La Production et le Commerce
de la
R6publique d'Haiti
Houzel
Roger IOUZEL
Docteur en Droit
Licencid 6s Lettres
Dipl6md de 1'Pcole Libre des Sciences Politiques
La Production et le Commerce
de la
Republique d'Haiti
Pr6face de M. Constantin MAYARD
Envoyd extraordinaire et Ministre pldnipotentiaire
de la R6publique d'Halti a Paris
PARIS
I.TBaAIE TECHNIQUE ET ECONOMIQUE
17, Rue de Constantinople (VIII*)
1935
A LA MiMOIRE DU
DOCTEUR GHISLAIN HOUZEL,
MON PAR.L
PREFACE
C'est avec plaisir raiment que je reponds au vpeu
de M.Roger Houzel d'inscrire, en guise de preface, cette
breve appreciation en tite de son excellent travail consa-
cr ad la RMpublique d'Hafti.
D'abord, d cause du travail en lui-mdme, de sa par-
faite ordonnance confue suivant les mithodes des maltres
auxquels l'auteur doit sa culture generale et sa culture
juridique, de la sobre dligance que garde son style, sans
nuire d son souci d'enquite objective et consciencieuse,
sans faire tort d son came de juge, chez qui perce quand
mime de la sympathie, jusque dans ses moments de
seviriti.
Ensuite, et cette raison seule, pour moi, suffirait -
parce que M. Houzel, entire tant d'autres sujets interes-
sants, a pris comme sujet de these, une etude sur Haiti,
son histoire, sa psychologie collective tenant d sa for-
mation, sa structure social et 6conomique, les vicissi-
tudes de sa vie politique et financiere, les causes de son
peu de diveloppement dans l'ordre de la civilisation
matirielle.
- VIII -
A-t-il ete inspired dans son choix par contagion de la
curiosild gendrale qui, ces jours-ci, tendance don't je
me frlicite engage tant d'aimables explorateurs d'ar-
chives d se preoccuper d'une connaissance plus exact
d'un pays d'exclusive civilisation franraise qu'on
retrouve singulierement parmi les democraties d'Amg-
rique ?
Ou bien a-t-il obei d quelque instinctive inclination
due aux attaches lointaines de sa famille avec mon
Antille ,natale ?
Quoiqu'il en soit M. Houzel, ainsi qu'il serait souhai-
table de le voir faire d un plus grand nombre de Fran-
fais cultives, s'est donned le mal d'entreprendre un voyage
sur les lieux, oil il a scrupuleusement interroge les
homes et les documents. A l'entendre et a le lire, il
n'a pas perdu sa peine. Son lecteur, meme haltien, doit
s'en rdjouir aussi, car approvisionne de renseignements
de bonne source, il instruit avec agrnment et sdrieux,
sans rien de ces observations superlicielles, de ces 9ton-
nements admiratils, ni de l'ironie incomprdhensive qui
trop souvent disqualifient le grand reportage contem-
porain.
Ses intentions demeurant sympathiques jusque dans
les legeres erreurs qu'il a pu commettre, je voudrais
voir mes compatriotes reflichir sur certaines de ses
considerations. Ainsi, il a note qu'en depit de la repula-
lion de premier ordre don't beneficient les products hai-
- IX -
liens d l'etranger, le pays n'en semble guere tirer tout
le profit concevable, a cause des conditions peu ration-
nelles de la culture, exclusivement paysanne, d
cause du volume stationnaire des recoltes annuelles et
meme de sa diminution par rapport a ce qu'il dtait, il y
a plus d'un sikcle et quart, alors que le chiffre de la po-
pulation n'etait que le sixieme de ce qu'il est aujourd'hui.
Rien de plus judicieux. Mais une telle observation
peut conduire d des deductions arbitraires et donner d
penser que l'Haitien d'aujourd'hui est moins porter a
l'effort privoyant que le Saint-Dominguais d'autrefois.
II n'en est rien. Le mal vient plut6t de ce que par les
temps actuels, oil, pour obtenir le maximum d'attrait et de
valeur marchande aux yeux de la clientele internatio-
nale, les products d'industriei doivent ajouter a leur
quality du cru, d leur quality propre, des qualities de
preparation et de presentation commercials, reclamant
l'emploi de la technique et du capital; Haiti n'a jus-
qu'ici pas pu disposer, pour ces fins necessaires, du
credit a sa production.
La Revolution frangaise, agissant par funeste decen-
tralisation, les luttes des classes sociales metropolitaines
se compliquant le-bas de luttes de castes et de luttes de
races, avail soumis Saint-Domingue aux destruction
de son ... ( horreur ficonde ,. Puis, les guerres de l'inde-
pendance, consequence des precedents bouleversements,
avaient acheve de transformer en regions devasdtes ces
contries aux cultures naguere si florissantes. Les ouvra-
ges d'art et les usines particulieres avaient dtd andantis.
Si bien que ce fut sur des ruines que fut proclami le
nouvel Etat. A la conclusion de la paix avec son ancienne
metropole, le pays dut s'engager a payer aux colons
emigres une indemnity inorme, dvalude sur la base de
son opulence passe et, partant, en disproportion avec
ses forces actives. C'est Id le boulet qu'a traind Haiti
et qui a entrave sa march en avant durant tout le course
de son histoire. Pour effectuer les premiers versements
de cette dette si lourde, les Haitiens durent recourir d
une sdrie d'opgrations de credit en France, suivant des
taux et des conditions effroyables d'ailleurs, et don't le
service des annuitis rdgulibrement fait dratna d'annde en
annie toute l'dpargne national au dehors.
Durant cent trente ans et jusqu'd ce jour, I'histoire de
la dette extirieure d'Haiti est celle, lamentable, d'une demi
douzaine d'emprunts qui s'embranchent les uns dans
les autres, multipliant les obligations d l'infini, tou-
jours des emprunts de conversion, jamais des emprunts
d'application productive, qui steriliserent l'effort
des generations, sans pouvoir s'incorporer d l'dconomie
gendrale pour la faire progresser.
...( La douleur des Filles du Soleil 6tait devenue
une longue habitude a... dit un vers du vieil Ovide.
Telle est la particularity tragique du problkme haltien
qui echappe gindralement a l'observateur stranger. Ne
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la connaissant pas ou la connaissant mal, on n'a pas
pu s'expliquer le faible indice de richesse d'un pays a
population trWs dense, active et industrieuse, au sol
et au sous-sol extrimement riches, si fructueusement
exploits autrefois. C'est ce qui, neanmoins, permet de
comprendre, en parties, notre regime fiscal anachro-
nique et infecond aussi bien que le chiffre reduit de nos
achats chez d'autres, puissances d qui nous vendons
beaucoup.
A ce propos, il est bon de formuler encore de fapon
suffisamment saisissante, qu'd l'avantage de ces puis-
sances exportatrices don't je viens de parler, I'ensemble
des revenues de notre people s'est siculairement expatrid
chez elles, uon sous la forme d'achats d'objets de consom-
mation ou d'usage, mais principalement sous la forme
de paiements de la < Dette Nationale > ou d'interits de
cette dette don't la premiere origine montre qu'elle ne nous
a pas d6d matgriellement profitable, qu'elle n'a jamais
fait, comme la contre-partie normal d'un pret veritable,
entrer sur notre territoire de l'argent frais ou du materiel
de production, alors que les Haitiens n'9taient pas prd-
cisiment dans une position de vaincus, de vaincus que,
selon un mot cedlbre, on n'a jamais inte6rt d dcraser,
alors qu'ils dtaient, au contraire, des clients dans toutes
les acceptions du terme.
M. Houzel et ses lecteurs m'excuseront, j'espere,
d'dtendre indiscretement cette prdface, en exprimant ces
- XII -
remarques que l'auteur n'avait aucun besoin de signaler,
selon son plan sans doute.
Mais, comment resister au desir de faire connaltre
mes propres reflexions mises en &veil par l'dvocation de
questions haltiennes qui m'ont naturellement toujours
passionn6 ?
Rappelant cette opinion que le malaise agricole tient
a des causes psychologiques plutdt que techniques, cet
outrage consacre un important chapitre d l'opportunitM
de l'intervention de l'Etat dans la matiere et, tout en
manifestant quelque prudent reserve, se montre favo-
rable d une action dans ce sens.
Certainement, M. Houzel n'a pas manque, au course
de son sdjour a Port-au-Prince, de se rendre compete que
c'etait ld le voeu presque general de l'opinion.
Les porte-paroles de la jeunesse faisaient remarquer
avec une certain impetuositl que les conditions spg-
ciales au milieu desquelles la nation dtait nee avaient
donned lieu aux disharmonies constaties dans l'aminage-
ment des forces productive et, partant, a un marasme
general inexplicable, etant donned l'abondance de nos
resources naturelles. A ce marasme chronique itaient
venu s'ajouter les rigueurs de la crise mondiale centre
laquelle une reaction mondiale a determine successive-
ment tous les Etats d'Europe et d'Amdrique, de fafon
plus ou moins franche, suivant des formules plus ou
moins euphimiques, d condamner la ((masterly inactivityD
- XIII -
de. l'ancienne cole libdrale pour assumer une partici-
pation directed dans l'organisation de la defense et du
ddueloppement de leur dconomie national.
On rdclamait hautement la repudiation du system
de controversies don't les generations pricddentes s'dtaien!
enivries et qui ne s'dtaient demontries propres qu'd
favoriser d la fois le despotisme gouvernemental et
l'esprit rdvolutionnaire des foules. On demandait l'ins-
tauration d'un franc regime d'autoritg dans notre Droit
Public mime, l'institution en un ,mot de l'Etat 6cono-
mique d la place de l'Etat politique trop instable et sterile.
Circonstance digne d'dtre retenue, c'est le Corps lIgis-
latif lui-mWme qui prit l'initiative et la responsabilite
de la reforme.
Une nouvelle Constitution fut adoptee au ddbut de
cette annge qui mit fin d l'influence dominant du Parle-
ment dans le Gouvernement et qui pourvut l'adminis-
tration des pouvoirs d'initiative et d'action voulus pour
le plein succes d'un (( New-Deal >) dans le cadre de la loi.
Que sortira-t-il, en definitive de cette experience?
Si le moment n'est pas venu de tirer de l'ensemble
de ses rdsultats des conclusions de doctrine, si l'adminis-
tration semble prendre son temps pour liquider les der-
ni&res survivances de faction amiricaine et pour mdrir
les decisions de son cru avant de mettre dilibirdment la
main a tout ce que le vceu public attend d'elle, plus
particulierement dans l'ordre des besoins de la produc-
- XIV -
tion et du commerce, il faut convenir que deft des rea-
lisations incontestablement heureuses ont eti obtenues.
Tout d'abord, un vMinement de portee incalculable
s'est produit dans l'le d'HaZti. Les deux Gouvernements
qui s'en partagent la souveraineti, dans le but de consa-
crer en toute libertM d'esprit, leurs communs efforts au
progres materiel de la grande Antille, ont, d l'unanime
satisfaction des deux peuples et d I'admiration de tout
l'hMmisphere am6ricain, mis fin d la vieille querelle
des fronti&res qui nous avait &t6 1lgude par la France et
par I'Espagne.
Sans recours a la guerre, sans arbitrage, sans inter-
vention de jurisdiction international, ni debats ddma-
gogiques du forum et de la tribune, MM. les Presidents
Stgnio Vincent et giniral Trujillo ont definitivement
dlimine la seculaire difficult, et Us ont immidiatement
apres conclu des arrangements commerciaux entire les
deux Republiques.
En Haiti, particulierement, par la suite, le Gouver-
nement a pris d tdche d'organiser d l'extirieur la defense
des denries d'exportation en mime temps que de fixer
a l'intgrieur, suivant les exigences du godt mondial,
le type standard de ces products.
Puisqu'il a pris hardiment ses responsabilitbs centre
les tenants de l'ancienne politique e laquelle -on re-
prochait d'etre trop verbeuse et asthenique, il faut penser
que le Gouvernement, toujours soutenu par le people qui
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avail reclame les changements en vue d'un essor econo-
minique decisif, n'hesitera pas a poursuivre avec fermeti
et coherence son plan de reform des pratiques routi-
nitres et paralysantes qui subsistent dans l'agriculture
et dans les changes et qu'il y introduira des methodes
en accord avec celles que les ndcessitis de l'epoque ont
fait mettre en application partout.
Sous l'impulsion personnelle du chef actuel de l'Etat,
la culture fruitiere, particulierement bananiere -
a fail des progr&s considerables et le people attend une
augmentation de bien-itre du systeme de polyculture
destine d l'exportation qui est d la base de l'expirience
Stinio- Vincent >.
Le retour a commence des dliments sociaux les plus
6voluds vers les sources de la production, pour y former
des cadres approprids. D'importants contracts ont ite
passes pour doter le pays de l'outillage iconomique
indispensable. L'organisation du credit d la production
sous tous ses aspects est a l'itude. Egalement a l'etude les
points sur lesquels le regime fiscal et le regime tarifaire
peuvent appeler la reforme.
Tout permet d'espirer qu'il en resultera du bien,
malgre les grincements qui peuvent se produire dans la
march de la machine, habituee d turner dans un autre
sens ou... a ne pas turner du tout.
Je remercie M. Houzel de son intiressant essai sur
mon pays. Je le ftlicite du talent avec lequel il a traiMt
XVI -
sa these et du soin intelligent qu'il a mis d recueillir sa
documentation aussi sdre que varige. Je le remercie
meme pour la plupart de ses critiques auxquelles peut
souscrire, a mon jugement, tout Haitien de bonne foi et
je me permets de faire des souhaits sinceres pour son
suicces.
Constantin MAYARD.
AVANT-PROPOS
La puissante industries qui, apres avoir fait la force
,et la richesse des grandes nations europeennes, semble
aujourd'hui Atre la cause de leurs difficulties, doit
son 6panouissement autant a l'6tude et A l'organisa-
tion du travail qu'aux decouvertes scientifiques.
Les philosophes du XIXe sikcle, en analysant et en
rationalisant les m6thodes ouvrieres, ont ainsi Wte
les artisans du progr&s general.
Aujourd'hui que la production et les changes
ont nettement d6pass6 le cadre national, apparait
la n6cessit6 d'ameliorer les rapports internationaux
par 1'6tude, rendue plus facile par les statistiques,
des conditions 6conomiques qui r6gissent les diff&-
rents pays du monde. C'est pourquoi il nous a paru
interessant d'examiner sur place quels sont la produc-
tion et le commerce de la R6publique d'Haiti.
Les liens historiques, la communaut6 de langue et
de sentiments qui unissent nos deux pays sont pour
nous des raisons suffisantes d'accorder une attention
toute sp6ciale a la petite R6publique noire. Son 6tat
Houzel 1
-2-
particulier qui oppose une elite trop uniquement
attache aux speculations de 1'esprit A une popula-
tion ignare et indolente, une mis&re apparent A
une richesse latente, et qui, aux confins des Etats-
Unis d'Amerique, la fait parattre come une survi-
vance de l'6poque colonial nous command de mieux
la connaitre pour mieux l'appr6cier.
PREMIERE PARTIES
Les conditions de la production
CHAPITRE PREMIER
HISTORIQUE
C'est au course de son premier voyage de d&couverte
que Christophe Colomb aborda en Haiti. Sur les
indications des indig6nes de Cuba, il s'6tait dirig6
vers cette fle d'Haiti qui tirait son nom de ses mon-
tagnes, pleines, lui avait-on dit, de mines d'or et d'ar-
gent. C'est ainsi que le 6 decembre 1492 il d6barqua
dans une baie qu'il appela le M61e Saint-Nicolas.
L'ile 6tait divis6e en cinq royaumes gouvernes
par des chefs portant le nom de a caciques ). Ses
habitants vivaient de chasse et de peche, et le pays lui
apparut si beau que Christophe Colonmb le baptisa.
* Hispanola D. La fievre de l'or, que l'on trouvait
effectivement dans le lit des torrents, poussa les
Espagnols A oppresser les aborigines qui ne purent
supporter un pareil regime, leur nombre diminua
rapidement et leur race s'6teignit bient6t totalement.
Les vestiges imposants qui subsistent toujours a
-6-
Santo-Domingo, capital des 6tablissements espa-
gnols, sont une preuve de l'importance qu'eut A un
moment la nouvelle colonie. Mais bient6t des flibus-
tiers frangais qui avaient W6t chassis de l'Ile de Saint-
Christophe s'6tablirent dans l'tle de la Tortue, d'oit ils
partaient en expeditions, le plus souvent fructueuses,
centre les gallons et meme contre les villes espagnoles.
Quelques uns d'entre eux, les boucaniers, se livrdrent
A la chasse sur le territoire d'Hispanola, et c'est ainsi
que prit naissance la colonie francaise de Saint-
Domingue.
La population de l'lle de la Tortue avait en effet
augment au fur et A measure que les operations
devenaient plus importantes. Le Gouvernement royal
s'6tait int6ress6 A ce groupement de hors la loi qui
servaient les interets de la France en nuisant au com-
merce espagnol, et avait confirm l'autorit6 de son
chef en lui donnant le titre de gouverneur de 1'ile.
Aussi, lorsqu'il essaima sur la c6te voisine, ses 6tablis-
sements nouveaux furent tout naturellement ratta-
ch6s A la couronne, en d6pit des pr6tentions de l'Espa-
gne A la domination de l'ile tout entire. Louis XIV
d6clara officiellement ses droits sur toute la parties
occidentale de l'Ile, occupee par ses sujets, a l'occasion
de la signature du trait de Riswick en 1697.
Un sikcle de colonisation frangaise devait faire de
Saint-Domingue ce qu'on a pu tres justement appeler
-7-
la ( Perle des Antilles . Pour rem6dier A l'absence
presque total de la main-d'oeuvre, les colons eurent
recours A la traite des Noirs. Plusieurs centaines de
mille d'esclaves furent ainsi imports. De vastes plan-
tations recouvrirent les planes et certaines pentes
des montagnes. La (( mode colonial D, qui s6vit an
XVIIIe sikcle, poussa certain fils de famille A s'ins-
taller A Saint-Domingue, et une riche et brillante
sociWte succ6da ainsi aux boucaniers de la premiere
heure. La fertility du sol et la douceur du climate
favorisaient les planteurs, et un tr&s important com-
merce unissait la m6tropole et la colonie. De grands
travaux avaient W6t executes, aussi bien par les parti-
culiers que par I'administration, et contribuaient &
la prosp6rit6 du pays.
En 1789, la population se trouvait divisee en trois
classes distinctes : les Blancs, les Mulatres affranchis, et
les Negres esclaves. La Declaration des Droits de
l'Homme et du Citoyen, en proclamant 1'6galit6 et la
liberty de tous, amena le trouble dans la colonie. Les
affranchis du Nord, r6clamerent l'exercice des droits
qui venaient d'etre accords par un d6cret de l'Assem-
blWe national. Ceux du Sud les imiterent bient6t.
Cette situation, exploit6e par les Anglais et les Espa-
gnols, devint si critique que Sonthonax et Polverel,
qui avaient Wte envoys de France avec pleins pouvoirs,
durent proclamer le 23 aoft 1793 la liberty g6n6rale
des esclaves.
-8-
Au course de la lutte engage pour chasser les 6tran-
gers qui d6j~ avaient pris pied A Saint-Domingue,
un ancien esclave se fit remarquer par son g6nie mili-
taire, Toussaint-Louverture, qui parvint au grade de
general de division apres avoir rapidement r6tabli
1'ordre. II s'attacha alors A organiser le pays, et, en
1801, fit voter une constitution qui le nommait gou-
verneur A vie. Tant d'autorit6 deplut A Napoleon
qui ordonna une expedition. Le 12 f6vrier 1802, son
beau-frere, Ile general Leclerc, partait A la tete de
30.000 homes transports sur 40 vaisseaux. Les
troupes frangaises, bien armies et bien commanders,
eurent rapidement le dessus et firent prisonnier Tous-
saint qui fut transport en France. Mais un nouveau
soulevement se produisit, et, conduits par les anciens
lieutenants de Toussaint-Louverture, les Noirs re-
prirent une lutte oh ils avaient 1'avantage d'une
parfaite connaissance du terrain. La fievre jaune
vint A leur aide en d6cimant les troupes frangaises et
en atteignant meme leur general qui en mourut. C'est
ainsi que les Frangais durent abandonner la lutte et
que le 1er janvier 1804 put dtre proclamie l'ind6pen-
dance de la colonie A qui ses nouveaux mattres rendi-
rent le nom indien d'Halti.
Ainsi 6tait n6e la second des rpubliques ambricaines
et la doyenne des r6publiques latines. Son existence
fut d'ailleurs breve car, au bout de huit mois seulement,
-9-
Dessalines, qui en avait 6t lu gouverneur, se fit pro-
clamer empereur sous le nom de Jacques ler. II inau-
gurait une longue s6rie de coups d'Etat don't il fut le
premier A subir les contre-coups en pkrissant assassin
en 1806. A sa mort, une nouvelle constitution, copike
sur celle des Etats-Unis, fut adoptee. Elle limitait
les pouvoirs de l'ex6cutif et assurait la liberty de reli-
gion, mais elle refusait, aux Blancs le droit de cit6 et
de propri6t6. Christophe, qui avait 6te Olu president,
refusa de suivre cette constitution et se retira dans le
Nord oiu il se fit proclamer roi sous le nom d'Henri ler.
II 6tait cruel et arbitraire mais, par l'application d'une
strict discipline, il fit rkgner l'ordre et la prosp6rite
dans son royaume.
P6tion, qui avait accept la pr6sidence, gouverna le
reste du territoire et entretint pendant longtemps
une lutte ind6cise contre Christophe. Ce fut lui, qui,
A deux reprises, accord un genereux concours d'ar-
gent, de munitions, d'armes et meme d'hommes
A Bolivar pour lui permettre de continue son action
lib6ratrice. Le general Jean-Pierre Boyer, A la mort de
P6tion, lui succ6da A la pr6sidence et un an et demi
plus tard, la mort de Christophe lui permit de prehdre
possession du royaume du Nord au nom de la Republi-
que. Son gouvernement dura vingt-cinq ans. Durant
cette p6riode il soumit toute l'fle a son autorit6. l'An-
gleterre reconnut l'ind6pendance d'HaOti en 1825, et
- 10-
la France fit de meme en 1838 moyennant le pavement
d'une indemnity destine A d6dommager les anciens
propri6taires spoli6s de leurs biens. II fut renvers6
par une revolution et, peu de temps apres, en 1841, la
parties espagnole de rile reprit son ind6pendance et
constitua la R6publique Dominicaine.
Rivi6re, H6rard, Guerrier, Pierrot, Rich6 se suc-
c6ddrent en de courts passages sur le fauteuil pr6si-
dentiel jusqu'A ce qu'en 1848 Soulouque se fasse pro-
clamer empereur d'Haiti sous le nom de Faustin ler.
II essaya de r6tablir I'autorit6 du Gouvernement
hai'tien sur toute 1'ile, mais en vain. Une nouvelle
revolution, en 1859, r6tablit la R6publique et mit a sa
tate Fabre Geffrard qui y demeura jusqu'en 1867.
Sylvain Salnave, Nissage Saget, Domingue, Bois-
rond Canal pass6rent A leur tour au pouvoir. Elu en
1879, le g6n6ral Salomon fonda la Banque d'Haiti et
recruta en France des instructeurs pour l'arm6e et
des professeurs pour les 6coles. II fut suivi par Lgitime,
puis par Hyppolite qui d6veloppa les travaux publics.
Toute une s6rie de g6n6raux se substitu6rent alors les
uns aux autres par des coups d'Etat : Sam, Nord
Alexis, Antoine Simon. Le president Leconte p6rit
dans 1'explosion du palais pr6sidentiel. A une cadence
acc616r6e le pouvoir passa alors entire les mains de
Tancr6de Auguste, Michel Oreste, Oreste Zamor,
Davilmar Th6odore, Vilbrun Guillaume Sam qui
- 11 -
p6rit en juillet 1915 assassin par la populace que
ses cruaut6s avaient pouss6e A bout.
C'est A la suite de ces regrettables 6v6nements
que les Etats-Unis d'Amerique debarquerent Port-
au-Prince des forces militaires appuyees par la flotte
de 1'amiral Caperton. L'occupation ambricaine, sur
laquelle nous aurons 1'occasion de revenir, vient seule-
ment de prendre fin le 15 aout 1934. Durant ces 19 ans
l'on n'a eu A enregistrer qu'une seule revolte, vite
r6primbe, et le pays a pu commencer A sortir de
l'6tat de d6ch6ance ot l'avait plong6 pros d'un siecle
de luttes intestines. Elu pour sept ans le 8 aofit 1915,
par I'Assembl6e national, M. Sudre Dartiguenave
remplit son mandate tout entier. M. Louis Borno lui
succ6da en 1922. R66lu en 1926, il est descendu du
pouvoir en 1930., Un president temporaire, M. Eugene
Roy, pr6para les elections qui ont place M. Stenio Vin-
cent a la tOte du Gouvernement de la R6publique
d'Haiti, don't le mandate vient d'ailleurs d'etre renou-
velM cette ann6e par un plebiscite.
CHAPITRE II
QEOGRAPHIE
A quelques 4.000 miles de France, entire le 17e et
le 20e degris de latitude Nord, et le 6802 et le 742
de longitude Ouest du m6ridien de Paris, se trouve
1'lle d'Haiti. C'est, apres Cuba, la plus grande des
Antilles et sa position g6ographique la situe au centre
du group des grandes Antilles a 50 miles de Cuba, et
de Porto-Rico, A 100 miles de la Jamaique. Elle se
trouve enfin sur la route suivie par les navires reliant
New-York a la zone du canal de Panama. Elle n'est
distant que de 500 miles de la c6te de l'Amrique
du Sud et sert d'escale aux lignes aeriennes qui relient
les deux continents ambricains. Ces diff6rents fac-
teurs en font done un carrefour de routes maritimes
et aeriennes don't elle pourrait tirer un profit certain.
Elle command en outre tout le golfe du Mexique et
les flibustiers du XVIIe siecle 1'avaient bien compris
en en faisant leur base d'op6rations.
- 13 -
L'ile,dans son entier, peut 6tre compare A l'Irlande
don't elle approche la superficie. Mais elle est partag6e
entire la R6publique Dominicaine et la Republique
d'Haiti. La R6publique Dominicaine en occupe environ
les deux tiers orientaux et la Republique d'Haiti le
tiers occidental. Cette division remote a l'poque
colonial, et, en d6pit d'un tel voisinage, les deux pays
ont tr&s peu de relations ensemble. Les langues qui
y sont parl6es sont, en effet, diff6rentes, et si le frangais
est la langue officielle d'Haiti, l'espagnol est seul
employee en Dominicanie. On peut cependant 6valuer
la longueur maximum de la parties haitienne A 295 km.
et sa larger aux environs de 183 km. Un trait, sign
le 21 janvier 1929 entire les deux R6publiques avait
pour but de fixer les conditions du trac6 de la ligne
frontidre incertaine et litigieuse jusqu'a ce jour.
Le 2 mars 1935, par un accord direct, et sans aucun
arbitrage, les deux presidents ont mis fin A cette
source de conflicts. Cet acte pacificateur, si rare dans
l'histoire des nations, m6rite d'etre particulibrement
signal surtout A une 6poque oti les mots de concilia-
tion et d'arbitrage semblent avoir perdu leur veritable
sens.
La souverainet6 de la R6publique d'Haiti s'6tend
igalement sur quatre fles c6tieres : I'fle de la Tortue,
I'Vle de la Gonave, la Grande Cayemite et I'lle A Vaches.
Sa superficie total a 6t 6valuee & 27.700 km sur
- 14 -
lesquels vit une population dense a qui la douceur
du climate et la fertility du sol rendent la vie facile.
La population aborigine de F'tle ayant ete aneantie
par les premiers colons espagnols, les colons de la
parties francaise eurent recours A la traite des Noirs
pour obvier au manque de main-d'oeuvre. Moreau de
Saint-MWry, qui nous a laiss6 des renseignements
pr6cieux sur l'6poque colonial 6valuait en 1788 la
population total de Saint-Domingue A 520.000 habi-
tants se decomposant en 40.000 Blancs, 28.000 M6tis
et 425.000 Noirs. Aucun recensement exact n'a jamais
6t6 fait depuis la proclamation de l'ind6pendance et
les evaluations les plus diverse de la population ont
6t6propos6es. Elles variententre 1.500.000et 3.000.000.
Un chiffre interm6diaire de 2.300.000 doit etre plus
pros de la r6alit6. Cela represente une density d'environ
80 habitants au kilom6tre carr6. Mais il imported de
faire remarquer que les proportions ne sont plus les
memes que du temps de la colonie : il n'y a plus, en
effet qu'environ 5.000 Blancs, tous strangers, le restant
de la population se partageant en 90% de Noirs et
10% de Mulitres.
Port-au-Prince, la capital du pays, en est aussi, et
de beaucoup, la ville la plus important. Sa popula-
tion qui, en 1789, ne d6passait pas 10.000 Ames peut
aujourd'hui, sans aucune exag6ration, etre 6valu6e
aux environs de 125.000 habitants. Le Cap-Haitien
- 15 -
qui, sous le nom de Cap-Francais servait de chef-lieu
A la colonie frangaise, n'a pas beaucoup change depuis
cette 6poque dejA lointaine et est demeur6 au chiffre
de 20 A 25.000 habitants. La population des Cayes
atteint aujourd'hui quelques 15.000 Ames alors que
Moreau de Saint-MWry ne lui en attribuait que 5.000.
Viennent ensuite, par ordre d'importance : les Gonai-
ves, Saint-Marc, Jacmel, Port-de-Paix, et J&r6mie.
Toutes ces villes sont sur la c6te et constituent des
ports ouverts au commerce ext6rieur. Les villes de
l'int6rieur sont beaucoup moins importantes et le
nombre de leurs habitants varie entire 1.000 et 4.000.
Il imported d'ailleurs de faire remarquer que le total
des populations urbaines ne d6passe pas 250.000 ha-
bitants, ce qui ne represente qu'environ 10% de la
population total. Le caractere dominant du peuple-
ment haitien apparait d'ores et dejA comme 6tant
essentiellement rural et laisse presumer la place que
l'agriculture occupe dans l'6conomie du pays. Un
simple examen de la r6partition de la population fait
apparattre l'6troite relation qui unit le chiffre de la
density avec la valeur agricole du sol resultant A la
fois de 1'exposition et du relief.
II fait, dans toute la R6publique, et durant toute
1'annee une temperature uniform6ment chaude,
variant suivant les lieux et les 6poques de 200 A 300.
Mais le facteur principal du climate est constitu6 par
- 16-
les chutes de pluies qui ont une grande influence sur
la production du sol. Haiti se trouve plac6 sur le
trajet des vents aliz&s don't la direction g6nerale est,
dans les Antilles, vers le Nord-Est, mais au-dessus
de la R6publique, ils semblent s'incliner a l'Est. Les
montagnes l1ev~es qui couvrent le pays produisent
une .condensation de ces vents charges d'humidite
et provoquent des pluies abondantes sur les versants
vers lesquels les vents se dirigent, et des pluies tres
faibles au contraire sur les c6t6s a sous le vent v.
C'est ainsi que voisinent des contrees tres humides et
d'autres seches ou memes arides, et que l'on rencontre
aux c6t6s de forts luxuriantes, des veg6tations
xerophiles du type cactus.
La R6publique d'Haiti est en effet tres monta-
gneuse. De quelque c6t6 qu'on l'aborde, des monta-
gnes gigantesques semblent s'6tendre jusqu'A la
c6te, et l'impression d'escarpement est encore plus
grande lorsqu'on voyage A l'int6rieur du pays. Deux
grands massifs montagneux parent l'un du Nord,
I'autre du Sud pour se rejoindre au-del& de la fron-
tiere dominicaine, le centre du pays 6tant constitute
par un plateau et quelques chatnes moins importantes.
Certains sommets sont tr&s 6lev6s, et le point cul-
minant, qui se trouve dans le massif de la Selle, au
Sud, atteint 3.000 m4tres. Le territoire comprend
cependant quelques planes assez vastes et bien
- 17 -
arrosees qui permettent une plus grande extension
des cultures. Les principles sont : la plaine du Nord
d'une superficie de 1.500 km2, celle de I'Artibonite
traverse par la rivibre qui lui donne son nom et qui
couvre 4.000 km 2, et d'autres, plus petites, comme la
plaine de I'Arcahaie, 180 km 2, celle du Cul-de-sac,
160 km2, celle de LUogane, 400 km 2, et celle des
Cayes, 280 km 2.
L'influence r6ciproque du regime montagneux et
de celui des vents aliz6s explique l'abondance des course
d'eau qui arrosent le territoire de la RMpublique
d'Haiti. Beaucoup d'entre eux sont courts, mais tous
ceux qui ont de l'eau toute l'ann&e sont denommes
rivieres ,. Plus de 100 course d'eau se jettent direc-
tement dans la mer, aussi bien dans l'Oc6an Atlan-
tique, dans le golfe de la Gonave, que dans la mer
Caralbe. La majority n'ont que peu d'importance,
ont un course rapide et peu de fond; le plus important
de tous est I'Artibonite qui coule sur environ 260 km.
Neuf autres rivieres ont un course qui d6passe 50km.
A 1'6poque colonial une navigation assez important
avait lieu sur l'Artibonite, mais elle n'est plus pra-
tiqu6e aujourd'hui, et les autres course d'eau ne sont
praticables qu'en canots et sur quelques kilometres
seulement. Les nombreux rapides qui coupent les
rivieres rendent en outre impossible la pratique du
flottage des bois.
Houzel
18 -
Ces diff6rents facteurs contribuent A rendre le climate
d'Haiti particulibrement salubre et sain. Les temp6-
ratures mod6r6es qui regnent dans les villes, et la
possibility de resider dans les hauteurs toujours voi-
sines en rendent le skjour tr&s agreable aux Euro-
p6ens. Des moustiques dangereux ne se rencontrent
qu'en 'quelques regions nettement localises et tout
est mis en ceuvre, d'ailleurs, pour les faire disparattre.
Enfin le climate presque europeen de quelques stations
de montagne a fait naftre chez certain l'espoir
qu'Halti deviendra un jour un centre d'hivernage dans
les Antilles.
CHAPITRE III
ORGANISATION ET SITUATION
POLITIQUES
La proclamation d'ind6pendance, en date du 1er jan-
vier 1904, instituait le regime r6publicain en Haiti.
La r6volte des Noirs avait en effet Wte d6termin6e
par la revolution francaise, et il 6tait tout natural
que les Haitiens prennent example sur le regime qui
leur avait valu la liberty. Mais ils abuserent de ce
privilege, et la fr6quence des movements R6volution-
naires qui se sont succ6d6s pendant plus d'un si6cle
poussa les presidents successifs de la jeune r6publique
a exercer d'une maniere absolue un pouvoir qui ne
devait 6tre qu'6phem6re. Certains d'entre eux se firent
meme proclamer rois ou empereurs.
Cependant, cet 6tat de choses appartient main-
tenant au domaine du pass, et la constitution de
1932, 6tablie apr&s quinze ann6es d'ordre, donne au
days une organisation comparable, en beaucoup de
-20-
points, A celle de la France. Elle distingue le pouvoir
16gislatif, le pouvoir ex6cutif et le pouvoir judiciaire.
Le pouvoir 16gislatif s'exerce par deux assemblies :
une Chambre des D6put6s de 37 membres elus au
suffrage universal, et un S6nat de 21 membres don't
10 sont nomm6s directement par le president et 11
sont 61lus. par la Chambre des D6put6s. Le pouvoir
ex6cutif est repr6sent6 par le Pr6sident de la R6publi-
que, Olu par l'Assembl6e national pour une p6riode
de six ans, et les secr6taires d'Etat, choisis par le
President de la R6publique, et responsables des actes
de leurs d6partements minist6riels. Le pouvoir judi-
ciaire est repr6sent6 par 125 tribunaux de paix,
10 tribunaux de premiere instance et le tribunal de
cassation 6tabli A Port-au-Prince.
La R6publique est divis6e en cinq d6partements,
les d6partements se subdivisent en arrondissements
qui sont administr6s par des fonctionnaires portant
le nom de pr6fets, les arrondissements en communes
administr6es par un Conseil communal, et les commu-
nes en sections rurales contr616es par des conseillers
d'agriculture.
Tous les cultes sont libres en Haiti, mais la religion
de I'Etat est la religion catholique depuis le concor-
dat sign A Rome en 1860. La R6publique compete un
archidioc6se don't le siege est Port-au-Prince, et un
diocese dans chaque chef-lieu de d6partement.
- 21 -
Le francais est la langue officielle, et son emploi
courant dans les relations priv6es, est obligatoire en
matiere administrative. Dans les campagnes on
parole un patois, le creole, qui tend de plus en plus A
perdre ses melanges espagnols ou anglais, et A se
confondre avec le francais. II convient de faire
remarquer, A cet 6gard, qu'Haiti est le seul pays
stranger oii le frangais soit la seule langue officielle
et la seule langue employee, la Belgique et le Canada
6tant, en effet, bilingues.
**
Autonome depuis 1804, Haiti a Wte reconnue officiel-
lement comme Etat ind6pendant et souverain par
l'Angleterre d'abord, la France ensuite en 1838, puis
par toutes les autres puissances du monde. Elle a
particip6 A toutes les grandes conferences internatio-
nales, jouit dans sa plenitude du droit de 16gation.
Elle est signataire du TraitM de Versailles et membre,
des son origine, de la SociWte des Nations.
Cependant, l'autonomie du Gouvernement a 6t6
jusqu'ici considerablement r6duite par i'intervention
des Etats-Unis d'Amerique en Haiti. Au course de la
derniire guerre, le 28 juillet 1915, et A la suite de
troubles int6rieurs sanglants, le Gouvernement
ambricain occupa militairement le pays en invoquant
- 22 -
des raisons d'a humanity . Pour l6galiser cette situa-
tion de fait, une convention fut sign6e entire les deux
Etats. Le Gouvernement des Etats-Unis s'y engageait
A aider par ses bons offices le Gouvernement d'Haiti
A d6velopper efficacement ses resources agricoles,
minieres et commercials et a 6tablir sur une base
solide les finances haltiennes n, mais exigeait en
contre-partie l'abandon A des mains ambricaines du
plus grand nombre des functions publiques impor-
tantes.
En fait, aux c6t6s du corps d'occupation, une gen-
darmerie fut organisee, don't tous les officers 6taient
des Americains, les services d'hygiene, des travaux
publics et de l'agriculture etaient assures par des
Am6ricains, et la presence d'un conseiller financier et
d'un receveur general des douanes r6duisaient presqu'a
rien le droit d'initiative haltien en matiere financitre.
Ce traits, qui n'avait 6t6 conclu que pour dix ans,
a Wte prolong jusqu'en 1936, sans qu'il y ait eu, d'ail-
leurs, une ratification r6gulibre des Chambres hal-
tiennes et du Congres des Etats-Unis. Cependant,
en raison de l'opposition collective du people haitien
et de la disparition des troubles qui avaient motive
son intervention, le Gouvernement des Etats-Unis
a Wte amen6 a restituer successivement au Gouver-
nement haitien les diff6rents services don't il assumait
la direction. C'est ainsi que le commandement de la
-23-
Garde Nationale a Wte confi6 de nouveau A des
officers haltiens. Seul, le conseiller financier conti-
nuait A exercer ses functions. II a disparu le ler jan-
vier 1935. Un agent fiscal, cens6 representer la Banque
cr6anci6re de 1'Etat d'Haiti 1, mais cependant d6sign6
par le President des Etats-Unis a remplac6 le conseil-
ler financier representant du Gouvernement ambricain.
1. En l'occurence la National City Bank of New-York.
CHAPITRE IV
REGIME MONETAIRE ET FINANCIER
BANQUE D'EMISSION
La monnaie 16gale de la R6publique d'Haiti est
la e gourde ) 6mise par la Banque national de la R6pu-
blique. Le contract du Gouvernement avec la Banque
en fixe la valeur et stipule l'6change libre des dollars
am6ricains centre les gourdes au taux de cinq gourdes
pour un dollar. Cependant les dollars am6ricains ont
aussi pratiquement course dans les pays. La circulation
mon6taire 6tait 6valu6e en gourdes, au 30 septem-
bre 1933, A :
Billets de la B.N.R.H ...... 6.907.764
Monnaie des U.S.A. ........ 3.000.000
Monnaie divisionnaire ...... 3.735.315
13.643. 079 gourdes
Les billets 6mis par l'Institut national doivent
poss6der une couverture de 33,1/20/o en monnaie
am6ricaine.
-25-
Haiti a toujours &t6 un pays d6biteur et les diff6-
rents emprunts ext6rieurs qu'elle avait souscrits
avant la guerre l'avaient tous Wte en France. Mais les
Americains ont oper6 le transfer A leur profit des
cr6ances francaises soit, comme cela a W6t le cas pour
l'emprunt de 1910, par l'achat direct des titres aux
porteurs frangais, soit, d'une maniere plus g6nerale,
en remboursant les dettes existantes au moyen d'un
nouvel emprunt 6mis aux Etats-Unis en 1922. C'6tait
pour eux un moyen d'affermir leur autorit6 politique
et d'augmenter leur influence 6conomique dans le pays.
Cette operation fut compl6tee par I'achat de la
Banque national et l'6tablissement d'un contr6le
financier don't nous avons parlM au chapitre precedent.
Le monopole de l'6mission des billets et des operations
de tr6sorerie pour le compete de I'Etat avait, en effet,
&t6 consent le 21 octobre 1910, a la Banque de l'Union
Parisienne, qui 6tait proprietaire de la Banque natio-
nale de la R6publique d'Haiti. Le 23 juin 1920, la
Banque frangaise, pour des raisons qu'elle ne faisait
pas connattre, annongait le transferet de ses contracts,
affaires, immeubles, clientele et actif net en faveur de
la National City Company , filiale de la National
City Bank of New-York. C'est ainsi que les Ameri-
cains se sont appropries tous les int&rets que la France
avait, avant-guerre, en Haiti.
II convient de remarquer que le service des interets
- 26 -
TABLEAU No I
RECETTES, DEPENSES, EXCADENTS ET DEFICITS BUDGATAIRES
DE 1922 A 1933 (EXPMIMES EN GOURDES).
Ann6es
budg6taires
1922-1923_
1923-1924
1924-1925
1925-1926
1926-1927
1927-1928
1928-1929
1929-1930
1930-1931
1931-1932
1932-1933
Recettes
31.950.101
32.902.321
40.487.667
45.364.648
38.861.534
50.421.016
42.521.528
38.648.163
31.746.582
28.023.742
37.305.298
Ddpenses
30.560.113
34.215.495
39.218.202
49.930.725
39.747.163
40.977.914
44.119.503
40.643.229
36.190.070
32.888.112
33.258.808
Exc6dents
1.389.988
1.269.464
4.433.923
9.443.102
4.046.490
Deficits
1.313.174
885.628
1.597.975
1.995.066
4.443.488
4.864.369
TABLEAU No II
DETTE PUBLIQUE D'HAITI DE 1923 A 1933
(EXPRIMfE EN GOURDES)
30 septembre 1923
1924
1925
1926
1927
1928
1929
1930
1931
1932
1933
110.315.362,50
121.048.501,20
115.231.263,80
108.307.079,30
99.706.855,09
94.438.115,05
88.677.396,00
82.705.649,35
78.357.576,10
72.625.870,96
66.901.412,84
.........
.........
.........
.........
.....o....
.........
.........
... ......
.+........
..........
.........
-27 -
et l'amortissement des emprunts haxtiens ont toujours
Wte r6guliirement effectues. C'est ainsi que le montant
de la dette qui 6tait de 82.705.649 gourdes en 1930,
etait tomb6 A 72.625.870 gourdes en 1932, et ne d6pas-
sait pas 66.901.412 gourdes le 30 septembre 1933.
En neuf ans la dette publique, qui s'elevait &
121.048.501,20 gourdes en 1924, a Wt6 r6duite de pros
de la moiti6.
La dette int6rieure a Wte 6valuee, par une commis-
sion charge de ce service, a 172.600 dollars, et se
trouve garantie par des titres nominatifs remis aux
cr6anciers. Le Gouvernement a propose l'6change de
ces titres contre ceux de l'emprunt de 1932 qui sont
en sa possession, et cette conversion est en course de
r6alisation.
D6sireux de se lib6rer totalement de Jla tutelle
ambricaine, le Gouvernement haftien d6cida de ra-
cheter la Banque national qui 6tait devenue, ,dans
les conditions que l'on sait, propriety de la Natio-
nal City Company. Apr&s de longs pourparlers cette
operation a Wt6 conclue, et, le 9 juillet 1935, le Gouver-
nement de la Republique a pris d6finitivement la
possession et la direction de l'Institut national d'6mis-
sion. Grace A cet achat, et en vertu d'un arrangement
de la direction donnant toutes garanties aux porteurs
am6ricains de titres d'emprunt haltiens, I'agent fiscal,
vient A son tour de disparattre d'Halti.
- 28-
*
Le budget vot6 pour 1'exercice 1933-1934, ouvre
pour 31.937.629 gourdes de credits et pr6voit 32 mil-
lions de gourdes de recettes.
,Parmi les d6penses, les plus importantes sont le
service de la dette publique qui s'616ve A 8.695.250
gourdes, les frais d'administration et de fonctionne-
ment qui absorbent environ 60% du montant total
des d6penses, et enfin les d6penses des travaux publics
don't l'importance semble devoir s'accroitre au fur et
A measure que se d6veloppera le programme de travaux
concu par le Gouvernement.
Les droits de douane A l'importation et A 1'expor-
tation sont les sources principles de revenues du
Gouvernement. G6neralement plus de 80% de l'en-
semble des revenues sont percus sous la forme de
recettes douani6res. Les droits d'importation ont
rapport 17.642.934 gourdes. Comme les droits A
1'exportation sont sp6cifiques, les variations de cette
source de revenues refl6tent directement celles des
quantities d'articles exports, et sont principalement
function de la r6colte du caf6 qui est A la base de l'6co-
nomie haitienne.
Mais un tel regime fiscal fait peser un lourd far-
deau sur le commerce de la petite R6publique d'Ha'iti,
et depuis quelque temps le Gouvernement s'efforce
- 29 -
de d6velopper un systeme de taxes interieures, en
particulier des droits d'accise sur l'alcool et le tabac.
Mais l'ensemble de tous les revenues internes ne d6-
passe pas, dans le budget de l'exercice 1933-1934,
4.450.000 gourdes, soit environ le huitieme des re-
venus globaux.
Cependant, pour critiquable qu'il soit, le system
actuellement en vigueur se justifie par la simplicity
de son m6canisme et de sa perception, et aussi par le
niveau de vie tres bas qui existe en Haiti. Un conseiller
financier ambricain estimait en 1925, que la fortune
per capital 6tait en Haiti d'environ 60 dollars et le
revenue per capital de 20 dollars par an, alors que ces
memes l66ments 6taient respectivement alors aux
Etats-Unis de 23.000 et 550 dollars.
Des deficits budg6taires avaient conduit le Gouver-
nement haitien A reliever ses tarifs douaniers. Mais
l'amelioration de la situation 6conomique g6nerale et
int6rieure a fait au contraire apparaitre des exc6dents
de recettes, et l'on peut avancer que les taux actuels
representent un maximum que l'on ne saurait d6pas-
ser sans risquer de porter gravement atteinte au com-
merce et A la prosperity du pays.
CHAPITRE V
ORGANISATION ECONOMIQUE
ET SOCIAL
La richesse et la fertility du sol s'alliant A l'abondance
et au bon march de la main-d'oeuvre sembleraient
devoir attribuer A la R6publique d'Haiti une place
prepond6rante parmi les r6publiques de 1'Amerique
central et des Antilles. Les statistiques la placent
pourtant, sinon au dernier, du moins A un des derniers
rangs parmi ces puissances. Un tel paradoxe s'explique
A la fois par les usages 6conomiques et par les habi-
tudes sociales qui existent dans le pays.
La legislation haitienne est calquee sur la 16gisla-
tion frangaise aussi bien au point de vue commercial
que civil (le Code Napoleon est toujours en vigueur,
avec quelques modifications 16&gres en Haiti), et les
memes usages y sont partout pratiques. Autrefois
cependant, une loi interdisait le droit de propri6t6
aux strangers, mais cette measure d'ostracisme a 4t6
- 31 -
abrogke et seuls quelques imp6ts, relativement l6gers,
frappent specialement les commercants de natio-
lith 6trang6re.
II est courant de dire qu'il n'existe pas de grandes
fortunes en Haiti, et que les capitaux y sont entire les
mains des strangers. 11 serait plus exact de recon-
nattre que les capitalistes haitiens pr6ferent aller vivre
de leurs revenues a l'6tranger plut6t que d'investir et
de faire fructifier leurs capitaux dans leur propre
pays. Les seuls placements qu'ils y op6rent sont des
acquisitions de propri6t6s immobilibres urbaines. La
classes poss6dante est d'ailleurs tr&s r6duite dans ce
pays oil la majeure parties de la population ignore ce
qu'est l'6pargne. Elle se confond avec l'6lite intellec-
tuelle. Les goats particuliers et les tendances naturelles
de ceux qui la forment les poussent d'ailleurs plut6t
vers les professions lib6rales et la politique que vers
les occupations commercials ou industrielles.
Aussi ne faut-il pas s'6tonner que le plus grand
nombre et les plus importantes des maisons de com-
merce exercant leur activity en Haiti soient entire
les mains d'6trangers. Ceux-ci preferent 6galement
reserver leurs capitaux pour leurs transactions com-
merciales et aussi pour la transformation de certain
products qu'ils ach6tent directement aux paysans.
Ils se d6sinteressent de la production en elle-meme
qui risquerait de leur procurer plus de soucis que de
- 32 -
profits. L'exemple de plusieurs societ6s ambricaines
qui ont du suspendre leur activity semble d'ailleurs
leur donner raison.
L'ins6curit6 politique qu'il 6tait de bon ton d'in-
voquer autrefois pour expliquer l'abstention des capi-
talistes, est une raison qui n'a plus de valeur au-
jourd'hui. Mais I'absence de cadastre et le peu de
garanties don't la propri6t6 rurale est entouree sont
des explications plus plausibles. Exception faite pour
les villes et quelques grandes planes oA l'on pratique
une sorte de m6tayage connu sous le nom de a de
moiti6 , l'on est presque en droit de dire que la notion
de propri6te se resume, en Haiti, au droit d'occupation.
C'est du moins ainsi que le comprennent les paysans
qui se considerent comme ayant acquis un droit reel
sur les terres qu'ils occupent, et il serait dangereux,
sinon impossible de vouloir remettre en vigueur les
titres de propri6te qui existent entire les mains des
16gitimes propri6taires.
C'est, en derniere analyse, autour du paysan hal-
tien que se concentre le probl6me de la production.
Hospitalier d6bonnaire, au sens ancien du mot, g6n6-
ralement illettr6, il se trouve heureux d'une vie que
beaucoup trouveraient miserable. II se nourrit des
fruits que la nature lui dispense A profusion, et il
n'entretient, plut6t qu'il ne cultive les plants de
caffiers qui entourent sa case que pour se procurer
-33--
quelques vetements ou un superflu don't il ne ressent
pas un besoin pressant. Les combats de coqs et la
danse sont ses principles distractions, et il ne tra-
vaille v6ritablement qu'au moment de la r6colte du
cafe qu'il va vendre au prochain march, quelquefois
a plusieurs jours de march, et a celui de la coupe des
cannes A sucre. Les paysans haitiens repr6sentent
cependant une race particulibrement bien douse
physiquement, les charges qu'ils portent ais6ment
pendant des heures en sont la preuve, mais, n'6prou-
vant pas de besoins, ils ne sentent pas la n6cessite de
d6ployer leurs forces au travail.
Une enquete r6cente a r6v616 que l'agriculture natio-
nale n'assurait qu'une exportation de 12,5 kg. par
tete d'habitant, ce qui correspond a une surface cul-
tivee de 715 m 2, ou A un carr6 de moins de 27 m. de
c6t6. a Si l'on songe que ces cultures sont tellement
extensive qu'elles ne recoivent le plus souvent, pour
toute facon cultural, qu'un sarclage par an, et que le
plus fort travail, qu'elles occasionnent est la recolte et
la preparation, on peut estimer approximativement
qu'un carreau de ces cultures ne demand pas 50 jour-
n6es de travail par an en tout, soit A peine trois jour-
n6es annuelles par tate d'habitant )2.
1. Carreau, measure de surface valant un peu plus d'un
hectare.
2. Monfits. Considerations sur le ddveloppement agricole
d'Halti.
Houzel 3
34-
C'est ainsi qu'en d6pit de son abondance, le pro-
blame de la main-d'oeuvre demeure entier pour les
exploitants. Les salaires sont tr&s peu Nleves, en Haiti,
mais ne remundrent que des ouvriers, capable certes,
mais don't le travail n'est pas toujours considerable.
Il n'existe pas de legislation du travail ni de dispo-
sitions sociales. Jaloux de leur individualism, les
ouvriers haltiens s'accommodent du niveau de vietres
bas qui est pratiqu6 dans ce pays ofi la charity publi-
que d6charge l'Etat de ses obligations d'assistance.
CHAPITRE VI
ACTION DE L'ETAT
II apparatt ainsi que la prosp6rit6 du pays depend
essentiellement de ses paysans, et que les habitudes
paresseuses qu'ils ont conserves sont a l'origine du
retard que l'6conomie haitienne a sur celles des pays
-voisins. Jusqu'a present, cependant, la politique suivie
par les diff6rents gouvernements qui ont pr6side aux
destinies de la Republique s'6tait toujours soigneu-
sement abstenu d'intervenir en rien dans les conditions
de la production. Le peu d'autorit6 don't ils jouis-
saient aurait peut-dtre rendu leurs ordonnances sans
effects, et le gaspillage des deniers publics aurait sans
doute rendu vain un programme de subventions A
l'agriculture.
II n'en est plus de mime aujourd'hui, et, compren-
nant la necessitM de developper 1'activit6 6conomique
du pays le Gouvernement s'est decide A adopter un
programme d'extension de agriculture. Un Service
-36--
national de la Production agricole a 6t6 cr66, et il
vient de faire paraltre un rapport dans lequel il pr6-
conise l'application d'un programme 6chelonn6 sur
plusieurs ann6es.
Le but recherche actuellement est d'accroltre l'6ten-
due des cultures d'exportation. Mais a le probl6me
agricole haitien est, en r6alit6, moins technique que
psychologique et pratique : il s'agit moins pour 1'ins-
tant d'indiquer aux habitants comment produire
que de les d6cider A produire 1. Dans ce but, et sui-
vant ce principle, l'intervention de l'Etat est envisage
de plusieurs mani6res A la fois.
Tout d'abord, par une action directed aupr&s des
paysans, par l'interm6diaire d'agents agricoles qui
conseilleraient et dirigeraient les paysans situ6s dans
leurs circonscriptions et parviendraient ainsi A secouer
1'indiff6rente inertie des habitants. En outre, la
creation de p6pini6res permettrait de distribuer gra-
tuitement les plants n6cessaires A l'ensemencement
des terres incultes, et des credits plus important
rendraient m6me possible la distribution d'outils
agricoles et de primes aux meilleures cultures, ce
qui entretiendrait dans la classes paysanne un esprit
d'6mulation qui serait aussi profitable aux popula-
tions elles-m6mes qu'a I'Etat qui tire une grosse
1. Monfils, ConsidErations sur le ddveloppement agricole
d'Halti.
-37-
parties de ses resources de taxes A l'exportation des
products agricoles.
Mais ces dispositions ne donneront de r6sultats
certain que si elles sont completees par des reformes
d'ordre foncier ayant pour but d'assurer l6galement
aux agriculteurs la propri6t6 des terrains qu'ils culti-
vent. Cette modification de la legislation agraire est
d'autant plus facilement r6alisable que 1'Etat haltien
est propri6taire de tr&s vastes terrains incultes. Une
loi sur le ( Bien rural de la famille >, promulguee en
1932, est rest6e inop6rante en raison de 1'exc&s de for-
malit6s qu'elle pr6voyait, et peut-4tre aussi du peu
de publicity don't elle a 6te entouree. Aussi le Service
national de la Production agricole a-t-il soumis au
Gouvernement un project sur les ((Donations fonciires
aux planteurs ), attribuant la propriete fonciere de
certaines terres de l'Etat A ceux qui en auraient plant
les 4/5 en certaines cultures d'exportation d6termi-
n6es.
Outre ces dispositions d'ordre general, le project
comprend un programme plus precis indiquant dans
quelle voie il faut orienter les efforts. La prudence
conseille de limiter les efforts au d6veloppement de
cultures permanentes et non annuelles, don't les r6-
coltes sont peu p6rissables (car l'habitant est peu
soigneux), de preparation simple (car il est mal outill6),
et disposant d'un large d6bouch6 mondial. Par I'appli-
-38 -
cation de ce plan, qui s'6tend sur une p6riode de
cinq ann6es, et avec uned6pense globalede 6.000.000de
gourdes (18 millions de francs), les experts du Gou-
vernement esp6rent parvenir A doubler la production
du coton et A la porter A 12.000.000 de kg., A augmenter
la r6colte du caf6 d'environ 12.500.000 livres, soit
de 20%, A provoquer la plantation d'importantes
cocoteraies, et enfin A faire passer la production des
bananes de 30.000 A 2.500.000 regimes par an.
Ce project est actuellement encore A l'6tude, et les
r6sultats qu'il envisage font d6sirer de le voir adopter.
II faut cependant reconnattre que son application
rencontrerait, sans doute, dans la pratique, des obsta-
cles inh6rents aux traditions ancestrales de la classes
paysanne, et il est malheureusement permis de douter
que ses r6sultats d6finitifs puissent Utre aussi impor-
tants que ceux que pr6voient les evaluations des
experts. On peut se demander, d'autre part, si les
paysans comprendront et appr6cieront A leur valeur
les concessions territoriales qui leur sont offertes,
6tant donn6 la conception particulibre qu'ils se font
de la propri6t&. Leur 6tat d'esprit se trouve traduit
dans les statistiques par le tr&s faible montant des
fermages percus par le Gouvernement. Aussi est-il
A presumer, si le sacrifice consent par l'Etat ne sera
pas tres sensible pour les finances publiques, I'avan-
tage offert aux paysans ne leur parattra pas consid6-
39 -
rable et determinant. Les l66ments de comparison
qui servent de bases a ce project ont Wt6 pris dans des
fermes d'Etat, et il est a craindre que sa r6alisation
ne r6ponde pas aux esp6rances.
II imported enfin de signaler le tout recent accord
que la R6publique d'Haiti vient de conclure avec la
congregation religieuse des PWres Salesiens charges
de la creation de nouvelles 6coles d'agriculture, et
qui est une manifestation de plus de l'esprit d'initia-
tive et de progr&s qui caract6rise le Gouvernement
actuel.
CHAPITRE VII
CONDITIONS DE TRANSPORT
Le d6veloppement 6conomique de la R6publique
d'Haiti s'est trouv6 retard&, et sera pendant sans doute
longtemps encore au ralenti, par la difficult des
transports int6rieurs. Haiti 6tant, en effet, essentiel-
lement constitute par une s6rie de vall6es s4par6es
par de hautes chaines de montagnes, 1'6tablissement
de voies de communications se trouve rendu a la
fois cofteux et difficile. Aussi toutes les villes impor-
tantes se trouvent-elles sur la c6te oft tout le traffic
est effectu6 par des voiliers faisant le cabotage.
La question des communications avait d6jh pr6oc-
cup6 l'administration de la colonie frangaise de Saint-
Domingue qui avait construit et inaugur6, en 1787
une route carrossable reliant le Cap-Haitien (alors
Cap-Francais) A Port-au-Prince. Longtemps d6laiss6s,
les travaux de grande voirie ont 6tW repris avec plus
d'activit6 depuis la guerre, et il y a actuellement
-43-
960 km. de routes praticables aux automobiles. Le
reseau routier se divise en deux grandes arteres :
l'une relie le Cap-Haitien aux villes du Sud, en lon-
geant la c6te et en passant par Port-au-Prince, I'autre
relie la capital A l'int6rieur du pays et se trouve
raccordee aux routes de la R6publique voisine de
Santo-Domingo (voir carte).
Mais ce r6seau presente le giand inconvenient d'etre
presque entierement d6pourvu de points. La plupart
des rivibres sont traverses A gut, ce qui fait, 4tant
donn6 le tres grand nombre de course d'eau, qu'au
moment des pluies les routes se trouvent couples
en de nombreux trongons s6par6s les uns des autres
par un torrent infranchissable. Outre les routes carros-
sables, il y a de tres nombreux chemins pour cavaliers
et des sentiers qui p&ndtrent au fond des planes et
des montagnes. Aussi toute la production locale est-elle
port6e aux marches A dos d'Ane ou par portage sur
la tAte des femmes. Et l'on doit pr6voir que ces moyens
primitifs de transport seront pendant longtemps encore
utilis6s en raison du bon march de la main-d'oeuvre.
Les transports effectu6s de la sorte sont d'une telle
importance qu'ils expliquent le peu de d6veloppement
des chemins de fer auxquels ils font une concurrence
insoutenable. II n'existe en effet qu'environ 200 km.
de chemins de fer A voie 6troite, le long de la c6te
et dans les principles planes. L'absence de toute
-44-
industries et le manque de grand traffic de passagers
les continent dans une activity r6duite, sauf au
moment de la coupe des cannes A sucre qui leur procure
des chargements abondants.
TABLEAU No III
NOMBRE ET TONNAGE DES BATEAUX A VAPEUR ET A MOTEUR
AYANT TOUCHi HAITI AU COURSE DE L'EXERCICE 1932-33
(PAR NATIONALITY)
Nombre Tonnage
Allemands .................. 96 210.287
Am6ricains ................ ; 270 878.721
Anglais ..................... 30 79.642
Frangais .................... 25 66.461
Hollandais ................. 190 221.765
Autres nationalit6s .......... 70 132.136
Total ... 681 1.589.012
Les transports internationaux sont, au contraire,
assez faciles, un grand nombre de Compagnies de navi-
gation desservent les ports haltiens. C'est ainsi qu'au
course de l'ann6e 1932-1933, 681 navires sont entr6s
dans les ports ouverts au commerce ext6rieur. Parmi
eux, on compete 270 navires battant pavilion ambricain
et 190 de nationality hollandaise. Viennent ensuite,
par ordre d'importance, les Compagnies allemandes,
anglaise et frangaise.
-45-
Presque tous les cargos disposent de quelques cabi-
nes de passagers, mais seule la Compagnie generale
transatlantique assure un service r6gulier direct de
paquebots pour l'Europe. Cependant le traffic des
passagers s'effectue principalement via New-York
qui est la voie la plus rapide, surtout depuis qu'une
ligne ambricaine, inaugur6e en novembre 1932, assure
un service rapide hebdomadaire entire Port-au-Prince
et New-York.
Le tonnage des bateaux frangais qui ont touch
en Haiti au course de l'exercice 1932-1933 a W6t sup6-
rieur de 26.286 tonnes A celui de l'ann6e pric6dente,
soit une augmentation de l'ordre de 65 %. Cependant,
en d6pit de cette augmentation, et bien que la France
soit le principal consommateur des products haltiens,
la marine frangaise n'occupe que le cinquieme rang
parmi celles qui trafiquent en Haiti.
- II convient de remarquer qu'en dehors des petits
voiliers qui assurent le traffic c6tier, il n'existe pas de
navires de commerce battant le pavilion haitien. 11
est aussi remarquable que les relations sont beau-
coup plus difficiles avec les miles voisines (exception
faite pour la Jamalque) qu'avec l'Europe ou l'Am6ri-
que. II existe tr&s peu de relations commercials entire
Haiti et Cuba, et m6me avec la R6publique voisine de
Santo-Domingo, aussi les moyens de communications
sont-ils peu nombreux entire elles.
-46 -
Un service aerien r6gulier est assure entire Port-au-
Prince et la Floride d'une part, Santo-Domingo et
Porto-Rico de 1'autre. II est tri-hebdomadaire et
assure A la fois le transport des passagers, des colis et
de la malle postal. II a Wte complete en 1933 par
l'etablissement d'un service hebdomadaire en Kings-
ton (Jamaique), Santiago de Cuba, Port-au-Prince
et Santo-Domingo. Enfin, l'etablissement d'une ligne
aerienne reliant les Etats-Unis aux Etats de l'Am6ri-
que du Sud, et qui passerait par Port-au-Prince, est
actuellement a l'6tude.
Rappelons enfin que la R6publique d'Haiti est
signataire des conventions postales internationales,
que plusieurs cAbles internationaux y aboutissent
et qu'un syst6me de tbl6graphes et de t616phones
fonctionne sur tout son territoire.
DEUXIEME PARTIE-
Les products
CHAPITRE PREMIER
PRODUCTS AGRICOLES
L'agriculture constitute done l'616ment essential
de l'6conomie haltienne. Les statistiques de la popu-
latio n montrent qu'environ 80 % des habitants sont
des campagnards et tirent leurs revenues du sol. Cepen-
d ant la production agricole n'a pas l'importance que
la fertility du pays et la density de la population sem-
bleraient devoir lui conf6rer. Elle est meme inf6rieure
A celle de l'ancienne colonie francaise de Saint-Do-
mingue don't la superficie et le nombre des habitants
6taient cependant moindres que ceux de l'actuelle
R6publique d'Haiti. Une comparaison,tfaite A propos
de chaque produit, entire l'6poque colonial et la
situation pr6sente permettra de mesurer cette diff6-
rence et d'appr6cier le d6veloppement que pourrait
prendre l'agriculture haitienne. Aujourd'hui encore
de vastes 6tendues de terres demeurent incultes et
la culture des products d'exportation s'est consid6-
Houzel 4
-50-
rablement reduite tandis que celle des denrees de con-
sommation locale est proportionn6e aux besoins de la
population.
**
Denr6es d'exportation
de la Colonie et de la R6publique
Le tabac fut la premiere denree plantee A Saint-
Domingue. Les boucaniers le cultiv6rent avec succ&s
dans 1'ile de la Tortue d'abord, puis sur la grande lie
don't il fut, pendant un certain temps, la principal
exportation. Sa culture cessa cependant d'etre pra-
tiqube d&s la fin de l'4poque colonial et la RBpublique
imported aujourd'hui presque tout le tabac qu'elle
consomme, notamment de la R6publique voisine de
Santo-Domingo don't il constitute une production
important. Rien n'explique, sinon la d6su6tude,
I'abandon d'une culture r6muneratrice A laquelle le
climate et le sol conviennent parfaitement.
De meme, I'on doit attribuer A l'introduction de
l'indigo dans l'lle sa premiere prosp&ritM r6elle. Sa
culture.est aussi completement abandonn6e aujomu-
d'hui. Mais il ne faut pas computer la voir reprendre
un jour car l'usage r6pandu de l'indigo synth6tique
semble avoir d6finitivement condamn6 sa culture.
-51 -
Mais c'est principalement la canne d sucre qui avait
fait la richesse de la colonies de Saint-Domingue et
lui avait fait m6riter son nom de ( Perle des Antilles D.
Sa culture s'etait 6tendue rapidement grace aux
remarquables systemes d'irrigation, construits par
les Frangais, et qui constituent toujours la base de
l'arrosage tel qu'il est pratiqu6 dans la R6publique.
De grandes quantities de sucre 6taient exportees vers
la m6tropole, en grande parties raffine sur place. Les
grandes planes de la R6publique sont toujours plan-
tees en cannes A sucre, mais, jusqu'il y a peu de temps
encore, uniquement pour r6pondre aux besoins de la
consommation locale. Elles etaient en effet transfor-
mees en (rapadou ), sorte de sucre brun non raffine,
en rhum et en u clairin , qui est une sorte de rhum
non distill] qui est A la base de sa fabrication et qui
peut etre consider comme la boisson national.
Depuis la guerre, la culture en a Wte d6velopp6e pour
alimenter une grande sucrerie qui s'est 6tablie, avec
des capitaux ambricains, aux environs de Port-au-
Prince. Le sucre export provient uniquement de
cette usine, mais son montant parait infime A c6te
des quantit6s exportees par l'lle de Cuba par exem-
ple, et cette branch de l'agriculture pourrait etre
d6velopp6e si le marchM du sucre n'6tait pas lui-
meme encombr6.
-52-
TABLEAU NO IV
TABLEAU COMPARATIF DES VALEURS EXPORT*ES
DES QUATRE PRINCIPAUX PRODUCTS D'HAITI EN 1791 ET EN 1932
(EXPRIM ES EN DOLLARS AMERICAINS)
Produits 1791 1932
Sucre ........... $ 23.432.470 $ 444.219
Caf6 ............ $ 10.378.150 $ 5.267.045
Coton ........... $ 3.514.450 $ 812.452
Indigo ......... $ 2.175.024
Le cafd ne fut introduit qu'assez tard dans la colonie
oil il n'apparait qu'en 1738, mais sa culture ne tarda
pas A se r6pandre avec une grande rapidity, sp6ciale-
ment dans les regions montagneuses of celles de la
canne A sucre et de l'indigo 6taient difficiles. Le sol
et le climate lui convenant particulibrement bien, les
plantations se multiplibrent et on estime qu'elles
recouvraient, en 1908, plus de 500 kmt Aujourd'hui
la plante pousse virtuellement A l'6tat sauvage, et
les paysans n'accordent A leurs cultures qu'un mini-
mum de soins rudimentaires. Le cafe export en
1791 constituait environ le quart de la valeur total
des exportations; au course de ces dernieres ann6es, il
en repr6sentait environ les deux tiers. Si bien que l'on
peut consid6rer le cafe comme l'l66ment essential de
l'1conomie haitienne, les revenues de la population et
de l'Etat sont proportionnels A l'importance de la
recolte, puisque, comme nous l'avons vu plus haut,
-53-
le Gouvernement tire une part important de ses
resources de taxes A l'exportation.
Le cotonnier est un arbuste qui pousse naturelle-
ment dans les Antilles, et il atteint, en Haiti, de 3 A
5 m6tres de hauteur. II pousse A l'Atat savage et,
jusqu'a present, ce n'6tait que lorsque la demand
faisait monter les prix qu'il 6tait cultiv6 de facon pri-
mitive. Aussi les r6coltes presentaient-elles de grosses
differences suivant les ann6es, et la quality du produit
n'6tait-elle jamais sup6rieure. Une compagnie am6-
ricaine tenta recemment d'en pratiquer la culture
sur une grande kchelle, mais les circonstances 6cono-
miques ont arrete cette experience. La culture du
coton pourrait Otre cependant une source important
de richesses, et le Gouvernement s'efforce actuelle-
ment d'en provoquer la plantation en distribuant
des semences d'un coton selectionn6 qui peut rivaliser
avec les meilleures qualities americaines et 6gyptiennes.
Bien que la production ait augment au course de ces
dernieres ann6es, les effects de cette politique ne pour-
ront pleinement apparattre qu'au bout de plusieurs
ann6es encore, en raison des difficulties qu'il y a de
determiner les paysans A entreprendre une nouvelle
culture.
La production de pite ou sisal, a Wte, au course de
ces dernieres annees l'objet d'une augmentation
- 54 -
d'autant plus digne de remarque qu'elle est tout
entire absorb6e par 1'exportation. Cela a 4t6 du
principalement A la construction d'une usine de decor-
tication, et les heureux r6sultats obtenus par cette
entreprise permettent d'esp6rer que son example
sera suivi et que cette culture facile se d6veloppera
encore au course des ann6es A venir.
Comme le cotonnier, le cacaoger est une plante
indigene, mais les conditions climatiques qu'il n6ces-
site ont restreint son domaine A la presqu'lle du Sud de
la R6publique, et certaines regions du Nord, ot, en
certain endroits, il replace la culture du cafeier.
Cependant, bien que le cacao haitien soit de bonne
quality, et que ce fruit soit d'une consommation g6n6-
ralisbe, les exportations en ont consid6rablement
baiss6, et sont loin de celles que faisait la colonie pour
laquelle elles repr6sentaient une source important
de revenues. I1 faut chercher la cause de cette d6ca-
dence dans la mauvaise preparation commercial et
la mauvaise pr6senrtation des products haitiens.
De meme le cocotier pousse naturellement dans toute
I'lle ou on le rencontre tr&s souvent. Mais il ne fait
pas, A proprement parler, l'objet d'une culture ration-
nelle. Les noix sont utilisees pour la consommation
locale et ne figurent pas parmi les exportations de la
R6publique. Cependant, le project de d6veloppement
agricole en pr6voit la plantation en vue de l'exporta-
tion.
L'Olevage des abeilles fut introduit au temps de la
colonie, et s'est trouv6 facility par la luxuriance de la
v6g6tation qui offre de vastes champs de r6colte aux
travailleuses. Le miel haitien est d'excellente quality,
et il est particuli6rement appr6cie en France, en tant
que miel industrial utilise pour Ia fabrication du pain
d'6pices. La production en demeure cependant assez
restreinte bien que la facility de sa recolte et le prix
61ev6 auquel il se vend devraient en motiver 1'exten-
sion.
Les ananas et les bananes ne figurent que depuis
tres peu de temps parmi les articles d'exportation,
et ils n'6taient cultiv6s, jusqu'A present, que pour les
besoins du pays qui en fait une tres abondante consom-
mation. II en existe de tres nombreuses vari6t6s qui,
toutes, sont d'excellente quality. La situation gao-
graphique de la R6publique d'Haiti est, d'autre part,
plus avantageuse que celles de certain pays qui se li-
vrent cependant avec profit a leur culture pour l'expor-
tation. Ces diverse raisons ont motive l'initiative de
plusieurs companies am&ricaines d'en 6tendre la
culture et d'en organiser le commerce. C'est ainsi que
les envois de bananes a l'6tranger,. qui 6taient pour
ainsi dire inexistants en 1925, se sont 6lev6s, pour
-55-
-56--
i'ann6e 1933-1934 A un montant de 49.343 gourdes,
chiffre qui sera tr&s largement depass6 cette annie.
De meme, installation dans le pays d'une fabrique
de conserves d'ananas a donn6 a cette culture une
importance nouvelle. II convient cependant de re-
marquer que les chiffres actuels sont loin de corres-
pondre aux capacit6s de production du pays, et que
l'on est en droit de s'attendre A voir Haiti constituer
un jour un des principaux marches de fruits du monde.
*
Denr6es cultiv6es
pour la consommation locale
La flore du pays est particulibrement riche en
vari6tes comestibles, et une tr&s grande quantity,
d'autres v6g6taux que ceux que nous venons d'6nu-
m6rer sont cultiv6s ou recueillis A l'atat sauvage
pour les besoins de la consommation locale. Les prin-
pales c6r6ales sont le mals, le petit-mil et le riz.
On rencontre le mals sur toutes les pentes des
montagnes, et, bien que les 6pis de l'espece cultiv~e
soient assez petits, il est de bonne quality. La plus
grande parties de la r6colte est moulue en farine et
employee pour l'alimentation, une petite quantity
seulement sert A la nourriture des bestiaux. Les prix
-57-
~lev6s pratiqubs A la fin de la guerre en avaient, un
moment, provoqu6 une exportation assez conside-
rable vers l'lle de Cuba, mais son commerce est rede-
venu aujourd'hui purement int6rieur.
Le petit-mil est g6n6ralement cultiv6 sur tout le
territoire de la R6publique, ses grains servent de
nourriture, et ses tiges sont utilisees come fourrage
pour les bestiaux. Par contre, la culture du riz, pro-
duit qui est A la base de l'alimentation de la popula-
tion haltienne, est concentr6e dans quelques localit6s
oi elle est considerable. NManmoins, la production
national est loin de pouvoir suffire A la grande consom-
mation qui en est faite, et il faut en importer chaque
ann&e des quantit6s tres importantes. Enfin, les foes
et les pois, don't il existe de tr&s nombreuses variet6s,
sont 6galement 1'objet d'une culture g6n6ralis6e dans
tout le pays.
Le manioc entire aussi dans l'alimentation du pays,
ses racines servent, en effet, A preparer la a cassave D
qui, dans beaucoup d'endroits, replace le pain.
Les fruits les plus communs sont la banane, l'orange,
I'avocat, le mango, l'ananas et le coco. II en existe
beaucoup d'autres, plus ou moins rares, poussant A
1'etat natural tels que le raisin, le corrosol, I'abricot, le
citron, la sapotille ... Les fruits de l'arbre A pain
s'ajoutent aux legumes ordinaires : pommes de terre
-58 -
et patates. Notons enfin que tous les fruits des climats
temp6res peuvent 6tre cultives sur les montagnes oiu
l'on rencontre m6me des mfires et des fraises A l'itat
sauvage. Tous ces products ne sont d'ailleurs l'objet
que d'un commerce tres restreint, ils sont cultiv6s en
petits jardins individuals et la production est g6nera-
lement limit6e aux besoins familiaux. Quant aux fruits
l'on peut presque dire qu'ils sont A qui les cueille ou
les ramasse, ceci n'6tant vrai que pour les campa-
gnes, qui contiennent d'ailleurs la majeure parties
des habitants.
L'dlevage du b6tail n'est pas developp6 comme
permettraient de le faire les vastes 4tendues de
savanes qui restent inutilisees. Des chevaux, des mules
et des Anes, sont 6lev6s come montures et comme
betes de some, ils sont g6neralement, les uns comme
les autres, de petite taille, mais particulibrement
courageux, endurants et habitues A circuler sur les dif-
ficiles chemins des montagnes, le gros b6tail est AlevA
principalement pour la viande et la peau, beaucoup
plus rarement pour le lait, A telle enseigne que tout le
beurre consomme dans le pays est import de l'6tran-
ger. Les ch6vres sont, sans aucun doute, les animaux
domestiques les plus r6pandus. Elles errent en liberty
et se nourrissent sur les pentes des montagnes, leur
chair est tres appr6ciee du people, et leur peau trouve
- 59 --
de nombreuses utilisations. Par contre, les moutons
ne se rencontrent qu'assez rarement, leur laine n'est
jamais d'ailleurs que d'assez mediocre quality. Les
porcs, enfin, sont communs dans toutes les campagnes
oi ils vivent de graines d'arbres et de d6chets, mais,
comme tous les animaux, ils ne sont l'objet d'aucun
soin particulier, et sont le plus souvent de petite taille
et fort maigres.
Les poules, les dindes et les pintades sont 6lev6es
presque partout. Mais il imported de faire remarquer
que b6tail comme volaille ne sont que d'assez mediocre
quality, et qu'une s61lection soign6e devrait 6tre
effectuee dans le but d'ambliorer les races actuelle-
ment ~lev6es en Haiti.
CHAPITRE II
PRODUIT8 INDUSTRIES ET MINIERS
Si la R6publique d'Ha!ti se trouve en retard sur
ses voisines du point de vue agricole, sa situation
industrielle et miniere la place 6galement au tout
dernier rang des Antilles. 11 n'existe, A proprement
parler, pas de grande industries en Haiti, quelques
entreprises de moyenne importance seulement sont
6tablies dans le pays, et les petites, qui sont assez
nombreuses, s'apparentent davantage A l'artisanat
qu'A l'industrie.
C'est ainsi que des petits artisans fabriquent en
assez grande quantity des paniers et des cordages,
suffisant ainsi A toute la consommation locale. De
meme, des tourneurs sur bois et des 6b6nistes fabri-
quent des objets en acajou don't une parties assez
important est vendue aux tourists qui passent A
Port-au-Prince sur les navires am6ricains se rendant
au Canal de Panama. Tout r6cemment une petite
-61 -
industries de ferblanterie qui produit des articles de
manage de quality assez mediocre d'ailleurs, semble
avoir pris un nouveau d6veloppement. Enfin, plusieurs
petites briquetteries locales satisfont aux demands,
assez restreintes dans un pays ou les maisons du people
sont toutes construites en boue s6ch6e, en torchis, et
o4 beaucoup de maisons des villes sont encore bAties
en bois.
D'autre part, la preparation des products agri-
coles en vue de I'exportation se fait, dans les villes
c6tieres, dans ce que l'on nomme, avec quelque
emphase dans le pays, des ( usines ). Il y a ainsi
d'assez nombreuses a usines A cafe6 oi l'on nettoie,
seche et prepare le cafe apport6 en cerises par les
paysans. Ailleurs ce sont des a usines A coton ) oh
celui-ci est 4gren6 et press en balles. Enfin nous
avons d6ji mentionn6 l'existence d'une usine de d6cor-
tication du sisal et d'une fabrique de conserves
d'ananas.
.Ce n'est que depuis relativement assez peu de temps
que des entreprises se sont cr66es pour transformer sur
place les graines de coton qu'auparavant l'on expor-
tait telles quelles. L'on en fait maintenant le plus
souvent une sorte de graisse alimentaire d'un usage
tres r6pandu dans le pays, qui est connue sous le
nom de c manteque . Les r6sidus de cette fabrication
sont 6galement utilis6s : ils sont agglom&r&s sous forme
-62 -
de cakes qui sont utilis6s en Europe, comme les
tourteaux, pour la nourriture des bestiaux et sur place
comme engrais dans les plantations de canne A sucre.
Plus r6cemment encore s'est monte A Port-au-Prince
une usine qui fabrique de l'huile et du savon A base
6galement de graines de coton.
La Revolution de 1804 avait entrainW, sinon la
destruction total, du moins I'abandon d6finitif des
sucreries et des raffineries construites par les colons
francais de Saint-Domingue. Aussi, pendant long-
temps n'exista-t-il dans le pays que de petites instal-
lations tr&s rudimentaires pour la preparation du
sucre brun non raffin6 consomme par la population
sous le nom de a rapadou . Quelques installations
plus modernes et plus importantes sont consacr6es A
la distillation, l'on y prepare du rhum d'excellente
quality et du a clairin D pour la consommation locale.
Mais ce n'est que depuis la guerre qu'il y a une sucre-
rie et raffinerie vraiment moderne qui s'est installed,
avec des capitaux am6ricains, dans les environs de
Port-au-Prince. Elle peut moudre annuellement
250.000 tonnes de cannes A sucre, mais, jusqu'ici,
n'a jamais pu donner son plein rendement. Presque
toute sa production est r6serv6e A l'exportation.
Une usine pour l'extraction de la teinture de cam-
pAche fonctionne dans le Nord du pays, mais son acti-
vit6 semble avoir diminu6 au course de ces derni6res
- 63 -
ann6es. Des salines sont exploit6es le long des c6tes
pour les besoins du pays. Une manufacture de ciga-
rettes assez important est 6tablie dans la capital
qui compete 6galement une grosse fabrique de glace.
Des usines 6lectriques et des fabriques de glace exis-
tent aussi dans la plupart des villes c6tieres qui sont
les plus importantes.
L'industrie forestiere qui 6tait particulibrement
d6velopp6e du temps de la colonie, a perdu aujour-
d'hui beaucoup de son importance. Des coupes in-
consid6r6es ont fait disparattre les forts les plus
rapprochees des ports d'embarquement, et les diffi-
cult6s de transport rendent pratiquement impossible
exploitation de celles qui couvrent encore les mon-
tagnes de l'int6rieur. Enfin la fabrication du carbon
de bois, qui est le seul combustible employ dans la
vie domestique dans la R6publique, occasionne jour-
nellement une perte de substance r6gulibre, car aucune
plantation ne vient remplacer les arbres abattus.
Pourtant, jusqu'A ces dernieres ann6es encore, des
exportations assez importantes de bois de campdche
6taient faites dans certaines regions. Mais les progres
de l'industrie chimique, en rendant plus avantageux
1'emploi de colorants artificiels, ont port un coup
mortel au commerce du campeche. L'acajou, qui
etait autrefois une des essences don't Haiti 6tait un
gros fournisseur, n'est pour ainsi dire plus export&
--64--
aujourd'hui. Mais Haiti est rest un des principaux
fournisseurs de gayac, bois tr&s dur employ pour des
usages sp6ciaux, bien que la encore, la baisse des prix
ait entrafn6 une grosse diminution du traffic.
Depuis les fabuleux tr6sors irapport6s d'Hispanola
par les gallons espagnols, une reputation de grande
richesse min6rale 6tait faite A toute 'ile d'Halti. Ce-
pendant une reconnaissance g6ologique effectu6e
recemment dans la R6publique d'Halti a remis les
choses au point. Certains gisements de fer, de cuivre
et d'argent ont 6t0 reconnus, mais ils sont apparus
trop peu important pour motiver les frais conside-
rables que n6cessiterait leur exploitation, surtout 6tant
donn6 la difficult des communications. Des p6pites
d'or se rencontrent dans de nombreux course d'eau de
la R6publique, mais les players ne sont pas l'objet de
recherches m6thodiques. Plus int6ressants, sans aucun
doute, sont les gisements de lignite] et surtout de p6-
trole qui ont 6t6 rep6r6s, mais leur situation a l'int6rieur
du pays rend difficile leur exploitation qui n6cessite-
rait 6galement d'importants capitaux. Aussi bien, A
l'heure actuelle, aucune exploitation minidre n'est-elle
en activity sur le territoire de la R6publique d'Halti.
II est possible cependant qu'une amelioration des
conditions 6conomiques rende de nouveau r6mun6-
ratrices les entreprises extractives et il est permis
de croire que le sous-sol d'Halti deviendra alors une
source important de richesses.
TROISIEME PARTIES
Le commerce
Houzel
CHAPITRE PREMIER
LEGISLATION DOUANIERE
Comme nous avons d6jA eu l'occasion de 1'exposer,
la R6publique d'Halti n'applique qu'un system
d'imp6ts int6rieurs rudimentaire et tres restreint.
Pour des raisons A la fois de commodity et de rende-
ment, elle tire la tres grosse majority de ses revenues
de taxes A l'importation et A 1'exportation. Aussi
concoit-on toute l'importance que pr6sente pour elle
sa 16gislation douani6re et s'explique-t-on le nouveau
regime qu'elle a mis en vigueur depuis 1926.
L'ancien regime douanier remontait A 1858 et
n'avait &6t revise que d'une facon tout A fait superfi-
cielle en 1905. 11 comprenait des droits d'importation
sp6cifiques sur les objets 6numbr6s dans la loi, et, pour
ceux qui ne figuraient pas sur la liste, des droits ad
valorem don't 1'assiette 6tait assez compliquee. Une
loi de 1906 avait juxtapose au pr6c6dent tarif un tarif
maximum en majorant le premier de 50 %. Enfiln,
-68-
un tarif conventionnel 6tait, djA &A la suite d'accords
commerciaux, applique aux products francais qui
b6neficiaient d'une reduction d'un tiers sur les droits
fixes par le tarif minimum, et A certain products
ambricains et allemands qui jouissaient 6galement
d'un regime de faveur.
On reprochait, A just titre, A ce regime son carac-
tere trop exclusivement fiscal, sa nomenclature qui
etait incomplete et qui, pour le reste, ne correspon-
dait plus aux products nouveaux, et enfin l'abondance
des taxes et des surtaxes qui en rendaient l'appli-
cation difficile et ne laissait pas d'etre la cause de
nombreuses contestations et erreurs.
Aussi, pendant l'occupation ambricaine, le 26 juil-
let 1926, fut-il vot6 un nouveau tarif douanier qui
avait Wt6 pr6pare par le receveur g6n6ral des douanes
plac6 par le Gouvernement des Etats-Unis A la tate
de ce d6partement. Ce nouveau document presente
sur le precedent des progres certain, mais cependant
de nombreuses critiques peuvent lui 6tre faites.
II donne satisfaction au commerce en ce qui concern
l'unification des taxes, surtaxes et autres complica-
tions inherentes au precedent regime. De meme une
nomenclature plus rationnelle et faisant une place
plus grande aux products nouveaux a Wte adoptee.
Enfin le tarif adopted comme base g6n6rale les droits
sp6cifiques, mais afin d'&viter le reproche d'injus-
- 69-
tice qui aurait pu lui etre adress6, il comporte de
tr&s nombreuses distinctions et sous-distinctions.
C'est ainsi que le nouveau tarif ne comprend pas moins
de 13.300 paragraphes. Aussi en r6sulte-t-il de nou-
veau une grande complication, et la difficult qu'il y
a A distinguer des products pr6sentant souvent une
grande resemblance entire eux, est chaque jour la
source de diff6rends entire la douane et les commer-
cants.
Mais cependant, sur certain articles, 1'adminis-
tration a maintenu des droits ad valorem. Elle a, en
outre, prevu sur de nombreux products a la fois une
taxe sp6cifique et un droit ad valorem, en se reservant
le choix du mode de taxation comportant le droit le
plus' (ev&. Le commerce tout entier a protest, mais
en vain, centre une telle measure qui enlIve toute
certitude aux provisions commercials puisque le
choix du tarif est laiss6 A l'arbitraire du douanier.
On reproche en dernier lieu A ce regime de faire
peser des taxes trop lourdes sur certain objets de
n6cessit- et d'avoir supprim6 certaines franchises
du precedent tarif.
Aux droits d'importation proprement dits viennent
s'ajouter certaines surtaxes. C'est ainsi que, pour
6viter la creation d'une taxe sur le chiffre d'affaire
don't le taux devait Otre de 1 %, les Chambres de com-
merce, consultees, ont preconis6 en 1924, 1'6tablisse-
- 70 -
ment d'un droit pergu une fois pour toutes A la douane:
c'est le droit de visa don't le taux a 6t6 fix6 par 1'admi-
nistration A 4 %, et qui a Wte consolid6 par le nouveau
tarif de 1926. Par ailleurs, afin de rem6dier au deficit
budg6taire qui 6tait la consequence directed du ralen-
tissement des transactions, une surtaxe de crise, d'un
montant de 5%, a Wt6 creee le 24 septembre 1932, elle
sera d'ailleurs supprimbe a d&s qu'il ressortira du
movement general des recettes de l'Etat que 1'6qui-
libre du budget est assure par le rendement des taxes
et imp6ts tels qu'ils sont fixes au moment ofi inter-
vient la pr6sente loi ou avec 1'adjonction de tous
imp6ts nouveaux .
Comme le regime de 1858, celui de 1926 a maintenu
des droits 6lev6s d'exportation. C'est ainsi que sur des
exportations 6valuees A 46.650.366 gourdes en 1932-
1933, il a W6t percu 13.226.893,15 gourdes de droits
de douane ce qui repr6sente une charge de 28,35%
pour I'ann6e 1932-1933. Ce mdme pourcentage 6tait
de 21,48% en 1931-1932, et de 19,68% en 1930-1931.
Cette aggravation s'explique par les bas prix du caf6,
les droits A l'exportation 6tant sp6cifiques, la charge
qu'ils representent s'accrott au fur et A measure que les
prix baissent. Quoiqu'il en soit, ces taxes paraissent
irrationnelles et sont 6conomiquement malsaines.
Elles rendent plus difficile le placement A 1'6tranger
de denrees don't Haiti n'a pas le monopole de produc-
- 71 -
tion. Mais elles tiennent une place trop important
dans les revenues de 1'Etat pour qu'on puisse envisager
leur suppression. Tout au plus, des exemptions tempo-
raires ont-elle 6tW d6cid6es en faveur de certain pro-
duits don't 1'exportation 6tait devenue particulibre-
ment difficile, come le bois de campeche, et tout
r6cemment le sucre.
Seules des modifications de detail, qui ne touchent
pas a l'6conomie du systeme, y ont 6t6 apport6es
depuis sa mise en application. Mais il faut faire une
important exception A l'6gard de l'avenant A la
convention commercial conclue avec la France en
1930, qui a W6t sign le 10 mars 1934, et que nous
6tudierons plus loin.
CHAPITRE II
LE COMMERCE D'EXPORTATION
Les smarchandises exportees par la R6publique
d'Halti 6tant essentiellement constitutes par les
quelques products agricoles que nous avons d6ej
examines, le volume ldul commerce d'exportation
est sujet A des variations 6troitement liees A l'impor-
tance des r6coltes. C'est ainsi que la succession de
plusieurs recoltes inf6rieures A la moyenne avait
entraine une reduction des ventes a I'6tranger don't
1'effet s'6tait aussit6t fait sentir dans tout le pays.
Au contraire, A la suite d'une abondante recolte de
cafe et d'une production 6galement accrue de coton,
de sisal et d'ananas, la valeur des exportations est
passe de 36.106.394 gourdes en 1931-1932 A 46.650.366
gourdes au course de l'exercice 1932-1933, soit une
augmentation de 10.543.972 gourdes qui correspond
A un pourcentage de 29% de l'exportation total.
Par ordre d'importance, les quatre principaux arti-
- 73-
cles d'exportation sont le cafe, le coton, le sucre et
la pite (ou sisal). Ils constituent A eux seuls environ
95 % du montant total des exportations. II a Wt vendu
au course de 1'ann6e 1932-1933 pour 36.252.152 gourdes
de caf6, soit plus de 77% de la valeur total des expor-
tations. Ce chiffre elev6 n'a Wte atteint, en d6pit de
la baisse des prix, qu'en raison des resultats anormale-
ment favorables de cette recolte qui a Wt6, en volume,
presque le double de celle de l'exercice precedent.
Le Gouvernement a 6tabli une classification officielle
du cafe export en sept types standards, et il a accord
une d6taxe au caf6 convenablement pr6par6. Mais
cependant les exportateurs ont peu fait pour am6lio-
rer leur produit par une meilleure preparation des
fNves, en d6pit des avantages qui leur 6taient concedes.
Dans le meme temps il a 6t4 envoy A l'4tranger
pour un montant de 4.634.860 gourdes de coton,
soit environ 10% du total des exportations, pour un
volume de 5.846.483 kg. Mais ces chiffres n'expriment
pas Ples possibilities [du pays. II est A pr6voir qu'ils
atteindront tr&s rapidement un niveau plus eleve.
Parall61ement A celle du coton doit 6tre mentionn6e
l'exportation de tourteaux de graines de coton qui
reprksentent A peu pr&s le dixieme de 1exportatiou
du coton.
Par centre, il ne semble pas que l'on puisse esperer
d'ici longtemps voir le chiffre des exportations de
- 74 -
TABLEAU NO V
QUANTITET DES EXPORTATIONS PAR ARTICLES DE 1926 A 1933
(EXPRIMkE EN KILOS)
Articles principaux
Bananes ................
Cacao ...................
Cafe ....................
Coton ...................
Tourteaux de grains de coton
Peaux de ch&vres .........
M iel ....................
Bois de Camp&che .........
M6lasse ..................
Ananas ..................
Sisal ...................
Sucre ...................
1926-1931
1.116
1.765.943
31.802.740
4.675.990
5.900.693
221.180
577.253
27.997.433
3.556.867
155.991
285.172
9.758.153
1931-1932
26.453
791.767
23.204.896
6.308.335
6.156.738
133.302
566.057
12.085.025
13.517.941
218.081
2.788.614
20.106.453
1932-1933
33.014
919.665
41.745.766
5.846.483
6.962.195
133.489
532.666
14.129.175
4.577.699
624.818
3.737.057
24.648.573
TABLEAU No VI
POURCENTAGE DES VALEURS EXPORTfES PAR PAYS DE DESTINATION
DE 1926 A 1933 1
Pays de destination
France ..................
Grande-Bretagne .........
Etats-Unis ...............
Belgique .................
Danemark ...............
Allemagne ...............
Italie ....................
Autres pays .............
1926-1931
50, 62,%
5,20
8,21
6,41
7,80
5,18.
7,06
9,52
100
Moyenne
1931-1932
44,63%
12,88
8,10
8,96.
9,07 s
3,23 x
10,43
2,70
100
1932-1933
54,18%
11,48
6,26 *
7,43*
8,22 .
1,20
6,44*
4,69
100
- 75-
sucre s'accrottre dans des conditions notables. II 6tait,
en 1932-1933, de 24.801.170 kg. representant une
valeur de 2.221.629 gourdes, soit 4,75% du total.
II n'existe en effet qu'une seule central sucriere
travaillant pour l'exportation et elle rencontre des
difficulties A augmenter sa production.
La production et 1'exportation de la pite se sont
consid6rablement accrues au course de ces derni6res
annies mais il paratt qu'elles sont 6troitement condj-
tionn6es par le niveau des prix pratiqu6s sur le march
mondial.
Les exportations de bois de campache diminuent
d'importance chaque ann6e, et le restant des expor-
tations est constitute de products varies parmi lesquels
on peut 6numbrer : les conserves d'ananas, les peaux
de ch6vres, le cacao et le miel. Les bananes ne figu-
rent pas encore parmi les articles d'exportation, mais
il faut s'attendre_ les voir rapidement prendre une
grande importance. Le principal obstacle a leur envoi
A l'6tranger residait dans les difficulties de transport,
mais des Compagnies de navigation ont mis en service
des navires sp6cialement am6nag6s entire Haiti et
New-York, don't le march se fournira bient6t en
grande parties de bananes haltiennes. En effet, un
puissante compagnie am6ricaine, la Standard Fruit
Cy., a pass avec le Gouvernement un contract qui lui
assure le monopole du transport des bananes, moyen-
- 76 -
nant un systeme d'avances A la production. De ce
fait, la production augmente chaque jour et l'on pr6voit
qu'A la fin de cette annke on pourra exporter plus
d'un million de regimes par an.
Une telle sorte de contract m6riterait d'etre gen6ra-
lisbe pour d'autres cultures exportables, etant donn6
les conditions existant en Haiti oi la culture se trouve
entire les mains de paysans sans technique et sans
capital. Une telle m6thode permettrait sans doute
aux proudits haltiens, de tres belle quality original,
mais sans preparation rationnelle, de soutenir victo-
rieusement la concurrence sur le march international.
La plus grande parties du commerce haitien d'ex-
portation se fait avec six pays qui sont, par ordre
d'importance : la France, le Royaume Uni de Grande-
Bretagne, le Danemark, la Belgique, lI'talie et les
Etats-Unis, qui achitent ensemble environ 95% des
products du pays.
La France est, comme elle a toujours Wte, le principal
client de la R6publique d'Haiti. C'est ainsi qu'au
course de l'exercice 1932-1933, plus de 54 % des expor-
tations ont Wt6 faites A destination de notre pays.
Elles consistent principalement en cafe, qui jouit
sur notre march d'une pr6f6rence marquee, A tel
- 77 -
point que la France a achete 65 % de la recolte de
l'ann6e derniere. Nous faisons aussi des achats impor-
tants de coton, de bois de campeche, de miel et de pelu-
res d'oranges ambres, et de quelques autres products.
L'Angleterre achete pros de 12 % de la production
haltienne et se place ainsi au second rang des pays
d'exportations. Elle s'y fournit surtout en coton, en
tourteaux de grandes de coton, en sucre et en conser-
ves d'ananas, mais il est a remarquer qu'elle ne
consomme pour ainsi dire pas du tout de caf6 haitien.
A 1'inverse, le Danemark qui vient en troisieme, se
fournit tres abondamment de cafe en Haiti, c'est
mdme presque lM le seul produit qu'elle en imported.
Les transactions commercials sont cependant assez
consid6rables entire les deux pays en raison de l'exis-
tence de grosses maisons de commerce danoises en
Haiti.
Les autres consommateurs de denrees haltiennes
sont, par ordre d'importance : la Belgique, 1'Italie, les
Etats-Unis qui, en d6pit de leur proximity et des
nombreux int6rets qu'ils ont dans le pays, n'occupent
que le sixieme rang, I'Espagne et les Pays-Bas. Le
commerce avec l'Allemagne qui, pendant un temps,
6tait assez important est aujourd'hui tomb6 & un
niveau tr&s bas. D'autre part, certain pays qui ont
un chiffre de ventes assez Mlev6 dans le pays, come
le V6n6zu6la, la R6publique Dominicaine et le Nippon
n'y achetent cependant rien en change.
CHAPITRE III
COMMERCE D'IMPORTATION
La quality du sol, la varikt6 du climate qui s'appa-
rente, suivant les regions au tropical ou au temp&r6,
et I'abondance de la main-d'teuvre pourraient per-
mettre A la R6publique d'Haiti de produire elle-meme
une grande parties des products qui lui sont necessaires.
II n'en est rien cependant, et elle depend de l'6tranger,
meme pour de nombreux articles de premiere n6cessit6.
Ce qualificatif pourrait laisser supposed que les qualities
qui en sont import6es varient peu d'une annie A
l'autre. Mais la n6cessit6 est un mot qui n'a pas, en
Haiti, la valeur que nous lui donnons en Europe. Les
achats ne sont pas conditionn6s par le besoin qui s'en
faisait sentir, mais bien par la quantity d'argent don't
disposent les acheteurs. Comme l'4pargne est une
vertu inconnue dans le pays, le pouvoir d'achat de
la masse populaire, qui constitute la clientele impor-
tante, est essentiellement function du volume et du
- 79 -
TABLEAU No VII
VALIUR DES IMPORTATIONS PAR ARTICLES DE 1926 A 1933
(EN GOURDES)
Articles
Outillage agricole
Livres et imprimis
Ciment
Products chimiques et phar-
maceutiques
Coton (autrement qu'en
tissus)
Fibres et legumes
Aliments: poisson
famine
viande
riz
autres aliments
Ustensiles de mason
Fers et aciers
Liqueurs et boissons
Automobiles: de tourism
camions
Huiles min6rales: essence
p6trole
Autres huiles mindrales
Chaussures
Soie (autrement qu'en tissus)
Savon
Tissus de coton
d'autre sorte
Tabac
Laine autrement qu'en tissus
Autres products
moyenne de
1926-1931
561.758
319.717
708.521
961.562
3.341.450
1.133.803
3.276.411
10.987.422
1.262.670
1.704.546
6.135.900
1.080.639
3.615.690
307.544
1.007.712
1.579.319
1.547.757
521.839
2.319.923
1.236.788
782.138
921.824
203.099
2.981.036
14.364.675
756.300
226.481
226.701
11.582.119
1931-1932 1932-1933
286.505
114.037
247.886
350.337
357.361
319.799
616.200 771.665
2.018.486
512.647
1.334.658
4.965.715
652.887
571.909
3.083.617
591.255
1.309.124
137.173
479.013
649.840
523.700
108.004
1.259.334
931.579
564.486
366.013
119.950
1.535.154
7.966.543
347.172
19.213
145.506
5.847.945
1.856.518
651.924
1.487.469
2.866.115
578.316
313.251
2.625.205
758.626
1.328.208
126.095
484.254
712.167
888.066
169.200
1.167.388
917.772
411.040
330.574
120.465
1.339.468
10.278.600
304.425
21.021
125.121
6.682.493
37.305.551 38.333.943
Total 75.655.444
- 80 -
prix des exportations. Aussi un parall61lisme assez
constant peut-il s'observer entire la courbe des expor-
tations et celle des importations. C'est ainsi que I'aug-
mentation des valeurs export6es au course de l'exercice
1932-1933 a provoqu6 une 616vation des importa-
tions, et si celle-ci n'a pas atteint les memes propor-
tions que la premiere, il faut en attribuer la raison
au retard qui se constate toujours en pareille matiere.
Les tissus et les articles d'alimentation repr6sen-
tent A eux seuls plus de la moiti6 des articles imports.
Les achats de tissus portent principalement sur des
cotonnades en pieces, don't le people s'habille exclusi-
vement. Au course de l'exercice 1932-1933, il en a Wte
imports 3.359.265 kg., soit une augmentation de
952.075 kg. ou 39,7 % par rapport A l'ann6e pr6c6dente
au course de laquelle les demands s'6taient ressenties
de l'effet de la crise.
A l'inverse, la proportion des articles d'alimen-
tation imports pendant la meme p6riode est en
regression sur celle de l'exercice pr6c6dent. La farine
et les poissons ont toujours Wte parmi les principaux
articles imports. Cependant les eaux haitiennes
abondent en poissons de toutes sortes et d'excellente
quality, et la production locale de 16gumes et de c6r6a-
les pourrait, dans une large measure, supplier aux
besoins du pays. C'est en parties pour determiner une
augmentation de la production locale que les droits
- 81-
d'entr6e sur les farines ont Wte r6cemment 6lev6s.
Aussi les importations de farine ont-elles diminu6
au course de l'exercice 1932-1933 de 43,1 % en quantity
et de 42,44 % en valeur.
Le troisieme group important des importations
est constitu6 par les expeditions d'essence pour auto-
mobiles, de p6trole, principalement utilise pour l'6clai-
rage et d'autres huiles minerales. Les quantities
import6es suivent une progression qui est en grande
parties liee a l'intensification du traffic automobile
rendu possible par l'entretien et l'amelioration des
routes existantes et A la construction de voies nou-
velles.
Bien que du savon soit fabriqu6 a Haiti, la plus
grande parties des besoins domestiques sont satisfaits
par les importations. Mais il est vraisemblable qu'elles
diminueront A l'avenir car, ind6pendamment des
bonnes possibilities de d6veloppement donnees par la
nature, le taux Olev6 des droits d'importation, qui
atteignent 50% ad valorem, offrent une ample pro-
tection A l'industrie national.
Enfin, le restant des importations est constitu6
par des materiaux de construction (articles en fer et
en acier, bois de construction, ciment ...), des automo-
biles et des camions, des articles manufactures, des
products chimiques, des vins et liqueurs don't il semble
que l'importance doive s'accroftre a la suite de I'ave-
Houzel 6
- 82 -
nant A l'accord commercial franco-haitien, des livres
et divers products de moindre importance.
**
Leur presence dans le pays, la proximity des deux
Etats et la facility des communications qui les unis-
sent ent fait des Etats-Unis d'Am6rique, le principal
fournisseur de la R6publique d'Haiti. Cependant
cette situation prepond&rante ne date que de la guerre
et peut-etre aussi le tarif douanier de 1926, 6tabli
sous leur administration, a-t-il reserv6 un sort privi-
16gi6 aux denrees americaines. Au course de l'ann6e
fiscal 1932-1933, il a kt6 imported des Etats-Unis
pour 23.850.935 gourdes de marchandises, soit 62,2%
du total import. Mais il faut remarquer que le volume
des importations americaines diminue de fagon cons-
tante, qu'il repr6sentait 86,6 % du total au course de la
p6riode de 1916-1921, 78,8 % au course de la periode
1921-1926, 72,6% au course des annees 1926-1931,
et 67,6% en 1931-1932 avant de tomber a 62,22%
en 1932-1933. La raison de ce movement retro-
grade doit etre sans doute cherch6e autant dans une
meilleure organisation commercial des nations euro-
peennes de nouveau en paix, que dans le retour
d'Haiti A ses gouits traditionnels qui l'attachent A
l'Europe plus qu'A I'Amerique.
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TABLEAU No VIII
POURCENTAGE DES VALEURS IMPORTAES PAR PAYS D'ORIGINE
DE 1926 A 1933
Pays d'origine
France ..................
Grande-Bretagne .........
Etats-Unis ...............
Belgique .................
Curagao .................
Allemagne ...............
Nippon .................
Hollande ................
Autres pays .............
moyenne
1926-1931
7,03%
6, 50 )
72, 60 ,
0,78 ,
1,57 ))
4,39 ))
0,13 ,
2,47
4,53 )
100
1931-1932 1932-1933
5,87% 5,75%
9,20 12,70 )
67, 58 )) 62, 22 ))
0,99 1,40
1,06 1,96
4,20 4,87 b
0,40 3, 02 D
3,50 2,64 )
7, 20 5, 44 v
L'Angleterre occupe le second rang des pays impor-
tateurs, et la part qu'elle prend au commerce d'impor-
tation s'est 6lev6e en 1932-1933 A 12,7%, centre 9,2%
I'ann6e pr6c6dente. Les principaux products qu'elle
fournit A Haiti sont les tissus et les savons. La France
alimente le pays en vins, en liqueurs, en products
pharmaceutiques et de parfumerie. Son commerce
repr6sente environ 5,9 % du total, il 6tait rest A peu
pr6s stationnaire depuis la guerre., mais l'on peut
penser que les r6cents accords commerciaux conclus
entire les deux pays lui donneront un essor nouveau.
L'Allemagne enfin est le plus gros fournisseur de
ciment et tient 6galement une place important dans
le commerce du fer et de I'acier.
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