Citation
Au service d'une cause

Material Information

Title:
Au service d'une cause souvenirs d'une campagne
Series Title:
Collection "La République"
Added title page title:
Souvenirs d'une campagne
Place of Publication:
Port-au-Prince
Publisher:
Impr. de l'État
Publication Date:
Copyright Date:
1948
Language:
French
Physical Description:
274 p. : ; 25 cm.

Subjects

Subjects / Keywords:
Politics and government -- Haiti -- 1934-1971 ( lcsh )
Spatial Coverage:
Haiti

Record Information

Source Institution:
University of Florida
Holding Location:
University of Florida
Rights Management:
All applicable rights reserved by the source institution and holding location.
Resource Identifier:
AFQ1929 ( LTUF )
20464816 ( OCLC )
001151999 ( AlephBibNum )

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Au Service d'une Cause
Souvenirs d'une Campagne
Collection "La Rpublique"
















UNIVERSITY
OF FLORIDA
LIBRARIES


T'*TS VOLUME HAS BEEN
MICROFILM>
BY THE Uf&TY0F
WRIDA LId$KANIES.






AU SE
D'UNE


RVICE
CAUSE


SOUVENIRS
D'UNE

CHAMPAGNE











COLLECTION
LA RPUBLIQUE






-B~A


1!










PRESENTATION

Voici des pages frmissantes qui replacent dans leur climate les
batailles d'hier par l'vocation de ce qu'elles furent, de ce qu'elles
signifirent et pour la part d'actualit qu'elles contiennent et par
laquelle elles se prolongent. Voici, claire par les perspectives
du recul historique recent, l'expression sincre d'une pense com-
bative qui recherchait la soudure des origins et reliait la tra-
dition aux grandes heures de decision.
Dans un certain sens, ces pages crites au-jour le-jour sont de
l'histoire. Sans doute, elles n'ont pas la prtention de trouver une
formule de synthse qui explique les dveloppements sociaux et
politiques; ni non plus se proposent-elles d'offrir des hypothses
grandioses au centre desquelles se trouverait une mthode rigide,
une philosophie scientifique. L'atmosphre politique, l'atmosphre
militant est charge d'un dynamisme particulier qui cre sinon
le fanatisme, du moins l'exaltation ncessaire la continuity de
la croyance la cause lue. L'atmosphre des jours denses qui
suivirent la revolution de Janvier portait en elle cette force ex-
plosive .que rien ne pouvait contenir et qui, semblable un pro-
cessus irresistible, renversait idoles et faux-dieux. Il ,y eut, et il
ne pouvait ne pas avoir de la duret dans les ides qui diffren-
ciaient la priode o nous agissions du droulement uniform des
faits de la dictature. Mais cette duret avait son caractre pro-
pre: elle maintenait en nous l'lan qui rejoint la passion d'une.
grande cause.
A cette cause, nous nous tions donn totalement, avec une to-
talit qui paraissait tre de l'irrflexion ou de l'inexprience;
cette cause qui tait ntre et en dehors de laquelle n'existait, pour
nons, aucune issue, nous avions offer nos volonts exclusives, rai-
dies dans leur acharnement. Nos jeunesses, fires et propres, n'a-
vaient connu que la souffrance, mais dans un culte de la dignit
qui nous dfendait de la raconter et de la romancer, en l'idali-
sant; nous ne rclamions aucune faveur; nous ne rclamions aucu-
ne grce; nous nous moquions de la piti ou de la charity qui
tentait, sous forme de pseudo-rparation, d'liminer des inga-
lits ou de faire disparatre des injustices.
Ce que nous dfendions avec une pret que personnel ne sau-
rait nous reprocher, c'tait nous-mmes; nous venions d'une vie








PRESENTATION


faite de trente annes de dictature; nous venions de trente an-
nes d'exil dans notre propre pays; nous venions de trente an-
nes d'humiliation pendAnt lesquelles la beaut de la libert
n'avait pas de sens pour nous; nous venions de trente annes d'op-
pression pendant lesquelles il nous avait t interdit de penser...
Dsesprs et pessimistes, nous n'avions pour croire aux lende-
mains meilleurs que notre volont de ne pas dchoir; notre ner-
gie en face des brutalits qui donnaient notre existence un got
amer; nous n'avions, pour nous ancrer nos positions et y tenir,
que nos origins modestes, nos noms sans clat, et le prestige mo-
ral de nos families honntes rayonna sur notre enfance et notre
jeunesse comme une cuirasse bienfaisante.
Nous avons grand dans une atmosphere de haine et de ran-
cune; nous avons rencontr sur notre chemin, o que nous allions
et que nous nous trouvions, des visages qui ne se dtendaient que
pour traduire la morgue; que nous important cette attitude puis-
qu'au fond de nous mmes, nous portions la certitude du chan-
gement ncessaire, image d'une socit politique rforme, trans-
forme, plus just, mieux quilibre.
Ce que nous dfendions, et ce qui donnait notre defense une
resonance particulire, c'tait notre destiny engag dans un corps
corps pique avec les forces de la reaction, et, c'tait par-dessus
notre destin, la suite de notre volution historique, la poursuite
du plus magnifique idal pour une communaut don't la naissan-
ce venait directement de la doctrine rpublicaine de 1789. Ce que
nous dfendions, c'tait contre ceux qui en avaient trafiqu et s'en
taient fait une habitude, le patrimoine matriel et cultural de la
nation, c'tait la patrie hatienne et c'tait aussi les gnrations
d'hier qui voulaient un terme leur souffrance et celles de demain
qui nous entendions pargner nos propres misres. Il fallait la
rupture; il fallait la consommer; et il fallait le virage brusque,
pour marquer que l'poque tait rvolue...
Cette bataille historique tait la ntre et elle tait aussi celle
de notre leader: DUMARSAIS ESTIME. Dumarsais Estim sym-
bolisait les aspirations nouvelles qui travaillaient l'homme hai-
tien cras; sur son nom, la majority s'tait faite, car il tait une
esprance et tous ceux qui se souviennent de ce qu'tait notre en-
seignement et en rougissaient, ne pouvaient oublier Timpulsion
decisive qu'il donna notre education en Fimprgnant d'une phi-


--.








PRESENTATION


losophie national, en la rorganisant sur un systme plus raliste
et en crant pour les cadres plus de stability. Pourquoi nous
l'avions choisi? Pourquoi il tait devenu l'homme de la situation?
Pourquoi il rallia spontanment nos jeunesses enthousiastes ten-
dues vers un ordre social amlior par le dedans. L'orientation
de sa politique de progrs le justifie assez aujourd'hui. Au mo-
ment o nous le choisissions, nous tions pntr de la grandeur
qu'il attachait sa mission et de la valeur significative par la-
quelle il la dfinissait pour la mieux concrter. Dumarsais Estim,
fils du people, et qui possdait les vertus vivaces de la paysannerie
hatienne, incarnait la ncessit des redressements. Pendant plus
de vingt ans, il s'en tait compos une notion nette et travers
les tapes de sa vie qui fut trs difficile ds les dbuts (sa rvoca-
tion comme professeur), il mrissait cette politique de rformes;
il la creusait et l'ordonnait parce que le fonctionnement de la
cit dfiait le progrs lui-mme. Depuis toujours, il avait identifi
sa mission un impratif et avec un idalisme qui appuyait ses
convictions, il rvait d'une Patrie embellie par une race de cito-
yens soucieux de servir. La condition des masses, condition d'es-
clavage, prcisait la nature de faction entreprendre et l'ampleur
du movement d'affranchissement introduire. La majority du
pays tait crase par la violence d'un rgime d'abus et d'excs.
Dumarsais Estim avait toujours pos le principle du changement,
et le changement devait concider avec l'instauration de la d-
mocratie et l'approfondissement de la conscience de classes.
Le changement tait desirable. Le changement tait command
par les circonstances et il serait irrmdiablement compromise si
l'chance devait s'en trouver recule par un jeu fauss du suffrage
universal. Le changement signifiait la modification du destin car
il devait dterminer dans la structure interne de notre socit
une orientation pleinement dmocratique. Les privilgis d'hier
en faveur desquels les ingalits artificielles avaient t consa-
cres, avaient perfectionn leur rgime et consolid leur fodalit.
Ils ne pouvaient douter de la prennit de leur dynastie: elle pa-
raissait ternelle. Et dans ce cas, o taient les chances de libra-
tion des masses? Avaient-elles droit la vie ou n'taient-elles
nes que pour tre asservies, pour se contenter des miettes d'un
festin don't elles payaient les frais, de date immmoriale, et pour
accepter le sort inhumain don't l'accablaient les ploutocraties?
Reprsentaient-elles dans notre socit ces tres infrieurs qui








PRESENTATION


dans la classification social d'Aristote et de Platon occupaient le
dernier chelon dans la communaut? Pouvaient-elles s'exprimer
et articuler leurs besoins, leurs aspirations? L'ouvrier, le paysan,
l'employ de commerce, le fils du people taient-ils des parias
condamns, comme Siryphe, trainer leur vie comme un boulet?
Devaient-ils rester attachs leur statute antrieur et ne jamais
rver d'une amlioration quelconque? N'y avait-il aucune place
pour eux dans l'existence future et humanise que promettait la
dmocratie? Le fils de l'ouvrier devait-il continue son pre? et
le fils du paysan se fixer, comme ses anctres, la champagne, aussi
tranger qu'eux aux problmes de la communaut? L'univers ha-
tien tournerait-il toujours sur lui-mme en dcrivant le mme
circuit, et l'cras tait-il dfinitivement un cras pour lequel
l'horizon est ferm? Ouvriers, paysans, proltaires, appartenaient-
ils un autre pays et ne pouvaient-ils jamais aspirer aux joies
pleines que donne la vie? Quel martyre douloureux fut le leur?
et quelle redemption allait y mettre fin?
La rponse fut la victoire historique du 16 Aot 1946. Cette
victoire prenait son sens dans la bataille qui avait oppos les for-
ces de progrs, reprsentes par l'optimisme et r'enthousiasme des
masses et les forces de rgression, symbolises par les institutions
et les hommes d'hier; une bataille qui rorientait le course de
l'histoire parce qu'elle tait une bataille social, l'instar de ces
batailles sociales qui annoncent des bouleversements profonds et
bousculent les styles de vie anachroniques et vieillis, pareils ces
vestiges qui tmoignent d'une poque disparue; une bataille o
nous avions mis tout nous-mmes: nos vies, notre destin, et celui
de nos femmes, de nos enfants et de nos families et o le sacrifice
tait la note dominant et o le dsintressement tait plus beau
d'tre plus pur, d'tre sans mlange; une bataille qui s'tait livre
pour l'accession une vie dcente, un standard normal de vie
d'une impressionnante majority d'hommes que des prventions
avaient rejets et exclus comme membres de la nation,..
Le 16 Aot 1948, deux annes d'intervalle, fait remonter les
souvenirs rconfortants de cette bataille et l'motion unique qui
fut la ntre et fut celle de la majority quand elle et nous. nous
vmes que la bataille tait gagne et que l'homme hatien qui
nagure tait ridiculis parce qu'il tait du peuple, de la masse*
ou de la paysannerie avait victorieusement rompu ses chanes en










PRESENTATION


brisant les servitudes qui pesaient sur lui depuis si longtemps et
plus particulirement depuis ces temps de tyrannie, ces trente
annes de misres morales et matrielles o il lui avait t refus
de se sacrifier et mme de vivre pour son pays.
L'histoire vivante qui s'crit depuis deux ans est celle d'une
renaissance de la vie national par l'introduction de l'objectif de
salut collectif. Elle a arrt la priode d'un bilan dficitaire et le
compete non sold est un fait rvolu. Depuis deux ans, notre vic-
toire s'largit, puisqu'elle se continue par des conqutes sociales
et conomiques de plus en plus srieuses, et se prolonge dans une
politique don't le caractre d'ensemble et la nature rvolutionnaire
confrent la viabilit indestructible toutes les measures, toutes
les initiatives et tous les projects qu'elle excute. Depuis deux ans,
notre victoire, qui tait celle d'une conception social hardie, de-
vient celle de nos masses qui ont souffert, du people qui gmis-sait,
de la paysannerie qui tait corvable et taillable merci. De-
puis deux ans, la pense politique qui s'labore et se projette en
une multiplication d'actes concrets et fconds, opre la liaison en-
tre les origins et les dmarches du Gouvernement du peuple...
Ces pages, que deux annes d'histoire contemporaine, de notre
histoire nous, n'ont pas jaunies, ressuscitent, dans une voca-
tior qui se suit, les diffrents pisodes d'une bataille decisive.
Nous les avons runies pour porter tmoignage.
Nous avions fait le serment de la Victoire...















LA GENESE DE NOTRE COMBAT



C'est le 11 Janvier 1946, l'issue d'une runion qui eut lieu
chez notre Collaborateur Flix Diambois, que fut fond le journal
LA REPUBLIQUE. Prirent part cette runion: MM. Flix
Diambois, Love O. Lger, Marcel Vaval, Jean Rmy et Joseph
Djean.
Le climate politique, cette poque, tait trs agit. Il tait donc
ncessaire de mener une champagne en vue de clarifier l'atmosphre
qu'essayaient de trouble les mauvais hatiens qui se voyaient me-
nacs dans leurs privileges plus que sculaires.
C'est ce qui explique l'attitude plutt aggressive qu'adopta
LA REPUBLIQUE contre la haute bourgeoisie qui jouait pieds
et mains pour renverser le Comit Excutif Militaire, crer l'anar-
chie dans le pays, et la faveur du dsordre, reprendre le pouvoir.
Certains bourgeois conurent mme l'ide de liver le pays l'-
tranger au cas o il leur serait impossible de faciliter l'accession
d'un des leurs.
C'est contre ces forces hostiles et profondment malhonntes
qu'il nous fallait letter jusqu' la veille du 12 Mai, date laquelle
la bourgeoisie change de tactique de combat pour essayer celle
dj use: LA POLITIQUE DE DOUBLURE.


















CHAPITRE I


NOTRE BUT

Le But que se propose le Comit de LA REPUBLIQUE est
d'aider, avec tous ceux qui dsirent y contribuer, la consolidation
de l'difice national.
Le progrs du pays, notre avis, a t retard, entrav par
l'incomprhension de quelques uns, la mauvaise foi de quelques
autres et par l'indiffrence de nombreux citoyens don't l'action
aurait pu tre de grande utility pour l'volution de notre malheu-
reux pays.
Nous croyons pouvoir affirmer que l'hatien possde de trs
grandes qualits. Courageux jusqu' l'hrosme, brave, gnreux,
charitable, hospitalier, amoureux de la libert, il a su conserver sa
personnalit en dpit de multiples dboires qu'il a connus au course
de son existence de people. Il faut reconnatre cependant que de
grands maux rongent le corps social hatien et empchent l'pa-
nouissement des vertus sociales dans notre milieu. On doit computer:
l'gosme des dirigeants, leur insincrit, l'absence de la vraie
notion de justice, une trop grande propension du mensonge et le
got exagr des plaisirs et du luxe chez le plus grand nombre
des plus authentiques reprsentants de nos lites.
Il n'est pas, croyons nous, trs facile de redresser les mauvaises
inclinations, les penchants dangereux d'une socit don't les tares
originelles sont trs vieilles et profondment enracines dans l'or-
ganisme qui en subit les effects. Cela ne peut tre que l'oeuvre
d'une medication persistante et prolonge.
Vaincre ou corriger en nous les instincts du flibustier et autres
formations congnitales qui nous viennent du boucanier, de l'hom-
me des tribus et un peu de l'hidalgo sera une entreprise de longue
haleine et d'action continue. Il nous faudra cependant y russir
quand mme et n'importe quel prix pour prtendre tre une
nation. C'est cette oeuvre que nous entendons collaborer.










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


NOUS REVOICI

Par Jean REMY

Ils taient encore dans les langes, les hommes actuellement
gs de 30 ans, quand ce journal, sous l'intelligente et courageuse
direction de Mes. Horace Paulus Sannon, Louis Ed. Pouget et
Georges Sylvain, menait le bon combat: Celui de la Libert.
L'historien de demain, lorsqu'il aura faire la revision des va-
leurs qui ont paru sur la scne politique hatienne de 1915 l'an
de grce 1946, consacrera sans nul doute un coin glorieux l'an-
cienne quipe de La Rpublique don't la devise tait: La Libert
dans la dignit et la Justice pour tous.
Le climate politique pendant ces trente dernires annes a t
tel, que les Aptres de la libert ont d avoir recours tous les
moyens pour arriver diffuser leurs ides. Quelques jeunes fon-
drent une Revue LE GLANEUR pour reprendre la lutte si
bien commence par les pionniers de LA REPUBLIQUE; cepen-
dant, les contempteurs avaient toujours les leviers de command;
ils dispersrent les rdacteurs de la revue don't l'allure patriotique
leur donnait de vives inquitudes. Mais quoi qu'on puisse faire,
les causes gnreuses ont des resources infinies. C'est ainsi que,
dans nos grands tablissements d'enseignement, quelques membres
de la Rdaction entrrent comme professeurs. Ce champ d'action
quoique trs rduit, n'en tait pas moins intressant, pour la bonne
raison que le travail se faisait d'une faon plus mthodique et plus
directed. C'est ces jeunes hommes d'alors qui s'appellent Georges
Honorat, Flix Diambois, Bernard Desgrottes, Duval Duvalier,
Dumarsais Estim et j'en passe, que revient la gloire d'avoir main-
tenu le flambeau qui menaait de s'teindre sous l'action de la
malfaisance et du mensonge. Je vois encore mon ancien professeur,
M. Georges Honorat, dans l'expos de son course d'Histoire d'Hati.
Nous tions trs jeunes cette poque, mais nous comprenions
quand mme. Et c'est avec le plus grand intrt que nous suivions.
Il aimait insisted particulirement sur la haute signification que
devait avoir pour nous la geste hroque de 1804; et des larmes
perlaient dans ses yeux quand rappelant 1915, il nous demandait
de travailler rparer cette honte faite aux titans de la Ravine
Couleuvre, de la Crte Pierrot et de Vertires.
A 30 ans d'intervalle, Matres et lves se sont rencontrs.










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


Rencontre pathtique, s'il en est. Ils se sont rencontrs dans une
bataille don't l'enjeu est encore la libert. D'un ct, des liaitiens
stupides et de mauvaise foi qui font tout pour maintenir le pays
dans l'tat dsastreux o ils l'ont mis; de l'autre, les vrais repr-
sentants de la Conscience Hatienne qui leur rsistent. Le mot
d'ordre doit tre dsormais: ILS NE PASSERONT PAS.
C'est pour nous ici l'occasion de saluer avec motion la jeunesse
hatienne qui a tout de suite vu de quel ct se trouve la probit.
Elle a stigmatis comme il convient les apatrides et les gangsters.
Belle et splendid jeunesse, recevez l'admiration de vos ans.



LA QUESTION DE COULEUR

Avec le GRIMAULT Elie Lescot, le plus horrible et le plus
redoutable des primates anthropomorphes qui, on peut le croire,
aient t vus sur le nouveau continent, avec donc ce grand bipde
traqu, captur et mis en cage pour tre expdi sous d'autres.
climats, la question de couleur a fait une sensationnelle apparition
dans notre milieu: c'tait fatal.
Oui, c'tait fatal, car Vincent l'a habilement entretenue durant
le second terme de son gouvernement et le GRIMAULT Lescot
s'en est servi et l'a exploite de faon odieuse et grotesque pour
se donner du... prestige sans doute et une espce de... valeur, et
ainsi asseoir une politique imbcile don't le directeur tait cet
autre Grimault bouffi, pansu, ventru et qui indiscutablement
doit avoir sa cervelle dans ses tripes.
Il ne faut pourtant pas qu'on s'effarouche d'entendre parler de
cette question, car nous aurons beau dire et beau faire, elle existe
et son existence est antrieure celle de la Nation hatienne. Le
tout est de l'envisager et de l'examiner en gens de bonne education,
intelligent et loyaux.
Edmond Paul l'a tudi, analyst et en a publiquement donn
son opinion de citoyen intgre, en ce qui a trait la conduite poli-
tique des noirs et des multres.
Firmin, un pur, qui considre Edmond Paul comme la plus belle
incarnation de la conscience Nationale a prconis la discussion
ouverte de cette question, devenue une arme dangereuse entire let
mains des russ jongleurs, qui la manie sournoisement, au prejudice










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


du pays mais au profit de leur ridicule vanit, de leurs mesquines
ambitions, de leurs desseins inavouables.
Le prjug en Hati est le rsultat de la politique de division
des autorits mtropolitaines de St.-Domingue, excutant les ordres
des dirigeants de la Monarchie Franaise.
Il a t conu et appliqu en vue de maintenir la suprmatie
mtropolitaine dans la colonie. Il a eu ses effects dans toutes les
couches sociales de St.-Domingue. Il s'est manifest entire blancs
et blancs, entire multres et multres, entire blancs et multres,
entire blancs et noirs, entire noirs et'noirs. Il a t mme appliqu
des lois, sous forme de prjug de localit et Louis Philippe dans le
but de maintenir l'influence colonial dans Hati indpendante
osa proposer Boyer de diviser les Hatiens en DIX SEPT cat-
gories, en raison de leur nuance plus ou moins rapproche de celle
du blanc.
Qu'un group d'hatiens perfides, hypocrites ou vaniteux et d-
pourvus de culture vritable, de toute relle notion de vie social
imagine de jouer sur cette corde pourrie cela ne doit pas trop
effaroucher les gens honntes.
Toussaint-Louverture a bien su et glorieusement gouverner
blancs, noirs et multres St.-Domingue un moment o cette
question existait et se manifestait dans sa plus grande acuit.
Il lui a suffi de faire montre de lucidit, de justice, de fermet,
de competence et de savoir faire pour dominer et vaincre tous les
prjugs du milieu colonial.



LA SITUATION
Par Jean REMY

Aujourd'hui marque le trente et unime jour de la Rvolution.
Le dpart du tyran Elie Lescot, s'il a ramen l're des liberts
dmocratiques, n'a pas manqu toutefois de jeter une certain
confusion dans la vie national.
Nous souhaitons de tout coeur que les esprits reprennent leur
calme et que cesse surtout cette champagne de dnigrement syst-
matique dclenche dans la press et qui semble tre sa principal
source d'alimentation alors que la situation que nous traversons
rclame autre chose que des injures gratuites et inutiles. Nous











SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


offrons le triste spectacle d'un people qui vient d'accomplir de
grandes et belles choses et qui ne sait ce qu'il doit en faire.
De graves problmes sont poss devant la conscience des jeunes
officers de la Junte en qui, spontanment, nous avons plac notre
entire confiance. Notre devoir, comme ils nous l'ont demand,
est de les aider dblayer le terrain pour le moins scabreux
travers lequel ils auront tracer la voie qui doit nous mener
la vraie dmocratie, but ultime de la Rvolution du 11 Janvier.
Nous avons not chez la plupart de nos confrres un manque
total de measure. C'est ainsi que nous avons t plutt mal im-
pressionns de lire dans certain organes de la Jeune Presse
des articles o perce ostensiblement l'esprit de dnigrement et de
haine. Nous aimons croire que ceux-l font fausse route qui pen-
sent qu'en abattant chaque jour un homme de l'ancien rgime
ils arriveront construire l'Edifice National. On ne btit pas sur
des cadavres.
Il s'agit surtout, notre avis, de changement de mthode et
de modification apporter un systme. Au grand chantier qui
vient de s'ouvrir, le pays demand chacun d'apporter sa pierre,
c'est--dire son intelligence, son experience, son dvouement, son
nergie, sa bonne volont et surtout du patriotism.
Tout au dbut de cet article, nous avons form le voeu que le
esprits reprennent leur calme. Loin de nous l'ide de briser l'lan
de la Rvolution. Nous voulons cependant qu'elle ne fasse pas des
bonds dans l'inconnu. Tous ses efforts, selon nous, doivent tre
dirigs dans le sens du relvement national, et le relvement na-
tional suppose des problmes don't la solution rclame une sret
de jugement et une larger de vue que l'on ne trouve pas facile-
ment dans le choc des haines et le cliquetis des injures.


TENDANCES ET REACTIONS

Le systme de gouvernement qui tait en honneur dans notre
petite rpublique n'a pas manqu de produire par son effondre-
ment, des rsultats singulirement curieux.
On a pu constater en effet, qu'en rgle gnrale, mme parmi les
bnficiaires les plus authentiques de ce rgime qui a vraiment trop
dur il s'en est trouv qui s'y sentaient trs nial l'aise. Beaucoup
l'abhorraient, le maudissaient mme. Les mthodes tortionnaires











SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


qui taient en usage chez nous et rendaient toute vellit de rsis-
tance dangereuse, semblent seules avoir effray les uns et les autres
et empch de nombreux collaborateurs de se manifester.
En effet, avant mme que commena la crise qui devait emporter
le systme qu'inaugura l'homme qu'a rendu si tristement clbre
la publication de la fameuse lettre du Docteur Lonidas Trujil-
lo y Molina, bon nombre des anciens amis et auxiliaires de notre
ex-grand amateur de camouflage 'avaient abandonn les rangs des
applaudisseurs des forfaits de l'ancien gouvernement.
L'adhsion au movement contre l'homme l'avertissement
et aux measures drastiques se fit si enthousiaste et unanime que
les grvistes, surprise du rsultat de leur initiative, pensrent, et
cela en accord avec bien d'autres lments de bien d'autres secteurs,
formuler de catgoriques reserves. Certains accusrent.
..C'est ainsi qu'un article sign par un group de respectable
citoyens des Gonaves au nombre desquels figure le Dr. Justin
Latortue, ancien snateur sous Vincent, ancien dlgu sous Lescot,
mais rest pur parmi les purs et chevalier incontestablement sans
peur et sans reproche, fit connatre sa volont de combattre tout-
citoyen qui aurait eu servir sous les gouvernements de Stnio
Vincent et d'Elie Lescot.
A cela un autre artibonitien, ancien snateur sous Vincent pro-
testa et invoqua comme argument que le gouvernement de Lescot.
avait rendu le dernier, soupir -dans les bras mmes du .docteur,
fils chri des Gonaves qui a su'toujours servir sans jamais s'avilir,.
Le Nouvelliste du 29 Janvier coul rapporte cet autre inci-
dent qui eut lieu entire Monsieur Margron, Directeur des Contribu-
tions et certain de ses subordonns. A la faveur des troubles de
l'heure ils avaient essay de dbarquer leur: chef. Mais Monsieur
Margron avait su acqurir et conserver la sympathie de la ma-
jorit de ceux avec qui il collaborait. C'est presqu' l'unanimit
qu'on ptitionna ,pour rclamer son maintien son post; et l'hom-
me est sorti grand de l'preuve laquelle il a t soumis.
.Monsieur Timolon Brutus, ancien Chef de Cabinet, ancien Se-
crtaire d'Etat, ancien Directeur de l'Enregistrement, son tour
vient de jeter, dans une lettre au Directeur de La Bataille le
dfi le plus formel, n'importe qui, de le convaincre d'indignit.
C'est difiant, c'est consolant, c'est rconfortant.
Il est indiscutable que au nombre de ceux qui ont t, un ti-
tre pu un autre, les appuis ou les soutiens -des derniers !de nos









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


gouvernements, --- les pires de notre histoire, il s'est trouv
trop, beaucoup trop de gens sans vergogne; mais il est indniable
que au nombre du petit group qui constituait la strict minority
des non contamins se trouvent de beaux chantillons, de parfaits
modles de citoyens d'hommes de gouvernement, que la Rpubli-
que perdrait beaucoup mconnatre et renier.
Certes,il existera toujours des diffrenices de temperament,.' s
divergences de comportement parmi les liomiimes; miais orsg~e
l'on truve en ceux appel s' diriger Ieurs serbilbls un ensem-
ble de qualits et de ralisations qui 'fbt que dans l'apprcia-
tioh de leur existence et le dcompte de leurs actions le plateau
le la balance penche plutt d ct des ralisatios profitable
la edmn'iiiunaut on doi' adi re. et, conclure que. l'ouvrier a du
emrite e' est die de considration si ce nest de rcompense,
car les dieux ne circulen pas sur la terre et les hommes trop
souvent nous droutent: St Paul devint un grand apotre et Vin-
crent Stnio i despite achev, ufnr maitre corrupteur. ". .



PARLONS-EN :
Par Charles NOISY

Depuis les derniers vnements politique qui ont about au ren-
-ersement du. rgime dictatorial de Lescot, la question de cou-
leur a rebondi. Elle est maintenant expos au grand jour. Tant
mieuxl Inavoue, elle couvait sous cendres et n'tait que plus
dangereuse. Certains en effet, feignaient de l'ignorer, parce que,
atteints du mal, ils le cachaient par prudence, d'autres le niaient
parce qu'ils en profitaient.
Mais l'important est de savoir comment poser la question. D'au-
cuns la limitent une difference de pigmentation de la peau;
c'est la prsenter sous sa forme la plus grossire et la plus basse.
Ainsi entendue, elle se ramne tout simplement au prjug, tra-
vers d'esprit stupid et ridicule que Voltaire a dfini la raison
des sots. Le noir peut en tre atteint souvent en sens inverse-
comme le multre et ce dfaut de jugement, partout o il se ren-
contre, demeure mprisable; il est avant tout un ferment de dis-
corde et de haine.










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


Mais la question a aussi un aspect social qui en est le ct n-
vralgique. Sans appartenir aucune faction nous donnons fran-
chement notre opinion. Pour bien dfendre la vrit, il faut l'ai-
mer et la respecter sans la craindre. Aussi la dirons-nous toute
et sans travestissement
Le principal danger signaler est ce que nous appelons Pes-
prit multre. Il est la fois une doctrine, celle de la suprio-
rit du multre appel, selon une selection naturelle, occuper
le haut du pav et tous les postes de command; une tendance,
celle de former une oligarchie; une attitude, celle de mpris du
people, une politique trs intelligence, avouons-le, celle de la soli-
darit, seule force de l'infime minority contre l'immense majority.
Cet esprit multre n'est pas cependant l'apanage de, tous les
multres, mais seulement du plus grand nombre, et s'il est di-
rig contre la grande masse noire, certain noirs en sont aussi
malheureusement contamins.
Cette mise au point faite, il ne resta pas moins vrai que le cen-
tre de rayonnement de cet esprit est le Quartier Gnral des mu-
ltres: la Haute Bourgeoisie. Le vent pestifre souffle de l. Et
qu'on ne crie point l'hrsie! Car, qu'on veuille ou non, es-
prit multre et mentality bourgeoise s'apparentent bien ensem-
ble. Pour s'en convaincre, il suffit d'observer tant soit peu le com-
portement du Bourgeois multre. Il pense qu'avoir la peau claire
est indispensable pour appartenir la Bourgeoisie authentique.
Ainsi, son avis, quand un noir s'gare dans cette classes mino-
ritaire, il n'y est entr que par contrebande et n'y est accueilli
que par tolerance comme certain allemands de race douteuse
mais utiles la Politique hitlrienne taient reus dans le Parti
nazi et tenus, par une contradiction inconceivable, pour aryens
honoraires tandis qu' ses yeux, l'homme de couleur pauvre, nour-
ri des mmes sentiments, du reste, apparat comme un frre mal-
heureux que solidairement il aidera sortir des rangs infrieurs
pour retourner vers ses pairs et rintgrer sa vraie classes.
D'avoir tenu pareil language, on nous jettera peut-tre l'anath-
me, on nous accusera de prcher la division. Mais le vrai crime
serait de former aujourd'hui les yeux la lumire. Ecarter des d-
bats la question de couleur, cette heure o se plaide la cause
de la nation Hatienne serait laisser une porte ouverte un nou-
veau et prochain gchis; pis encore! ce serait le vouloir et le pr-










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


parer. Nous en avons fait une triste experience, il n'y a pas seize
ans. On ne peut nier l'vidence; la question existe et il faut la
liquider. Elle existe et nous en savons dsormais les responsa-
bles, ceux qui l'ont cre et aggrave.
Le Bourgeois, le Bourgeois multre surtout voil le vrai cou-
pable!
Plac en faction toutes les avenues du Pouvoir, de l'Industrie'
et de la Finance, il en dfend prement les entres. Le: Pouvoir.
par-dessus tout est son principal objectif; certain que, s'il arrive.,
l'obtenir, par la conception. qu'on en avait chez nous jusqu'
hier encore, par l'accumulation des abus impunis, le reste lui
sera donn par surcrot. C'est lui qui, en 1930, compromit la vic-
toire nationalist; il veillait et avait inocul son venin mortel au
Parti. Aujourd'hui, il guette encore sa proie prte se librer, et.-
mettra tout en oeuvre pour la maintenir prisonnire.. Il n'entend
point perdre les nombreux privileges qu'il s'est crs et qu'il cro-
yait inviolables, dfinitivement acquis. Il ne veut pas renoncer
ses conqutes; elles lui ont trop cot .pour qu'on les lui ravisse;
flatteries, calomnies, corruption, argent, il n'a rien pargn du-
rant ce sicle et demi pour se constituer un vaste patrimoine.
Sa devise est: Exploiter, son but: jouir. Et en s'appropriant tous
les droits, il s'est libr de tous les devoirs.
Mais l'heure a sonn des justes revendications et des rpara-
tions immdiates. Nous avons d'un seul coup tranch toutes les
ttes de l'hydre, nous avons vaincu toutes les tyrannies. Notre
Victoire est la Victoire du Peuple et Elle sera Totale. Nous y
veillerons!
19 Janvier 1946



LA SITUATION

Par Jean REMY

Avec le Dcret du 12 Fvrier pris par le Comit Excutif Mili-
taire, convoquant le people en ses comices pour les lections g-
nrales, la junte militaire a certainement ralis l'une des princi-
pales promesses faites la Nation l'aprs-midi du 11 Janvier
1946.- Des critiques sont souleves un peu partout, dans la pres-
se contre le Dcret donnant au Corps Lgislatif le pouvoir cons-










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


tituant. D'aucuns sont alls jusqu' dire que la junte militaire a
trahi la Rvolution; d'autres moins violent, et pourtant pas plus
sages, reprochent au Comit Excutif de n'avoir pas pens d'a-
bord une Constituante, ce qui et pu, d'aprs eux, viter au
pays de retomber dans l'arbitraire des gouvernements passs.
Nous avons tout rcemment demand aux populations de repren-
dre leur calme. C'est pour nous l'occasion de constater avec re-
gret que si le calme est revenue dans les rues, certain esprits con-
servent encore leur surexcitation. Dclarer que la Rvolution a
t trahie par le Dcret du 12 Fvrier c'est dire sans ambages
qu'on tait l'afft d'un prtexte pour tomber bras raccourcis
sur la junte militaire qui on ne pardonnera jamais d'avoir re-
fus le pouvoir au faux comit de salut public. Et il faut plaindre
sincrement ceux-l qui, sans s'en rendre compete, peut-tre, font
le jeu des ennemis du pays en soutenant cette violent champagne
souleve dans un secteur de la Presse contre le Comit Excutif
Militaire.
On parle de trahison! Mais qui peut nous dire ce qu'il serait
advenu du pays si la junte avait eu la pusillanimit de remettre le
pouvoir au fameux Comit de salut public compos plutt d'l-
ments disparates et don't la plupart, d'authentiques farceurs, se
sont toujours fait passer pour des leaders des masses alors que
leur vie tant publique que prive constitute un tmoignage lo-
quent de leur mpris pour le people. Nous en avons assez de ces
camlons politiques qui rptent un peu partout qu'ils disposent
de forces incalculables alors qu'il n'en est rien. Nous savons bien
qu'ils ont quelques sous et qu'ils n'hsiteront pas une minute
les mettre au service de la mauvaise foi et du dsordre, comme
ils l'ont fait le matin du 18 fvrier dans les quarters commer-
ciaux. Nous leur disons une nouvelle fois de bien rflchir avant
de se lancer dans une venture, car les bons citoyens sont l et
qui veillent.
Mais voyons un peu.- Le Dcret du 12 fvrier 1946 constitue-
t-il un acte isol dans notre Histoire? Le pril que l'on craint est-il
rellement imminent? Une Constituante aurait-elle effectivement
la vertu d'carter le danger que l'on croit voir dans des Chambres
Lgislatives avec pouvoir constituent? Autant de questions qui
auraient d faire l'objet de la meditation de ceux-l qui ont diri-
g leurs attaques contre la junte militaire.









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


'D'o nous est venue la Constitution de 1889 don't on se' plat
encore reconnatre le caractre essentiellement dmocratique et
sutrtout le grand souci d'tablir l'quilibre des pouvoirs? Qu'est-
ce- qui indique que les nouveaux lus, loin d'couter la voix de la
Nation, prfreront s'en tenir plutt leurs petits intrts person-
nels. Nous voulons bien croire que rien ne justifie de telles ap-
prhensions, car le people hatien a plus d'une fois prouv qu'il
sait bien choisir quand il le fait librement. Et alors, qui peut nous
dire dans quelle measure une Constitution uniquement labore
par la clique intellectuelle du pays rencontrerait les ides qui ont
provoqu les vnements du 11 janvier 1946. L'intellectuel ha-
tien a trop souvent mconnu les vrais intrts du pays pour s'en
remettre uniquement lui pour une oeuvre si capital. Il faut que
Ti Joseph, lui aussi, concourre l'laboration de la Charte Fon-
damentale de la Nation. C'est lui le pivot de la Rvolution, la
grande victim des combinaisons de salons et des prostitution
de toutes sortes. Rien de plus normal qu'il fasse entendre sa voix
eu moment o seront poses les bases destines recevoir la
charpente du nouvel Edifice national.
Fidle la ligne de conduite que nous avons librement adopte
dans la soire du 11 janvier, nous renouvelons notre confiance
eu Comit Excutif Militaire et lui demandons de continue mar-
cher dans la voie dmocratique que lui a trace la Rvolution
sans s'occuper des coups d'pingles des uns encore moins des
menaces ridicules des autres.



L'HISTOIRE PARLE
Par Edouard L. LEROY

Il ne faut pas qu'on se mprenne sur le sens de la Rvolution
de Janvier 1946, il ne faut pas non plus qu'on essaie de dimi-
nuer la porte des tendances manifestes dans l'esprit des masses
hatiennes. Une prise de conscience definitive s'y est opre, au
grand tonnement de la bourgeoisie effraye des consequences fa-
tales de son cynisme brutal.
L'difice vermoulu a craqu. Commence la dsintgration qui
sera radical de tout un systme dsuet, avr actuellement inap-
plicable notre structure social.









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


L'volution des masses proltaires hatiennes pose nettement
un problme en face de la conscience national: celui de divor-
cer d'avec un pass d'erreurs, de mensonges et d'exploitations, de
reconsidrer notre mode de penser, pour que commence une re
nouvelle, sous l'influence de conditions nouvelles, en vue d'un meil-
leur devenir.
Les rclamations plus que justes du proltariat pour une amlio-
ration de son statut social, doivent avoir raison de la concep-
tion semi-fodale de la bourgeoisie hatienne, legs de son origine
colonial. Car les temps sont prims o seuls taient appels
difier leur fortune, au mpris de toute rgle de vie, sur les cada-
vres de millions d'tres stigmatiss ds leur naissance du signe de
la servitude, et btail human rsigns obir en aveugle aux
directives de leurs matres cupides et barbares.
Depuis 89, l'Homme est parti la conqute des liberts humai-
nes. Il rclame la complete satisfaction de ses besoins primordiaux.
Et la revolution franaise a eu sa parfaite cristallisation, en Russie,
dans les journes d'octobre 1917, o les masses exaspres trou-
vaient un sens leur raison de vivre.
A Saint Domingue aussi, 89 eut son cho. La Rvolution dclen-
che d'abord par les grands planteurs qui voulurent s'emparer de
l'administration, pntra dans l'esprit surexcit des dominguois
libres et esclaves, et aboutit au soulvement gnral des ateliers,
prlude de la guerre de l'Indpendance.
Revolution bourgeoise Saint Domingue comme en France,
bien qu'ayant pour conclusion la libert gnrale des esclaves.
En effet, sur un plan, Toussaint Louverture difiait la classes
des grands ngres qui devait remplacer au fur et measure cel-
le des grands planteurs. Il y encadra ses gnraux de tous ordres
et les anciens libres. Sur le plan oppos, surgissait la grande mas-
se noire, fille de la mare montante de 89 attache au domaine
de ses anciens matres pour une priode d'au moins cinq ans, ou
obligs de travailler sans rpit sur les vastes concessions faites
aux grands ngres, pour permettre ces nouveaux riches de
maintenir leur luxe et leur bon ton.
Tel fut le tableau avant l'Indpendance.
1804 n'a fait qu'accentuer le mal. Plus de colons. Seuls les
dominguois, devenus des hatiens, voluaient sur la scne politi-
que, conomique, et social de la nouvelle nation. Les masses, un









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


moment alertes pour soutenir les luttes atroces qui devaient je-
ter la mer les matres europens, une fois la cause gagne, fu-
rent refoules, puis vite oublies par la bourgeoisie avide de se
partager le butin... Seule, elle gardait tous les privileges et pr-
tendait avoir droit la jouissance de l'effort collectif. Si bien que
Dessalines effray, s'cria alarm: Et les pauvres ngres don't les
pres sont en Afrique, ils n'auront donc rien! Paroles qui, sans
contredit, ont t la cause premiere de l'assassinat du Pont-Rouge.
Ainsi-donc s'est dessine la charpente social hatienne au len-
demain de l'Indpendance: Structure semi-fodale, dguise sous
le masque trompeur de trois grands mots: Libert, Egalit, Frater-
nit.
Et depuis, aucune solution de base n'a t envisage, pour une
amlioration des conditions de vie de nos masses. A chaque fois
qu'une voix s'levait, dans la tourmente, pour protester contre cet
ostracisme criminal, les measures les plus drastiques la foraient
se taire. Tantt, c'tait le poison ou rexil, tantt l'excution
sommaire ou le lche assassinat...
Et les temps se passaient et l'histoire faisait son course.
La Revolution de 1946 est venue.
Cette fois, la prise de conscience est collective, les masses pro-
ltaires sont unies dans leurs rclamations, elles exigent un com-
plet remaniement du cadre social hatien compete tenu des rali-
ts hatiennes.
La reaction populaire des journes de janvier n'est pas issue
d'une crise spontane. C'est la protestation rflchie de toute une
classes opprime, refoule, qui veut en finir avec ses souffrances
et n'entend plus rentrer dans le calme sans un rglement de
compete dfinitif.
Qu'on prenne garde! Cette manifestation des masses n'est pas
un geste isol, conu en un moment d'enthousiasme. Elle n'est
que le signe prcurseur d'une revolution en profondeur tendant
faire clater le cadre social hatien. Elle dcoule d'un proces-
sus historique normal: il y a volution dans l'ide engendrant
une nouvelle conception du monde, il doit y avoir fatalement r-
volution dans la structure politique et conomique du Pays.
Qu'on prenne garde! Les masses hatiennes ne veulent plus tre
bafoues. Ni concessions, ni compromise comme par le pass. La








SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


revolution doit tre radical, et, le changement qui en sortira
sera un changement radical. Toute solution envisage, qui ne vise
pas un mieux tre collectif rel, ne peut tre qu'un palliatif. Elle
ne fera que retarder les consequences fatales de cette revolution.
Mais celle-ci rebondira avec plus de violence, car les masses font
la vigie et sauront tout prix se dfendre.



1930 1946
Par JEAN REMY

Il y a seize ans, le pays connaissait une fivre lectorale aussi
inten que celle qui l'agite ctullement, avec cepehdarit cette
difire~i'c assez sensible 'que le: flot des candidates tit n m.dis
imposant et que les lections, en 1930; se faisaient plutt s~d
le sign' du NATIONALISME INTEGRAL, alors q'en l'iar d
grce 1946, elles s'inaugurent avec: l slogan GUERRE :AU
BOURGEOIS.
NATIONALISME INTEGRAL, formula vague, sduisante
quand mme et qui a donn la measure de son caractre purement
dmagogue avec l'arrive de Stnio Vincent au. pouvoir. Si le
pays a connu tant de misres aussi bien dans l'ordre matriel que
dans l'ordre moral, c'est que l'lecteur hatien don't l'ducation
politique n'est pas faite, d'une manire gnrale, a toujours mi-
s sur la sympathie, relguant ainsi l'arrire plan les grands pro-
blme nationaux don't la solution Tclame autre chose qu'un Mon-
sieur parlant correctement son franais et prsentant bien sous la
jaquette ou sous le spencer, encore moins un chauvin qui a refus
une charge sous l'amricain ou sous le dernier rgime. Ce qu'il nous
faut l'heure actuelle, c'est un group d'hommes politiques, c'est-
-dire des cerveaux bien quilibrs ayant des vues large sur les
ralits historiques du pays et capable de travailler son d-
loppement conomique dans le cadre des nouvelles ncessits in-
ternationales tout en respectant l'intgrit de la nation.
Il ne suffit pas seulement de crier GUERRE AU BOUR-
GEOIS. Il faut aussi faire une guerre sans merci aux snobs et aux
incapables. Seuls ceux-l qui ont des ides, et des ides en ac-
-cord avec la Rvolution, doivent retenir l'attention des lecteurs.









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


Dans ce journal, notre slogan au course de la grande bataille qui
se livre actuellement est: VOTONS POLITIQUE ET NON SYM-
PATHIE. Le spectacle est pour le moins ridicule de cette thorie
de candidatures qui envahissent le pays depuis tantt un mois.
Un tas-.d'lments inconnus, pour la plupart, n'ayant aucun lien
srieux avec la grande masse hatienne, surgissent comme des
champignons.. Que veulent-ils, ces gens-l?. Se sont-ils rendu comp-
.te.:que la dmagogie a dj fait son course et que l'heure est plu-
: , l'action. Nous avons relev .des noms d'usuriers et d'anciens
dlateurs dans cette vague sans cesse grandissante qui menace de
~ups submerger. Comment concilier, les intrts de la Rvolution
aiqe des-prtentions -aussi paradoxales? Notre opinion est qu'il
>ia un grand travail :de. prophylaxie ., faire et ce travail ne peut
tre fait que par le people, lui-mme, .en -dirigeant son. bulletin,
Mn. pas vers une sympathie qui ,peut. lui. tre fatale mais. plutt
erfs, une. politique, sa politique, c'est--dire celle de la classes ,


LA SITUATION -
par Love O. LEGER


l Nous marchons grands pas vers la solution d la grave crise
que traverse notre pays. Le Comit Excutif Militaire, par le D-
ret du 12 Fvrier, a mis fin l'inquitude qui treignait les
coeurs au sujet de la Reconstruction de nos institutions dmocra-
tiques.
Que cette decision n'ait pas plu tous les groups, il n'y a l rien
d'tonnant. Tant d'intrt divers se heurtent. Tant d'ambitions
sont dchanes. Une toute autre decision n'et pas sans doute
manqu de provoquer des protestations.
Il faut en prendre son parti et se prsenter devant le juge su-
prme, le people, qui doit dire le dernier mot.
En attendant, il faut que l'ordre rgne.
La libert, ce n'est pas l'anarchie, le pillage et l'immoralit.
Les forces de la Rvolution ne peuvent avoir peur du people
puisqu'elles entendent travailler son bien tre.
Ce n'est donc pas de leur ct que se rencontrent les fauteurs de
trouble.









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


Les lments de la reaction camoufls sous des bannires di-
verses essayent de manoeuvrer les foules inconscientes.
Ils ont besoin d'un climate trouble pour mener leur oeuvre s-
culaire de dsagrgation national.
L'appel l'meute est, d'ailleurs, l'attitude de tradition de la
reaction.
Provoquer le dsordre pour obliger le gouvernement recourir
des measures de rigueur, puis crier la dictature, faire comprendre
que les principles de la Rvolution sont mconnus, que son effort
est sabot.
Mais cela prend figure de tragdie, car les meneurs ne se mon-
trent pas. La victim de l'aventure sera encore le brave people
hatien qui payera du sang de ses fils les frais du dsordre don't
d'autres escomptent le bnfice.
Il faut donc montrer dans la repression de tout movement
subversif de l'ordre de la measure et de la comprehension, malgr
la fermet ncessaire.
La Revolution a besoin d'ordre pour la lutte qui va se livrer au
course de la prochaine consultation populaire.
Nous avons pris l'habitude de juger de la situation gnrale du
pays d'aprs les seules reactions de la capital.
C'est l une erreur profonde: beaucoup de questions agites vio-
lemment Port-au-Prince, bien souvent laissent indiffrentes les
populations de nos provinces. Et elles reprsentent vritablement
la majority du pays. C'est leur opinion et leur attitude qui dter-
minent le comportement de la Nation.
Ces populations, pour la plupart, se prparent dans le calme
manifester leur volont l'urne.
La tche des gouvernants de l'heure est pleine de prils et d'une
extraordinaire complexity.
Revendications sociales, rclamations ouvrires, antagonismes
des parties, rformes administrative, autant de problmes difficiles
rsoudre, urgents et qui demandent pour leur consideration, une
atmosphere d'ordre et de calme. Les solutions y porter sont d'au-
tant plus dlicates qu'elles doivent avoir un caractre provisoire.
Pendant ce temps, l'opinion publique est impatiente. Elle s'alar-
me des lenteurs ncessaires apportes la solution des problmes
de tous ordres, poss devant la conscience et le patriotism du
Comit Excutif Militaire. Elle craint pour sa revolution. Et cette









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


crainte exploite habilement par les ennemis traditionnels du peu-
ple, peut d'un moment l'autre provoquer des comportements
regrettables.
En some, jamais au course de notre tumultueuse histoire, un
gouvernement ne s'est trouv en presence d'une situation si pleine
de nuances et de complications.
. Quelles que soient les difficults, la tche primordiale est de
sauvegarder la Rvolution.
- Tant qu'aucune menace srieuse ne sera porte contre elle, il
ne faut perdre ni sa lucidit, ni son sang froid.
Gouverner est une tche difficile, surtout en une priode o
toutes les passions s donnent libre course, o de lgitimes reven-
dications affrontent des forces sculaires d'oppression, o la libert
d'expression est assure, o chaque citoyen a le sentiment que sa
voix doit computer dans le grand dbat national.
Gouverner en ces minutes agites, est une oeuvre de raison froide
et sereine... C'est une collaboration entire gouvernants et gouverns
qui demand, de part et d'autre de la sagesse, de la rflexion, des
concessions rciproques, dans le cadre, bien entendu, de certain
principles intangibles et inalinables.
Dans ces conditions, il est certain qu'on ne peut demander au
people de se reposer, comme si la victoire de sa Rvolution tait
dfinitivement assure.
Mais on doit, dans son propre intrt, lui prcher le calme et
l'ordre.
Ce sont des conditions indispensables la march triomphante
de la REVOLUTION INTEGRALE.



PREPARONS NOTRE REVOLUTION

Par Edouard L. LEROY

Toute revolution qui n'a pas pour but immdiat le renverse-
ment d'un ordre de choses existant et son replacement par un
autre, jug meilleur, n'est pas une revolution.
Le movement de masses de Janvier 1946, qui continue avoir
sa rpercussion dans l'esprit du proltariat hatien, n'a pas en-
core atteint son objectif principal: briser l'ordre conomique politi-










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


que et social hatien actuel, pour crer un ordre nouveau, qui puise
son credo dans un nouvel humanisme.
L'arrt qui semble s'tre produit dans notre -marche vers la r-
volution, n'est que temporaire. L'atmosphre est surcharge; la
tempte se dchanera infailliblement. Mais les forces doivent
maintenant se regrouper, se diriger selon une discipline tablie, s-
vre, pour mener la bataille, en vue, cette fois-ci, d'une victoire
definitive.
Les ides nouvelles, surgies subitement du fond de la conscience
populaire, front leurs course malgr le movement coordonn des
forces ractionnaires. Hati voluera certainement vers un devenir
plus human, et se crera un climate tel que chaque individu, sans
distinction de classes, premier facteur social hatien, ni d'pider-
me, facteur second, pourra accomplir ses besoins imprieux, et
raliser pleinement sa condition d'homme.
Nous ne prconisons d'ostracisme contre personnel. Mais nous
voulons une reconsideration de la norme social hatienne, comp-
te tenu des aptitudes individuelles. Ce npotisme outrancier prati-
qu par quelques inconscients de la classes minoritaire bourgeoi-
se au dtriment de la majority doit cesser. Le patrimoine natio-
nal appartient tous les hatiens.
Et c'est dans ce sens, que nous disons que la vraie revolution,
la ntre est faire. Il ne faut pas se mprendre, la faction domi-
nante ne se laissera pas convaincre si facilement. Elle ne se lais-
sera pas arracher sans violence ni protestations les privileges s-
culaires qu'elle croit tre inhrents sa nature d'lus.
Qui pourra, sans grand danger, essayer de lui faire compren-
dre la justesse et le bien fond des rclamations populaires?
Le changement radical que nous exigeons dans la structure po-
litico-social hatien ne doit trouver sa base que dans un bouleverse-
ment en profondeur issue d'une action coordonne, relle, une ac-
tion don't le but principal sera de prparer le milieu sain dans
lequel nous voulons dsormais voluer. Or, les changements de
cette nature n'ont jamais t l'oeuvre de vains mots, de formules
cordiales. Il nous faut, rptons-le, l'action concerte des forces
rvolutionnaires, s'appuyant sur les masses. Toute revolution qui
n'a pas son appui dans la masse est voue la faillite.
Les leaders doivent se dvouer la tche de crer la mysti-
que de la revolution, ils doivent clairer les consciences et diri-










SOUVENIRS : D'UNE. CHAMPAGNE


ger nos masses vers un destin meilleur qui ne pourra se rali-
ser que dans le triomphe de la revolution, seul moyen de mettre
en application les nouvelles formules qui tendent au bien tre
collectif rel, en s'appuyant sur la force crasante d'une majority
claire.
Nous autres rvolutionnaires, notre position doit tre catgorique.
Nous prchions un changement dfinitif dans le systme ha-
tien. Et pour ce, il nous faut l'appui des masses. Un changement
d'hommes n'est pas une formule acceptable. Se n'est qu'un pis
aller que nous pouvons peut-tre tolrer, s'il doit servir la cau-
se de la revolution, cette heure o elle n'est qu'en gestation et
n'a pas encore atteint sa phase decisive.
Notre revolution nous est faire. Elle sera l'oeuvre du temps,
de la dure. Nous devons participer toutes les luttes prsentes
et futures dclenches par la force des masses, essayer de les diri-
ger jusqu' la revolution definitive qui doit s'attaquer la racine
mme du mal. Notre but, c'est de changer notre conception du
monde, et dans l'action, par l'action, forger le monde nouveau o
l'intrt des proltaires tiendra la place prpondrante.
Dans la bataille qui se livre actuellement, notre rle doit tre
de former l'esprit des foules, de prcher dans le calme le mot
d'ordre: le sens de la nouvelle orientation. Et, quand viendra l'heu-
re des sublimes decisions, nous forcerons la main aux ractionnaires,
et avec l'appui des masses, nous ferons triompher les idaux de la
revolution.



PROPOS D'UN OBSERVATEUR

Par Charles NOISY

Depuis la semaine dernire la machine lectorale t mise en
branle par l'ouverture des inscriptions. Et dj nous avons cons-
tat, navrs, que la pratique lectorale n'a pas change chez nous.
Ds les premiers jours des fraudes ont t releves. Tout d'a-
bord un des registres commenait au numro cinq cents. On a
prtendu qu'il s'agissait d'une simple erreur matrielle. Elle se-
rait pour le moins douteux et que l'on garde, mme aprs cette
declaration, une certain suspicion, il n'est l rien que de trs










20 SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE

natural. Ensuite un vritable march des cartes d'inscription a
t publiquement organis, et certain candidates sans scrupule et
sans vergogne en ont opr une rafle honte.
On a beaucoup parl ces jours derniers d'une reprise de cons-
cience par le people. Mais il nous faut croire la ralit plutt
qu'aux mots et l'loquence des faits doit tre plus convaincante
que le vain mirage des brillants discours. Il est inutile et dange-
reux de vouloir nous leurrer. En effet, si nous avons cru un instant
un rveil de la conscience populaire, il est de notre devoir de re-
connatre aujourd'hui qu'il est superficiel sinon illusoire. En fin,
de compete il n'est pas total, puisque le people ne comprend pas
encore la haute signification de l'acte civique qu'il est appel
poser bientt, puisqu'il ignore que son droit de vote est sacr et.
est le seul qui lui assure une participation au gouvernement de
la Rpublique.
Mais si l'on peut trouver la majority des lecteurs l'excuse
de l'ignorance et de la faim dans lesquelles nous les avons aban-
donns, la faute des vrais responsables, les, organisateurs de ce
traffic odieux, reste entire et impardonnable. Nous serait-il in-
terdit d'instaurer chez nous la vraie dmocratie? N'aurions-nous
chapp la dictature qui, de l'arbitraire et des caprices d'un seul
fait la loi tous que pour tomber dans l'immoralit et le vice
s'talant sans pudeur au grand jour? En dehors de cette dses-
prante alternative don't les deux issues conduisent aussi fatale-
ment billonner le people ou fausser sa voix, devrions-nous re-
noncer, mme cette fois, d'entendre la volont populaire libre-
ment exprime? La perspective serait bien sombre alors.
Mais le mal n'est pas gnral. Ces pratiques scandaleuses ne
sont l'apanage que de certain candidates. Comment cependant
combattre efficacement des adversaires aussi peu scrupuleux?
Voici sous quel signe s'annoncent les lections.
On a propos, pour chapper ces vils marchandages, de sup-
primer la formalit de l'inscription. Le remde n'est pas l. L'ins-
cription en dernire analyse n'est qu'un moyen de contrle et
d'organisation, une measure preventive de fraude. La supprimer
ne ferait qu'ajourner le jeu des trafiquants et prparer pour le
jour des lections un dsordre et une confusion inextricable et
propice aux vices. Pour le moment, il faut que tous les hommes
de bonne volont, fonctionnaires intgres proposs cette tche









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


delicate de l'inscription, candidates honntes et citoyens probes
et clairs, unissent leurs efforts pour que les choses se fassent le
plus proprement possible, en attendant que dans notre socit
de demain des measures plus radicales soient prises contre cet
tat de choses. Car je crains fort que notre mal ne soit avant
tout moral et qu'il faille dans la grande oeuvre de redressement
moral qui nous attend penser non seulement l'ducation de la
masse, mais encore combattre ailleurs la corruption. La vertu
est le resort de la vraie dmocratie, tout le monde le sait, mais
beaucoup l'oublient.. Notre double tche doit tre demain sembla-
ble celle, d'un laboureur qui aurait d'immenses terres en fri-
ches ensemencer et un petit champ cultiv soigner en y arra-
chant la mauvaise herbe pour la jeter au feu avant qu'elle n'enva-
hisse les cultures prochaines.



LA SITUATION

Par Jean REMY

Le vendredi premier mars ont commenc les inscriptions tra-
vers tout le pays. Nous n'avons jusqu'ici aucun renseignement sur
le comportement des lecteurs dans les provinces, mais nous pou-
vons affirmer qu'ici Port-au-Prince le spectacle est plutt d-
plorable et mme renversant. On a vu des lecteurs mettre leur
carte aux enchres et des enchrisseurs pousser jusqu'... deux
dollars. C'est une tristesse que nous ne devons pas avoir peur de
dnoncer, ne serait-ce que pour en flageller les artisans et blmer
comme il convient ceux-l qui les encouragent.
Quand nous signalions dernirement que l'ducation politique
de l'lecteur hatien n'tait pas faite et qu'il y avait un travail
tenter dans ce sens, nous ne supposions pas un seul instant que
la bataille lectorale, malgr la grande inconscience populaire, at-
teindrait ce degr de mercantilisme hont. Autant que notre m-
moire peut nous tre fidle, nous n'avons pas eu ce spectacle en
1930.
Du moins, s'il y avait march il se faisait plutt par des chefs
de bouquement immoraux qui trafiquaient et qui trafiqueront
toujours de la confiance place en eux par les candidates. Aujour-









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


d'hui, c'est l'lecteur lui-mme qui vend sa carte, ne s'apercevant
mme pas, le pauvre, qu'en la vendant, il vend sa libert, et peut-
tre mme, celle du pays tout entier. Car, il faut bien qu'on:se
le demand, de quel ct peuvent se trouver les acheteurs? Na-
turellement dans les rangs de ceux-l qui n'ont rien fait pour
avoir la confiance de la nation et qui veulent d'une faon ou d'une
autre la maintenir dans l'tat d'abjection o elle croupit depuis
plusde., 140 ans. Si on rapproche ces faits de lFarticle intitul 3-
me Acte public, il n'y a pas longtemps, par notre confrre La
Phalange on est en droit de, se demander si notre malheu-
reux pays n'est pas effectivement l'objet de machinations tn-
breuses. Prendre l'initiative d'achetet -des cartes ds 'ouverture
des inscriptions .dnote clairement un plan arrt--et ce: plan, vu
les grands dbours, que rclame son executionn, suppose rncessai'
rement le concours du capital tranger. Quels sont ceux-l qui ont
intrt barrer la route aux patriots hatiens? Quel est le pays
de cet hmisphre qui .sembl, attacher pls d'intrt ce qui se
passe en Hati que partout ailleurs? Qui a pu mettre la dispo-
sition des acheteurs les valeurs ncessaires cette nouvelle for-
me de corruption? Autant de questions qui psent assez lourde-
ment sur les destines de notre pays et qui, ' notre humble avis,
doivent faire l'objet de attention la plus srieuse du Comit Ex-
cutif Militaire sur qui repose actuellement la delicate tche de
remettre le pouvoir d'ici peu, un gouvernement issu de LA VO-
LONTE NATIONAL.
Des confrres ont svrement critiqu le climate tout fait mal-
sain dans lequel se droulent les inscriptions Port-au-Prince.
Nous trouvons qu'ils n'ont pas assez insist sur le danger que re-
prsente pour la Rvolution un tel tat de choses. Le Front R-
volutionnaire Hatien qui compete, sans nul doute, dans son sein,
les lments les plus reprsentatifs de la Rsistance a fait pa-
ratre un communique pour protester contre les inscriptions, de-
mander leur annulation pure et simple et suggrer au Comit
Excutif Militaire que la Consultation populaire ait lieu aux jour
et heure fixs en invitant simplement les lecteurs se prsenter
l'urne arms de leur bulletin de vote.
Cette resolution inspire, on le voit bien, par la just indigna-
tion provoque par le scandal de la vente des cartes, est, selon
nous inapplicables. En effet, comment rpartir les Bureaux de vo-










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


te? Comment arriver rprer un lecteur qui tenterait de voter
plusieurs fois? Jusqu' quel point peut-on avoir confiance DANS
LE CARACTERE INDELEBILE DE l'encre propose? Il y a
mieux la suppression des inscriptions ne servirait-il pas, aux agi-
tateurs, un prtexte assez srieux pour provoquer du dsordre dans
le Pays? Rflchissons bien.
Ne perdons pas notre sang froid. Nous ne devons pas faire le
jeu de ceux-l qui cherchent acculer le Comit Excutif Mili-
taire prter le flanc leurs attaques. Nous ne cesserons pas de
le rpter: la seule garantie du pays dans les heures graves que
nous traversons, c'est encore le Comit Excutif Militaire. Si par
ds actes irrflchis nous lessons sa patience jusqu' le porter
se retire, eh bien! c'est la course effrene au pouvoir; c'est--dire,
l'anarchie.
Certes, il y a quelque chose faire pour essayer d'assainir l'at-
mosphre. C'est par la. propaganda qu'on arrivera obtenir un bon
rsultat. La Radio, la Presse, les sections de propaganda des par-
ties politiques doivent mobiliser leurs forces pour faire compren-
dre aux lecteurs inconscients qu'en vendant leurs cartes il ven-,
deot leurs liberts et s'avilissent aux yeux de l'tranger qui nous
o serve.
,Toute autre solution ne serait que prilleuse pour la Rvo-.
lution et avantageuse pour ses,ennemis,



LE JOURNAL LA NATION
EN FACE DE LA REVOLUTION
Par Jean REMY

:,Dans deux mois le pays aura lu ses mandataires. La Constitu-
tion vote, il faudra penser immdiatement donner un chef la
Nation. Nous ne croyons pas prmatur d'agiter la question surtout
que ces jours-ci certain journaux se livrent un travail systma-
tique de destruction de certaines valeurs susceptibles de jouer un
rqle, important dans les prochaines competitions prsidentielles.
Malgr que la calomnie ait t la principal arme de ces dfen-
s~r l-de la dernire heure de la cause populaire, nous ne pouvons
cependant nous empcher de faire le point sur la question et de-










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


mander tous, avant de s'engager, de bien examiner le pass de
certain journalists qui ont honteusement bnfici des faveurs
du Rgime Lescot-Rouzier.
A part quelques hebdomadaires soulevs plutt par l'enthou-
siasme inhrent toute entreprise juvenile, les organes qui mnent
cette champagne de dnigrement sont dirigs par des lments don't
la position n'est que normal, vu le caractre de lutte de classes
que revt le grand dbat lectoral. C'est ainsi que le journal LA
NATION don't la Rdaction est compose d'lments les plus
divers au point de vue social et don't le directeur, M. Max L.
Hudicourt, appartient sans contest la classes qui a remplac
les oppresseurs des masses le lendemain mme de l'Indpendance,
le journal LA NATION, disons-nous, a cru de bon ton de diri-
ger ses batteries contre ceux qu'il appelle pompeusement les l-
ments indignes.
Le quotidien de la Rue Rpublicaine qui semble tre assez
renseign sur l'indignit des uns et des autres, voudra-t-il bien
renseigner l'opinion sur les menes d'un certain journalist actuel-
lement candidate au Snat pour le Dpartement du Sud et don't
le journal recevait mensuellement une subvention de $ 100.00 du
Dpartement de l'Intrieur et un chque de $ 20.00 pour ses lo-
yers. Ce mme journalist qui, parait-il, tait parmi les conseil-
lers intimes de l'Eminence grise du Rgime Lescot, alors qu'il
semblait militer dans les rangs de l'opposition, trafiquait aussi
des tickets de gasoline que les suppts du March Noir lui dli-
vraient complaisamment chaque semaine. Il se dit aussi que ce
journalist, sous la promesse du portefeuille de l'Intrieur, avait
eu remettre au president Lescot des bombes qui taient desti-
nes la disparition de Vincent. Ce journalist ne serait pas
tranger l'arrestation de Damase Pierre-Louis, mort empoisonn
au Pnitencier National. Il aurait mme jou un rle assez louche
dans l'arrestation d'un de ses collaborateurs qui il aurait suggr
l'ide de reprendre la publication d'une REVUE frappe de sus-
pension et n'aurait mme pas jug ncessaire de protester dans
les colonnes de son journal contre l'incarcration de ce collabora-
teur, survenue ds la distribution du premier numro de cette
Revue. M. Max Hudicourt qui a tant... combattu le dernier gou-
vernement doit tre certainement renseign sur le comportement
de ce personnage qui, affirme-t-on, avait nagure des entretiens
avec Raoul Rouzier, entretiens qui se prolongeaient chaque aprs-









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


midi de deux heures quatre heures devant le bureau du journal
LA NATION.
Si nous avons rappel ces qltails, c'est parce qu'ils concernent
un homme du Sud qui, sans nul doute, doit tre connu de M. Max
Hudicourt en sa double quality de journalist bien renseign sur
les mfaits des hommes de ce pays et de candidate au Snat pour
le Dpartement du Sud.
Nous croyons le moment venu de dglonfler certain pontifes
qui ont assez abus de la crdulit populaire. Lorsque le 11 Jan-
vier 1946 le Bel-Air, le Morne--Tuf, La Saline et toutes les autres
populations suburbaines parcouraient les rues de la capital, le
coeur dbordant de joie et les regards charges de haine contre
leurs oppresseurs, il n'y a pas de doute que parmi ces derniers
se trouvait Me. Max L. Hudicourt, reprsentant authentique de
la classes des privilgis. Qu'aujourd'hui il s'improvise champion
de la defense des masses, cela ne peut reprsenter nos yeux
qu'une mise en scne grotesque. Maintenant, qu'il ait trouv de
jeunes hatiens assez nafs pour croire en son socialisme populaire,
cela est tonnant, et d'autant plus tonnant qu'il y en a parmi eux
qui ont pay cher pour savoir de quelle couleur est la sauce socia-
liste de M. Max L. Hudicourt.
Le directeur de LA NATION qui est trs intelligent et qui
n'a pas chapp le sens des vnements actuels a vite fait d'entre-
prendre tous ceux-l qu'il croit reprsenter un danger pour sa
classes. C'est son droit le plus entier; c'est mme un devoir. Mais
lorsqu'il prtend faire de sa champagne une action en faveur des
masses, notre devoir nous, fils authentiques des ternelles victi-
mes de combinaisons bourgeoises, est de protester et de crier
MENSONGE!
Trois mois seulement nous sparent de l'lection prsidentielle.
Chacun sera bien oblig de mettre bas les masques. A ce moment-
l l'on verra si M. Max Hudicourt travaille pour les humbles
ou s'il est plutt ce qu'il doit tre, c'est--dire un dfenseur de la
classes des profiteurs. C'est pour nous l'occasion de livrer la m-
ditation de nos lecteurs cette phrase dtache du copieux rqui-
sitoire dress contre les ennemis traditionnels du pays et paru
dans le dernier numro de FLAMBEAU sous la plume de notre
ami Emile St.-Lt. ...Et alors qu'une demi-douzaine de petits-
bourgeois bouffis de prjugs de couleur, aristocrates ns, vrita-










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


bles fils papa dont quelques-uns n'ont jamais travaill de leur
vie, sectaires irrductibles, ngrophobes enrags, ms soudaine-
ment en amis du people pour les besoins de la cause de leur classes
jamais perdue, prts s'allier au diable en personnel, pour con-
qurir le pouvoiri osent reprocher des noirs conscients, lucides
victims rvoltes du plus froce des sous-racismes, d'tre des ra-
cistes, c'est le comble de l'audace et de l'impudeur. Il faut croire
qu' certaines mes nes et grandies dans le crime, l'escroquerie
et le faux, mentir est un besoin imprieux. Qu'en pense Me. Max
L Hudicourt?
Comme nous le disions tout au dbut de cet article, bientt le
pays doit se choisir un chef. Dj les forces d'argent sont dclen-
ches pour essayer de gagner la bataille lectorale qui conditionne
ncessairement l'issue de la lutte prsidentielle. C'est un devoir
sacr pour les leaders de la grande masse. des exploits de voir
clair dans les vnements, de ne pas faire le jeu des reprsentants
de la REACTION en paulant la champagne de dnigrement me-
ne contre les leaders populaires par le journal LA NATION
et soutenue par quelques lments inconscients qui ont vendu leur
plume la classes des exploiteurs.



RASSURONS-NOUS

Nous n'ignorions pas le grand amour de M. Louis E. Elie pour
la chose publique et le premier ditorial de L'Homme Libre
vient de nous en donner une clatante et nouvelle confirmation.
Nous savions aussi sa parfaite impartialit en Histoire; mais ce
sujet il vient de nous infliger une toute petite dception. Dans le
mme ditorial,' en effet, il a vu en l'ex-prsident Lescot un
homme qui, srement, ne fut pas toujours adroit et juste. A son
tour, M. Elie nous semble un historien qui n'est pas TOUJOURS
trs svre, bien qu'il le soit assez ordinairement et qu'il l'ait t
mme trop quelquefois. Car nul ne peut contester la complaisance
de ce jugement port sur le dernier et le pire de nos Chlefs d'Etat.
Mais nous aurions tort d'insister sur une indulgence passagre
et d'en tenir rigueur l'historien, surtout quand il l'a accord
un contemporain. Ne nous y arrtons pas et revenons au fond
mme de l'important article de M. Elie.










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


Il s'est prononc contre le Dcret du Comit Excutif fixant
465.000 gourdes le montant des frais lectoraux. Il trouve cette
valeur excessivement leve et, en citant des chiffres, il a tay
son opinion sur des arguments apparemment assez convaincants.
Sa suspicion nous a sembl de prime abord si fonde que nous
en prmes souci notre tour et, pour apaiser notre moi, nous
rsolmes d'aller au Dpartement de l'Intrieur aux fins de ren-
seignements.
A notre arrive, nous fmes reus par le Major Paul Magloire
qui, avec son amnit coutumire, nous fit le plus cordial accueil.
Il nous, pria de gagner son Bureau et aprs nous avoir avanc
uin sige, nous invita parler en nous prtant la plus grande atten-
tion. Nous lui exposmes alors brivement l'objet de notre visit,
nous lui dmes l'cho qu'avait trouv en nous l'ditorial de
L'Homme Libre connu de lui aussi trs certainement dj -
et nous sollicitmes les lumires qu'il pourrait avoir sur la ques-
tion pour dissiper nos craintes.
De la meilleure grce du monde, il nous expliqua que dans les
cas prcdents les communes avaient particip pour une large part
aux frais lectoraux. Mais la perte de leur autonomie et la main
mise du Dpartement de l'Intrieur et du Service des Contribu-
tions sur leurs recettes ont rejet sur les paules du Gouverne-
ment tout le poids des dpenses administrative de la prsente
champagne lectorale.
Sur notre remarque que cette seule raison n'expliquait pas sans
doute la grande marge qui spare le dernier credit budgtaire et
les prcdents, il voulut bien nous apporter d'autres prcisions. Il
attira tout d'abord notre attention sur l'augmentation assez sen-
sible du cot gnral de toutes choses don't la consequence directed
fut de doubler presque la some fournie autrefois par les Com-
munes et l'Etat tout la fois. Il n'est pas, ajouta-t-il jusqu'aux
appointments allous aux employs ad hoc qui ne dussent tre
porte cette fois un niveau plus lev, en raison mme de la
situation prsente.
Enfin il conclut en nous instruisant du contrle minutieux exerc
par le Dpartement Fiscal sur l'emploi des fonds accords et de
l'existence de toutes pices justificatives dment signes et tenues
la disposition de tous ceux qui voudraient les consulter.
Ainsi aprs un quart d'heure d'utile et agrable entretien, nous
prsentmes nos plus vifs remerciements au Major Paul Magloire










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


en l'assurant de notre entire satisfaction. Il nous reconduisit fort
courtoisement en nous promettant son plus large concours toutes
les fois et dans toute la measure o l'avenir il pourra nous tre
utile.
Nous sommes heureux de fournir aujourd'hui ces renseignements
rassurants nos aimables lecteurs. Nous le faisons avec d'autant
plus d'empressement que la voix trs coute de notre distingu
et estimable confrre Louis E. Elie a pu faire natre un instant
dans l'esprit du plus grand nombre comme dans le ntre des
doutes regrettables sur certain hommes et sur certaines choses,
en un mot sur le dveloppement normal des faits et sur l'orienta-
tion des derniers grands vnements politiques dans l'avenir.




SINGULIER PETIT PAYS!

Cette exclamation est de Louis Joseph-Janvier. L'minent socio-
logue, la fin de sa longue et prcieuse mission diplomatique en
Europe, venait de rentrer dans le pays. A la violence qui caract-
risait le systme gouvernemental du Gnral Nord Alexis, le
dlgu Antoine Simon, chef des rvolutionnaires du Sud, devenu
president, avait oppos un programme que prludait la noble devi-
se: Libert et Justice, Louis Joseph Janvier nouvellement rentr de
son long sjour, Londres, capital d'une Nation o la Libert
vraie et la Justice pour tous, constituent l'essence et la base mmes
de la vie national, ne put s'empcher, en considrant la manire
hatienne de raliser ce programme de libert et de justice, de
laisser chapper cette douloureuse exclamation: Singulier petit
Pays!
Trs singulier en effet; et toute notre histoire est l, pour en
fournir la preuve.
Depuis la conjuration des glorieux compagnons du fondateur
de la Nation, conjuration dont- le rsultat fut l'norme tache de
sang rpandu au Pont Rouge et qui pse encore lourdement sur la
conscience du people incapable de se reliever de cette pouvanta-
ble iniquit, jusqu'aux frnsies qui marquent le dsquilibre, le
dsordre mental et moral qu'on constate ces jours-ci encore dans
le comportement hatien tout et tout est l pour tablir la singu-










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


larit des faons de faire de ceux qui entendent mener le troupeau
hatien.
En effet, ce fut, prtendit-on, pour anantir l'omnipotence du
pouvoir octroy Dessalines et le despotisme de son administra-
tion que les premiers conjurs hatiens dressrent l'embche du
Pont-Rouge. Mais la fameuse Constitution de 1806, tablissant
une dictature, en sens inverse, accordait les attributions du Pou-
voir Excutif au Snat, faisant ainsi du Prsident, un personnage
servile, dpourvu en fait, de toute autorit.
Puis on verra, le doux Ption, chef incontest du movement
insurrectionnel contre l'Empereur, lu Prsident, gouverner, sous
des dehors bnins et gracieux, en Csar intgral, sans contrle
aucun, cette Rpublique issue de l'Empire.
L'exemple tait trop attrayant pour ne pas tre suivi, et de 1806
1915, Haiti a continuellement vcu dans l'alternative de la dic-
tature de la foule dirige par des meneurs sans scrupule, promo-
teurs d'insurrections et de celle des satrapes qui pitinrent la
libert et la justice et don't les ralisations expliquent la march
de notre malheureux petit coin de terre.
A la vrit, de nombreux soulvements ont eu lieu dans le
pays depuis l'Indpendance et toujours dans le but dclar et
apparent de combattre le despotisme et d'aboutir une amlio-
ration du sort du people croupissant dans l'ignorance et la mi-
sre; eh bien! nul ne peut nier que grce l'action nfaste mais
presque toujours efficace d'habiles manoeuvriers, vritables cha-
cals qui sont immanquablement presents, just au moment o
s'ouvre la cure, nul ne peut nier, disons-nous, que nos insur-
rections, ont t, quant leurs consequences, plus fatales la
Rpublique que les mauvais gouvernements qu'elles ont com-
battus.
C'est que tant le plus souvent, l'oeuvre de forces opposes
et antagonistes, forces que dirigent des meneurs n'ayant en vue
que leurs ambitions gostes; et versant dans la dictature mal-
saine; elles contiennent et entretiennent le germe de leur propre
destruction. Les principles qui leur servent de base ou de cou-
verture ne competent qu'autant qu'il s'agit pour les acteurs, de
les opposer l'adversaire. Ainsi, sur les dbris de l'outrecui-
dance et souvent sur le cadavre et dans le sang des despotes
renverss, s'rigent, dans la confusion gnrale un nouveau des-
potisme plus rvoltant que le prcdent









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


Le fait que nous indiquons s'est produit avec Ption aprs
Dessalines, avec Boyer aprs Christophe, avec Rivire Hrard
aprs Boyer et on le vit se produire et se manifester dans toute
son indcente splendeur avec Lescot aprs les vnements grani-
diosement prometteurs de 1930.
Le rgime de Lescot a t, sans contest, le plus crapuleuse-
ment anti-dmocratique, anti-national et anti-patriotique que le
people hatien ait jamais connu. Mais ce gouvernement n'a pas
t un accident.
Nous savons qu'il y a eu bien avant Soulouque, des gens et
pas des moindres, quant leur position social, leur tmrit
aggressive et la puissance de leur action dans le milieu, se van-
ter de pouvoir faire et dfaire les gouvernements. C'est qu'ef-
fectivement ils se reconnaissent la facult de manoeuvrer et les
dirigeants et le people qu'ils savent lancer contre ces derniers,
quand ils ne marchent pas suffisamment leur gr.
Certes, il appartiendra l'historien de demain de dire, sinon
de chercher rvler jusqu' quel point les activits nocives
ont eu influence les derniers de nos gouvernements dans leur
action et dans leurs dlibrations; mais ce qui est incontestable,
c'est que ces lments ont jou et continent jouer sans inter-
ruption ces jours-ci, leur rle funeste.
Retenons pour en trouver la preuve les constatations suivantes:
Toutes les nergies, hatiennes et trangres, dans la zone port-
au-princienne, part le petit nombre de ceux qui formaient le
group des suppts du rgime .qui expira le 11 Janvier dernier,
ont ,contribu renverser le primaire extravagant don't ce pays
est rest afflig pendant plus de quatre ans.
Jusqu' deux heures de l'aprs- midi de ce onze janvier, l'an-
goisse et l'incertitude treignaient encore la Nation, et au nom-
bre. des actes dcisifs qui prcipitrent la fin du pnible cau-
chemar, il faut computer la grve des commerants et de la Ban-
que d'une part et de l'autre la decision prise par les dirigeants
de la Garde d'Hati de mettre fin la curieuse situation ne
des prtentions des groupements ou individus qui aspiraient
former le ministre qu'on essayait de constituer; pour rpondre
aux demands de liberts produites par les grvistes.
:La proclamation de la dchance du president Lescot par les
trois officers de notre seule force arme, fut le signal d'une mani-










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


festation populaire d'une ampleur peine imaginable. Cette ma-
nifestation prit bientt la forme d'une entente, d'une collabora-
tion franche et cordiale entire les militaires et la population entire.
Jamais people ne s'tait montr plus digne, plus noble et plus fier
dans la victoire. Ce comportement ne devait cependant pas durer
longtemps et le mauvais example devait partir d'en haut.
Ds le lendemain, 12 Janvier d'authentiques bourgeois essa-
yaient d'ameuter la populace au bord de mer contre le Comit et
particulirement contre tel de ses membres qu'on dsignait nom-
mment.
.Des manifestations furent organises par certain leaders pour
forcer la main au Comit Excutif Militaire et provoquer la for-
mation d'un gouvernement provisoire ou d'un Comit de Salut Pu-
blic, o ils entreraient avec leurs partisans.
De l'argent tait distribu pour porter certain groupements
de la populace se livrer au pillage et iincendie.
Des gens aux. allures et aux intentions suspects, furent signa-
ls dans le voisinage des sources et reservoirs d'alimentation de
la ville.
On enregistra des tentatives d'incendie et de soulvement des
gens de la champagne qui alimentent les marchs.
Toute une suite de manoeuvres tnbreuses, les unes plus au-
dacieuses que les autres furent entreprises pour prcipiter la po-
pulace affame, dguenille et dsarme dans la voie de l'gare-
ment et du dsordre improductif, dans la dictature de la foule
anonyme et irresponsible, et compromettre jamais la situation
du pays dans le but toujours inavou de faire turner les vne-
ments au profit d'une minority d'gostes et de jouisseurs effrns.
Des measures furent prises pour prvenir la menace grandissante
du danger.
Et qu'advnt-il de tout cela? Presqu'un gchis. On a l'impres-
sion aujourd'hui qu'une confusion rgne dans la Rpublique en
folie.
Toutes les ambitions ont libre course.
Les intrts suprieurs de la Nation sont peine envisags.
Un certain bien-tre collectif, une certain amlioration du sort
du pays rel, un rtablissement de la dignit national, rien de
tout cela n'est srieusement considr.










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


C'est plutt la course chevele, honteuse la canditature. Le
dnigrement, le mensonge, la calomnie qui ravalent peut-tre da-
vantage ceux qui les emploient que ceux contre qui ils sont em-
ploys... Des gens qui noncent les mmes principles et qui s'a-
bment avec une dloyaut et une atrocit rpugnantes et la
faveur d'une propaganda bien orchestre toute une srie d'attaques
contre ce mme Comit Excutif Militaire qu'on applaudissait,
qu'on chantait, qu'on exaltait hier; Comit don't le rle est purement
transitoire mais qu'on semble considrer comme le plus funeste
des gouvernements de la Rpublique.
Nous savons depuis longtemps qu'il n'y a rien de parfait sur
la crote du globe, et si nous devions juger d'aprs les anti-sovi-
tiques, nous proclamerions qu'il n'y a rien de pire que le com-
munisme, et vice versa.
Il est cependant indiscutable que sans mme excepter le gou-
vernement transitoire de Monsieur Eugne Roy, qui, du reste
avait un mandate impratif ' excuter d'aprs des directives ar-
rtes par l'amricain, le pays n'a jamais eu, aucune poque
pareille celle que nous vivons, une direction militaire plus mo-
dre, plus scrupuleuse et plus encline couter les rclamations
et faire droit aux revendications de l'opinion gnrale. Il con-
vient donc de ne pas se presser de la vouer aux dieux infernaux.
Mais la grande question semble-t-il est celle du sort de la R-
volution.
Une revolution en some est une crise, un tat passage qui
tend modifier un prcdent, produire un changement dans une
situation pour parvenir une autre, eh bien! en tenant compete
de la singularit de notre formation social et de notre comporte-
ment gnral que signalait Louis Joseph Janvier, en envisageant les
apports nouveaux la vie national, dcoulant de nos relations
avec l'tranger, nous croyons que les rsultats de notre rvolu-
tion seront en rapport direct avec l'intelligence, le sens des ra-
lits, l'nergie bienveillante, le savoir-faire de l'homme qui se-
ront confies les destines du pays; sans oublier ce que sera son
pouvoir d'action et de reaction l'gard de ceux qui formeront
son entourage official et priv.
Si le Chef d'Etat future est un bon hatien, un vrai caractre,
insensible la flatterie, aux menes des intrigants, un lucide d-










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


gag de toute ambition malsaine, imbu de la gravit de ses devoirs
beaucoup de biens en sortiront pour le pays; mais s'il est taill sur
le modle de ces cabotins que nous connaissons, le people ne fera
que continue gravir son calvaire jusqu' l'vnement final don't
nul ne peut dire quelle en sera l'espce, quelle en sera la nature.



UNE VIEILLE ARME...
MAIS TOUJOURS EFFICACE

Pour l'observateur fru d'histoire national nous entendons
la vraie rien n'a vraiment change dans ce pays depuis 150 ans.
Car les ennemis du people, travers les gnrations successives,
emploient, avec une tonnante efficacit, la mme arme consistent
retourner le people contre ses propres. dfenseurs. La tactique
est simple, crer la mfiance ou designer tel leader comme celui
qui vend, trahit ou qui trouble la paix publique.
Les examples fourmillent dans nos annales, le plus tonnant,
le plus incroyable que rapportait rcemment l'un de ceux qui s'oc-
cupent d'histoire est le cas du journalist Flix Darfour, dfen-
seur des noirs que Boyer fit prendre par le people noir lui-mme
pour l'amener au poteau 'd'excution. Quel crime avait commis
Darfour? Il rclamait une petite place pour les fils du people dans
le Gouvernement de la Rpublique.
Adroitement, par la propaganda, le mensonge, par la calomnie
et tous les artifices propres une classes d'hommes, ns malins
et qui savent jouer avec bonheur sur l'ignorance populaire, on
porte les masses et ceux-mmes qui se prtendent cultivs d-
truire les hommes que le sort a peut-tre dsigns pour les sau-
ver.
Il est sans doute hors de propos de rappeler un prcdent il-
lustre, le Christ livr la perscution de la foule qu'il aima d'un
amour ineffable.
Aujourd'hui encore, les hommes don't les parents ont toujours
contrari toute oeuvre de redemption national s'agitent comme
leurs pres pour faire du people son propre bourreau en abattant
ivn,'nsciemment tous ceux qui le reprsentfnt et de qui seuls, quel-










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


les que soient les circonstances, il peut attendre un nouveau des-
tin.
Le people n'a pas besoin d'amis, il rclame ses propres enfants
la direction de ses affaires. Mais connat-il ses enfants ou com-
me Saturne, les dvorera-t-il parce que, renouvelant une ma-
nuvre grossire, on lui aura dsign comme vendus des chefs
qui gnent le jeu de la reaction.
Les enfants de Bouqui seraient-ils incurablement frapps d'i-
diotie? Un crivain bourgeois proclamait d'ailleurs que mme lors-
que Bouqui est bachelier s-lettres ou s-sciences, il demeure in-
variablement Bouqui, autrement dit, le ngre jouet ternel entire
les mains de la bourgeoisie.
LE SEMAINIER



VAINCRE OU PERIR!

Par Jean REMY

Un confrre de la press quotidienne faisait remarquer derni-
rement, que dans tous les pays du monde les minorits ont des
droits tandis qu'en Hati la majority n'en a pas. Quelque para-
doxale que puisse paratre une telle affirmation, elle n'en est que
tristement vraie. Il appartiendra, certes, l'historien de demain
de dceler les causes d'un tel tat de choses et d'en analyser les
consequences funestes sur le dveloppement de notre pays tant
au point de vue social qu'au point de vue conomique.
Si les vnements de janvier ont connu une telle ampleur, c'est
qu'en dehors des facteurs de tous ordres qui les ont engendrs,
ils ont trouv un terrain longuement prpar par les souffrances
de toute une classes, la classes majoritaire. Aujourd'hui que l'oppor-
tunit lui est offerte de briser ses chanes et de prendre le pou-
voir, elle entend ne rien manager pour y parvenir. Elle veut signi-
fier une fois pour toutes ses contempteurs sa volont inbran-
lable d'en finir d'une faon ou d'une autre.
Deux voies sont large ouvertes devant nous: l'URNE et LES
MOYENS FORTS. La premiere qui aurait d tre la seule con-
sidrer parce que normal et moins prilleuse est malheureuse-
ment obstrue par les forces d'argent et la clientle combien vile










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


des inconscients faux col. A part quelques farceurs qu'on peut
considrer comme de vritables courtiers lectoraux quand ils ne
sont pas fous, les divers candidates qui briguent des siges tant
la Chambre qu'au Snat peuvent tre diviss en deux categories
bien distinctes: les lments surgis de la Rvolution et les repr-
sentants de la REACTION. Ces derniers, mieux organiss, il faut
le reconnatre, emploient dans la bataille les armes les plus ac-
cessibles l'ignorance et la faiblesse populaire: la calomnie et
l'argent.
Une telle bataille ne peut tre mene que par les lments cons-
:ients de la classes majoritaire. Autrement nous la perdons. L'ex-
prience a dj dmontr que dans les grands combats o les in-
trts de classes s'affrontent, le premier feu doit tre essuy par
les lments d'avant-garde. Nous sommes absolument contre le
systme, disons inefficient pour ne pas dire autre chose, de lancer
l'aventure des centaines de malheureux qui ne savent pourquoi
et contre qui ils se battent, leur education n'tant pas encore faite
pour ce genre de luttes. Nos intellectuals qui forment ce que
nous pouvons appeler l'objectif principal de l'adversaire pour la
raison bien simple que c'est eux qui observent, comprennent et
dnoncent son jeu, doivent comprendre que le moment est venu
de prparer l'action afin de n'tre pas surprise dans le cas o la ba-
taille l'urne s'avrerait impossible. Celui-l est bien naf qui croit
que l'adversaire est dispos oublier les mille vrits qui lui au-
ront t dites durant l'intervalle qui part de la chute de Lescot
l'tablissement du gouvernement dfinitif. Si nous avons le mal-
heur de ne pas comprendre la gravit de la situation et de ne pas
prendre les dispositions ncessaires, nous sommes foutus pour le
reste de notre existence. Nos enfants nous maudiront cent fois la
rage au coeur, comme parfois nous semblons reprocher au Lib-
rateur de s'tre arrt en chemin. Si par imprvoyance ou par sot-
tise nous nous laissons aveugler par l'gosme jusqu' perdre la
bataille qui se livre actuellement, c'en est fait de nous, de nos en-
fants et de tous ce qui nous touche de prs ou de loin. L'adver-
saire sera sans piti. Nous avons t trop loin pour avoir droit
sa commisration.
Donc nous sommes en face d'une alternative: Vaincre ou prir.
Ils sont un tas, de parfaits aveugles, instruments inconscients de
l'adversaire, se chamailler inutilement dans une circonscription










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


lectorale. Que de se concerter en vue de prsenter un front com-
mun aux assauts de l'ennemi, ils prfrent faire son jeu en miet-
tant leurs forces dans des luttes striles. Ils s'avilissent, se dnon-
cent, s'injurient, se calomnient. Et tout cela! au profit de qui?
De l'adversaire, naturellement. A moins d'un miracle, la bataille
l'urne est perdue. Nous l'aurons perdue grce ' l'incomprhen-
sion des uns et des autres, l'enttement de ceux qui ne veulent
pas entendre raison, enfin toute la symphonie de verbiage inu-
tile. Ce verbiage qui menace de nous tuer depuis tantt trois mois.
Alors que le 11 Janvier il fallait donner un sens aux vnements en
frappant fort et pour de bon, ils ont mieux aim s'abattre les uns
les autres, claboussant parfois dans leur course effrne ceux-l
mmes qui, en secret, travaillaient dj pour la cause, en expo-
sant leur vie et celle de toute leur famille. Ils sont ce point a-
veugles qu'ils dvorent leurs dfenseurs les plus attitrs, ne s'a-
percevant mme pas, les pauvres, qu'ils travaillent leur propre
isolement; car quand ils auront tout dtruit autour d'eux de forces
vraies et conscientes que leur restera-t-il? Rien, si ce n'est leur
chtive personnel compltement encercle par les forces qui les
oppriment depuis plus de cent quarante ans. Il est encore temps
pour vous de vous ressaisir en vue de la grande bataille venir:
celle de l'action consciente, intelligence et fconde.
Il n'y a pas hsiter. La moindre hesitation est un advantage
laiss l'ennemi. Si nou& devons perdre sur tous les fronts, per-
mettons au moins l'Histoire, la grande, de dire: Ils ont perdu,
mais leurs vainqueurs n'ont rgn que sur des cendres.


PROPOS DE LA SEMAINE
Le pass continue de vivre
dans l'avenir.
KESSERLING.

Dans notre sicle en dmence, et qui est dj descendu par deux
fois toutes les aberrations de la force brutale et de la haine aveu-
gle, on ne trouve, la vrit, pour prvenir des catastrophes irr-
parables, que les forces spirituelles. Parce qu'elles sont incorrup-
tibles et partant invincibles.
Seuls survivent aux grandes temptes de l'histoire, les nations ou
les races, les peuples ou les classes qui sachent, aux heures les plus










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


sombres et les plus tragiques de leur existence, rester fidles aux
inclinations de leur me collective construire une arche idale o
enfermer leurs croyances et leurs souvenirs communs, leurs tradi-
tions et leurs gloires nationals, vivre quotidiennement de toutes
ces choses immatrielles comme de nourritures clestes en atten-
dant que soit pass le dluge.
A observer notre communaut la surface, dans les lments
qui croient en tre la crme, l'on reoit la dcevante impression
d'un people qu'aucune foi urdente ne soulve, qu'aucune force
intrieure n'anime, qu'aucun lan vital, en un mot, ne porte vers
la conservation de quelque legs prcieux ou vers la recherche de
la prennit d'une existence tisse, colore du souvenir de toutes
les joies que nos anctres ont ensemble vcues. L'me de notre
people ne palpite point chez une certain lite prvaricatrice, d-
missionnaire, tratresse, qui veut rompre ou qui a dj rompu tout
lien avec le pass. Car la question se pose de savoir s'il est suffi-
sant de garder les noms des anctres en les vidant de tout leur
contenu en ides, en sentiments qui formaient l'essence mme de
leur me immense avec laquelle ils s'entr'aimaient et nous ai-
maient, nous, leurs descendants dgnrs, jusqu' tailler dans ce
monde hostile, ce coin de terre o, malgr tout, il est encore moins
pnible de vivre que partout ailleurs.
Dans la dliquescence pernicieuse o se dissout une parties de
notre corps social, dliquescence don't est encore exempte,, grce
au ciel, la grande masse national, mais qui s'affirme dangereuse
par voie de solidarity organique, il est urgent aujourd'hui plus que
jamais, de rechercher, pour s'y soumettre scieftment, quelles sont
les forces heureuses qui gouvernent nos destines collectives et en
vertu desquelles, nous nous maintenons encore debout, l'encon-
tre de toutes les lois de l'quilibre.
LE SEMAINIER


L'UNION! OUI... MAIS LA VRAIE!

Par Charles NOISY
Depuis la reconqute de notre entire libert d'expression les
opinions les plus opposes s'entrechoquent. Elles varient du con-
servatisme le plus triqu au gauchisme le plus aveugle et le plus
sectaire. Et dans le flot dbordant des discours sans fin, il faut









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


longtemps chercher parmi les scores des vaines lucubrations et
des utopies fallacieuses avant de pcher quelques ides fortes,
saines ou constructive.
De ces dernires, L'Homme Libre n'est pas avare. Pour ma
part, je le lis toujours avec plaisir; car mme quand je ne partage
pas entirement ses vues, je suis assur de trouver en ses articles
des qualits certes rares et prcieuses: une forme prcise, un fond
solide et des sentiments sincres.
Il vient de prononcer dans son troisime numro un verdict de
condemnation contre une mauvaise conception de l'Histoire. Il
a stigmatis l'action nfaste des aptres de discorde. Il a dnonc
l'attitude dangereuse des dogmatiseurs de la division. C'est l
faire oeuvre utile et patriotique. Cependant, le jugement port
contre les coupables, trs just en son dispositif, est un peu ex-
cessif et certain de ses motifs.
Certes, nous devons honorer la mmoire de tous nos hros,
vouer un mme culte tous les preux immortels de l'Indpen-
dance Nationale ; nous devons dans une mme ferveur, confondre
tous ceux qui, aux piques et dangereux jours de l'enfantement
de la Nation, ont apport leur part- si humble ft-elle-
l'Oeuvre Collective de la Libration. Mais que notre dvotion,
que notre pit reconnaissante ne nous entrane pas les ten-
dre tous sur un lit de Procuste. On ne peut placer sur un mme
pidestal Rigaud et Toussaint sans lever le premier au-dessus
de sa valeur et rabaisser le second au-dessous de son gnie. Nos
Anctres eurent tous leurs mrites; mais leurs vertus ne furent
pas toujours gales.
Il est aussi vrai que le pays entier fut le vaste creuset o
tous les individus formant la socit indigne de Saint-Domin-
gue se jetrent ensemble, unis et confondus sous la mitraille,
pour nous donner la libert d'abord et l'indpendance ensuite.
Mais que le Dpartement du Nord, par example, se glorifie
d'avoir plus largement contribu l'Edifice National, d'en avoir
jet les foundations et poser les premires pierres, d'avoir lanc
le premier cri de vengeance et de libert, le premier appel aux
armes, mconnat-il pour autant cette vrit? Qu'il s'enorgueil-
lisse d'avoir vu natre les plus Illustres des Titans de notre Hro-
que Epope, est-ce vouloir dsunir ce qui est dj politiquement
joint? Que le Cap se vante d'tre la ville la plus historique, les,











SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


Gonaves d'tre la Cit de l'Indpendance et l'Arcahaie celle de
la Creation du Drapeau, ces orgueils de localits ne sont pas,
mon avis, anti-nationaux. La Corse est fire d'tre la terre natale
de Napolon et elle n'en est pas moins attache la France. Dom-
remy s'honore de la naissance de Jeanne d'Arc, hrone et mar-
tyre, qui sauva son roi et son pays et il n'est pas le moins patrioti-
que des coins de terre franais. On ne renie pas son Dieu en v-
nrant ses saints; on sert mieux sa patrie, quand on aime son
patelin.
Il est aussi indniable que les glorieuses batailles de l'ind-
pendance seraient impossible sans l'union des soldats et des
chefs, ngres et multres. Rien ne prvaudra contre ce fait pr-
cis et clair. Certainement Mais il faut nous souvenir aussi
que quand les affranchis tentrent, au lendemain de la Rvolu-
tion Franaise, de conqurir leur mancipation, ils ne pensrent
point leurs frres esclaves. Il tait au contraire de leur dsir de
ne pas renoncer leurs droits d proprit sur leur btail human.
Le triste sort des vainqueurs de Pernier les accuse encore et la
mmoire de ces victims sera ternellement leur honte. Ce n'est
pas la fraternity qui les avait jets dans les bras des esclaves;
seul l'intrt leur avait dict cette conduite; car, aprs leurs pre-
miers checs, ils avaient enfin compris que seul ce prix, la
victoire pouvait leur tre assure. Et l'alliance ainsi conclue fut
ce point fragile que deux ans peine aprs la Victoire Finale,
les conspirateurs de l'Ouest et du Sud en dnouaient les liens au
Pont-Rouge. La rupture fut scelle d'un sceau fratricide tremp
dans le sang de l'Empereur, du Fondateur de la Patrie et le pacte
de 1804, aboli, fut souill d'une grande tache ineffaable. L'ancien
libre n'avait pu se rsoudre admettre la parfaite galit entire
lui et l'esclave d'hier, sa proprit et sa chose; son frre d'armes
de la veille redevint son opprim. Il invoqua sa filiation blanche,
se proclama hritier du colon et entendit prendre la place de son
pre. Hati avait remplac Saint-Domingue; le nom avait chan-
g et les matres aussi.
Crions ensemble, je le veux bien. Arrire ceux qui font de
la couleur de leur peau un programme politique et un plan de
gouvernement, jetons l'anathme aux faux-prtres, aux dfen-
seurs hypocrites du people, dmasquons tous ceux qui, de leur
naissance obscure, se font un bon tremplin pour chapper la m-










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


diocrit et s'vader de leur milieu; conspuons-les, tous futurs dser-
teurs de leur classes, tous futurs tratres leurs frres ncessiteux.
Mais reconnaissons en mme temps que la grande masse noire,
victim sculaire de la plus odieuse injustice, n'a jamais prononc
d'ostracisme contre personnel, elle a toujours demand qu'on le re-
lve seulement du sien, et ses vrais fils n'ont jamais rclam de
privileges, ils se sont toujours contents de revendiquer l'galit. A
la vrit, ils ont quelquefois exerc de sanglantes reprsailles,
mais ce fut souvent sous le coup de l'exaspration son paroxys-
me; leur just colre tait ces heures une excuse lgitime
la violence de ces actes regrettables. L'Histoire en atteste et au-
jourd'hui, je n'en veux pour preuve clatante que certain passages
de la prcieuse lettre de Mazin Isaac Louverture, publie par
L'Homme Libre, lui-mme sous la rubrique de Papiers in-
dits. Si le 11 Janvier par example, le people s'tait laiss aller
contre ses trop arrogants bourreaux de la veille des excs irr-
parables, serait-il donc impardonnable ? Heureusement il fut sage
rendons-en grce au ciel ; car il y et eu invitablement des vic-
times innocentes.
L'Union oui... mais la vraie Nous savons que pour L'Hom-
me Libre le mot est rest pur et sacr. Mais beaucoup l'ont jus-
qu' ce jour souill et profan qui le prononcent cette heure
sans y mettre un rel amour de leur concitoyen, une pense de
sincre fraternity; ils trafiquent honteusement du pouvoir de ce
vocable magique sur les mes naves pour sauver leurs intrts
menacs par la vague montante de la rvolte populaire. L'Union!
oui... Mais sans de nouveaux Suisses, de grce !
L'Union oui... Mais puis-je vraiment y croire aujourd'hui,
quand le mot est sur les mmes lvres, que j'entendais hier encore,
de mes propres oreilles, prononcer la condemnation irrvocable
de la plbe hatienne son malheureux sort? Je le demand; en
toute bonne foi, puis-je vraiment y croire sans danger? Aussi long-
temps que du people surgiront des prophtes douteux et des pr-
cheurs de haine; aussi longtemps que dans la bourgeoisie l'on ver-
ra des faces de rengats rpudier l'hritage du pass des lvres
blasphmer la mystique de nos Pres et des fronts rougir de nos
vraies origins; aussi longtemps qu'on sentira ici ou l, des curs
indiffrents au drame du paysan, l'heure ne sera pas encore ve-
nue d'une Union sincre et durable.









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


Inscrite sur notre bicolore, cette devis ne -fut jamais dans tous
les coeurs, dans toutes les mes: il serait prilleux de nier cette
evidence. L'Union Nationale demeure encore pour notre pays un
bel idal et il nous income de le concrter. Ce n'est pas en cla-
mant son avnement que nous parviendrons la raliser, mais
en posant les conditions indispensables son rgne vritable: Jus-
tice, Fraternit, Patriotisme. Pour qu'elle ne soit ni phmre
ni mensongre, il imported que nous cultivions d'abord ces vertus.
Les temps doivent changer. Toutes les tendances, tous les con-
formismes doivent disparatre. Oui! qu'il en soit ainsi d'abord et
sincrement; aprs et aprs seulement, l'Union Sacre sera fruc-
tueuse. Et ce moment-l, je dirai, changeant lgrement la for-
mule de l'Homme Libre: L'UNION VRAIE seule doit prva-
loir; car elle seule est salutaire.



NOTRE POSITION

Par Jean REMY

Le 13 Janvier 1946, alors que toute la ville de Port-au-Prince
tait encore manifester sa joie de la chute de Lescot, nous
avons t plutt surprise de rencohtrer parmi les manifestants un
des personnages qui ont le plus bnfici des faveurs du dernier
rgime.
Notre surprise s'est change en indignation quand nous avons
entendu le personnage en question, suivi de quelques inconscients,
crier tue-tte Pas de Comit Excutif avec Paul Magloire!
A partir de ce moment, nous avons compris qu'une champagne
malhonnte tait en train contre les lments de la Race. Et notre
conviction tait d'autant plus profonde que ce n'tait pas la pre-
mire fois, depuis les vnements de janvier, que nous entendions
ce cri Pas de Comit Excutif avec Paul Magloire. L'on nous
a fait l'insigne honneur d'avoir fond ce journal pour dfendre
le Major Magloire. Nous tenons dire une fois pour toutes
ceux-l qui le pensent que nous sommes rsolus dfendre contre
les adversaires de notre classes, non seulement le Major Magloire,
mais encore tous les lments noirs conscients qu'une certain
press cherche tomber par tous les moyens dans l'estime de
l'opinion publique. Un feu de barrage en rgle est ouvert contre









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


tout ce que la classes majoritaire compete dans son seit d'lments
de valeur et reprsentatifs. A bien considrer la position. des
batteries, l'on n'aura pas un grand effort faire pour voir de
quelle couleur est ce jeu macabre.
Nous l'avons dj dit et nous le rptons encore pour tous ceux-
l qui croient fermement que le pays hatien est leur proprit
exclusive: nous sommes dcids nous faire tuer pour l'tablisse-
ment d'un ordre vraiment national dans les affaires publiques.
Nous en avons assez de ces mtques imbciles et de ces grimauds
calvitie don't l'arrogance n'a d'gal que leut crtinisme extrava-
gant et leur supreme crapulerie. Nous n'ignorons pas les difficults
de toutes sortes que nous aurons rencontrer sur notre chemin et
mme parmi ceux-l que nous dfendons malgr eux.
A nos adversaires nous opposons, nous, notre courage, notre
jeunesse et surtout notre volont de les craser dfinitivement. Si
la lutte s'annonce trs dure sur le plan matriel, sur le plan moral
nous sommes plutt l'aise. En face de nous, en effet, se dresse
toute une thorie d'anciens faussaires et de voleurs notoires, d'es-
pions internationaux et de vils mouchards.
Nous avons tenu fixer notre position, surtout pour ceux-l
qui croient que notre journal peut tre l'organe d'un homme ou
d'un parti politique. Nous nous constituons les dfenseurs des
lments de notre classes, ceux qu'on a toujours considrs comme
les parias de la socit hatienne, les fripouilles pour rpter le
propre terme d'un pontife de la classes bourgeoise. Tant pis pour
ceux-l qui ne veulent pas comprendre que nous sommes en plein
dans une lutte de couleur. Pour notre part, nous sommes disposs
l'accepter sous toutes ses phases mme si nous devions passer
sur des amitis qui nous sont chres.



LE GOUVERNEMENT DE DEMAIN

A bien considrer le comportement de la grande majority des
organes de la press de gauche, on pourrait mme dire de notre
press, puisque depuis le onze janvier dernier tous les journaux
qui se publient dans le pays part quelques rares organes plus
ou moins modrs, se rclament de la gauche; bien donc con-
sidrer, disons-nous, le comportement aussi bien que les points









SOUVENIRS D'UNE CAMPAIGN


de .vue et les conclusions de .notre press on serait en droit rde se
demander si l'hatien s'inquite d'tre sinon logique, du moins just.
Examinons, ce sujet les manifestations de, la majority de l'o-
pinion la lumire de quelques faits. Le mouvegent qui renver-
sa le rgime-Lescot et qui mit fin l'application de Ja mthode ou-
trancire qu'avaient instaure dans la Rpublique les plus authen-
tiques reprsentants de la vanit satisfaite, de la nullit et de
l'immortalit conjugues, ce movement avait volu sous l'gide
des principles dmocratiques et des ides de libert pour tous.
Ce fut donc une manifestation organise et excute dans le
but d'assurer et de garantir au people, en toute libert, le droit
de choisir la mthode d'aprs laquelle il entend ,tre gouvern et
de designer lui-mme ceux qui il entend confier le mandate d'ad-
ministrer ses affaires. Si puissant tait le souffle qui animait cet-
te magnifique effervescence qu'elle produisit ses effects dans l'em-
ploi des divers moyens mis en usage ordinairement pour arriver
aux rsultats pareils ceux qui ont t obtenus en l'occurrence.
La voix de l'une des plus grandes nations de la terre parcou-
rut le monde pour proclamer la grandeur de la leon que le petit
people d'Hati venait de donner l'Univers en renversant sans
armes le plus odieux dictateur ngre du nouveau continent.
Mais, il semble que nous venions d'excuter un tour exigeant une
dpense d'nergie qui dpassait notre puissance d'action. Ce fut
alors le dsquilibre, la crise, le dlire.
La... revolution, dans ses lments, les plus vitaux, s'attaquait
elle-mme, dsagrgeait ses propres forces pour, ensuite, d'excs en
excs, d'exagration en exagration arriver conclure, elle-mme,
sa mort, qui, si elle est relle, n'aura t qu'un suicide.
La premiere tape de dfaillance constate dans l'volution du
beau movement insurrectionnel de janvier 1946 est notre avis,
le rsultat incontestable de l'incomprhension et de l'ambition ex-
travagante de certain prtendus leaders qui, ne saisissant gure,
ni la nature de la revolution ni le sens de sa march, croyaient
pouvoir s'en emparer, et en substituant leur malice ses d-
sirs l'orienter de faon n'en tirer que des bnfices pour eux ou
leur group sans tenir compete des grands intrts nationaux et des
aspirations du people.
Cette premiere tape fut suivie de la grosse tentative de dma-
gogie au course de laquelle les groupements divers s'attaqurent









SOUVENIRS D'UNE. CHAMPAGNE


simultanment, ou tour de rle, tantt au Comit Excutif Mi-
.litaire autour duquel tous cependant venaient peine d'esquis-
ser un geste d'union et de solidarity l'occasion de controver-
se sur la ncessit d'avoir des civils la direction executive du
pays ou sur l'epportunit d'une assemble exclusivement consti-
tuante pour donner la Rpublique la nouvelle Charte qui doit
la rgir: tantt certain candidates qu'on dsirerait voir frapper -
assez tardivement d'ailleurs, car les lections taient dj dcr-
tes, et la champagne ouverte dans toute son ampleur d'indigni-
t pour avoir particip l'autoritarisme farouche et tortionnaire
qui pesait depuis 1941 sur le pays; tantt au people lui-mme,
cette masse de 85% de paysans qu'on proclamait incapable et...
non irresponsible, parce qu'on lui a toujours refus l'alphabet,
qu'on l'a rive la misre pour l'exploiter de toutes les faons
depuis 1804 afin de mieux la contraindre cder sa carte d'lecteur
ou son bulletin de vote contre une gourde ou un sandwich au
hareng-saur pour ne pas jener un jour de plus.
Il n'a pas t donn ceux qui n'ont pu que suivre ces tendan-
ces d'entendre des arguments convaincants des partisans d'un
gouvernement provisoire compos en tout ou en parties de civils.
Des motifs pour et contre ont t noncs avec une assurance
gale par ceux qui plaidaient pour une assemble caractre
exclusivement constituent et par leurs adversaires.
Le dbat prend une tournure autrement grave quand il s'agit
de considrer les conclusions du grand nombre de ceux qui di-
rigent l'opinion, l'gard de nos masses paysannes et de nos pro-
ltaires analphabtes. Ils sont, allgue-t-on, parce que misra-
bles et ne sachant pas lire, trs disposs constituer la client-
le de ceux qui ont eu l'infamie d'tre aux affaires pendant la p-
riode honnie qui vient de s'achever dans la honte et l'ignominie
et don't les bnficiaires irrmdiablement rprouvs voudraient
encore exercer leurs droits de citoyen de la Rpublique.
Eh bien! s'il s'agit de dire la vrit et de juger sainement les
faits de notre histoire, il nous faut reconnatre qu' toutes les
poques, les proltaires prtendment ignorants et les paysans
dguenills et affams, quand ils ont t libres de remplir leurs
devoirs civiques, l'ont toujours fait avec une determination, une
conviction, un sens de la dignit don't le citadin et l'intellectuel
n'ont pas toujours su faire preuve. De 1843 1930, chaque fois










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


que le people a t convoqu pour choisir librement ses manda-
taires, il a toujours eu les designer parmi les meilleurs lments
qu'on pouvait trouver dans les diffrentes circonscriptions. A
ces poques de libert, ceux qui trafiquaient de leur mandate ou
transigeaient avec leur conscience taient encore les citadins, les
intellectuals, les lus.
Aux poques de grande corruption, les corrupteurs toujours se
recrutent et exclusivement parmi les citadins, les intellectuels-
Du reste, les manoeuvres multiples et compliques qu'exigent
les operations lectorales ne sont gure la porte des simples
proltaires et des paysans. Leur unique combinaison consiste
spculer parfois avec leur carte d'inscription tout en se rservant,
le plus souvent, voter le jour des lections, comme ils l'enten-
dent, comme ils le dsirent.
Tous ces faits, toutes ces considerations n'ont pas empch que
des protagonistes de la revolution, de cette revolution qui in-
voque la dmocratie, maudit le bourgeois et conclut son infa-
mie de notoire protagoniste rclament le suffrage restreint
et demandent, par consquent, que soient carts de notre dmo-
cratique consultation les 95 pour cent de la population du pays.
Merveilleuse dmocratie, dlicieuse rpublique! On aurait pu croi-
re que l s'arrtent les controversies qui divisent les citoyens de
notre singulier petit pays. Pas du tout! La situation politique
incite les individus les plus dpourvus d'exprience mettre en
discussion des questions qu'il conviendrait d'envisager avec pru-
dence et srnit, mais que nos clercs, nos thoriciens trouvent
moyen d'aborder et de rsoudre sans aucunement tenir compete
des contingencies, des ralits avec l'unique souci de faire un peu
de bruit, de passer pour leaders, d'avoir l'air de poser des innova-
tions, en tombant leurs adversaires, en s'attaquant leur pres-
tige et comme disait l'autre en essayant d'riger leur pidestal sur
la reputation d'autrui.
La rforme de l'Etat ?- Ils ne l'envisagent pas encore. Ce
qu'ils se proposent d'entreprendre ou de faire pour une amlio-
ration de la situation national? Ils n'en disent pas grand'chose.
L'amlioration de la situation conomique et social du pays,
l'tablissement d'une vraie justice distributive sont les cadets de
leurs proccupations. Mais barrer le passage au concurrent, le
ravaler, lui reprocher des fautes don't on est soi-mme plusieurs









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


fois coupables par action ou par omission. Voil le programme
excuter pour le moment.
Cependant, pour le vrai citoyen dsireux d'un meilleur sort
pour la patrie, des questions de premiere gravit, des points de
vue d'une extreme dlicatesse mritent de retenir l'attention
quand on considre le tournant auquel se trouve la Rpublique
et la situation qu'elle confront au moment o il s'agit de savoir
de quelle forme de gouvernement on va doter le pays; quelles
espces d'institutions on va lui donner ; quels rouages devront
tre crs ou adopts pour une administration march progres-
sive, rendement avantageux au triple point de vue politique,
conomique et social en Hati.
La question de personnel, certes, n'est pas ddaigner, mais
il ne faut nullement oublier et les examples sont nombreux -
que beaucoup d'individus considrs comme des modles achevs
de vertus citoyennes, don't la morality tait tenue pour inatta-
quable se sont rvls, une fois aux affaires des gredins accom-
plis, des chenapans renforcs, tandis que des personnages pass
soi-disant douteux ou mme entach, allaient jusqu'au sacrifice
de leur vie pour sauvegarder la dignit de leur position ou endi-
guer le mal envahissant.
Ainsi la personnalit individuelle de celui-ci ou de celui-l ne
saurait tre essentielle dans les dbats ou dans les considerations
intressant la direction mme de la Nation. La grande question,
le point rellement important est de savoir et de fixer dans quelle
condition on devra confier cette direction des affaires publiques
tel ou tels de nos concitoyens; en d'autres terms, comment on
aura exercer le pouvoir.
Notre experience de people est l pour tablir qu'en ce qui
concern le progrs, l'amlioration du sort de notre communaut,
l'empire de Dessalines n'a pas t pire que la Rpublique de P-
tion ; que les quatorze annes du pouvoir royal de Christophe
n'ont pas donn moins de rsultats que le quart de sicle de pr-
sidence de Boyer ; que le rgime soulouquien est bien moins hon-
teux que celui de Lescot. Nous pouvons donc soutenir que le fait
essential dans le gouvernement du people n'est ni le personnage
qui peut-tre confi le pouvoir ni l'tiquette gouvernementale
pas plus que les ides sur lesquelles on compete faire reposer
notre systme de gouvernement










SOUVL.IRS D'UNE CHAMPAGNE


Il serait donc incontestablement naf et dangereux aprs les
mrultiples examples de dfaillance que nous avons sous les yeux,
aprs les dviations d'opinion et d'attitude, les incohrences, les
contradictions que nous avons constates chez ceux-l mme qui
ont contribu diriger la revolution, il serait suprmement dan-
gereux, rptons-nous de tabler de faon plus ou moins exclusive
sur la conscience, l'intgrit, la probit d'un citoyen ou de s'en
rapporter de manire quelque peu absolue la vertu corrective
de l'opinion d'une classes ou de celle de la majority.
C'est Thiers qui disait dj Ne livrez jamais la Patrie un
homme, n'importe l'homme, n'importent les circonstances, tandis
que Voltaire, si je ne m'abuse, faisait la remarque Il n'y a pire
dictature que celle de la foule. Ceci admis, il conviendrait sur-
tout, puisqu'il s'agit pour nous de travailler instaurer enfin
chez nous la dmocratie pour ne pas prir dans la honte et l'i-
gnominie, sous le ridicule et le sarcasme gnral, d'adopter la
mthode contraire celle que semblent vouloir dicter certain
esprits artificiels et routiniers enclins rpter ce qu'ils en-
tendent dire et peu disposs apprcier, discuter les ides
d'autrui, suivre les vnements et observer les ralits.
Ils s'vidente de nos jours que l'individu moyen, plac dans un
milieu favorable, arrive se faire une just ide de ce qui se
passe autour de lui, apprcier et critiquer assez srement et
assez sainement pour que sa faon de voir et de dcider puisse
avoir son effet dans la conduite de ceux qui sont charges de la
direction des affaires qui l'intressent. Il s'agit de tenir compete
de cette observation base sur des faits anciens et des vne-
ments contemporains pour envisager et adopter -en 'dehors de
notre vieille routine plus que sculaire mais absurde et inf-
conde- un systme de gouvernement qui fasse de nous un peu
plus que la dernire et la plus dnigre des nations de la terre.
Au lieu d'tre une miserable bande de ngres diviss en castes
diffrentes, toujours en butte l'action et aux ralisations no-
cives d'une strict minority audacieuse, vaniteuse, suffisante, fai-
sant reposer tout son prestige sur un total de ridicules prten-
tions et de prjugs honteux et qui ne rougit pas de se prvaloir
de sa dchance ou de la msalliance ou encore de l'aldutrinit
qui corrompt son origine, il est question enfin pour nous de
nous considrer comme un people, une vraie nation et d'avoir










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


pour nous diriger une mthode qui puisse convenir la noblesse
de notre nature, de notre tat de citoyen.
Il s'agit pour nous de trouver les principles, les prceptes sur
lesquels reposent et par lesquels s'expriment les moyens trou-
ver, employer, imposer pour crer un courant d'ides, asseoir
une faon de comprendre et de faire les choses dans le sens du
bien-tre gnral de la nation entire, sans exception d'aucun
genre.
Une politique pour la Nation hatienne nous parat devoir pr-
senter cette alternative : la suppression definitive et par tous
les moyens du systme qui consiste confier un individu, tou-
jours entour d'une minority d'adulateurs reptiliens et venimeux,
le soin de conduire la Nation, quite la diriger de plus en plus,
par les procds les plus infmes et les plus dgotantes, vers
l'abime ; et d'autre part l'obligation corrlative de supprimer de
mme, par tous les moyens, l'emploi ou l'usage des procds vio-
lents pour arriver la mise en pratique de la mthode qu'on a
prfre ou adopte. On ne. tarderait certainement pas aboutir
de la sorte, au respect de l'homme et de ses opinions, la recon-
naissance de l'intangibilit de ses droits, la conscration de la
scurit de ses biens et de sa personnel. L'ordre et la justice r-
sulteraient forcment d'un pareil ordre de chose; la concorde
rgnerait dans la maison et la Nation pourrait connatre une re
de grandeur et de dignit.














PRISE DE CONSCIENCE



Le 12 Mai 1946, le people hatien avait nettement signifi la
bourgeoisie sa volont inbranlable de ne plus lui confier les rnes
du pouvoir.
En effet, les nouveaux parlementaires, sauf certain lus du D-
partement du Sud, taient tous ou presque tous sortis de la terre.
Les anciens profiteurs vaincus aux lections gnrales, n'ayant
aucune chance de faciliter un des leurs, eurent recours une vieil-
la politique use: LA POLITIQUE DE DOUBLURE.
C'est ainsi que parmi les cinq ou six candidates la Prsidence,
on pouvait computer trois Doublures soutenus ou bien par le
haut Commerce qui s'tait scandaleusement enrichi au march noir
pendant la guerre, ou bien par les politicians combinards qui ont
pu amasser une fortune de 1915 1946.
La Bataille, ce moment-l, il faut l'avouer, tait plutt dure,
d'autant plus dure que les doubls taient des hommes qui
avaient pass une bonne parties de leur vie jouer la comdie
de l'honntet jusqu' chapter la confiance de certain nafs.
Il fallait donc dmolir ces pharisiens, les dnoncer au people et
aux nouveaux mandataires de la Nation. C'est cette rude beso-
gne que La Rpublique devait s'atteler au dbut de Juin 1946
tout en menant la bataille pour les Elections Prsidentielles d'abord.
On aura une ide de l'ampleur de la lutte par les rparties sou-
vent violemment que nous tions obligs de faire ceux-l qui,
systmatiquement s'efforaient d'branler la forte personnalit du
Candidat Dumarsais Estim.
Nous ne dirons rien des armes don't ils se sont servis pour com-
battre la candidature du Dput des Verrettes.
Cependant, une chose demeure, c'est qu' la champagne calom-
nieuse inaugure contre Dumarsais Estim, l'Equipe de La 'R-
publique a oppos Cent Quarante ans d'histoire au course desquels
tous ceux-l qui luttaient contre l'accession du paysan avaient
laiss ou bien leur dignit, ou bien ce que l'on convenait d'appeler
leur intgrit.














CHAPITRE II

MAX HUDICOURT:

HONEST IAGO
Par Joseph L. DEJEAN

Nulle tche n'est, en vrit, plus malaise que celle de dpeindre
l'immense leader socialist militant Max L. Hudicourt. L'Illustre
personnage possde, ct d'incontestables qualits humaines, tant
de vertus citoyennes que l'on craint, just titre, de les numrer:
il se pourrait que l'on en omette et la foule de ses fervents admi-
rateurs ne pardonnerait point une telle impit. Il faut admettre
donc comme un postulat que Max L. Hudicourt est un socialist
militant. S'il le dit, d'ailleurs, c'est vrai, car Max L. Hudicourt est
honnte.
$
*
Max L. Hudicourt est un socialiste-militant parce qu'il est n
d'une famille proltarienne noire Jrmie. On lui a jet un mau-
vais sort, comme l'expliquait le Prsident Fabre Nicolas Geffrard
au bon people, et il devint clair. Si sa peau s'est claircie il n'a
pas cess cependant d'aimer les noirs. Et son amour s'est mille
fois, manifest par des actes non quivoques. Il n'et point accept
devenir un pion au Lyce Ption et faire anonner des
dclinaisons latines des lves noirs de peur de passer pour un
loup-garou. D'abord que viennent chercher dans cette galre
bourgeoise du Lyce les enfants du proltariat, quand il existe
des tablissements bien fams? Plutt donc de faire peur ces
petites mes noires, si dlicates et si tendres, le socialist militant
Max L. Hudicourt prfre n'tre jamais un pion. Il pousse son
scrupule si avant qu'il n'acceptera n'tre rien dans la vie. Que
si, cdant la pression de quelques mauvais gnie, il devient avo-
cat, il s'enfuira un beau jour du Palais et s'en ira prendre un
bout de retraite dans l' Impavide Gonve; son honntet native
ne peut s'accommoder du climate de la chicane et de l'abus de con-
fiance.










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


*

Aprs maintes autres msaventures, don't il s'est toujours tir
sans rien laisser de son honneur ni de sa dignit (les hommes
comme lui ne se dshonorent pas) il embrasse le Marxisme. Ses
parents, gens pleins de perspicacit l'avaient prnomm Marx et
c'est, dit-on, le Ministre protestant qui, par superstition enleva
le r. Marxiste, il se brouilla entirement avec le travail sous
toutes ses formes, afin de n'tre pas exploit ou de n'exploiter
personnel. Et on le voit jusque de nos jours s'en aller par les rues
aussi maigre, aussi dprim que le Chevalier--la-Triste-Mine.



Comme il tait press d'accepter un emploi sous le gouverne-
ment de M. Stnio Vincent, il aima mieux se mettre aux services
du leader proltarien, feu Matre Seymour Pradel. Et cette amiti
ne fut gure coteuse pour le cher Matre, quoi qu'en veuillent
prtendre les mauvaises langues. Il resta fidle l'homme jusqu'
ce que le testament ft ouvert.
Les articles pro-capitalistes de son journal Le Centre et les
lettres pro-capitalistes qu'il crivit Charles Moravia reproduits
par M. Jean Magloire dans Psych ne sont que de grossiers
apocryphes calomnieux, de lches inventions de ses ennemis bour-
geois pour le perdre dans les consciences socialists et prolta-
riennes.
*

Le socialisme chacun le sait prohibe le racisme, c'est
pourquoi, Max L. Hudicourt dteste les mangeurs de multres,
ce n'est pas lui qui dirait la Croix-des-Bouquets, un jour qu'il
laissa parler son coeur: Mulait c train, ng c rail, c yo qui pou
toujou en bas.Ah non ce n'est pas lui qui a dit cela. Ce n'est pas
lui davantage qui pouserait une multresse. Pour tmoigner de
son amour du ngre, du ngre qu'il regrettera toute sa vie de n'tre
pas, il s'est mari contre une ngresse noire comme la nuit, puis a
convol en justes noces avec une autre jeune fille au nez pat
et la tignasse crpele.
Si Karl-Max-Llio-Hudicourt abhore le capital, il dteste aussi
les patrons. D'aucuns disent que Gontran Rouzier s'agenouilla de-










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vant lui pour qu'il acceptt sa protection pour La Nation. Il
fut inflexible.
A New-York, comme il n'a jamais trahi personnel, encore moins
son pays, il rsista l'offre tentante de vivre sans se la fouler
rien qu'en mouchardant les exils politiques d'un pays voisin. S'il
acheta un fonds de restaurant Broadway, ce n'est point avec de
l'argent bel et bon qu'il reut d'un Chef d'Etat tranger par le
truchement d'un sien parent. Ah! grand jamais! Karl Max-Llio-
Hudicourt n'a trahi personnel.
Fort de toutes ces qualits d'homme, citadelle de vertus citoyen-
nes, Max L. Hudicourt, socialiste-militant, adorateur du people,
peut sans sourciller jeter la pierre tout ractionnaire fasciste,
mangeurs de multres qui a convol (sic) en pousailles avec
une multresse des quarters levs. Le noir Max L. Hudicourt
n'aime pas les racistes qui se marient avec des multresses. Peu-
ple retenez a Horrible, most horrible, crie-t-il devant une telle
infamie. Si vous connaissiez Shakespeare, ami lecteur, vous diriez
Honest Iago. Sans pour cela penser qu'un socialiste-militant
comme Max Llio Hudicourt, fils du people, soit un sclrat. Puis-
que Max Llio Hudicourt, est de vrai un honnte homme.




LE P S P ENRAGE
Par Love O. LEGER

La reaction bourgeoise attaque. Tapie sous l'tendard du socia-
lisme, elle s'est donn pour tche depuis quelques jours de rpan-
dre sa bave fielleuse sur tous les grands chefs noirs, en qui le
people vient de placer sa confiance le 12 Mai dernier. Le soin
de mener bien cette oeuvre de dnigrement systmatique est
confi Max Hudicourt qui se dclare, l'ahurissement de tous
ceux qui suivent depuis longtemps la courbe de son volution po-
litique, socialist militant. Vraiment, les vnements qui se d-
roulent dans notre pays depuis le onze janvier dernier nous four-
nissent l'occasion de consigner les observations les plus tranges.
Ils mettent tout de mme en relief la vrit de ce qu'affirmait
dernirement l'un des grands et authentiques leaders de la Rvo-
lution, Me. Emile St.-Lt, savoir que l'homme n'est pas matre










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


de ses attitudes, de ses ides, de ses sentiments, qu'il subit profon-
dment le dterminisme de sa classe. Le cas Max Hudicourt
confirm en tous points la justesse de cette observation sociologi-
que. On retrouve, en effet dans l'attitude actuelle du directeur de
La Nation, le comportement traditionnel des hommes de sa clas-
se, dans la defense de leurs privileges, dans leur tentative continuel-
le travers notre histoire de s'attacher envers et contre tous ceux
qu'ils considrent comme un droit natural, celui de parler en ma-
tres ce people de ngres qu'ils mprisent, auxquels ils se croient
suprieurs, et qu'ils croient avoir le droit exclusif de diriger. Li-
brale pour combattre Salomon, elle se fait aujourd'hui socialist
pour mieux torpiller la Rvolution du people, tout en ayant l'air
de la dfendre. Le malheur, c'est que l'avocat de cette classes est
aujourd'hui Max Hudicourt. La cause est vraiment perdue, si pour
la dfendre le bourgeois n'a pu trouver que cet avocat qui a laiss
dans les avatars d'une vie politique toute de palinodie et d'oppor-
tunisme, ce qu'il pouvait avoir de prestige et d'autorit.
Mais quand, mme par l'organe de ce petit matre qui par une
trange audace, ose parler au nom des masses hatiennes qui n'ont
rien de commun avec lui, se pursuit le dnigrement systmatique
de tout ce qui est people, ou s'apparente au people. Il n'y a pas
longtemps le socialist Max Hudicourt, reprochait Philas Le-
maire sa misre, il dclarait Jean Rmy qu'il n'appartenait pas
sa classes. Il prenait ensuite violemment parties Me. Emile St.-
Lt. Puis ce fut le Dr. Price Mars et Me. Edgar Numa. Aujour-
d'hui il s'en prend au Dput des Verrettes Dumarsais Estim.
Demain, ce sera le tour d'un autre leader noir de subir les attaques
du directeur de La Nation. Sa nouvelle casaque de socialist le
gne aux entournures. Malgr ses efforts, elle ne peut couvrir sa
haine et son mpris des hommes du people. Ces hommes pour lui
quels que soient leur valeur et leur mrite, ne sont que des loups-
garous, ou des meurt de faim. L'ducation de Max Hudicourt,
les prjugs qu'il sua dans le milieu o il a grand, ont produit
en lui une sorte de dformation qui l'empche de reconnatre tout
mrite ceux-l qui ne sont pas d'une certain nuance. Le P. S. P.
n'prouvait cependant aucune gne se trouver au prtendu co-
mit de Salut public, ct d'un Ren Auguste. Max Hudicourt
trouve natural sans doute que celui-ci habite une villa luxueuse
quand il considre comme un crime que M. Dumarsais Estim
possde une maison comfortable dans les hauteurs de la ville. C'est










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


parat-il, une zone rserve Max Hudicourt et ses frres de
classes. En some, ce qu'il ne pardonne pas Estim, c'est d'avoir
un jour dnonc les abus et les privileges de la classes de Max Hu-
dicourt. Cela, on le sent bien, quand on l'entend dire de M. Estim
qu'il est un mangeur de multres. Voil le crime impardonnable,
le manque de respect aux privileges sculairement usurps. C'est
cela qui explique la rpugnance prouve par le directeur de La
Nation siger au Snat de la Rpublique ct d'un J. N. Pierre-
Louis, d'un Jean Blizaire, d'un Louis Bazin, d'un Bignon Pierre-
Louis, d'un Emile St.-Lt, d'un Jean David, d'un Beauharnais Bois-
rond. Une pareille assemble ne rpond pas l'esthtique de Max
Hudicourt. Il n'a pas l'habitude de manger comme il le dit lui-
mme en pareille compagnie. C'est tout just s'il ne renouvelle
pas sa declaration, l'adresse de Jean Rmy, qu'il n'est pas de la
classes de ces gens-l. Max Hudicourt suffoque dj la pense
de voir un noir la Prsidence de la Rpublique. Il rve pour sa
Rpublique, sa Nation, d'un de ces hommes qui ne serait pas un
loup-garou, qui serait reprsentatif, suivant la conception de sa
classes et qui viendrait assurer la prennit des privileges de sa
famille et de sa caste.
-;Il ne pardonne pas non plus, certainement, M. Estim d'avoir
voulu assurer l'accession l'ducation et la culture de la jeunes-
se majoritaire du pays en entreprenant sa large rforme de l'ins-
truction publique, d'avoir essay de restituer cette jeunesse le
sens de sa dignit, la fiert de sa race, d'avoir nomm au Lyce
de'Port-au-Prince, un Daniel Fignol, un Flix Diambois, un Pra-
dei Pompilus, un Mesmin Gabriel, un Clment Lespinasse. etc...
Mais l'histoire est en march. Elle bousculera les privileges de
Max Hudicourt et de sa classes, elle redonnera ceux qu'il con-
sidre comme des loups garous, leur place vritable dans la cit
hatienne. Elle dira que ceux-l n'ont pas encore trahi la patrie,
qu'ils n'ont jamais t la solde d'aucun gouvernement tranger...
L'histoire est en march et toutes les malveillances dsespres
des prtendus socialists ne pourront rien contre son action dyna-
mique.
Qu'importe alors si Max Hudicourt, refuse de siger au Snat de
la, Rpublique, qu'il a pu escalader par on ne sait quelles ma-
noeuvres macabres, les. honntes gens n'y verront qu'une pura-
tion ncessaire de la Haute Assemble.









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


MAX HUDICOURT AU PILORI

Par Marcel VAVAL

Lorsque le journal me tomba sous les yeux, il m'a fallu regar-
der pnr deux fois pour en avoir la certitude. Max Hudicourt s'at-
taque Estim! Non, laissez-moi rire. Max Hudicourt est donc in
saint et Estim un dmon? Et dire que je croirais, exactement le
contraire.
Max Hudicourt announce qu'il a reu une carte Dumarsais Es-
tim, l'occasion de votre succs, vous envoie ses flicitations les
meilleures avec l'assurance de sa sympathie trs distingue. Et
Max Hudicourt en est tellement surprise qu'il perd la tte jusqu'
rpondre pour ne pas faire accroc au savoir vivre. Max Hudi-
court, Remerciements. Courtoisie. Et c'est alors que la surprise de
Max Hudicourt se transform en stupfaction, car il n'a aucune
sorte de relations avec ce Candidat la Prsidence, etc. Et Max
Hudicourt est tellement vex de ce que ce candidate la Prsi-
dence lui ait adress une carte de flicitations qu'il lui tombe
dessus bras raccourcis, pour lui infliger la correction du Colon
l'esclave polisson. Max Hudicourt en profit pour dvider sa cons-
cience qui, parat-il, tait trs charge car il y a plus de 20 ans
depuis qu'il connat ce personnage. Mais Max 'Hudicourt n'a
pas cru devoir ajouter: Il y a 20 ans depuis que je voue une hai-
ne terrible ce personnage.
En vrit, si l'un des nombreux lecteurs de Max Hudicourt lui
avait adress une carte comme celle-ci: Petit Florvil Ttezolo-
can, l'occasion de votre succs vous flicite, etc, Hudicourt au-
rait le mme comportement. Certes, ce qui soulve l'indignation ou-
tre de Max Hudicourt, ce n'est pas la carte courtoise qui lui a
t adresse, mais il ne digre pas que le Noir Estim ait pu dpla-
cer son impertinence jusqu' adresser au Multre Hudicourt des
flicitations, l'occasion de son succs aux dernires lections.
Hudicourt, aurait-il le mme comportement si la carte en question
lui tait adresse par Fombrun ou par Duvigneaud?
C'est donc une affaire de Noir et de Multre que Max Hudi-
court est en train de vider avec Estim et pour...... cette affaire,
Max Hudicourt met toute l'acrimonie qu'un multre de sa trempe
peut avoir en son coeur contre un noir comme Estim, venu jus-
que du fond des Verrettes.











SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE 57

Hudicourt a bonne mmoire. Il faisait sa Rhtorique au Lyce
Ption c'tait dj trop condescendre et Estim faisait anon-
ner quelques dclinaisons latines; mais la mmoire d'Hudi-
court serait plus fidle s'il se rappelait plutt qu'Estim tait pro-
fesseur de mathmatiques alors et que ses lves Abel St Amand,
Louis Perpignan, Levelt, Lemaire, et j'en passe, n'taient pas ca-
pables d'anonner les thormes de gomtrie, ni les solutions des
problmes d'Algbre, car c'tait dj des intelligence d'lite et ils
se sont appliqus, toute leur vie, cultiver l'admiration qu'ils pro-
fessaient pour celui qui les avait initis la science d'Euclide.
Max Hudicourt ne pardonne pas l'obscur matre d'cole
d'alors sa haine instinctive pour les multres du Bois Verna et
il reproche au pion d'avoir accroch l'heure actuelle sa lu-
xueuse villa aux premiers mamelons du Morne l'Hpital.
Pour Hudicourt, Estim, en presence de ses lves est un loup-
garou et dans la socit un mangeur de multres. Mais si Hu-
dicourt se donnait la peine de se replier sur lui-mme, il verrait
qu'il n'a d'un homme que le visage et d'un monstre toutes les
caractristiques.
Tous les contracts signs sont imputables Estim, alors Dput
des Verrettes et Hudicourt ne se rappelle pas qu'un membre de sa
famille appartenait aussi cette Chambre qu'il voue aux gmo-
nies. Estim est, parmi tous les Hatiens qui ont partag le rgi-
me Lescot, celui qui il dcerne le premier prix de signature.
--.-- -.-...----C'est ainsi que Lescot dilapide, trahit, vend, as-
sassine gardes, Max Audain, Desrosiers, le Dput Estim rati-
fie, etc Mais ces...... crimes ne sont-ils pas plus imputables aux
acteurs qui s'appellent Gontran Rouzier, cousin de Max Hudi-
court, Loulou Marchand, l'instructeur d'Hudicourt en vol, en com-
binaisons louches, en art de russir en falsifiant des procs-verbaux
et en truquant aux urnes, et Max Hudicourt lui-mme, reprsen-
tant d'honneur de Lescot en pays amricain, persona grata du
rgime don't il a bnfici les faveurs. Il faut avoir la couenne
dure comme la sienne, pour concevoir le toupet de cet individu
hautain, mchant, ambitieux, de ce jouisseur impnitent qui n'a
jamais travaill dur de sa vie, pas mme comme un obscur ma-
tre d'cole.










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


J'allais omettre le cas de nos frres tus en Rpublique Domini-
caine. Hudicourt impute une part de responsabilit Estim; quel-
le audace!
En quoi Estim qui aime son pays, sa peau et sa classes est-il res-
ponsable de ce crime? Mais, Hudicourt, vous perdez la tte.
Enfin Hudicourt s'crie: Puis-je dire mes lecteurs que je vais
voter Dumarsais Estim. Non, Max Hudicourt ne pourrait pas
faire pareille confidence ses lecteurs nombreux parce que
tout le monde sait que Max Hudicourt a toujours eu un compor-
tement de multre. Max Hudicourt n'a pas eu le courage de dire
aux membres de son parti, son retour de sa champagne dans
quelle atmosphere de haine s'opposent multres de Jrmie aux
noirs; que si Jrme a russi, c'est parce que les noirs de Jrmie
ont pu prendre conscience temps de ce qui portait ces mul-
tres voter Duqula. Max Hudicourt ne pourrait pas dire aux mu-
ltres je vais voter pour un noir authentique; tout au plus il
pourrait se rabaisser jusqu' voter pour un noir de doublure, ce
serait un pis aller.
Max Hudicourt s'indigne la pense que Dumarsais Estim
pour oser croire une minute qu'il pourrait computer sur les gens
d'une classes qui ont l'habitude de vendre jusqu' leur honneur
pour se maintenir en place?
tout entier, je jure solennellement que si Dumarsais Estim est
lu Prsident, je suis dmissionnaire du Snat de la Rpublique.
Voici donc Max Hudicourt, mtamorphos en dfenseur des int-
rts du people, la cruelle ironie des choses de ce monde! Max
Hudicourt a cru pouvoir tromper des gens en crant un semblant
Parti Socialiste Populaire don't il est matre et seigneur, et il pen-
se qu'on le prend au srieux. Si un pareil serment sortait de la
bouche d'un Fignol lu dput, d'un Albert Rowe ou d'un Dor-
lans Juste Constant lu Snateur, il produirait vraiment de l'ef-
fet, mais le serment d'un Max Hudicourt, on s'assied dessus, on
le piistine, et on en passe! Quant la dmission, elle dbarrasse-
rait le Grand Coros de la presence immonde d'un paresseux, d'un
tre capable de tout faire pour tre en charge.
Max Hudicourt s'indigne la pense que Dumarsais Estim
peut tre lu Prsident de la Rpublique! Mais Hudicourt se










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


met le doigt dans l'oeil s'il croit qu'en tombant Estim la parties
est gagne pour la classes des multres. Il se trompe. Nous l'a-
vons dit et nous le rptons, il nous faut un noir authentique au
pouvoir, sinon le Pays disparaitra, parce que nous ne voulons plus
des multres, nous en avons l'estomac fatigu, nous ne pouvons
plus digrer ces mets l.
Que tous les noirs conscients du pays ouvrent l'oeil : les gants
sont jets, si un multre passe, c'en est fait de la classes noire et
pour toujours, donc c'est vaincre ou mourir.
Que les Max Hudicourt trouvent tout redire de chacun de
nos hommes d'Etat noirs, c'est leur affaire. Nous autres- Noirs,
notre slogan est le suivant Le Pouvoir aux noirs et notre con-
viction doit tre la suivante : Nous sommes fiers de tous ceux
de notre classes qui sont capable de porter haut le flambeau de
la libert, nous les aimons avec leurs faiblesses, et leurs dfauts
sont pour nous des qualits.



POURQUOI SHAKESPEARE ET NON
TRONCOSO DE LA CONCHA
Par Jean REMY

Horrible, mas Horrible! c'est ainsi qu' notre humble avis,
Max Hudicourt aurait d commencer son article paru dans son
journal La Nation du 25 Mai 1946. Car personnel n'ignore ses
relations avec le plus irrductible ennemi de la nation hatienne,
le Gnral Rafael Lonidas Trujillo. Alors que toute la jeunesse
hatienne, tous ceux-l qui aiment ce coin de terre ont jur une
haine ternelle celui qui sans raison fit massacrer froidement
vingt-quatre mille de nos frres, le socialist Max Hudicourt, lui,
hantait les milieux dominicains New-York o - en croire un
petit paper qui circle depuis hier- il dirigeait le service d'es-
pionnage du Caudillo contre les exils dominicains.
Nous n'avons t nullement surprise par la violent sortie de
Max Hudicourt contre Dumarsais Estim. Depuis longtemps dj
nous savions qu'il se cuisinait quelque chose contre celui don't le
rayonnement chaque jour grandissant ne laisse pas leur sommei)










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


aux sectaires endurcis de l'accabit de Max Hudicourt. On ne
pardonne pas sa couleur Dumarsais Estim encore moins son
ardent dsir de reliever sa classes que Max Hudicourt et tous
ceux-l don't il dfend la cause voudraient maintenir en escla-
vage.
On nous avait toujours parl de Max Hudicourt comme d'un
bonhomme audacieux, capable de prendre les attitudes les plus
tranges, surtout quand il y a un argent raliser. Mais l'en-
tendre fulminer contre l'ex-prsident Lescot comme il l'a fait
dans son Horrible, most Horrible, on croirait vraiment une
tainte .indignation de sa part. Malheureusement pour lui, nous
connaissons le personnage et ses multiples accointances avec le
rgime dchu.
Max Hudicourt peut-il nier avoir reu sa press de Raoul Rou-
zier,. son cousin, I'Eminence Grise du Rgime Lescot, l'homme
don't l'histoire retiendra certainement le nom pour avoir particip
aux combinaisons les plus macabres qui ont souill la vie poli-
tique de ce pays?
Max Hudicourt peut-il nier avoir demand ce mme Lescot
--qu'il trouve maintenant ineffable'- dee fire de lui le premier
dput de la capital ?
Max Hudicourt, peut-il nier avoir, par lettre, sollicit du Pr-
sident Lescot la faveur de reprsenter son gouvernement une
Conference Internationale.
Max Hudicourt, peu't-il nier, qu'il recevait chaque mois de Gon-
tran Rouzier, son cousin, par l'intermdiaire de Raoul Rouzier,
deux trois cents gallons de gasoline qu'il lanait immdiate-
ment dans le march noir ?
Et pendant ce temps dans quelle position tait Dumarsais Es-
tim? Tandis que Max Hudicourt bnficiait largement des fa-
veurs de Csar et de ses sbires, Estim, lui, tait oblig de se
surveiller pour ne pas tre empoisonn ou assassin par ceux-l
mmes que Max Hudicourt se garde bien de dnoncer dans son
journal La Nation puisqu'ils en sont les commanditaires.
Personne, Port-au-Prince n'ignore que la police de Gontran
Rouzier avait -selon la formule de l'poque- les yeux ouverts
tur Dumarsais Estim don't la maison et les moindres activits
taient troitement surveilles par le cordon d'espions dirigs avec









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


tout le cynisme que l'on sait par Raoul Rouzier et Loulou, Mar-
chand, respectivement cousin et collgue de Max Hudicourt.
Max Hudicourt reproche Dumarsais Estim d'avoir travers
les Rgimes Lescot et Vincent comme si cela dpendait de lui de
n'avoir pas paru sous Vincent. Aura-t-il le courage de nous dire
pour quels motifs on lui a refus le poste de Secrtaire de la L-
gation Hatienne Paris. Puisqu'il semble tre subitement im-
prgn d'un courage qu'on ne lui connaissait gure, nous esprons
qu'il voudra bien s'expliquer cet gard.
La sortie de Max Hudicourt contre Dumarsais Estim est dans
la ligne traditionnelle de sa classes : Barrer le passage par tous
les moyens, mme par le poison, aux lments noirs conscients et
clairs qui voudraient travailler au bien-tre de leurs frres mal-
heureux, voil tout le secret de la sainte indignation du camou-
fleur d'hier et du socialist d'occasion.
Max Hudicourt a jur de remettre sa dmission de Snateur au
cas o le bloc d'bne que former la majority au parlement li-
rait Dumarsais Estim, Prsident de la Rpublique. Nous ne sa-
vons pas ce que nous devons penser exactement d'une pareille
declaration de Max Hudicourt. En tous cas, si Hudicourt est ef-
fectivement Snateur de la Rpublique et que le grand man-
geur de multres retienne l'attention du bloc d'bne qui semble
indisposer outre measure le beau monde, eh bien le pays n'en
serait que fort heureux de se voir dbarrass si peu de frais du
no-socialiste Max Hudicourt don't il n'a certainement pas besoin.



OUTRECUIDANCE ET PREVENTION

Le mot multre ici ne sert pas designer l'individu n du
contact du blanc et de la ngresse; loin de l. Il sert plutt in-
diquer les hatiens de toutes nuances, depuis celle de la crotte
de bourrique souris jusqu' celle des djections dcolores des
malades souffrant d'insuffisance hpatique. Ces individus, du fait
qu'ils sentent autour d'eux la presence d'autres humans teint
plus fonc que le leur et qui les devancent, se trouvent automa-
tiquement pris de dsquilibre mental et moral et n'arrivent point
s'en rendre compete.









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


On rencontre parmi eux les types genre Fanfan en passant par
Max Hudicourt jusqu' ces mtques qui, grce la couardise,
l'infriorit et au manque d'esprit de decision de l'lment noir
majoritaire dans notre milieu a fini par reconstituer le cadre co-
lonial dans cette rpublique o fleurit l'esclavage du ngre par le
multre tel qu'il est ici considr et de ses diffrents sous products.
L'arrogance et la suffisance du type que nous envisageons vient
de se manifester de manire, caractristique en deux occasions
et moins d'une semaine d'intervalle. Il s'est fait jour d'abord
par la mthode plus que botienne de Fanfan, qui au course d'une
discussion de principles a cru pouvoir reliever son prestige en re-
prochant Saint-Lt de lui avoir rendu visit et d'avoir au course
de la conversation de circonstance qui eut lieu entire eux, parl
de son affection pour lui, le visit et pour sa famille. Fanfan semble
avoir voulu en profiter pour insinuer que cette dmarche qui-
valait une sollicitation ou une demand de faveur. On ne peut
tre plus ancien hatien dans le sens le plus prjoratif du mot.
Mais dans la suite Fanfan devait tre dpass, par bonheur
pour lui, par le nomm Max Hudicourt, qui se proclame multre
et croit qu'il faillit tre mang par Estim, parce que multre...
Max qui avoue tre de la famille des chats veut se faire passer
pour souris au dtriment d'Estim.
Et voil comment il entire en scne. Il commence par raconter
qu'il a reu une carte d'Estim, le flicitant de ses succs et l'as-
surant de ses sympathies trs distingues.
Il nous announce, sans plus tarder, que pour ne pas faire un
accroc au savoir-vivre il rpondit : Remerciements. Courtoisie.
C'est donc que ce modle d'aristocrate multre des bords de la
Grande Anse et de la Guinaude dsire nous faire savoir qu'il con-
nait les rgles du Savoir Vivre. Il les connait au point que
sans trop s'interroger -eu gard surtout la nature des rapports
qu'il nous dit exister entire lui et Estim, sur les sentiments et le
sens vritable des congratulations que lui adressait ce candidate,
la Prsidence, il s'empressa de rpondre: Remercments et
courtoisie.
Mais pour donner une preuve incontestable de l'inconhrence
et de l'instabilit qui forment l'essence mme du temperament et
le fond de la nature de l'espce don't il fait parties, Max Hudi-









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


court manifeste publiquement sa surprise d'avoir essay de fair
preuve de politesse et il tombe dans l'horreur la plus effarante
de la goujaterie.
Max Hudicourt, multre jrmien qui se prvaut d'un mandate
de snateur mandatet qu'il n'a pu avoir que par contrebande, la
faveur de mthodes de corruption dans l'emploi desquelles les
gens de sa classes sont passs matre) Max Hudicourt, disons-
nous, don't la btise est infinie confesse qu'il est penser encore
qu'on doit avoir des relations particulires avec quelqu'un ou tre
de mme opinion politique que lui pour lui prsenter des flicita-
tions ou en recevoir de lui l'occasion d'un succs politique.
N'est-ce pas qu'noncer de pareilles balourdises, c'est donner la
measure de son incurable et incommensurable sottise. -On com-
prend bien aprs cela que Max Hudicourt tant lve de Rhto-
rique au Lyce, comme il nous l'apprend, au lieu de rester dans
sa classes pour traduire les Catilinaires, aima mieux aller se mettre
au banc des nes en cinquime pour suivre les course de latin
d'Estim qui faisait dcliner les substantifs. Parmi eux se trouvait,
parait-il, le mot loup-garou don't Hudicourt connait trs bien la
signification, tant lui-mme incontestablement de la famille, aprs
l'attaque rpte des glises et autres sacrilges de plus grande
envergure ralise par ses parents pendant le gouvernement de
Lescot, mais don't il ignore jusqu'a present malgr sa rhtorique,
l'orthographe.
Et comment Hudicourt peut-il tre tonn aujourd'hui de rece-
voir une carte de flicitations d'Estim puisqu'en le lisant on cons-
tate que c'est bien lui qui a provoqu, cr, dans le pass, les re-
lations qui ont pu dterminer Estim -pour une raison ou une
autre- se souvenir de lui.
C'est Hudicourt en effet qui nous rapporte qu'il y a vingt ans
de cela Estim tait professeur de latin en cinquime au Lyce
et que l'attirance de l'homme -que ses propres lves crai-
gnaient autant qu'un loup-garou (sic) tait cependant si forte en
ce qui le concernait qu'il se rendait aux heures de course dans la
classes de grammaire et y restait au point de pouvoir aujourd'hui
avoir son opinion sur la manire de professor du maitre d'cole.
Et il savait par dessus le march que le candidate d'aujourd'hui
avait une haine instinctive et profonde pour les multres du
Bois-Verna qui sont, semble-t-il, d'une autre espce que ces cra-









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


pauds qui closent dans les mares stagnantes et infectes que pro-
voquent les dbordements de la Grande-Anse.
Mais Max Hudicourt ne peut pas, puisqu'il a t jusqu'en rh-
torique au Lyce, ignorer que c'est le multre qui ds son appari-
tion Saint-Domingue, donna l'impression publique, continue et
non quivoque d'tre affect d'un vice contre-nature. Produit de
ce que le blanc lui-mme considrait comme une msalliance il
ne cessa jamais un dixime d'exception sur mille lui le fils,
d'tablir son hypocrisie, son ingratitude et sa haine contre son
gniteur noir. Dans le GLANEUR vous vous en souvenez fort
bien, Max Hudicourt, Estim avait plutt dnonc, l'opinion
publique la dmarche faite auprs de Leconte par un de ses
ministres, multres comme vous, d'lever une barrire la limited
Est du Champ de Mars pour empcher le contact des gens d'en
bas avec les aristocrates de la peau qui ont condamn le people
vivre isol dans la misre et l'humiliation. Vous savez le reste;
il fut bruyamment rvoqu; mais homme de volont, d'nergie
et de courage, il lutta sans appui, contre les obstacles dresss sur
son chemin et on fut oblig d'accepter sa collaboration.
En signe de protestation positive contre des multres de votre
conception qui s'imaginent que Turgeau et le Bois-Verna consti-
tuent un domaine qui ainsi que tout autre quarter en dehors de
la zone des affaires doit leur tre rserv il a comme vous le
dites accroch sa luxueuse villa aux premiers mamelons du
Morne l'Hpital. Se sentant suffisamment d'toffe, et donnant
du mme coup une preuve certain et indiscutable, que vous en
avez menti et pour cause, quand vous allguez impunment qu'il
professait une haine instinctive pour les multres il aura, vous
le proclamez vous-mme convol en heureuses pousailles avec
une multresse des quarters levs (sic).
C'est vraiment croire que c'est cela surtout, que vous ne lui
pardonnez pas, vieux sectaire. Et s'il existe quelque chose d'horri-
ble, de trs horrible, c'est cet tat d'me de forcen et d'envieux
que l'on constate dans la presqu'unanimit des individus qui for-
ment le clan auquel vous appartenez. Max Hudicourt affected d'ou-
blier que tous les noirs qui formaient les Chambres de 1930
avaient vot multre et il sait suffisamment lire et comprendre
pour se convaincre que quand il y a manger ce ne sont point
les noirs qui mangent les multres et que c'est tout just si ces










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


noirs aux poques de grande boucherie don't ils n'ont jamais l'ini-
tiative se dcident empcher qu'on les mange.
Max Hudicourt fait toute une nomenclature des actes qui au-
raient t accomplish durant le gouvernement de Lescot pour re-
procher une certain complicit Estim.
Eh bien nous disons au snateur du Sud que son information
est absolument insuffisante et sa mauvaise foi notoire. Estim lui
seul, pouvait-il empcher ce que le people entier y compris tous
les corps, tous les organismes de l'Etat taient obligs, contraints
de subir? Et comment se fait-il donc que c'est lui seul que vous
entreprenez alors que vous de votre ct vous grignotiez adroite-
ment votre part du fromage?
Nous allons trs bientt vous dmontrer que par votre faon de
raisonner vous prouvez largement que vous n'avez gure la pr-
paration qu'il faut pour remplir la mission de snateur consti-
tuant qui vous aura t confie.
Vous n'avez, cher petit snateur, aucune notion des principles
qu'un homme politique actuel doit savoir pour comprendre la
forme et le jeu des gouvernements, leurs possibilits d'action aussi
bien, que la puissance de leur dure si vous vous croyez en droit
de reprocher Estim ou tout autre ce que vous croyez tre
une dfaillance ou une capitulation qui, du reste, si elles existaient,
auraient t collectives et unanimes. A bientt.


DANS LEUR JARDIN
ET DANS LEUR MARE
Socialisme frelat

Lorsqu'on crira un jour l'histoire des vnements qui se d-
roulent actuellement, un chapitre assez intressant devra tre con-
sacr au socialisme de Max Hudicourt qui est malheureusement
celui de quelques honntes jeunes gens runis autour de cet illustre
gangster.
On dfinira ce movement comme tant la plus formidable
machine monte par quelques bourgeois et petits bourgeois, ra-
dicaliss ou appauvris contre la liberation des masses prolta-
riennes noires de ce pays. Privilgie depuis la colonie de St.-










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


Domingue, la classes d'o est sorti le parti socialist populaire, n'a
dire vrai, aucune revendication social, ayant t toujours oppri-
mante. Son prtendu socialisme est un masque grossier derrire
lequel se cache l'affreux visage des successeurs des colons de
Saint-Domingue qui refusent de s'amender.

Socialisme ou philanthropic?
Un socialiste populaire disait: Nous ferons du bien aux
masses quand nous le voudrons, si elles croient devoir s'adresser
d'autres, elles percent leur temps. Un second dclarait: La
revolution don't le people doit bnficier, elle ne peut venir que
de nous. Nous la ferons pour lui quand nous le jugerons ncessaire.
A present, c'est en vain qu'on s'agite.
Ces dclarations authentiques montrent nettement la tendance
des doctrinaires de la bourgeoisie. Ils ne dsirent faire aux masses
qu'ils oppriment que des concessions, ne les librer que graduelle-
ment Ils ne dsirent le pouvoir que pour freiner la volont d'-
mancipation des masses. Ils parent de bien faire plutt que de
droit accorder; ils sont des philanthropes au petit pied.

Ce qu'ils sont encore
Ils ne voient le vaste movement de revendications sociales
qui balaie l'aire du monde qu' travers leur formation littraire.
Ils sont socialists comme leurs pres furent romantiques vers
1850, parnassiens et symbolistes dans la second moiti du sicle
dernier et comme ils sont cubistes, dadastes, surralistes. Ils n'ont
que des informations, ils ne sont qu' la mode.
Mais rien du nouvel humanisme n'a imprgn en plnitude leur
esprit et leur me. Tout cela qui glisse sur eux comme l'eau sur
la vitre.
Tous ceux qui ont une large compete d'pargne la Canada
ou la Nationale, et de grands dpts sommeillant paresseuse-
ment dans les coffres de ces deux banques, tous ceux qui ont des
rentes parce qu'ils ont 15 20 maisons de prix en loyers, tous
ceux qui possdent des centaines de carreaux de terre que culti-
vent une arme de serfs dits de-moiti.
Tous ceux qui viennent de recueillir un intressant heritage ou
qui le sort a donn un capital qu'il placent un taux usuraire,











SOUVENIRS D'UNE. CHAMPAGNE


Tous ceux qui ont des places qu'ils craignent de perdre lorsque
les masses rgleront les comptes.
Tous ceux-l sont socialistes populaires. Leur doctrine est
un comfortable abri pour soi et non pour les masses. C'est un con-
servatisme calculateur et hont comme qui dirait le loup vtu
de la peau d'un agneau.

Et d'autres encore
Des thoriciens qui refusent de tuer les livres en eux pour lire
dans le grand livre de nos ralits nationals, de petits intellectuals
dsaxs, ignorant la cause de leurs maux et qui se rfugient chez
leurs oppresseurs.
Et des rts, des esclaves volontaires fidlement attachs
leurs matres.
Il faut qu'ils aillent de compagnie avec ces messieurs; a flatte
leur petite vanit de s'entendre appeler camarades par ceux
justement qu'ils avaient toujours appris admirer et respecter
de loin parce qu'il ne sont pas leurs camarades.

Et Max Hudicourt...
Et Max Hudicourt est le prophte de tout ce monde. Il est aussi
le magicien qui sait o trouver l'argent pour le parti quite faire
rendre des services don't on ne lui a jamais demand compete.
Une authentique et crapuleuse canaille mne la danse des pseu-
do-socialistes populaires.

Jupiter rend fous
La bourgeoisie multre de Port-au-Prince ragit naturellement
contre les lections qui ont envoy au Parlement trop de noirs.
Cette classes n'est pas dispose faire amende honorable, laisser
le temps jeter un voile sur tous ses crimes aux dpens des masses
noires de ce pays. Elle s'agite nouveau. C'est au people qu'elle
s'adresse aujourd'hui pour l'aider consommer un nouveau forfait
contre le people. Quelle impudence! Si dsireux de garder le pou-
voir qu'ils ont exerc contre le pays, les bourgeois politicians de
cette capital voulaient sortir courageusement pour un coup de
main contre le Comit Excutif Militaire et plus particulirement
contre le Major Paul Magloire, il n'y avait l aucun mal, peut-tre.











SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


Mais l o est leur crime, c'est lorsqu'ils exposent les enfants du
people, et le proltariat qu'ils exploitent recevoir les gaz, la
matraque et les balles.
Bourgeois de Port-au-Prince, vous tes infects. Soulevez le peu-
ple afin qu'il prenne le pouvoir pour vous. Mais souvenez-vous
que vous jouez dangereusement avec le feu!



L'AFFAIRE D'ARSENIC REBONDIT

Par Jean REMY

Tout le monde a encore la mmoire les divers commentaires
que ne manqua pas de provoquer la scandaleuse affaire d'arsenic,
affaire qui aurait d trainer sur la sellette criminelle cinq ou six
de nos quarante families bourgeoises et qui malheureusement fi-
nit en queue de poisson avec le procs Raoul Rouzier.
Si l'on se souvient de certain faits qui se sont passs just au
moment o clata ce scandal, on comprendra aisment l'ascen-
sion politique de certain hommes de ce pays, d'un Gontran Rou-
zier par example, cousin de Max Hudicourt.
D'ailleurs, c'est Hudicourt lui-mme qui nous apprend que Raoul
Rouzier et Gontran Rouzier sont ses cousins. Or, nous n'ignorons
pas le rle important jou par Raoul Rouzier dans cette rpugnante
affaire. Nous nous rappelons aussi que l'affaire clata grce au
courage de Dumarsais Estim qui interpella le cabinet d'alors afin
d'avoir des explications sur ce scandal qui avait profondment
trouble la parties saine de l'opinion publique et dans lequel taient
compromises les families les plus .huppes du Bois-Verna et de
Turgeau.
Ce prambule tait ncessaire, car il aidera un peu compren-
dre la haine profonde de Max Hudicourt pour Dumarsais Esti-
m qui il ne pardonnera jamais d'avoir fait menotter Raoul
Rouzier, son cousin.
Mais Hudicourt qui certainement a d apprendre avec effroi
le retour d'un Waston Telson la Chambre des Dputs n'est pas
moins effray par les chances d'un Dumarsais Estim d'tre lu
President de la Rpublique. Il sait bien qu'avec une pareille ven-











SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


tualit, c'est la mise nu, un jour, de l'affaire d'arsenic don't quin-
ze grammes demeurent encore introuvables malgr les mille et une
perquisitions faites par la police. Et depuis, des intellectuals
noirs meurent d'une faon mystrieuse? Le Juge Odilon Charles qui
avait instruit le procs est trouv un bon matin, mort dans sa
chambre et le dossier de l'affaire disparat sans qu'on puisse arri-
ver jusqu'ici savoir par qui et comment.
Nous nous sommes donn pour tche dans ce journal, de dnon-
cer publiquement toute cette socit pourrie don't la vie est plu-
tt faite de scandals, de vols, d'empoisonnements et qui tient co-
te que cote gouverner ce pays pour pouvoir le ruiner et l'avi-
lir davantage.
Si les crivains rvolutionnaires franais d'avant 1789 avaient
hsit faire le procs de la socit franaise, jamais la Rvolu-
tion n'et connu cette ampleur. Il faut dnoncer ces gens-l, les
dtruire, si nous voulons que notre triomphe soit complete.
Maintenant, voici les renseignements que nous avons pu avoir
sur l'affaire et que nous nous empressons de livrer la meditation
de nos lecteurs.
Le 14 Avril 1934, le Dr. Watson Telson, alors dput au Corps
Lgislatif recevait de M. Charles Vre, Consul d'Hati Porto-Rico
une lettre dans laquelle celui-ci rclamait le montant d'une com-
mande de trente gramme d'arsenic qu'il aurait excute pour et au
nom du dit docteur Watson Telson.
Surpris d'une pareille demand d'autant qu'il s'agissait d'une af-
faire qui tait de nature compromettre sa reputation de mde-
cin et son prestige de parlementaire, le Dr. Telson s'empressa d'en
faire part quelques amis qui lui donnrent le conseil, avant de
porter l'affaire par devant qui de droit, de mener une enqute
personnelle. Celle-ci n'ayant pu rien rvler et ne voulant pas
s'exposer en engageant une correspondence avec M. Charles Vre
il se dcida d'en informer le Dpartement de l'Intrieur, alors diri-
g par M. Joseph Titus.
Il fut immdiatement adress au Prsident de la Rpublique un
rapport dans lequel le Secrtaire d'Etat intress ne manqua
pas de souligner tout le caractre mystrieux que prsentait
ses yeux cette trange affaire. Sur la demand du Chef de l'Etat
une lettre de demand d'explications fut adresse au Consulat










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


d'Hati Porto-Rico qui fit parvenir Port-au-Prince, entr'autres
documeils:
a)- une lettre de Raoul Rouzier demandant' M. Charles
Vre d'acheter pour et au nom du Dr. Telson, personnage politi-
que trs influent dans le gouvernement ce sont les propres ter-
mes de la lettre 30 grammes d'arsenic.
b)- la facture qui a t dlivre Charles Vre.
c)- la copie de la lettre adresse au Dput W. Telson en date
du 14 avril 1934.
Une plainte crite fut donc dpose par le Dput Telson au
Parquet de la Capitale qui dcerna un mandate d'arrt contre
Raoul Rouzier qui occupait cette poque la charge de Chef de
Protocole au Dpartement des Relations Extrieures.
Au moment o l'agent de la force lui remettait le mandate qui
faisait de lui son prisonnier, Raoul Rouzier avait encore dans sa
poche le corps du dlit, mais par une manoeuvre habile, il put le
remettre M. Charles de Catalogne, sous-chef de Protocole au
mme Dpartement. Nous devons la vrit de dire que celui-ci
ignorait totalement la nature et le caractre violent du dpt qui
venait de lui tre confi, ainsi que l'a rvl d'ailleurs l'instruc-
tion de l'affaire.
Quand parvint au grand public la nouvelle de l'arrestation de
Raoul Rouzier et les motifs de cette arrestation, elle ne manqua
pas de faire les frais de commentaires les plus tranges et les plus
diverse. On cita les noms de personnalits politiques de premier
plan, d'anciens ministres, des candidates la prsidence qui seraient
compromise dans cette scandaleuse affaire.
C'est ainsi qu'on a pu savoir qu' un dner organis en l'hon-
neur du Prsident de la Rpublique, Raoul Rouzier qui naturel-
lement y avait sa place, en sa quality de Chef de Protocole, fut
surprise par le Major Armand en train de rder autour de certain
couverts, notamment celui du Prsident. C'est alors que l'ancien
commandant du District du Palais National, de sa voix nasillarde,
laissa tomber ces mots l'adresse de Raoul Rouzier: nom'm Rou-
zi cila, moin pas rinmin attitude li mim'm. Pouqui lap rod cona
b tab l.
Les vnements sont venus prouver dans la suite que c'est gr-
ce la perspicacit du Major Armand que beaucoup de crimes
qui devaient prparer l'arrive de Lescot au pouvoir purent tre
vits. ( suivre)









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


DANS LEUR JARDIN
ET DANS LEUR MARE
Ah! pas de a!
En songeant que des hommes issues du people ou apparents la
paysannerie, puissent gouverner le pays ct d'eux ceux de no-
tre bourgeoisie prtentions aristocratiques hurlent d'indignation.
(Dire que c'est au nom de la dmocratie que tout le monde se
concertait pour expulser Lescot). Et pour combattre par advance
une telle ventualit, ils font dferler toute une pluie de propa-
gande, de calomnies, plus absurdes les unes que les autres. Et d-
j ils prennent figure de perscuts, de victims don't on ne sait
quoi ou qui.

Le pouvoir au plus capable
C'tait le slogan du fameux parti dit liberal de Boyer Bazelais,
petit fils de M. Jean-Pierre Boyer.
Mais qui fut plus capable que Louis-Flicit Lysius Salomon?
Qui fut jamais plus capable que Antnor Firmin?
Et pourquoi furent-ils si acharnment combattus? C'est ce qu'au-
cun de leurs irrductibles adversaires n'a jamais pu dire.

La measure de cette capacit
Au vrai, cette capacit se measure autre chose, quelque chose
de mal dfini mais que le moins intelligent d'entre nous comprend
aisment Un premier critre, c'est la peau et par consquent la
beaut physique. Arrire, ceux qui ont un certain nez ou certain
bouche! Ah! ils sont antipathiques!
Et enfin, de compete, c'est avant tout la prdisposition porter
l'habit, la jaquette ou le smoking; c'est aussi l'art de danser la
rumba, le blues, le tango etc. Etre un homme du monde. Et voil!
Ah! beau pays!

Nous, les fils de famille
Boyer Bazelais aimait dire Nous, les fils de famille pour
marquer sans doute la grande difference qu'il y avait entire lui et
ses adversaires, fils du people. C'est l encore une explication du-









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


pouvoir au plus capable. Pour diriger il faut tre fils de fa-
mille. Notre bourgeoisie s'est aristocratise, elle exige la naissance.
Et voil pourquoi, on contestera de nos jours, aux noirs qui rcla-
ment le pouvoir, pour rgler les affaires du people, toute capacit.
Car qui est, en ralit, plus capable aujourd'hui qu'aucun des hom-
mes noirs qui briguent l'honneur d'tre levs la prsidence de
la Rpublique? Oui qui? Mais qui?

Gontran Rouzier le disait
Le sinistre sicaire, double d'un voleur hors de pair, avait en grip-
pe les intellectuals noirs. A chaque fois qu'on faisait allusion, de-
vant lui, l'exclusivisme don't ils sont victims chez eux, il en-
trait dans une violent colre et vituprait: Moin tand yo f,
min c shine pou yo f!
C'est dommage que les gens comme Gontran Rouzier n'aient
jamais voulu se reprsenter les noirs autrement que les shines
ou les garons de cour.

50 chaque carrefour
Quatre fillettes bourgeoises, tires quatre pingles comme des
fillettes bourgeoises, s'en allaient Lalue. Le matin tait frais, mais
leur esprit tait chauff. Elles parlaient vivement avec une in-
quitante nervosit. La plus grande (13 ans environ) dclara:
Quit yo non, si nou pran pouvoir encore, n'ap fusill 50 ngues,
chaque matin, nan chaque carrefour
Et voil ce que reflte la conversation de ces enfants terrible.

Vous inquitez pas, belles mesdames
Dans les salons, dans les course, sous les porches des glises, les
belles jeunes filles et les belles mesdames se dsesprent pensant
qu'en en veut aux emplois de leur mari ou leurs propres emplois.
Vous inquitez pas comme a, belles filles, belles mesdames, .il y
aura des places pour tout le monde mais y compris les noirs. Et
surtout il faut qu'on administre pour le people et qu'on s'occupe
de lui, car, c'est son argent bel et bon qui paie les emplois grce
auxquels vous pouvez satisfaire tous vos dsirs. Vous vous inquitez
outre measure, le people attend qu'on le serve et non qu'on aille
vendre ses secrets d'Etat au premier ennemi venu.








SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


Manoeuvres anti-nationales
Quelques candidates vincs, qui n'ont pas pu obtenir la con-
fiance du people aux dernires lections ont constitu un Comit
de Defense Nationale.
Ainsi donc dans l'esprit de ces Messieurs, les reprsentants au-
toriss du people, ne peuvent assurer sa defense. Et comme par
hasard il se trouve que la majority des Membres de ce soi-disant
Comit, sans aucun mandate, mme des parties qu'ils prtendent
reprsenter, se trouvent appartenir un mme clan: le clan mi-
noritaire, bourgeois, qui ne peut se consoler de sa dfaite aux der-
nires lections.
Pour masquer le jeu, ils se sont allis quelques lments au-
thentiques de la Gauche exploitant le ressentiment que laisse in-
vitablement toute dfaite, au lendemain d'une lutte de cette im-
portance.
Perceval Thoby, Camille Lhrisson, Anthony Lesps, Etienne
Charlier, Milo Rigaud, Lo Sajous, Emile Cauvin, Georges Cau-
vin, Franois Dalencour, Dr. Catts Pressoir,- quelle belle unit!
sont les plus grands citoyens de notre pays, les seuls aptres de la
dmocratie hatienne, les seuls capable, en ces heures pnibles
d'inspirer confiance la majority de la Nation, et de ramener le
calme dans tous les secteurs du pays.
Le jeu est clair. La minority bourgeoise, qui se croit, seule apte
diriger nos destines, ayant t battue aux dernires lections,
essaie de jeter le pays dans le dsordre et l'anarchie.
Tout de suite, comme il fallait s'y attendre le journal La Na-
tion grossit l'vnement, fait passer ces fauteurs de trouble pour
des aptres sans peur et sans reproche de notre pauvre dmocratie,
des martyrs de la libert, d'innocentes victims de la force et de
la dictature et crie Vive la Grve Gnrale!
Nous aussi, nous ne croyons pas indispensable, les measures pri-
ses par le C. E. M. dans l'intrt de l'ordre et de la paix publique
Il est certain que le Comit Excutif Militaire ne saurait sans
faillir sa mission, tolrer de pareils attentats contre la sret de
l'Etat. Mais, en dcrtant les measures nergiques prises il a donn
de l'importance au Comit de Dfense Nationale.
Car en some, que reprsentent aux yeux des masses les mem-
bres de ce Comit. Aucun d'eux, l'exception peut-tre du grand
leader du parti communist, ne peut arriver soulever les foules.








SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


Des candidates irrits, des ambitieux plaant leurs intrts et
leurs passions au-dessus de tout, des individus renis et blms
par les groupements auxquels ils appartiennent, l'occasion mme
de leur geste inconsidr, des mauvais citoyens toujours prts
faire appel l'tranger chaque fois qu'ils crurent menacs les in-
trts de leur clan, des repris de justice, et quelques citoyens ga-
rs, voil de quoi tait compos cet trange Comit. On pourrait
dire au Comit Excutif Militaire Vous leur fites, Seigneur, trop
d'honneur en les croquant.
A moins d'tre fous, pensaient-ils srieusement pouvoir consti-
tuer un Gouvernement? Le people conscient qui vient de donner
le 12 Mai dernier la measure de sa clairvoyance et de son patrio-
tisme n'et pas manqu de les balayer, comme des ftus de paille.
Il ne reste plus maintenant, l'opinion publique ayant rprouv
leur criminelle tentative, qu' user de piti et de clmence envers
eux.
C'est dans ce sens que les grands leaders du 12 Mai ont entre-
pris des dmarches auprs du C. E. M. et nous appuyons la de-
mande de mise en libert produite en leur faveur par Jean David
Emile St.-Lt, Dumarsais Estim, et bien d'autres.



ELECTIONS PRESIDENTIELLES
D'ABORD
Par Charles NOISY

De nouveaux dbats sont ouverts dans la Presse du jour. Faut-il
lire le Chef de l'Etat avant l'laboration d'une nouvelle Charte
Constitutionnelle ? Voil la question en litige et elle est impor-
tante. Notre prtention n'est pas d'y apporter une solution dfi-
nitive. Nous nous bornerons invoquer les raisons srieuses qui
militent en faveur des lections prsidentielles avant le vote de
la Constitution.
Tout d'abord nous sommes acculs un tat financier pito-
yable aggrav par l'inscurit social, inquitude gnrale et l'ins-
tabilit politique prsentes. La situation n'est pas trs rassurante
et elle ne peut durer sans pril pour l'avenir national. Le danger
est imminent; il faut y parer au plus vite et nous n'avons qu'une
chance d'y chapper, une seule issue pour en sortir: l'tablisse-










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


ment d'un gouvernement dfinitif avant l'ouverture des travaux
constitutionnels.
D'autre part, il convient de. se rappeler qu'au moment du vote
de la Constitution, il faudra qu'au banc de l'Excutif ce pouvoir
soit reprsent pour certaines questions tout au moins. Or quelle
sera la situation du C.E.M. en face de l'Assemble Nationale ?
Tant par sa nature que par la formation et le temperament de
ses membres, il ne pourra pas intervenir avec bonheur dans les
discussions constitutionnelles. Bien qu'tabli depuis quatre mois
et reconnu par les puissances trangres, il ne perd pas son ca-
ractre d'exception et demeure en dpit de tout un gouverne-
ment de facto, n de circonstances extraordinaires, ayant acc-
d au pouvoir la faveur des vnements de janvier. N'oublions
pas non plus que ces officers devront bientt reprendre leur m-
tier de soldat et rintgrer leur vraie function. Ainsi il faudra de
toute manire appeler un gouvernement civil. Sur ce point pas
de contestation. La question se ramne.donc celle-ci : un gou-
vernement provisoire doit-il remplacer le C.E.M. pendant l'la-
boration de notre Charte Fondamentale? Les dfenseurs de cette
thse en s'opposant l'lection pralable du Chef de l'Etat ont cri
leurs contradicteurs: coup d'tat. C'est l'un des principaux ar-
guments sur lesquels ils reposent leur opinion. Mais nous voyons
difficilement comment un Prsident lu lgalement et librement
par l'Assemble Nationale se serait empar de la premiere ma-
gistrature par un coup d'tat. Au contraire! Quoi qu'on en dise, un
gouvernement provisoire civil, quel qu'il puisse tre, ne sera jamais
parfaitement neutre et indifferent au choix de son successeur d-
finitif et il fera jouer toutes ses influences ou bien pour s'y cram-
ponner ou bien pour tenir l'trier un favoris. C'est alors que
l'escamotage du pouvoir sera craindre. Du reste, un gouverne-
ment provisoire ne pourra tre constitu que par l'Assemble Na-
tionale o dix quinze candidates la Prsidence essayeront de
faire placer la tte de l'Excutif un homme favorable leur fu-
tur avnement ou d'y monter eux-mmes et de s'y maintenir. Ce
sera toujours le jeu de la majority qui l'emportera. Alors pourquoi
retarder les choses et prolonger inutilement et dangereusement
cette priode transitoire?
A notre sens, il n'y a aucune bonne raison, moins que certain
groups minoritaires n'esprent par la creation de cette situation








SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


d'attente propice aux machinations de coulisses et un coup de
force violer les rgles. Il y parait mme dj. Qu'on n'invoque
pas non plus le prcdent de 1930; quand M. Eugne Roy, d-
tach de toute ambition personnelle, respect la parole donne et
tint la balance gale entire tous ceux qui briguaient alors le fau-
teuil prsidentiel. Les conditions et les circonstances dans les-
quelles il eut assurer la gestion de la chose publique durant des
mois ne sont pas les mmes qui accompagneraient la formation
d'un gouvernement provisoire civil aujourd'hui. Contentons-nous
de rappeler que celui de M. Eug. Roy ne fut pas de second main.
On a aussi mis l'accent sur la prestation de serment du pro-
chain Chef d'Etat dfinitif sur la Constitution et de l'impossibilit
pour lui de remplir cette, obligation indispensable, si la nouvelle
Charte n'est pas vote avantf son election ; puisque la dernire a
t abolie par la Rvolution de Janvier. Mais avec un gouverne-
ment provisoire la question ne sera pas lucide. Et quel incon-
vnient y aurait-il, comme l'a si bien propos Me. Love Lger dans
un trs judicieux article, remettre en vigueur momentanment
l'une des plus librales de nos anciennes Constitutions, celle de
1932 par example, pour recevoir' du Prsident lu la prestation de
serment qu'il aurait du reste renouveler sur celle venir? Les
prcdents foisonnent dans notre Histoire Nationale.
Enfin on craint une influence trop directed et trop dtermi-
nante de l'Excutif sur les ides et les opinions de nos consti-
tuants, si les lections prsidentielles doivent avoir lieu d'abord.
Je crois que c'est faire injure nos mandataires et leur retire
l'avance notre confiance que de penser qu'ils seront assez faibles
pour laisser un chef de gouvernement tenu dans les limits d'une
Constitution librale, brider leur autorit souveraine et diminuer
leur pouvoir suprieur. Ils ne seraient donc que des compares,
des marionnettes sans conviction, prts trahir la cause de la Na-
tion, sacrifier la cause du people au profit des intrts mesquins
d'un seul homme. S'il et t ainsi, quelle garantie offrirait la
Charte la plus dmocratique don't ils auraient dot la Nation
mme avant l'avnement du gouvernement dfinitif ? Elle n'au-
rait pas survcu la premiere collusion machiavlique de ces
deux pouvoirs pour un nouvel assassinate des liberts publiques
et la resurrection du despotisme, de la dictature: puisque les
membres de notre Parlement eussent t plus tard des hommes











SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


capable d'une abdication, capable de manquer leur mission et
de tromper la confiance populaire. Il aurait fallu alors, sans dses-
prer, nous remettre la tche jusqu'au salut rel de la Patrie.
Mais cela ne sera pas. Non les choses ont change depuis le 7
Janvier. Et il suffit de citer leurs noms pour acqurir la certitude
inbranlable que la grande majority est incapable d'une telle fail-
lite.
En dernier point il ne doit pas chapper notre provision que
l'atmosphre houleuse d'excitation, d'alliance, de dplacement de
majority, de fluctuations de toutes sortes, d'intrigues et d'incerti-
tude cre par une chaude champagne prsidentielle entretenue
contre d'innombrables candidates tout au course des travaux cons-
titutionnels ne sera pas le climate idal ou seulement favorable
une oeuvre aussi capital. Qu'on le veuille ou non, les lections
prsidentielles, quoiqu'ajournes ou mieux parce qu'ajournes, dans
le secret des coeurs et des esprits au sein mme de l'Assemble
National ne cessera pas d'occuper une place important, susci-
tant des conflicts quotidiens et des troubles graves, des heurts plus
ou moins violent don't les repercussions sur la Constitution en
gestation ne sauraient tre heureuses. Nous venons d'chapper
une faillite frauduleuse, vitons de prolonger inutilement et dan-
gereusement surtout, rptons-le, la priode transitoire de peur
qu'elle ne devienne un canal favorable, un courant corrupteur,
propagateur de germes morbides du rgime odieux aboli vers le
nouveau que nous voulons solide et viable pour l'instauration sin-
cre et definitive du relvement social et conomique du Pays, de
la probit administrative, de la fiert national et de l'ascension
de la Patrie vers les cimes lumineuses de la Vrit, du Progrs.
et de la civilisation.









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


DUMARSAIS ESTIME
L'Idole de la Jeunesse Pensante
de Logne

MM. Rodolphe Andr Momplaisir, Jacques Flix Momplaisir,
revenues hier soir de la Cit d'Anacaona nous ont exprim leur
satisfaction de constater combien notre journal a t accueilli
Logne et le plaisir que prennent les jeunes gens des deux sexes
de cette localit dvorer les divers articles de nos deux der-
niers numros. Dans plusieurs families, chez les poux Quintilien
Bernadelle, Grard Beaubrun, des toasts ont t ports l'adresse
du candidate Estim. Dans une brillante allocution, Me. Grard
Beaubrun, en rponse un discours de M. Andr Momplaisir, re-
traa les belles ralisations d'Estim surnomm just titre le
second Elie Dubois.
Notre journal adresse ses meilleures flicitations la belle jeu-
nesse Lognaise et ses compliments M. Franck Paul, notre
sympathique correspondent en cette ville.



DANS LEUR JARDIN
ET DANS LEUR MARE
Nouvelle Trahison de La Nation

On aurait tort que de croire que la bataille politique actuelle
se livre simplement entire des citoyens recherchant une formule
de bien-tre pour leur pays.
En definitive, deux groups d'hommes se trouvent en presence.
Ceux qui veillent jalousement sur le Destin national et luttent
pour engager le pays dans la voie de son salut. Et ceux qui, de
tout temps, ont prfr sacrifier la Patrie leurs intrts de caste.
Il y a les citoyens qui ont trahi soit par leurs propos soit par
leurs actes, qui ont mieux aim solliciter l'intervention trangre
plutt que de reconnatre l'galit politique leurs concitoyens,
qu'ils jugent infrieurs.
Quand le journal La Nation de Max Hudicourt, organe offi-
cieux du P. S. P, s'tait fait l'cho, dans son dition de vendredi









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


dernier, d'un banal incident (la police qui a poursuivi un jeune
homme dans la cour d'une lgation aprs le couvre-feu) pour se
demander si on va un conflict arme, c'est un sentiment profound
qu'il exprime.
Ce dsir, c'est celui des hommes qui ont tout fait pour placer
le pays sous la domination trangre et qui y sont parvenus en
1915. C'est celui des hommes qui, en janvier dernier poussaient
les foules au pillage des maisons trangres, puis se substituaient
aux reprsentants diplomatiques pour dpeindre la situation des
gouvernements trangers au moyen de cbles o on a mme solli-
cit l'occupation militaire. Voil leur conduite monstrueuse.

De jeunes gens grandissent
dans la trahison
Nous avons vu, dans les tristes journes des 12 et 13 Janvier
dernier, de jeunes tudiants descendant d'honntes families ha-
tiennes, distribuer de la monnaie aux foules et les aiguiller ensuite
vers les quarters commerciaux et les residences des ressortissants
de grandes Puissances. Et ces jeunes gens sont membres d'un parti
politique. Ils grandissent dans la trahison de leur pays; ils sont
dj des anti-nationaux. Ils agissent par intrts de caste et n'ont
cure de la Patrie. Des tres pareils vous trompent lorsqu'ils se
rclament d'une idologie de gauche, ils ne sont que des fascistes
comme ceux de France qui demandaient l'intervention allemande.

La grande difference
Le 12 Janvier, tandis que des jeunes gens camoufls en socia-
listes soulevaient les quarters suburbains et les invitaient au
sac des maisons de commerce trangres, des membres de la
Mission Patriotique des Jeunes (d'aprs les journaux) se mirent
au service de l'ordre. Fils du people, ils s'en allaient suppliant la
foule affame de respecter les biens de l'tranger et attirant son
attention sur les graves consequences d'une conduite contraire.
Un homme en guenilles, don't la femme et les enfants n'avaient
pas mang depuis deux jours accept rentrer chez lui en disant
qu'il ne voulait point perdre son drapeau.
Quand la bourgeoisie cultive trahit, dans la plupart de ses
reprsentants, la masse du people reste fidle au Drapeau et
l'intgrit du sol des Anctres. Ah! la grande difference.










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


LA BETE SE DEFEND
Par Marcel VAVAL

J'entends sonner de loin le glas funbre des forces ractionnai-
res, et je m'en rjouis. Les leaders de la droite, camoufls en re-
prsentants de la gauche, se dmnent avec l'nergie des noys
qui luttent contre les flots. Ce sont les derniers soubresauts de
l'instinct de conservation.
Leurs esprits sont troubles. Toute une nue d'ombres aux formes
bizarre grouillent devant leurs yeux embrouills et l'on se creuse
vainement la tte pour trouver la pice dplacer sur l'chiquier
politique afin de donner la rponse qu'il faut aux derniers coups
ports par les champions de la classes majoritaire.
Des silhouettes tranges se dessinent dans l'ther et dansent
la ronde macabre des dchus; tous les regards sont rivs sur le
vague: on croit attraper une ide en passant et l'on constate avec
dpit qu'elle rpond un coup dj jou et l'on enrage!
Traqus de tous cts, on joue les atouts les uns aprs les
autres; chaque coup que l'on joue sans rsultat positif est
un pas fait vers la chute supreme. Dj certaines positions jadis
occupes avec advantage, ont t abandonnes pour d'autres posi-
tions prpares d'avance: retraite stratgique: c'est ainsi qu'on
constate que la gauche est envahie par des mouchards qui hurlent
par months et par vaux qu'ils sont sincres et authentiques.
Il y en a qu'on a fait venir de trs loin. Ils viennent pour sauver
le Pays qui est en danger de mort; tandis qu' la vrit c'est leur
classes qui est en danger d'viction; mais le pays et leur classes se
confondent et il n'y a aucun mal prendre l'un pour l'autre. Ils
prominent travers tout le pays, avec une ardeur fbrile, leur
sottise et leur insuffisance; et leur regard vous glace parce qu'ils
ont des yeux qui eussent effray le diable. Ils s'annoncent messie,
mais ce messie au lieu d'tre rdempteur est esclavagiste et assas-
sin, car il circle avec la bourse d'une main et la corde de l'autre.
Trahison, Oppression, Mensonge, voil la formule de son salut! Il
possde des mil-lions qu'il va offrir au people pour tre dvors
mais en ralit c'est le people qui sera dvor par mil-lion.
Le jeu est dur, serr. L'on se dplace avec aisance. L'on fomente
des troubles l'intrieur, a ne russit pas; on fait appel l'tran-









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


ger, a ne russit pas; on sort maintenant avec le supreme espoir
de trouver une solution, mais on perd son temps.
Toutes ces attitudes quivoques ces va et vient pas prcipi-
ts, c'est pour sauver le Peuple, hlas! Hier encore ces dfenseurs
zls d'aujourd'hui lui enfonaient le poignard dans le coeurl
L'autre jour l'un d'eux disait un manigetteur qui voulait
entamer ses coffres: Je n'achte pas les consciences; j'ai le moyen
de faire marcher tout le monde sans bourse dlie. Ce mme
scrupuleux qui n'achte pas les consciences va en ce moment dix
fois par second ses coffres pour y puiser l'argument sonore
capable, d'aprs lui de convaincre.
Tout ce monde pourri qui vous regarded avec une moue ddai-
gneuse comme si la mauvaise odeur tait plutt de votre ct,
s'imagine dernire resource qu'ils vont pouvoir acheter nos
parlementaires.
Ils se disent: Bah! ce sont des gens qui communient chaque
jour avec la faim et la misre; ils n'ont jamais vu la fortune de
prs, donc ils n'en connaissent pas la couleur, on les aura; d'ail-
leurs si l'argument n'est pas assez concluant, nous avons nos fem-
mes, nos enfants, car, tous les moyens sont bons.
Il me cote vraiment de dcourager l'adversaire, mais il me
coterait davantage de ne pas lui dire la vrit. Nos parlementai-
res sont avertis, ils sont cuirasss, ils connaissent tous vos coups,
et au lieu de les y prendre ce sont eux qui vous front mordre
la poussire.
Que vous veniez du Bengale ou de la Cte d'Azur, que vous
vous nommiez M. de la Croque-mitaine ou de la Fouque-Tomique,
vous ne pourrez convaincre ni avec l'argent, ni avec l'adulation, ni
avec aucune de vos anciennes monnaies frappes l'effigie de
l'hypocrisie et du camouflage. Sous quelque forme que vous
apparaissiez vous serez reconnus. Car la guerre est dclare; nous
nous devons de vous poursuivre jusque dans vos derniers retran-
chements.









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


LE PAYS REEL
Par Roger DORSINVILLE

Personne ne pense la Patrie.
Elle est muette et douloureuse. Elle est surtout trs lasse.
On s'agite beaucoup sur ce cadavre.
L'agitation des vers aussi cre dans le charnier un semblant
de vie. Mais c'est la vie des vers.
On s'agite beaucoup et on croit que c'est la Patrie. Mais ce
n'est pas la Patrie.
Toute la terre des hommes, dit-on, est en folie. Folle est parti-
culirement cette terre o l'homme noir, un jour, fiana l'esprance.
La terre de l'homme noir roule dans le chaos avec les autres
terres. Jamais temps n'aura t plus sombre, ni poque plus mau-
vaise.
En vain chaque matin l'Orient s'claire: l'homme ne sait plus
voir.
Soleil sur les fleurs, vent dans les feuilles, ruisseaux qui disent
aux pierres et aux herbes des rives leurs ternelles et chantantes
confidences: cela existe, et c'est la terre de l'homme noir.
De mme le paysan de Kenscoff, les doigts enfouis dans le venture
rouge des collins et le paysan de la Plaine, et les paysans de
tous les mornes, et de toutes les planes, tous ceux, laborieux et
patients, qui prennent les sentiers et les routes vers les petits jar-
dins et vers les marchs, ou le Dimanche vers les offices et la ga-
gure. Cela aussi existe. Et c'est a l'homme noir fianc l'esp-
rance.
Ce n'est pas ce que je suis. Ce n'est pas ce que vous tes. Cela
aussi, si vous voulez, pour une trs petite part. Mais plutt le
paysan et la paysanne sous le chaume et dans la boue. Et puis
le portefaix, la trieuse, l'artisan, l'ouvrire des ateliers.
Chaque trouble, chaque cri, moins encore, chaque parole, va
jusqu'aux confins des montagnes, jusqu'aux limits o les mornes
se confondent avec le ciel et au-del jusqu'aux limits des autres
mornes, et au-del jusqu' la mer o dansent des barques de
pcheurs, chaque mot a des repercussions infinies. Ils saisissent
des bouts de propaganda, et l'interrogation, et la frayeur dansent
dans leurs yeux.









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


Ils n'ont jamais fait que souffrir. Vont-ils souffrir encore? Leur
attente sera-t-elle vaine, toujours vaine, vaine jamais, vaine
demain comme aujourd'hui. Tout avortera-t-il toujours, et tou-
jours par nos mains?
Nous ne pensions pas assez, nous rpubliques des villes, nous
universe des villes, universe et rpubliques des papers et des jour-
naux, nous ne pensions pas assez au mal que nous faisons tous
ces gens-l. Ils ignorent les doctrines, et nous, nous prenons parti
en leur nom. Nous disons que nous savons ce qu'il leur faut. L'ad-
versaire le dit aussi, et propose une formule exactement contraire.
Mais eux, tendent par-dessus tout la paix, la paix qui permet
de travailler, de travailler dur, de travailler bien, puis de s'envoyer
un bon coup de repos et de contentement.
Ce mot trs beau: Pays rel, nous ne l'avons jamais trs bien
compris, ou plutt nous l'avons interprt toujours dans le sens
o il n'enferme que le cercle mesquin de nos propres dsirs et
de nos propres revendications. Mais le pays rel est au-del de
nous, la masse terre et hommes de tout ce qui est essentiel-
lement ngre, noir et hatien.
Nous, nous sommes des cosmopolites. Nous voulons habiter
trop de terres la fois et nous savons trop de choses. Ceux du
pays rel n'ont qu'un ciel, qu'un jardin, qu'une hutte, et si, nous
n'y prenons garde, qu'un seul destin trac.
Je voudrais oublier beaucoup de choses, et ne creuser qu'un seul
sillon profound, et planter ce qui peut sauver enfin ce people des
souffrances
Quand le snateur lu Max Hudicourt announce qu'il aime mieux
jeter sa cocarde aux orties, je dis qu'il a pens non au pays rel,
mais sa propre personnel, sa pose, au milieu des hommes de
son parti, qu'il a obi non l'amour d'un people ni la haine de
l'injustice, mais d'instinctives rpugnances.
Je voudrais que toute mon oeuvre ne servt qu' rafrachir les
racines de ce qui fleurit pour le PAYS REEL.








SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


LES DERNIERS EVENEMENTS

Vus par notre confrre La Forge

Sous la signature de notre ami et confrre Serge Corvington a
paru dans le dernier Numro de La Forge un article dans lequel
l'auteur a qualifi de draconiennes les dernires measures prises
par le Comit Excutif Militaire, l'occasion du Manifeste du
prtendu Comit de Dfense Nationale.
Pour celui qui ne vit pas en Hati et qui connait mal le milieu,
l'article de notre confrre Corvington peut avoir la vertu de pr-
senter les trois jeunes officers qui forment la Junte militaire
comme des tyrans authentiques qui n'auraient fait que remplacer
le Gouvernement dchu dans tout ce qu'il avait d'horreurs et de
satrapie.
Nous sommes de mme ge que Serge Corvington. Lui, pas plus
que nous ne pouvons avoir la prtention de bien connatre les
hommes et les choses de ce pays. D'ailleurs le genre de vie que
nous avons men jusqu'ici nous a toujours placs trs loin de ce
que nous pouvons appeler la faune politique. Donc, quand nous
jugeons, nous devons le faire avec beaucoup de reserves. Bien
souvent, on se laisse mener par un enthousiasme dmesur, perdant
ainsi de vue les ralits, lments indispensables un jugement
sain et serein.
Certes, nous sommes de l'avis de ceux-l qui pensent que la
Junte Militaire aurait bien pu se dispenser de prendre au srieux
le fameux C. D. N. Nous avons t parmi les premiers dplorer
l'arrestation d'un Flix Dorlans Juste, d'un Docteur Catts Pressoir,
d'un Emile Cauvin, d'un Georges Cauvin, tous d'honntes hatiens
qui se sont certainement fourvoys en apposant leur signature
ct de celles d'atithentiques crapules, des repris de justice et des
vendeurs de Patrie. Quand on sait que parmi les signataires du
manifeste on rencontre des gens qui n'ont pas hsit, un moment
o le pays se trouvait rellement deux pas de l'anarchie, faire
appel l'Etranger sous le fallacieux prtexte que la vie des families
et leurs biens taient menacs et que la Garde d'Hati tait plutt
dpasse par les vnements; quand on sait que parmi ces mmes
individus il y en a qui ont toujours co-dialement mpris le people










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


au nom de qui la Rvolution semble avoir t faite, quand, enfin,
on rencontre comme premier signataire du dit manifeste un indi-
vidu comme Milo Rigaud, on ne peut qu'approuver du moins
en ce qui concern ces gens-l les measures qui ont t prises
contre eux pour les mettre dans l'impossibilit de nuire.
Nous sommes tout fait d'accord avec notre confrre quand
il s'lve contre le couvre-feu et la loi martial. Si nous lui don-
nons notre accord, ce n'est pas que nous pensions comme lui que
ces measures sont draconiennes ni qu'elles constituent une viola-
tion des promesses faites par le C. E. M. au moment de prendre
le pouvoir le 11 janvier dernier. Si nous lui donnons notre accord
ce n'est pas non plus que nous croyions ce que notre ami met une
certain candeur appeler dmocratie absolue. Notre accord re-
pose. uniquement sur le fait que ces measures n'taient pas indis-
pensables, le C. D. N. n'ayant pas le prestige et l'autorit ncessai-
res jusqu' provoquer un movement qui et pu, la rigueur jus-
tifier l'honneur que lui a fait le Comit Excutif Militaire en dcr-
tant la loi martial et en ordonnant le couvre-feu 8 heures.
Mesures draconiennes, a crit notre confrre. Mais notre ami
Serge Corvington, s'est-il jamais demand si le C. E. M. n'est pas
le seul gouvernement militaire dans l'Histoire de ce pays qui ait
accept encaisser tant d'horreurs, tant de sottises de ses gou-
verns.
Si le C. E. M., comme le prtend Serge Corvington tait ef-
fectivement un gouvernement arbitraire, il y a longtemps que pas
mal de crapauds auraient cess de coasser.
Nous ne terminerons pas sans nous rallier entirement d'au-
tres confrres qui ont demand au Comit Excutif Militaire de
bien vouloir revenir sur les measures prises la semaine dernire et
de mettre en libert les quelques citoyens que l'enthousiasme ou
la mauvaise foi a pu entraner dans le manifeste tapageur du Co-
mit de Dfense Nationale.









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


ALBERT MANGONES
Dfenseur de la Rvolution
Par Jean REMY

Dcidment, on aura tout vu en notre beau pays. Albert Man-
gons est aujourd'hui dfenseur de la Rvolution de Janvier. En
effet depuis quelque deux semaines, le Comit Excutif Mili-
taire subit les assauts de cet ingnieur qu'on nous dit tre homme
d'affaires surraliste, artiste peintre et aussi artiste tout court.
Ne connaissant pas trs bien le monde auquel appartient le bril-
lant collaborateur du journal La Nation, pour savoir qui il est,
nous avons t nous renseigner auprs d'un de ces multres dplu-
ms que les adversits du temps et l'ingratitude des hommes ont
raccorni au point d'en faire une espce de zoboppe, cet pou-
vantail bien connu que nos bonnes mamans appelaient leur se-
cours quand, il y a une trentaine d'annes environ, nous leur fai-
sions voir mille chandelles.
C'est ainsi que nous avons pu apprendre que notre bonhomme
descend d'une famille trs humble et trs honnte qui a toujours
travaill dur pour vivre. Son pre, un fils authentique du people,
a dbut seul dans la vie, n'ayant jamais demand autre chose
qu' ses bras la facult d'assurer le pain de chaque jour et l'du-
cation de ses enfants.
Profondment dgot des hommes et des choses de ce pays,
il a toujours refus sa collaboration aux divers gouvernements qui
se sont succd de 1915 nos jours. Patriote convaincu, dessali-
nien cent pour cent, il aurait fait le serment de ne jamais toucher
un seul centime de l'Etat hatien tant que l'amricain n'aura pas
dfinitivement dcamp de son pays qu'il met au-dessus de tout
pour rpter une expression chre aux allemands.
Nous nous sommes mis rflchir. Et nous avons compris. Nous
avons compris qu'un homme qui a suc un tel lait, qui a grand
dans une atmosphere si pure n'aurait pas pu, vraiment, assister im-
passible au sabotage de la Rvolution de Janvier, sa revolution, qui
est venue enfin le sortir des griffes de cette bande de vampires, de
cette socit qui s'est toujours moque de sa misre, de ses mal-
heurs de toutes sortes, de cette socit qui l'empche d'avoir com-
me les autres une bibliothque pour meubler son cerveau, une










SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


voiture pour promener son ennui, une jolie matresse pour chas-
ser ses chagrins, une luxueuse villa pour jouer au bridge avec ses
amis.
Nous avons compris que tant de haines refoules ne pouvaient
que l'indigner davantage de voir le Comit Excutif Militaire fou-
ler aux pieds les conqutes de la Rvolution en faisant arrter sans
motifs aucuns un honnte citoyen comme Milo Rigaud, un Dr.
Camille Lhrisson, proltaire authentique, mdecin d'envergure,
philosophy don't la science n'a d'gale que son grand amour pour
ce coin de terre qu'arrosrent de leur sang les vaillants esclaves
noirs, ses pres.
Nous avons compris que l'homme, faisant appel tout ce qu'une
vie simple et modest lui a permis d'amasser de resources intel-
lectuelles, ait pris sa plume pour flageller comme il convient le
Comit Excutif Militaire qui a sabot la Rvolution du people,
de ce people don't il se rclame, qu'il aime et pour lequel il est prt
offrir ce qui lui reste d'nergie et de courage.
Nous avons compris son indignation d'entendre dire du Colo-
nel Lavaud qu'il est un honnte homme alors que ce mme La-
vaud refuse systmatiquement de donner sa dmission pour faire
place un gouvernement provisoire o entreraient les citoyens
les plus intgres et les plus reprsentatifs du pays, de la ligne de
ceux-l qui s'taient constitus COMITE DE SALUT PUBLIC,
l'aprs-midi du 11 janvier 1946.
Oui, nous avons tout compris. Nous avons compris que pr-
voyant le danger que ne manquerait pas de reprsenter pour la
Revolution du people le Comit Excutif Militaire Albert Man-
gons, aid de quelques purs comme lui, ait form le PARTI SO-
CIALISTE POPULAIRE pour dfendre les droits du people et
les principles de la Rvolution. Oui, nous comprenons mainte-
nant pourquoi Albert Edmond Mangons s'est constitu le dfen-
seur intraitable des intrts matriels et moraux de la Nation.









SOUVENIRS D'UNE CHAMPAGNE


LOUIS E. ELIE ET SOULOUQUE

M. Louis E. Elie, crivain sectaire, thoricien de la caste des
hommes clairs, s'est fait historien dans l'unique but de dtruire
tous les hommes noirs qui ont jou un rle dans notre Histoire.
Le plan est simple, il consiste tablir lentement que les noirs
sont inaptes gouverner le pays et que seuls les multres peuvent
tre chef de l'Etat. Louis E. Elie s'est toujours attaqu, avec un
esprit de systme que seuls ceux qui ne le lisent pas ignorent,
tous les hommes noirs qui se sont fait un nom dans l'histoire. Il
s'en est dj pris Toussaint Louverture, Dessalines, Chris-
tophe, don't il essaya, en 1929, d'avilir la mmoire dans le jour-
nal Le Temps. Aujourd'hui, il en veut Soulouque, qu'il d-
clare tre le pire chef que le pays ait jamais eu, oubliant les
crimes froids et les dsordres du gouvernement de Ption (assas-
sinat de prisonniers politiques, etc) le gaspillage des deniers pu-
blics, le vol organis qui fit dire Ption que tous les hommes
sont voleurs y compris lui-mme : les 25 ans de Jn-Pierre Boyer,
qui mirent ce pays en retard ; les crimes innombrables de cet
homme de triste mmoire lui ont valu la revolution de 1843.
Nous reviendrons sur la question pour prouver qu' chaque veille
d'lections prsidentielles, Louis E. Elie embouche la trompette
du dnigrement des noirs pour faciliter le choix de sa classes.




EN FAVEUR

DES CITOYENS ARRETES

Dans son numro d'aujourd'hui notre confrre Le Matin
dans un bel article paru en ditorial ce qui plaide en l'honneur
du grand quotidien de la Rue Amricaine- a fait un appel la
clmence du Comit Excutif Militaire en vue de la mise en li-
bert des citoyens compromise dernirement dans l'affaire du
C. D. N.
Nous nous associons une nouvelle fois un pareil appel et vou-
lons bien esprer que cette fois-ci, le Comit Excutif se laissera
flchir et donnera satisfaction l'opinion publique.