France. 1st Republic.
Convention Nationale.
Legislation No. 281.
CONVENTION NATIONAL
OPINION
D'ETIENNE CHAILLON,
D6pute du department de la Loire-lnferieure,
Sur le jugement de Louis XVI.
Prononcee le 16 janvier 1793, I'an lie. de la R6publique.
IMPRIMEE PAR ORDRE DE LA CONVENTION NATIONAL.
CITOYENS,
Je suis intimement convaincu que je n'ai point ete envoy ici pour faire les
functions de juge, mais bien pour poser les bases d'un gouvernement
quelconque, & donner a mon pays les meilleures lois possibles: voila le ferment
que j'ai prete a mes commettans, voila le feul qu'ils ainent exige de moi. Je sais
que mon mandate est indefini; mais je sais aussi qu'un mandate general a ses
regles particulieres, comme le mandate special, & que, tout illimite qu'il paroisse, il
a neanmoins pareillement ses limits; elles sont ces limits dans I'intention
presumee de mes commettans; & la preuve qu'ils n'ont pas eu I'intention de
m'autoriser a juger Louis, est precisement dans le silence qu'ils ont garden a cet
regard.
Quoi! je croirai qu'il ont voulu me charger de la plus important de toutes les
missions, sans qu'ils aient daigne en faire un article particulier de mon mandate!
Je croirai a une autorisation tacite, quand j'y croirois a peine lors meme qu'elle
seroit formellement exprimee! Oui, j'y croirois a peine; car que faudroit-il que
j'admisse? L'intention de d,truire tous les principles, de renverser toutes les idees
de justice & de morale; I'intention de faire de moi tout ensemble un legislateur,
une parties, un accusateur, un jure d'accusation, un jure de jugement & un juge
criminal souverain. Non, je tiens mon mandate d'hommes eclair,s & justes,
d'hommes ennemis de la tyrannie, qui auroient, je n'en doute point, rejete avec
horreur cette monstrueuse cumulation de pouvoirs, que toures les ames des
despotes fondues ensemble auroient a peine imagine.
Ce n'est done que comme homme d'etat que j'ai vote, quand j'ai dit que Louis
etoit coupable envers la nation.
Ce n'est done que comme homme d'etat que j'ai vote, quand j'ai renvoye au
people la sanction du jugement a rendre, & je n'ai vote ainsi que parce que j'ai
cru qu'il n'appartenoit qu'au souverain de prononcer definitivement; que parce
que j'ai cru que pretendre priver le people de ce droit, etoit un attentat a la
souverainete national; principle reconnu par la Convention elle-meme, de la
maniere la plus positive, puisqu'elle a soumis a la sanction du people la
constitution qu'elle doit lui donner.
Ce n'est done pareillement que comme homme d'etat que je vote, en proposant,
comme measure de sirete general, que Louis humilie, que Louis abattu, que
Louis qui ne peut plus nuire, soit condamne a la reclusion durant toute la guerre,
& au bannissement a la paix.
Voila ce que me dictent I'amour de mon pays, le salut de la Republique, &
I'honneur d'une nation don't je suis orgueilleux d'etre membre, d'une nation trop
fire pour etre accessible a la crainte, trop grande pour descendre jusqu'a la
vengeance.
Que Louis vive pour servir d'exemple & d'obstacle a ces hommes ambitieux
qu'un tr6ne, tout reverse qu'il est, pourroit tenter encore, & qui bient6t peut-etre
calculeroient les moyens d'en reunir les debris.
Qu'il vive pour tromper I'espoir des puissances errangeres qui le dedaignent, des
emigres qui le derestent, de Rome qui voudroit deja I'avoir beatific, des factieux
qui nous entourent, & des Cromwell qui les dirigent.
DE L'IMPRIMERIE NATIONAL.
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