Citation
Le Bassin Général,

Material Information

Title:
Le Bassin Général, ses canaux et ses annexes
Creator:
Nau, Eugène
Place of Publication:
Port-au-Prince
Publisher:
E. Robin
Publication Date:
Language:
French
Physical Description:
41 p. : ; 22 cm.

Subjects

Subjects / Keywords:
Irrigation -- Haiti ( lcsh )

Record Information

Source Institution:
University of Florida
Rights Management:
All applicable rights reserved by the source institution and holding location.
Resource Identifier:
001501670 ( ALEPH )
21391162 ( OCLC )
AHB4437 ( NOTIS )

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LE


BA bSI GMN1RAL

SES

CANAUX ET SES ANNEXES

PAR


EUGENE NAU.


___















DEDICACE.



Je dedie cet opuscule a plusieurs personnel a
la fois. Je le dedie d'abord h son Excellence Louis
ETIENKNE FlLICITE LYSIUs SALOMON jeune, Pre-
sident d'HEiti, a Monsieur EVARISTE LAROCHE,
Secretaire d'Etat de 1'Interieur et de 1'Agricul-
tur, sous les auspices de qui j'ai enfiri ;russi,
apres deum annees d'attente, a le fire publier.
J'aime a reconnaitre ici publiquement que, sans
leur precieux concours,il n'aurait jamais vu' lejour.
1 serait partant, comme mon HISTOIRE DU CUL-
DE-SAC, comme mon PARLEMENTARISME et tant d'au-
tres manuscrits, rested inedit jusqu'au jour prochain
oi ma mnort, en les rendant posthumes, ne pourrait
que me promettre des honneurs posthumes come
eux, si jamais il pouvait naturellement en resulter
pour moi.
Pourquoi le dissimuler plus longtemps, je n'aime
pas trop ces sorts d'ovatiODS POST-MORTEM, et si j'ei
etais vraiment digne, je serais assez d'avis d'en gof-
ter avant de quitter ce monde de fange. Ce serait
autant de gagne, je crois, sur note boue originelle;
et d'ailleurs la-dessus; je partage bien l'avis de B&-








ranger, quand il proclame en face de la France eia
tire, et pour que personnel n'en ignore:
Et quant aux fleurs qu'on promet i ma bire,
Mieux vant, je crois, les respirer vivant.
Je dedie ensuite cet opuscule aux manes sacrees
de mon pere Jean Pierre Auguste Nan, et a cel-
les aussi des premiers travailleurs de Digneron, qui
ont la plupart quitt_ ce monde bien longtemps
avant lui, mais qui, dans cette lutte agricole pour
l'existence, furent ses collaborateurs les plus infati-
gables. Ils meritent bien, helas! cette tardive dedicace,
parce que; sans leur laborieuse et active participation,
sans leurs bras vigoureux, don't mon p6re fut la t&-
te, et qui faisaient de l'entrepreneur et de ses intel-
ligents ouvriers, une puissante briarde, l'oeuvre a la-
quelle ils coop6raient tous de bonne foi et ensem-
ble, aurait sans nul doute avorte come tant d'au-
tres industries caduques de cettc lointaine epoque,
et n'aurait pas finalement emerge du neant sous la
forme gracieuse d'une sucrerie prospere, livrant a la
consbmmation et au commerce du pays, ses sucres,
ses sirops et ses tafias, les premiers, remarquez-le,
que produisait la plaine du Cul-de-Sac, des qu'elle
efit secou les couches de ruines et de cendres don't
son large sein etait partout covert, et qui, vu de
loin, ressemblait alors beaucoup h un vaste cratere
de volcano eteint, hier encore, en complete eruption.
Quoi! diront les aristarquesqui fourmillent ici com-
me partout ailleurs, vous avez la fureur des dedica-
ces. Vous oubliez trop vite ce qu'en pensaient d'an-
ciens critiques les plus comp6tents dans la matiere.,
Boiste entire autres, flagellait les dedicateurs de son
temps par ces mots: ( Vous aurez beau dedicacer,









o votre livre n'en sera pas mieux accucilli, s'il ne
( vaut rien )) Ce m6me lexicographe ajoute encore
que, ( 1'inventeur d'une dedicace ne put etre qu'un
( mendiant. ) En. voila d6ja assez, je crois, pour de-
courager a tout iamais les faiseurs de d6dicaces moins
persevdrants que moi. Mais helas nous ne sonunes
pas encore a bout de nos miseres.
Voici venir h son tour C6lnet, I'aimable. Colnet
proclan-ant sur les toits :
Qu'aux ycux d'un sob vulgaire., un habit en impose,
qui nous montre aussi les dents, et qui s'ecrie en
colere:
Un bon habit, je crois, vaut une dddicace.
Ce vers est plus mdchant qu'il n'en a 'air. Il res-
semble a la morsure du rat, qui fait beaucoup moins
souffrir, parce que cet animal sait mordre et souf-
fler en memie temps.
Teli-'cst pas Boileau, Fhomme aux satires mordan-
tes, qui vous tape rudement sur l'echine. Ce cdlebre ver-
sificateur n'etait pas riche, tant s'en. faut, et avec cela
ne tenait pas beaucoup l'habit, puisqu'il partageait
'opinion commune que L'IIAP"' NE FAIT PAS LE. MOINE.
Bien que probablement il possedat un habit com-
me tout le monde, il n'auraitjamais fait come B6-
ranger qui. s'amusait a chansonner ce meuble a queue
de more, et a le brosser lui-meme, a cette epo-
que surtout oA la grande perruque poudre cou-
vrait le chef de nos grands homes, ce qui etait
parfois passablement malpropre, quand on negli-
geait 1'utile precaution, de se servir de la brosse du
iiatin au soir, Boileau au lieu d'epousseter son habit,










'aimusait a nous rudoyer. de la bonne faion. Ecoul
tons-le :
AUSSITOT TU VERRAS POeTES OATEURS,
DE TES TITRES POMPEUX ENFLER LEURS DEDICACES.
Eh bien, soit! Tout bien considered, quoi qu'on enm
pense, et quoi qu'on en dise, je tiens MORDICUS a d-
dicacer mon livre, en depit de Boileau et de sa docte
cabale. Oui, il faut une dedicace a mon livre com-
me ii faut le bapt6nme a 1'enfant qui vient de naitre.
Senlemcnt l'usage catholique n'admet qu'un parrin.
pour ce dernier, sans distinction de sexe ni d'autres
qualities futures. Aussi, Napoleon 1" cut un seulparrain
comme le plus vulgaire des cretins. Mais, quand l'en-
fant est un livre, oh! alors'ca change de game.
Un livre, attention ne plaisantez pas avec Ie ser-
vice. L'enfant qu'on baptise, est-il certain un jour.de
pouvoir. fire un livre, de ces livres surtout qui vous
lancent comme un f'tu leurs auteurs glorieux jus-.
qu'a la post6rit4 la plus reculde, jusqu'aux astres loin-
tains qui bordent 1'Empyree : sic rrUR AD ASTRA! C'est
sans doute a cause de l'etrangete et de I'importan-
ce de la chose qu'on permit aux livres plusieurs par-
rains a la fois. Ce sont des protecteurs que I'auteur en-
role sous sa banniere. Mecene semait en terre ferti-
le, quand il protegeait Virgile, Horace, et tous les
grands auteurs de son temps. Aussi, grace a eux, son
nom glorieux,est arrive jusqu'a nous. Fouquet aproteg6
Lafontaine, et seul, ce fabuliste reconnaissant a chan-
t6 en beaux vers les malheurs de ce grand intendant,
quand il devint la victim du Roi-Soleil et de qui,
comme l'astre du jour, son eclatant patron, on ne pou-
vait pas tonujours dire: LUCET OMNIBUS, puisque ses ray-
ons etaient presque tous absorbs par ses seuls comr-.
tisans de Versailles.






V

Depuis l'antiquit iusqu'h nos jours, il est done ad-
mis dans toutes les soci6tes policies; qu'un livre,bon ou
mauvais, kcrit en prose ou en vers, qu'il traite de
n'importe quoi, doit &tre patronne par un on plusieurs
Mecenes : cet usage me convient on ne pent plus,
aussi je l'accepte on ne pent mieux : HONNI sorry QUI
MAL Y PENSE.
Si mon opuscule n'avait.que moi pour le ddfendre,
moi, :'insouciant par excellence, it n'aurait pas de
longsjours a vivre. MArme avant de paraitre, la ques-
tion d'argent I'ent etouil dans l'ceuf. Mais aujourd'hui,
fort < l'appui de sesparrains, dans ce monde-ci, corri-
me dans l'autre,il pourra, semblable a une here vi-
vace, et avant de mourir, VOIR DEUX FOIS, au dire de
Victor Hugo, LE SOLEIL DE L'AMOUR DORER D'UN FEU
PUR LE NUAGE ERRANT DE LA VIE.
Or, puisqu'il faut une dedicace a mon opuscule,
elle revient de droit aux personnages marquants don't
j'ai parld plus haut, t la qui je l'offre du plus pro-
fond de mon cceur.
11 taut qu'on sache une fois pour toutes, que de-
puis enhancee j'ai eprouve une giande sympathie pour
ces homes utiles du- passe, que mon pere m'avait
appris a estimer, parce qu'il me les d6signait tou-
jours comme les sauveurs de notre agriculture nais-
sante.
SLes voyez-vous, r6p6tait-il solvent, 1'air affaire, les
( bras nus et les jambes retroussees, ailer allegrement
( aujardin et aux usines pour gagner leur vie a la sueur
a de leur front.. Eh hien! si tous les haitiens fai-
K saient come eux, et ne couraient pas encom-
Y brer nos villes, comme ils en ont pris I'habitu-
v de depuis quelques annees, nous aurionsdonnd ua
C flagrant dementi a tous ces ddtracteurs qui, mus






VI
< pnr une aveugle haine, pretendent aujourd'huk
< que nous ne sommes pas dignes de la liberty et
< de I'independarice que nous avions conquises.
a Ces ancienl soldats se disaient, apres la guerre,
Sle moment est arrive pour deposer nos armes, et
S(pour reprendre nos beaches; car ii faut absolument
< travailler- pour nous nourrir, et pour vendre au
a commerce lesurplus de nos vivres et de nos degrees.
Aussi, alors, le sucre, le rhum, le cafe, le coton
< et le tabac s'offraient aux negociants sur nos warfs,
a la satisfaction de tout le monde. Sous leurs pio-
< ches in fatigables, cendres et ruines se transformaient
< comnie par miracle en verts paturages et en jardins
a precieux, qui donnaient, a cette epoque, unesi gran-
c de valeur a nos campagnessplendides de verdure,
Set ch et la couvertes d'usincs en exploitation.
t Flanqude de vastes dep6ts remplis de toutes sortes
ade denrdes, Haili allait bientbo fire oublier Saint-
aDomingue x.Mais, il se tut, car il etait suffoque
d'emotion.
La voix de ce vietran n'a pas trouve d'dcho dans
le cceur de la jeune gdndration que la liberty et 1'd-
galite venaient de faire eclore. En effet, ils accouru-
rent tous dans nos villes, dbs la rdussite de la Re-
volution de 43, les ffemmes pour fire montre de
leur gentillesse, ei les hommes pour jouir d'une fa-
tale licence. Ainsi dbnc, les fils amollis par les ddli-
ces de Capoue ne valaient ddjh plus leurs peres. Com-
me les anciens aristocrats qu'ils avaient chasses de
cetj terree de feu, leurs rejefons degeperes voulurent
consoipmer sans produire, faire les fringants au
pres de nos belles, bailler aux corneilles, et atten-
dre sanscesse, en maugreant encore, que les perdreaux
tout r6tis vinssent leur tombei dans la bouche. Le
luxe et la paresse, maudits par les aleux, sont deve-





1
VII
nus chers a leurs descendants. Ceux-c. se croiraient dd-
chus et ridicules, s'ils savaient come eux so battle
pourla liberty, et une foisdevenus librcs, s'i;ts avaient
comme eux, le triple courage.de reprendre leurs h -
ches, et d'dtre aussi a'borieux cultivateurs qu'ils a-
vaient etd d'intrepides soldats. Honneur A ces braves,
et que ce souvenir et cetti justice tardive, venus d'un
cceur simple, briltent spr leurs tombes delaiss&es com-
me les der:ers rayons d'un beau soleil d'dd Om-
bres ch6ri.es, permettez-mnoi de paraphraser a' votre,
glolre ces veis d'un poete frangais :
Com,me un dernier rayon, come un dernier z6phire
Anime la fin d'un beau jour,
AuprBs de vos tombeanx j'essaie encore nma lyre,
Pour mieux vous f6ter a mon tour.


















LE BASSIN-G]NE RAL

AVANT, PENDANT ET APRES.





Qqand les colons avaienapay6 24 millions de francs d'aujonrd'hut
pour faire construire an bassin de distribution des eaux en amount
de la Grande-Rivibre, ils se readaient bien compete de la valeur in-
commensurable de ce liquid, pour l'industrie agricole qui avait faith
la richesse de St-Domingue. Ils se disaient: si les mines d'or de la
parties de 1'Est avaient jadis combl6 1'Espagne de leurs pr6cieux
products, et em.belli Madrid de chateaux fieriques, nous vonlons,
nous aussi, grace.h nos sucres, nos cafes et notre indigo, enrichir
notre belle France, et devenir nous-memes des nabads aussi con-
sid6res que ceux de l'Inde. Il raisonuaient d'or et dAjh an senil de
89, leur colonie bien exploit6e avait acquis de la c61lbritO dans
le monde entier. De simple boucanniers, d'intr6pides flibustiers
qu'ils etaient an d6but, desolant les premiers 4tablissements mini-
ers du golfe du Mexique, volant h leurs voisins leurs peaux et leurs
tabacs, poussant leur hardiesse jusqu'au sein de l'Atlantique, oti
ils capturaient des caravelles charges de toutes sortes d~ marchan-
dises. qu'ils venaient catcher a ]a Tortue et dans tons les ports
voisins, ils etaient devenus la terreur du commerce et de la ma
rine r6gulibre. Enfin, changeant de tactique, grace aussi h Ri-
chelieu et aux hommes marquants de la France a cette lo.n-
taine 6poqne, ils avaient pass de ce rl6e indigne A celai d(
paisibles cultivateurs, apres avoir pris a. 1'Espagne a1 mpiti6 di








- 11 -


St-Domingue. Puis, doublant les capilaux qu'ils reoevai ent alors
de la Mfre-Patrie, et la fertility de la partic de notre Antille qu'ils
avaient conquise, de 1'esclavage, force immense alors, ils avaient
fini par couronner.leunr civre gigantesque, par. na trait solennel,
avec lenrs voisins, et par acquerir. ainsi de haute. lutte le titre
et les honneurs pompeux de princes colons.
Eh bien, voici des homes qui, disposant d'un puissant levier
et d'un solide point d'appui, n'ont pas remne le mpnde, A la
facon d'Archim6de, miais qui, par leur courage et le travail agri-.
cole, out pourtant .russi i se tailler daus le bloc de l'AmB-
rique, luttant pour l'existence, une. place tellem.ent grande ct
prospere, qu'elle avait d6crass6 ces vilaius, ct avait fait de ces
epaves de 1'Europe, des millionaires et des princes, rivalisant
de cousideration et dejouissances. avec ceux des pays de l'ancien
monde, d'oI la misere et le d6sespoir. les avaient impiloyable-.
blement chassis.
Ce fait 6norme. etait i peine accompli, que les nobles families,
du 17eme sickle concurent aussit6t, jo le suppose bien gratuite-
ment peut-6tre,. 1'idte de se debarrasser de leurs cadets, qui n'a-
vaient ni sou ni maille, .au profit de cette nouvelle patrie, et
rien que pour les empecher de devenir un jour des Mirabeaux
genants pour les totes coaroanees d'alors, qui se, pr6lassaient dans
leurn omnipotence divine. Its appelaient probablement ces enfants
prodigies et leur disaient sans sourciller ces paroles hypoth6-
liques, bien entendu ; Allez sur ces plages riches mais loin-
taines vous faire d6vorer par la fievre, jaunn on par la peste,
m mais si vous triomphez de ces deux obstacles, r6ussissez, avapt
e de revenir, h vous faire baptiser princes par la vertu de l'or
c qn'on recueille, dit-on, au sein de ces Antilles, oh Dieu a ju-
o g6 h propos d'enfouJr les richesses les plus enviables de la ter-
, re. Ces tr6sors sont setlement gardes par une hydre plus terri-
, rible que celle de la Grace d'nutrefois elles'appelle le soleil
, des tropiques, et ses rayons 6clatants ont pour. venin 1'inso-
a solution. ) Les. larmes aux yeux, ces proscrits de sang noble,
s'exilaient volontairement St Domingue, i 1a Martinique, on a la
Guadeloupe; et si beaucoup d'entreux succonmbrent sous la
dent de 1'hydre que. Montezuma appelait le dieu du Mexique, pln-
sicurs autres plus chanceux revinrent en France, aussi riches,
que les Nabads de 1'Inde, et princes colons par dessus le mar-,
ch6, moins glorieux pour. leur propre compete que pour la grande,
illustration qu'ils avaient procur6e pour toujours A leurs arriere.
neveux,








2--

Ce n'est pas nn rAve que je fqis 14 les yeux ouverts, c'est de.
1'histoire que je vous raconte, mes amis, et de la bone~ digne
d'etre, imit6e par tons les peuples, quelle que soit leur origine, qui
se tronvent places dans les mrqAes circonstances. Nlous' n'avons
pas les capitaux d'une mere-patrie, ni cette 1lpre humane con-
nue sons le nom d'esclavage, c'est vrai; ces deux atouts nous
manquent, et, malgr6 cela, notre jen doit sfrement nous fair.
gagner. Anjourd'hui St-Domingue est devenu Haiti, grace h Des-
salines et A nos peres, cette Antille si riche nous appartient. Non.
seulement nous l'ayions conquise en 1804, mais depnis 1825 et
i838, no.s i'avoas ach.et6e. Qui nous empkche done de la cul-
tiver convenablenent nons-nmmes, n'ayant pas peur de l'hydre
colonial, reconnue Dien par Montezuma, et aui nous endort au
lieu de nous tuer, quand sur nons elle darde ses rayons les plus
chards, nkais d6pouill6s de tont venin g6ndralement quelconque.
Si sa chaleur nous rend.dlords, elle fait toujours prosp6rer nos-
cannes, nos cafiers, nos cotonniers, et tous les arbres et les v6g6-
tanx qui font notre fortune, Nons pouvons done travailler nos
terres sans danger. N'oubliez pas que le travail, quand if est sobre
et assidu, pent se passer jusqu'a un certain point d.3 capitaux-
N'oubliez pas qu'avec une bonne conduite, nous mariant jeunes,
pour mieux yviter lea jeux du hasard, les bamboches et le liber-
tinage, le travail bien calcul6 doit nous procurer quelques 6par-
gnes, doli l'accum.ulation done naissance aux capitaux avec la
paix et le temps. Ayanf cette conviction bien. sentie, nous pour-
rons done nous mettre a 1'oenvre, c'est la seul qu'on connait l'ou-
vrier. Cepedlant, e. perdons pus notre temps a bailler aux cor-
peilles, car les Anglais, qui out plus d'exp6rience que nous dans
la matiere disent avec raison : TIME IS MONEY. EP agissant ain-
si avec beaucoup de raison et de sagesse, si nous ne devenons.
pas princes, a qnpi bon, uous avons an moins la chance de con-
qu6rir avec la beche, service par notre intelligence, de I'aisancc
d'abord, et qui sait,ipeut-ftre, de la richesse ensuite. D'ailleurs,
en prospkrant par notre travail et a la sueur de notre front, 6vi-
vitant les charges publiques, et le tripotage d'un commerce illi-.
qite, nous serons.fiers de nous-m6mes, et surtout dignes du res-
pect et de l'estime des peuple qni nous frNquentent. Le bon La-
F6ntaine, ce vicillard-pogte, qui n'ajamais menti, nous l'adja' dit,.
4ans nne de ses fables inimitables, le labojreur et ses enfants.:,

TRAVAILLEZ, PRENEZ DE LA PEINE,
C'EST LE FOND QUI MANQUE LE MOINS.









Et, plus bas, cet inconmparable fabuliste pi'oclame cetit mo-
hile, qui ferait envie an plus savant des philosophes de l'anti-
quite :
MAIS LE PERE frUT SAGE
DE LEUR MONTER AVANT SA MORT
QUhi LR TRAVAIL EST UN TRESOR.
Durant mon sdjour a Paris j'assistai une fois h une dance de la
Chambre.C'6tait le bean temps des orateurs Dupin, Lamnartine, Madt
guin, Odillon Barrot, et Lediu-Rollin aussi, si ma m6tmoire no me
fait pas ddfaut, an point de mefaire prendre le Pirde pour uri nom
d'homme, et la CanBe pour un noni de fenline. On y discdtait ud
prqjet de loi sur les laisses des fleuves dt des rivibres, apres chaque
d6bordement, laisses qu'ou voulait fair entrer daus le domain,
contrairement B l'tisage usit6 er pareil cas. C'est une chose
i pen pres semblable mais je i'affirme ried. Ce project de loi, je
m'en souviens, l1sait les intiefts dd beaucoup de grarids proprid-
taires, parmni lesquels on comptait bon nonubre de, d6putes en-
gag6s daus ce tournoi parlemnentaire. I ii'y a rien comme I'in-
teret personnel pour passionner de tels debats, quaind il se voit
A la ,veille d'dtre 6vince. De partout on jetait la pierre an Mi-
nistre qui patronait cet cmpi&tomont coitraire aux ayants-droit
C'etait des cris, des vocif6ratiots, des interruptidas bruyantes a
fair crouler iine salle qui n'anrait pas suffisamment dc soliditd.L'o-
rage, grondauth la tribune, avait atteint sonparoxysmo dans l'h6mi-
cycle oh s'agitaientcomme despossedes, trois cents d6putes environ,
detelle sort qu'on ne voyait plus come dats les s6aices ordinaires,
ces legislateurs du centre, qui so pr6paraieut si brityanirrieit A don-
ner leurs votes centre le cabinet, s'amuser a faire des coyotes de
papers, on a rimer des poulets i leurs mailr'esses. Enfin, les
.hoses 6taient an pire'quand le comte Janbert, le plus spiritual
e1 tous ses collogues, s'6lanca r6sotiment a la tribune. 11 y al-
ait assez raremeut; mais, quand il se d6cidait la prendre d'as-
,aut, et a y user du droit d'dnrettre son opinion, il parvenait
;oujours a se fair ecouter avec plaisir. II avait la reputation,
lui u'etait pas usurpee, do semer de sel attique ses petits discours
nodbles du genre. Inutilo d'ajouter que cc jour-lh il fut Bloquent
onmme de costume. Enfin, ii termimia sa petite harangue par ces
)aroles qui firent sensation dans tout 1'ariditoire ; (< Quoi mes-
Ssieurs, c'est inconcevable ; quoi vons prenez feu de cette fa-
: on i propos d'uu r6frigerant Si ce n'dtait pas mot pour
not la phrase qu'il avait prononde ce jour la, jo n'ose pas
affirmerr, c'eu 6tait bien le sons veritable. Mais ce qu'il y eut







'14 -

t~e reel, je le soutiens, cc fut 1'effet produit par ee bon mot. ft
fit rire tout le monde sans excepter le ministry compromise, *et
quand le Francais rit, adiet coleire: Le project de loi avait v6ci
Eh! bien, mni, en venant vou's parler de bassin et d'eau, an
sein d'une guerre civil qui a fait coolerr le sang an Port-au-
Prince et aux Gonaives, je fais comrne le comte Jaubert, d'a-
gr6able m6rnoire, mais je benirais le ciel si ma voix, comme la
sienne, avait la vertu d'eteindre le feu des passions politiques. Mais
bah! on n'est pas de si bonne composition ex Haiti, on quand
on march a l'assaut du pouvoir, oi est sourd aux exhortations
de paix et d'union. Mais qu'importe puisqu'il faut tenter 1'im-
possible, pourquoi ne le ferais.je pas ai mon tour, sans me pre-
occuper le moins du monde du QU'EN DIRA-T-ON, ni de L'AbVIEN-
NE QUE FOURRA, son complement oblige.
Je mets, malgtr le provisoire dans leqitel netts vivons, la ques-
tion de la reparation da bassin general stir le tapis. Ce ii'est
pas pour qU'on s'en occupe totit de Suite, la reprise de tels tra-
vanx n'appartient qu'n uri gouvernement dffinitif. (1) Mais je in
hate d'en parler ici et, dbs maintenant, parce qite je sais com-
bien 1'on est lent it se decider toutes les fois qti'il s'agit
de choses s6rieuses, et meme quand on a pos, les premiers
jalons, ce qu'il en coftte souvent pour contitner. Sons ce rap-
port l'Haitien d6ifie eet adage IL Y A PLACE POUR L'IMPREVU. En effet, que de poses de pier-
res, que de pr6liminaires d'entreprises, qui en sdnt resties 1;
on qni, meme commencees avec ardeur, n'ont donun lieu qu'd
un avortement incomprehensible. Je n'otblierai jamais, que
vingt anndes d'attente s'6coulbrent entire la conception du pro-
jet d'6tablissement do bassin general, et l'instarit tardif de sa
mise en pratique. Certes, je ne pense pas que lious emploie-
rons un si long entr'acte pour si pen de chose qu'il y a a
fire a ce reservoir d'une si grande titilit~, cat le basin n'a
pas Wte detruit. II est bien portant, pattout, except l1 ou
existait le grand batardeau central, qu'il faut absolument
remettie a neuf, en y ajotitant une bonne fois le bout du
canal qni doit relier sur la rive gauche la MARIETTE la
premiere 6cluse de PERNIER. Cette portion du travail de-
vant cofiter beancoup trop, pour 6tre canaliske en mur
plein, nous avons fait voir qu'on y obvierait trbs facilement a

( 1) Ceci avait ret6 crit sous le government provisoire qui avait
remplac6 celui du Gndral B. Canal;










laide de canaux en fonte d'une grande dimension, qi'oh n'aUifit
que la peinc de faire venir de Londres on des Etats-Unis, conl-
me nous l'avons d6ja indique dans notre opuscule. Puis, cela
fait, tout est dit, l'agriculture prospereta dans notre quarter,
et nous comblera de richesses fatutes.
Pour saver tout le Cul-de-Sac, il y aurait faire construire un
bassin ge6neal de distribution dek eaux, an haut de chacune de
nos grades rivieres. La seulement, tout serait a refaire, puisqu'on
ne s'en est jamais occupy depuis I'emancipation. C'est mwme
a cause de l'absence d'un tel bassin, que la riviere blanche fait
tant de deghts dans la grande plaine, t y rend toute culture pro-
fitable et serieuse presque impossible, des qu'arrive l'poque
fatale des inondations. II ne s'agit pourtant que de s'y mettre
avec- courage, et la riviere blanche, trouvant desormais a son en-
tree dans la plaine un frein capable de modtrer son ardeur h
tout rompre, se verrait contrainte alors de rester dans son lit,
et d'etre utile dans tons les temps, come cela avait lieu durant
tout l'ancien regime. Un tel r6sultat n'est pas a dedaigner. II
m6rite enfin la peine qu'on s'en occupe serieusement, or cette
riviere arrose, sachez-le, la portion la plus reellement fertile du
Cul-de-Sac, l oit cent pas carr6s de cannes rendent quarante
milliers de sirop aussi riche en sucre, qu'en ferment alcoolique.
La Riviere-Creuse seule est exceptee de ces d6luges annuels
qui font le desespoir des nombreux riverains de la riviere blan -
che et de la riviere grise (1) Aussi ses eaux toujours claires
sont rarement sales par les limons qui donnent beaucoup de
valeur au contraire aux eaux de ses deux rivals. C'est sans
doute a cause de ce fait strange, que, depuis sons les colons, les
eaux de la Rivibre-Crense out la reputation d'etre trop crues, et par-
tant moins propres a la culture des terres qu'elles arrosent. En par-
tant du petit morne de Jum6court, le Cul-de-Sac a deux pentes
bien prononcees. Anssi la riviere creuse et une autre petite riviere les
PALMISTES CLAIRS aU course intermittent qui vient du Fond-Parisien,
suivant la premiere pente de la Plaine, vont se d6verser dans le
grand bassin de notre Etang SaumAtre. La riviere grise, soumise A
[a second pente, a son embourchure dans la met pres du
Port-au-Prince.. Mais quant i la riviere blanche, qui coule entire

( 1 ) Nous avons dronn le nom de riviere grise i la rividre de notre
canton, pour la distiuguer de touted les autres grades rividres du pays
don't le nombre laisse quelquefois de la confusion dans l'esprit du
leeteiur. -








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ces deux lits extremes, elle auirait port ses ondes laiteuses h la
mer, si an bas dcs derniTres sucreries qu'elle arrose, elle ne dis-
paraissait pas, comnie le idbn'e pres de l'Ecluse, dans de grande
cavites qui gisent a la racine des moines voisins, On pretend qu'a-
pres un circuit sbuterrain, ce sont ces memes eaux de la riviere
disparue, qui reparaisseut pour donner niaissance, i la I ource de
TROU-CAiMAN, ainsi qiu'~ cell de BOUCAN-BROU qui rase les der-
niers contie-forts du M ORNE-A-CABRIT, just l1a oi passe LE CHE-
MIN QUI MiNE DE LA CROIX-DES-BOUQUETS AU MIREBALAIS.
Cette ddnble pente de la ilaine a jadis empeche les colons
qui l'habitaient d'y faire cretier titi canal qui devait ielier si pro-
filablement pour etlx notre lac b la mer, distant de sept lieues 1'un
de l'autre. Co travail ledr nianqua, et ne put Utre rcmplacd par
rien de pareil, i cette epoque arrierde oh les chemins dd fer n'a-
vaient pas encore Wt6 d6converts. Pour la mnie raisoi, ils furent
aussi contraints, i ot ils rie disposaient pas d'une petite quel-
tonque, do fire construire, pour mioudre leurs canes i sucre,
de moulins it betes ott a verit. IDas ces endroitd pdurtant, ils au-
raient prefer avoir potur moteur. la riiachine h vapetr, ou la Tur-
bine dejFdurneyrdn, si l'tile dt 1'aitre lie dormai&nt pas malheu-
reusement eicdre sods les brotiillards d'un Idintairl avenir;
Avant de terniner cet avant-prdpos, nidis li'avous qu'dti son-
hait A fire paor le salut de ndtre basin, dorit le batardean avait
Wte d6truit dans la niit du 3 an 4 Septenibre 1878. Nous d6sirons
qu'il soit ripare pendant la secheresse qui doit n6cesairement arri-
ver du mois de D6cecnbre de cet(e arinde au mois d'avril 1880. Ces
quatre mois suffisent ainplemerit A parfaire cette reparation, surtout
sil'on peut reunir d'avance sur les lieux tons les niatiriaux nicessai-
ies, c'est-h-dire du ciment, des briques et des landes de fer,
bar tout le rest se triovera dans les environs, les pierres it tail-
ler, la chaux hydraulique, et meme les meilleurs paves, si on peut
pl avoir besoii, pour cd solider le fond de la cuve cycloidale.
Tout cela pourra coUter de 30 & 40 mille piastres an niaximuri,
qui ne sont pas difficiles se procurer dans ce but.
Enfin, quanid l'ieure d'agir aura sonne, je redoute encore la
paresse on la nonchalance qui nous caracterise. Cette tendance
innee et malheureuse ious fair presque tonjours manquer notre
entree en scene. Elle ressemble alors i cette vieille fee des
contest d'autrefois, qui arrivait toujours sans invitation, et me-
ine sans crier gare, an milieu des fetes d'un bapteme on d'un
marriage, afin d'avoir l'occasion de predire heur on malheur i la
filleule oh I la fiancee qu'elle aime au qu'elle deteste. Que de







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beaux projects d'utilit6 general, F'academie et la fabrication dn
sucre sous Boyer, les fermes modules sons Soulouque, la Ban-
qne et l'exploitation des mines sons Domingue, les chemins de
fer sons Boisrond-Canal, qui n'ont pas eu d'antre 6cueil que cet-
te cause futile, double qu'elle est de sa compagne ins6para-
ble, le defant de L'ESPRIT DE SUITE, qui lui-meme est si rare
chez nons, et dans tous les pays comme le n6tre, oil la canicule
rigne toujours en maitresse absolue.
Serions-nous arrives an bout de nos miseres et de nos privations,
quand on anrait r6par le bassin general de la Grande-Rivibre,
ses canaux et ses annexes, quand on aurait fait les memes rd-
parations en amount de toutes nos autres rivieres, quand on.an-
rait cure toutes nos sources, et fore vingt pits art6siens dans
toute 1'6tendue du Cul-de-Sac ? HMlas I non, tout ne serait pas
encore pour le mieux dans la plus arros6e de nos planes.
Seulement, an lieu de 18,000 carreaux de terre arrosables, nous
en pourrions cultiver les 30,000 qu'elle posside, voilh tout. Nbs
denrees n'auraient plus soif, mais il ne faut pas qne l'eau senle
pour entreprendre et faire reussir une culture quelconque. La
terre 6tant bonne et l'eau suffisante pour mettre ces deux dons
naturels en valeur, nous aarions besoin d'inslruments aratoires,
de charrettes a bascule, de chemins commodes, et surtout d'u-
sines a vapeur fonctionnant dans le vide; sans quoi, la main
d'oeuvre codterait trop cher, et le prix de revient des denrees
obtenues trop cleve eL incapable de souLenir la concurrence sur
les marches exterieurs, avec celui de leurs similaires des autres
provenances, C'est 1a ce qni donne lieu, chez moi, a qnelque
chose qui frise le decouragement.
Alrts la charrue A vapeur, apr6s la machine a couper les can-
nes, apres les tramways propres a transporter nos cannes du jar-
din aux usires, apres enfin les moulins et les sucreries perfec-
tionnees, il nous manquerait encore ,rois choses essentielles : lDes
vois rapides de communication, 2 Des entrepots pour recueillir
nos denr6es dans nos donanes, et 3oDes capitauxpour avoir toutes
ces belles choses, sans l'intervcntion d'un miracle, on de P'usure
quest aujourd'hui le vautour qui devore notrefoie come le Pro-
m6thee des lemps modernes. Enfin, possedant ces matadors, ces
gros atouts dans notre jeu, les cartes resteraien sans valeur ancu-
ne dans nos mains, puisqu'h leur tour, les bras auraient brill6
par leur absence. A cetto here les rares habitants d'Haiti peuvent
joner du baton sans craiule de lesser leurs voisins, puisqu'une
fle qui pout longer i l'aise plusieurs millions d'ames, n'en posside










pjs un seul, et a la reputation d'etre la tcrre la moins peuplee dnt
globe, a pen d'exception pr6s. La population kilom6trique d'Haiti
.est si faible, qu'ou pout a peine computer 6 hS habitants par vingt
kilometres carries, les illettr6s de cette population clairsemec se
chiffrent par un pourccntage desolant de 8 a 10 /o tout au
plus. Done, an dire d'Elysee R4clus, nous n'avons pas encore
nmatris6 l'alphabet, chose plus trisle, helas nous recevons pres-
que tout de 1'Etranger.
Lcs ontils, les machines, les tramways, les capitaux, etc, sent
1'ceuvre des progres modernes, et les progres out pour habitude
de flenrir an sei de la civilisation la plus avancee. Or, com-
ment pouvons-noas avoir toutes ces choses dans l'etat oh nous
sommes ? Tout an contrairo dcperit entire nos mains inhabiles
notre agriculture quoique si restreinte bat d'nne aile et train
le pied, come Ic pigeon de la fable ; nos chemius sont des casse-
con, et nos villes mnees sont sales et m4~i baties. (1) Avec cela
nous n'avons ni richesses ni epargues, ni les qualities ndcessaires
pour s'en procurer avec Ic Lemps, la patience, le travail incessant,
1'economie et la vertu dans le marriage et dans les associations
privees. A constater une telle calamity, on pourrait supposed que

(1) Nous comploius baucoup sur Ie Gouvernement 6claird du Pri6i-
dent Salomon pour fire changer cel 6tut de choses si dcplorable.-
Avec la securitC qu'on est en droit d'attendre tie toute bunne adminis-
tration intirieure quand elle n'est IRs surtout Ie fruit du hasard on
de la violence, avec les capitaux qui ne refuseront pas de venir A
nou,, quand p;irtLnt P'on s:mra qne le chef td la .Rpunhlique veut y
fire rIgner sinceremant la paix, I'abondance It la confiance, notre
agriculture malade aura toults les chauces possibles tie se bien porter
avant longtemIps.
Alors, peui p'.e, et av" c le clmne et la tranquillity qui sont les meil-
lenrcs conditions d'existeice, pour tout ce qu'i est prospero et durable,
nolu aurons sans effort Ine chamlbre d'agricaltlre, on se r(nniront nos
agronomeses lie plus inr-trnit0, des fert-iis imodeles oi I'on formera nos
cultivateurs futures dles tcois d'arts et mitiers et d'agriculture,
enri tout cc qui nol, mranque ot qui pourtant nous fait grand besoii
aujourd'hui. Unijour, sians ldout, alrs avoir te mimn Il'oenvre ie con-
solidation a laquelle il travaille maiut mnnt.. e Pidsideti. S.ilumon
jettera on1 coup id' il scrutateur sur note agriculti n, la p:' .;iere indus-
it ic dl pays ; alors ii s'enquerra de l'dett du mnila(e tout -n lui i.tan
le lpoils, el il vfrri. de suite cc qu'd! y aura a tire pour Ie rappeler
.l:in 'ante. Noi-s attendons iipati'mrncnt c, grand .jiur, pour lui pr6ter
common aid tout i" concourl- dont itl a rit IISow i', si ioute 'is ii otr aide
prut lui etre wile ai qir'l'ite chose ,


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n1ous habitons uue terre ingrale, des cieux iucl&ments, une atmos-
phire empostde. Eh bien quand on examine les choses et les
lommes avec attention, en s'apercoit ais6ment que nous mourons
de faim sur la terre la plus fertile de l'univers entier, et don't les
riches entrailles regorgent partout de metaux pricieux et de char-
bons fossils. Notre nature est belle assurdment, plus belle que
colle de Sdville, de Cordoue, et de cette Grenade Espagnole qui,
au dire do ses poetes, resemble a un M1ORCEAU DE CIEL TOMBIl SUR
LA TERBE.
Le mal qui nous tue sur une ile, vrai paradise terrestre, est
notre soleil, n'en pas douter. 11 est si chaud qu'il nuerve
l'homme qu'il rdchauffe, et le fait dormir debout malgr6 lui.
Aussi mcnrt-il de faim et de misore sur des milliards de mi-
lions de piastres ; et n'a-t-il uu rcste de courage et d'envie que
pour l'amour et pour ses divorantes voluptts.
Quand on parle des mines quo nos terres recelent, on se dit B
quoi bon Cependant voyez ce qui se passe dans l'Afrique australc,
oh 1'Agriculture et f'explotatiou des mines se font ,une profitable
concurrence. D'abord, comine 'observe monsieur Emile Mont6gut,
L'ANGLETPERRE MET A LA DISI'USITION DES INDIGENES, SOUS LA FOR-
ME DE SALAIRE. CETTE PUISSANCE CIVILISATRICE QUI S'APPELLE LE
CAPITAL, ET DON'T L'ABSENCE LES AVAIT JUSQU'A CETTE HERE RETE-
NUS DANS LA BARBARIE. (RACE A CE QU'IFS GAGNENT EN EXPLOI-
TANT LES MINES DE DIAMANT, ILS BE COMPOSENT PEU A PEU UN
OUTILLAGE AGRIICOLE ; SUn 28,000 CHIARrUES QUE L'ON COMPETE DANS
LA COLONIE DU CAP, LES CAFRES EN POSSEDENT PLUS DE 9, 000, ET
LES BASSOUTOS, DANS OES DERNIERES ANNLES EN ONT ACIIETE PAR MI-
LIERS. C'EST ENCORE GRACE A CE' SALAI 1ES QU'ILS AUGMEENTNT LEURS
TROUPEAUX ET DEVIENNENT PRODUCTEURS AU-DELADE LEI:US BESOINS.
Ils (ou;t i, entire autres, fodder des &dolos et so procurer des ar-
mes perfectiounv'is, avcc Icsquelles ils rnussissenut a resister h leurs
envahlisseurs. (hUie encore ses mines d'or, la Californie est
deienue une de:; contres los ineux cultiv~ies del Etttats,-Unis.
L'agriculture et 1'exploitation des mines sent done solidaires ; l'nne
sort au d6veloppencent de 1'autre. L'agricnultur a besoin de ca-
pitainx pour fair' prosp&i'e son i dust.rie; il les dcmande an
!inieur qui, lui, tire do son confrlre, les vivres, la viande, le
pain elt o vin, dent i a asolument besoin pour renouveler
les forces quo lui enlcvo sa pdnible lesogno.
Il n'esl iias toujours hron de donner des conseils, je sais par-
lois cc ( u'i en come. Envoyr(, en 1860, par to Gouvernement
a la rechcrichi do quciques. gisni'mon's do houille, jo lui disiais
d(.1ns muaol rapport: L:i natar, n'a r'a ouliidi pour fieiliter







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( l'exploitation des minerals de fer, de cuivre, d'argent, et d'au-
< tres metaux probablemeit qui abondent dans le department
a que je viens de visiter. Car, a cit6 de ceux-ci, ou plut6t sous
4K eux, elle a plac6 un vaste dep6t de houille propre a leur fu-
sion, et de grands cours d'eaux devant servir a leur trans-
, port dconomique aux ports d'embarquement.,
( De cette fagon, une grande parties des houilles de Hinche,
a de Banica, de SL Michel, sera employee a 1'exlraction des mB-
a taux qui s'y trouvent. Ii ne manque a ce quarlier, pour ne
(< rien envier au reste de l'Ile, que la decouverte d'une mine
*a de mercury, ce qui est une chose plult6 probable qu'impos-
c sible. Dieu veuille que ma provision s'accomplisse avant
a longlemps Et, 19 ans aprbs, en effet, nous avons rencontr6
du mercure au MIle St Nicolas. Pour en extraire le cinabre
don't il provient, ii ne faut plus qu'avoir en notre possession une
machine A forer, come il en existe d6ja plusieurs dans la pra-
tique industrielle des autres nations.
Eofin, je constatais alors les fails suivants:
a La, des rivikres magn'fiques et le seul fleuve que nous
< aons, coulent inutilement jusqu'h la mer. La existed depuis
c des siecles la plus riche et la plus inepuisable des zones car-
( bonifrres de 1'lle et cela sans profit pour personnel . .
( Pour sauver ce pays d6peupl6 et desert, il faudrait y jeter
S830,000 Iravailleurs 2,000 charrues, 40 machines a vapeur, au-
c tant de hauls fourneaux et de fourneaux a reverbdre: il fau-
drait rendre l'Artibonite navigable ainsi que le Guayamuco,
< et tant d'autres course d'eaux important, ou bien relier ces
< lointaines plages a la mer pardes chemi-s de fer, on par des
< canaux habilement traces. )
Ces conseils m'ont valu un amer reproche de la part de Mr.
Alexandre Bonneau. Apres m'avoir confondu dans la tourbe des
gens qui, pour mieux perdre Geffrard, lui conseillaient d'em-
ployer le travail force dans nos campagoes, il s'dcrie A mon ea-
droit: a Ces homes s'imaginent sans doute qu'on parvien-
a drait, en usant du mmeo procdd6, h pousser les noirs dans
a les mines.)
Ce publicist m'a obljg6 d'6crire louto une brochure alors,
pour me justifier aux yeux de mes compatriotes.
Aujourd'hui, je suis bien aise d'avoir lu Particle de mon-
sieur Emile Montlgut sur 1'Afrique Australe, dans LA REVUE
DES DEUX MONDES, Ol je vois combien les (afres et les Bassou-
tos travaillent volontairement dans les mines de diamant, ea










mellent i profit l'argent qu'ils y gagnent, pour ameliorer leur
oulillage et rendre prospire la culture de leurs terres et 1'dle-
vage de leurs bestiaux. Plaise h Dieu, et grace a la precieuse
REVUE DES DEUX-MONDES, j'ai r6ussi, aprs une assez longue at-
tento, h doubler mon Cap de Bonne- EspBrance. Un proces, s'il
y en a, reste pendant entire monsieur Alexandre Bonneau et
monsieur Emnile Montggut, mais j'anrai d6cidement raison de
I'un par I'autre. Si, pourtant une cordiale entente ne venait pas
a exister entire eux, et si, par impossible, ils avaient recourse a ma
maniere de voir lh-dessus, je leur dirais, comme le rat de la
fable ne craignant plus de tempkte, ni de la mer, ni de la ter-
re, ni des homes.
LES CLOSES D'ICI-BAS NE ME REGARDENT PLUS !
J'allais clore ici ce chapitre quand quelqu'un est venu me
presenter un magnifique echantillon de Guano, qu'il pretend
avoir retire d'un coin de notre grande terre.
Est-ce, par hasard, une compensation que la Providence, dans
sa sagesse, vuet nous offrir pour nous consoler de la perte
de la Navase qui nous appartient, et qui, malgre nos recla-
mations, ne nons est pas encore rendue. Quoi qu'il en soit, si
la trouvaille de mou visiteur d'aujourd'hui est une chose
siricuse, le jour oif elle serail mise en pleine exploitation
serait une grande fete pour tous ces vegetaux pr6cieux qui
croissent dans nos champs, la canne, le cafier, le cotonnier,
1'indigotier, etc Car nous ne partageons pas cette erreur de
croire que nos terres south trop riches pour 6trefumbes; c'est
comme si I'on disait d'un home bien portant et ayant de V'em-
bonpoint meme, qu'il est trop gras pour avoir besoin de nour-
riture. Et puis, cette trouvaille, tout en etant utile i notre agri-
culture, qui n'aurail pas besoin d'aller jusque dans les para-
ges de l'Amerique du sud pour se fournir du Guano a beaux
deniers comptants; cette trouvaille, dis-je, serait une nouvelle
source de richesses pour le pays, qu'il faudrait ajouter h taut
d'autres.
La decouverte d'une mine de Guano chez nous nous serait
plus precieuse que celle d'une mine d'or, car l'une releverait
anssit6t notre agriculture anemique, tandis que 1'autre ferait
sans nul doute courir de grands risques h notre ind6pendance,
en attirant dans notre ile, forcement envahie, tous les mnalheurs
qui furent le partage du Mexique, notre valeureuse voisine.
Songez done qu'avec le Guano, nous serious i tout jamais
d6barrass6s de l'infertile jachkre, si laide au milieu de champs


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cultivds, de l'inulile assolement, trop avance pour nos culti-
vateurs routiniers, et don't les produits variables chaque an-
nde, ne seraient pas loujours du gofit des chalands. Nous
-pourrions mime aussi nous passer d'amendomont, avec la
bonne habitude acquise par nos cultivatours de ricolter les pois
et les patates sur une fraction de leur champ sans cesse renou-
velde, de sorte qu'au bout de trois, de quatre, on de cinq ans,
ces racing, s redonnent aux cannes tous les sels n6cessaires a une
vigoureuse v6g6tation.
Mais je fais inutilemnent une tempkte dans un verre d'eau,
puisque, pour donner de l'etoffe a mos paroles, il faudrait avant
tout s'assurer do la rdalit6 de cette d(couvorte.

II
Dans le courant du mois de Dlcmbre 1877, une circulaire
S signed de Monsieur Aug. Bronard, Inspecteur du Conseil-d'arron-
dissemenL du Por,-au-Prince, convoquait tous les int6ress6s
de la rive droite de la riviere grise, a une seance solennelle,
pour le .5 fevrier 1878. Cette stance inusitee devait se lenir dans
la liaison dufort de la Croix-des-Bouquets, ou demeure habi-
tuellement le general qui command cette commune, une des
plus importantes de Ia lepublique.
Cette convocation avait pour but de s'occuper des travaux
de d6bloi et de netloyage a faire, pour rendre a son antique
usage le grand canal de la rive droite du Bassin general, qui
avait 616 construit sons les colons, et qui Blait enterr6 en tr6s
grande partie depuis 78 ans.
Aujourd'hui lebesoin d'eau, cause de toutes les souffrances qu'e-
prouve no!re agriculture, portrait tousles habitants do notre quar-
tier, ensemble avec les autorites comp6tentesdu dit lieu, A vouloir
remeltre au jour cette artere hydraulique ensablee depuis si
longtemps, mais don't les murs et le pavage so trouvaient
heureusement dans un'parfait 6tat de conservation. Le succes
d'unc tell entreprise allait devenir fa.orable aux propri6taires
grands et petits qui avaient droit de se servir de cette eau
pour Parrosage de leurs jardins, et, dans cette portion du cul-
de-Sac; serait en meme temps le meilleur remade a appliquer
pour combattre avantageusement les secheresses desolantes qui
I'afflligent, durant certaines periodes d'ann6es, qui se comp-
-tent de dix ans en dix ans, quelquesfois plus, quelques fois
moins, suivant le course des phenomenes atmospheriques.






'L: ::^ -









Mais, avant de p'ulor des Iravaux qu'an execute dopuis la
ldat fixe;, dans eel utilh canal, sans I'existence duquel le
bassin ginoral no pout plus coaserver le niveau voulu, ca-
pable de fournir l'eau n6cessaire aux 42 habitations qu'il doit
arrose, avant cela, dis-je, our mihux nous fire compren-
dre d.n nos lecleurs, nous allows jeler un coup-d'ceil retros-
pectif sur I'Vablissernent de c' bassin nli-mmce, qui coita si
chor aux colons, sans pourtant lour avoir tle trop profitable,
vu le peu de temps qu'ils en avaient joui.
Nous avons deja traitE IN. EXTENSO ca sujet d'ane aclualite si
importinte pour nous, dans le chapitre de notre HisTOImE DU
CUL-DE-SwC, 6critedepuis 1865, et que des motifs iudependants de
noire volonte nous ont oblig6 de garder en por!e-feuillejus-
qu'h ce jour. Nous n'avons fait ici que de le reproduire 1id6-
lement, en y ajoutant seulement tout ce qui a trail h la grande
reparation fAt ii an Insgsin general, par l'ontremise de Monsieur
Ricard, et par le commencement du travail de nettoyage
qu'avail aussi execuLW, que!que temps apres, le g6nBral Jules
Bance, tout recemment installl sur l'habitation Borgella.
Enfin, nous lerminerons cet opuscule, par uno narration sim-
ple ct concise des travaux qu'on faith, en ce moment-ci, sur tout
le parcours de CR canal de la rive droile do la riviere grise,
qu'-n va bientL6! renssira deterrer, c'est le mot, dans toute sa fral-
chear, si je puis m'expiimer ainsi, el don't, le pendant egalement
ressiuscil sur la vive gauche d'une facon quelconque, sauverait
aussi les 13 habitations du canton voisin de Bellevue et donne-
rail de 1'eau jusqu'au pont-rouge, silti a un Kilometre du
Port-au-Prince.
III

Les champs, les prairies et les savanes du Cul-de-Sac 6tant
forms de couches de terreaux melangees d'amas de sable et de
cailloux roules, et dans certain endroits de couches de terre glaise
stratifies sur de grands depots de tuff, impropres A la ;vg6ta-
tion, ont besoin d'eau pour etre cultivEs convenablement. Aus-
si, il existe dans cette plaine pen de terrains de la nature de
cenx du quartier-Morin, dans le Nord, et de la plaine de Torbeck,
dans lo Sud, don't les cultures peuvent se passer d'arrosage, meme
durant les plus longues s6cheresses.
Tout bien consid6r6, la question d'eau est la principal h re-
soudre, pi nous voulons avoir dans nos cantons nno ngriculatre


23-







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prospere. Or, malgr6 les trois grades rivieres que possede Ie
Cul-de-Sac, la riviere grise, la riviere blanche et la riviere creu-
se, malgre trois petites rivibres qui y coulent, cells des Oran-
gers, de Laboule et de la Savoie ; malgr6 plusieurs autres sour-
ces assez importantes, qui sont presque seches dans la mauvaise
saison, et debordent quand rignent les pluies; malgr6 tant de
course d'eau, les grandes cultures de cette immense plaine, qui se
font ordinairement sans fumures ni amendenents, periclitent des
que l'hivernage cesse, et sont alors brftldes par les vents du
nord-d'Est et par un soleil ardent. Pour laisser cooler l'eau vers
la mer, quand elle est trop abondante, et pour la conserver l'6t0,
quand elle devient plus rare, les colons conCurent heureusement
1'idee de faire ienager de vastes bassins, de grands r6ser-
voirs, an haut de chacune de leurs grades rivi&res. Ces cons-
tructions hydrauliques devaient remplir deux conditions essen-
tielles : 1 celle d'6lever le niveau de leurs masses liquids, et
20 celle d'emnmagasiner precieusement ces dernieres, durant tout
le temps qne dure hi s~cheresse annuelle.
Laissant de c6t6 les travaux de ce genre qu'on avait
fait executer en amount de la riviere blanche et de la riviere
creuse, qui sont strangers an sujet que nons traitons ici, nous
allons nous occuper spkcialement, dans cet opuscule que nous
offrons au public, de cenx que les colons avaient fait faire 1l oft
la rivi&re grise, apris avoir quite son lit, trace naturellement h
travers les vallees de nos montagnes, s'ouvre une issue ma-
jestueuse dans la plaine, an sommet de I'habitation Dum6, dans
le Sud.
Cette riviere grise prend sa source au pied du piton de la
Selle qui, vu de loin, dit Moreau de Saint-MEry, de l'ouvrage de
qui nous extrayons ces precieux renseignements, lui sert de pom-
mean. Cet endroit est situe au sud du Port-au-Prince, et est h
500 toises dans 1'Est de la source qui alimente la grande-rivi&-
re de Liogane. Delh, notre riviere grise coule dans les vallees des
mornes secondaires qui s6parent la montagne la selle de la plai-
ne, et regoit, pendant ce long trajet, une foule de course d'eau qui
la grossissent. Arrive dans le canton de TRoU-cou-cou, elle fut
oblige, dans d'autres temps, de se frayer un passage souterrain.
Grace, sans nul doute, A une erosion seculaire, ella a reussi a
franchir cet obstacle, pour reparaitre, cu bonillonnant avec fu-
reur, de i'autre c6t6 de ce barrage natural mais impuissant: c'est
ce remaquable endroit qui, jusqu'aujourd'hui, s'appelle LA PORTE.
Elle est a une demi-lieue du point oh la riviere dGbouche dans










la plaine andessus des habitations Dumn ( rive droite ) et Pernier
Srive gauche ). Puis, serpentant dans rn lit large et rempli de
routes sortes de debris siliceux et calcaires, preuves palpables
le ses d6bordements annuels, elle traverse tone la larger du
Dul-de-Sac, et va se perdre dans la portion de la mer qui borde
,elui-ci, a l'Ouest : cette embouchure, qui est chere aux chasseurs
le canards du Port-au-Prince et de ses environs, s'appelle LES
rossis.
Le premier colon qui onvwit an Canal sur la rive droite de cet-
;e riviere B DumB, fnt Monsieur Joseph RICORD. Ce Canal
wait deux lienes de long. II etait fait en magonnerie close, afin
le diminuer la perte de l'eau due A 1'evaporation. 11 servait &
'arrosago de l'habitation Marin Cette premiel tentative d'irri-
ration eut lieu en 1730. Elie fit suivie non seulement par les
:oloxs d6jA 6tablis, mais meme par beaucoup d'autres qui deman-
Ilrent et obtinrent des concessions de terrains, incultes jnsqu'a-
ors.
M'. Dubois, sur la terre de qui on creusait ces Canaux d'irri-
;ation, laissa faire. Mais, aprIs sa miort, monsieur Dumt son gen-
Ire, fit des proces h tons ceux qui avaient creus6 sur sa terre des
;anaux sans sa permission. Ceux-ci nonunmrent monsieur O'gor-
nan, 1'un deux, come syndic, en le chargeant aussi de les dB-
endre du dtlit don't ils 6taient accns6s. Il gagna bient6t ce
)roces parce que: a Les aidministrateurs Larnage et Maillart,
posant en principle, que la servitude des Canaux pour la con-
duite des eaux, est une des conditions que le Roi appose aux
concessions, puisqu'elle a pour objet 1'extension de la culture;
et observant que Monsieur Dubois, don't Monsieur DumB 6tait le
gendre, loin de s'en plaindre de son vivant, avait donn6, com-
me commandant du Quartier du Cul-de-Sac, des ordres pour
les travanx de ces Canauxjusqu'en 1735, 6poque de sa mort,
reponsserent la pr4tention de Monsieur Dumb par un jugement
dat6 le 22 janvier 1742. >
Ce jugement fit aecroftre encore le nombre des colons, qui sou-
aissionnirent et obtinrent des concessions de terrains dans les
antons du PETIT BOIS et DES VARREUX ponvant utiliser 1'eau de la
ive droite do la riviere grise. Aussi, si treize habitations s'4taient
,jea 6lev6es surla rive gauche, quarante-deux sucreries fleurirent
iient6t a leur tour, depuis l'habitation D]Thn jusqu'd 1'habitation
farin inclusivement. Seulement, pour faire valoir les jardins les
lIns bloignes, les planteurs se virent dans 1'obligation de s'enten-
.re, pouroperer en common des saign6es tout le long du lit ca-


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pricieux et changeant de cc torrent qui d6bordait avoc les plaies,
maisqui devenait si faible pendant les grandes s6clieresses, que ses
eaux no ponvaient plus suffire, ni h l'arrosage des jardins de can-
nes, ni an ser ie des moulins h ean, appartenant aux colons les
plus favo es par la pente on par leur proximitO de la riviere.
Mais llait acqltrir cette servitude du gouvernement colonial
C e pratique mauvaise et funeste meme, puisqu'elle doniait a
cacun le droit de saigner la rivibre a sa guise, avait occasion-
Sn des querelles facheuses, des voices de faith regrettables, et voire
mdme des duels affligeants, oh !es plus droits et les plus coura
geux, le' plus enteats, et solvent aussi les plus titres, obtenaient
presque toujours gain do cause centre d'autres adversaires moins
favoris6s. Lafontaine I'avait dit d6ej dans la morale de sa fable
LES ANIMAUX MALADES DE LA PESTE :
Selon que vous serez puissant on miserable,
Les jugenents de cour vous rendront blanco ou noir.
Ce fut alors que les plus sages parmi les interessdsquipour apai-
serles uns, et'pour consoler les autres, proposerent la construction
d'nn grand bassin de distribution gi4nrale, oh l'eau serait jaug6e
avec soin et fournie aux colons suivant 1'importance de leurs 6tablis-
sements agricoies. L'id6e de cet admirable project qui remplaQait
le bon plaisir par l'usage du droit, et qai allait mettre fin h
taut de dissentions particulibres, fut g6ndralement goitee par
tonls les esprits serieux de cette 6poque. Quel est le premier qui
Sl'a conQne ? Personne ne le salt Mais, des qu'elle surgit du cer-
veau inconnu, oi elle avait germe, elle so r6pandit partout aveo
la rapidity de l'Nclair, et chacun se vantait de 1'avoir eue avant
qni que ce fit C'est toujours ainsi que cela se passe. L-accou-
chement de cette bonne id6e ayant eu lieu d'nne fagon quelcon-
qne, on fat unanime pour lui trouver une solution aussi pratique
que prochaine.
IV
Un project si utile et si g6nuralement appronv6, resta pour-
tant une vingtaine d'ann6es a 1'6tat d'incubation, tant les
avis Btaient contraires, d6s qu'on se disposait a le mettre en
pratique. Enfin, apres mille tergiversations deplorables, et
antant de coutestations fatigantes, en guise d'une sonris, la
montagne colonial, aide dans ses efforts parole gehie de
Mr. Lefrane: de Saint lIaulde, accoucha de deux bassins de
distribution des eaux, places aux deux boutf d'nn grand










coursier, un sur ciaquc rive. Ces douxr basiins devaiolt sorvir de
tctes de colonne i deux cnnaux, nsivis d'une fou!e de petits bas-
sins de subdivision, sis an hant de cheque jardin a e:Io;cr, et de
chaqnue moulin de cannes i fire monvoir. Un" someiu de Tiois
MILLIONS DE L[VRES TOURNOIS fut COn1s!ltie p:1)u1 le prix de cet-
te prise d'eau gigant. ne. Les par)tes contractantes 4tant d'ac-
cord, on s'empressa do Itresser un mnarich en rlgle, ct 1'inglnieur
prkcit6 se mit de suite en devoir d'exicuter son plan sigul e t
paraphd sans pins de reto!dh cette ibis.
Les travaux in grand coursier,, des ,>inx bassins ct de Icurs
annexes, qui avaient et6 commences an moist J Decembre 1773,
quitt6s, repris, puis abandonnas a la suite de tracasseries sans
nombre suscities contre l'ingenieur, ne furcut qu'en parties ter-
minns en 1780. Disposant d'nne some si considerable, Mr.
Le franc de St. Haulde n'avait livr6 aux avant-droits que le
grand coursier, les deux bassins de distribution g&nerale des
eanr. toutes les annexes de la rive gauche, et uno parties seule-
ment de cells de la rive droite jusqu'h la terre sale de Roche-
blanche, la moiti6 i peu pres, sil'on pread en consideration la
grandeur et la profondeur des canaux et des bassins de subdi-
visions qui leur servent do dechlarge. L'ing6nienr en chef dut
s'arrOter 1i, a la suite de nouvelles contestations soulevkes par
les experts desinteresses, qui sans doute trouvaient trop mesquin
le travail fait et ce qui restait h faire, pour la sonmme fabuleuse
de TROIS MILLIONS DE LIViES ToulINOIS, mallicUTreaseollnt con-
sentie par eux. Is en voulaient probablement une reduction A
1'amiable, mais en vain. Un proces s'ensuivit, qni se plaida a
Paris cmne, la colonies n'4tant pas de taille a posseder les gran-
des assises propres h de si vastes debats. En fin de compete, Mr.
de Saint Haulde triompha de ses adversaires, prot6g4 qu'il
6tait par les plus grands personnages de la M6re-Patrie. Les
colons, dans cette occurrence coCUS BATTUS MAIS NON CONTENTS,
furent obliges de bourse d1lier, mais hhlas ce ne fut pae, puis-
que l'histoire nous l'apprend, sans avoir donni, avoc 1'argent
qu'on leur reclamait, leurs plus terrible mal6dictions h la parties
adverse ainsi qnu' ses pretecteurs les plus haut titr6s.
Le Gouvernement, pour rentrer dans ses avances, frappa les
colons d'un imp6t de 25 livres par carreau de terre arrosable.
Les malheureux eurent done pour leur grand debours, o1. Un
grand coursier, 20. deux basins de distribution g6ndrale des
eaux, un sur chaque rive, 3. les annexes de la rive gauche, et
40, la moiti6 senlement de cells de la rive droite. Le bassin de










la rive gauche, suivi de hnit petits bassins do subdivisions
fournissait de l'eaupour 1'asagede treize habitations subs6quentes.
Le bassin de la rive droite, beaucoup plus grand que l'autre,
donnait nn volume d'ean assez considerable, pour tIre divis6
entire quarante-deux sucreries. II y avait vingt bassins de sub-
division, don't la grandeur allait sans cesse en diminuant, et don't
les eaux servaient a arroser quarante-deux jardins de cannes, et
a, faire mouvoir une douzaine de roues hydrauliques environ, les
autres moulins 4tant a bete on a vent. Le dernier jardin de can-
nes a arroser 6tait, conime nous l'avons d6jh dit, A deux lieues
de distance du bassin general. Les colons n'ont pas fait grace
de lenr lazzis an travail de M'. Saint Haulde, don't la vue seule
suffisait pour chauffeur lenr bile. Le fils de 1'nu d'eux surtout,
le jeune de CounpoN, po6te 4 ses heures, ayant pris l'habitude de
le maltraiter dans ses satires, devait pins d'une fois paraphraser
ce distique de Boileau.
Et ma muse souvent paressuese et sterile
S'emplit pour s'en moqucr de colere et de bl!e.
Eh bien duss6-je d6plaire ces aristarques de 1'ancien re.
gime, je suis presque tonjours tentd de 1'attribuer aux Romains,
avec ce d6faut que nons avons Ions depuis l'enfance d'attribner
tout ce qui est bean, bien fait et solide aux anciens plut6t qu'aux
modernes, don't les aunvres pourtant ne sont pas 4 dedaigner, t6-
moin Pimprimerie, la poudre a canon et la boussole, et qui sont
de plus les inventeurs des bateaux h vapeur, des machines A feu
de toutes sorts, des chemins de fer, des t16egrapheS 6lectriques,
et surtout de ces lampes d'Edison don't la lumirre fait concurren-
ce a celle mmre du soleil. Mais, avouons-le aussi, si parfaite
qa'en soit I'ex6cution, un pareil travail ne pent pas valoir TROIS
MILLIONS DE LIVRES TOURNOIS. Allons done, Monsieur l'Ingenieur,
exiger une some aussi considerable pour le bassin general,
etait se moquer des colons, et speculer sur leur ignorance. Mais,
on vous pardonne, quand on sait combien de pots de vin vous
avez dnt computer a vos patrons de 16-bas, ceux don't la protec-
tion ve nous manqua pas non plus, quand sonna l'heure de votre
memorable et retentissant proces. Aujourd'hui, l'argent ayant per-
du le sextuple de sa valeur d'autrefois, vous auriez tonch6 quel-
que chose come dix-hnit millions de francs, sans un rouge
liard de moins. Aussi 1'histoire colonial a-t-elle enregistr6 comr
me les deux plus grandes bamboches financieres de cette strange
4poque, oh I'on ramassait des Lonis d'or dans les rues, la cons-







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traction du bassin general et cello dn petit pont place sur li
ravine du cap-Haitien, don't le plan principal presentait aux ba-
dauds de Paris, un vaiseau passant dessous, toutes voiles d 0plo-
yees Hlas tons ceux qui avaieut les moyens d'aller voir
une telle curiosity de leurs propres yeux, riaient a se tenir les
c6tes en constatant que Ie plus maigre cannot de bambou ne
ponvait passer dessous qu'avec la plus grande peine.
Il y avait pros d'un an que fonctionnait cette coilteuse machine
hydraulique de M'. Lefranc de Saint Hauldo, quand par le d6bor-
dement qui eut lien le 27 Aofit 1775, le grand coursier et le bas-
sin do la rive gauche furent entierement combl6s de sables et de
gravois. Co donimange arrival, sans avoir porter la pluslegere at-
teinte a leur solidite. En preseuce de cc fait iinpr6vu, ot apres un
examen attentif des lieux inondds, on rcconnut mais an peu
tard, la necessity d'adopter une autre disposition, daus I'arran-"
gement et la forme a donner a ce vaste reservoir, h co gigantes-
qne bassin de distribution gnderale des eaux de la riviere, pour
le inettre desormais h l'abri do pareils ensablements.
Plusieurs dispositions front conseill6es a cottc occasion, com-
me cola a tonjours lien dans tons les cas semblables. Mais elies
fnrent touts rejetees, apri:s mitir examen de la part des homines
speciaux. Ce fut alors que Monsieur Sainte Marie, garden des
eaux, en proposal une qui, rectifiee par Monsieur Merlin, direct.
teur, fat du gofit de tons les intaress6s. Elle fiut de suite con-
fiUe a un vienx praticien du pays, qni s'emipressa de la faire met-
tre A execution. Ce vicillard generalemcnt estim6 s'appelait Mr.
Baqu6. II 6tait maitre-macon, et avait sons ses ordres deux
ouvriers ma.ous, d.jh celibres aans le Cul-de-Sac, les Messieurs
Athis Pernier et Belisai:e Bounaire.
Dans cc nouveau plan, le bassin de distribution 6tait plac6
A cheval sur le courant, dans le lit mneme de la riviere. Les mfirs
de c6t0 6taient relies par nn vaste batardoau en pierres de tail-
les, solidement construit. Denx portes latdrales de grandeur pro-
portionnae fournissaient l'eau h chacune des rives. On avait don-
n6 an fond du bassin une forme cycloidale, d'avance calculee,
pour empecher 1'accumulation intempestive des sables et des gra-
vois, apres chaque d6bordement de la riviere. Enfin. de chaque
cOWt du batardeau central, deux portes qu'on fermait a volon-
te avec des poutrelles en bois dur travailles expressdment, et
entrant A frottermeut dans deux rainures parallles, permettaient
de donner acc6s a toute l'cau du bassin vers la mer, on bien







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l'emmagasiner precieusement, des que la schicres-e tombail sni
nous, come un snaire maudit.
Le bassin gnd6ral de la riviere grise, arrosait les jardins du
Cul-de-Sac, depuis l'ann e 1787, sous le ministere de Monsieur
de Laluzerne qui, an dire des Colons les plus facetieux de cette
6poque, NE POU'gaIT PAS PRENDRE A SAINT-DOMINGUE. I1 y ser-
vait A I'irrigation de 7,988 carreaux de terrre qui d6pendaient
de 58 sucreries places sur ses deux rives. Puisque cette riviere
arrosait 7988 carreaux et qu'elle d6bitait 3,130 ponces con-
rants d'can par second, ccla donnait done 4 lignes 2/3 d'eau par
carrean, avec une vitesse considerable. Nous avions oublie d'ajou-
ter que l'euvre de Baqu6 avait encore coot6 1 MILLION DE LIVRES
TouvRsOIs aux malheureux colons, cc qui portait & 4 millions de
d6pense total on h 24 millions de francs, en donnant l'argent la
valeur qu'il a actnellement. Mais les yeux qu'on leur avait laisses
pour pleurer, avaient fini par d6convrir une compensation daus tout
ce tripotage, puisqu'ils ponvaient voir h travers leurs larmes
le nouveau bassin, les canaux et leurs 'annexes partout com-
pletement achev6s, tant sur tne rive que sur 1'autre.
Les interess6s out payd bien cher un travail don't, hdlas
ils n'ont pas en le temps de jouir convenablement. Car ce fut
en la memorable annie 1787, remarquez-]e, que tout leur fnt
definitivement livr6, et ddj, en 1789,. deux ans apres, les cartes
politiques 6taicnt passablement brouillecs dans toute la France,
et dans la plupairt de ses Colonies, St-Domingue a leur tete. II
ne fant pas oublier qu'en 1790, la guerre bonleversait cette fle,
et y developpait des 6v6nements donit lc souvenir seal nous don-
ne froid dans lo dos. Djih commencait le sauve-qui-peut des
grands propriktaires qui portaient le titre pompeux de princes
colons. Beancoup parmi eux s'cn ftaient allies, les uns d'cmbl6e en
France, les autres dans les pays'voisins, les Etats-Unis, la Jamai-
qne, et principalement I'Ile de Cube, que cette immigration inat-
tendue fit prosperer a vue-d'ceil. Les malheurs de St-Domingue
furent pour l'ile sceur une veritable baguette de fee, et la splen-
deur de Cuba en Aianrique dcvint proverbial, grace a la gner-
re civil qui desola notre patric et fit d'elle la pestif6rde du gol-
fe du Mexique jusqu'un 1825. Les grands proprietaires une fois
decamp6s, laisserent ]e champ libre aux petits blaucs, aux mu-
lAtres et aux noirs librcs, qu'on designait sons le nom commune
d'afflanchis et qui, dans leur lutte incessante et crnelle, d6chi-
raient h qui miniux mieux 1o sein de notre nmre Fommune jus-
qn'au solely de 93 qui embrasa tout do ses fcux deslructeurs.










Enfin, en 1800, sons Toussaint Lpuverture, vint un ouragan qui
devasta le' Cul-de-Sac, et causa do grands donmnages an bassin
general. Ils ne parent pas malheureusement Otre riepares a temps,
pour le salt de i'euvre de Baqu6, car, a cette epoque de notre his-
toire r6volntionnaire, nul syndic blanco ne pouvait demeurer sans
danger de mort la MARITTtE NI AU FOND-VIN, situ6s an pied de la
montagne bu CADET, o' campaient des bandes de noirs revoltes
commands tant6t par le terrible Noel Jur6, ou bien par Lamour
DIrance, beaucoup moins violent que son competitcur. D'autres d6-
bordements survnnus pendant les annees saivantes, et surtout en
1816, 61argiront pea h pen les breches faites par l'ouragan precit6,
de facon que bientSt, il ne restera plus du basin, ni batardeau ni
cave cycloidale, ni portes centrales; et quo le grand canal, qni
fait ici l'objet de mes etudes, se trouvera non pas d6truit, mais
totalement enterre, comme encore cela se voyait avant de l'avoir
fait l ettoyer cctte annoe. A cette here done, nous remettons ce
canal an jour, apres 78 a hn6es d'ensevelissement. Nons pourrions
meme dans notre orgneil nous vanter d'en avoir op6r6 la irsur-
rection, sans crainte d'etre d6mcuti.

Y
Sous le President Richt, quaud l'agricullur;r eL la vell6ilt de
renaitre de ses cendres, plusiLurs interesses de la rive droite de la
riviere grise parltrent seriensement dela nkcessite de reparer le
bassin general. Le gouvernement eut mnioe I'air de prkter une
oreille attentive a leur's doluances, ce que n'approuva pas le Gou-
vernement imperial qui lui succida. Ol n'en dit plus in mot dn-
rant les onze annaes de son rbgne--Ceoendant tnrder d'avautage
a le fair dtait une auto impardonnabla. II y avait, cor ne on
dit, pdril en la demneure Da ce beau travail, don't on vient de
lire la peifiture plus loin, et qui'est indispensable la renaissance
et au progres de l'agriculture dans le Cnl-de-Sac, il ne restait plus
que des ruines, don't chaque d6bordernent onlevait quelques pier-
res de taille qui, de chaque cBte marquaient encore la place,
la forme et la largeur des deux portes dn trop plein. Ieureuse-
ment, les portes de cot6 on de prise d'ean n'6taient pas d6truites,
et que les murs d'enceinte du bassin principal n'avaient 6prouv6
aucune breche inqui6tante.
Sous Geffrarl done, en 1860, quand on se sentit plus dispose &
*s'occuper de cette question vitale, on le fit sans de plus longues
discussions.- Je ne sais plu n quel ministry mit de suite le project
du bassin en adjudication. II ne s'agissait plus seulement des re-
parations a y fair pour retablir lceuvre de Baqud, mais d'un plan

\ -


-,







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plus hardi, si quelquo ing6nieur present h la capital 6tait ca-
pable de le proposer au Gouvernement. En effet, deux projects fu-
rent pr6sent6s dans cette occurrence et furent soumis A la discus-
sion d'hommes sp6ciaux. Le premier, celui de Monsieur Jules Facot
pour pr6venir, ou plut6t pour annuler les d6gats occasionnes par
nos pluies diluviennes de I'arribre saison, proposait 1'dtablissement
d'une suite de b-ssins superposes, ou mieux places en escalier, don't
le premier serait 6tabli & la base mnme de la montagne, 1l oui la
riviere s'ouvre une issue dans la plaine. Il serait, bien entendu,
assez vaste, pour contenir tous les gravois et les sables que les pluies
charrient ordinairement des mornes voisins. Pais, lesautrs verraient
leur contenance diminuer au fur et a measure qu'on approcherait
de l'endroit de la Mariette oiu git le bassin de Baque qui serait alors
completement refondu et solidenmeut construit sur A peu pres le
mime module. L'ex6cution de ce project qui rappelait un peu celui
de Monsieurde ST flaulde avec le grand coursier et les deux bassins
separes, devait cotter au tresor la some enorme pour le moment
de DEUX & TROI CENTS MILLE PIASTRES. Aux critiques de cette gran-
diose entreprise, qui traitaient de folie cet immense escalier aux
marches creuses en pierres de taille, les partisans de Jules Facot
rdpondaient que le pays 6tait assez riche pour payer ses folies. Enfin,
de guerre lasse et la caisse publique n'Wtant pas noa plus trop char-
gde d'6cus, co m'robolant project fut mis de cotd, au grand regret
de ses partisans et A la joie par consequent de tous ceux qui con-
fnaisaient a fond l'admistration du pays, et sa manibre occulte de
faire et d'agir.
Le second project eut plus de chance. II 6tait d'un homme qui
n'dtait pas plus ing6nieur qae sonconcurrent Monsieur .ules Facot.
Plus modest dans ses vues, il voulait simplement r6tablir le bas-
sin de Baqud ni plus ni noins. Aussi, il no demandait que 18
MILLE PIASTRES pour cela. Ce n'itai, pas la mer a boire m6me
pour une caisse obdrde. On accept son project sans se faire tirer
i'oreille, et ii se mit donc l'ceuvre, puisque son plan 6tait recu,
et que toutes les formalitis d'usage avaient Wtd remplies a cet
dgard.
Une circonstance strange, soit dit en passant, fut la ressem-
blance du nom de Ricard, appel6 A rdparer les ruines du bassin
general, avec celui de Ricord, le colon qui, le premier en 1730,
employ l'eau de la meme riviere A l'arrosage de son habitation,
par le moyeu d'un canal fait en maconnerie close, comme nous
l'avons indiqu6 au~commen cement de cet opuscule.
Grace aux liodestes travaux entrepris par Monsieur Ricord, qui
trouva sur les lieux la chaux hydraulique et les pieres de taille,
don't il avait besoin pour parfaire ses reparations, le bassin de
Baqud fut remis A neuf, apres une ann6e d'efforts, heureusement
couronnus de succes. II avait fait venir de la Jamaique les tail-








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leurs do pierre et quelques ouvriers qu'il ne pouvait pas trouver
dans le pays, voilh tout; et ce n'6tait pas lourd.
Le bassi' colonial avait p6ri faute d'un solid brise-lame atta-
che ~ la base (Id batardeau central. Ricard pecha egalement.de
ce c6td. II y avait bien mis un brise-lanie, mais it n'etait pas
assoz 6tendu, ni assez solidement fait. Aussi deux ans apres, ii
n'en restait plus une sette pierre. Encore on negligea de lc
reparer A temps an point que les eaux affouillaient d6ja la base
du batardeau, quand ii fur question d'y porter rermede. Chose
remarquable a constater, si la grande cuve cycloidale existait
jusqu'au jour de la deibcle du 4 Sepembre c'est parce que
depnis longtemps elle Ltatt ensablde, et do mmna. si i pareilli
epoque le latardeau voyait aussi le jour, c'est egalenlmut parce
que les tiois quarts de sa masse profonde. de maconoerie dor-
maient dopuii dix ans, sous une epaissl couch de sable et de
gravois, qui l'o;t priscrvw de la poussee dcs eaux, olrce cousidd-
rable h laquelle il doit resister Gchaqus fois ([ue la rivibro deborde.
Aussi, je tremblais de peur, quand on parlait deI Caire nettoyer
.le bassin, car le batardeau de:ioucombrd jusqu'au pave, strait
certainement emportd par le premier Ouragan qui 1'assaillirait.
Je sais que de la sore, une des conditions essentelles du bassin
est annuale, mais de doix maux, vant mieux en choisir le moindre.
Et si lo bassin ne devenait plus (Iu'um riservo.r amoindri, ii ser-
vait toujours surtout a maiitenir hiaul le nivean, don't on a ah-
solunent besoiu, soit pour sauvI r les sucreries lunitrophes Duin6,
Drouillard etc, soit aussi poir fire cooler PleaL jusqu'Ca doeu
lieues de la iMariette,
En amount de la cuve cyclo'tdale, Ricard avait faith construire
un mur en moellons, pour la preserver, croyait-il, des sables et
des gravois charrids par los avalasses de la saison pluviouse. Ge
mur inutile, s'il on fut, a djai voyage jusqtu'a la mer : HIlas I
n'en parlous plus! Sous n1'I!li,.i d'uno errcur contraire, ce mrme
Ricard avait fait placer un autre petit bissin, cn aval ceote
fois du batardeau, mais a qloi boi Aussi les divorces petites
r6paratious fails depuis lors an basin, ot qui out coite gros
au tresor public, s'ingoeniaieut toujouri a ruicrepir et i replArer
un brise-lame caduc, et A retaire UN BAIN DE 'IED, (qui a toujours
eu la durde de la rose, L'EISP'ACE D'UN .MATIN.
Je n'ai pas besoin de le dire, tout Le mondo le coiuprend, toutes
ces petites rdparations qu'on s'entite h fire an bassin general,
sont aussi cofiteuses qu'iutiles ; on peut lis comparer a des
cauteres sur des jambes de bois. Pour qu'elles solent serienses
et durables partout, il faudrait les faire completes. Puis, it fau-
drait de suite placer, la aMariette un syndic ;instruit et capable,
afin queola reparatiou total une fois faite, on Puisse coalinnmOr '
entretenir le bassin et ses annexes,:et a fire reparer, !ar-ci par-la
les brcohes faites aprbs chaque grain de pluic, et an Eur et j








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measure qu'elles deviennent visible. Sans cette precaution qui est
nicessaire, il n'y aura de salut ni pour le bassin, ni pour les
canaux, ni meme pour les annexes. Un des emplois du syndic,
serait dans la saison pluvieuse, et quand arrivent les avalasses
des mornes, de faire ouvric A temps les deux portes du trop plein,
apres avoir eu la precaution de faire former cells qui donnen t
l'eau aux deux canaux de c6ot. Par cette simple pratique, on
6viterait les ensablements annuels et les breches inopportunes.
A ce syndic brevete, it faudelit adjoindro deux gardens des eaux
qui habiteraient condstammenit A la Mariette, comme cela avait
lieu sous les colons. Mais taut que pour syndics et pour gardens
des eau,, vous prendrez des machoires ou des bouche-trous, ce
service nira jamais bien, et les reparations faites an hassin ge-
niral seront toujours cofiteuses on bien incomplete. Mais, en
parlant de la sorte, j'ai l'air de prkcher dans le desert. On se
plaindra peut-Ctre que je veuille porter les Haitiens A prendre
la.lune.avec les dents, puisque je leur conseille de fair une chose
impossible dans l'etat actuel de notre ignorance aver&e. Mais je
suis'd'avis de cherc her ici ou de faire venir d'aillcurs et l'ingdnieur
et meme les ouvriers don't ii aura besoin, pour bien remplir son
devoir.

VI

Quand Monsieur Ricard avait terming les reparations du bassin
general, ce n'6tait pas tout. 11 restait maintenant a rdtablir les
deux canaux de la rive gauche et de la rive droite, pour utiliser
convenablenent l'eau l6ev6e A la hauteur voulue, et emmagasi-
nee de maniere A d6fier les plus grades s6cheresses.- Le r6ta-
blissement du canal de la rive gauche no pouvait plus avoir lieu
tant les avalasses venues des mornes du FOND-VIN avaient tout
ravine, an point que le lit m6me de la riviere, ne formant plus
qu'un avec celui de l'ancien canal, avait reussi a tout ravager,
sans. laisser vestige, ni des pierres, ni meme du traced de ce
dernier, totalement disparu.-- Pour y rem6dier, it faudrait faire
venir des Etats-Uuis, de Londres on de Paris, des tuyaux d'une
grande dimension propres A faire disparaitre le mal caused par
cet 6tat de choses.- On les fit bien venir, je ne sais d'ofi, dans
cette intention on dans Une autre, mais sans, une fois rendus- au
Port-au-Prince, leur avoir donni la destination d'avance arrdtee.
Ils ont 6t6 d6tournes de 'o'bjet pour lequel on les avait deman-
dds.-Au lieu d'aller A l'Arcahaie, puisque c'ktait, dit-on, pour cette
plaine qu'on les avait commandos, its ont 61t d6barquns au bord
de la mer de la Capitale, ot ils ont fait nne longue station. -
Puis, un beau jour ils ont itd transports dans le Cui-de-Sac, sans
tambour ni Irompette, et disperses tant6t d'un c6te, tant6t de







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I'autre.- Aujourd'hui, on pent les voir parltot, so's les points de
tous les grands chemins, except la oi' ils seraient d'une si grande
utility, c'est-h-dire, servant de conduit'e A l'eau de la rive gauche
et la menant sans effort des bords de la Grande-RiviBre A la
premiere 6cluse de l'habitation Pernier.-
1I n'en etait pas de mAme pour le canal de la rive droite. 11
6tait bien 1, lui, mais sous 6 a 8 pieds de terre, et quelquefois
davantage, cela dependait non pas do la coupe des cheveux pour
nne bonne raison, mais de la position qu'occupait le mort.-- Eh
bien! je le calomnie, notre canal n'etait pas rnort ]e moins du
monde.- Au contraire, partout o0 I'on fouillait pour lui tAter le
poi.s, on le trouvait en vie, et meume dans un tel 6tat de con-
servation qu'il avait l'air d'ltre sorti tout recemment de l'oeuf.---
Quand on donna cette assurance a Geffrard, ii eut presque l'envie
de le faire d6terrer. -- Mais h6las II n'6tait plus temps. Les con-
spirations dejh remplissaient ses nuits de cauchemars affreux.
Partout, les conspirators, sans repos ni cesse, ici, au Cap-Hal-
tien et aux Gonaives qui avaient Wte le berceau de sa pr6sidence,
poussaient leur ceuvre rivolutionnaire avec une ardeur peu com-
mune; et, dans leur imagination, ]ui taillaient djia de sanglantes
croupieres.- Done, ce president, harceld nuit et jour, et attaqud
mmne, en son palais DANS LA VUIT DU VINGT-TROIS FEVRIER 1867,
avait longtemps renvoyd le bassin gndural, ses canaux et ses an-
nexes aux calendes grecques.
Pourtant, quand Jules Bance quitta le ministbre de 1'IntErieur,
il alla s'6tablir sur l'habitation Borgella, qu'il venait d'acheter.-
Naturellement, il se prloccupa de la question d'eau, qui 6tait si
necessaire a note agriculture.- Ce fut alors, qu'aide par nous,
ses voisins, mais contraridMpar la plupart des peLits propri6taires
et consorts, il se mit a nettoyer le bout de canal qui porte son
nom.- Mais, que pouvait-il faire seul, nmme avec notre concours
impuissant, puisqu'aujourd'hui, pour d6terrer ce canal, don't I'eau
nous faisait taut besoin, 400 travailleurs y sont occupies depuis
le 5 f6vrier, sans pouvoir en terminer le nettoyage.-- I fautr re-
marquer aussi quo, sans la politique et ses travers, nous n'aurious
pas a d6plorer cette lenteur qui a paralyse facheusement nos tra-
vaux champ6tres.- Tant bien que mal, depuis longtemps, nous
serious en pleine jouissance du grand volume d'eau que contien-
dra certainement ce canal ressuscitL.- La portion deja nettoy6e
c toie seulement lo cimetiere de l'habitation Dnm6,- et n'arrive
meme pas sous le pont de Drouillard,--plac6 en amount du che-
min qui conduit a la Croix-des-Bouquets. Aujourd'hui, cette
portion jadis cure est remplie de halliers, d'herbes et de grands
arbres meme, qui out 6td coups dernierement, mais d'une facon
incomplete.- Sous les arceaux des points, on a meme n6glig6 de
taller les plants grasses et les lines, qui certaijement ne lais-
seraient pas passer l'eau a travel leur inextricable fouilli.-- La







-36-


police rurale, temoin de cette coupable negligence, n'osa rien dire;
Hi est evident que ma voix seule serait impuissante faire en-
tendre raison a qui de droit. Mais, cc qui m'intfresse, c'est le
uettoiemnent definitif de lout le grand canal, puisque du jour oif it
entrera on service, je n'aurai pas beaucoup A fair pour me mettre
eu jouissauce du petit canal de surabondance de Digneron, don't
les mnurailles, quoique en rines dans certain endroits, peuvent
se vYir cncole, dans d'autres, assez bien conserves, sur tout e1
parcours des habitations interm6diaires. Avec cette can de sur-
abondance si precieuse, h6las! Digneron pourra bieut6t voir re-
na tre son verger d'autrefois, qui fut, dans ancient n regime, le plus
beau fleuron do sa couronne, ot cela, sans l'intervention de la plus
mince bagnette de fie.--

VII

On avail iixe an 5 frier 1878, le commencement du nettoyage
du canal de la rive droite de la grande riviere. Ce jour-la, le
Conseil U'arrondissement du Port-au-Prince eut tout P'honneur de
:eLte prucieuse initiative. Donc, le 5 fIvrier 1878, tous los in-
tr;'sses; proprietaires et ateliers, se servant de cette prise d'eau
otaient.convoquns sur les lienx o~ gisait le mort h ddterrer.-
Aiusi, je fus iidele au rendcz-vous, suivi de 80 cultivateurs de
Digneroi, disposes a fire bravement leur devoir. Devant nous, je
voyais quellues travailleurs epars, c'6taient les grants des autres
habitations don't les cultivateurs brillaient par leur absence.
Le conducteur 'des travaux clhoi par !e Conseil d'arrondisse-
ment, se mit aussit6t on demeure de nous mnesurer notre tAche: ce
qu'il fit de man;ire que les cubes de terre que nous avions A
jeler an debtors se complaint par plusieurs milliers. Loin de les
decourager, ce procded double au contraire le courage et l'activite
de mes travailleurs. Un SAMBA vint enfin les 6lectriser, par ses
chants enthousiastes, et les outils aidant, quatre jours d'un travail
d'ler:culleles en rendirent maitres completement. Un hourrah uni-
versel pousse par eux-nimmes et par tons les spectateurs joyeux, sa-
lua leur su.ces inlesp)r6. Ce que voyant et de propos d6libere, Mon-
sieur Aug,. Brouard, 'inspecteur, leur vota aux applaudissements
de toute l'assistance, un bciuf et du tafia, pour ]es recompenser
et c'etaitl justice, puisque le premier, I'atelier de Digneron avait en,
tami cette vast entreprise avec un entrain et un courage peu:
communs en pareil cas. .e m'en souviens encore jusqu'a cette l4en,
re.- C'Utait r6ellemenlt beau de voir cette masse d'hommes, a la
nuit tombalnte, regagrier aux flambeauxleur lointain foyer, suant
sang et eau et [out converts de poussiere, et repktant h ttie-tte les
refrains de leur SAMBA cheri, interrompu parfois par des vivats qh.ai
leureux,







-37 -


A cette 6poque-lh, le Pr6sident ltait en tournmii dans le Sud, oi il
en recut la nouvelle par une lettre que j- l!,i adressai, tandis qn'il
tait aux Cayes, et que les autres ateliers dM ilotre canton, stimu-
1]s par cet example, exkcnlaient aussi ]eors thhies avec moins
d'entrain, il est vrai, mais avec la former voont6 de les mener
ponrlant A bien Ils mirent aussi six semaines pour en finir
Dii,.-tr-n avait tinila sienne en quatre jours. Jngez. lecteurs,;
s'il avait bien mrrit6 de I'agriculture reconnaissante Le anal de
Baqun etait dsormais propre et bien coiserv', dlepnis lI jardin de
Boche-Blanche jusqu'au pout de I'habitatiio Dumni. Mais, le plus
difficile restait. fire, en partant de ce dernier point, pour abou-
tir an bassin-g6neral, la oi cet anicien canal traverse unie vallde
6troite et pierreuse ext.rinemrent penible 5 fouiller par consequent.

VIII

On allait continue les travaux, qnand an r6volte dn 13 mars
vint subitement los interrompre.-II fallil alors forc6ment ch6mer,
puisque nos travailleurs avaient 6t4 transfonrmis en soldats de la
garde national, etqu'ils avaient dWt obligis de d6poser dans nn
coin leurs houes et leurs piquois, pour s'armer de fusils, de rd-
volvers et de sabres, jnsqu'au retour de la tranquillity publique.
Ce ch6mage intempestif dnra plusieurs mois.-De guerre lasse, on
reprit en juin lenettoyageen question, et tout ce monde fut de
nouveau convoqni dans cette parties montagneuse et profonde da
canal, compris entire le pont de Ium6 et le bassin g6ndral lui-mA-
me.- Le travail A fair ctait devenu beaucoup plus p6nible, et de
plus compliqu6 de laipolitique qui, bouleversant tout, avait jet4 le
decouragement dans tous les ccewrs. Quatre jours seulement de guer-
re civil avaient completenent d6moralis6 ]es travailleurs, et chan-
g6 brusquement l'entrain et la bonne volontd de tous ceux qui les
dirigeaient.
Malgrg cela, tout le monde se mit i A'pceuvre, mais cette fois,
avec nn visible'degofit.-e President Boisrond-Canal se vit constraint
de s'y transporter plusieurs fois, dans le senu but de reliever le.
moral abattn des travailleir's et de leurs grants Une fois par
semaine, il leur porta des paroles de paix, Ule conoorde et d'encou-
ragement, revenues absolument necessaires dans la circonstance.
II jugea meme a propos de les fire rationner en sa presence,
pour 6viter los riolamations des uns et des autres, et pour obvier
promptement aux difficulties de tautes sortes, si elles venaient A
s'y presenter a 1'improviste.-
De mon c6bt, je m'occupais de mettro au net cet opuscule, ecrit
dans le hut d'bclairer tout le monde sur l'ntilitL et sur l'importance
de ces travaux hydrauliques. Je comptais le livrer i l'impression,
sEans attendre mrme la lin de ces corv6es qui, an train don't elles







-38-

allaient, paraissaient arriver bient6t i I'achvrement, quand la co-
lere des Bl6ments et celle aussi des hommes vinrent en disposer
autrement.-En effet, dans les premiers jours de septembre, deux
ouragans d'eau, h pen d'intervalle pros, en frappant la plain du
Cul-de-Sac, d6truisirent le grand batardeau central dn bassin g6nd-
ial, et rendirent nul pour longtemps ce canal remis au jour, qui
avait cotft6 tant d'argent aux colons, pour 6tre construit et pour
6tre cur6, tant de peines et de fatigues wux cultivateurs de notre
quarter, qui en avaient un si pressant besoin.-- Ce fut, h6las I
pendant ce malheur public qu'on tenta de renverser le gouverne-
ment, qui ne reculait 'devant aucun obstacle pour fair renaitre
notre agriculture souffrante, enlui porcurant en abondancel'eau qui
lui mauquait les trois quarts de l'annee.---Mas, chose etonnante !
les chefs de cette prise d'armes, dans le)ir propaganda, prirent pour
leur principal grief, le nettoyage de ce canal, travail si utile, que
tons les int6ress6s reclamaient a cor et A cri, et qui dans un pro-
chain avenir 6tait appel6 au contraire a fire lc plus grand bien
au Gouvernement coutre lequel its prichaient la r6volte.
Ce pronunciamento qui arriva ensemble avec le d6bordement de la
riviere, n'arreta que pour quelqies jours seulement ces corv6es a
l'achevement desquelles propridtaires et travailleurs soupiraient si
ardemment. Elles furent done reprises, malgre les m6contents du
clocher voisin, en train de trouble 1I paix publique. Mais, pour les
mener h bien cette fois,.et pour no plus perdre un temps pr6cieux,
on dut changer le MODUS VIVENDI du travail. Ainsi, au lieu de fai-
re rationner les ateliers presents, ce qui donnait lieu a des maui-
gances, le plus souvent favorables a la paresse et am nepotisme,
on promit de payer une PIASTRE par PAS, a tons ceux qui en you-
draient executer l'entreprise. Ce fut en adoptant cette sage mesu-
re qu'on :parvint a terminer le courage du canal Baqu6, enfoui de-
puis 78 ans, et qui aujourd'hui est un fait accompli.
Le conseil d'arrondissement prit tout d'abord I'initiatve de l'ex-
cution de ce travail utile a l'agriculture ; il est jugte aussi de faire
remarquer qu'a Boisrond Canal seul revient l'honneur de l'a-
voir fait poursuivre et achever en ddpit des obstacles les plus
difficiles a surmonter, les bouleversements de la terre et du ciel. II
l'avait promise sur 1'autel de la patrie de la Croix-des-Bouquets,
apres avoir chass6 les rebelles qui I'occupaient. Ce futgrace a cet-
te perseverance courageuse et dclairee, que ce canal construit par
Monsieur de.St Haulde, et recr6pi peut-8tre par le vieux Baqu6 qui
en continue les annexes, est rendu aujourd'hni a son antique
usage. Par cette resurrection incroyable 42 sucreres vont enfin
renaitre de leurs cendres, comme le 'Phnix des anciens.---Mais c'e-
tait trop beau pour nous, et comme il arrive souvent que les meil-
leurs projects finissent presque toujours par turner en eau de bou-
din, un cataclysme imprmvu vint h6las tout remettre en question.
Dans la nuit du 3 au 4 septembre, il fondit sur notre plaine com-








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me une trombe infernale, et d6truisit le barrage principal de no-
tre grand reservoir, avec plus de facility qu'un enfant qui renverso
un chateau de cartes. L'instantaneit; de cette destruction, nous
rappelle, malgr6 nous, cos beaux vers de Racine :
J'aiova l'impie ador6 silr la terre,
Je n'ai fait que passer, il n'dtait ddja plus !
Le bassin general boulevers6 par la tempkte de septembre cite
plus haut, allait rendre pour longtemps le grand canal si penible-
ment fouill par nos travailleurs hors d'usage et de service. Pour-
sauver,les habitations qui ne pouvaient pas prendre l'eau plus bas,
on obvia A ce d6sastre en faisant, tablir un barrage artificial, j us-
qu'A la reparation definitive de ce basin precieux qui fut si inopi-
n6ment detruit.
IX

11 y avait A ]a ttte du, canal qu'on venait de nettoyer, une petite
port de trop plein qui rejetait habituellcment 1'eau dans le haut
du bassin, afin d'eviter tout refoulement de ce liquid a la grande
porte d'ecoulemenit de la rive droite, pendant les pluies d'orage.
Eh bien, cette petite porte, maintenant agrandie, et mise en com-
munication avec le courant de la riviere, par un barrage artificial,
permit aujourd'hui de iournir l'eau necessaire au travail de ces
habitations;'limitrophes, qui sans cela, seraient completement per-
dues, et ne pourraient plus servir dosormais qu'a 1'dtablissement
de hattes. Notez que celles-ci seraient, helas tres pen productive,
h'cause des secheresses qui desolent quelquefois ce quarter, et
des champs de cardasses et de garatas qui l'ont malheureusement
envahis depuis longtemps.
Ce barrage artificial, qui est l'ceuvre de Boisroud Canal, avait dtd
faith en planches grasses de pitclipin, surperpos6es et cloudes sur des
pilots de lataniers obliquement enfoncees dans le lit de la riviere,
de facon a contraindre une parties (du courant de la riviere i se di-
riger vers cetLe nouvelle prise d'eau, qui aurail fait tressaillir l'om-
bre de Monsieur de St Haulde, si lit haut les morts peavent enco-
re suivre de I'ceil ce que nous faisons sur cette terre de boue et de
tracasseries. Cette petite porte si intelligemment appropriate permit
aujourd'hui d'utiliser en parties le canal nouvellement nettoye, au
profit de ces 4 on 5 habitations voisines, sans intervention du
bassin general. Elle aura aussi un autre advantage dans I'avenir,
ce sera de permettre le detournoment de l'eau de la grande riviere
pendant la s6cheresse, et de laiser a sec la plce of se tronve plus
bas le batardeau central, quand on voudra le reparer convenable-
ment. Car it faut en venir 1l, coilte que cotlte, pour sauver le Cul-
de-Sac. I1 fauL t6t ou tard rendre au canal son utilitL premiere, et
l'immense service don't, en lQ consiruisant, on voulait depuis un sie-








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die doter notre agriculture, qui fit la fortune do la France, et qui
ferait aussi la nitre, du jo;ir ott nous nous mettrous a 1'exploiter
s6rieusement. II imiiumbe .,i. i.- : ii h son Excellence le President
SALOMON, la graulo et gloriouse tactie de la reparation du bassin
general. T'itablissmnent prochair do la banquet lui fournira, sans
doute, les capitaux nicesst'ures pour la parachever en temps voulu.
Alors, senlemnit, lt President Salomon, come le bienfaiteur de
l'humauite souff~ranlte, sera stir de meriter la reconnaissance de
tons les pauvros iig.i.'culteurs de ce riche quarter de la plaine.-
Noire purgatoire a trop dure, it est bieu tlemps qau nous allioni
un peu Ious prelasser on paradise, auquel nous aspirons, si ardem-
ment. tielas nous avons vu taut de n6goeiants s'eurichir, qui
n'dtaient que des commis ett 1838, nous avons vu tant de fonc-
tionnaires fair fortune aussi apres bieu des anudes, que l'eau tous
est venue A la boucliu, mais on vait, .ar, depuis 40 aus. que nous
luttons avec le. sure brut, Ie sirop et le tafia, loin de reussir,
nous succoinbjus, ot vioux, apres uue jeunesse active.Ol vortueuse,
nous mourons de 'aimi, ne portantt pas mrine payer un loyer dd-
risoire ; et a tout moment, uous lisons, les larmes aux yeux, dans la
derniere page de3 journaiax du pays, la vcnto a l'enchre;de pres-
que toutes nos sucreries boiteuses. Savez-vous pourquoi? C'est par-
ce que le ddsespoir ct la rmisere co-habitent avec nos malheureux
planters et qu -1'usLre leur mange aussi la laine surle dos.--
Avant de metire la dernibre main a ca travail d'une si haute im-
portance, ii nous rest un dernier conseil a donner i l'administra-
tion sup6rieuredes travaux publics. II noi faut pas qu'elle entrepren-
ne A lal6gereles reparations a faire au bassin-gi6nral. II faut, avant
cela, fair nommer une commission d'hommes speciaux et compe-
tents, qui souls, apres avoir attentivermet examine les dUgats occa-
sionnus au batardeau central du bassin, pourront juger DE PROFesso
ce qu'il y aura t fire pour le rendre a son usage seculaire.. Seule
cette commission pent bien renseigner le gouvernement sur l'det n-
due des travaux A y faire exkcuter, sur la march a suivre, atin de
les rendre les moins on6reux possible a la caisse publique. Car, si
les choses ne sont pas ritablies, come elles l'etaient avant lo 4
Septembre 1878, et si, A Dieu ne plaise, un nouveau d6bordement
arrivait, avant qu'on ait eu le temps de tracer i. la riviere son course
habituel, ii faudrait s'attendre alors h des ddgats encore plus
desastreux que ceux deja products. Et si les populations rive-
raines qui, dans la nuit da 3 au 4 Septembre, furent terrifies, et
tremblent encore d'effroi, rieu qu'au souvenir d e c cataclysme cru-
el, le plus cruel qui ait frapp6 lc Cul-de-Sac, de mdmoire d'hom-
mes, que sera-ce alors au prochain maiheur qui reste suspend sur
leurs tbtes, come uno autre 6pee de Damocls Helas ce nouveau
malheur, bien prochain peut-itre, ne sera entierement dvit6 que si
la riviere, subitement grossie, trouvait un from capable de rdsis-
ter t l'aorme pouss6e des eaux en rdvolte dans uu batardean co-








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ossal, solidement .onstriil ; on bien, si, par unc w)csnre saintui-
re a prendxre enfin par 1,u Goluernement, lue montaii~ -es dlenuide
ans les values desquellns cole notre capricieux torrent, poi-
valent h 1'avenir etre convenablement reboisees.- Le reboisvineun
de nos montagnes et un hatardeau central d'nne tres-grainde r6sis-
tance, sauveraient Sfrement notre plaiie trop sonnvent de;vaste ain-
si.ique tous les malhbureux cultivateurs qui l'habitent et, qui par
hesoin d'eau pour leur culture, 616vent habituellement lears ;Ihai-
inieres le long des rivieres qui 'arrosent, soit dauis in c'!lt.ui,
soit dans -an autre. Comme il e t en lemps encore, j'aime bilau 'op;,
mieux aujourd'hui crier ; tons ces imprudents: A L'OEU\E': olIO.M
TOUT LE MONDE ET N'OUBLIEZ PAS LE PROVEIRBE QUI VOUIj DIT : 1( E-
Tor,. LE CIEL T'AIDERA. Cela vaut cent ifis mitux, i'est-ce pas qume le
erior dans le vide, ou deboat sur des ruiies on des adavreis ap ris
la temppte ; avec le ton pleureur d'nn faiseur d'oraison Jnlitl't :
PEOPLE, VOUS L'AVEZ VOULU, VOTRE IIMPRUIVOYANCE VOUS A .OIU-
I CHER. QUK LA VOLONT' DRI DIrm 80IT o' T'I I


lawlm- mu ahow






ERRATA

-- --.


14, au lieu de
10,
9,
4'2,

IS,


34,
40,
4.


Page
(



o
((

4c


VII,
I 0,

17,
16,


ENCORE, ligez ENCORE.
IL, lisez ILS.
Nou, lisez NoN.
AU, lisez OU.
vois, lisez VOIES.
OES, lisez CES.
VIVE, lisez RIVE.
AYANT-DROITS, lisez AYANTS-
DROIT.
VE, lisez NE.
FROTTERMENT, lisez FROTTEMBN
meme page, line 22, m'me I
ge, ligne 32, an lieu de FA(
lisez JACOT.
RICoRD, lisez RICARD.


Diko.


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