais malgré tout, la nation a gardé son identité. Malte est une nation où chacun vit proche de chacun. La misra y a connu une mutation. La capitale, La Valette est déserte dès six heures du soir. Le centre (misra) n'y est pas alors. Les gens préfèrent sortir dans les lieux de loisirs de St-Julians. Les bases de la culture de la nation maltaise sont la foi chrétienne et la langue. Dans chacune d'elles, on retrouve une dualité. Par exemple, celle entre la magnificence de la Cathédrale Saint-Jean à LaValette et les petites églises des villages. Un trait de caractère important du pays est qu'il a toujours fait partie de pouvoirs forts. Avec Napoléon au faîte de sa puissance, de 1798 à 1800, après avec les Anglais Nelson et Alexander. Malte a toujours fait partie de grands empires et maintenant elle est dans l'Union européenne. Nous tendons à exagérer : le plus gros, le plus fort, le plus grandŽ. De nouveau, Friggieri prend l'exemple de la Cathédrale Saint-Jean et duParce qu'elle est petite, Malte a toujours fait partie de grands empires. Elle s'ouvre sur le monde pour mieux se concentrer sur sa sŽcuritŽ. "Malta est ˆ la pŽriphŽrie d'elle-mme, au bord d'elle-mme". Elle se divise sur tout mais trouve toujours un consensus national. C'est l'analyse d'Oliver Friggieri*, professeur de littŽrature, pote et critique littŽraire. L'‰me de Malte OUVERTUREetENFERMEMENT Mots-clés Hegel Goutier; OliverFriggieri ; misra ; Malte ; maltais ; La Valette. Page54 En bas Cottonera, les trois citŽs qui protgent La Valette, la villeforteresse 2008. © Hegel Goutier "La Valette peut se fermerÉ O que l'on soit ˆ Malte,, il y a ceux qui sont ˆ l'intŽrieur et ceux qui sont ˆ l'extŽrieur".Page55 Bus typique ˆ La Valette 2008. © Hegel Goutier "Malte est en pŽriphŽrie, l'”le est en pŽriphŽrie d'elle-mme". Oliver Figgieri 2008© Hegel Goutier 54 N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008 D Žcouvrir l'EuropeMalte D Žcouvrir l'Europe Malte 55

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sociétés comme Corinthia sont assez grandes pour se débrouiller seules.>Ville intelligenteNotre pays sengage sur la voie informatique. Smart City est semblable à Internet City à Dubaï. Le gouvernement a donné son feu vert pour sa construction, dans la région de Ricasoli. Ce projet créera 5600 emplois pour informaticiens programmateurs et autres. De nombreux Maltais y travailleront. Le développement de la zone a commencé il y a six mois. Smart City sera terminée dans cinq ou six ans. Nous disposons actuellement dun ordinateur pour six étudiants. Dans six mois, nous aurons un ordinateur pour quatre étudiants, le taux le plus élevé du monde. Toutes les classes disposeront de cours sur le web.>Malte au cinémaLindustrie cinématographique est un autre secteur économique en croissance. Plusieurs films célèbres ont été tournés à Malte: Gladiator , Troie , Munich et, très bientôt, un grand film espagnol dont le titre na pas encore été révélé. Nous bénéficions aussi du tourisme de croisières. En hiver, Malte accueille 15 bateaux de croisière par semaine. Certains dentre eux viennent tout au long de lannée. Même sils ne restent quune journée, les touristes dépensent de largent. Le touriste moyen reste six à sept jours. Quand il fait trop froid dans le Nord, des retraités britanniques et allemands viennent pour deux ou trois semaines, voire parfois cinq semaines ou plus. Je suis très optimiste quant à léconomie. Le gouvernement peut se permettre de réduire les taxes. Les salaires et les bénéfices augmentent. Le montant global des taxes a augmenté, alors que leurs taux ont diminué de 35 à 32%. Le Premier ministre a annoncé que léconomie était suffisamment forte pour réduire de 35 à 25% le taux dimposition de la tranche supérieure des revenus. Et si vous gagnez 12.000 euros par an actuellement, vous ne payerez pas dimpôt sur le revenu. Le chômage est actuellement de 6%, ce qui est très bas. Ce taux a baissé au cours des cinq dernières années. Le déficit public et la dette publique ont également diminué. Tous ces facteurs avaient ouvert la voie permettant à Malte dentrer dans la zone euro. Nous croyons que notre entrée dans la zone euro permettra à notre économie de prospérer; le PIB augmentera et la dette diminuera.>De nombreux emplois pour étrangersLe nombre de travailleurs immigrés est très élevé à Malte. Dans un petit pays, il nest pas toujours facile de trouver des travailleurs au profil adéquat. Les spécialistes de linformatique, par exemple, viennent généralement dEurope et plus particulièrement du Royaume-Uni. Lindustrie hôtelière attire des travailleurs italiens et français. Les travailleurs de la construction sont originaires dAfrique et de la région méditerranéenne. Sans ces travailleurs, les salaires senvoleraient et les entreprises seraient moins compétitives.>LogementMalte souffre dun problème de logement, car de nombreuses maisons ont été détruites par des bombardements aériens au cours des deux guerres mondiales. Le gouvernement a voté une loi pour faciliter grandement la location dune maison par les habitants des immeubles détruits. Cette loi na jamais changé depuis et est très favorable aux locataires. Le locataire, ses enfants et même les enfants de ses enfants pourront rester dans la maison en conservant le même loyer et le propriétaire est responsable de tout lentretien. Les gens habitent dans de belles maisons en payant seulement 100 euros par mois. La loi a changé en 1994, mais seulement pour les nouveaux locataires, pas pour les anciens. Les propriétaires préfèrent donc souvent laisser les maisons vides. La Chambre de Commerce fait du lobbying auprès du gouvernement pour changer cette loi, mais lhésitation reste grande. Le gouvernement craint que certains habitants ne soient pas capables de payer plus cher. Tous les aspects devront être examinés soigneusement avant que le gouvernement ne prenne la moindre décision. H.G . Malte a gagné son indépendance en 1964. De 1964 à 1979, le pays a encore bénéficié dun grand soutien du RoyaumeUni, qui avait des bases militaires dans lîle. Depuis 1979, léconomie maltaise est devenue autosuffisante. Dans le secteur privé, le gouvernement a identifié deux secteurs importants : lindustrie et le tourisme.>Fonder une industrie de transformation dynamique Le gouvernement a créé la Malta Development Cooperation (MDC), chargée dattirer les investisseurs étrangers. Alépoque, les salaires et le niveau de vie étaient bas. Des institutions telles que la Chambre de commerce siégeaient au Conseil dadministration de la MDC, mais le gouvernement jouait le premier rôle. Des sociétés de divers secteurs … mode, textile, pièces de rechange pour voitures, etc. … sont venues du Royaume-Uni, dAllemagne et des Etats-Unis. Le gouvernement a également accordé des avantages (subventions, facilités de loyer et autres types de soutien) pour encourager les investisseurs. Dans le secteur touristique, le gouvernement a subventionné la construction dhôtels et de stations touristiques et a cédé des terres et des plages en concession. Au cours des années 70, le gouvernement a créé Air Malta, qui avait pour objectif premier de promouvoir le tourisme. Malte pouvait en outre compter sur sa population. Travailleurs et anglophones, nous pouvions être formés par des étrangers. Vers la fin des années 90, le niveau de vie des Maltais avait sensiblement augmenté. Au début, la création demplois nétait pas très rapide dans le secteur privé, le secteur public a alors pris le relais: police, revenu cadastral, etc. Il existait de nombreux monopoles publics à lépoque: électricité, téléphone, télévisions et Air Malta.Ils appartiennent tous au gouvernement. Le chômage na jamais été très élevé à Malte. On travaillait soit pour le gouvernement, soit dans les services, soit comme indépendant. Vers la fin des années 90, nous avons atteint notre niveau de vie actuel et les salaires avaient augmenté. En même temps, la concurrence pour les investissements étrangers avec lEurope de lEst et la Chine est apparue. Nous avons toujours été préparés à cette éventualité. En 2004, Malte est entrée dans lUE et pouvait prétendre à certaines aides. Grâce à ces aides, elle a pu former sa population, surtout en informatique, et a été capable de construire des infrastructures et des routes, de développer la fibre optique, de mettre en place des connexions Internet et de moderniser laéroport. Léconomie a changé: elle et devenue moins dépendante de lindustrie et repose plus sur les services. Certaines usines ont été délocalisées en Tunisie, mais continuent dappartenir à des Maltais. De nombreuses entreprises de marketing, de design et de recherche & développement restent à Malte. La transformation des tomates fait partie des industries qui ont déménagé vers la Tunisie. Ces activités étaient situées à Gozo auparavant. Dans lindustrie de la mode, la confection est réalisée en Tunisie, tandis que le design, le marketing et les négociations économiques se font à Malte. Malte fait partie dune planète mondialisée, même si la population ne se rend pas souvent à létranger. Dans le secteur touristique, Corinthia (Corinthia Group of Companies ) est une grosse entreprise. Elle possède une chaîne dhôtels et ouvrira bientôt un grand hôtel à Londres. Elle est déjà installée au Gabon, en Libye, en Turquie, au Portugal, en République tchèque et en Hongrie. Notre Chambre de Commerce encourage nos entreprises à ouvrir des succursales outre-mer. Notre message est le suivant: si vous pouvez vendre aux Maltais et aux touristes chez nous, pourquoi ne pourriez-vous pas en faire autant à Casablanca ou à Prague? Ils doivent y aller. Au sein de la Chambre, nous disposons dun expert qui peut aider les PME. Les grandesUNE ÉCONOMIE intelligente qui ne craint pas la MONDIALISATION Kevin J. Borg, Directeur gŽnŽral de la Chambre de commerce et d'entreprise de Malte Propos recueillis par Hegel GoutierAperu de l'Žconomie maltaise Boat people maltais Ces cinq dernires annŽes, Malte a ŽtŽ confrontŽe ˆ l'arrivŽe rŽgulire de boat people originaires d'Afrique, qui accostent ˆ Malte ou qui sont interceptŽs par les garde-c™te maltais. Il s'agit en moyenne de 1.500 personnes par an, qui ont souvent traversŽ le Sahara avant de prendre la mer dans une embarcation de fortune en Libye. Ils sont tous d'abord logŽs au centre fermŽ Hal Far Open, qui loge environ 600 personnes en moyenne ˆ tout instant. Ce camp situŽ prs de l'aŽroport national est composŽ de tentes et offre au mieux un confort minimal, provoquant des protestations de la part de certaines ONG. Aprs leur transfert vers un deuxime centre ouvert, les personnes auxquelles l'asile est accordŽ sont confrontŽes au manque de travail. MalgrŽ son Žconomie prospre, la population maltaise atteint ˆ peine 400.000 personnes et le pays ne peut offrir que 1.000 ˆ 1.500 emplois ˆ des Žtrangers chaque annŽe. Ces emplois sont rarement, voire jamais, accessibles aux boat people. Soit ils ne disposent pas des compŽtences requises, soit ils sont simplement rejetŽs, d'aprs les mŽdias locaux, ˆ cause de leur statut de boat people. Mots-clés Malte ; Kevin J. Borg ; commerce ; économie ; tourisme ; technologie de linformation. Vignobles, Malte 2008. © Hegel Goutier Chambre de commerce et d'industrie, 2008.© Hegel Goutier Ç Si nous pouvons vendre ici aux Maltais comme aux touristes, pourquoi ne pourrions-nous pas faire de mme ˆ Casablanca et ˆ Prague ? È Kevin Borg 2008© Hegel Goutier 56 N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008 D Žcouvrir l'EuropeMalte D Žcouvrir l'Europe Malte 57

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On na pas souvent loccasion de caresser daussi beaux livres de photographies consacrés à des créateurs de cette partie dAfrique, sinon du Sud. Congo Eza est lune des exceptions qui font la règle. Il y en a eu dautres heureusement, comme le mémorable numéro spécial de Revue Noire en 2001 qui rendait plutôt hommage à la photo dart. Congo Eza est la conjugaison de la réalité congolaise contemporaine, de la guerre récente au bouillonnement de vie et de créativité de ce pays. Conjugaisons détats dâme, démotions, de regards et de rendus. Noir et blanc et couleur. Spontanéité, composition dramatique, insolence, révolte, transgression, légèreté, humour, clins dœil, toutes palettes confondues. Les photographes viennent dhorizons divers. Ils sont 24. Le lien entre eux: avoir participé à deux expériences artistiques et à des formations mises en place respectivement par la Délégation Wallonie-Bruxelles de Kinshasa et par le Commissariat aux relations extérieures de la Communauté française de Belgique, dont le festival de culture du Congo en Belgique Yambi 2007. Du fruit de ces rencontres, lassociation AFRICALIA(Bruxelles) a décidé de garder les traces sous la forme de cet ouvrage de prestige. La conjugaison se fait avec une sélection de verbes du lingala jalonnant les différents chapitres de lopus. Kokekola , apprendre éduquer, grandir. Des images dEpinal surtout en noir et blanc évoquant lenvie dapprendre dans les livres, sur les aires de sport, par empathie avec des êtres chers, mais malheureusement aussi par le plus connu des jeux des gamins par ici: le jeu de la guerreŽ, comme le souligne le texte de Marie-Louise Bibish Mumbu en exergue à ce chapitre. Beau texte, comme toutes les autres poésies accompagnant la tournée dans ce kaléidoscope de la vie et du rêve congolais. Et puis, kobouger , mot métisse pour bouger, se déplacer; kolingana , saimer; kobeta libanga , survivre, se débrouiller; komilakisa , se montrer, paraître, poser; kosambela , prier; kokoma , écrire, tagger, peindre. Et enfin, kopana bakambi , choisir, voter, élire, avec un poème de Fiston Nasser Mwanza, tragique et humoristique, en épigraphe, ExŽ donne son titre à ce livre et reflète comme en écho son ton dual de nostalgie et de relent damertume: Ex-Association internationale du Congo Ex-Comité détudes du Haut-Congo Ex-Etat indépendant du Congo Ex-Congo belge Ex-République Démocratique du Congo, Ex-Zaïre Re-République Démocratique du Congo ƒƒƒ Congo ezalaki Congo eza Congo ezakoya Il fut, il est là, il vientƒ ƒƒ.Ž . (extrait) Un livreƒ Comment dit-on émouvant en lingala? Congo Eza , Africalia Editions & Roularta Books, Bruxelles 2007, 264 pages. H.G. Photographie contemporaine DU CONGO RDCCongo Eza , conjugaison de rŽalitŽs et de rves sur papier sensible Mots-clés Hegel Goutier; Congo ; Zaïre ; Eza ; Africalia ; photographie. M alte peut se prévaloir des charmes d'un pays méditerranéen autant que de l'héritage culturel européen le plus éclectique. Plages et lieux de divertissement, saveur de l'Orient, langue sémitique, collections uniques d'œuvres d'art. Le passé partout présent y va de pair avec la modernité et des anticipations du futur. De celles-ci, les créations d'un architecte de génie, Richard England, qui insuffle à la puissance des constructions des chevaliers de l'Ordre, du rêve et de la magie. Avec un territoire d'à peine 300 kilomètres carrés les îles adjacentes, Gozo et Comino comprises …, ses bonnes routes et les liaisons maritimes rapides, toutes les merveilles du pays peuvent se visiter à la limite en deux ou trois jours. Une solution idéale pour le visiteur est le Red Tour : un jour pour la South route et un autre pour la North. Avoir parmi d'autres curiosités sur la South RouteŽ : les doubles rangées de fortifications des trois cités de Cottonera, éperonnant La Valette et leurs chantiers navals ; le chatoyant village de pêcheurs de Marsaxlokk avec ses bateaux colorés défilant comme dans un songe ; les belles plages de Bugibba, Qawra et St. Paul's Bay et leurs lieux de divertissement ; les eaux cristallines de Blue Grotto. Sur la North routeŽ : les Jardins botaniques de San Anton ; le charme de l'ancienne capitale, Mdina, la ville silencieuseŽ avec son mélange suave d'architecture médiévale et baroque et les méandres de ses venelles ; les falaises vertigineuses de Dingli près des Jardins de Buskett avec leurs vignoble, orangeraie, oliveraie et plantation d'agrumes ; et les luxueux quartiers à la mode de Silema ou de St Julians. ALa Valette, à portée d'yeux, des trésors. Ceux de la Co-Cathédrale Saint-Jean qui abrite, entre autres merveilles, le Saint Jean décapitéŽ du Caravage, le Palais du grand maître de l'ordre et tant d'autres palais ; et de superbes jardins perchés sur les frontons, comme ceux de Upper Baraka. > L'esprit a besoin de plus de place que le corps Et puis à La Valette, on peut admirer l'ancienne forteresse de St James Cavalier transformée en un lieu de culture et de créativité pétillant par Richard England, poète, dessinateur et philosophe qui donne une âme aux défenses imposantes des chevaliers, qui fait entrer la lumière et le rêve dans des basses fosses de forts militaires. Parmi les repères sous-tendant son œuvre architectural, l'ellipse d'Axel Munthe : The soul needs more space than the bodyŽ*. England rêve de donner à toute La Valette la magie de ses grandes réalisations, le Martin Luther King MemorialŽ à Washington, le Itehak Rabin MemorialŽ à Tel-Aviv et d'autres œuvres à Moscou, Buenos Aires, Wroclaw, etc. Habitations privées, églises, théâtres, sanctuaires. Il veut souligner dans la ville the silence in betweenŽ comme il l'a fait avec maestria dans le Main lecture hallŽ ou dans le Humanities blockŽ de l'Université de Malte. Ala fin de la réalisation de son Valetta entrance master planŽ, c'est toute la personnalité de La Valette qui connaîtra une métamorphose, celle préfigurée par le St James CavalierŽ et la Central Bank of MaltaŽ pour lesquels il est intervenu de façon chirurgicale dans le passé pour créer de l'évanescence avec respect et empathie pour ce qui a existé. H.G . * Voir The story of San Michele 1929. MALTE d'hier et d'aujourd'hui. Midna, une ville pleine de charme 2008.© Hegel Goutier Rabbat et Midna 2008.© Hegel Goutier Port de Marsaxlokk 2008. © Hegel Goutier Carnaval ˆ La Vallette 2008. © Hegel Goutier Carnaval ˆ La Vallette 2008. © Hegel Goutier Blanchard Labakh, Petit Dobakh, CitŽ Verte, Kinshasa, RDC, 2007. Avec l'aimable autorisation d'Africalia. N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008 59 C réativité 58 D Žcouvrir l'EuropeMalte Mots-clésHegel Goutier; Malte ; Gozo ; Comino ; Richard England ; La Vallette ; Cathédrale Saint-Jean.

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sentiments négatifs à lencontre de leur ancien ennemi. Lexposition présente des œuvres ayant pour thèmes lidentité sud-africaine et ses sites. Elle épingle les conflits que doit encore résoudre cette société multiethnique, sans pour autant négliger des thématiques plus générales. Serenade, le montage-spectacle de Simon Gush , met en scène une voiture de la police locale, trônant à lentrée de lancien Palais. Un acteur, vêtu dun uniforme de police, sassoit dans le véhicule et entonne Cant Take my Eyes off of You . Un air diffusé par les haut-parleurs placés sur le toit de la voiture. Et de fait, quel spectacle étrange (et dérangeant) que dentendre un policier fredonner cette chanson à leau de rose:  I love you baby! And if its quite alright, I need you, baby! Ž The Black Passage de James Webb est un corridor sombre et étroit que le visiteur traverse avant de parvenir à la source dun grondement … une mise en scène évoquant la descente dans une mine. Au fond du couloir, une lumière laisse entrevoir une porte mi-close, mais ce nest quun mirage, car le visiteur saperçoit quil est coincé. Une expérience choc et surréaliste dans un tunnel minier, qui fait songer à une voie sans issue, tant sur le plan physique que psychologique. Les vidéos dIsmail Farouk nous offrent une représentation intéressante de la vie dans les villes dAfrique du Sud. Les photographies de Zanele Muholi recentrent lattention sur les questions de discrimination et didentité, sous langle racial, sexuel et des rapports entre les hommes et les femmes. Night Journey de Colleen Alborough est une création interactive: un labyrinthe de rideaux où le spectateur devient partie intégrante du parcours sensoriel et narratif, fait des rêves et des cauchemars dune étrange personne endormie. Mentionnons encore les silhouettes en cuir de Nandipha Mntambo qui traversent les murs en quête du passé. Ces personnages ne sont pas sans rappeler la nature agressive et perturbatrice des animaux sud-africains mais aussi lélégance des vêtements du XVIII e siècle En résumé,  le nouvel art sud-africain Ž nest plus exclusivement en rapport avec lapartheid, malgré une tonalité sociale et politique toujours marquée. Les artistes de .ZA illustrent parfaitement la condition des intellectuels se retrouvant dans une position périphérique au sein dun monde aujourdhui globalisé … où si chaque chose semble proche et accessible, la périphérie reste la périphérie. Au vu des œuvres exposées, il ne fait aucun doute que les artistes sélectionnés ne sont pas de ceux qui prennent le risque de jouer le jeu des clichés africains pour se faire accepter ou sexporterŽ. Ce corpus de créations artistiques … dun réel intérêt malgré limmaturité de certaines … se juxtapose au site, un étonnant palace du XV e siècle. Une succession de salles, de couloirs et de plafonds ornés de peintures de style renaissance. La beauté des lieux est encore rehaussée par une tourelle, qui en plus doffrir la plus belle vue panoramique sur la ville de Sienne, se trouve être aussi lendroit où Galilée vit sa peine de prison commuée en résidence à vie. Cest donc ici quil fut assigné à résidence après avoir abjuré sa théorie au profit de la croyance catholique. Nous retiendrons surtout le matériel iconographique que les cinq artistes-curateurs ont mis à la disposition de lexposition afin de rehausser son image: cinq affiches dynamiques, coup de poingŽ recouvrant à la fois les murs et le sol de lentrée. Cest aussi lendroit qui a servi de cadre à la performance centrale de Johan Thom qui, lors du vernissage, sest fait arroser pendant quatre heures déclats de verre brisé et dhuile jaune! Les co-curateurs ont également écrit les textes du catalogue, lintention étant dillustrer la situation actuelle dune série dartistes dAfrique du Sud. Lanalyse que propose Kendell Geers sur les systèmes culturels du pays est particulièrement poignante: Depuis la fin du régime de lapartheid, lAfrique du Sud se bat pour accepter la violence de son histoire, sefforçant sans relâche de trouver un équilibre entre la construction de son avenir et la suppression des inégalités passées. [ƒ] Pourtant, lAfrique du Sud na pas rendu lhommage que méritait lexcellence de son art, lœuvre dart a au contraire été réduite à une donnée démographique politiquement correcte, mettant laccent sur lartisanat traditionnelŽ. Il sagit au fond dune accusation à lencontre des politiques de discrimination positive qui voulaient inverser les relations entre les Blancs et les Noirs, et contre lesquelles lart se rebellait. Toutefois, en tentant daplanir leurs différences avec leurs homologues noirs de peau, les artistes et écrivains de race blanche ont souvent perdu de leur crédibilité, le public finissant par avoir limpression quils parlaient au nom du peuple noir opprimé. Avec la fin de lapartheid, le problème le plus sérieux quont rencontré les artistes a été la disparition dun ennemiŽ commun, ce qui les a obligés à trouver une autre finalité à leur œuvre. Les jeunes artistes de .ZA , qui ont grandi dans la Nation arc-en-ciel de Mandela et de Mbeki, semblent avoir résolu ce problème de manière positive, sans nourrir de Sandra Federici.ZA YOUNGart from South "Est-il possible dévoquer lAfrique du Sud sans tomber dans le piège des clichés sur la race, lapartheid, le colonialisme, les classes sociales, la pauvreté et le sida ?Ž Telle est la question que se pose Kendell Geers dans le texte quil a écrit pour le catalogue de lexposition .ZAYoung art from South Africa . Et cest précisément le défi que sous-tend lexposition produite par le Centre dart contemporain du Palazzo delle Papesse, à Sienne. Comme lexplique son directeur, Marco Pierini, cette initiative a été lancée dans le but de photographierŽ la jeune production artistique du pays, avec laide dartistes plus matures (Marlene Dumas, Kendell Geers, Bernie Searle, Minnette Vári, S ue Williamson) qui ont chacun choisi de parrainer trois jeunes artistes. Le créateur de lexposition, Lorenzo Fusi, les a rejoints. Programme dappui aux industries culturelles des pays ACP upport gramme to Le SecrŽtariat ACP a ŽlaborŽ un programme visant ˆ soutenir les industries de la culture des 79 pays ACP. Le programme, gŽrŽ et mis en Ïuvre par le SecrŽtariat ACP et une unitŽ de gestion de programme, est financŽ au titre du 9e Fonds europŽen de dŽveloppement (FED). L'objectif est de renforcer les capacitŽs des dŽcideurs politiques et des opŽrateurs culturels par le biais des trois ŽlŽments suivants : • un Observatoire culturel ACP pour amŽliorer le cadre politique et l'encadrement juridique et institu-tion-nel du secteur de la culture des Etats ACP ; • un Fonds de soutien au secteur culturel intra-ACP en vue de renforcer les opŽrateurs culturels de ces pays et d'accro”tre leur professionnalisme ; • un projet conjoint ACP/OIT/CNUCED/UNESCO en vue de renforcer les industries crŽatives dans cinq pays (les Fidji, le Mozambique, le SŽnŽgal, TrinitŽ et Tobago et la Zambie). "Ce programme est l'aboutissement d'un processus qui a vu le jour avec la dŽclaration de Dakar des ministres ACP de la culture, lesquels, en 2003, ont fixŽ des objectifs pour promouvoir les industries culturelles des ACP", explique Aya Kasasa, responsable du programme au SecrŽtariat ACP. "Il existait une rŽelle attente chez les opŽrateurs des ACP, en raison des nombreux Žchanges d'informations qui ont pu avoir lieu gr‰ce au Festival ACP de la culture, premier rŽsultat concret de la dŽclaration de Dakar. A prŽsent, nous mettons au point un programme de travail semestriel qui Žtablira les objectifs et le calendrier du Fonds. Un appel ˆ propositions sera publiŽ en mai 2008". INFO: http://www.acp.int/index_f.htmLes auteurs : COLLEEN ALBOROUGH BRIDGET BAKER ZANDER BLOM DINEO BOPAPE ISMAIL FAROUK FRANCES GOODMAN SIMON GUSH NICHOLAS HLOBO MOSHEKWA LANGA NONTSIKELELO LOLO VELEKO CHURCHILL MADIKIDA NANDIPHA MNTAMBO ZANELE MUHOLI RUTH SACKS SEAN SLEMON DOREEN SOUTHWOOD MIKHAEL SUBOTZKY JOHAN THOM INA VAN ZYL JAMES WEBB Mots-clés Afrique du Sud ; .ZA; art ; Kendell Geers. Kendell Geers, affiche rŽalisŽe pour l'exposition .ZA young art from South Africa, Palazzo delle Papesse, Sienne, Italie 2008. En haut Johan Thom, Come in peace/Go to pieces, Performance, 2008.photo © Ela Bialkowska Palazzo delle Papesse 60 N. 1n.s.JUILLETAOÛT2007 C rŽativitŽ C rŽativitŽ 61 N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008

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A ux plus jeunes On identifie plus volontiers dans lart de la Caraïbe les influences africaines. Mais celles dEurope ont été tout aussi manifestes dans la fusion qui va insuffler aux corps autant quaux chants et aux danses le romantisme, le hâle, la mélancolie sensuelle et la vision écarquillée de ces îles. De la musique européenne, cest lenvol de la danse … rondes, valses, mazurkas, pas de deux … et le romantisme, notamment celui de lEurope centrale et orientale tel que cristallisé dans la musique dun Brahms ou dun Chopin, qui vont entrer dans lamalgame caribéen. Au tournant du XVIII e siècle, en Haïti par exemple, les Polonais, arrivés souvent malgré eux dans les bagages des troupes napoléoniennes, seront les premiers Européens à soutenir la nation en gestation. Ils auraient largement participé à répandre dans la région le violon et le spleen de leur musique. Violon et spleen encore retrouvés dans le meringue, la guaracha ou le zouk. Cet héritage européen va se retrouver dans les fondements de toutes les tendances musicales, autant à Cuba quen Haïti, à Puerto Rico quà la Martinique. Mais dans la bourgeoisie naissante, la musique classique dEurope ou des créateurs locaux va sintituler musique savanteŽ. Elle va sapprendre dès la première décennie du XIX e siècle à lEcole de musique de Milo, créée par le roi Christophe dans le Nord dHaïti ou dans les cercles de musique de Santo Domingo. Elle va se métisser encore plus chaudement avec le temps, ses traits saccentuant. Plus romantique, plus chaude, plus suave. Telles sont les danzas du Cubain Ignacio Cervantes ( Duchas frias et 3 Danzas ) et des Haïtiens Ludovic Lamothe ( Danses espagnoles n°2 en la mineur, n°3 en fa mineur, Déclaration ), Frank Lassègue ( Chanson du rivage n°3) et Alain Clérié ( Prélude ) en deuxième partie du concert de Michel Laurent qui souvre avec des pièces de Brahms ( Valses Opus 3 ) et Chopin ( Mazurkas, Opus 6 n°1, Opus 67 n°2, 3 et 4 ). La souplesse, lélégance, linterprétation passionnée de Michel Laurent sont toutes désignées pour rendre la sensualité dun tel répertoire. H.G. Théâtre Molière, à Bruxelles, le 26 avril à 20h00 Danzas des deux mondesŽ se destine à organiser régulièrement des spectacles sur le métissage entre les musiques classiques caribéenne et européenne. Info : danzas2worlds@hotmail.comDANZASDE DEUX MONDESQuand la musique classique se métisseDs le dŽbut de la rencontre des trois mondes Europe, Afrique, AmŽrique, la musique Žtait de la partie, pour calmer les aigreurs et accompagner sinon les joies, du moins les moments de parenthse. Autant les nŽgriers d'Afrique que les vaisseaux marchands d'Europe transportaient dans leurs cales et sur leurs ponts non seulement des esclaves, flibustiers, colons et marchandises mais aussi la culture Ð musique, plaintes dŽsespŽrŽes, chants et autres rves. Mots-clés Hegel Goutier; musique ; classique ; Haïti ; Cuba ; Ignacio Cervantes ; Ludovic Lamothe ; Franck Lassègue ; Alain Clérié ; Michel Laurent.Europe, Cara•be Ludovic Lamothe.© Anonyme Doreen Southwood, The Dancer, Bronze, peinture laquŽe, tissu, acier, 176 x 190 x 292 cm, 2007, dŽtail. Avec l'aimable autorisation de Michael Stevenson, Le Cap Photo: Mario Todeschini. .ZA young art from South Africa, Palazzo delle Papesse, Sienne, Italie. T.T. Fons N. 5 N.S. … AVRILMAI 2008 63 62 C rŽativitŽOcchiello Avec l'aimable autorisation de l'auteur.

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Les pays Afrique Caraïbes Pacifique et Union européenne AFRIQUE Afrique du Sud Angola BŽnin Botswana Burkina Faso Burundi Cameroun Cap Vert Comores Congo C™te d'Ivoire Djibouti ErythrŽe Ethiopie Gabon Gambie Ghana GuinŽe GuinŽe Bissau GuinŽe Equatoriale Kenya Lesotho LibŽria Madagascar Malawi Mali Maurice Mauritanie Mozambique Namibie Niger Nigeria Ouganda RŽpublique Centrafricaine RŽpublique DŽmocratique du Congo Rwanda Sao TomŽ et Principe SŽnŽgal Seychelles Sierra Leone Somalie Soudan Swaziland Tanzanie Tchad Togo Zambie Zimbabwe CARAìBES Antigua et Barbuda Bahamas Barbade Belize Cuba Dominique Grenade Guyane Ha•ti Jama•que RŽpublique Dominicaine Saint Christophe et Nevis Sainte Lucie Saint Vincent et les Grenadines Suriname TrinitŽ et Tobago PACIFIQUE Iles Cook Fidji Kiribati Iles Marshall Etats FŽdŽraux de MicronŽsie Nauru Niue Palau Papouasie Nouvelle GuinŽe Iles Salomon Samoa Timor Leste Tonga Tuvalu Vanuatu UNION EUROPƒENNE Allemagne Autriche Belgique Bulgarie Chypre Danemark Espagne Estonie Finlande France Grce Hongrie Irlande Italie Lettonie Lituanie Luxembourg Malte Pays-Bas Pologne Portugal Royaume-Uni RŽpublique tchque Roumanie Slovaquie SlovŽnie Sude Les listes de pays publiŽes par Le Courrier ne prŽjugent pas le statut de ces pays, territoires et dŽpartements, ni l'Žvolution de ce statut. Le Courrier utilise des cartes de diverses origines. Cette reproduction n'implique la reconnaissance d'aucune frontire particu lire ni ne prŽjuge le statut d'aucun Etat ou territoire. votre écoute La parole aux lecteurs Merci beaucoup pour les numŽros du Courrier que vous avez envoyŽs au LycŽe Evariste ˆ Parny (Ile de la RŽunion). Nous ferons bon usage de vos articles. Christine FourestCela fait maintenant pas mal d'annŽes que j'ai le privilge de lire le Courrier. Je pense que tous les politiciens et ceux qui aspirent ˆ faire de la politique devraient Žtudier les articles de votre magazine. Cela les rendrait plus ˆ mme de pouvoir contribuer au dŽveloppement de leurs pays.Courtney Lafleur ,Je viens de recevoir le dernier numŽro du Courrier dŽdiŽ ˆ Haiti et ˆ la Roumanie. Je vous fais mes compliments les plus sincres sur la mise en page et les sujets vraiment intŽressants que vous avez abordŽs. Il y a tout le potentiel pour faire du Courrier un trs grand magazine. Continuez !Andrea Frazzetta, photographe de lagence Grazia Neri, Milan, Italie Vos points-de-vue et vos rŽactions nous intŽressent. N'hŽsitez pas ˆ nous en faire part Address : The Courier 45, Rue de Trves 1040 Brussels (Belgium) email : info@acp-eucourier.info website : www.acp-eucourier.info Juin 2008 > 3-5 Conférence FAO de haut niveau sur la sécurité alimentaire mondiale : les défis du changement climatique et des bioénergies, Rome, Italie> 17-18 Conseil ADPIC de lOMC, Genève, Suisse> 8-13 87e Session du Conseil des ministres ACP, Addis-Abeba, Ethiopie > 8-13 33e Session du Conseil des ministres ACP-CE, Addis-Abeba, Ethiopie> 25-27 3e Forum ACPde la société civile, Bruxelles, Belgique> 26-1 Sommet de lUnion africaine, Sharm el Sheik, Egypte> 30-2 Sommet commercial et Forum commercial CARIFORUM … UE, Trinidad Juillet > 2-5 29e Réunion régulière de la Conférence des chefs de gouvernements Antigua et Barbuda> 12 Sommet CARICOM-Espagne, Saragosse, en Espagne> 15-16 CRNM : formation Bootcamp sur les négociations commerciales (Trade Negotiations Bootcamp), à Haïti> 16-18 Réunion Habitat ACP-ONU, Dar es-Salaam, Tanzanie> 17-18 Comité de l'OMC sur les accords commerciaux régionaux à Genève> 23-25 Révision des politiques commerciales de lOMC, Barbade> 29-30 Conseil général de lOMC, Genève, Suisse Sommet CARICOM-Canada, Ottawa (date à décider) Août > 19-21 Réunion annuelle du Forum du Pacifique, Niue (à confirmer) Septembre > 12-13 Forum médias et développement, Ouagadougou, Burkina Faso> 23-25 ONU … besoins de lAfrique en matière de développement, New York, Etats-Unis CARICOM : Communauté des Caraïbes (15 Etats membres) CARIFORUM : Forum des Etats ACPdes Caraïbes CRNM : Caribbean Regional Negotiating Machinery (Mécanisme de négociation régionale caribéen) EU-LAC : Union européenne, Amérique latine et Caraïbes OMC : Organisation mondiale du commerce CALENDRIER Juin Ð Septembre 2008 Strasbourg, France, accueille la 3e Ždition des JournŽes europŽennes du dŽveloppement, 15-17 novembre 2008. Info: http://eudevdays.eu/Public/index.html

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REPORTAGESIERRA LEONE Et la lumière futDOSSIERPêche Problèmes aux larges des pays ACPBiocarburants Plus de questions que de réponses REPORTAGESIERRA LEONE Et la lumière futDOSSIERPêche Problèmes aux larges des pays ACPBiocarburants Plus de questions que de réponses Not for sale ISSN 1784-6803 C urrierN.5 N.S.AVRIL MAI 2008LeLe magazine des relations et CoopŽrations Afrique Cara•bes Pacifique et Union europŽenne