Citation
Mission à La Havane

Material Information

Title:
Mission à La Havane notes et souvenirs, 1942-1945
Creator:
Bervin, Antoine
Place of Publication:
Switzerland
Publisher:
[s.n.]
Publication Date:
Language:
French
Edition:
Collection du sequicentenaire de l’indépendance d’Haïti
Physical Description:
136 p. : illus. ; 21cm.

Subjects

Subjects / Keywords:
Foreign relations -- Haiti -- Cuba ( lcsh )
Foreign relations -- Cuba -- Haiti ( lcsh )
Diplomacy -- Haiti -- 20th Century
Spatial Coverage:
Cuba
Haiti

Record Information

Source Institution:
University of Florida
Holding Location:
University of Florida
Rights Management:
All applicable rights reserved by the source institution and holding location.
Resource Identifier:
AAP1945 ( LTUF )
01581442 ( OCLC )
023194547 ( AlephBibNum )
55021740 ( LCCN )

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Full Text


ANTOINE BERVIN


MISSION

A LA HAVANE

NOTES ET SOUVENIRS
1942-1945









COLLECTION DU SESQUICENTENAIRE
DE L'INDPENDANCE D'HAITI








7~ r raP
r I i


s-


, 1


SIATIN
AMERICA

DU MME AUTEUR:

SLouis-Edouard Pouget, Diplomate, Tribun et Homme d'Etat, Socit
d'Editions et de Librairie (Port-au-Prince, Haiti).


A paratre prochainement:


SPantal Paris ,.
Les Causeries du Matin .


















Si je n'avais plus de Patrie, c'est Cuba que j'adopterais.

LOUIS-EDOUARD POUGET











DEUX MOTS AU LECTEUR


Mission La Havane devait paratre depuis 1946, mais
par malheur, dans un de mes nombreux dplacements, j'avais
egar le calepin contenant mes notes personnelles et l'album des
souvenirs accumuls pendant mon sjour Cuba. C'est grace
M. Egon Helmcke, que j'ai plaisir remercier ici, qu'il m'a
t possible de retrouver, au mois de fvrier dernier, tous ces
papers.
On la lira, je l'espre, comme le simple rcit d'une mission,
mene dans la capital cubaine, d'ordre du Gouvernement Hatien.
Les dmarches qui y sont rappeles retrouvent travers le temps
d'identiques initiatives auxquelles je m'tais livr titre per-
sonnel, dans plusieurs pays, notamment Paris, de 1926 z19o;
Port-au-Prince, de 1933 1937, sous l'gide du Rotary-
Club, o j'avais group quelques-uns des plus brillants chan-
tillons de l'intellectualit hatienne; Montral et Qubec
en 1938, et dans dix-sept villes des Etats-Unis, plus particuli-
rement dans les Etats de la Nouvelle-Angleterre, o les Franco-
Amricains montrrent un bel enthousiasme s'initier l'histoire
de notre pays. C'est tout ce travail que faisait allusion notre
minent concitoyen, M. Dants Bellegarde, en disant : Ce que
vous faites en ce moment La Havane, vous l'aveZ fait avec la
mme nergie et le mme succs un moment o vous n'occupieg
aucune function offcielle. Tous ceux qui vous connaissent savaient







par consequent que votre situation actuelle vous offrait simplement
l'occasion, sur un champ dtermin, de mettre au service d'Hati
vos dons exceptionnels. Les clippings que vous aveZ eu la bont
de m'envoyer sont venus confirmer ce que je pensais de votre bien-
faisante activity pour le renom de notre pays.
La cooperation intellectuelle entire nos compatriotes d'une
part, et entire ces derniers et les trangers d'autre part, a tou-
jours constitu l'axe de mes activits publiques : jy ai toujours
recherch une formule d'entente et de collaboration pour parvenir
l'harmonie entire les esprits. Est-ce peut-tre pour cette raison
que notre Lgation Paris, sous la direction du ministry Yrech
Chtelain, voulut bien me recommander la Commission Inter-
nationale de Coopration Intellectuelle pour organiser en Hati
la cellule national de cette activity mise au service de la paix,
et que plus tard le Prsident Lescot me confia le Service des
Relations Culturelles du Dpartement des Relations Ext-
rieures ?
Malheureusement, ce Service, cr pendant la guerre, n'eut
pas le rayonnement voulu, parce que la pense national tait ce
moment-l, tourne vers d'autres proccupations. Ensuite, selon
les normes des affaires de chez nous, ce service, lgalement tabli,
n'eut aucun budget special devant permettre son fonctionnement
et sa mise en valeur. On ne comprit pas que les auvres les plus
nobles, comme n'importe quelle autre activity humaine, sont assu-
jetties aux servitudes financires et qu'ilfallait prvoir une alloca-
tion budgtaire, mme modest, pour permettre cette section
du ministre de s'affirmer l'intrieur comme l'extrieur.
Ce Service, bien dirig, jouissant d'une certain independence
et ayant un caractre apolitique, aurait pu s'adresser toutes
les valeurs hatiennes, sans aucune consideration de la position
politique de chacun, et raliser la conjunction si desirable entire
tous les lments nationaux, sur le plan suprieur de la culture.
Il devait se consacrer: iz tablir la nomenclature gnrale des






socits culturelles existantes dans le pays, en dterminant leur
programme propre et leurs buts, pour pouvoir btir l'Annuaire
Culturel d'Hati; 20 faciliter la ralisation des ditsprogrammes
en permettant la diffusion des euvres de leurs adhrents, avec la
cooperation financire du gouvernement; 30 provoquer chaque
anne de grande assises culturelles, des lettres, des sciences et des
arts, auxquelles particperaient les nationaux et les trangers,
et chaque fois dans une ville diffrente ; 40 organiser des concours
cultures de tous genres, de fafon encourager positivement les
intellectuals hatiens; 5o crer une Caisse Universitaire au
profit des Etudiants, prendre des dispositions pour des voyages,
des concours, etc. Toutes initiatives qui seraient portes au credit
du gouvernement et qui viendraient fixer la personnalit culturelle
hatienne.
Ayant manqu l'occasion de faire valoir ce Service, tel que je
le comprenais moi-mme et tel que l'avait defini la loi organique
du Ministre des Relations Extrieures, ayant quitt la function,
j'ai essay de me reprendre sur un terrain plus limit en la capital
cubaine.
Pendant trois ans je me consacrai totalement l'euvre de
rapprochement Haitiano-Cubain. Toutes mes activits tendirent
susciter de l'intrt, puis de l'amiti pour notre cher petit pays.
J'eus par la suite le bonheur d'entendre, dans des milieux divers,
les Cubains s'entretenir d'Hati avec sympathie.
Tout ce que j'ai fait, au course de ma mission, je l'ai fait avec
le plus haut souci du devoir et de la correction envers la commu-
naut que je reprsentais.
Ai-je repondu l'attente de mon Gouvernement et du Peuple
Hatien ? Les lecteurs en jugeront.
ANTOINE BERVIN
Ptionville, le 20 Mars I9 2.






CHAPITRE PREMIER


PRMICES DE LA MISSION
Convocation prsidentielle. Nomination au poste de La Havane. Visite
quelques personnalits. Dpart pour Santiago de Cuba. Prise de contact avec
le Chancelier Cubain Jos Agustin Martinez.


Souvent l'inattendu arrive dans la vie des peuples
comme dans celle des hommes. Un dimanche de septem-
bre 1942, l'heure de la sieste, je lisais un trs beau livre:
Marie-Madeleine, celle qui a beaucoup aim, quand soudain
la sonnerie du tlphone retentit: Ici l'Officier d'ordon-
nance du Prsident de la Rpublique, le Lieutenant Baze-
lais. Le Prsident vous demand, si vous pouvez venir le
voir l'instant mme.
Par une chance extraordinaire, ce dimanche vers 3 heures
j'ai pu trouver une ligne1 et vingt minutes plus tard
j'tais chez le Chef de l'Etat. Je le trouvai assis dans un
fauteuil sur la terrasse suprieure du Manoir des Lau-
riers . C'est devant un panorama splendid qui s'tend de
la plaine du Cul-de-Sac et la baie de Port-au-Prince jus-
qu'au Mome-de-l'Hpital, que le Prsident Elie Lescot
m'accueillit avec son affabilit coutumire, toute de charge
et d'lgance.
J'ai l'impression de vous avoir appel un mauvais
moment, me dit le Prsident, mais je ne veux pas diffrer
davantage ce que j'ai vous dire. J'ai pens vous, mon
cher Bervin !

1 Voiture publique.







Voil une parole bien agrable, remarquai-je, que
de s'entendre dire par des lvres prsidentielles: J'ai
pens vous I C'est comme un tonique effet rapide.
J'ai du travail pour vous. Je vais faire incessamment
quelques remaniements diplomatiques et j'ai pens vous
pour tre Charg d'Affaires d'Haiti Cuba, en vous deman-
dant d'ouvrir des pourparlers avec la Chancellerie Cubaine
pour qu'elle nomme en Hati un Ministre Plnipotentiaire.
Sitt que ce sera fait, je vous lverai galement au rang
de Ministre.
Je demandai au Prsident quand ma nomination devin-
drait effective. M. Lescot voulut bien me dire qu'elle
prendrait date au Ier octobre, c'est--dire dans deux semai-
nes, et me demand d'en garder le secret quelques jours,
afin d'viter les habituelles intrigues des jaloux et des
envieux.
Cuba est un pays charmant, reprit le Prsident.
Je suis sr que vous vous ferez trs bien La Havane. Je
vous ai choisi dans le but de nous faire connatre et aimer
dans ce magnifique pays. On s'imagine tort l-bas que
tous les Hatiens sont des coupeurs de canne.
Si je comprends bien, mon cher Prsident, c'est une
mission caractre moral et cultural que vous me confiez
l. Je vais m'y consacrer de tout ceur, avec tout mon
enthousiasme. J'en suis trs fier et vous suis trs recon-
naissant.
Aprs mon dpart du Manoir des Lauriers , je rentrai
directement chez moi o je laissai pousser ma barbe pen-
dant quelques jours, afin d'viter toute tentation de sortir
et de subir des interviews intempestives. Mais hlas, en
Haiti quoi qu'on fasse, on n'chappe pas la curiosity de
son entourage. Bien que je me contraignisse faire le
malade mais un malade trop joyeux, il est vrai on finit







par dcouvrir que je n'tais nullement souffrant comme je
voulais le faire accroire et que c'tait une petite comdie
que je jouais. Tout comme le Cur de Mirebalais qui vou-
lut fire une retraite chez les Trappistes mais, ne pouvant
y rester jusqu'au bout, alla demander au Suprieur de
l'Ordre de le dlier de son serment, je m'en retournai au
Manoir des Lauriers et priai le Prsident de m'autoriser
annoncer la nouvelle s'il tait toujours rsolu me nom-
mer au poste de Cuba. Le Prsident Lescot, bienveillant
son ordinaire, me releva de ma promesse de discretion.
Sur l'heure, je me rendis la Lgation de Cuba annoncer
ma nomination mon collgue cubain: M. Avelino Caafal
y Barrachina. Il apprit la nouvelle avec plaisir.
Ma deuxime visit fut pour mon distingu prdces-
seur, M. Llio Mallebranche, avec qui j'entretiens les rela-
tions les plus cordiales depuis nombre d'annes et qui
occupait lui-mme le double poste de Cuba et du Mexique,
avec le grade de Ministre Plnipotentiaire.
Mes collgues du Dpartement des Relations Ext-
rieures furent heureux de ma nomination. Et le Chef du
Service de l'Amrique Latine, M. Jacques Lger, me mit
avec un cordial empressement au courant des affaires pen-
dantes entire les Chancelleries Cubaine et Hatienne. J'aban-
donnais la Secrtairerie d'Etat des Relations Extrieures,
le poste de Chef du Service du Tourisme et des Relations
Culturelles, o j'avais contribu, en juillet 1942, fonder
avec le Dr Clovis Kernisan et M. Horace Ashton, Attach
Culturel l'Ambassade des Etats-Unis, l'Institut Hatiano-
Amricain, qui demeure en Haiti le vivant trait d'union
entire les deux plus vieilles dmocraties du continent.
Le 29 septembre, je faisais mes adieux mes collgues
du Dpartement et mes amis du Comit Directeur de
l'Institut.








Le 3 octobre, le jour mme de mon dpart, nous appr-
mes avec tristesse la nouvelle d'un tragique accident sur-
venu la veille un hydravion de la Pan American Airways
qui s'tait bris dans la baie de Santiago de Cuba, accident
qui cota la vie aux membres de l'quipage et plusieurs
passagers. On peut imaginer quelle fut mon motion lors-
que je m'embarquai bord de l'hydravion qui devait tre
le dernier employ sur cette ligne. C'tait de plus mon
baptme de l'air. La traverse, heureusement, ne dura pas
plus d'une heure et nous amerrissions sans encombre dans
la magnifique rade de Santiago, o quarante-quatre ans
auparavant prenait fin la fameuse guerre Hispano-Amri-
caine par la dfaite de la flotte espagnole de l'Amiral
Cervera.
Voulant me familiariser avec le people auprs duquel je
venais d'tre accrdit, je dcidai de gagner La Havane par
le chemin de fer qui traverse les cinq grandes provinces
d'Oriente, Camaguey, Santa-Clara, Matanzas et La Havane.
Voyage pittoresque qui dura dix-huit heures, travers
des champs de canne et des prairies immense qui s'ten-
dent perte de vue sur 750 kilomtres de distance.
Un dimanche matin, mon convoi entra en gare de La
Havane, o M. Jean Mallebranche, fils et secrtaire de
l'ex-ministre, tait venu m'accueillir. Il avait eu la bonne
ide de ne pas prvenir le protocole. En bon catholique,
il m'emmena la descent du train faire mes dvotions
dominicales dans une Eglise splendid: Notre-Dame de
Monserrate. Le lendemain nous dressions ensemble
l'inventaire du mobilier et des archives de la Lgation et
je notifiais mon arrive la Chancellerie Cubaine. Deux
jours aprs, j'tais reu par le Ministre d'Etat, le DrJos
Agustin Martinez. Le Chancelier Cubain m'accueillit trs
protocolairement et je lui remis les lettres de Cabinet que





















































i. Vue gnrale de La Havane, prise de la forteresse de la Cabafa.
















ge


2. ELIE LESCOT
Ancien Prsident d'Haiti,
fervent protagoniste des relations culturelles internationales,
et particulirement de l'Amiti Haitiano-Cubaine.







m'avait dlivres notre Secrtaire d'Etat aux Relations
Extrieures, M. Serge Lon Defly. Aprs lecture, le diplo-
mate cubain se montra plus ouvert qu'au dbut. Il me
souhaita la bienvenue dans son pays et forma, selon l'usage,
des vux pour le succs de ma mission La Havane.
A mon tour, je lui dis peu prs ceci:
Monsieur le Ministre, je suis infiniment heureux
d'inaugurer ma carrire diplomatique dans votre glorieux
pays. Je suis heureux aussi de prendre contact avec Votre
Excellence, don't j'admire la brillante carrire. Je suis pro-
fondment sensible votre accueil et il m'encourage
vous demander votre prcieux concours dans l'accom-
plissement de ma mission ici. Son Excellence M. le Prsi-
dent de la Rpublique d'Haiti, en m'honorant de sa haute
confiance, m'a particulirement recommand de faire
mieux connatre au people cubain l'histoire de notre pays
qui prsente tant de liens communs avec celle du vtre et
les efforts que nous ne cessons de dployer pour assurer
notre chre Hati la place laquelle elle a droit dans la
socit des Nations. A cette fin, je me propose d'entrepren-
dre une srie de visits dans les centres universitaires et
culturels de La Havane. Le Prsident Lescot m'a gale-
ment charge de faire aimer le people hatien du people
de Cuba. Autrement dit, je viens ici pour chercher le
chemin du ceur et de l'esprit du people cubain. Je vous
prie instamment de m'aider raliser cette noble mission.
Son Excellence M. le Dr Jos Agustin Martinez se mon-
tra visiblement enchant de cette nouvelle conception de
la mission diplomatique qui ne consistait pas seulement
expdier les affaires de Chancellerie, maintenir des rela-
tions officielles et cordiales avec le Ministre d'Etat, et les
hautes autorits, mais encore cultiver les affinits du
ceur et de l'esprit entire nos deux peuples. Il me promit







tout son concours et en fait il m'aida largement affermir
les relations entire Hati et la Rpublique de Cuba. Il voulut
bien me dire, je m'en souviens encore avec fiert, que
Hati avait le droit d'tre connue, estime et admire, non
seulement de Cuba, qui est sa voisine, mais aussi de tous
les peuples d'Amrique, pour la place important qu'elle
a tenue dans les rapports de tous les peuples du Nouveau-
Monde entire eux. Par son action efficace et sa discrte
amabilit, le Dr Jos Agustin Martinez devait s'affirmer
un ami fidle de notre pays.







CHAPITRE II


LA MISSION COMMENCE
Visite au Prsident Fulgencio Batista. Prise de contact avec le Corps Diploma-
tique. Visite la Presse. Rception dans les Associations et Institutions Natio-
nales Cubaines. Ouverture de la mission de rapprochement cultural.


En pregnant cong du Ministre d'Etat, dans le climate le
plus cordial, j'exprimai le dsir de prsenter mes respects
au President de la Rpublique de Cuba. Le Dr Jos Agus-
tin Martinez promit de m'obtenir une audience prive
dans le plus court dlai. En effet, quatre jours aprs, je
fus inform par le Service du Protocole que je serais admis
prsenter mes hommages au Premier Magistrat de Cuba,
Son Excellence le Major-Gnral Fulgencio Batista y
Zaldivar. Je fus accueilli l'entre du Palais de la Prsi-
dence par le Chef du Protocole, M. Pedro Rodriguez
Capote, qui dirige son service avec un tact et une minute
admirables, depuis prs de quinze ans. Ds que j'eus
pass le seuil du bureau du Prsident, le Gnral Batista,
les bras ouverts, m'interpella avec une vive cordialit:
Como esta Ud. Sefior Encargado de Negocios? Cet
accueil particulirement aimable me mit en confiance en
presence du Chef de l'Etat. Je dis donc au Prsident, la
faveur de la cordialit qu'il me montra, l'objet de la mis-
sion don't m'avait honor le Prsident d'Haiti, et mon
intention de l'largir de plus en plus par des changes de
professeurs, de confrenciers, d'artistes et d'tudiants des
deux pays. Et comme j'avais t inform auparavant de
l'oeuvre magnifique que le Prsident Batista avait fonde







Ceiba del Agua, quelque cinquante kilomtres de dis-
tance de la capital, avec l'Instituto Civico-Militar, actuelle-
ment dnomm Instituto Tecnicologico de Ceiba del
Agua , j'en profitai pour lui faire l'loge de cette institu-
tion o l'on enseignait les mtiers les plus divers aux
jeunes gens des deux sexes, et lui souligner l'intrt que
nous aurions y faire admettre quelques jeunes Hatiens.
Je fis comprendre au Prsident que tout le problme hatien
se ramenait la formation technique des gnrations mon-
tantes et que nous lui saurions gr de nous aider pr-
parer quelques lments qui seraient dsigns par notre
Ministre de l'Education. Le Prsident Fulgencio Batista
se rvla un grand ami d'Hati, non pas un ami de circons-
tance comme nous en comptons quelques-uns dans nos
relations internationales, mais un ami comprhensif et
diligent. Il donna des instructions personnelles au Direc-
teur de l'Institution, le Dr Gustavo Bock, pour recevoir
quatre jeunes Hatiens, en plus des deux boursiers qui s'y
trouvaient dj, et m'autorisa lui demander audience
toutes les fois qu'il y aurait une occasion d'tre agrable
la Rpublique d'Hati. De cette premiere entrevue, je
suis sorti littralement conquis par la sympathie que me
tmoigna l'minent Chef d'Etat Cubain. Le Directeur du
Protocole, en me reconduisant, me souffla l'oreille que
j'tais un diplomat chanceux, car le Prsident Batista
n'accordait jamais de si longs entretiens aux Chargs
d'Affaires. Je fis comprendre au Dr Capote que la sympa-
thie du Prsident allait surtout au pays que je reprsentais
et non mon humble personnel.
Par la suite, j'ai toujours eu l'impression que le Prsi-
dent Batista devait parler souvent d'Hati son entourage,
car j'avais fini par observer que plusieurs ministres de
son Gouvernement me manifestaient ouvertement leur







sympathie, notamment son Premier Ministre, le Dr Ramon
Zaydin, les D' Ramon Vasconcelos et Ruben Dario
Rodriguez, deux Ministres de l'Education, sans parler
videmment des ministres des Relations Extrieures qu'
Cuba on appelle ministres d'Etat. Ds lors, officiellement
accrdit auprs du Gouvernement Cubain et mes devoirs
remplis auprs des deux plus important personnages du
pays, il ne me restait qu' entrer en action. J'tais peine
depuis dix jours La Havane, encore pris par les visits
aux membres du Corps Diplomatique, nombreux dans
cette capital, et aux Autorits Cubaines don't la liste
m'avait t fournie par le Protocole, qu'il m'chait
d'accueillir, coup sur coup, mon regrett collgue Jacques
Roumain, nomm la mme date que moi Charg d'Affai-
res Mexico, en route pour son poste; le Dr Jean Price-
Mars, snateur de la Rpublique, et M. Edmond Man-
gons, Maire de Port-au-Prince, venus en la capital
cubaine titre de Dlgus au Congrs Interamricain
Historico-Municipal. Et en mme temps, je recevais de
mon ct, notification du Dpartement des Relations
Extrieures que j'tais nomm Dlgu d'Hati au Premier
Congrs International des Archivistes, Bibliothcaires et
Conservateurs de Muses des Carabes qui devait se tenir
du 14 au 18 octobre 1942, La Havane. Tir donc hue
et dia au milieu de ces activits diffrentes, en plein
dmnagement du local de la Lgation, dsign par sur-
croit comme Prsident de la Commission des Muses au
susdit Congrs, sollicit de donner des interviews aux
journalists dj informs du caractre de ma mission dans
leur pays, mais dsireux d'avoir de plus amples indica-
tions pour leurs lecteurs, oblig de prter assistance des
Hatiens qui arrivaient malades in extremis, n'ayant comme
unique agence de renseignements que leur Lgation







confondue avec leur Consulat, rduit tout faire par moi-
mme, car Charg d'Affaires et Consul Gnral en mme
temps, j'tais sans secrtaire, sans dactylographe, sans
automobile, seul dans une maison avec un traitement
drisoire, recevant des demands de toutes sortes d'une
colonie hatienne comptant plus de 80 000 travailleurs
que se partageaient les usines, les champs, les hpitaux
et les prisons; c'est au milieu de cette situation inextricable
que je recevais du Ministre des Relations Extrieures
d'Hati deux dpches conscutives me demandant: O
en tes-vous avec la reclamation Flix Alphonse? Voil
dans quelle atmosphere extraordinaire, dans une ville o
la vie est excessivement chre, j'inaugurais ma mission
don't les objectifs dominants taient d'ordre moral et
intellectual.



Malgr toutes ces misres et l'incomprhension des
hommes, il fallait quand mme aller de l'avant, car une
mission diplomatique comporte un impratif semblable
celui d'un ordre militaire. Ayant accept la mission, je
devais la remplir jusqu'au bout selon l'engagement moral
que j'avais pris envers moi-mme d'abord et ensuite,
envers le pays et le Prsident de la Rpublique. Donc,
aprs l'accomplissement de mes devoirs officials, j'orientai
mes dmarches naturellement vers la press avec laquelle
on doit absolument computer pour une mission de ce
genre. Les journaux cubains, qui sont probablement au
nombre de quarante, me firent le plus enthousiaste et
chaleureux accueil. Ils m'aidrent gnreusement dans
tout ce que j'avais cru devoir entreprendre pour le rappro-
chement moral, intellectual et conomique des deux pays.







Ils finirent par crer vritablement entire Hatiens et
Cubains, le climate de fraternity ncessaire. La press
cubaine tant libre dans toute l'acception du mot, et habi-
tue dire sa vrit chacun, depuis le Chef de l'Etat
jusqu'au vendeur de billets de loterie, n'tant pas une
press vnale qui vend sa conscience et son autorit pour
un morceau de pain, l'on prouve ds lors une profonde
satisfaction, comparable une grce, quand on reoit des
loges ou des marques d'encouragement de la part d'une
institution qui s'est leve par ses vertus morales au rang
d'un Temple de la Justice. La Presse Cubaine, donc, en
dpit des critiques acerbes qu'elle met parfois contre la
colonie hatienne travaillant dans les usines sucrires
- critiques qui sont, comme je l'ai dit, la marque de son
indpendance est nanmoins minemment sympathique
Hati et aux Hatiens. Elle publia de nombreuses notes,
des tudes et articles de tous genres, marqus de l'esprit
le plus bienveillant et amical l'endroit de notre pays.
J'en porte aujourd'hui le tmoignage public, aprs six
ans, en manire de gratitude, afin que chaque Hatien le
sache, en partageant avec moi la reconnaissance laquelle
elle a droit. Aussi, me fis-je le devoir au nom du peu-
ple hatien, l'annonce de la mort d'un grand Cubain,
le Dr Jos Ignacio Rivero, Directeur et propritaire du
Diario de la Marina, journalist d'une trs grande valeur
morale, don't la disparition avait pris les proportions d'un
deuil national et mme continental, d'aller mler mes
larmes celles d'une foule innombrable qui dfila, mue
et silencieuse, devant la dpouille mortelle expose au
bureau du journal.
*








J'exposai donc mes vues amplement par le truchement
des quotidiens et des revues. Des Associations presti-
gieuses et des Stations de Radio m'invitrent prendre la
parole chez elles pour prsenter le programme que j'avais
labor. En fait, je fis une tourne gnrale et complete
travers toutes les institutions existantes La Havane.
J'y prononai maints discours et conferences pour faire
ressortir la beaut de l'extraordinaire pope hatienne
pendant les luttes de l'Indpendance, l'organisation poli-
tique et social d'Hati, notre systme scolaire, nos possi-
bilits conomiques, le dveloppement de nos diffrentes
classes sous l'influence des disciplines morales et intel-
lectuelles franaises, enfin le dsir de cooperation inter-
nationale qui anime le people hatien avec tous les pays
en gnral et plus particulirement avec les Etats Amri-
cains. Bref, tous sujets capable d'intresser tel ou tel
auditoire selon son genre et son caractre particuliers.
Le Centro Asturiano de La Havane fut le premier

1Discours prononc au Centro Asturiano.
Monsieur le Prsident, Messieurs,
C'est avec une joie reconnaissante que je reois l'accueil du Centro Asturiano
de La Havane. Cet accueil marqu d'une si parfaite distinction que vous avez
voulu rserver au Reprsentant diplomatique d'Haiti Cuba, est un hommage
tellement touchant, tellement solennel que je sens qu'il s'adresse mon pays
travers ma modest personnel. C'est sous l'empire de cette consideration que j'ai
l'honneur de vous prier d'accepter, Monsieur le Prsident, Messieurs les membres,
le salut cordial et reconnaissant de la Rpublique d'Haiti ainsi que mes sentiments
de gratitude personnelle.
Cette crmonie qui nous rassemble ce soir, au course de la session spciale du
Comit Directeur de votre Socit, trouve sa signification particulire, Messieurs,
dans le fait que l'humanit entire vit en ce moment une heure d'angoisse pro-
fonde qui porte naturellement les hommes se runir, comme les membres d'une
grande famille, pour mettre en commun leurs inquitudes, leurs afflictions et
confondre ensemble leurs mmes esprances.
Pour ma part, je suis venu dans ce pays qui m'a accueilli avec une bienveillance
extreme, au service d'une ide. D'une ide gnreuse tous gards, essentiellement
humaine: celle de mettre en contact direct, les diffrentes collectivits haitiennes
avec celles correspondantes de la Rpublique de Cuba. J'entends par l, les

























































3. Jos AGUSTIN MARTINEZ
Ancien Ministre d'Etat, juriste minent, grand ami d'Hati.


























































4. FULGENCIO BATISTA ZALDIVAR
President de Cuba, leader dmocrate et social, btisseur et rformateur,
modle respectueux des normes dmocratiques, grand ami d'Hati.








Associations, les organizations de toutes sortes, d'crivains et d'artistes, de profes-
seurs et d'tudiants, de commerants et d'industriels de toutes categories qui
contribuent par leurs travaux et leurs ralisations respective former la gran-
deur morale et matrielle des deux Rpubliques du Bassin des Caraibes.
Aussi bien, Messieurs, vous comprendrez facilement la satisfaction que
j'prouve en me trouvant parmi vous au Centro Asturiano de La Havane qui
constitute une brillante parure intellectuelle de votre belle capital, autant qu'une
organisation de haute porte social avec son Centre Mdical de Covadonga
qu'on cite partout comme tant un modle unique dans la mer des Antilles. Les
course classiques dispenss, ici mme, dans cette maison, au bnfice moral des
enfants de vos collgues, l'troite collaboration tablie avec les Corporations qui
la sollicitent, sont autant de ralisations qui affirment nettement l'autorit de votre
Association.
Ainsi donc, le Centro Asturiano, si je comprends bien son programme, s'iden-
tifie de plus en plus, par ses initiatives, autant que par le nombre et la haute qua-
lit de ses adhrents, aux aspirations du people de ce pays, ralisant de cette faon,
par un curieux phnomne d'endosmose social, une just conception de l'esprit
international, tel que le dfinit admirablement l'honorable Prsident de l'Univer-
sit de Columbia. L'esprit international, prcise l'minent Dr Nicholas Murray
Butler, n'est autre chose que l'habitude de penser aux relations et aux affaires
extrieures, l'habitude de les traiter en considrant les diverse nations du monde
civilis comme des gales et des amis cooprant au progrs de la civilisation, au
dveloppement du commerce et de l'industrie, la diffusion de la lumire et de
l'ducation dans le monde. C'est exactement, Messieurs, la politique et les
dmarches gnreusement suivies par votre magnifique socit. Aussi, m'est-il
particulirement agrable d'lever ma voix ce soir au milieu de ceux qui ont
patiemment labor ce plan et l'ont ralis, en confondant leurs nergies et leurs
sympathies dans une action identique pour le bien d'une uvre hautement mri-
toire qui leur assure la consideration et le respect de ceux qui vivent avec eux et
autour d'eux.
Nous sommes, Messieurs, quelques jours d'une anne qui s'achve et d'une
autre qui va commencer. Une vieille tradition veut qu'en pareille circonstance on
forme des vaux ; je me rjouis donc infiniment de me trouver avec vous cette
heure. Permettez-moi, avec toute la sincrit qui caractrise une amiti relle,
quoique nouvelle, de former des souhaits pour la grandeur et la prosprit de
votre socit. Je forme avec toute la ferveur de mon me des voux pour que
cette cooperation naissante entire le Centro Asturiano et la Lgation d'Hati La
Havane se fortifie et se dveloppe avec toute la vigueur qui convient deux orga-
nismes conscients de leurs devoirs et de leur mission social respective.

m'accueillir en sance solennelle tenue dans ses splendides
salons donnant sur le Parc Central. Une visit eut lieu
galement au Centro Medical de Covadonga , attach
la mme socit, et ce fut l l'ouverture d'une grande
croisade d'amiti en faveur d'Hati, dans toutes les Socits
de La Havane. L'Association des Ecrivains et des Artistes,









le Club Atenas, Union Fraternali, les Ecoles Techniques
Fondacion Rosalia Abreu et Gnral Jos B. Aleman ,

1 Discours prononc l'Union Fraternelle.
Monsieur le Prsident,
Mesdames, Messieurs,
L'accueil que vous me faites ce soir avec tant de bont, n'est pas le premier de
ce genre que je reois depuis que je me trouve dans cette mtropole, ce qui signifie
que je suis redevable une fois de plus la socit cubaine d'une nouvelle courtoisie.
Bien que je sois enchant de ces dlicates attentions prodigues avec une distinc-
tion raffine, je suis loin de penser qu'elles s'adressent mes mrites personnel.
Elles sont plutt la demonstration mouvante de la fraternity qui existe entire la
Rpublique de Cuba et la Rpublique d'Haiti, unie la vtre par des liens histo-
riques, des origins identiques et des aspirations dmocratiques similaires. De
ces hommages collectifs qui montent de toutes parts, des centres officials aussi
bien que privs de La Havane, qui tmoignent de cette gnrosit caractristique
de la socit cubaine, je garderai le plus fervent souvenir, car ils s'adressent, avant
tout ma patrie bien-aime.
Aussi, Mesdames, Messieurs, vous voudrez bien me permettre de m'inspirer
de la fiert que procure ce privilege au Reprsentant diplomatique d'Haiti, de vous
offrir le salut le plus affectueux de mon pays et le tmoignage public et sincere de
ma gratitude envers l'Association sous l'gide de laquelle nous sommes assem-
bls en ce moment. Je suis d'autant plus reconnaissant de toutes ces marques
d'amiti, qu'elles viennent faciliter en quelque sorte, et dans une large measure,
l'oeuvre que je poursuis ici et qui par une coincidence assez curieuse pourrait bien
prendre pour titre celui-l mme qui est inscrit en lettres d'or au fronton de votre
socit: Union Fraternelle. Mission d'union fraternelle entire Cuba et Haiti; mission
de cooperation fraternelle appele mettre en commun l'immense trsor cul-
turel accumul par les philosophes, les crivains, les penseurs de tous genres;
mission d'union fraternelle par l'change rciproque des ducateurs, des con-
frenciers, des universitaires et des publicistes, afin d'tudier nos tournures
d'esprit particulires, nos faons de penser, d'agir et de ragir devant tel
problme ou tel vnement de la vie national ou international ; mission
d'union fraternelle de rapprochement des potes, des artistes, des musicians
cubains et haitiens, par une comprehension mutuelle de nos lans psychologiques
et sentimentaux ; mission d'union fraternelle entire les hommes d'Etat et les
hommes politiques, entire les conomistes, les commerants et les industries, en
vue d'une solution lgante et humaine des problmes de tous genres soumis
leur consideration, plus compatible et plus digne de l'idal des peuples qui se
rclament de la civilisation chrtienne. Mission d'union fraternelle enfin, entire
tous les hommes, de toutes les races, de toutes les religions et de toutes les natio-
nalits, sous l'gide de Dieu, du Droit et de la Justice, pour l'affirmation de leur
personnalit, sous l'immortelle trilogie: Libert, Egalit, Fraternit. N'est-ce pas
un ancien et minent Chancelier Cubain, le grand ami d'Haiti, le Dr Miguel Angel
Campa, qui, solennellement proclama, la face de l'Hmisphre Occidental, la
clbre Runion Consultative de Panama que: Notre continent tait un conti-
nent de paix, de paix fraternelle, de paix dcente, de paix vigilante ? Et pourquoi,







Mesdames, Messieurs, n'en serait-il pas ainsi toujours, aujourd'hui comme hier,
et demain comme aujourd'hui ? L'intelligence et la volont humaines ne s'orien-
teraient-elles constamment que vers des conqutes scientifiques, rien que pour
laisser s'accumuler sur la route du temps des monceaux de cadavres, des ruines
et la dsolation qui fait monter sans cesse les larmes aux yeux des mres et des
pouses ? Non, Messieurs, l'esprit ne se survit que par l'esprance : l'esprance
qui fait frmir nos mes d'allgresse, avec le mme ravissement qu'veille en nous
l'astre majestueux lorsqu'il se lve chaque matin l'horizon du monde. C'est avec
ce sentiment d'esprance que je vous invite contempler par l'esprit, cette fresque
remarquable par l'harmonie et l'lvation de la pense que l'on trouve dans le
glorieux amphithtre de la Sorbonne, Paris, ce Temple du savoir, o Puvis de
Chavanne, artiste si plein d'humanit, montre dans un immense et magnifique jar-
din plus beau encore que celui des reines lgendaires d'Assyrie et de Babylone, les
potes, les philosophes, les artistes et les savants du monde, se promenant sous le
feuillage, s'entretenant avec les Muses, les Nymphes et toute l'immortelle thorie
des divinits fminines, symbolisant la grce, l'amour et la beaut. Les artistes,
Mesdames, Messieurs, ont l'avenir dans la pense. Ils sont les lus de Dieu. Ils
fixent pour nous dans des vers et des tableaux immortels des trenches de civilisa-
tion qui domineront les hommes et les vnements, traverseront victorieusement
les sicles, parce qu'ils doivent, tt ou tard, s'intgrer la ralit humaine.
Elevons nos mes avec une immense et gale ferveur, dgages de tous les
prjugs qui empoisonnent le monde et qui engendrent ses malheurs. Souhaitons
que le genre human se ressaisisse et triomphe enfin de l'gosme, de la haine et de
la brutality sous l'gide universal de votre propre devise : Union fraternelle.

de mme que Los Jovenes del Vals , le Club des Dames
du Vedado, les Femmes d'Amrique accordrent la plus
gnreuse hospitality au Reprsentant d'Haiti. L'Institut
National de Prvision et de Rformes Sociales que dirige
avec tant de dvouement M. Pastor del Rio, organisa
galement une sance acadmique avec projection de films
sur Hati.
Sur ces entrefaites, arriva La Havane, M. Jacques C.
Antoine, Sous-secrtaire d'Etat aux Relations Extrieures,
en voyage priv, qui venait avec sa distinction person-
nelle, contribuer dans une large measure donner un nouvel
clat au renom hatien Cuba. Il prit part ds lors toutes
les crmonies et runions qui se tenaient dans diffrents
secteurs de la capital cubaine en faveur d'Hati. M. Jac-
ques Antoine gagna rapidement l'amiti cubaine, telle
enseigne qu'il dclara en maintes fois qu' il se sentait








vraiment le frre des Cubains et qu' son dpart il empor-
terait un morceau de terre cubaine dans son ceur . Nous
assistmes donc, M. Antoine et moi, l'apothose, pour
ainsi dire, du nom hatien dans les salons et les ceurs des
Cubains.
Le Ministre de l'Education Nationale donna le nom
d'Haiti une Ecole mixte Luyano, au course d'une cr-
monie mouvante. L'Orchestre Municipal excuta la
Dessalinienne et la Bayamesa, des jeunes filles interprtrent
des pieces lyriques et patriotiques d'auteurs hatiens et la
grande potesse cubaine Dolores del Castillo lut un pome
vibrant qu'elle composa pour la circonstance, intitul
Cuba et Hati. D'une si fine sensibility, ce pome d'une
me d'lite est un hommage imprissable l'amiti
hatiano-cubaine. Aussi, je m'en voudrais de ne pas le
transcrire ici pour l'dification et la dlectation de mes
compatriotes :

CUBA ET HAITI
Elles surgirent de la mer,
Comme deux desses vtues d'cumes et de dentelles,
Comme deux perles, faites de nacre et de mer,
Series dans la mme conque,
Comme deux hroines victorieuses,
Iles de paix, augustes souveraines,
Comme deux nids dans le mme arbre,
Comme deux roses sur la mme tige.
Cuba et Haiti Tels ils t'affranchirent
D'autres matres, en lisrant tes drapeaux
Du sang des patriots offert aux gnrations de l'avenir.
Tes champs se couvrirent d'hroisme,
Tes montagnes se montrrent orgueilleuses de voir tes fils
Parmi tes palmes,
Mourir en vainqueurs, et nous donnant leur gloire.
Il y eut Cuba un Marri plein de bravoure,
A l'me pure et simple comme un lis
Qui rvait de voir sa patrie libre
Et ses fils sans matre.
Un Ption, en Haiti, hroique et ferme,
Qui lutta tel un lion dans ses montagnes,







Arracha les esclaves de labme,
Leur donna un tendard et leur forgea une Patrie.
A Cuba, ce Titan hroque et fier
Lutta dans la jungle et parmi les palmes,
Traversa, victorieux, le sentier de l'invasion.
Toussaint Louverture, qui n'hsita jamais
A mettre sa pense et ses actes au service de sa patrie,
Mourut dans un lointain exil,
En pleurant son ciel bleu et ses sveltes palmiers.
Cuba: je t'offre ce que j'ai de meilleur
Dans le fond de mon me.
Haiti, je t'envoie mon affectueuse admiration
Car tu es notre sur !

La Socit des Amis de la Culture Franaise, que pr-
side avec un rare dvouement M. Roberto de La Torre,
associa plus d'une fois le nom d'Haiti aux brillantes mani-
festations culturelles qui eurent lieu au sige de San
Lazaro. L'Union Belge de La Havane, prise dans l'enthou-
siasme qui s'accentuait de plus en plus en faveur de notre
pays, offrit asile au Reprsentant d'Haiti pour rappeler
un auditoire de langue franaise les origins de la nation
hatienne.
A propos de cette conference prononce l'Union
Belge, je voudrais raconter ce qui s'tait pass antrieure-
ment cette sance. Quelques jours avant cette runion,
je recevais la Lgation d'Hati, la visit de l'minent
president de cette socit. M. Praet tait venu me deman-
der de lui fournir quelques souvenirs historiques ou
traits originaux belgo-hatiens pouvant justifier aux yeux
de ses compatriotes, l'entretien d'un Hatien devant un
auditoire belge. Je rpondis mon distingu visiteur que
je n'en savais pas ma connaissance et que j'allais moi-
mme me limiter faire la conference qu'il m'avait deman-
de, sans rien de plus. Mais le soir venu, j'coutai atten-
tivement le discours de M. Praet pour voir comment
lui-mme allait faire la conjunction desirable pour ses









compatriotes. Or, M. Praet se content de se tirer en Nor-
mand en demandant son Ministre, l'honorable Paul
Verstraeten, de me prsenter l'auditoire. Alors, quand
vint mon tour de prendre la parole, je dbutai ainsi:

Excellences, Mesdames, Messieurs,
La semaine dernire, j'ai eu l'honneur de recevoir la Lgation d'Haiti, la
visit de votre distingu president. M. Praet tait venu me demander de lui fournir
quelques indications d'ordre historique, pouvant justifier vos yeux le rapproche-
ment belgo-hatien que nous inaugurons ce soir. Et mon grand dsappointement,
je viens de m'apercevoir par l'audition de son discours de tout l'heure qu'il n'a
pas trouv les motifs valuables pouvant satisfaire les exigences ou la curiosity de
ses compatriotes. Eh bien qu'il me soit permis de dire M. Praet, au seuil de
cette conference que nous plaons volontiers sous l'gide de l'amiti belgo-
haitienne, que s'il lui tait donn d'aller un jour en Haiti ce que je lui souhaite
de tout cour et de se promener travers les rues de notre capital, il y verrait
certaines heures de la journe, dambuler avec grce et nonchalance une thorie
de jeunes Croles, portant jolie capeline et uniform marron qui ne sont autres que
des jeunes filles haitiennes formes par les Seurs Marie de Louvain. Permettez-
moi de dire encore M. Praet que s'il lui tait donn de consulter les Annales
Universitaires de la Belgique, il y verrait au chapitre international que la plupart
des Agronomes haitiens sont diplms de l'Institut Agronomique de Gembloux.
Si ce n'tait l, Mesdames, Messieurs, des titres valables pour un Haitien d'avoir
le droit de prendre la parole devant un auditoire belge, je dirais M. Praet de
consulter les Armes Royales de la Belgique et les Armes Rpublicaines d'Haiti,
il y verrait inscrite en exergue la mme devise : L'Union fait la force. Et si
ce n'tait l des raisons suffisantes d'avoir l'honneur de vous adresser la parole, je
dirais, en dernire analyse, M. Praet, de consulter les replis secrets de son cur
pour dcouvrir avec moi que c'est la mme source du gnie franais que, nous
Haitiens et Belges, nous puisons notre puissance d'motion et de sensibility, nos
lans et nos enthousiasmes, nos motifs de rve et de meditation.

M. Praet revint la tribune pour me serrer la main
avec effusion 1. Jacques Antoine, qui avait assist aussi

1 Le Prsident de l'Union Belge, selon les coutumes de sa socit, m'avait
offer un cachet de 1oo dollars pour la conference prononce au sige de leur
socit. Je dclinai naturellement cette offre et lui demandai de bien vouloir
l'adresser de prfrence aux Seurs Belges de Port-au-Prince qui s'adonnent avec
tant de dvouement l'ducation de nos jeunes filles. Voici en quels terms la
Sur Suprieure de l'Ecole Elie Dubois m'exprima sa gratitude.
Monsieur le Charg d'Affaires,
J'ai t agrablement surprise quand l'autre jour un des messieurs de la Lga-
tion de Cuba est venu me remettre le don gnreux de l'Union Belge. C'est vous
seul que nous devons de bnficier de la charity de nos compatriotes, qui sans vous







ne se seraient jamais douts de notre presence ici. Je veux donc vous en exprimer
toute notre gratitude et celle des heureuses bnficiaires de ces largesses. Je me
fais le devoir d'crire M. Praet et je me permets de recourir votre obligeance
pour faire parvenir ma lettre son destinataire. Je voudrais envoyer au Prsident
de l'Union Belge un tmoignage matriel de notre reconnaissance : une petite
broderie excute par nos lves. Je m'informerai auprs de la Lgation du moyen
de vous faire parvenir cela. Veuillez agrer, je vous prie, Monsieur le Charg
d'Affaires, l'expression de mes meilleurs sentiments. S M. LUcIEm
SOuK M. LUcIENNE
Suprieure.
cette runion, me flicita chaleureusement pour la prsen-
tation inattendue que je venais de faire de notre histoire
national.
La croisade tait lance, elle tait en plein dveloppe-
ment. Par une inspiration heureuse, le Prsident Lescot
avait suscit un movement semblable Port-au-Prince.
On vit dfiler dans notre capital les plus belles illustra-
tions du monde intellectual franais: Jacques Maritain,
Andr Maurois, Me Henri Torrs, Mme Genevive Tabouis,
le Gnral Le Dantec, Henri de Krillis, la Troupe Louis
Jouvet, Aim Csaire, Andr Breton, la Mission Pasteur
Vallery-Radot, Jacques Soustelle et l'ancien Premier
Ministre Belge M. Paul Van Zeeland. Tous contriburent,
selon leur talent, leur spcialit et leur prestige, aux plus
grandioses manifestations intellectuelles franco-hatiennes
don't jusqu'alors Port-au-Prince ait jamais t le thtre.
L'action de rapprochement Cubano-Hatien ne connais-
sait pas de relche. Elle se dveloppait harmonieuse,
diverse, dans ses manifestations, entoure de la bonne
grce de tous. Par ses aspects varis, elle ne cessa de tenir
en haleine les Cubains, particulirement clectiques dans
leur got et leur appreciation. C'est dans ces circonstances
si favorables que, pour rpondre au dsir de nombreux
Cubains, l'Ingnieur Gustavo Urrutia et le Dr Hugo
Camejo Farfan, deux ardents protagonistes de l'Amiti
Hatiano-Cubaine, se joignirent moi pour crer l'Institut








Cubano-Hatien de Relations Culturelles, avec le premier
comme president et le second comme secrtaire gnral.
A la mme poque, les Editions Cubaines venaient de
lancer le fameux ouvrage: Tres Dictadores Negros, de Jos
Maria Capo' qui mit encore en grande vedette l'Histoire
et les Grands Hommes d'Hati. Tous les journaux en firent
d'amples critiques qui ne contriburent pas peu jeter un
lustre nouveau sur la champagne culturelle qui s'accentuait
si merveilleusement. A Port-au-Prince, aux Editions
Telhomme , Me Joubert Doug, professeur la Facult
de Droit, prsentait aux intellectuals du pays une euvre
magistrale sur Jos Marti, qui demeure une contribution
hautement mritoire, au titre hatien, la grandeur de
1' Aptre Cubain et l'euvre de rapprochement moral
des deux nations surs.


1Lettre adresse au Directeur du Diario de la Marina
publie dans l'dition du 16 dcembre 1942, au suet de l'ouvrage
de M. Jos Maria Capo.

Lgation de la Rpublique d'Haiti.
Monsieur le Directeur, La Havane, le 14 dcembre 1942.
Je considre comme un devoir de vous fliciter pour la bienveillante publicity
donne dans les colonnes de votre intressant journal, l'occasion de la publica-
tion du livre de M. Jos Maria Capo, intitul Tres Dictadores Negros, et par votre
organe, remercier galement les autres membres de la press de La Havane qui
ont consacr des articles critiques l'ouvrage de l'minent crivain cubain.
Ces remerciements et ces flicitations trouvent leur justification, Monsieur le
Directeur, dans le fait que mes compatriots ont toujours t surprise de constater
comment Haiti occupe peu l'attention des intellectuals en gnral. Et pourtant,
elle a une histoire des plus belles et des plus captivantes.
L'histoire d'Haiti, malgr le peu de place qu'elle parat tenir dans celle du
monde, abonde en enseignements utiles pour l'tude et l'instruction de l'humanit
et ne doit pas tre considre comme une histoire trangre quelconque, mais bien
en tant qu'une portion des annales du genre human.
Il faut que le monde sache que Haiti, bien que petite par son extension territo-
riale et le chiffre de sa population et mme aussi par sa capacity conomique, a
suffisamment de titres pour mriter son attention et sa sympathie. Il faut que les



























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5. La splendid promenade du Malecon ou Avenue Antonio Maceo, unique dans
les Antilles, qui rappelle la clbre promenade des Anglais de la Cte d'Azur
ou le Riverside Drive de New-York.


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6. Le Prsident Batista, coutant attentivement les paroles que lui adresse le
Reprsentant hatien, aprs lui avoir confr le Grand Cordon de l'Ordre National
Honneur et Mrite .








esprits impartiaux et honntes reconnaissent qu'elle a t le premier berceau de la
civilisation europenne en Amrique, et que c'est l que la premiere semence du
christianisme conqurant un monde nouveau a t rpandue. L'esclavage africain
dans toutes ses horreurs a commenc sur ce sol, mais les premiers cris de libert
en sont parties ; les premires chanes de la servitude y ont t brises; le premier
people noir s'y est constitu. Il faut que le monde entier sache toutes ces donnes
historiques et en reconnaisse en toute justice, la modest contribution et lui accord
en definitive le sourire d'approbation et d'estime auquel lui donnent droit ses
efforts pour marquer sa place dans la galerie des Etats et ses magnifiques ralisa-
tions quant au progrs moral de l'humanit. Cette ouvre de propagation et de
vulgarisation historique est la part qui revient aux crivains, aux confrenciers,
aux professeurs et aux journalists qui ont la noble mission d'instruire et d'clairer
les nations. Tout ce que les matres de la plume et du verbe entreprendront en
faveur d'Haiti, en toute indpendance d'esprit, sera hautement apprci par les
Haitiens.
C'est assez vous dire, Monsieur le Directeur, que dans ces apprciations, j'en-
globe ma gratitude personnelle pour l'action de votre organe et celle de ses mi-
nents collaborateurs, dans l'oeuvre de rapprochement moral et cultural qui int-
resse aujourd'hui plus que jamais nos deux Gouvernements et nos deux peuples,
et laquelle j'entends consacrer tous mes efforts pendant la dure de la mission
diplomatique qu'a bien voulu me confier Son Excellence Monsieur le Prsident
de la Rpublique d'Haiti.
Je suis heureux de profiter de cette occasion pour vous prsenter, Monsieur
le Directeur, l'assurance de ma parfaite consideration, jointe mes sentiments de
trs haute estime.
ANTOINE BERVIN
Charge d'Affaires de la Rpublique d'Haiti

Ds ce moment, je me pntrais de plus en plus de la
beaut autant que de l'efficacit de la mission que m'avait
confie le Prsident Lescot. Les relations entire les peuples
deviennent plus efficaces quand elles comprennent des
changes spirituels, srieux et constants. Originairement,
l'ide d'change dans les rapports des nations, bien que
n'englobant que des articles de commerce, tait pleine de
rsonances dans le domaine de l'intelligence et de la sensi-
bilit. Si les chancelleries ont pour mission principal de
dvelopper l'amiti entire les nations, de stimuler le com-
merce, les voyages, la connaissance mutuelle, tout ce qui,
en some, peut contribuer crer chez le citoyen un senti-
ment universal de la vie, sans prejudice des notions natio-
nales les plus pures, on ne peut oublier, ni relguer un







plan subalterne ce que Paul Valry a appel la politique de
l'esprit. L'intgration de cette politique dans la sphre
de nos relations extrieures tait particulirement indique
pour notre pays qui ne peut aspirer s'imposer dans le
monde que par la capacity intellectuelle de ses lites. Or,
la culture ne saurait se mouvoir dans des cercles ferms.
Toute impulsion vers la beaut, la vrit et le bien tend
rayonner dans des spaces infinis. C'est le devoir de la
civilisation d'encourager cette tendance par la creation de
centres de diffusion qui favorisent et acclrent le course
liberal de l'esprit. Traditionnellement, la diplomatic a
constitu une direction excellent pour orienter et rgler
le commerce des ides. De l la frquence avec laquelle
les nations qui ont une vie intellectuelle fconde dirigent
vers la carrire diplomatique les plus illustres figures des
lettres, des sciences et des arts. La culture et la diplomatic
ont toujours bnfici rciproquement de ces contacts.
Au xvie sicle, pour ne citer qu'un example classique,
nous trouvons un important courant de la Renaissance
italienne s'infiltrant en France par le truchement de
l'Ambassade franaise Rome, dans laquelle le chef de
mission, le Cardinal Jean du Bellay, a pour mdecin un
grand humaniste, Franois Rabelais, et comme secrtaire,
son propre neveu, le grand pote de la Piiade, Joachim
du Bellay. Et ainsi, dans plusieurs autres cas, le service
extrieur a t fondamentalement un service de la culture,
geste rvrend, en marge du protocole, marquant les
droits universels de l'intelligence.
Cet hommage tacite et permanent des chancelleries
toutes les manifestations de la pense, de la beaut et du
savoir, comme facteurs indispensables d'une haute diplo-
matie, est parvenu de nos jours tre l'objet d'un rgle-
ment systmatique. Aujourd'hui, les nations organisent







l'change cultural avec la mme efficacit qu'elles rgle-
mentent les autres sujets de l'Administration publique.
Des Congrs et des Confrences se runissent pour en fixer
les modalits. Depuis la Convention de Genve de 1923,
sur la Proprit Scientifique, jusqu' la Confrence Inter-
amricaine de Consolidation de la Paix de Buenos-Aires,
de 1936, o fut signe la Convention sur le Dvelop-
pement des Relations Culturelles Interamricaines, la
culture est devenue l'une des caractristiques les plus
videntes de la diplomatic contemporaine. La plupart des
missions diplomatiques comportent actuellement un Atta-
ch Culturel. Et pour ce qui est de la mission Cuba,
j'avais le grand advantage de me trouver, par bonheur, au
milieu d'une population enthousiaste, qui met en honneur,
en toutes circonstances, ses hautes valeurs morales et
spirituelles. Les organismes cubains qui s'intressent aux
diverse forces de la culture sont nombreux. Les Acad-
mies et Institutions Nationales ont ralis une cuvre
splendid qui lve et honore le people cubain. Ville de
lumire, de beaut et d'amour, La Havane est sensible
toutes les manifestations spirituelles. Sa vie artistique,
scientifique et littraire est comparable, par le nombre et
la quality, celle de n'importe quelle autre grande capi-
tale du monde. La littrature, la peinture, la sculpture, la
musique, le thtre, le cinma, la danse, la chanson y sont
constamment en grande faveur. Dans la seule priphrie
de La Havane on compete plus de o00 stations de radio,
diffusant plus de I300 programmes hebdomadaires dra-
matiques, historiques et musicaux. C'est dire avec quelle
ferveur et quelle sympathie nos excellent amis entouraient
la mission culturelle hatienne qui se dveloppait chez eux.







CHAPITRE III


AFFAIRE FELIX ALPHONSE
OU RECLAMATION ISABELLE ROBERT
Origines de cette affaire.- Invocation infructueuse du droit international.-
Solution pratique obtenue grce la persuasion et l'amiti.


Affaire Flix Alphonse. Flix Alphonse tait un ressor-
tissant hatien, tu Cayo Duan le 17 octobre 1932, par
un soldat de l'ancienne arme cubaine du nom de Wilfrido
Soca del Rio. Wilfrido Soca del Rio fut jug et condamn
aux travaux forcs perptuit par un Conseil de guerre,
le 24 juin 1933. La mre de la victim, Mme Isabelle Robert,
produisit donc une reclamation par l'intermdiaire de
notre Chancellerie contre le Gouvernement Cubain, en vue
d'obtenir une indemnit. La question avait t introduite
et mene successivement par tous les diplomats hatiens
qui s'taient succd au poste de La Havane depuis 1932.
C'est ainsi que le dossier s'tait gonfl considrablement
de la littrature juridique et diplomatique de mes minents
prdcesseurs, augmente de celle non moins important,
on peut le croire que nous envoyaient en rponse les Chan-
celiers Cubains qui avaient pass la tte de la diplomatic
de la Rpublique-soeur pendant la mme priode.
Et tandis que les jours et les ans se suivaient et que la
pauvre dame Isabelle Robert pleurait encore son fils,
prive de tout, abandonne elle seule, n'ayant mme pas
de gte, les papers s'changeaient encore entire les deux
Chancelleries. Finalement, la faveur d'un ralentissement
dans mes activits, j'allai prendre langue moi-mme, un







jour de dcembre 1942, avec l'minent D Jos Agustin
Martinez, sur la question. En bref, je lui dis peu prs
ceci: Monsieur le Ministre, en vous prsentant mes
lettres de cabinet, il y a de cela un mois environ, j'avais
eu soin de faire ressortir Votre Excellence que ma mis-
sion Cuba, ct de ses buts normaux, se donnait spcia-
lement des fins d'ordre moral et intellectual, et que Son
Excellence Monsieur le Prsident de la Rpublique d'Haiti
m'avait charge de trouver la voie du ceur et de l'esprit
du people cubain. A cet effet, j'avais fait appel votre
minent concours et Votre Excellence avait eu la bont
de me promettre formellement de m'aider. Aujourd'hui,
je suis la veille d'tendre mon action dans le sens que je
viens de vous indiquer en faveur de nos deux pays,
conjointement avec votre Ministre et celui de l'Educa-
tion Nationale. Mais, avant tout, Monsieur le Ministre,
il y a un obstacle entire nous. Je viens vous demander de
m'aider l'liminer de faon que j'aie le champ libre devant
moi dans l'accomplissement de ma tche. En un mot,
Monsieur le Ministre, il s'agit de l'Affaire Flix Alphonse
que Votre Excellence connat trs bien. Je n'ai pas besoin
d'en faire l'expos, votre Ministre la connat mieux que
moi. Je viens seulement faire appel l'esprit de justice
et d'quit de l'minent auteur du Code de Dfense Socale,
qui tel un catalyseur, rgularise les rapports des hommes
entire eux. Il y a dans mon pays une pauvre mre qui pleure
encore son fils aprs dix ans. Elle est dans la plus grande
dtresse. Elle n'a rien. Son seul espoir se trouve dans la
justice que mettra votre Gouvernement lui donner
satisfaction. Je fais appel vous personnellement, Mon-
sieur le Ministre, pour rsoudre lgamment cette affaire.
Et le reste l'avenant. Le DrJos Agustin Martinez se
montra vivement touch de mes paroles et me promit de







voir le Prsident Batista pour une solution immediate.
Introduite de cette faon sur le plan human, cette affaire
parvint un dnouement favorable. Aprs une seule
entrevue d'environ vingt vingt-cinq minutes, je rece-
vais, le 7 janvier 1943, des mains du DrJos Agustin
Martinez, Ministre d'Etat de Cuba, un chque de 750 oo
dollars, que je m'empressai de transmettre en Hati, par
la valise diplomatiquel, pour la malheureuse Isabelle
Robert. La press cubaine fit les plus heureux commen-
taires concernant le rglement final de cette affaire. En
manire d'pilogue crevant, comme aurait dit Lon
Daudet, je sus par la suite que le Ministre Lon Defly
avait failli dsapprouver la manire don't j'avais conduit
cette affaire, en dclarant que je n'avais pas invoqu les
terms du droit international, relatifs l'espce en ques-
tion. Or, mes minents prdcesseurs Cuba avaient
abondamment puis dans le droit international et rien n'en
tait sorti. J'avais minutieusement compuls le dossier de
cette affaire et je peux dire qu'ils avaient juridiquement
tout dit sur la question. La seule chose qu'il restait faire
tait d'obtenir le ddommagement auquel aspirait depuis
dix ans la malheureuse Isabelle Robert. Mais, sur ce point,
le Gouvernement Cubain avait rtorqu, en vertu mme
du droit international, qu'il avait jalousement suivi les
prescriptions indiques, quant la responsabilit de l'Etat
dans le cas en question; que l'accus Wilfrido Soca del Rio
avait t remis immdiatement aux autorits comptentes

1 En x939, M. Lon Laleau, alors Ministre des Relations Extrieures, faisait
rapport au Prsident de la Rpublique, pour l'informer au sujet de l'affaire Flix
Alphonse qu'un arrangement tait enfin intervenu, grce ses pourparlers
Panama avec le Chancelier Cubain, Dr Miguel Angel Campa . C'tait vendre un
peu tt la peau de l'ours, car cette affaire ne fut enfin rgle, quatre ans plus
tard, pour employer le beau mot de M. Laleau, qu' la date et de la manire sus-
indiques. (Voir Quelques Faits Diplomatiques, page 14.)







pour tre jug. Et comme de fait, Wilfrido avait t jug
et condamn, il n'tait oblig aucun ddommagement.
Pouvais-je moi-mme reprendre une thse qui s'tait
rvle inoprante l'exprience pendant dix ans? Ce
serait une singulire conception de la diplomatic que
de continue s'enfoncer dans une impasse. Dans les
relations humaines, en presence de contingencies particu-
lires, il faut faire appel au sens pratique et viser aux
rsultats immdiats. Le diplomat, comme l'homme tout
court, ne peut pas s'arc-bouter irrmdiablement au rigo-
risme des principles. Il doit savoir s'adapter parfois
l'opportunisme des circonstances. Telle fut d'ailleurs l'atti-
tude de Solon Mnos dans l'Affaire du 6 dcembre 1897.
La justice et la diplomatic hatiennes avaient le droit de leur
ct, mais la canonnire allemande tait en rade de Port-
au-Prince... M. Defly voulait certainement garantir l'avenir
avec les nombreux ressortissants que nous avons dans toutes
les provinces de Cuba et don't la vie souvent mouvemente
nous amne de temps en temps des incidents du mme
genre, mais la vieille thorie des droits imparfaits des Etats
petits et faibles est toujours vraie. Et en attendant que les
diplomats hatiens puissent appuyer leur action psychologi-
quement sur l'existence d'une puissante marine national,
aide de quelques bons appareils volants supreme argu-
ment des Gouvernements ils ne pourront qu'appeler la
justice des hommes de bonne volont, comme il s'en trouve
encore heureusement sur la bonne terre cubaine. Dans
le cas Flix Alphonse, il n'y avait que deux armes disponi-
bles : la persuasion et l'amiti. J'eus la chance d'avoir en face
de moi un homme de ceur: le Dr Jos Agustin Martinez et
un grand ami d'Hati: le Prsident Fulgencio Batista. Dans
leurs diffrends diplomatiques, les petites nations ne peu-
vent avoir pour allis que Dieu, le Droit et les Manires...







CHAPITRE IV


FETE NATIONAL D'HATI A LA HAVANE
Cooperation cubaine.- Amitis trangres. Hommages mouvants de nos
ressortissants.



Le Ier janvier 1943 fut pour moi l'occasion d'motions
agrables et rares. Non seulement en raison du retour de
la date anniversaire de notre Indpendance national, mais
en raison de tmoignages touchants d'attachement ou
d'admiration que j'eus l'occasion de recevoir en cette cir-
constance comme reprsentant du pays et titre personnel.
D'abord la veille, le 31 dcembre, le Ministre de l'Educa-
tion s'tait associ cette commmoration en m'invitant
prendre part un programme radiophonique prpar
en l'honneur d'Hati. Je m'exprimai ainsi devant le micro-
phone: Mesdames, Messieurs! le soleil de demain se
lvera l'horizon du monde pour marquer au cadran du
temps et aux pages de l'histoire le 139e anniversaire de la
proclamation de l'Indpendance d'Hati. C'est une date
trs chre l'me de tous les Hatiens. Elle situe dans les
annales du monde la Libert de notre people, l'Indpen-
dance de notre pays, la naissance de notre Nationalit.
Aucun souvenir n'est plus grand, ni plus mouvant pour
nos compatriotes. Aussi bien, Mesdames, Messieurs, vous
pouvez comprendre ds lors le prix que j'attache l'hom-
mage du Ministre de l'Education de Cuba qui s'est
associ si gnreusement, si fraternellement, la comm-
moration de l'vnement historique de 1804.























































7. Le Prsident Batista, entour du Ministre d'Etat Jorge Maniach et de son Chef
de Cabinet, rpond aux compliments que vient de lui dresser au nom du Pr-
sident d'lHati, M. Antoine Bervin.





















L 4r


8. L'Avenue des Prsidents, grandiose et pittoresque la fois, o le rve s'allie
la grandeur travers une double haie de palmiers et de roses symbolisant
l'orgueil et la grce de la population cubaine.


I-j--m MMM 7







Au nom donc de mon pays, la Rpublique d'Hati,
que j'ai l'insigne honneur de reprsenter Cuba, je vous
dis tous, du plus profound de mon ceur: merci. Merci
pour avoir labor et ralis ce magnifique programme
littraire et artistique, qui, travers les ondes et par la
magie de la transmission radiophonique, a certainement
t cout et applaudi par les radiophiles d'Hati, avec une
ferveur gale la sympathie qui anime en ce moment les
auditeurs cubains.
Il y aura demain 139 ans que des Hatiens par milliers
firent courageusement le sacrifice de leur vie pour nous
laisser une Haiti libre, souveraine et indpendante. Demain,
la Jeunesse hatienne renouvellera sur les Places d'Armes
de la Rpublique le mme serment que, de gnration en
gnration, chaque Ier janvier, on prononce sur l'autel
de la patrie, afin que se perptuent la chane des traditions
et la flamme du souvenir, par les mots magiques : Libert
ou la Mort.
Pour ma part, loign de mon pays par l'espace mais
non point par le cur, je prterai avec la mme force de
conviction, le traditionnel serment civique sur ce sol
hroque de Cuba, don't aussi chaque parcelle rappelle un
sacrifice, un acte glorieux d'abngation et de patriotism
pour la mme cause sacre. C'est avec la mme fiert,
jointe la mme conscience rsolue, que je ferai au milieu
des Amants de la Libert, le mme solennel serment. Il
faut que l'on sache que le people hatien, d'accord avec le
people cubain et ceux d'Amrique, est dcid rpter
les mmes sacrifices des temps passs pour assurer son
bonheur et son indpendance, pour le triomphe des prin-
cipes immortels de Justice et de Dmocratie, les seuls
qui soient vraiment compatibles avec la dignit humaine.
*







Le Ier janvier mme, trs tt, un peu avant 8 heures du
matin, je fus agrablement surprise de recevoir la visit du
Gnral Jos Rafael Gabaldon, Ministre des Etats-Unis
du Venezuela, qui venait m'apporter ses compliments
l'occasion de l'anniversaire de notre fte national. Le
ministry vnzulien me dit: Je viens trs tt chez vous,
mon cher collgue, c'est entendu et je vous prie de m'en
excuser mais je l'ai fait de propos dlibr, pour tre sr
d'tre bon premier vous fliciter en ce glorieux anniver-
saire de la patrie de Ption. Le Venezuela ne peut pas
occuper un autre rang dans l'expression de ses sentiments
d'affection l'gard d'Hati.
Ma joie fut bien grande, on le comprend, de commencer
la journe par l'audition de si nobles paroles. Et par la
suite, mes rapports avec le Gnral Gabaldon, comme
aussi avec plusieurs personnages vnzuliens, pour ne
pas dire tous ceux que j'ai eu l'avantage de connatre,
furent marqus de la plus grande cordialit, de la part
des descendants de Bolivar, de la fidlit affectueuse du
Venezuela pour Hati. Le Gnral Gabaldon particulire-
ment professait un vrai culte passionn pour Alexandre
Ption, comme d'ailleurs son digne successeur La
Havane, le Dr Carlos Alamo Ybarra. A l'inauguration,
au Parc de la Fraternit, du buste de Ption plac comme
on sait entire les bustes d'Abraham Lincoln, de Bolivar
et de Benito Juarez, le ministry Gabaldon, toujours
enthousiaste pour Ption, fit des dmarches instantes
auprs de moi pour savoir quel rle il pouvait jouer en
cette circonstance. Mais le protocole avait formellement
prvu trois discours: un du Maire de La Havane, un du
Dr Jos Agustin Martinez et un du Prsident Lescot. Je
suggrai donc au ministry vnzulien de dposer des
fleurs au pied du monument le jour de l'inauguration.







Jamais je ne vis fleurs plus belles, montes sur un immense
trpied, et mariant les couleurs glorieuses d'Hati et celles
du Venezuela.
Ce premier jour de l'an 1943 dbuta sous les auspices les
plus agrables et devait se poursuivre par des manifesta-
tions extrmement touchantes. Dans la matine, je reus
conscutivement la visit de plusieurs membres du Corps
Diplomatique, notamment ceux qui taient accrdits
en Hati et don't le sige principal tait tabli La Havane:
M. Erik Wisen, Charg d'Affaires de Sude, M. Philippe
Grousset, Dlgu de la France Libre, devenu par la
suite, Envoy Extraordinaire et Ministre Plnipotentiaire
de France, M. Paul Verstraeten, Ministre de Belgique,
M. Emilio Edwardo Bello, Ambassadeur du Chili,
furent parmi les premiers. Dans l'intervalle de ces visits
qui venaient un rythme irrgulier, se prsenta une
charmante Hatienne, Mle Constance Edouard, qui
habite La Havane depuis quelques annes, mais qui se
tenait toujours, pour des raisons personnelles, loigne
de notre Lgation. Mle Edouard s'approcha de moi et
me dit dans notre savoureux crole: Ministre, je suis
fire de vous, fire de la faon don't vous menez les choses.
Je ne sais comment vous dire ma satisfaction, mais pour
vous prouver combien je suis content, je vous apporte
ce petit cadeau pour vous protger contre le froid. Un
ministry comme vous ne doit pas tre malade. Et
Mne Constance Edouard me tendit gentiment un jersey
marron qui me servit, en effet, plus d'une fois. Je l'em-
brassai en retour, en manire de gratitude.
Mais je n'tais pas encore au bout de mes joies. Il
m'tait rserv d'enregistrer dans le trfonds de mon
tre, au course de cette inoubliable journe, une motion
encore plus intense comme il n'est peut-tre pas arriv







beaucoup d'Hatiens d'en prouver. Aussi, suis-je heureux
de porter toutes ces satisfactions personnelles au credit
du President Lescot, car s'il ne m'avait pas envoy La
Havane, je ne les eusse certainement jamais connues.
Donc, dans la matine, me trouvant entire deux diplo-
mates amis, nous vmes arriver, sous la vranda de la
Lgation, un sergent de l'Arme Cubaine, qui exprima
le dsir de parler au ministry d'Hati. On me dsigna.
Le sergent alors s'approcha et me dit: Monsieur le
Ministre, je suis Sergent attach au Pnitencier de La
Havane. Quelques Hatiens qui se trouvent en prison,
ayant appris par les journaux ce que vous faites en faveur
de votre pays, ont convenu de vous envoyer ce petit
cadeau fabriqu par eux, dans l'intention d'offrir une satis-
faction leur reprsentant. Et le sergent me prsenta
un presse-papier en bois grav, avec des paysages tropi-
caux, portant l'inscription: Antoine Bervin.
Ces malheureux prisonniers hatiens, au milieu de leurs
misres, pensaient encore leur pays. Ils taient heureux
de reliever souvent le nom d'Hati dans les journaux
cubains et je compris avec motion que le travail fait en
commun mon intention tait une faon muette de repor-
ter leurs penses vers la patrie lointaine. O mystre,
attraction de la terre natale!
Je garde encore prcieusement le souvenir de nos mal-
heureux compatriotes. En retour de leur courtoisie, je
m'intressai leur cas. Malheureusement, je ne pus obte-
nir aucun adoucissement leur sort, puisqu'ils taient des
condamns de droit commun. Mais l'un d'eux se trou-
vant malade, je demandai qu'il ft transport l'Hpital
Calixto Garcia, jusqu' son complete rtablissement.
Le mme jour, je reus une visit qui me laissa une
impression profonde. Je vis venir cette fois un cul-de-







jatte. Il peinait extrmement sous le chaud soleil cubain,
pour dplacer ses bquilles. Aussitt qu'il arriva sous la
galerie, je dis de lui offrir un sige: il semblait si puis,
le malheureux D'un large madras multicolore, il s'essuya
le front. On lui proposal un verre d'eau pour se rafrachir.
Il refusa. Il avait une de ces ttes d'Hatiens de 1830,
portant sur ses traits la rudesse des gnraux de l'poque,
incapable de gestes mensongers et de vaines plaisanteries.
Son visage tait grave. On aurait dit qu'il confrontait
les plus troublants problmes humans. Et voyant qu'il
ne demandait rien, on dcida finalement de s'informer de
l'objet de sa visit, car il n'tait connu de personnel. Il
rpondit qu'il n'avait besoin de rien, qu'il tait venu
simplement pour voir de prs, le nouveau ministry
d'Hati don't parlaient les journaux. Je me prsentai. Il
me considra d'un air beaucoup plus grave encore. Je
voulus savoir si je pouvais lui tre agrable de quelque
manire, quoi il rpliqua schement qu'il n'avait besoin
de rien, et qu'il tait venu pour voir de ses yeux si le
ministry don't parlaient les journaux tait rellement un
Hatien. Je me plaai devant lui, tournoyant, la manire
des mannequins, pour un examen complete, et lui demandai
s'il tait convaincu de ma nationalit. Il tira sa barbe
blanche et hocha la tte en signe d'acquiescement, sans
dire un mot, laissant entendre seulement un lger gro-
gnement. Les rflexions que fit cet homme, haute voix,
devant tous les compatriotes presents ce jour-l, taient
tellement svres l'gard de ceux qui avaient reprsent
Hati La Havane, que pour l'honneur de notre pays
et des fonctionnaires hatiens surtout, il m'est impossible
de les relater ici, voulant laisser aux gnrations mon-
tantes la satisfaction subjective de croire encore dans les
serviteurs de la nation l'tranger. Je demandai mon







visiteur son nom. Il dclina: Frdric Cole, frre du
Dr Cole, mort bord de la Crte--Pierrot. Avec une
dignit peu commune pour un infirme, il redressa son
torse, reprit ses bquilles et partit. Je le vois encore s'en
aller. Il laissa l'impression de porter plus allgrement ses
misres physiques que celles qu'avait accumules proba-
blement dans son me la mchancet des hommes...







CHAPITRE V


PROTOCOLE ET CEREMONIAL CUBAINS





Sainte-Beuve a crit quelque part qu'il y a quantit de
choses de la socit, de la vie et du monde moderne qu'on
apprend par l'air, dans l'atmosphre gnrale et par les
relations de tous les jours. A ct du savoir, ajoute-t-il,
il y a le savoir-vivre, la pntration de l'esprit, l'intel-
ligence en un mot, et cela ne s'apprend pas l'cole.
J'en ai fait l'exprience dans la vie et notamment au
course de ma mission La Havane. Il existe, comme on
sait, dans tout pays organis, une institution respecte
devant laquelle s'inclinent tous les hommes civiliss:
c'est le protocole. C'est une institution ncessaire, en dpit
des railleries don't il est souvent l'objet, parce qu'il assure
le prestige qui doit normalement entourer un Gouver-
nement. Il contribute fixer la discipline et le cachet de
haute distinction indispensables ceux qui sont confies
les destines des nations. Il a ses rgles, ses traditions,
et dans certain cas, il est rgi par des conventions inter-
nationales auxquelles on ne saurait droger sous peine de
representations toujours dsagrables recevoir. En
gnral, le protocole comporte une infinit de dtails qui
ressemblent des frivolits solennelles . Mais elles ne
sont pas dnues de sens. Les Agents diplomatiques,
assure Jules Cambon, reprsentent quelque chose de plus







lev qu'eux-mmes. C'est la personnel morale don't ils
sont l'expression que s'adressent les honneurs qui leur
sont rendus. A Cuba, le service du Protocole est parti-
culirement strict. Il est revtu d'une autorit absolue
et fait preuve d'une competence indiscutable. Il est
soumis une loi locale et s'inspire en outre des coutumes
internationales en usage. Ce service qui relve du Minis-
tre d'Etat, comprend, d'une part, le Protocole, et d'autre
part, le Crmonial. Le premier est un service permanent
dirig par un personnage qui porte le double titre de Chef
du Protocole et d'Introducteur des Ambassadeurs; le
second est un service occasionnel, dpendant d'un autre
personnage qui prend le titre de Directeur du Crmonial.
Ces postes important taient occups La Havane par
deux hommes extrmement distingus et, dirait-on mme,
btis sur measure pour l'accomplissement de ces minentes
functions: c'taient le Dr Pedro Rodriguez Capote et le
Dr Gonzalo Gull, actuellement Ambassadeur de Cuba
prs de l'Organisation des Etats Amricains. Ils taient
tous deux assists de prcieux et dvous collaborateurs
qui assuraient au protocole cubain un caractre irrpro-
chable.
Au printemps 1943, je reus inattendument la visit d'un
compatriote, venu spcialement La Havane pour
remettre un drapeau hatien au Prsident Fulgencio Batista.
Certes, toute crmonie se droulant autour d'un dra-
peau est toujours mouvante, et l'initiative d'envoyer
un exemplaire de notre bicolore au Prsident de Cuba
est fort respectable en soi, et ne peut faire l'objet d'aucune
discussion. Mais, dans la coutume, ce n'est pas un geste
courant dans les milieux diplomatiques. A la vrit, l'en-
voi hatien n'tait qu'un retour de politesse cubaine,
d'ordre strictement priv. Bien que le Dpartement des







Relations Extrieures ne m'et pas donn avis de cette
mission, je crus bon quand mme d'entreprendre les
dmarches ricessaires en faveur du missionnaire puis-
qu'il tait porteur d'un passport diplomatique rgulier
qui lui octroyait le titre de Dlgu Culturel. Le Minis-
tre d'Etat, surprise, me demand des explications au
sujet du drapeau en question, avant de pouvoir mettre
en movement une crmonie quelconque. Je rappelai
au Dr Rodriguez Capote que quelques mois auparavant
nous fmes honors Port-au-Prince de la visit d'un
Dlgu Culturel Cubain qui fut l'objet de courtoisies
officielles et prives. Il fut admis remettre en grand
apparat un drapeau de son pays envoy par le Front
National Antifasciste de Cuba au Prsident d'Haiti, qui le
reut dans le salon diplomatique, entour de ses ministres,
du Haut Etat-Major de l'Arme et d'un grand nombre
d'intellectuels; qu'en cette circonstance, il y eut des dis-
cours changs entire le Dlgu et le Chef d'Etat Hatien,
et qu'en definitive, le Dlgu Hatien esprait trouver
Cuba un accueil pour le moins identique celui qui fut
rserv son collgue cubain. M. Capote ouvrit de grands
yeux et me dit le plus poliment du monde: Monsieur
Bervin, croyez que nous sommes extrmement flatts
d'apprendre avec quel apparat vous avez accueilli notre
Dlgu Culturel Port-au-Prince, mais la reception que
vous avez faite, telle que vous venez de me la dcrire, est
une reception qu'on ne trouve qu'en Orient, chez le Shah
de Perse ou le Sultan du Maroc. Mais, malheureusement,
nous n'avons pas ce protocole Cuba. Il m'est difficile
d'organiser une crmonie de ce genre en faveur du
Dlgu d'Hati.
En dpit d'une insistence discrte, l'autorit du Chef
du Protocole rest entire et personnel ne put intervenir







pour modifier ce qu'il avait dcid. Le drapeau d'Haiti
videmment fut remis au Prsident Batista, puisque c'est
lui qu'il tait destin. Il nous reut dans son bureau,
entour d'un aide-de-camp et du Chef du Protocole.
Nous tions au total six personnel contre les cinquante
personnages de l'Etat qui avaient t convoqus au Palais
National Port-au-Prince!







CHAPITRE VI


CITE ET PROMENADES HAVANAISES





Par sa situation privilgie, situe presque au centre du
continent, La Havane, avec une population qui comprend
de nombreuses colonies trangres, son port extrmement
actif, les industries varies qui y sont installes, est devenue
une grande capital de prs d'un million d'habitants. Le
visiteur y prouve tout d'abord la plus heureuse impres-
sion: site admirable, belle mtropole aux faades claires,
tale au bord d'une mer bleue, sous un ciel radieux.
Cette impression d'enchantement augmente au fur et
measure qu'on y prolonge son sjour; elle est d'ailleurs
proclame par beaucoup d'trangers avec un tel lyrisme
qu'on croirait un sortilge rel don't serait imprgne
l'ambiance tropical faite d'odeurs d'pices, de thym, de
muscade, mle la frondaison des arbres et au parfum
des bois. Ceux qui ont eu le bonheur de la connatre
en parent comme les rares revenants de la Grotte de
Monte-Cristo ou de l'Ile des Lotus. Vie cubaine faite
d'enthousiasme grandiose, d'un dosage ingal de travail
et de plaisir, de ralisme pratique, de fantaisie et d'idal;
vie de contrastes, de luxe et de misres; vie abondante
sans cesse renouvele et, semble-t-il aussi, jamais satis-
faite qui se ressent encore des enivrements tourdissants
de l'poque fantastique de la danse du dollar. C'est







peut-tre pourquoi on gote Cuba tous les charmes d'un
tourism intensif, devant le spectacle d'une nature pro-
digieuse, qui aide oublier la ralit quand elle est trop
fcheuse. Au demeurant, vie merveilleuse, total, extraor-
dinaire !
Une ville sans promenades originales, manquant de
lieux de meditation potique ou de recueillement histo-
rique ou religieux serait certainement, de l'avis de tout
le monde, dpourvue d'intrt et de caractre. Un Renan,
un Lamartine ou un Chateaubriand n'y seraient peut-tre
jamais alls. Et pour reprendre le mot du Bonhomme,
le voyageur ne pourrait rien center de point en point
et dire: J'tais l, j'ai vu telle chose et il advint telle
autre ... La Havane heureusement fait exception et on y
va en foule, comme on va La Mecque, Beyrouth ou
Athnes, pour mditer, rver, chanter.
De mme que le pays entier a ses caractristiques pro-
pres, la capital cubaine, par grce divine et par le gnie
de ses hommes, comporte ses originalits qui sont bien
marques. L'essentiel consiste se donner la peine de les
dcouvrir.
Elle compete, par example, des quarters bien diffrents
les uns des autres, tels: le Vedado et le Miramar, avec
leurs demeures somptueuses, aux faades fraches et
colories, o les styles dominants s'inspirent des grandes
villes et provinces espagnoles: Tolde, Andalousie,
Sville, Salamanque, Grenade, Asturies, Galice, jus-
qu'aux cits mauresques les plus pures. Les decorations
intrieures rappellent, soit par la peinture, soit par des
carreaux de mosaques, l'histoire des Rois, des Cardinaux,
des Conqurants ou des grands Capitaines espagnols qui
remplirent de leurs exploits les trois derniers sicles, ou
encore les clbres pisodes de la vie de Don Quichotte







et de son immortel cuyer Sancho Pana. Rossinante a
aussi sa part de clbrit... murale.
Des quarters populeux, il en faut, pardi! Et il y en a.
On ne saurait ne pas signaler Jesus del Monte, exception-
nellement pittoresque, correspondent en grand notre
rue des Fronts-Forts ou au March aux Puces de Paris.
Le quarter central, connu sous le nom de Vieille
Havane , quarter des banques, des operations maritimes
et commercials: brassage de grosses affaires, traffic
intense de vhicules, bruits pouvantables de tramways,
de crieurs de rue, c'est l'ancien quarter de residence des
Lieutenants-Gnraux des Rois, des Capitaines-Gouver-
neurs de l'poque colonial. Au demeurant, carrefour
dcisif o s'laborent et se percent aussi, hlas, les grandes
fortunes qui rendent les hommes de ce pays-l puissants
ou misrables.
On ne saurait passer non plus sous silence, dans toute
tentative de description de la cit havanaise, ses parcs,
ses avenues et ses jardins, qui sont, avec ses glises et ses
marchs publics, les points de rencontre o fusionnent
les diffrentes classes sociales. On doit voir de prs les
parcs et s'y promener tout autour ou tout au long, selon
le trac de l'architecte. Ce serait un manquement grave
que de ne pas voir par example le Prado avec ses alles
en granit, bordes d'arbres pais qui lui font comme un
vrai parasol; je ne dis rien du Capitole qui s'y trouve,
car il s'imposera de lui-mme. Mais, comment alors
manquer le Malecon dans toute sa longueur, avec la mer
grondante, revenant se plaquer sans cesse contre les quais,
dans une tentative vaine de les dmonter et qui consti-
tue la plus belle manifestation de l'hiver carabe! Il faut,
de l, voir tout prix aux deux extrmits de ce mme
Malecon qui fait la fiert de la population, l'hommage








grandiose d'un people ses hros immortels: d'un ct,
le Gnral Maximo Gomez, et de l'autre, le Gnral
Antonio Maceo1, tous deux grands parmi les plus grands,
que Plutarque et aim chanter pour l'enseignement des
gnrations successives, mais que la gloire et la recon-
naissance cubaines ont exalts dans le marbre et dans le
bronze.
Dans une promenade au Vedado, il ne faudrait pas rater
cette artre transversale, je dirais impriale, qui accueille
en quelque sorte les visiteurs arrivant par la voie de l'air,
cette belle avenue qui s'appelle Avenue des Prsidents.
Elle commence la mer naturellement, avec l'effigie
d'Estrada Palma, le premier chef d'Etat d'une rpublique,
ne en 1902, pour s'achever au pied d'un gros morne,
par un monument formidable rig en mmoire du
Gnral Miguel Gomez. Ce monument est rellement
crasant, et on serait tent de croire, sans pour cela
soulever aucune motion national, que le personnage
qui y est juch au-dessus est plus grand peut-tre que
Csar, tant les proportions en sont normes.
Une vieille chanson populaire, o l'on manque d'ordi-
naire du sens des usages et des convenances, traitait

1 L'auteur s'accuse ici bien humblement d'avoir provoqu, propose du Gn-
ral Antonio Maceo, une vritable petite revolution, d'ailleurs extrmement sym-
pathique.
On clbrait au Capitole, la glorieuse mmoire du Titan de Bronze . Et,
masse l'entre du monument historique, une foule norme et patient s'en
voyait militairement refuser l'accs. Comme l'auteur, entrant son tour, s'tonnait
de cette measure auprs de l'Officier, charge du service d'ordre: Mais c'est qu'ils
ne sont pas invits rplique l'Officier. A quoi le Diplomate riposte qu'il pensait
la gloire du Procer Maceo si universelle et si typiquement national et cubaine,
qu'on ne pouvait honorer cette mmoire en cartant ce people qu'il avait tant
aim et servi I
L'Officier en convint avec bonne grce, ouvrit l'instant les deux portiques
du Capitole. Et la foule reconnaissante entra, victorieuse, aux cris de : Viva el
Ministro de Haiti I







irrvrencieusement le Major Gnral Jos Miguel Gomez
de: Tiburon , ce qui veut dire: Requin en franais.
Rien de mchant en some.
Dans le voisinage des Ombres illustres qui ornent
l'Avenue des Prsidents, se trouvent deux squares qui
rappellent ceux de Paris, o des gens viennent prendre le
frais et interroger le paysage qui s'tend gnreusement
autour d'eux. Dans ces deux parcs, le people cubain a
honor deux noms indissolublement attachs son his-
toire: celui de Victor Hugo et celui de Mariana Grajales.
Celle-ci, symbol des Mres cubaines, example d'abnga-
tion et modle de sacrifice envers son pays, perdit dix
fils dans la guerre de l'Indpendance. Quand on lui apprit
la mort du dernier, elle s'cria: Ma plus grande douleur
est de ne pas en avoir d'autres pour les donner la cause
de la libert! Mariana Grajales tait une ngresse!
L'auteur de la Lgende des Sicles est vnr Cuba pour
avoir mis sa prose et ses vers au service de la libert de
lile voisine. A l'annonce de la victoire, en 1945, j'ai vu
une foule norme accourir spontanment autour du monu-
ment de Victor Hugo, et en cette circonstance, j'ai vu
un Cubain, M. Francisco Ichaso, prononcer au pied lev
un discours plein d'enthousiasme et de chaleur, exaltant
le courage des Armes allies qui combattirent sur tous
les fronts pour la libert du monde, et j'ai vu l'orateur
dans ses expressions de joie et d'allgresse, associer avec
un bonheur extraordinaire, le nom de Victor Hugo aux
vnements contemporains. Aussi fut-il port en triom-
phe par la foule en dlire. On avait l'impression qu'on
allait le placer au Panthon, ct de Victor Hugo.
L'auteur de Ruy Blas, de Marion Delorme et de Cromwell
ne s'ennuierait certes nullement en sa compagnie, car
Francisco Ichaso pourrait lui parler aussi d'abondance de







Simon Bolivar, de Jos Marti ou de tous autres person-
nages littraires ou historiques des temps modernes.
L'une des promenades instructives recommander est
certainement le Cimetire de Colomb, o l'on pourra
mditer sur la formation morale d'un people qui honore
ses morts avec faste et qui vit dans le culte constant des
grandeurs passes. Il ne s'coule pas un jour de l'anne
o l'on ne trouve dans cette ncropole un group civique
quelconque, payant un tribute d'hommage la mmoire
d'un lgislateur, d'un philosophy, d'un ducateur qui
eut consacrer sa vie au bonheur du people cubain.
La Calle Obispo, ou la rue de la Paix de La Havane,
avec ses grands bijoutiers et son commerce de luxe, la
Calle Neptuno qui ne dsemplit pas la nuit et encore
moins le jour, est vritablement le Broadway de la capital,
avec ses flots de passants et d'acheteurs qui encombrent
les grands magasins El Encanto , la Filosofia , ou le
Perro Negro , centre de la maroquinerie tropical.
Si la randonne autour de la ville n'a pas t trop
fatigante pour mes promeneurs, j'aimerais, pour la
terminer, les conduire sur la butte de San Lazaro qui
rappelle singulirement la Montagne Sainte Genevive.
L nous verrons ensemble l'Universit de La Havane
avec ses imposantes colonnes, l'Alma Mater prsider
placidement ses destines. Nous ferons rapidement le
tour des Facults, des laboratoires et des muses. Nous
jetterons enfin un coup d'oeil sur la bibliothque et nous
nous mlerons aux groups de jeunes gens assembls
et l dans la cour central. Ce sont eux qui travaillent avec
ardeur, avec amour, et qui assureront demain la relve
des gnrations actuelles, pour que Cuba soit toujours
Cuba. Et selon le mot de Pasteur: Regardons ces jeunes
avec deux sentiments: un sentiment d'affection pour ce















1 i if,








9. Remise de l'Ordre Honneur et Mrite des personnalits cubaines. De
gauche droite: le Chef de la Marine, Aguila Ruiz ; le Dr Jos Agustin Martinez ;
le Dr Carbonell, Prsident de la Chambre des Dputs ; le Reprsentant d'Haiti;
le Dr Jorge Mafiach ; le Dr Santovenia.












































Sm .. I
Io. Reception en l'honneur du Ministre Lcscot, que l'on voit ici, entour des
membres du Corps diplomatique accrdit La Havane.







qu'ils sont aujourd'hui, un sentiment de respect pour
ce qu'ils peuvent devenir demain.
A manger et boire maintenant! doit crier tout le
monde. La Havane ne s'en fait pas faute! Dis-moi ce
que tu manges, je te dirai qui tu es , pourrait tre bien la
devise de la cit. Abondance et varit, telle est cependant
celle des palais de la gastronomie cubaine. Le menu est
international, s'il vous plat: franais, italien, espagnol,
chinois, marocain, antillais, chilien, amricain, selon le
got de chaque personnel. Si vous aimez l'atmosphre
des artistes et des plats espagnols, il vous faut sans hsiter
aller au Svilla-Biltmore; si par contre vous prfrez les
plats amricains et voulez admirer des diplomats et des
hommes d'Etat, il vous faut vous rendre au Nacional;
mais si vous tenez votre intimit avec une compagne
ou un ami et dsirez manger agrablement, je vous
recommande franchement le Toledo. Si vous voulez voir
du monde et en retour tre vu et manger des poissons,
des crabes, des homards, des crevisses bien rouges, des
crevettes, des hutres ou des palourdes fraches et bien
prpares, avec des vins de choix la hauteur, alors
a, c'est la spcialit d'une maison qui remote 1830.
Vous retiendrez cette date comme moi, puisqu'elle est
grave sur tous les objets de l'tablissement: c'est la
Zaragozana.
Mais si, au contraire de tout cela, vous voulez rencon-
trer les hommes politiques du jour, les vedettes de l'actua-
lit international de passage La Havane, et manger
quand mme correctement, tre bien trait depuis le patron
jusqu'aux garons, en passant par le maitre d'htel, je
vous recommande le Miami. Quand on y est habitu, on
est trait avec la plus grande dfrence. Mais si, selon des
dispositions particulires, votre fantaisie vous conduisait







l'Auditorium du Vedado et que vous y entendiez par
example l'Orchestre Philharmonique de La Havane,
avec comme maestro Erick Kleiber, et que par bonheur
supreme, vous ayez entendu la Symphonie fantastique de
Berlioz ou le Caprice espagnol de Rimsky-Korsakov,
alors je vous invite sincrement vous rendre au Carmelo
qui se trouve just en face. C'est un grand magasin,
double d'un grand restaurant. Il faut toujours se manager
une transition pour se radapter la trivialit de l'exis-
tence. Le traitement du Carmelo vous aidera y parvenir
graduellement.


CULTURE ET CIVILISATION CUBAINES

La culture et la civilisation d'un people reprsentent
deux conditions bien diffrentes l'une de l'autre. La pre-
mire comprend l'analyse de l'me et de l'esprit de ce peu-
ple avec ses phnomnes sociaux particuliers qui forment
sa personnalit et qui le distinguent nettement des autres
conglomrats humans. Tandis que la second reprsente
ce qui entoure ce people au point de vue matriel et qu'il
utilise pour son bien-tre. Sous le rapport cultural, le
people cubain a sa personnalit bien tranche. Il la dmon-
tre par son important contribution dans les diffrentes
branches de la pense humaine: droit, philosophie, lit-
trature, posie, musique, chansons, danses, sculpture,
peinture, etc. Ceux qui ont dfendu et illustr sa culture
reprsentent un aropage remarquable que je ne me per-
mettrai pas d'numrer, ni d'analyser ici, sous une forme
mme cursive, sans m'exposer quelque omission ou
interpretation incomplete, toujours fort regrettable. Mais
la vrit, ce serait une liste de trois mille ou quatre







mille Cubains, si ce n'est davantage, qu'il faudrait tablir
pour prsenter un panorama plus ou moins exact des
producteurs intellectuals de tous ordres, qui enrichissent
chaque jour le patrimoine cultural cubain. En effect,
la Foire Annuelle du Livre, l'Annuaire Culturel de Cuba
et la Bibliographie Annuelle que dirige le savant biblio-
thcaire de la Municipalit de La Havane, M. Fermin
Pedraza Sarausa, rvlent qu'il se public Cuba, en fait
de livres, brochures, revues et journaux, plus de mille
travaux divers, scientifiques, littraires et artistiques.
C'est ce sujet que je disais dans l'un de mes Rapports au
Dpartement des Relations Extrieures, que La Havane,
par les ditions priodiques et les runions acadmiques
qui se tiennent chaque jour un peu partout, par la multi-
plicit des ouvrages qui se publient jet continue, avait
l'allure intellectuelle d'une grande capitale.
On remarquera, d'autre part, qu'un grand nombre
d'intellectuels cubains portent le titre de Docteur. C'est
qu' La Havane, les tudes de tous genres se poursuivent
jusqu'au doctorate. On sort de l'Universit docteur en
droit, docteur s sciences, docteur en pdagogie, docteur
en philosophie, etc. De mme qu'on observer par le
simple contact avec n'importe quel individu originaire
de ce pays, une aptitude extraordinaire l'loquence qui
n'est pas dpourvue de forme, ni d'argumentation. Pour
ma part, je ne connais pas un seul Cubain qui ne prsente
de brillantes dispositions prononcer, n'importe quel
moment, un discours plein de chaleur, sur n'importe quel
sujet. Et si par bonheur il s'agit d'un thme patriotique,
politique ou social, alors vous recevez une cascade for-
midable de paroles o rsonnent tous les grelots de la
rhtorique hispano-amricaine, pleine d'enthousiasme et
de logique.







Le Cubain aime diter ses ouvrages, non pas dans
l'intention de les vendre, mais plutt dans l'esprit de mar-
quer sa personnalit et contribuer de quelque faon la
grandeur de son pays, tout au moins dans le domaine
intellectual. Le plus souvent il les donne gratuitement,
comme chez nous, ses relations sociales et les envoie
aux Bibliothques publiques. Les Imprimeries de l'Etat,
celle du Ministre de l'Education Nationale et du Centre
de Ceiba del Agua publient ordinairement, pro patria ,
les ouvrages estims utiles ou dignes d'tre vulgariss.
D'une manire gnrale, tous les sujets sont en honneur
dans les milieux intellectuals. Ils sont discuts dans les
Acadmies ou Socits spcialises, dvelopps dans des
ouvrages documents ou des communications soumises
des Congrs qui se tiennent frquemment dans cette
glorieuse capital. Au demeurant, l'homme, dans ce
pays-l, entend illuminer la pense des autres par ses tra-
vaux et ses recherches, il a une conception continue de
la vie et ne considre pas la mort comme une interruption.
Il prtend se survive lui-mme par ses actes, en atta-
chant son nom une euvre don't on ne peut estimer
exactement la porte, mais qui serve quand mme sa
patrie, en transmettant aux gnrations venir, comme
la semeuse magnanime, les fruits de son noble labeur.
Au point de vue civilisation, bien qu'il soit difficile
d'mettre une opinion just, au sujet d'un people qui est
encore en plein dveloppement, je me permettrai de rappe-
ler cet gard, ce que disait Paris un professeur d'Eco-
nomie Politique, savoir que le degr de civilisation
d'un people se measure par la distance kilomtrique de
ses bonnes routes dpartementales , tant donn que les
routes constituent la grande artre qui assure la vitalit
conomique et social d'un pays. Georges Duhamel,







dans le Prince Jaffar, a dit: Je measure la grandeur d'un
people ce qu'il fait pour l'eau. Un Amricain formulait
lui-mme, comme base d'apprciation, le nombre des
coles publiques. Un Anglais, de son ct, recommandait
le nombre et la quality des hpitaux, et enfin, un Sud-
Amricain suggrait l'importance des journaux. Quel
que soit le moyen d'apprciation auquel on s'arrte pour
se faire une ide du degr de civilisation d'un pays:
eau, distance kilomtrique des routes dpartementales,
coles, hpitaux ou journaux, nous trouvons la Rpu-
blique de Cuba sur un pied trs avanc de civilisation.
Chaque gouvernement oriented ses initiatives selon les
ncessits du moment, et au total le pays, chaque priode,
marque un progrs de plus son actif. Culture et civili-
sation, combines un dosage gal, font de ce jeune et
admirable petit pays, qui connatra bientt cinquante
ans d'indpendance nationale, un modle offrir en
example dans le Bassin des Carabes.


1 Ceci tait crit avant 1952.







CHAPITRE VII


LA MISSION
SE PRECISE DE PLUS EN PLUS
Exchange de professeurs et d'tudiants. Visites de confrenciers. Orientation
conomique.


L'oeuvre de rapprochement haitiano-cubain tait en
plein panouissement quand survinrent, au dbut de
mars 1943, quelques changements dans le Cabinet Cubain.
Le Dr Jos Agustin Martinez passait la Justice et le
Dr Emeterio S. Santovenia le remplaait au Ministre
d'Etat. Le Ministre de l'Education dsignait M. Octavio
Femandez Clark pour aller enseigner l'espagnol au Lyce
National de Port-au-Prince et le Dr Ramon Alvarez
Silva, pote et pdagogue, le suivait quelques mois plus
tard. Dans la mme priode, le ministry Maurice Dartigue
envoyait plusieurs jeunes gens se perfectionner dans les
Ecoles Techniques de La Havane, notamment: MM. Max
Neptune, Raoul Lemoine, Andr Letellier. Le Doyen de
notre Facult de Droit, M. Pierre Liautaud, encourageait
de son ct M. Guy Douyon aller se perfectionner aussi
dans le droit international l'Universit de La Havane.
Notre soprano national, Mme Valrio Canez, accompagne
au violon par son mari, fut chaleureusement applaudie
dans plusieurs rcitals offers gracieusement, comme
contribution l'oeuvre culturelle hatienne qui s'laborait
en faveur d'Hati. Le Sanatorium de Port-au-Prince
dlgua M. Franck E. Roy pour aller tudier l'adminis-
tration d'un tablissement similaire cubain. M. Jos







Gomez Sicre, l'ami de toujours de notre pays, organisa
Port-au-Prince une Exposition de peintures cubaines
qui eut un succs considerable. M. Luc Grimard, Prsi-
dent de la Socit Hatienne des Lettres et des Arts, fut
lu membre de l'Acadmie des Arts et des Lettres de La
Havane. Le Prsident Lescot fit brosser par le grand
peintre Enrique Caravia les portraits de Toussaint-Lou-
verture, de Ption et de Christophe qui ornent actuelle-
ment les salons de la Prsidence. Celui de Dessalines, en
raison de quelques difficults d'ordre historique, fut
excut plus tard, selon les instructions du Prsident
Estim. M. Dants Bellegarde porta sa chaude et vibrant
parole dans le grand amphithtre de l'Universit de La
Havane, tandis que M. Santovenia venait, par sympathie
pour nous, couler sa lune de miel sous le ciel d'Hati. Le
climate de la plus belle fraternity rgnait entire les deux
Gouvernements et les deux pays. La Presse hatienne
rpondait admirablement l'lan de La Havane. Jacques
Antoine fit, dans trois ditions conscutives de Haiti-
Journal, un compete rendu sensationnel de tout ce qu'il
avait vu au pays de Carlos Manuel de Cespedes. L'Asso-
ciation des Reporters de La Havane, sous la prsidence
de M. Guillermo Prez Lavielle, consacra l'oeuvre de
comprehension et de rapprochement cubano-haltiens.
Ce fut notre excellent ami Jos M. Valds Rodriguez qui
chanta avec son loquence pleine de lyrisme l'amiti des
deux pays.
Cuba ce moment-l tait l'avant-garde du mouve-
ment panamricain, non seulement par des initiatives
culturelles, mais par des faits tangibles dignes de tous les
loges, en invitant plusieurs Chefs d'Etat du continent
visiter La Havane. Les Prsidents Calderon Guardia,
de Costa-Rica, Carlos Arroyo del Rio, de l'Equateur, le







Gnral Enrique Pefiaranda, le hros du Chaco, president
de Bolivie, se rendirent dans la capital cubaine, o ils
reurent les plus grands honneurs. On commena
parler de la possibility d'une visit du Prsident de la
Rpublique d'Hati. On en parla tellement que seize
socits des plus prestigieuses de La Havane adressrent
une petition au Prsident Batista pour demander que le
President d'Hati ft invit visiter La Havane. C'tait
presque enfoncer une porte ouverte, car le Prsident
Batista et tous les membres de son Gouvernement sou-
haitaient vivement de recevoir le Chef d'Etat Hatien.
Le Dr Santovenia m'exprima plus d'une fois le sincere
dsir qu'avait le Prsident Batista de voir se raliser ce
project. Les conversations se multipliaient cette fin dans
les milieux officials cubains. Je rentrai donc confrer avec
le President Lescot, au sujet des importantes formalits
protocolaires relatives sa visit La Havane devenue
plus que probable. Je l'entretenais galement de l'exten-
sion de la mission aux affaires conomiques ainsi que de
l'ouverture de pourparlers officials pour la conclusion
d'un Accord Commercial avec Cuba. J'avais acquis la
conviction que les peuples, mmes les plus troitement
unis par des liens historiques et moraux, ont besoin de
consolider leurs rapports par des changes plus concrets.
Je passai douze jours Port-au-Prince, j'obtins l'accord
du President sur le protocole relatif sa visit Cuba
et sa pleine autorisation pour mener champagne en faveur
des relations conomiques.
Ds lors, je donnai une orientation nouvelle mes
dmarches. Ayant conquis les cours et les esprits par le
rappel des faits les plus saillants de notre histoire, l'vo-
cation de notre riche folklore, la presentation d'euvres
d'crivains et de potes hatiens, je demandai audience































































ii. Rue Galiano ou Avenue d'Italie, centre des grands magasins et des gran
cafs, rappelant la vie des boulevards de Paris.


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12. L'Universit de La Havane, vieille comme la cit don't elle porte le nom,
point de jonction et de fraternity des jeunesses ardentes des Trois Amriques.







la Chambre de Commerce et de l'Industrie de La Havane.
J'y fis ressortir l'intrt que nous avions de fortifier
mutuellement l'conomie de nos deux nations, en souli-
gnant que la legislation hatienne offrait des garanties
compltes aux capitaux trangers qui s'investiraient en
Hati et que mon gouvernement tait dispos protger
et encourager ceux qui viendraient travailler soit dans le
commerce ou les banques, soit dans l'industrie ou l'agri-
culture.







CHAPITRE VIII


HOMMAGE
DE LA CROIX-ROUGE CUBAINE


Au mois de mars 1943, M. Jacques Antoine tait encore
La Havane. Il participa aux manifestations cubano-
hatiennes de plus en plus chaleureuses qui se poursui-
vaient un rythme ininterrompu dans la belle capital
cubaine. Il reut de toutes parts les attentions les plus
dlicates. Le Prsident Batista le reut en audience spciale
et envoya des fleurs Mme Antoine. Le Ministre d'Etat
offrit un djeuner en son honneur l'Htel Nacional;
la Socit Colombiste Panamricaine, prside par le
noble ami d'Hati, le Dr Miguel Angel Campa, lui rendit
des honneurs dignes de son rang et de ses qualits. Mais,
le tmoignage d'intrt le plus solennel qui lui fut donn,
fut celui de la Croix-Rouge Nationale Cubaine, une des
premires du continent amricain, au course d'une cr-
monie de grand apparat. L'Assemble Suprme de cette
haute institution tint une sance extraordinaire, le 26 mars
1943, pour accueillir le sous-secrtaire d'Etat aux Rela-
tions Extrieures et le Charg d'Affaires d'Hati. Le Prsi-
dent Sergio Garcia Marruz nous adressa un discours
mouvant de haute tenue morale, dans lequel il disait
notamment: C'est pour la premiere fois dans l'histoire
de la Croix-Rouge Cubaine que cette Institution accord
une dcoration avant six mois de residence, un ministry







tranger en function. Mais l'oeuvre de rapprochement
intellectual et spiritual qu'a ralise en cette capital le
Reprsentant d'Hati, M. Antoine Bervin, a pris de telles
proportions, rpond si parfaitement l'idal de notre
socit et a donn de si nobles rsultats en faveur de
nos deux pays, que l'Assemble Suprme de la Croix-
Rouge Cubaine a dcid l'unanimit de lui accorder en
mme temps qu'au sous-secrtaire d'Etat, S. E. M. Jacques
C. Antoine, la dcoration de cette Institution au grade
de Commandeur M. Bervin et de Grand Officier
M. Antoine, en tmoignage de sa haute appreciation.







CHAPITRE IX


LA MISSION TRIOMPHE

Accueil grandiose de La Havane au Prsident Lescot


Interprtant fidlement, avec une grce infinie, les senti-
ments de son people et de son Gouvernement lis par
tant d'affinits et d'amiti traditionnelle au people hatien,
le President Fulgencio Batista invita le Prsident Elie
Lescot, titre d'hte d'honneur, visiter la Rpublique
de Cuba. C'tait un vnement Un vnement historique
dans les relations des deux rpubliques-soeurs du Bassin
des Carabes. Le Prsident Batista s'tait souvenu sans
doute de l'accueil que fit en 1892 le people hatien Jos
Marti, et presque la mme poque Antonio Maceo,
qui nous firent l'honneur de venir nous demander le
rconfort dans les luttes qu'ils menaient en ce temps-l
pour l'Indpendance de Cuba.
Le Protocole Cubain travailla d'arrache-pied pour
l'laboration d'un programme de trois jours de visit du
President d'Hati. Tout fut minutieusement prvu et
arrang, jour par jour, heure par heure, pour ne rien laisser
au hasard, ni l'imprvu. Mais toujours l'inattendu
arrive. On tait en guerre. Un cble fcheux vint m'infor-
mer que le Prsident arriverait par l'avion de 4.30 P. M.
au lieu de celui de 11.30 A. M. prcdemment annonc.
Il fallut tout refaire. Les membres du protocole durent
travailler encore deux nuits conscutives pour modifier le







programme des receptions et ftes. Enfin, le Prsident
Lescot arriva l'aroport international de Rancho Boyeros
le 27 octobre 1943, exactement un an aprs l'inauguration
de ma mission en la capital cubaine. Une foule immense
vint accueillir le Chef d'Etat Hatien. Tandis qu'il s'appr-
tait descendre l'escalier de l'appareil, le Prsident Lescot
eut un geste lgant et cordial pour saluer la population
innombrable qui l'acclamait. J'entendis une dame de
quality de la socit cubaine s'crier: O es un Sefor !
Oh! c'est un grand seigneur! Cet hommage spontan,
exprim par une personnel de got, rsuma l'impression
gnrale que fit le Prsident d'Haiti aux Havanais. C'est
un grand seigneur En effet, il l'tait plus que jamais
ce moment-l. Le Chef d'Etat Hatien, par son charme et
ses manires lgantes, fit la conqute total de La Havane.
L'admiration tait partout, la joie dans tous les cours.
Mais quelque chose d'inattendu devait encore arriver.
On annona la mort du neveu du Prsident Batista don't
le frre tait Maire de Marianao. Le Prsident Lescot
spontanment offrit de renvoyer le dner official qui devait
avoir lieu le soir mme en son honneur. A quelque chose,
malheur est bon. Ce fut l'occasion pour les deux Chefs
d'Etat de bnficier d'un regain de popularity. Le lende-
main, les deux Prsidents suivirent, dans la mme voiture,
le long parcours que suivit le cortge funbre o ils reu-
rent de nouveaux tmoignages de sympathie et d'admira-
tion communes. Au Capitole, la Mairie de La Havane,
aux Monuments de Jos Marti et d'Antonio Maceo, au
Parc de la Fraternit, l'Auditorium, ce furent de l'enthou-
siasme et du dlire. M. Dants Bellegarde, qui tait aussi
La Havane, eut le mot just pour traduire l'impression
que lui fit l'accueil grandiose rserv au Prsident Lescot:
C'est de l'histoire que vous crivez l.
69







CHAPITRE X


INCIDENT MAX BISSAINTHE
A LA HAVANE



Les relations entire les deux pays taient parvenues,
comme on peut en juger, au plus haut degr de cordialit
et de fraternity. De nombreuses families, modestes ou des
plus cossues, invitaient souvent le reprsentant hatien
aux runions qui se tenaient dans leur foyer. L'engoue-
ment tait tel qu'il fut sollicit de participer aux manifes-
tations les plus diverse : il fut parrain d'enfants, parrain de
jeunes filles la proclamation de leur palmars scolaire,
president de match de boxe. On requit son patronage
pour des concerts, des expositions de peinture, etc.
C'tait de la diplomatic total pour rallier des sympathies
autour du nom hatien.
Tout tait au beau, quand Max Bissainthe vint La
Havane. Le Directeur de notre Bibliothque Nationale
tait invit par le Gouvernement Cubain assister l'inau-
guration du magnifique difice des Archives Nationales.
Pendant son sjour, il eut besoin des services d'un coiffeur.
Notre compatriote, sachant que Cuba tait une dmocratie,
entra dans le premier salon venu. Mais hlas, La Havane
comme dans l'autre capitale... il faut mettre ses verres,
et Max Bissainthe n'en porte malheureusement pas. Il
alla se cogner contre un mur et voulut se faire panser par
la Lgation d'Hati. Le premier barbier qui il s'adressa







lui fit comprendre poliment qu'il n'tait pas spcialis
dans le traitement de la flore capillaire crpue et lui recom-
manda de s'adresser ailleurs. Bissainthe ne comprit pas
ce qu'il voulait dire et, croyant que le barbier tait trop
occup pour lui couper les cheveux, alla frapper la porte
d'un autre Figaro qui lui chanta la fameuse ritournelle du
Barbier de Sville : Figaro si, Figaro l, Figaro si, Figaro
l, Figaro n'est pas l. Et Bissainthe, plus amateur de
vieux grimoires que de grands opras, ne comprit pas
davantage. Les collgues mexicains de mon ami Bissainthe,
invits comme lui aux ftes et crmonies officielles cubai-
nes, furent pris d'indignation contre les procds des
coiffeurs cubains et firent un scandal. La press s'empara
de la question, la radio aussi; les communists s'en ml-
rent et le Snat Cubain fut saisi de l'affaire. La Lgation
d'Hati ne put ds lors rester indiffrente et fit des repr-
sentations la Chancellerie cubaine. Le Snateur Salvador
Garcia Aguro leva une protestation nergique et le
Ministre d'Etat dut subir une interpellation ce sujet.
Le Chancelier, le Dr Cuervo Rubio, donna au Grand
Corps d'amples et valables explications, en soulignant
qu'il avait prsent, au nom du Gouvernement Cubain,
des excuses au Reprsentant Hatien, et qu'en raison des
principles constitutionnels d'galit de droits, sans dis-
tinction de race, ni de sexe, il avait jug opportun de
dfrer l'affaire aux Ministres de la Justice et du Travail,
pour qu'aprs enqute, ft applique telle pnalit contre
le barbier qui avait fait fi des principles consacrs par la
Charte cubaine. Toujours l'inattendu arrive. Voil com-
ment les cheveux de M. Max Bissainthe faillirent compro-
mettre l'oeuvre de tant de jours et l'amiti de deux pays
frres Et voil aussi, il faut le reconnatre, comment dans
cette ville de La Havane, si gracieuse et si aimable tant







d'gards, o cependant le prjug de couleur est aussi dur
qu'aux Etats-Unis, des gens, ignorant les obligations mo-
rales qui incumbent leur gouvernement, exposent
celui-ci prsenter un diplomat tranger des regrets
qui, en toutes circonstances, constituent, mme dans des
cas justifis, une dmarche toujours pnible.







CHAPITRE XI


ACTION ECONOMIQUE




Il n'est pas ncessaire d'esprer pour entreprendre, ni de
russir pour persvrer. Voil une pense que j'ai l'honneur
de proposer la meditation quotidienne de mes conci-
toyens. Elle devrait tre adopte comme la devise domi-
nante de ceux qui ont surtout une part d'initiative et de
responsabilit dans la gestion des affaires publiques.
Essayer, essayer sans cesse, comme Christophe Colomb,
jusqu' trouver la formule definitive de la russite.
Peu de jours aprs ma communication la Chambre de
Commerce et de l'Industrie, les projects conomiques les
plus intressants taient soumis la Lgation, tant par les
Cubains, que par des trangers rsidant dans la ville. L'un
de ces projects qui, mon avis, offraient le plus de chance
d'intgration dans notre conomie et auquel l'auteur avait
offert de participer titre d'actionnaire et de directeur
technique, tait un project d'industrialisation de la banane
S impropre l'exportation, autrement dit les bananes reje-
tes pour une raison quelconque par les inspecteurs des
companies exploitantes ou du Ministre de l'Economie
Hatienne. L'auteur du project tait M. Hallivis, d'origine
europenne. Il avait sjourn quelques annes dans les
Iles du Pacifique. Cet homme d'affaires vint donc s'entre-
tenir avec moi. Pour ne pas allonger outre measure mon







rcit, je dirai que je trouvai son project acceptable, pratique,
appropri notre pays, car j'avais souvent entendu les
plaintes qui s'levaient de toutes parts contre les inspec-
teurs prposs la selection de la banane, et qui se mon-
traient, parat-il, trop zls ou trop arbitraires. Il m'avait
sembl que c'tait l un moyen excellent qui nous et per-
mis de rcuprer, tout au moins un fort pourcentage des
espces de bananes rejetes qui ont certainement leur
valeur conomique et alimentaire et qui au lieu de peser
de leur bon poids et de leur valeur dans nos statistiques
d'exportation et de notre balance des comptes, servent
alimenter les pourceaux ou mme pourrissent sur place
sans tre utilises.
M. Hallivis m'exposa tout au long son ide avec la
clart et l'aisance d'un homme qui connaissait son affaire:
les procds techniques employs pour obtenir la pulv-
risation de la banane, sans la soumettre une haute tem-
prature, de faon conserver la force des vitamins, la
puissance nutritive du produit et sa saveur. Mon interlo-
cuteur me fit remarquer le grand problme qui se prsen-
terait immdiatement aprs la Victoire, touchant l'ali-
mentation de millions d'individus en France, en Pologne,
en Belgique, en Hollande, en Norvge, en Grce, en
Yougoslavie, pour ne mentionner que les pays d'Europe,
avec des millions d'tres humans affaiblis par les souf-
frances physiques et morales, les privations imposes par
la guerre. Son expos me fit voir d'une faon saisissante
et prcise les avantages de la fabrication du produit et les
marchs certain qui s'ouvriraient son coulement.
Restait dterminer le montant du cot d'tablissement.
Il m'assura que le prix estimatif pour monter une usine
complete de ce genre s'lverait 70.000 dollars, avec
possibility de modification et de transformation pour







annexer l'usine principal une fabrique de products ali-
mentaires, comme les fruits, les lgumes de chez nous. Il
m'a sembl ds lors que c'tait une affaire prendre en
consideration et comme de fait, j'invitai M. Hallivis
consigner toutes les indications relatives sa proposition
dans un memorandum, en mentionnant les dix mille
dollars qu'il voulait investor dans l'entreprise. Plein de foi
et d'enthousiasme comme moi, M. Hallivis, vingt-quatre
heures aprs, avait son memorandum en bonne forme. Le
jour mme, le Mmoire partait, avec force recommanda-
tions l'adresse de Son Excellence le Prsident d'Haiti,
qui, comme tout le monde le sait, est l'Alpha et l'Omga
de toutes les affaires qui apparaissent l'horizon national.
Conclusion: M. Hallivis, les paysans, vous et moi... nous
attendons encore. Je n'ai reu cet gard aucune marque
d'approbation, ni de dsapprobation. Mais je ne reus non
plus le moindre signe d'un dsir de raliser le project
soumis.
*


A propos de figue-banane, un ancien prfet de Jrmie
me raconta un jour qu'il avait prpar une tude docu-
mente, dans laquelle il dmontrait avec chiffres l'appui
que sur une mme tendue de terre, ce produit tait bien
plus rmunrateur que le caf, et qu'il y avait par cons-
quent intrt pour notre communaut d'accrotre la cul-
ture de cette denre. En bon fonctionnaire de l'Etat et sou-
cieux du bien-tre gnral, il se fit le devoir d'adresser son
travail au Prsident Lescot pour l'tude de toute extension
ventuelle travers le pays. Aprs l'envoi de ses observa-
tions son haut destinataire, l'ancien prfet, tout joyeux,
alla faire part de son initiative son ami, Desquiron,







comme on sait, passa toute sa vie en dehors de la politi-
que, mais quoique distance, il pntra singulirement la
psychologie bizarre de nos hommes publics et il dit au
prfet:
Si vous avez envoy au Prsident Lescot une tude
sur l'extension de la figue-banane, j'ai le regret de vous
dire, mon cher ami, que vous tes un homme perdu.
Comment, rtorqua le prfet interloqu, c'est dans
l'intrt mme du pays et du gouvernement que j'ai agi
ainsi.
Mais, mon ami, reprit Michel Desquiron, c'est bien
facile comprendre, la figue-banane est la politique du
President Vincent, tandis que la politique du Prsident
Lescot, c'est le caoutchouc, l'hva, le cryptostgia. Vous
tes perdu, vous dis-je, si votre paper est dj expdi
Port-au-Prince.
Alors, repartit le prfet, et les revenues du pays qu'il
faut augmenter cote que cote, pour consolider son
armature conomique?
Vous n'tes pas charge de cela, reprit Desquiron,
votre rle est de chanter le thme politique du moment,
qui est le caoutchouc, produit stratgique. Voil Si vous
avez le malheur de parler d'autre chose, vous tes perdu.
Michel Desquiron, qui est actuellement dans un lieu de
vrit, o sa sagesse a d tre certainement rcompense,
avait pleinement raison, car peu de jours aprs le mmo-
rable entretien, le dfenseur de la figue-banane tait relev
de ses functions prfectorales. L'poque tait vraiment au
cryptostgia et non la banane.
C'est peut-tre pour la mme raison que je n'entendis
jamais parler du project de M. Hallivis.
*







Comme pierre lance, dit-on, n'a pas de queue, ayant
parl avec beaucoup de chaleur et de conviction la
Chambre de Commerce et de l'Industrie, je ne pouvais
qu'aller de l'avant dans mes dmarches en faveur des
changes conomiques que j'avais souhait voir s'tablir
entire Cuba et Hati. J'entrepris une srie de visits tra-
vers les entreprises industrielles existant La Havane.
Par mon experience et ma documentation, je m'tais
rendu compete qu'il existait plus de mille industries dans
le pays, toutes florissantes, comme on a pu le vrifier,
d'ailleurs, par la brillante participation cubaine notre
Exposition Internationale du Bi-centenaire de Port-au-
Prince. J'avais estim qu'il y avait intrt les tudier
pour les signaler au march hatien qui manquait de tout
ce moment-l. Les sous-marins ne permettaient gure
aux navires europens et amricains d'aborder nos ports.
Hati ne recevait qu'un ou deux bateaux par mois. En
consideration de ces circonstances, j'encourageai le
Dr Emilio Jordan et ses amis former une Socit Mari-
time et Commerciale Cubano-Hatienne: La Cuban
Hatian Trading Co , don't l'inauguration eut lieu dans
les salons de la Lgation d'Hati. Voil comment une
propaganda saine et honnte, conjugue avec une action
dynamique, peut donner d'heureux rsultats. De nom-
breux commerants des deux pays firent de grosses
affaires, des Hatiennes en grand nombre vinrent La
Havane faire d'importants achats. J'tais heureux de les
aider et de les protger, car je savais que tout tait diffi-
cile dans le pays. Le movement touristique entire les
deux capitals connut une recrudescence inaccoutume.
On ne pouvait pas aller en Europe, ni aux Etats-Unis, on
se dirigea par consquent vers La Havane, qui tait
devenue plus que jamais hospitalire et utile beaucoup







d'Hatiens. Tous les petits bateaux de la flotille marchande
hatienne se rendaient rgulirement ce moment-l
Santiago de Cuba, charges de passagers, et s'en retour-
naient avec un complete chargement de marchandises de
toutes sortes. Le Gouvernement hatien, en raison de ce
movement, crut opportun de nommer La Havane un
Attach Commercial pour pouvoir tudier les possibilits
de consolider et d'augmenter mme les rapports cono-
miques des deux pays. L'initiative en soi tait tout indi-
que, mais hlas, ce fut un Attach singulirement dta-
ch, qui s'attachait plutt aux ftes et crmonies, pour
se dtacher, aussitt les lampions teints.







CHAPITRE XII


LA MISSION DECLINE




Au printemps 1944, la Rpublique de Cuba tait en
pleine champagne prsidentielle pour la succession du
Gnral Batista. Deux noms taient mis en avant pour
le remplacer: le Dr Carlos Saladrigas, ancien Premier
Ministre du Cabinet du Prsident Batista, et le Dr Ramon
Grau San Martin, professeur d'Universit. De nouveaux
changements furent oprs dans le Ministre cubain. Le
Dr Jorge Mafiach remplaait au Ministre d'Etat le
Dr Emeterio Santovenia. Professeur de philosophie
l'Universit de La Havane, ancien professeur l'Univer-
sit de Columbia, auteur de plusieurs ouvrages remar-
quables, le Dr Mafiach jouit d'un prestige moral et intel-
lectuel considerable. Restait savoir quel serait l'tiage
de sa sympathie en faveur de notre pays et notamment de
l'oeuvre de cooperation intellectuelle haitiano-cubaine
qu'il trouva en plein panouissement.
Sur les continents, la guerre se poursuivait avec achar-
nement. Le Prsident Roosevelt tait en route pour Yalta et
Dumbarton Oaks prparait dj ses clbres propositions.
La mission hatienne s'affirmait encore La Havane.
L'amiti cubaine se manifestait sans cesse notre
endroit, tant dans le monde official que dans mes relations
prives, pour nous combler d'affection et de bont.







J'avais peine fini de recueillir les hommages d'un group
qu'il me fallait m'apprter recevoir ceux d'un autre,
l'esprit cubain tant fertile quand il s'agit d'imaginer de
nouvelles courtoisies. Je transmettais ces hommages, soit
au Gouvernement, soit au Prsident d'Hati. Tous ces
tmoignages, d'ailleurs extrmement touchants, taient
porter indiscutablement au credit du movement de
rapprochement Hatiano-Cubain.
Aprs l'rection du buste d'Alexandre Ption au Parc
de la Fraternit, l'inauguration du portrait en pied de
Toussaint-Louverture, d au peintre Enrique Caravia,
dans la galerie des Hommes illustres de l'Htel de Ville
de La Havane, les peintres, les graveurs et les sculpteurs
voulaient bnvolement fixer les traits du Prsident Lescot.
Il me fallait rpondre aux appeals des studios qui me
demandaient mon appreciation personnelle sur l'expression
des euvres d'art prsentes ma critique. Jamais je ne
ralisai si bien la diversity de la function diplomatique.
Je ne savais plus o mettre les esquisses de tous genres,
reprsentant l'effigie du Prsident Lescot, qui parvenaient
la Lgation. Tant de courtoisies nous mettaient videmment
en reste de politesse vis--vis des Cubains, tant donn que
la rciprocit est la base des relations internationales. Le
Gouvernement Hatien fort propos venait de dcider
une promotion cubaine dans l'Ordre National Honneur
et Mrite . La remise de ces distinctions donna lieu une
autre manifestation cubano-hatienne.1 Le Dr Jorge Mafiach
chanta admirablement l'amiti des deux peuples.

1Discours changs en cette circonstance
Illustres Cubains,
Runis dans cette Lgation, don't une fiction ingnieuse du droit international
en fait un prolongement de la Terre Hatienne, j'aurais aim pouvoir m'inspirer
des traditions gnreuses qui, travers cent quarante ans d'Indpendance













/I


13. JORGE NMANACI
Home d'Etat, professeur d'L'niversit,
crivain de grande classes, ami de la Rpublique d'H.iti.






















































r4(is gractb cubWines sur Je \1i1econ.









National, ont fix la physionomie et les caractristiques originales de mon pays,
pour vous traduire dans la plnitude et la beaut de l'expression, les sentiments
qui animent votre gard le Peuple et le Gouvernement haitiens.
Bien souvent, Messieurs, les Reprsentants des Etats sont appels remplir des
missions pleines d'honneur. Celle que j'accomplis en ce moment, rpondant par-
faitement ce noble caractre, me met aujourd'hui au comble de la joie et de
l'orgueil. Cet tat d'me trouve sa source dans ce haut souci du devoir et dans
cette volont dtermine qui vous ont permis de mettre vos influences d'hommes
d'Etat, votre esprit de comprehension et de cooperation au service d'une large
politique interamricaine, don't la consequence immediate et bienfaisante a t
de situer votre Glorieuse Patrie en toute premiere ligne des Rpubliques Amri-
caines. Haiti en a fait l'heureuse experience et votre serviteur est plac dsormais
pour en porter tmoignage devant le monde comme devant l'histoire.
La crmonie qui nous assemble n'est que la conscration de cette politique
qui vous honore et qui fait honneur la Rpublique de Cuba dans ses manifesta-
tions politiques, sociales, conomiques, internationales, artistiques, scientifiques
et littraires.
Maeterlinck, le philosophy que j'aime peut-tre le mieux, pour la grce atta-
chante qui voile l'inquitude de sa pense, Maeterlinck prtend quelque part, que
le secret d'tre aim, c'est d'aimer tout le premier. Je l'en crois sans peine, grce
l'exprience que je crois avoir acquise de certain problmes du sentiment.
Avant mme d'avoir foul cette terre hroique de Cuba don't chaque pierre est
un tmoin recueilli de la plus merveilleuse pope qu'un people fier ait jamais
signe de son sang, et o l'air mme que l'on respire charrie come un parfum
de libert qui ajoute la joie de vivre, j'avais appris confondre dans la mme
admiration votre culture et votre histoire... Pour les lettres, vous tes les hri-
tiers en droite ligne de Cervants, de Calderon et de Lope de Vega, et pour ce qui
est des hros farouches qui, forant le destin, vous firent de leurs pes une place
au soleil de la libert, en vrit, Plutarque les avait prvus et me les avait rendus
families.
J'ai donc aim le premier, et c'est cette circonstance don't je me prvaux que
je rapporte et le succs de ma mission d'amiti auprs du Gouvernement de votre
Rpublique et la chaleur d'accueil don't j'ai t honor dans toutes les sphres de
votre socit police jusqu'au raffinement, et si splendidement unie dans son appa-
rente diversity.
Ma mission, il est vrai, ne prsentait pas d'asprits, puisque tout prendre, elle
consistait et consiste encore rapprocher sur le plan cultural et sur le plan cono-
mique nos deux pays, ns du mme rve gnial de Christophe Colomb, rappro-
chement que nous pouvons concrter davantage en jetant un pont d'affectueuse
comprehension sur cet troit Canal du Vent qui nous spare sans nous avoir
jamais diviss.
Je me flatte de m'tre, chez vous, limit l'effort de plaire, et de n'avoir jamais
t, en marge de mon titre official, qu'un tmoin attentif et, j'ajoute, ravi de votre
civilisation qui volue dans le respect de la dignit fondamentale de l'homme.
Je porte encore tmoignage devant le monde que vous tes une noble dmocratie
la poursuite du magnifique idal de reliever la condition humaine.
Tout ceci, Messieurs, devait tre dit, puisque s'y prte le caractre intime,
avant d'tre official, que revt cette crmonie, et puisque aussi bien, nul protocole
ne me fait defense de joindre un hommage personnel l'hommage solennel








que le Chef de la Nation Haitienne, Son Excellence Monsieur Elie Lescot, m'a
charge de vous transmettre, en consideration des hautes vertus et des mrites
minents qui font des Membres de l'auguste aropage qu' des tires diffrents
vous reprsentez, des personnalits qui dbordent toutes frontires et qui honorent
l'humanit en mme temps que la patrie qui allaita leur gnie.
Je suis encore charge, Messieurs, de vous exprimer la reconnaissance du Gou-
vernement Haitien, pour l'accueil mouvant, auquel vous avez eu une part si
enthousiaste, reu dans cette gnreuse capital par Son Excellence le Prsident
Lescot, lors de sa visit de bon voisinage Son Excellence le Prsident Fulgencio
Batista, l'illustre chef aim, vnr et si digne de l'tre, de votre Grande Nation.
Ce sera l'ternelle fiert de ma carrire, que d'tre charge de vous remettre, avec
les diplmes qui en consacrent le titre, les insignes de l'Ordre National Haitien
Honneur et Mrite , que vous a confrs le Gouvernement de la Rpublique
d'Haiti.
Maeterlinck, Messieurs, que j'ai pris la libert de citer en dbutant, crit encore
que ce sont les belles mes qui font la vraie beauty du monde. Je l'prouve
l'instant mme en votre auguste compagnie.
Aussi bien, m'inspirant des instructions spciales du Prsident de la Rpu-
blique d'Haiti, don't la volont est d'honorer dans un geste solennel vos noms,
vos rangs et vos tires, de mme que les entits nationals cubaines que vous
personnifiez, j'lve mon me la hauteur de la mission qui m'est confie, pour
vous intgrer dans la Galerie des Grands d'Haiti, pour que vous jouissiez des
droits, honneurs et prrogatives qui y sont attachs. A cet hommage supreme,
je me permets de joindre mes plus chaleureuses flicitations.


Rponse de Son Excellence Jorge Mafach,
Ministre d'Etat de Cuba.

Monsieur le Charg d'Affaires,
C'est pour moi un trs grand honneur que de recevoir, par une heureuse
coincidence, cette marque de distinction personnellement de Votre Excellence
et de rpondre, au nom des fonctionnaires et personnalits ici runis et au mien
propre, votre brilliant discours et de vous exprimer, Monsieur le Charg d'Affaires,
notre profonde gratitude pour l'honneur qu'au nom de votre Gouvernement
vous nous avez confr. Nous voudrions que ce tmoignage de reconnaissance
parvienne par votre intermdiaire et celui du premier Mandataire de la Rpu-
blique d'Haiti, Son Excellence Monsieur Elie Lescot, toute la Nation haitienne
don't le profound esprit de gnrosit nous a valu, certes, cet honneur official.
Notre gratitude s'augmente du fait, que vous avez si heureusement signal,
que par une fiction du droit des gens nous foulons cette minute le territoire
d'une nation-soeur et au grand honneur que vous nous confrez, s'ajoute le plaisir
de le recevoir en votre propre maison. Noble et symbolique fiction que celle de
l'exterritorialit Par elle, les peuples semblent avoir reconnu non seulement la
porte juridique de la souverainet, mais encore la ncessit pour eux de mieux
se connaitre au moyen d'changes et mme par l'abngation de certain droits
naturels. Cette fiction nous permet de nous transporter en Haiti, tout en demeu-
rant Cuba, et nous dmontre la ncessit de resserrer encore davantage nos








relations de bon voisinage, d'intensifier notre collaboration pour le bien-tre et
la culture des deux peuples.
Cuba et Haiti sont effectivement, comme l'a si bien dit Votre Excellence, les
lointains dpositaires, en cet hmisphre, de deux grandes cultures occidentales.
La n6tre est celle de Lope de Vega, de Cervants et Calderon, et la vtre se nourrit
de la sve de Corneille, de Racine, de Montesquieu et de Victor Hugo. Mais ces
cultures parallles s'inspirrent d'une pense commune de l'humanit : la Renais-
sance, et cette poque magnifique de l'histoire, cette poque de grandes recherches
et de fcondes spculations, s'incarna particulirement pour notre Amrique, dans
une trs grande figure don't nous descendons en droite ligne: celle de Christo-
phe Colomb. Cette promesse, en dotant l'humanit de ces terres nouvelles, en les
ouvrant l'ambition et la convoitise des hommes du Vieux-Monde, permit aux
lments de notre commune destine de se dvelopper : facteurs divers, sources
d'nergie et de fortune, la rcompense de deux langues illustres et tout ce qu'avec
elles, elles comportent de croyance, de doute, d'idal et d'inquitude 1 Combien
doit s'enorgueillir notre esprit, Messieurs, la pense qu'un jour nos deux peuples,
ces peuples nouveaux qui parent des langues si anciennes, pourront restituer
l'Europe une culture aussi noble, aussi fconde que celle reue I Pour le moment,
ne plaons pas si haut notre rle. Nous sommes satisfaits, Haiti... de son ct et
Cuba du sien, d'avoir atteint nos tapes de formation, accomplissons une profonde
introspection, rflchissons ce que nous sommes par la nature et par l'histoire,
purifions notre culture, perfectionnons nos institutions, intensifions notre vitalit
afin de ne jamais manquer l'impulsion et le calcul, l'inquitude qui cre et la
discipline qui ordonne.
A cette obligation interne s'ajoute celle qui dcoule de notre double condition
de peuples amricains et antillais, Haiti et Cuba dsirent galement renforcer
chaque jour davantage leur proximity gographique, par la coordination des
valeurs et des intrts matriels et moraux; qu'une fois de plus, en souvenir de
la magnifique figure de Marri, la volont des deux peuples les runisse par-dessus
l'ocan qui les spare comme les lie en dessous le courant insulaire de feu.
Vous contribuez beaucoup ce rapprochement, Monsieur le Charg d'Affaires,
par votre presence et votre activity Cuba. Malgr vous, votre discours garde la
marque de ce cachet personnel don't vous avez su imprgner les relations haitiano-
cubaines, depuis votre nomination parmi nous.
Il nous semble avoir senti passer dans vos paroles toute l'affection que Cuba
a su veiller dans votre ceur. Je ne verserai pas dans la flatterie, si j'affirme que la
personnalit du Charg d'Affaires a raffermi le cordial attachment, la profonde
estime et la grande sympathie de tous les Cubains qui ont eu le bonheur de pos-
sder son amiti. Nous avons rarement eu l'opportunit de voir, d'une manire
aussi ostensible, un diplomat obtenir pour le people qu'il reprsente, tant de
sympathie et de prestige, par le rayonnement de ses qualits personnelles. Cette
virtualit personnelle doit tre trs commune en Haiti. Le souvenir demeure
aussi vivace qu'au premier jour dans la mmoire de ceux qui eurent le bonheur
d'apprcier l'extraordinaire sympathie que souleva ici, Son Excellence Monsieur
Elie Lescot, Prsident de la Rpublique d'Hati, l'occasion de sa visit officielle
Cuba. J'effectuais ce moment-l une tourne politique dans la province
d'Oriente, et le Prsident Lescot avait dj laiss l'le lorsque je retournai. Je n'eus
pas alors l'opportunit de le rencontrer. Mais des lvres de mon cher et illustre
prdcesseur, le Dr Santovenia, et de celles de nombreuses autres personnalits







qui eurent le privilege d'approcher le premier Magistrat haitien, je recueillis
de vives louanges sur sa sympathie, le charge de sa personnel et son amabilit.
Nous devons, dans une certain measure, ces traits de caractre qui dcelaient
une grande gnrosit d'esprit, l'honneur de nous voir confrer, aujourd'hui, la
brillante dcoration de l'Ordre Honneur et Mrite. Elle demeurera toujours pour
nous un tmoignage d'orgueil, symbol d'une amiti consacre. Je vous prie
d'accepter, Monsieur le Charg d'Affaires, et de transmettre votre illustre Pr-
sident, l'expression de notre plus profonde gratitude et, avec notre cordial salut,
notre foi dans une amiti durable et de plus en plus fconde entire les nations
cubaine et haitienne.

Aprs les Dra Jos Agustin Martinez et Emeterio San-
tovenia, le Dr Mafiach tait gagn lui aussi la cause
hatienne de rapprochement moral. Comme ses illustres
prdcesseurs, il voulut faire quelque chose de concrete
en faveur d'Haiti. Il fallait seulement lui en fournir
l'occasion.
*


Tout tait au beau sous le ciel de La Havane; on disait
nos vers, on chantait nos chansons, on dansait nos
mringues... C'tait donc trop beau pour que cela durt
davantage. Quelque chose survint et rompit l'enchante-
ment. On annona de Port-au-Prince la rlection du
President Lescot, deux ans avant la fin de son premier
mandate constitutionnel: c'tait la catastrophe. Au pays
de la dmocratie cubaine, c'tait unacceptable, d'autant
plus que le Prsident Lescot avait jou La Havane la
carte dmocratique. La press qui, d'ordinaire, ne mna-
geait pas le Prsident Batista et tout ce qu'il y a de plus
illustre Cuba, sortit ses bordes contre le Prsident
intempestivement rlu. Lescot nos a engaiado (Lescot
nous a tromps.) Tel fut le thme nouveau dans les quo-
tidiens havanais. Il nous fallut ds lors en rabattre et
mettre une sourdine nos violons. Le Dpartement des







Relations Extrieures me fit parvenir les Lettres Auto-
graphes annonant l'vnement, pour tre transmises
la Chancellerie Cubaine. L'accomplissement de cette
mission me fut pnible. Quand le Ministre d'Etat me
reut, je ne relevai pas, sur son visage, le plus petit signe
de la sympathie attrayante qu'il savait me prodiguer
auparavant. Le Dr Mainach, d'ordinaire si vivant, resta
impassible. Je lui dis: Monsieur le Ministre, j'ai l'hon-
neur d'apporter Votre Excellence, les Lettres Autogra-
phes par lesquelles Son Excellence M. le Prsident Elie
Lescot informed Son Excellence M. le Prsident de la
Rpublique de Cuba de sa rlection la Prsidence
d'Hati. Je prie Votre Excellence de me donner acte de la
remise de cet important document. Sans la moindre
amnit et sur un ton neutre, le Chancelier Cubain me
rpondit: Monsieur le Charg d'Affaires, je reois de
vos mains les Lettres Autographes du Prsident d'Haiti
et je les transmettrai ce soir mme au Prsident de la
Rpublique. Ce fut tout... Tandis qu'il me parlait,
j'avais l'impression de lire sur le visage du Chancelier la
rprobation de l'acte d'escamotage politique don't je
venais de lui notifier la perptration. Quand je m'en
allai, je n'osai regarder ni droite, ni gauche, tellement
j'avais au fond de moi-mme l'embarras des situations
gnantes. Dans le Corps Diplomatique, personnel ne me
souffla mot de ce qui venait de se passer en Hati. Mais
personnel non plus ne me tmoigna les empressements
antrieurs.
Les visiteurs hatiens en grand nombre continuaient
venir La Havane. Comme j'avais appris l'arrive inces-
sante de M. Maurice Dartigue, ministry de l'Education,
j'organisai au Vedado-Tennis-Club, une Exposition d'ou-
vrages manuels scolaires et des articles de notre petite







industries avec l'aide et la collaboration de charmantes
dames cubaines. J'en pris occasion pour inviter tous nos
compatriotes qui se trouvaient alors l-bas, notamment le
Snateur Charles Fombrun. Aprs le discours prononc
en cette circonstance, qui fut en quelque sorte le De
Profundis de la mission culturelle, la faveur d'un apart
entire le Ministre Mafiach, le snateur Fombrun et moi,
j'entendis le Chancelier cubain s'crier: Ah! comme
je suis heureux de trouver un parlementaire hatien!
Pourriez-vous me dire comment vous vous tes pris,
Monsieur le snateur Fombrun, pour rlire le Prsident
Lescot, avant la fin de son premier mandate? Personnelle-
ment, je ralisai ds ce moment que le Ministre d'Etat
tait pour moi un ami qui m'avait mnag, en ne me parlant
jamais de cette question. Je vis le Snateur Fombrun,
don't la carrure est assez large, se replier sur lui-mme,
comme un accordon qui se referme. Ses yeux roulant
dans leurs orbites, les mains se tortillant, il rpondit:
Eh bien! moi qui vous parle, Monsieur le Ministre...
j'ai pris mes responsabilits. Ce fut tout. M. Fombrun
laissait aux psychologues, aux historians, aux moralistes
et aux hommes d'Etat des temps presents et venir, le
soin de rechercher le sens qu'il donne au mot responsabi-
lits. Et M. Mafiach, qui tait bien plus un professeur de
philosophie qu'un politician, don't les disciplines hon-
ntes aurolent la chaire de l'Universit de La Havane,
souligna avec profondeur et mlancolie, la rponse du
snateur hatien: Ah! vous avez pris vos responsabi-
lits... Je comprends.


SCes articles avaient t gnreusement envoys par Mme Paul Romain, dans
le but de faire apprcier le fini des ouvrages haitiens.
86







La politique de Bon Voisinage battait son plein quand
le Dr Grau San Martin fut lu Premier Magistrat de la
Rpublique de Cuba. Trois Chanceliers d'Amrique, en
grande pompe, vinrent participer aux ftes d'inauguration
qui eurent lieu La Havane: Ezequiel Padilla, du Mexi-
que, Pefa Battle, de la Rpublique Dominicaine, et
Grard Lescot, d'Hati. Avec celui de Cuba, Jorge
Mafiach, cela faisait bien quatre Ministres des Relations
Extrieures. Celui-ci, fort lgamment, les invita un
djeuner au Nacional . Et chacun d'eux se fit accompa-
gner de son Chef de Mission: l'Ambassadeur mexicain
Ruben Romero, grand romancier, causeur mrite, le
ministry dominicain Virgilio Diaz Ordofiez, ancien
Recteur de l'Universit de Santo-Domingo, et l'auteur de
ces notes. Conversation anime, dveloppement brilliant
d'Ezequiel Padilla sur l'intrt d'une politique inter-
caraibenne de consolidation conomique, participation
opportune et intelligence de Romero, Manach et Peia
Battle. Tandis que le repas tirait sa fin et que chacun
savourait une bonne tasse de caf, qu'on sait si bien pr-
parer Cuba, l'Ambassadeur Romero observa: Mais,
nous n'avons pas entendu l'opinion du Chancelier Ha-
tien. Acquiescement global du Ministre Lescot qui,
travers l'espace et le temps, rejoignit le clbre dput
qui eut sa part de renomme, en approuvant tous les
dbats parlementaires: Je suis tout fait d'accord avec
vous, Messieurs.







CHAPITRE XIII


NOS CONSULS ET NOS CONSULATS
A CUBA



Compte tenu des functions diffrentes auxquelles se
rfre le terme Consul, dans l'antiquit romaine, et de nos
jours, il ne paraitra pas inopportune de tirer enseignement
d'un fait historique dans l'apprciation du choix de nos
Consuls et de leurs activits l'tranger. L'histoire rap-
porte que Caligula, pendant son rgne, entire bien d'autres
excentricits et folies, nomma un jour son cheval, Consul
de Rome. Il voulait sans doute indiquer par l le peu de
prix qu'il attachait la dignit de la function consulaire,
ou encore la haute estime en laquelle il tenait son cheval.
Pourtant Rome, par ses lois, sert encore de modle au
monde entier. La Rpublique d'Hati s'ingnie s'ins-
pirer de l'esprit lgiste de Rome, mais s'oublie parfois
imiter Caligula lorsqu'il s'agit de choisir les Consuls
charges de dfendre les intrts commerciaux hatiens
l'tranger et de protger nos nationaux. Au point de vue
lgal, nos Consuls relvent de leur Lgation et du Minis-
tre des Relations Extrieures. Ceci, croyez-le bien, est
une phrase creuse, vide comme l'horizon infini.
A Cuba, je trouvai mon arrive deux Consuls, don't
l'un avait jurisdiction sur Santiago de Cuba et l'autre sur
les Provinces de Camaguey et Santa-Clara. Par Santiago,
il faut entendre toute la Province de l'Oriente, o










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15. Monument de Jos Marti, Ap6tre de la Libert Cubaine, surnomm le Saint des Amriques .

























































16. Presentation du Drapeau Hatien au Prsident Batista. Le second des person-
nages vus de dus est MN. Roussan Camille.


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