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DE L'HYGIENE
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EN HAITI
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DE
L'HYGIE
EN HAITI
PAR
PERPIGNAND-LAFON]
MEDECIN EN CHEF
DE L'H6PITAL MILITAIRE DE JACMEL (z
7 "
NE
TANT
AITI)
^
V" CH. DUNOD & P. VICQ
EDITEURS DE L'UNIVERSITi HAITIENNE
49, QUAI DBS ORANDS-AUGUSTINS, PARIS
PREFACE
Dppuis bien longtemps, un ouvrage de la
nature et du earactere de celui que j'ai l'hon-
neur de livrer aujourd'hui au public dtait ndces-
saire. Le besoin s'en faisait sentir pour notre
pays et dans nos families ofi 1'on fait si peu
d'hygi6ne, parce quel'on ignore, le plus souvent,
les moyens scientifiques A employer.
C'est cette lacune que j'ose essayer de com-
bler. On me pardonnera mon audace pour avoir,
le premier, pens6 A le faire. Trop heureux serai-
je si j'ai r6ussi dans la besogne difficile que j'ai
entreprise !
Il y a deux ans, j'ai eu l'avantage de faire une
conference Jacmel, dans une soir6e littdraire,
et j'exprimais le souhait pour notre pays d'entrer
bientot en pleine lumi6re, dans la grande apo-
thdose que l'on fait aujourd'hui de toutes parts
aux sciences, et que l'hygi6ne, qui, come on
-VI-
le sait, reside dans la conservation des peuples,
ne fft pas lun des moindres soucis de ceux qui
tiennent en leurs mains nos plus chores desti-
n6es. Ce souhait, je le confirm encore et le r6i-
tere dans toute la sinc6rite de mon coeur.
C'est pourquoi j'ai travaill6 a la petite etude
que je livre bien timidement a tous les lecteurs
haitiens, ne sachant quel accueil lui sera re-
serv6. Je n'aj faitqu'une dbauche, encore incom-
plete, d'un ouvrage que d'autres plus competents
que moi acheveront avec advantage.
L'ddifice scientifique de notre pays est A cons-
truire. Que chacun y apporte sa pierre. Quant A
moi, je mets aujourd'hui la mienne. C'est une
occasion bien heureuse et une satisfaction bien
grande pour moi de lui apporter, une fois de plus,
le faible tribute de mon d6vouement et le temoi-
gnage sincere de mon ardent amour pour lui.
Paris, 22 octobre 895.
PERPIGNAND-LAFONTANT,
16, rue Royer-Collard.
^ ^. ). .-,, ,"1.- .- .
DE L'HYGIENE EN HAITI
INTRODUCTION
L'hygiene a, de tout temps, occupy l'attention
gdn6rale. Est-ce parce qu'elle est la source d'oh nait
et decoule notre sante ? est-ce parce qu'elle est
l'auxiliaire puissant de la. conservation de notre exis-
tence, hllas! s" pr6caire? On 'a dit, avec tine jus-
tesse remarquable: 6tre ou n'6tre pas, telle est
1'eternelle affaire de l'humanitd; paroles profondes
qui rdsument toute 1'histoire des g6ndrations ante-
rieures et futures. Tout l'inter6t des peuples est la;
c'est une vaste conspiration entire les elements des-
tructeurs qui nous entourent.
Dans les temps les plus recules, nous avons vu
que la sant6 publique 6tait l'objet des plus constantes.
preoccupations. Des hommes, don't 1'eminent genie
avait devanc6 leur 6poque, en ont pris un soin
presque jaloux. Moise, Lycurgue, Hippocrate, le di-
vin auteur et le pbre de la MWdecine, ont trace des
rbgles qui 6tonnent encore le monde savant. Et
toute cette phalange de legislateurs qui honorent les
INTRODUCTION
sciences et les lettres y ont apport6 leur tribute de
lumieres. On connait les pr6ceptes de Moise sur
1'hygiene publique et priv6e. Le l6gislateur h6breu
les formulait en des terms pr6cis... Et Lycurgue, le
grand Spartiate qui ddifiait la Patrie dans un ideal
superbement mystique !... Aujourd'hui, nous avons
d6pass6, aprbs les avoir admires, les conceptions
toutes gdniales de ces grands cerveaux. L'hygiene
publique et privee a fait des progres bien immense,
et le flambeau du siecle, de ce siecle qui va bien-
tot s'6teindre, n'a pas pen contribu6 & illuminer de
ses rayons puissants cette branch de la science
m6dicale. Mais que de desiderata ne reste-t-il pas
& combler! que de problemes encore & r6soudre Les
grands chercheurs et les esprits investigateurs sont
appel6s a fouiller dans les inconnues disesp6rantes
que recele la nature. Les destinies de la science ne
sont-elles pas, en effet, celles de I'esprit human?
L'horizon est vaste, et la vue s'6tend demesur6ment
dans ce champ ouvert aux recherches. Si l'hygibne
nous cache encore des secrets, une patient 6tude,
il faut l'esp6rer, soulevera le voile et le dechirera
aux regards 6tonnis du monde pensant.
Conserver notre santd et, par consequent, prolon-
ger la dur6e de l'existence humaine, rendre plus
inaccessibles aux causes de destruction les resorts
si d6licats de notre merveilleux organisme: tel parait
Wtre le but de l'hygiene. Disputer notre vie aux 616-
INTRODUCTION
ments coalis6s centre elle, rendre meilleures les
conditions dans lesquelles nous existons, ce n'est
pas tenter l'impossible, assur6ment.
Depuis que l'homme vit en soci6t6, depuis l'homme
primitif jusqu'h 1'homme de nos jours, toutes les
combinaisons ont 6t6 prises par lui pour prot6ger son
existence. Hier, il se couvrait de peaux de b6tes
sauvages pourse garantir centre les agents ext6rieurs,
contre les intemp6ries des saisons; aujourd'hui, l'in-
dustrie a crd6 le vMtement, depuis le plus l6gerjus-
qu'au plus chaud, celui qui le met a l'abri des ri-
gueurs du froid le plus intense.
Sans doute, la m6decine a pris naissance dujour
oh un homme a senti les atteintes de la maladie et
de la souffrance! Mais comment est venue la maladie?
Les premiers hommes qui ont habit le globe ont-ils
souffert des perturbations qui surviennent dans nos
organes? Certes oui. Comment se sont-ils soign6s ?
Connaissaient-ils la th6rapeutique, la pathologie, l'hy-
giene? Si nous consultons l'histoire des sciences
m6dicales, nous verrons que l'art de gu6rir ne remote
raisonnablement qu'h Hippocrate. Observaient-ils les
regles de I'hygibne ? Mais ce mot leur 6tait absolu-
ment inconnu.
Un hygi6niste c6elbre 6crivait : < Les causes qui
( modifient les masses humaines se rattachent : les
<, unes, aux lois immuables de la nature; les autres,
b a-l'intervention de l'homme lui-meme ; de la syner-
INTRODUCTION
< gie ou de l'antagonisme de ces deux ordres de
< causes, r6sultent les phases de l'6tat social. Quoique
( humanity6 ne se resemble pas i deux 6poques
( diffirentes, elle porte en elle tons les principles
( de conservation q'Won observe dans les ph4no-
(< mnesnaturels. L'action perturbatrice que I'homme
( exerce sur lui-m6me et sur tout ce qui l'entoure
( est d'autant plus 6nergique, qu'il advance plus en
< intelligence et en civilisation. Faible et nu, il
( possede des forces morales qui Ie distinguent des
(( animaux et lui soumettent le monde ext6rieur.
< N6anmoins, ses conquetes sont lentes : s'il assainit
(( des regions inhospitalibres, s'il dompte le monstre
( des epid6mies, s'il ajoute quelques ann6es a la vie
(( moyenne de sa race, c'est avec le secoursdu temps
< et presque des siecles. L'hygibne publique formule
( les lemons de cette douloureuse experience des
( generations qui out precede la n6tre.
II est evident que, du temps de Moise, l'hygiene
n'6tait pas aussi connue que de notre 6poque; et
cependant, le grand lkgislateur avait devin6 cette
science, puisqu'il en tragait des rBgles. Selon toutes
les probabilitss, elle ne remote qu'h son temps.
En traversant les ages, nous l'avons vue 6tre en
grande pratique et en grand honneur chez les Spar-
tiates. On connait I'histoire de leurs fameux exercices
de gymnase suivis de bains ou d'ablutions.
II faut arriver au temps d'Hippocrate pour avoir
INTRODUCTION
sur I'hygiene des notions exactes et scientifiques.
L'auteur du livre De l'Air, des Eaux et des Lieux
avait d6jh embrass6, dans son vaste coup d'oeil, le
champ de la nosologie, de l'6tiologie et de 1'hygiene.
L'Inde, le berceau du genre ihmain, la grande ini-
tiatrice de la civilisation dans le monde, devait prendre
part aussi au movement sanitaire. Deux sibcles
avant le Christianisme, elle avait cr6d des institutions
hospitalibres et une organisation d'assistance publique.
Elle poussa m6me tres loin les 6tudes sur l'hygibne
alimentaire. Le v6g6tarianisme vient d'elle, et, si
Rousseau eit v6cu du temps de Bouddha, le grand
fondateur du bouddhisme, comme on le sait, prince
et dieu de l'Inde, il n'efit pas tant pr6conis6 l'exclusi.-
visme dans l'alimentation. Mais, malheureusement, le
v6getarianisme a tul'Inde. Cette population immense
est aujourd'hui bien tonhbe : ce qui est un example
frappant que l'exclusivisme dans I'alimientation, comme
ailleurs, est chose mauvaise, et qu'il est utile a.
l'homme d'introduire dans son regime la chair des
animaux. La physiologie a reconnu que l'alimentation
-mixte 6tait la meilleure, l'homme 6tant omnivore.
Rome, qui semblait avoir porter la civilisation jus-
qu'a son apog6e, aprbs l'avoir prise de la GrBce, ne
pouvait meconnaitre .les prdceptes hygi6niques.
L'hygibne publique 6tait connue chez elle. Etait-ce
un effet de I'orgueil national de la part de ce people
remain, qui traitait de barbares tous les autres peuples
INTRODUCTION
qui ne parlaient pas sa langue? Quoi qu'il en soit,
nous devons admirer leurs grandes routes dall6es,
leurs vastes 6gouts, leurs aqueducs, leurs thermes,
leur organisation d'hygiene municipal, qui restent
comme un monument 61ev6 h leur splendour et & leur
opulence. Il y a de grandes lemons d'hygiene dans
tous ces travaux divers.
Mais les barbares devaient arriver, et cette grande
civilisation devait s'6crouler. La grande nuit du
moyen Age, qui a 6td si funeste au progres, devait
survenir aussi avec son cortege d'ombres et de
t6nebres, et le movement hygi6nique sembla entrer
alors dans une longue torpeur. Le christianisme, qui
fut la religion naissante, voulut r6primer les luxu-
rieuses debauches auxquelles les peuples de l'anti-
quit6 se livraient, voulut rendre plus s6vBres les
moeurs relAch6es des paiens, et tomba dans l'exchs
contraire. Les ap6tres de cette religion pratiquaient
la pauvret6, le renoncement aux biens terrestres. II
est vrai que l'Eglise avait ouvert des asiles et des
hopitaux, mais l'hyginne en 6tait bannie. On so sou-
vient du r6cit des 6pid6mies terrible d6crites par les
auteurs, des pestes noires, de la lepre et de bien
d'autres qu'on combattait par des prirres et des pro-
cessions. L'6tiologie des maladies 6tait enveloppee
d'une mysterieuse ignorance. Dieu et le diable la
r6sumaient tout entire.
Ce sommeil de l'humanit6 dura longtemps. Cepei-
INTRODUCTION 13
dant, de temps en temps, sous les coups successifs
de la 16pre, de la peste noire, de la syphilis qui d6so-
laient les peuples, on sembla chercher les causes de
ces maladies pour les combattre par des moyens ter-
restres. C'est ainsi qu'apres la grande 6pid6mie de
la peste noire a Venise, en 1348, on cr6a des pro-
v6diteurs de sant6 et on institua des quarantaines a
Milan, Majorque (iles Bal6ares), etc. Quand la syphi-
lis, au xvO siecle, envahissait le monde, le Parle-
ment de Paris fit sortir alors un arrWte rest celbre :
tous les malades syphilitiques strangers a la ville
devaient la quitter dans les vingt-quatre heures,
sous peine d'6tre pendus, et se rendre soit dans
leur pays, soit oh bon leur semblerait. La measure
etait, il faut le dire, 6goiste et severe, mais elle
devenait necessaire. C'est ce qu'un auteur appelle,
avec beaucoup d'esprit, de l'hygibne particulariste.
Cette prophylaxie logique, n6cessaire, pour 6tre
utile, pour porter ses fruits, devrait 6tre aide d'un
assainissement urbain scientifique et raisonn6. Mais
non, et nous apprenons qu'en 1533, a Paris, on dut
prescrire, sous peine d'amende, l'installation des cabi-
nets d'aisnce dans les demeures. Auparavant, les
d6jections humaines et autres s'6talaient dans les
ruelles et les rues, et jusqu'au xvm" siecle on vit
les soldats et les bourgeois s'aligner le long des
murs pour uriner. Paris, cependant, 6tait assez
avanc6 et 6tait en passe de devenir la Ville-Lumibre.
UC
1'
INTRODUCTION
Mais il faut arriver h la fin du xvin" siecle pour
voir dans I'hygiene une n6cessitd. En effet, n'est-ce
pas en 1776 que so fondait la Soci6t6 royale de
Mddecine a Paris, et qu'en Allemagne Jean-Pierre
Franck publiait, en 1778, son Plan d'une Organisa-
tion de Police sanitaire complete. C'6tait une bre
nouvelle, don't les Allemands sont fiers a just titre.
Ii etait reserve au xIxe siecle, le siecle qui a vu
se rdaliser les plus grandes choses, de donner a
1'hygiene son caractere scientifique. En 1802, Paris
eut un Conseil de Salubrit6 publique, et les autres
villes ne tarderent pas i l'imiter. En 1822, il y eut
une tentative de centralisation par la creation d'un
Conseil sup6rieur de Sant6; et, en 1848, on a eu des
Comit6s consultatifs d'Hygi6ne publique.
Ce qui se passait en France, se passait aussi en
Angleterre et en Allemagne. On connait le Registror.
general, le General Board of health, ou Administra-
tion sanitaire gouvernementale'. )epuis 1848, I'hy-
giene n'est pas rest6e stationnaire. Loin de l : elle
a atteint son apog6e, et aujourd'hui il semble qu'il
ne rest plus rien a d6sirer. Une science nouvelle,
la bactdriologie, est venue l'enrichir de donn6es nou-
velles. NMe des recherches patients et laborieuses
de I'un des plus grands homes de science de nos
jours, Pasteur, elle sera et restera le guide de
l'hygibne et de 1'6tiologie. Aujourd'hui, tout rest aux
bact6ries. L'on en voit partout. De m6me que, dans
INTRODUCTION 10
les t6nebres du moyen age, Dieu, le diable et
quelques conjonctions d'astres 6taient la cause de
toutes les 6pid6mies, les bacteries constituent aujour-
d'hui le corps du d6lit de presque toutes nos mala-
dies. Tant il est vrai de dire que l'humanitW ne se
resemble pas h deux 6poques diff6rentes.
Faire de l'hygibne gne6rale, c'est faire acte de
civilisation, car il en r6sulte le progrbs qui est
l'aboutissant final.
CHAPITRE PREMIER
DIVISION
L'hygibne comprend deux grandes branches: l'hy-
gibne publique et 1'hygiene privde. Cette distinction
ne repose, a vrai dire, que sur une simple interpr6-
tation de mots. En some, en faisant de l'hygibne
privde, on ne fait qu'une application des regles de
l'hygiene publique.
Les auteurs, en traitant de la premiere, men-
tionnent le sol, l'eau, 1'air, et ce n'est, en r6alitd, que
l'hygine (de tout le monde, l'hygibne g6n6rale, par
consequent.
Ii conviendrait plut6t d'6tablir la division suivante
qui semble 6tre la meilleure, de i'avis de beaucoup
d'hyginistes:
1 Hygiene gnd6rale ; 2 hygiene sp6ciale; 3 l1gis-
lation et police sanitaires.
L'hygiine general s'occupe des rapports n6ces-
saires de l'homme, pris comme 6tre abstrait, avec
les agents, on milieux cosmiques, qui peuvent influen-
DE L'HYGIENE ENI HAiTI'
cer la sant6, soit naturellement, soit par suite de sa
presence meme. Cette s6rie de rapports est com-
mune et fatale. Nous les subissons tous, nous les
partageons avec le reste des 6tres vivants. C'est la
nature m6me avec tout ce qu'elle content de germes
de vie et de mort. C'est le sol, autrement dit, sup-
port commun; c'est l'eau, modificateur commun; 1'at-
mosph/re, milieu commun; ce sont les organisms
inferieurs qui p6netrent tous les milieux; les abris,
comprenant l'habitation et- le vetement, tous deux
modificateurs communes; les aliments, les soins cor-
.porels, l'exercice et le repos. L'homme subit 'in-
fluence de ces milieux : c'est lh que ses organes se
S- dveloppent, pronnent de 1'6nergie et de la vitality,
et contractent aussi les maladies.
L'hygiene special, au contraire, affected des rap-
ports plus particuliers. Elle s'occupe de certain
groupss sociaux et semble separer compl1tement
l'homme du reste des 6tres. Mais, cependant, elle
est oblige d'avoir recours aux principles g6ndraux,
les groups qui la composent ayant 6galenmnt des
rapports sanitaires avec le monde ext6rieur.
' Elle doit so r6partir ainsi : l'hygiene social,
embrassant 1'anthropologie, I'ethnologie, la d6mo-
.graphie; l'hygilne des malades, qui comprend les
hopitaux, assistance, la prophylaxie sp6ciale, l'hy-
gibne des prisons; lhygidne de I'armee, comprenant
le group militaire et marin, 1'hvgibne de l'enfance;
DIVISION 19
l'hygiene professionnelle, comprenant le group
industrial; l'hygiene des 6coles, le group scolaire;
1'hygine des villes, le group urbain; l'hygiene des
gens de la champagne, le group rural.
Quant h la troisibme section de l'hygibne qui traite
de la legislation et de la police sanitaires, elle s'oc-
cupera plus particulibrement de I'organisation de
l'hygine .publique dans les divers pays, tant au
point de vue national qu'international, des autorit6s
et agents sanitaires, des lois et penalit6s.
Ainsi qu'on le voit, 1'4tude de l'hygibne est trbs'"
vaste. Les divisions et subdivisions que nous avons
retracees sont autant de travaux et de sp6cialit6s
n6cessitant des recherches, des mat6riaux et des
connaissances trbs approfondies et bien varies.
Nous n'avons pas la pr6tention de les embrasser
toutes, ce serait vouloir faire un trait d'hygibne.
Notre but est plus modest. Nous parlerons de
l'hygiene en Haiti d'une fagon gdndrale.
CHAPITRE II
MALADIES tVITABLES ET NON IVITABLES
Parmi les maladies qui frappent l'espbce humaine,
il y a les maladies 6vitables et non 6vitables, comme
disent les auteurs. Se basant sur les statistiques qui
parent toujours Bloquemment, ils ont constat6 une
proportion plus grande de mortality, et ils ont con-
clu que cet cart provenait des maladies non 6vi-
tables.
Pour notre part, nous croyons qu'avec les moyens
don't la science dispose aujourd'hui toutes les mala-
dies, sauf cependant les maladies h6drditaires, et
encore c'est tres contestable, peuvent 6tre parfai-
tement 6vitees. II est vrai que 1'hygibne ne peut
pas empecher l'homme de mourir ; mais, du moins,
elle peut lui donner les moyens de conserver ses
jours et de prolonger la dur6e moyenne de son
existence. On a dit que les malformations, la fai-
blesse native, les accidents, les maladies conta-
gieuses des enfants, les maladies de misbre et les
MALADIES EVITABLES ET NON EVITA)LES 21
maladies her6ditaires sont des maladies non 6vi-
tables.
Les maladies contagieuses, que nous combattons
par les soins de propret6, la disinfection, l'isolement,
finiront par disparaitre ou, plutot, deviendront inof-
fensives, sous les effects pers6v6rants de la science.
Aujourd'hui, les moyennes des d6ces sont relative-
ment faibles, en comparison de ce qu'elles 6taient
autrefois. Dejh nous constatons que, quand ces ma-
ladies se d6veloppent, elles ne prennent plus le
caractere pandemique qu'elles avaient nagubre et se
renferment dans la forme sporadique, isolde. Tout
r6cemment, au mois de juillet 1892, le cholera est
apparu en Europe (Espagne) et est rest circons-
crit, grace aux moyens hygieniques rigoureusement
observes.
Les maladies de misbre et les maladies h6r6di-
taires n'existeront plus quand la soci6t6 se sera
d6barrass~e de deux plaies qui la rongent: l'alcool et
la syphilis. Toutes les maladies h6r6ditaires ne sont
qu'une transformation, que des consequences del'al-
coolisme. Les tuberculoses, la scrofule, les fai-
blesses natives proviennent de la misere physiolo-
gique. Ce sont ces maladies qui fournissent h la
statistique obituaire la plus forte moyenne, si l'on se
rappelle que, sur 100.000 habitants, Ia phtisie pulmo-
naire seule cause 216 d6ces & Londres, 326 & Her-
lin, 360 a Bruxelles, en Europe. En Am6rique, dans
DE L'HYGIENE EN HAiTI
les grands centres, la proportion est tout aussi
6lev6e.
Dans notre pays, oh l'on s'occupe fort peu de statis-
tique, la tuberculose est pour une part trbs grande
dans les mortalitis. J'ai eu l'occasion de constater qu'h
Port-au-Prince, dans la salle de Mars, ol je suivais
les cliniques, sur 20 malades on comptait 2 phti-
siques. C'6tait une moyenne invariable.
A notre 6poque, nous le savons, et c'est incontes-
table, la tuberculose est une maladie parasitaire,
transmissible & l'homme par infection. Elle est done
contagieuse et pent frapper tout le monde. Si elle
s'acharne surtout sur les mis6rables, si on l'observe
plus souvent dans la classes pauvre et dans une pro-
portion si grande, c'est que les conditions hygi6-
niqtes de ces milieux sont mauvaises, c'est que la
maladie trouve un terrain de culture facile. Le jour
oh les societ6s pourront 6tablir un bien-6tre relatif,
bien entendu, dans toutes les classes, on aura sup-
prim6 tout a fait ou h peu pres les maladies de
misere. Ce sera un triomphe pour I'humanite, et ce
jour, jour h jamais fortune le problem social sera
resolu au profit des d6sh6rit6s, des lutteurs qui auront
acquis alors le droit &a 'existence.
Apres avoir dit un mot des maladies 6vitables et
non evitables, il suffira d'6tablir la prophylaxie des
maladies en general.
Toute I'humanite est sujette i la maladie et aux
22
MALADIES EVITABLES ET NON EVITABLES
23
souffrances; mais toutes les maladies ne reconnaissent
pas les memes causes. Il y en a qui sont propres h
certain milieux, i certaines influences cosmiques.
En effet, parmi les maladies infectieuses d'origine
tellurique, il est hors de doute que le cholera est une
maladie qui a son berceau en Asie (Indoustan), aux
confluents du Gange et de la Djumna. Elle est tou-
jours imported en Europe a la suite de pblerinages
auxquels se livrent encore les peuples de l'Occident.
Le poison choldrigene a done une origin tellurique.
II est bien certain que le retour des pelerins dans
leurs foyers, aprbs l'accomplissement des fetes reli-
gieuses, et accessoirement les movements des
troupes, sont les seules causes de l'exportation du
cholera au-dela de- son domain original. L'infection
chol6rique a une p6riode d'incubation. La maladie
6clate quelques heures apres la contamination, quel-
quefois trois, quatre, cinq ou six jours. Elle est alors
a l'etat latent, et ce temps permet h l'individu con-
tamin6 de se deplacer et de porter plus loin le poi-
son que la maladie confirmed reproduira en lui. II
est bon de remarquer aussi que l'infectiori ne revet
pas toujours la forme grave qui foudroie sur place
le patient; elle peut Utre borne a des accidents
relativement 16gers, compatibles avec la vie com-
mune et la locomotion. Ces deux circonstances fon-
damentales rendent compete et de l'exportation de
la maladie par une caravane don't 1'Ftat sanitaire
,C
I
1
--e
i:I.
DE L'HYGIENE EN HAiTI
semble bon au moment du depart, et des trajets
variables que des individus infects peuvent parcou-
rir, avant d'6tre immobilis6s instantanement. C'est
d'observation rigoureuse-. Telle est l'opinion de Jac-
coud, particulibrement, et de plusieurs auteurs, entire
autres Moreau de Jounbs (Paris), de Mtiller (Russie),
de Grey (Mannheim), de Neufville (Francfort), etc.
Comment expliquer que certaines maladies soient
propres h certain milieux plut6t qu'a certain autres?
comment expliquer que la malaria soit plus frequente
dans notre pays et dans certain autres milieux qu'en
France, par example? La genese est inconnue. On
a dit que le cholera respectait les terrains a sol gra-
nitique, ce qui semble donner raison h l'immunit6
proverbiale de la ville de Lyon. Mais on peut suppo-
ser qu'il y a dans le sol un agent de transmissibility
du poison, qui rend celui-ci apte a propager la mala-
die toutes les fois qu'une cause vient ajouter a I'en-
demie tellurique, telle qu'une grande agglomeration
d'hommes, les d6fauts d'hygibne, etc., car il est cons-
tatd aujourd'hui que le cholera devient endemique
dans certain milieux oh il'apparait souvent. On peut
croire aussi que I'atmosphbre, dans ces lieux a endd-
mie est plus saturee de microbes qu'ailleurs ; que
les habitants de ces regions, subissant constamment
l'influence du miasme, lui sont devenus r6fractaires; et
que ces microbes, trouvant des organismes pr6dis-
poses dans les voyageurs ou population flottante, pro-
MALADIES EVITABLES ET NON EVITABLES 25
pagent la maladie avec une intensity relativement
violent.
La variole, la rougeole, la scarlatine, la dipht6rie
sont aussi des maladies 6vitables. Contre la premiere,
on peut opposer la vaccination et la revaccination.
Dans certain pays, en France, en Allemagne, en
Angleterre, la vaccination est obligatoire, et l'on
constate les heureux effects de cette measure. L'isole-
ment des malades des hOpitaux, la disinfection des
locaux et des effects sont les moyens les plus employes
et les meilleurs pour combattre les dernibres avec
advantage.
CHAPITRE III
DU SOL
Parmi les 6tres organisms, 1'homme est le scul
qui puisse contrebalancer victorieusement l'influence
nocive des climates. Si tout vient de la terre et y
retourne, il faut admettre que celle-ci joue un rble
capital dans notre existence. La constitution du sol
semble favoriser ou enrayer la march de certaines
maladies infectieuses. On reconnalt la part qui revient
i quelques terrains dans le d6veloppement de la
fievre typhoide et du poison chol6rigbne. Magne prd-
tend que la fi6vre typhoide est beaucoup plus frd-
quente sur les terrains de formation post6rieure aux
terrains houillers, sur les terrains -de formation
oolithique. Mais ce qui parait evident, c'est que le
cholera ne visit que certain pays, de m6me que
la fievre typhoide. Ainsi, il est a constater qu'on n'a
jamais observe ces maladies meurtrieres chez nous,
en Haiti. Serait-ce le fait d'une constitution gdolo-
gique avantageuse ? Nous inclinerions a le croire
avec les autres, come Petenkoffer et Magne. Il est
DU SOL 27
vrai qu'on a constat6 quelques cas rev6tant la formne
choleriforme, mais l'observation d6montre que ce
sont plut6t des fievres pernicieuses, pr6sentant ce
caractber, et non la maladie elle-mnme. Du reste,
elles n'ont jamais eu la diffusion 6pidinique qu'on
reiarque dans les autres pays oh elles sevissent
avec intensity.
Le sol est, avons-nous dit, un receptacle de pro-
cessus morbides. Les auteurs ont decrit certaines
maladies infectieuses et les out d6nonmm6es maladies
telluriques. Parni elles, nous distinguous la malaria,
la grippe ou influenza, le cholera indien, la fievre
jaune et la suette miliaire. Le poison g6nerateur de
toutes ces maladies est inconnu, mais il est un fait
acquis aujourd'hui a la science, c'est qu'elles
viennent directement du sol.
De toutes, la malaria et la fierre jaune sont les
plus frequentes dans notre pays. Ces deux maladies
sont endemiques dans nos climats. Il est vrai de dire
qu'on n'a jamais trop bien constat6 un cas de fibvre
jaune chez un des notres. La maladie s6virait plu-
tOt parmi immigration blanche qui nous visit.
L'immunite, par contre, serait accord6e aux noirs.
Cependant des pathologists, don't la competence
est irrecusable, pr6tendent que ceux-ci, voyageant
en dehors de leur zone, en Europe, par example,
peuvent contractor la maladie, en perdant ainsi le
bi6nfice que leur accordait leur climate.
28 DE L'HYGIENE EN HAITI
Quant a la malaria, c'est elle que nous-connais-
sons le plus, et nous pouvons dire que c'est elle qui
d6cime le plus notre population. Elle rev6t toutes
les formes, si bien qu'elle d6route le diagnostic de
plus d'un m6decin. II faut une grande habitude des
malades et le r6sultat de nombreuses observations,
pour pouvoir les reconnaitre sfirement et exactement.
Pour notre part, nous avons vu la maladie rev6tir
la former d'une p6ripneumonie grave et d6jouer la
science de plusieurs medecins. C'Utait au Port-au-
Prince, dans lne famille bien connue. Tout i coup,
la maladie 6clate sur une jeune fille de dix-huit ans,
forte et de bonne constitution. Le premier jour, un
paroxysme f6brile se fit voir, accompagn6 des symp-
t6mes et des signes st6thoscopiques d'une fluxion
pulmonaire trbs peu marque. Puis une apyrexie
assez caract4risde survint, et soudain, du quatrieme
au cinquibme jour, un 6tat grave se manifesta et
mit les jours de la malade en danger. La m6dica-
tion specifique naturelle fut institute et en eut raison.
Chacun sait aujourd'hui que les sels de quinine et le
quinquina sont les m6dicaments h6roiques du miasme
palustre.
Nous avons dit que le cholera indien ne nous a
jamais heureusement visits.
L'influenza est apparue chez nous, pour la premiere
fois vers l'automne de l'annee 1889. Depuis, ila etW notre
hote incommode en 1890, et il a fait le tour de l'ile.
DU SOL
Nous ne pouvons supputer le nombre de victims
qu'il a faites pendant la terrible 6pidemie de cette
ann6e.
Quant A la suette miliaire, range aussi au nombre
des affections telluriques, nous ne l'avons jamais
observe chez nous. Mais c'est une maladic relati-
vement benigne, a part la suette dite foudroyante,
qui tue du deuxibme au quatrieme jour.
Bien qu'on ait dit qu'un 6tat malarial du sol peut
exister sans marais, nous serious tents de le nier, si
les faits ne le prouvaient trbs amplement. Ainsi le
haut plateau de Castille, la plaine de l'Araxe,
haut plateau basaltique, les terrasses de la Perse et
particulirement le plateau d'Iran, sans aucun course
d'eau et priv6s de pluie, entretiennent cependant les
fievres palustres. On dit que l'Algerie est moins ma-
r6cageuse que son ancienne reputation n'efit pu le
faire supposed. Ses marais ne sont que des ilots vis-
a-vis des immense territoires sees, sur lesquels,
n6anmoins, le sejour est dangereux h l'homme.
Aux Etats-Unis, parait-il, 1'on connait 6galement
une fievre de montagne (moutain-fever), qui s'ob-
serve dans les prairies et les grandes terrasses de
l'Ouest. Frapp6s de l'impossibilit6 de trouver une
surface d'eau stagnante ou simplement fangeuse, qui
fasse expliquer sur ce terrain une reelle infection de
l'air, les auteurs am6ricains ont n6anmoins pens6 que
le principle de la fibvre est dans le sol, mais qu'il est
30 DE L'HYGIENE EN HAiTI
port aux economies par l'eau de boisson; ils ont
mime fait, a ce propos, la distinction de la malarial-
fever et de l'aquamalarial-fever; c'est cette der-
nibre qui est la fibvre de montagne.
<( On peut opposer, dit M. Jules ARNOULD, a
l'objection qui resort de ces faits d'autres faits, don't
quelques-uns out 6t6 constat6s directenent, mais
parmi lesquels il en est qui ne sont guere plus qu'une
induction. Citons l'infiltration et la stagnation d'eau
dans le sol des collins romaines, rapport6e par Tom-
masi-Crudeli, le voisinage d'une eau souterraine,
aide des conditions convenables de chaleur, de v6-
g6tation spontande, l'humectation de la surface du
sol par la rose, dans les regions chaudes ohi il ne
pleut pas et qui, naturellement, sont continentales,
enfin l'6rosion par les agents mrtdoriques qui, inva-
riablement, rendent le sol accessible i l'eau, si grani-
tique ou volcanique soit-il. Toutes ces causes sont
favorables au d6dvloppement des microbes. Des qu'il
y a la terre et l'eau, il y a la vie et, par consequent,
de la mort. La terre, l'eau, la vie et la mort en-
trainent forcement les ph6nomenes de decomposition
exig6s pour rendre le sol dangereux. II le sera si ces
phenomenes se sont accomplish pendant des siecles,
sans que rien vienne les trouble et annuler leur in-
fluence, si surtout le puissant auxiliaire de la cha-
leur vient donner en intensity i ces foyers ce qu'ils
n'ont pas en 6tendue. ) (Jules ARNOULD.)
DU SOL
Les fires palustres, qui s6vissent si cruellement
chez nous, n'ont pas besoin de ces demonstrations
pour leur explication. Nous constatons que c'est on
6tW, aprbs les grandes pluies d'avril et de mai, vers
les mois de juin, juillet, aoft et septembre, qu'elles
sont le plus fr6quentes.
Dans la rdpartition gcographique du sol malarial,
les Antilles tiennent la premiere place. Cependant
Haiti est, de toutes, celle qui possbde le climate le plus
doux et le moins meurtrier. Toutes les cinq parties
du monde sont affligdes, ilne faut pas so m6prendre,
des effects du miasme palustre.
On connait la malaria en Europe, et les principaux
points oil elle rbgne sont en Italie : la Lombardie
et le Pi6mont, oh elle est entretenue par les debor-
dements du P6 et de l'Adige, la basse Toscane oh
s'ttend la maremme, entire Piombino et Ortebello,
l'Agro Romano; les marais Pontins, entire Porto-
d'Auzio et Terracine sont r6put6s les domaines clas-
siques de l'impaludisme; la Pouille, la Basilicate, les
Calabres, la Sicile et la Sardaigne.
En Espagne, les steppes de Castille et d'Anda-
lousie, les environs de Huelva, ceux de Gibraltar, la
c6te de Valence, les maremmes situ6es aux bouches
du Guadalquivir.
En France, la Bresse et la Sologne, pour ne citer
que ces deux, passent pour 6tre les points les plus
insalubres. La Cuse, la Brenne, ne le sont pas moins.
S.~
32 DE L'HYGIENE EN HAiTI
En Angleterre, en Belgique, en Hollande, les fievres
palustres sont plus rares. Il faut cependant noter, en
Angleterre, les bruybres de Beaulieu, au sud de
Southampton, les bords de la Tamise, les Fens ou
Tourbes, dans le comt6 de Lincoln, qui ont une
influence malariale plus on moins prononc6e. En Bel-
gique, les landes de la Campine et les fanges des
vall6es profondes des Ardennes; en Hollande, les
provinces d'Utrecht, de Nord-Hollande et de Sud-
Hollande qui sont tres insalubres.
En Allemagne, la lande de Lunebourg, les mar1 -
cages de Brook (Hambourg), ceux du Hanovre, les
bords de la Sprde et la Hovel, aux environs de Berlin,
les rives du Danube et de ses affluents, l'Isar, la
Sove, la Drave, la Moravia, voient 1'impaludisme.
La Russic, la Pologne, le Danemark, la Scandi-
navie, dans l'Europe septentrionale, possedent beau-
coup de lacs et de marais; mais la temperature de
ces countries les protege coutre les dangers du
iniasme.
En Asie: la plaine et le delta du Gange, les regions
des jungles et des rizieres, la Cochinchine, l'Annam,
le Tonkin, les bords des lacs d'Arminie et de Perse;
en Arabie : les environs de Medine et les c6tes du
golfe Persique, la Mesopotamie, la region comprise
entire le Tigre et l'Euphrate, toutes les c6tes basses
de la Mdditerran6e, de la mer Noire, de la mer
Caspienne.
DU SOL 33
En Afrique: le delta du Nil et ses rives (Egypte,
Nubie); la c6te occidentale du Senegal, au golfe de
Guinde; a Madagascar, Nossi-Bd.
En Oc6anie: les grandes lies asiatiques, Sumatra,
Java, BornBo, les Philippines, les Ce16bes, Batavia,
surnomm6 le cimetiere des Hollandais.
En AmBrique: l'isthme de Panama (dans la Co-
lombie), don't la tentative de percement en ces temps
derniers a englouti tant d'or et de vies d'hommes;
les bords du golf du Mexique, les Etats du Centre-
AmBrique, les boards du Missouri, y compris les Etats
du Missouri, Jowa, Minesota, Wisconsin, Illinois,
Ohio, Indiana, Michigan, le littoral de la Caroline
du Nord, la Pensylvanie, New-Jersey, les bords des
lacs Huron, Eri6, Ontario, sont les foyers de la
malaria et sont incontestablement des centres de
developpement du bacille pathogene.
Les Antilles, grandes et petites, sont les contr6es
que l'on a le plus incriminees. Par leur situation
g6ographique, elles rdpondent bien aux conditions
de d6veloppement du miasme palustre, puisque le
poison est engendr6 par la decomposition des matieres
v6g6tales en stagnation dans un milieu humide, con-
ditions qui sont r6alis6es, dans toute leur puissance,
par les couches telluriques, puisque nous avons
vu que la maladie avait une certain predilection
pour les pays oh se trouvent d'innombrables course
d'eau.
DE L'HYGIENE EN HAITI
L'ile d'Haiti, arros6e par un grand fleuve, 1'Arti-
bonite, et par diverse riviBres, ne saurait 6chapper
a la loi g6n6rale. Cependant, dans certaines de ses
villes, la fievre malariale pr6sente une innocuit6
parfaite.
Au Petit-GOave, a J6remie, aux Cayes, & Jacmel,
a Port-au-Prince, elle parait avoir, au contraire, une
influence nocive considerable.
Pour neutraliser les effets du poison palud6en, il
faut songer a l'assainissement. Trois modes sont en
ce cas conseill6s : la culture, le drainage et les plan-
tations.
En Haiti, le drainage, h l'heure actuelle, pourrait
6tre un proc6dd difficile, vu l'Ntat de notre civilisa-
tion et de nos finances.
En quoi consiste-t-il, en some ? A dtablir, dans la
profondeur du sol, une couche permeable a la place
d'un sol compact. On y pratique des tranchees au
fond desquelles on pose des blocs de pierres, des
fascines, des branchages, etc., qui empechent l'eau
de circuler & volonte; on donne une certain pente
l6gere au terrain. C'est un system purement primi-
tif qui pourrait, assur6ment, ne pas donner les rssul-
tats auxquels on devrait s'attendre.
Le drainage moderne se fait au moyen de tubes
ou de briques en terre cuite poreuse, ajustds bout a
bout et reconverts de terre.
II a eu des consequences trbs heureuses partout
DO SOL
35
oil il a Wtd mis en usage, en France, en Angleterre,
aux Etats-Unis. Dans ce dernier pays, il a contri-
bu6 & faire disparaitre, par 1'assechement du sol,
les fibvres qui existaient dans les cantons de Michi-
gan, de l'Illinois, de l']tat de New-York.
La France d6pense prbs de cent millions pour
l'extension de ce proc6d6 de salubrit4 publique.
Quant a la culture et aux plantations, elles sont
d'un emploi et d'une utilisation faciles chez nous,
notre pays 6tant essentiellement agricole. La char-
rue n'a pas besoin de remuer notre terre pour la
faire produire, elle est d'une fertility sans gale.
Certaines plants, dites v6g6taux antipalustres,
doivent 6tre introduites chez nous, et au plus tot, si
nous voulons combattre s6rieusement les fievres qui
deciment chaque ann6e nos populations. Ces plants
ont la propriety, on le sait, d'absorber et d'6vapo-
rer rapidement beaucoup d'eau. De ce nombre est
l'Eucalyptus globulus qui possede des propri6t6s
aromatiques, antiputrides, febrifuges, et une puis-
sance d'absorption considerable. Cette plante a
rendu l'Algerie salubre, les campagnes romaines
sont revenues plus tol6rables, grace a elle.
On pourrait facilement la cultiver chez nous. Elle
se plait, du reste, dans les terrains mar6cageux; elle
se d6veloppe trbs rapidement, et donne un bois tries
dur et propre a tous les usages. On pretend qu'elle
absorbe dix fois son poids d'eau. C'est done, par
.1
36 DE L'HYGIENE EN HAITI
consequent, un drain natural dans le sous-sol, autant
qu'un 6purateur de 1'air. Ses vari6tds sont : le mar-
ginata, le citriodora, 1'amydalina persicifolia, qui
paraissent jouir des m6mes propri6tes, mais avec
moins d'intensit6. L'amydalina atteint, dit-on, i la
hauteur prodigieuse de 150 mbtres.
CHAPITRE IV
DE L'EAU
Nous avons vu que le sol favorisait un grand
nombre de maladies; mais l'eau, que nous avons
appelee modificateur commun, n'intervient pas pour
une moindre part. Parmi les maladies qu'on lui
attribue, il faut placer, en premier lieu, le goitre et
le cr6tinisme, les calculs urinaires et la gravelle, la
fibvre typhoide, le cholera, la malaria, qui sont tri-
butaires du sol, comme nous I'avons constatW, la
diarrhee et la dysenterie. TantBt, dit M. Arnould,
c'est la genbse meme de la maladie que l'on rap-
porte & 1'eau, tant6t, et plus souvent, c'est la diffu-
sion d'un agent pathogbne, la propagation d'une
maladie.
L'dpid6mie goitreuse ne reconnait pas toujours
l'edu pour cause. Il faut plutot rapporter la maladie
au parasitisme. Viry et Richard ont soutenu la
nature infectieuse du goitre 6pid6mique de la garni-
son de Belfort, en 1877. C'est une question encore
a 1'6tude,
w- F. ..pwiau;u *vw...r..
38 DE L'HYGIENE EN HAITI
Les calculs urinaires et la gravelle sont dus assu-
r6ment aux d6p6ts de sels calcaires de l'eau qui
d6terminent la pierre dans la vessie. On a dit que
cette opinion ne repose que sur des vues thdoriques,
mais elle est la plus r6pandue. Peut-6tre faut-il
supposed, avec M. Arnould, qu'il s'agit d'une direc-
tion particuliere de la nutrition d6pendant d'une
6tiologie complex et beaucoup plus large, (( car les
hommes, ajoute-t-il, sont plus calculeux et grave-
leux que les femmes, quoique buvant plus qu'elles
tout autre liquid que l'eau, et les riches plus que
les pauvres ).
S'il y a deux maladies dans lesquelles l'eau joue
un rble pernicieux au premier degr6, ce sont la
diarrhde et la dysenterie. II ne faudrait pas con-
fondre cependant ces deux terms : diarrhde et
dysenterie.
La diarrh6e est expression symptomatique d'une
maladie. Elle survient dans le course de certain pro-
cessus morbides, tels que les maladies des intestins,
les tuberculoses, etc., tandis que la dysenterie est
une maladie essentielle, idiopathique. C'est une colite
ulcdro-membraneuse transmissible, dit Jaccoud. La
dysenterie est, sans contest, une maladie infec-
tieuse. Elle est microbienne, et il y a longtemps
ddjh, plus de vingt-cinq ans, que Lebert y a constat6
l'existence des bact6ries. L'eau est l'agent transmis-
sible de la maladie, si bien que Charles Amat, cite
DE L'EAU
par Jules Arnould, a fait cesser une 6pid6mie de
dysenterie qui r6gnait sur la garnison de Saint-Ger-
main-en-Laye, en soumettant a l'6bullition praalable
l'eau de Peck, consommee par les soldats, et qui 6tait
trbs souillee de matibres organiques. Tout le monde
sait qu'aucun etre vivant, microbe ou non, ne pent
resister i une temperature de 100. Or, cette tem-
perature est celle de l'eau bouillante qui a eu pour
effet, dans l'espece, de tuer les bact6ries. Le
miasma dysentericum de Kreysig atait appuye,
comme on le voit, sur une observation rigoureuse
de fait, et c'est a tort qu'on a cherch6 a le nier.
Aujourd'hui, il doit etre rdhabilit6.
On a attribu6 egalement a l'eau l'apparition de la
fievre malariale dans certain milieux. Cette opinion
serait la vraie, si la maladie n'6tait v6hicul6e direc-
tement plutot par I'air. Dans notre pays, oil l'eau
est g6ndralement pure, except dans quelques loca-
lites, come h Jacmel, par example, oh 1'on boit
une eau souillee par une industries de tannerie, cause
immediate de son impuret6, la malaria n'est pas
moins h l'6tat endemique. A Rome, oh l'eau est
excellent, dit M. Arnould, la maladie existe, et on
l'observe dans d'autres grandes villes, a l'occasion
de remuements de terrains, sans qu'il soit rien
change & 1'eau de boisson.
La glace est une eau potable g6n6ralement repan-
due. Chacun sait toute l'utilit6 qu'elle procure dans
DE L'HYGIENE EN HAITI
les maladies. Elle joint, en outre, cet autre advantage,
qu'elle unit 1'utile a I'agr6able. Dans les saisons de
grande chaleur, dans notre pays surtout, 1'on a pu
sabler avec d6lices une liqueur frapp6e, comme on
dit. Mais cette congelation de l'eau renferme des
bacteries le plus souvent pathogbnes. C'est une
source de maladies, et il est probable que nous
ingurgitons la maladie toutes les fois que nous
prenons, avec une sorte de volupt6, un grog
glac6.
La cong6lation, dit-on, d6truit les microorga-
nismes. Cependant, si l'eau congel6e, la glace, est
de provenance douteuse, sale et malpropre, nous
devons comprendre tout ce qu'il peut en resulter de
ficheux pour notre organism. Toutefois, il est encore
prdf6rable, quoique l'effet ne soit pas assez rapide
pour 6quivaloir h une st6rilisation, de prendre de la
glace, au lieu de la plupart de ces eaux suspects
que nous consommons. C'est ici l'occasion de conseil-
ler et de favoriser chez nous une importation de glace
aussi grande que possible. Celle-ci rdpond a un double
besoin, assurlnent.
Ceci est dit, bien entendu, pour la glace natu-
relle, celle qui provient des eaux de rivieres. Mais il
y a une autre glace, dite artificielle, que les ing6-
nieurs produisent m6caniquement i l'aide de certaines
substances chimiques. Si l'eau qui a servi a sa fabri-
cation est de provenance douteuse, nous pouvons la
DE L'EAU
suspecter i bon droit, ne r6alisant pas toutes les
conditions d'une eau bien digestive.
Divers proc6des ont 6te employs pour faire de la
glace artificielle. On connalt les machines a com-
pression mrcanique et les machines i affinity. Dans
la premiere classes sont les machines i air, et dans la
second les machines a gaz liqu6fiables. Elle com-
prend les machines a chlorure de m6thyle, les ma-
chines a acide carbonique, cells & compression
d'ammoniaque, et celles i acide sulfureux. II serait
trop long de les d6crire toutes.
Si lon vent savoir si une eau est de bonne quality,
il suffit d'en faire l'expertise. On distingue 1'exper-
tise physique, chimique et bact6riologique.
Qu'on nous permette de parler up peu de chacun
de ces moyens employes, afin de garer les consom-
mateurs dans un but d'hyginne bien entendu.
Expertise physique. L'eau se pr6sente a nous
par ses qualitis exterieures les plus saillantes, et
exige le plus souvent I'intervention des organes des
sens plut6t que celle des instruments. Les bonnes
eaux doivent ktre limpides, sans couleur, ni odeur,
ni saveur. Elles sont transparentes et, quand elles
sont en masse, c'est-h-dire remplissant une grande
ttendue, comme dans un bassin, par example, elles
sont bleues, ainsi que chacun a pu le constater. Les
mauvaises sont d'un vert fonce, souvent grisatres, ou
U,
DE L'HYGIENE EN HAITI
d'un vert terreux, tirant au brun ou au brun jaunatre.
On dolt se m6fier de ces eaux. Celles d'un blanc lai-
teux ou d'un bleu fonc6 sont des eaux dites indus-
trielles. Quant h l'odeur et h la saveur de I'eau, elles
se reconnaissent facilement. Pour mieux percevoir
l'odeur d'une eau, il convient de la chauffer a 40, en
ajoutant un peu de lessive de potasse; puis, on lave
a plusieurs reprises, avec cette eau ainsi prepare,
l'interieur d'une 6prouvette. Aprbs avoir rejet6 la
derniere eau de lavage, on respire par le nez au-des-
sus de 1'6prouvette. On reconnait alors sfirement le
fumet de l'hydrogene sulfur qui rappelle, comme on
le sait, l'odeur des ceufs pourris.
Les substances sapides se reconnaissent aussi et,
s'il y a des corps strangers en proportion notable, le
sens du gofit est disagrdablement impressionnd. A
la dose de 5 i 6 centigrammes, dans I litre d'eau
potable, les sels de fer trahissent trop souvent leur
presence pour un palais exerc6.
La temperature de l'eau influe 6galement sur sa
bonne quality. L'eau de boisson doit 6tre fraiche,
entire 7 et 11i. Au-dessous de 4 i 5, elle est froide.
Elle est alors disagrdable et dangereuse parl'irritation
qu'elle cause i la muqueuse digestive et les rdpercus-
sions qu'elle peut occasionner dans les organes. Ilfau-
drait 6viter de faire usage d'une eau semblable, apres
une course, alors qu'on a le corps en sueur. A 20,
l'eau est tilde. Elle est encore mauvaise, parce
DE L'EAU
qu'elle peut donner des nausdes et d6ranger une
digestion qu'on a voulu rendre agr6able et facile.
Expertise chimique. Elle concern surtout les
hommes de 1'art, les m6decins et les chimistes.
Cependant, il est bon de savoir qu'elle porte sur
les matibres mindrales et organiques qu'il faut
determiner & l'aide d'experiences de laboratoire. On
fait alors la recherche du r6sidu fixe et celle du
degr6 hydrotim6trique. Celle-ci renseigne sur la ri-
chesse de l'eau en sels calcaires et magn6siens. Si
ces substances y sont en grande proportion, les
eaux sont dites dures. C'est pourquoi les Anglais et
les Allemands emploient plut6t 1'expression de degrd
de durete, ou simplement duret6, au lieu du degr6
hydrotim6trique, comme disent les Francais. La du-
rete d'une eau, c'est la proportion de sels terreux
qui sature 0gr,1 de savon, on 6quivaut a O0',0114 de
chlorure de calcium.
L'olate de soude, matibre essentielle du savon
de soude, se decompose au contact des sels de chaux
et de magnesie et forme des ol6ates calcaires et
magn6siens peu solubles. L'eau devient mousseuse
par l'agitation, quand elle content de l'oleate de
soude. Elle a acquis de ce moment 1'6tat glutineux
que lui communiquent les savons alcalins. N'est-ce
pas, en effet, l'origine de ces liqueurs savonneuses
titr6es du commerce, a I'aide desquelles on recon-
DE L'HYGIENE EN HAITI
nalt la presence des sels terreux des eaux h exper-
tiser ?
Outre les sels calcaires et magn6siens que ren-
ferme l'eau, il faut ajouter encore les sels de fer don't
on d6cele la presencepar une solution de ferricyanure
de potassium (il se forme alors un pr6cipit6 bleu),
le ploinb, le cuivre, le zinc.
On trouve encore des substances qui, au contact
de 1'eau, produisent une fermentation sensible que
l'on decouvre h l'aide de certain rdactifs, tels sont:
l'ammoniaque, l'acide carbonique, les nitrites et les
nitrates et l'oxyghne.
On en trouve d'autres qui proviennent du sol des
lieux habits, tels sont : les chlorures (le chlorure
de sodium surtout), les sels alcalins, certain sulfates
et finalement les matibres organiques.
Expertise bactdriologique. Nous savons que les
microorganisms sont en nombre considerable dans
I'air et dans les eaux. Si nous voulons dceler leur
presence dans cc dernier milieu, il faut commencer
par en former la num6ration par le proc6d6 des
ensemencements et des cultures, distinguer les
especes de microorganisms et instituer des expd-
riences sur les animaux. Ces experiences consistent
i inoculer les microbes a certain animaux, a des
cobayes, par example.
Puisque l'eau que nous buvons est susceptible de
DE L'EAU
tant de causes de maladies, il faut que nous cher-
chions les moyens de la purifier. Ces moyens, nous
les trouverons dans la correction qu'on lui fait subir.
D'abord, il convient de modifier la temperature de
l'eau, lorsqu'elle est trop basse, car elle serait disa-
gr6able et dangereuse. Dans notre pays oh I'eau
est ordinairement plus chaude que fraiche, il faut
l'enfermer dans des vases poreux et l'exposer a un
courant d'air aussi frais que possible. Nos cruches
remplissent bien ces conditions. Les courants d'air
rafraichissent l'eau par 1'6vaporation des goutte-
lettes qui transsudent a la surface de la terre du
vase. A defaut de glace, ce moyen est le meilleur
pour avoir une eau fraiche et agreable.
L'aeration de l'eau, qui consiste h donner a celle-
ci son oxygene, doit 6tre soign6e. L'absence de
l'oxygene, il est vrai, ne rend pas l'eau positivement
malfaisante; mais il est cependant n6cessaire qu'elle
soit adere, ne ffit-ce qu'au moyen de l'acide carbo-
nique. Le battage est un bon moyen d'a6ration.
Quelques personnel se servent, pour la purifica-
tion des eaux de certaines substances chimiques.
L'alun, le soufre, la chaux ont Wtd employes. Ces
corps agissent sur les protoorganismes de l'eau en
neutralisant leur action nuisible.
Aprbs l'6bullition et la distillation, le meilleur
moyen serait le filtrage ou la filtration. Par ce pro-
c6d6, on se propose de d6barrasser l'eau des corps
DE L'HYGIENE EN HAITI
tens en suspension ide la plus grande parties des
substances dissoutes, celles surtout d'origine putride,
des microorganisms.
La filtration la plus rationnelle est celle qui con-
siste h purer l'eau h l'origine de sa distribution ou
sur son trajet mime. C'est la filtration central.
L'autre, c'est la filtration h domicile. La premiere
serait indispensable pour certaines de nos villes oh
l'on n'a pas pu prendre l'eau directement a sa source
et empecher ainsi les trop funestes m6comptes aux-
quels sont exposds les consommateurs urbains. L'eau
serait amende par des canaux souterrains dans
divers bassins de ddcantation. De la, elle passerait
a d'autres bassins h sol 6tanche, a parois verticales
qui sont, a proprement parler, les filtres qui ren-
ferment les matieres choisies destinies h la filtra-
tion. Les matieres sont : des pierres, du gravier
grossier, du gravier fin, du sable. Elles seront pla-
cdes de bas en haut. L'eaiu p6netre par la couche
grossibre pour s'6lever jusqu'au-dessus de la couche
de sable fin. La surface du filtre, d'aprbs Arnould,
ne peut aller au-delh de 3.600 metres carr6s. Le
rendement de ces filtres varie de 2 a 6 metres cubes
en vingt-quatre heures par metre carr6 de surface
filtrante, selon que l'eau est plus ou moins trouble
avant de p6n6trer dans les filtres.
Les filtres de la Tamise, a Londres, ceux de la
Spr6e et du lac de T6gel, a Berlin, sont connus et
DE LIEAU
donnent une id6e du grand souci que prennent ces
populations pour assurer une consommation d'eau
irr6prochable.
Mais, dans notre pays oi l'on ne pourra penser de
sit6t a la filtration central, il nous faudra nous
contenter, cofte que cotfte, d'une filtration i domi-
cile. Elle peut remplacer la filtration central.
Divers filtres plus ou moins ing6nieux ont 6tW
invents. II convient que les matibres filtrantes
soient dans les conditions n6cessaires a une bonne
filtration. Ces matieres sont, on le sait, le gravier,
le sable, le grbs filtrant, le carbon animal, le
carbon de bois, le carbon plastique, le fer spon-
gieux, l'amiante ou asbeste, la porcelaine, l'argile.
Ces filtres ont la propri6t6 de retenir les microbes
et les particles impures de 1'eau, de l'assainir, en
un mot. II y en a beaucoup. Depuis le filtre au char-
bon jusqu'h l'a6rifiltre Malli6, on parcourt un nombre
fort considerable qui t6moigne de leur grande origi-
nalit6 et des patients recherches des inventeurs.
Aujourd'hui, le filtre qui est dans toutes les maisons,
et qui devient m6me indispensable dans les families,
est le filtre Pasteur. II serait bon de I'adopter chez
nous pour assainir notre eau de boisson qui laisse
tant a d6sirer.
Nous ne parlerons pas de l'approvisionnement d'eau
n6cessaire aux consommateurs chez nous. Cette
question nous entrainerait dans des considerations trop
48 DE L'HYGIENE EN HAITI
longues et est du domaine des ing6nieurs. Ilfaudrait
traiter, en effet, de la nature et de l'6tendue des be-
soins de la consommation, de la provenance de l'eau
d'approvisionnement et en appricier les modes divers
qui comprennent i'eau de source, 1'eau souterraine
(eau des puits, des puits artisiens), 1'eau des gale-
ries filtrantes, l'eau de barrage, 1'eau fluviale on la-
custre, l'eau de drainage, etc. Nous savons que chez
nous l'approvisionnement se fait, presque dans la plu-
part de nos villes, par la captation des sources (fon-
taines publiques et eau h domicile). Souhaitons que
ce progrbs se g4ndralise dans toutes nos autres villes
qui sont priv6es de ce bienfait.
CHAPITRE V
AIR ET ATMOSPHtRE
On sait toutes les maladies attributes i l'eau, les
contestations survenues h propos de son influence sur
le d6veloppement de certain groups morbides. N'y
aurait-il pas aussi des maladies dans lesquelles l'air
atmosph6rique intervient pour une grande parties?
Certes oui, et il ne faut pas oublier les maladies in-
fectieuses que l'air propage avec une violent inten-
sit6. Les microorganisms pathoghnes de l'air sont
les agents de ces maladies, ou plut6t ce sont ces ma-
ladies qui les ddveloppent.
Nous savons que l'air continent, outre ses Bl6ments
normaux, beaucoup d'autres substances 6trangbres
nuisibles. Ce n'est pas toujours qu'il reste un mdlange
d'oxyghne et d'azote. Il content encore, accidentel-
lement, il est vrai, et dans certain lieux, de l'acide
carbonique et de la vapeur d'eau. Mais il faut remar-
quer que l'acide carbonique n'est pas un element nor-
mal de I'air, mais de l'atmosphbre. Ce corps est n6-
DE L'HYGIENE EN HAITI
cessaire et meme indispensable, car, le jour oh ii
disparaltrait de l'atmosphere, la vegetation serait
impossible. Mais tel n'est pas le cas des autres gaz,
comme, par example, l'ammoniaque, l'hydrogene pro-
tocarbur6, sulfur, les vapeursnitreuses, acides nitreux
etnitrique, les acides sulfureux et sulfurique, phos-
phorique, chlorhydrique. Ceux-ci sont des gazpro-
venant de certaines industries. Outre cela, on trouve
dans 1'air certain 6lments accidentels solides et
des microorganisms.
Tous ces corps miles i 1'air constituent, pour ce
milieu, des impuret6s r6elles et sont des causes effi-
cientes de certaines maladies. Il est inevitable que
les microorganisms engendrent des maladies infec-
tieuses, comme, par example, la fibvre typhoide, les
fibvres druptives, les infections puerperales, la dyph-
terie, etc. Il est vrai que ces maladies sont h l'etat
endemique dans certaines localit&s, mais elles sont
d'autant plus g6ndralisees et meurtrieres que l'air de
ces localit6s est plus riche en microorganisms.
Nous avons vu plus haut que beaucoup de maladies
6taientv6hiculdes par l'air, entire autres la fibvre mala-
riale; mais ce milieu peut ktre influence encore par
un sol impur et des foyers putrides. Tous les efforts
des hygi6nistes n'ont pas r6ussi h purifier I'air d'une
fagon satisfaisante, et a ditruire les germes morbides
qu'il contient. II reste encore beaucoup a faire sur ce
point.
AIR ET ATMOSPHERE
Puisque nous parlons de l'influence de l'air atmos-
ph6rique, nous pourrons faire une petite excursion
dans le champ de la m6etorologie et dire quelques
mots sur les influences climateriques, sur les pro-
pri6t6s physiques de l'air. Ddfinissons tout d'abord
la m6t6orologie.
Elle a pour but de connaltre les modalit6s physiques
de l'air dues aux variations de pression, de temp6ra-
ture, au regime des pluies et des phenomenes quel-
conques de precipitation aqueuse, au regime des
vents, aux oscillations Mlectriques et lumineuses. On
concoit ais6ment que ces modalit6s de I'air ont attire
attention de toutes les generations medicales ant6-
rieures a nous et qu'on a dfl trouver des rapports avec
la sant6 ou la maladie. Ces observations ont conduit
a l'influence des climats, c'est-h-dire des circons-
tances atmosph6riques particulibres d'une zone, d'une
contr6e, d'une region, d'une locality, compares aux
autres milieux. En effet, le rble sanitaire de l'in-
fluence atmosphdrique est considerable. Nous savons
tous qu'il y a des maladies produites par le froid et
la chaleur excessifs, et cells particulibres & certain
climats.
Le froid agit dans la production des maladies en
preparant I'organisme human a la rceptivit6 morbide
des germes bacteridies et en affaiblissant la resistance
de la cellule animal. Nous ne pouvons contester
aujourd'hui que beaucoup de maladies, reputies a
52 DE L'HYGIENE EN HAITI
frigore autrefois, sont des maladies infectieuses, les
pneumonies, les pleur6sies, etc.
Les maladies qu'on attribue au froid, i part les
accidents, tels que les cong6lations qui produisent
l'asphyxie, sont les affections des voies respiratoires :
les bronchites, les pneumonies catarrhales ou lobu-
laires, les rhumatismes, la phtisie. Aujourd'hui, les
recherches ont prouv6 que ces dernibres maladies ne
sont pas positivement des maladies du froid, mais
qu'elles sont de toutes les saisons et de tous les cli-
mats. Ainsi, le rhumatisme apparait aussi bien dans
les temps froids que chauds, seulement le froid r6-
veille les manifestations douloureuses. La phtisie
parait rare pourtant dans les pays septentrionaux.
L'influence de la chaleur sur l'organisme human est
incontestable. Outre les modifications physiologiques
qui se traduisent par une activity des movements
respiratoire et circulatoire, par une diminution de la
puissance digestive, outre les accidents, au nombre
desquels il faut noter l'insolation, le delire aigu, la ca-
lenture des Espagnols, il est bon de citer aussi les mala-
dies qu'elle provoque. Parmi elles, on relive l'appari-
tion de certaines dermatoses ou 6pidermatoses, dues i
l'hyperh6mie continuelle dut6gumentet hl'exag6ration
de ses functions, comme organe s6cr6teur des 6rup-
tions de furoncles: le clou de Biskra, l'ulchre de
Mozambique, l'ulcere annamite, le pian, le crabe chez
nous et chez nos cong6nbres des Antilles, la gale
AIR ET ATMOSPHERE 53
bedouine, la bourbouille, le lichen tropicus, ont 6t6
mis sur le compete de la chaleur qui, en amenant
une exaggeration de la nutrition cutanee, aurait d6-
termine ces troubles. Nous ne saurions accepter sans
reserve ces opinions, attend quenous savons, pour
ce qui a trait au clou de Biskra, du moins, que les
recherches ont fait connaitre l'existence d'un micro-
coque, agent pathogene evident de cette manifesta-
tion cutan6e.
Certaines filvres, la fibvre bilieuse, le catarrhe
gastrique aigu, la fievre 6phemBre, la fibvre inflam-
matoire des Antilles, sont dues h la chaleur. Chez nous,
nous les voyons apparaitre, sans aucun caractere r6-
velant une origine miasmatique.
La diarrhee et la dysenterie, que nous avons rele-
v6es d6jh comme tributaires de l'eau, sont favoris6es
assur6ment dans les pays chauds par le degr6 ther-
mique 6lev6 de ces milieux qui agit sur les intestins
a la suite des refroidissements de la peau et de la
suspension des sueurs, l'enveloppe cutanee 6tant,
en effet, d'autant plus sensible aux abaissements de
temperature qu'elle a 6td plus surchauffee.
On attribue encore generalement a la chaleur et
aux pays chauds l'h6patite parenchymateuse, l'and-
mie, la fire jaune, etc.
Quoi qu'il en soit, si l'on voulait 6tudier l'influence
compare de la chaleur et du froid sur la morbidity et
la mortality, on trouverait que tous les avantages
DE L'HYGIENE EN HAITI
sont en faveur de la chaleur. Les recherches statis-
tiques ont, en effet, prouv6 que le froid augmente la
morbidity, tandis que la chaleur la diminue. Le m6me
fait s'observe pour ce qui a trait i la l6thalite.
Observations du D' Lombard, de Mallet, de Marc,
d'Espine, de Tourdes, de Graffenaur, de Hoeber, de
Casper, de Robert Cowan, etc.
Dans tous les pays d'Europe, on a constat6 qu'en
hiver les mortalites 6taient plus grandes qu'en 6t0,
sauf de rares exceptions et a moins qu'une 6pid6mie,
telle que le cholera ou la dysenterie qui apparaissent
souvent en Wt6, comme on le sait, vienne d6mentir
les faits.
Nous ne saurions finir ce chapitr, sans dire un mot
du role du vent, que le vulgaire calomnie tant dans
notre pays.
C'est une definition 6l1mentaire de physique que
les vents consistent dans-une rupture dans 1'6quilibre
de la density de l'atmosphere sur des spaces va-
riables. Son influence sanitaire se fait sentir en favo-
risant I'6vaporation et la perte du calorique du corps
human.
On a beaucoup incrimin6 les courants d'air. Ce
n'est pas a tort, mais on ne doit pas exagerer. Si
le courant d'air amine un refroidissement local en
ne portant que sur une portion limit6e du corps,
il doit Utre soigneusement 6vit6. Il est vrai que cela
arrive dans des appartements et sur des gens immo-
AIR ET ATMOSPHERE
biles; au dehors, 1'individu se diplace, se mobilise,
et cette mobility individuelle empeche que la m6me
parties soit constamment frapp6e par le vent. Par
example, a la champagne, on ne dit pas qu'il y a des
courants d'air. Quand on est couch, la nuit, et que
fortuitement, par une de ces chaleurs tropicales si
connues chez nous, en et6 surtout, on a le corps en
sueur, le courant -d'air frappant sur une parties du
corps, on est expos a des perturbations du c6t6 des
organes. Combien d'individus ont Wte victims de
fluxions de poitrine, de congestion pulmonaires et
autres, pour s'etre ainsi exposes! Aprbs certain exer-
cices violent, tels que la danse, il est imprudent de
se mettre i un courant d'air.
J'ai connu un de mes amis qui fut ainsi victim
d'une pleuresie pour s'6tre couch dans un courant
d'air, apres une nuit de bal. Comme 1'Espagnole, don't
parole le pokte des Orientales, la mort le prit tout
pare pour l'endormir dans le cercueil.
Associ6s au froid, a l'humidit6 ou a la chaleur,
les vents peuvent fournir une dtiologie des maladies
nombreuses. Port a constat6 que la frdquence du
rhumatisme articulaire dans la garnison de Munich
croit avec la vitesse du vent. On a prdtendu aussi
qu'il 6tait un des principaux moyens de propagation
du cholera ; mais il conviendrait de se tenir dans le
doute a cet 6gard, le fait n'dtant pas bien 6tabli
encore.
,-s: .--!;~-:-: 1L' r~: _~r ~.. _-r ,.;.... ~.,. -.-.....*' *ii
56 DE L'HYGIENE EN HAiTI
A c6t6 du r6le nocif du vent, il faut placer aussi
un peu de bien. Les vents jouent un r6le sanitaire
en brassant 1'air et en assainissant les points suspects
par la diffusion de leur atmosphere dans la masse
gen6rale. Ces points suspects sont entraines, se
Srepandent et se propagent dans d'autres regions, et
epargnent par ainsi certain endroits inevitablement
menaces. Nos maisons, nos rues seraient vou6es a
une stagnation atmospherique funeste, si les vents
ne venaient balayer l'air de ses impuret6s, en renou-
velant l'oxygene qui, comme on le sait, est le gaz
de la vie. II est done un ventilateur natural et bien-
faisant. Nous ne pouvons assez conseiller 1'ouverture
des fenetres dans nos demeures et nos appartements.
L'influence des variations de la pression atmos-
ph6rique a quelque int6r6t pour nous. On sait combien
on s'est occupy, ces temps derniers et aujourd'hui
encore, de la cure de la phtisie pulmonaire. Certes,
s'il y a une medication qui a iendu de reels services
dans cette maladie, c'est bien l'altitude.
La phtisie disparait completement au-dessus de
1.200 metres en Europe, au-dessus de 2.000 mbtres
au Mexique et dans les Andes. L'air des montagnes,
en effet, est plus aseptique que celui de la plaine,
c'est-&-dire plus degag6 d'impr6gnation organique.
Brown-S6quard, qui est un partisan de l'adration dans
la tuberculose pulmonaire, affirme qu'il n'y a pas de
meilleur traitement contre cette maladie. Mais com-
AIR ET ATMOSPHERE 57
ment agit cet air des montagnes? Pour se 1'expli-
quer, on a fait maintes theories. Peut-6tre est-ce
en amenant une d6soxyg4nation du sang, une dibte
respiratoire, ou est-ce parce que Fatmosphbre, h
cette hauteur, manque totalement d'humidit ? Nous
ne saurions trop l'affirmer. Mais toujours est-il que
nous constatons le fait. Ce qui est bien evident, c'est
que la phtisie pulmonaire est assez rare dans nos
montagnes d'Haiti. Bien qu'on ait dit, quelque part,
que c'est une maladie propre a notre race, elle
ne parait pas d6passer pourtant la moyenne de la
statistique obituaire.
Le climate, il ne faut pas le m6connaltre, joue un
grand r6le dans les maladies. II est modificateur dtio-
logique et therapeutique en m6me temps. Rochard
pretend que les phtisiques doivent m6me fuir les
pays chauds en 4t0; la chaleur 6levee et continue
6puise le reste des forces des tuberculeux et su-
rexcite leurs nerfs. Cela est vrai, mais est-ce une
deduction logique de l'influence climat6rique sur la
genbse de la maladie. Evidemment non.
CHAPITRE VI
DES ORGANISMS INFERIEURS
La bact4riologie est aujourd'hui entree dans le
domaine scientifique depuis les travaux important
et f6conds de Pasteur, de Koch, de leurs Bleves et
disciples. Les microorganisms jouent dans les phe-
nombnes biologiques un r6le si immense, depuis les
d4convertes contemporaines de ces illustres pionniers,
qu'on pent dire qu'ils dominant aujourd'hui toute
l'hygibne publique et privee. Ils sont devenus, depuis
que nous les connaissons, et que nous les retrouvons
constamment, une parties intigrante de nous-m6mes.
Ils vivent de notre vie et nous mourrons de leur
exuberance prodigieuse. Ne sont-ce pas eux, en effet,
qui nous usent, ef, toutes les fois que nous respirons,
I'air n'entre-t-il pas dans nos poumons charge de
leurs germes meurtriers? En consequence, nous pou-
vons dire que chaque respiration que nous faisons est
un pas vers l'usure, vers la tombe. Mais, pour que
ces infiniment petits jouent un si grand r6le dans
!*& *.- -J -l^" A,-
DES ORGANISMES INFiRIEURS
notre existence, il faut qu'ils puissent donner nais-
sance toutes les maladies qui nous atteignent. Doit-
on admettre apriori un bacille pour le rhumatisant,
pour le cardiaque, comme pour le typhoisant ou le
tuberculeux, par example? Il est hors de doute que
le typhus et la tuberculose sont des maladies bacil-
laires, cons6quemment contagieuses. La tuberculose
est, en outre, hdr6ditaire. Mais le rhumatisme aussi
est h6r6ditaire, et cependant il n'est pas class parmi
les maladies microbiennes. Comment en expliquer la
transmission d'une g6ndration a l'autre? Est-ce le
microbe de la tuberculose qui se transmit par consan-
guinit ? Problbme! Nous sommes portes a croire,
toutefois, qu'il y a pour.le rhumatisme, comme pour
toutes les autres maladies, un microbe pathogbne.
Du reste, M. A. Perrin, de Paris, a constat6, en
semant les liquides retires par des ponctions asep-
tiques, dans un cas de rhumatisme chronique par
infection, onze fois le staphylocoque blanc, quatre fois
le streptocoque, trois fois le Staphylococcus aureus,
deux fois le col-bacille; cinq fois, 1'ensemencement
est demeurd sterile. Dans deux cas, le staphylocoque
blanc a 6td associe au streptocoque, une fois au
staphylocoque dore, une fois au coli-bacille. Est-ce i
dire, se demande-t-on, que ces microbes soient la
cause du rhumatisme. (Communication au Congrbs do
Caen.)
Comme nous ne pouvons pas admettre d'effet sans
DE LIHYGIENE EN HAiTI
cause, nous ne pouvons pas logiquement admettre
de maladies sans cement pathogenique. Il est vrai
qu'on a assign une 6tiologie a chaque affection et
qu'on a dit que le rhumatisme provient d'une prddis-
position hir6ditaire ou acquise, et d'une influence
d6terminante, toujours la m6me, mettant en jeu la
predisposition. Cette influence, c'est le froid, dit le
professeur Jaccoud. Ce n'est pas a dessein que nous
avons parl6 du rhumatisme, nous avons pris la pre-
miere maladie venue, et nous trouvons comme 6tio-
logie une cause predisposante. Quelle est done cette
cause predisposante.? M. le professeur Jaccoud repond
pour nous : ( Cette predisposition ddfinie est en so
aussi inconnue que toutes les autres; en admettant
m6me que la dyscrasie urique, c'est-a-dire la com-
bustion imparfaite des matibres azotees en soit le
signe constant, ce phlnomene est ddji un effet don't
la cause ne reste pas moinsobscure. Predisposition
et idiosyncrasie sont en m6decine une seule et meme
chose, ce sont deux grandes inconnues qui dominant
toute la pathologie. Ce sont elles qui font le disespoir
de la science. Ces inconnues ne seraient-elles pas
les infiniment petits, les microorganismes,les microbes?
Le jour, peut-6tre non lointain, oh l'on sera arrive
neutraliser leurs effects, on aura fait une conqu6te
th6rapeutique hors de pair.
Cependant, dans la nature, a c6t6 du poison, il y
a le contrepoison. D6ji les recherches scientifiques
"I ,- _
DES ORGANISMES INFERIEURS 61
ont amen6 la d6couverte de certain agents parasi-
ticides, qui prennent le nom d'antiseptiques et de
disinfectants. C'est la defense contre les microorga-
nismes.
A part l'immunit6 naturelle ou acquise contre
certaines maladies infectieuses 6pid6miques qui n'est
pas, a proprement parler, un moyen de defense contre
les microbes, nous avons encore les vaccinations ou
attenuations des virus, l'antisepsie et la disinfection.
Mais qu'est-ce que l'immunite? C'est une barribre
naturelle qu'opposent nos cellules animals qui sont
dans un 6tat d'integrite biologique parfaite de vitality
et de save intense. Cette immunity peut provenir de
I'Age, du sexe, de la race. Ce dernier point de vue
interesse beaucoup l'hygi6niste qui veut faire des
6tudes d'ethnologie. Sous ce rapport, la race haitienne
est privil6giee; elle est prot6gde centre certaines
maladies meurtribres. Ainsi, nous avons vu qu'elle
est r6fractaire au cholera, a la fievre jaune, i la
suette miliaire. II convient de maintenir cette vitality
de l'organisme a son plus haut degree.
Nous ne parlerons pas de cette immunity acquise
que tout le monde connait. Elle consiste dans la pr6-
servation centre une second atteinte d'une maladie
infectieuse, don't on a 6t6 prdc6demment atteint et a
laquelle on a heureusement r6sist6. Mais il ne faut
pas croire, comme on le pense g6n6ralement, que
l'immunit6 est absolue, elle n'est que pour un temps,
62 DE L'HYGIENE EN HAITI
le plus souvent. Nous avons maintes fois entendu
dire par plusieurs personnel qu'elles avaient eu d6jh
la variole, et que l'immunit6 par ce fait leur 6tait
conferee. Alors, bravant le danger, n'ayant aucun
pr6servatif que leur premiere atteinte, elles se conta-
gionnaient avec plaisir. J'ai vu, pour ma part, un
individu qui m'a assure avoir eu la variole tres bien
caracteris6e plus de deux fois. Et les observations
semblables sont nombreuses.
Mais comment peut-on expliquer ces immunit6s
cr66es par une premiere atteinte ? Diverses theories
ont Wtd formulees, les unes plus judicieuses que les
autres. C'est encore un sujet h l'6tude. Mais le fait
materiel existe, et il existe dans toute sa brutale
reality.
Quant aux vaccinations, tout le monde connait
leur r6sultat pratique. C'est une attenuation du virus
pathogene. Une premiere atteinte 16gere d'une ma-
ladie infectieuse preserve l'organisme aussi bien
qu'une atteinte forte. C'est en creant chez l'homme
et chez les animaux une maladie artificielle b6nigne,
qu'on est arrive a prevenir une infection spontande
qui peut 6tre mortelle. C'est de ce principle qu'est
parti Pasteur pour la gu6rison de la rage. L'on se
souvient que c'est le 6 juillet 1885 que, dans son
laboratoire, le jeune Joseph Meister, recut I'injec-
tion du virus rabique att6nu6. Il y avait deux jours
qu'il avait td. mordu par un chien enrag6. La cure
DES ORGANISMS INFERIEURS 63
fut heureuse. Depuis lors, le systbme pastorien fut
connu, et les r6sultats avantageux lui ont value la
sanction universelle. Aujourd'hui, l'on ne meurt plus
de la rage. La mortality qui 6tait jadis de 80 pour
100 est tomb6e i 1,3 pour 100.
Nous avons dit que l'antisepsie et la disinfection
6taient les moyens que nous avons maintenant pour
combattre directement les microbes. On sait aujour-
d'hui que ce sont ceux-ci qui nous infligent toutes
nos maladies. On ne saurait etre done trop s6vbres a
leur endroit, et on ne saurait etre las de leur faire la
guerre a outrance.
Une des plus belles conquetes de la chirurgie
moderne, et aussi l'un des plus beaux triomphes de
l'hygibne, est l'antisepsie. Muni de cette arme, le
chirurgien pent tenter de nos jours toutes les op6-
rations sur le corps human et porter le couteau dans
des cavities jusque-li respectees. Des h present, on
peut rayer du cadre de la nosologie, la complica-
tion si redoutable nagubre de la septic6mie ou infec-
tion purulente. Dans les services de la Maternit6, c'est
un 16vnement auj ourd'hui quand une accouchde meurt
de cette maladie.
Mais pour arriver a ce merveilleux rssultat, que
de soins hygi6niques Le m6decin vraiment soucieux
de la vie de ses malades observe une propret6 m6ti-
culeuse pour les objets de pansement. Les instru-
ments qui lui servent, ses mains, ses aides, ses v6te-
, .: =. .+4 : +
64 DE L'HYGIENE EN HAITI
ments, le local oil il opbre, tout est d6sinfect6.
Le chirurgien attentif qui va faire une ovarioto-
mie commence sa journ6e par prendre un bain, et
tous ses aides qui vont l'assister font de m6me. II
ne voit aucun autre malade avant de se rendre au-
prbs de la patient a op6rer. Tous les instruments
baignent dans une solution antiseptique ; la region
sur laquelle va 6tre port le bistouri est lotionn6e
avec le meme liquid. Le chirurgien et ses aides,
les bras. nus, y trempent leurs mains et ne s'essuient
a aucun moment de l'op6ration, bien qu'ils aient
rev6tu des tabliers immacul6s sortant d'une armoire
oh les poussibres de I'air n'ont pas aces. (Jules
Arnould.)
Et, quand l'op6ration est achev6e, on recouvre la
parties op6r6e de pieces de pansement imperm6ables,
lesquelles sont prdparkes avec une substance anti-
septique. Tout le succes de la chirurgie est dans
ces precautions, banales aux yeux du vulgaire, mais
extr6mement indispensables pour l'homme de science.
Les chirurgiens vont encore plus loin. Ils exigent
que leurs locaux d'op6ration soient disposes d'une
facon hygi6nique telle que les miasmes et les microbes
n'y puissent sojourner. C'est ainsi qu'ils veulent que
les parois int6rieures de leurs sales soient revetues
de matbriaux imperm6ables, ne fixant pas les germes
et se pretant aux lavages que l'on pratique, en effet,
avec la solution de sublime. Ils condamnent les sail-
.wI.~,~~r I;:~
DES ORGANISMES INFERIEURS 65
lies et les encoignures, le materiel hospitalier qui
multiple inutilement les surfaces d'infection, le mo-
bilier en mat6riaux spongieux.
Toute la medecine, on le voit, est dans la ddsin-
fection. II faut alors connaitre les disinfectants on
antiseptiques, savoir s'en servir et choisir les meil-
leurs. Il y en a qui tuent les microbes du coup,
d'autres qui les empechent seulement de se d6ve-
lopper ou en annulent les products. II y a des agents
qui passent pour des disinfectants et qui ne sont
que des d6sodorants, en substituant une odeur a une
autre. On dit que tout ce qui pue ne tue pas. Ainsi
le goudron, le coaltar, l'acide phenique sont plus
desodorants qu'antiseptiques; mais le sublime qui est
presque inodore est plus disinfectant, tue plus rapi-
dement les microbes que n'importe quel ddsodorant.
Ceci pose, distinguons d'abord les agents mica-
niques on physiques de disinfection et les ddsinfec-
tants proprement dits. Parmi les premiers, il faut
mentionner l'enlevement de la source m*me de l'in-
fection, tel que le lavage des locaux, le nettoyage
des rues, -l'pandage de sable sur les planchers et
mille autres petits moyens sommaires qui sont d'une
evidence d1lmentaire. Mais il est d'autres moyens
plus directs. La ventilation des appartements, en
balayant I'air des impuret6s qu'il content, est un
moyen excellent. L'absorption des gaz par le char-
bon, par les poussibres seches et la terre seche qui
5
66 DE L'HYGIENE EN HAiTI
absorbent aussi les liquides (car on sait que les
bact6ries ne vivent pas sans eau), la haute tempd-
rature, la chaleur et le froid sont des proc6des
excellent. Les 6tuves i disinfection raalisent le
d(siddratum du mode d'antisepsie par la chaleur. I1
y en a deux sortes : les etuves t air chaud et les
etuves a vapeur.
Personnel n'ignore Faction parasiticide de la cha-
leur. C'est sur cette notion que repose la construc-
tion des 6tuves pour la disinfection des vetements,
du line, de la literie ayant servi i des malades,
des pieces de pansement provenant des places. Cha-
cun sait aussi que existence des bacteries et de
leurs spores est incompatible avec une temperature
de 100 degres. Cette temperature, c'est celle de
l'eau bouillante. Aucun microbe, aucun microorga-
nisme, quel qu'ilsoit, m6me le Bacillus subtilis qui
passe pour avoir la vie tres dure, qui meurt i
112, 115 degr6s, aucun lie lui resiste. C'est pour-
quoi il est de bonne sagesse de fair bouillir tout
cc qu'on doit absorber, ses aliments surtout, si l'on
ne venut s'exposer a avoir un dd6pt de microbes
dans son organism. Le lait qu'on donne aux enfants
c mnimine aux nouveaux-n6s, come on le fait trop
mallieureusemnent chez nous, doit 6tre bouilli, stdri-
lis6. Sans cela, on compromet l'existence de ces
1p :ts ktres. Je me rappelle "avoir donn6 des soins
it une toute petite enfant de deux mois, qui n'avait
DES ORGANISMES INFIRIEURS 67
presque pas connu le sein de sa mere. Mise au lait
de vache, elle vint i avoir une gastro-ent6rite que
rien ne pouvait juguler. Un jour, surprise de la per-
sistance de la maladie, j'ai demand i la famille
quelle etait la preparation qu'on faisait suhir au lait.
Elle me r6pondit qu'on le donnait cru i l'enfant. Le
secret 6tait devoild. C'6tait la la cause de la mala-
die, je l'ai supprimne en faisant bouillir le lait, et
l'enfant a Wt6 gu6rie. On pourrait croire qu'a la
suite elle devint une victim du biberon; non ce-
pendant. Elle est forte, elle a traverse heureusement
la p6riode critique de sa dentition et se porte bient.
I1 est done bien ktabli que la chaleur est un puis-
sant antimicrobien. Les etuves h air chaud et les
etuves i vapeur peuvent rendre de grands services.
Celles i vapeur sont les meilleures, car on a cons-
tat6 que les etuves i air chaud amenaient une d6-
sinfection imparfaite ou, tout au moins, nulle.
Nous voici arrive aux antiseptiques proprement
dits. Ils sont fort nombreux, et il y en a plusieurs
classes. On les a m6me ranges de la facon la plus
mithodique : eminemment, trEs fortement, forte-
ment, modderement, faiblement, tres faiblement an-
tiseptiques. On a a peine besoin de definition par
cette gradation descendante. Un corps est 6mi-
nemment antiseptique quand il s'oppose i la putrd-
I J'ai conserve une vingtaine d'observations de ce genre environ
-; I' ~-i.Tt
68 DE L'HYGIENE EN HAITI
faction de 1 litre de bouillon, a la dose comprise
entire 09,01 et 0,1; trbs faiblement antiseptique,
quand il en faut de 100 a 300 grammes pour le
meme effet.
Parmi les disinfectants les plus employs, citons le
biiodure et le bichlorure de mercure. Ce sont deux
corps 6minemment antiseptiques, le biiodure encore
plus que le bichlorure. En descendant 1'6chelle,
nous trouvons l'iodure d'argent, l'eau oxyg6n6e,
l'azotate d'argent, 1'acide osmique, l'acide chro-
mique, le chlore, l'iode, 1'acide cyanhydrique, le
chlorure d'or, le brome, l'iodoforme, le bromoforme,
le chlorure de cuivre, le sulfate de cuivre, le chlo-
roforme, le bichromate de potasse, l'acide salicy-
lique, l'acide benzoique, le cyanure de potassium,
l'acide picrique, le chlorure d'aluminium, le gaz
ammoniac, le chlorure de zinc, l'acide thymique, le
chlorure de plomb, l'essence de mirbane, l'acide
sulfurique, I'acide azotique, l'acide chlorhydrique,
l'essence d'amandes ameres, l'acide ph6nique, le
permanganate de potasse, I'azotate de plomb, l'alun,
le tanin, les acides oxalique, tartrique, citrique, le
sulfhydrate de sodium. Ce sont les fortement anti-
septiques. Le bromhydrate de quinine, I'acide ars6-
nieux, l'acide borique, l'hydrate de chloral, le sali-
cylate de soude, le sulfate de protoxyde de fer,
1'alcool amylique, sont les mod6rement antiseptiques;
1'6ther sulfurique, 1'alcool butylique, l'alcool propy-
DES ORGANISMES INFkRIEURS
lique, le borate de soude, l'alcool 6thylique., le sul-
focyanure de potassium, 1'iodure de potassium, le
prussiate de potasse, la glycerine officinale, l'ur6e
naturelle, l'hyposulfite de soude et, enfin,le chlorate
de soude, les faiblement ou trbs faiblement anti-
septiques. Outre ceci, il faut mentionner, le naph-
tol, le salol, I'acide sulfureux. C'est 1'6chelle d'an-
tisepticite de Miquel.
Jusqu'h present, le biiodure et le bichlorure de
mercury sont les sels disinfectants les plus employs.
On les utilise pour tons les modes de disinfection.
II serait a souhaiter qu'on les employAt en grand
dans les assainissements urbains. Cependant nous
ne devons pas oublier qu'ils cofitent fort cher.
Dans notre pays oh la mortality n'est pas trbs
grande, il est vrai, mais oh les 6pid6mies appa-
raissent assez souvent, il serait bon de faire tant soit
pen de la prophylaxie des maladies infectieuses.
Des measures g6enrales'et speciales doivent 6tre indi-
qu6es i cet 6gard.
Une epidemie vient-elle h apparaitre, on doit
prendre de minutieuses precautions pour ce qui a
trait aux excretions du malade qui renferment les
agents infectieux. Son linge, les pieces de literie
doivent 6tre renouvelds souvent et lavds avec une
eau d6sinfectante. Les vases qui servent k ses dd-
jections ne doivent pas sojourner dans la chambre.
Ils doivent etre lavds immddiatement et d6sinfectes
'V/
70 DE L'HYGIENE EN HAiTI
A l'aide d'une solution ph6niquee ou au sublime. On
aura soin de rendre impermiables toutes les surfaces
d'absorption, proteger les parquets et les murs que
l'on ne pourrait rendre impermiables et les laver
au sublime et i l'acide phenique. Les personnel qui
sont aupres du malade doivent avoir une grande
proprete, se servir souvent des lotions au sublime et
changer les v6tements qu'elles auront ports avant
do sortir au dehors, afin do ne pas communique la
maladie par voie de contage. Celles qui n'auront
jamais eu la maladie devraient se tenir a l''cart,
isoldes entierement du patient.
Les 6tuves a vapeur n'6tant pas encore intro-
duites malheureusement chez nous, nous ne pouvons
les conseiller dans la ddsinfection des couvertures,
des vetements,.des rideaux, des tapis, des lines
de corps, de lit, i pansement, etc. Faisons des
veux pour qu'on conprenne bient6t leur utility et
les grands services qu'elles peuvent rendre en tout
temps.
Outre ces measures sommaires, il y a encore les
measures sanitaires adminiistratives. C'est bien ici
l'occasion de conseiller, i nos municipalities, l'6ta-
blissement gratuit d'etuves a disinfection fixes on
mobiles, la creation d'un service de desinfecteurs i
domicile, la construction sinon d'h6pitaux, au moins
de pavilions d'isolement, l'6tablissement de voitures
speciales pour le transport des contagieux. Ce sont
DES ORGANISMES INFERIEURS 71
des n6cessit6s de premier ordre et qui s'imposent.
Quant aux autres measures qui leur incumbent, ce
sont des measures de police, lesquelles sont trbs bien
pr6vues par nos codes. Ii serait bon aussi qu'on
les observat rigoureusement en cas d'epidemie1.
1 Nous avons indiqu6 dans le chapitre xiv les moyens prophy-
lactiques a employer dans les maladies 6pid6miques et conta-
gieuses. La question y est trait6e beaucoup plus longuement que
dans ce chapitre-ci.
CHAPITRE VII
DE L'ALIMENTATION ET DES BOISSONS
Nous arrivons a un chapitre qui trouve bien sa
place a la suite de la court etude de bacteriologie
que nous venons de faire. Si l'on se rappelle que
1'homme ne developpe ses forces que par la nour-
riture qu'il ingere, par l'assimilation des matiriaux
de combustion qui doivent r6parer les pertes inces-
santes de son organisme, on ne trouvera pas mau-
vais que nous en parlions ici.
C'est un principle de physiologie, en effet, que la
vie, au point de vue de la nutrition, est une balance
perpetuelle entire deux movements oppose, I'un de
destruction on. d'usure, 1'autre de reparation ou,
comme on dit, entire la disassimilation et l'assimila-
tion. Pour qu'il y ait 6quilibre entire ces deux mou-
vements, il faut que la d6pense n'excbde pas les
recettes, il faut que la constitution histologique et
chimique de nos tissus et de nos organes croisse et
s'entretienne par une alimentation saine, convena-
blement dose et appropriate a notre genre de vie.
Ce d6veloppement ne pent s'acqu6rir que par les
principles alimentaires, c'est-h-dire des corps capable
de r6parer, a divers 4gards, les d4chets de 1'6cono-
mie: l'albumine, la graisse, les hydrocarbons, 1'eau
et certain sels. L'aliment r6unit toutes ces condi-
DE L'ALIMENTATION ET DES BOISSONS 73
tions, il est l'ensemble de tous ces principles fournis
dans un just 6quilibre et que l'on trouve sous forme
de substances alimentaires. Ce sont ces dernieres qui
sont de la force latente et qui sont appel6es & c6der
r 1'organisme human cette 6nergie qui se manifestera
en ph6nomenes dynamiques de tout ordre, travail
physique, oeuvres intellectuelles, movements fonc-
tionnels. Cette transformation s'opere comme dans
les machines de l'industrie, il faut des materiaux de
combustion pour arriver i l'expansion de la vapeur
en movement. Pour la machine vivante a entretenir,
ce sont les aliments qui jouent ce r6le. Comme on le
voit, ceux-ci sont l'essence m6me de notre vie. On ne
saurait trop les recommander sains et de bonne quality.
C'est a ce point de vue que nous allons les Atudier.
Le lecteur nous excusera de ne pas nous arr6ter
sur la composition des principles alimentaires, des
matibres azot6es et non azot6es, sur les conditions
qui rbglent l'alimentation, telles que la taille, le
sexe, l'age, le travail, le cadre de notre modest
opuscule s'y refusant tout entier. Mais nous dirons
un mot sur la ration alimentaire avant d'aborder la
question de quality des aliments.
Le but de l'introduction des aliments est moins
de restituer les pertes que de constituer et entre-
tenir dans 1'rconomie, une provision de principles ali-
mentaires oi les cellules puisent ce qui leur con-
vient. Quand celles-ci sont suffisamment nourries,
-a :"....
74 DE L'HYGIENE EN HAITI
elles trouvent l'6nergie n6cessaire pour letter contre
les causes de destruction represent6es par les mi-
croorganismes don't nous avons parlM plus haut. Car
ne l'oublions pas, elles sont dans un 6tat de r6cep-
tivit6 plus propice a l'absorption des microbes, mal
entretenues ou imparfaitement nourries, que si elles
l'6taient d'une faqon absolute.
Quelle serait done la ration alimentaire n6cessaire
pour les maintenir dans un etat d'int6grit6 parfaite.
Voici un tableau qui repr6sente, par groups et par
tote dans les vingt-quatre heures, la consommation
r6gulibre.
Ration journalibre du cavalier en France
latieres azoties latires lon azotes,
seches. seches.
Viande fraiche........ 125 gr. 70 gr. gr.
Pain blanc de soupe.. 516 64 595 -
Pain de munition.... 750 20 150 -
L6gumineux ......... 200 -
1 k. 591 gr. 154 gr. 745 gr.
Boisson............. Quantity variable.
Rations journalires de certain groups
D'APRES FORSTER
POIDS
il. Gr. Gr. Gr. Gr. Gr.
MAdecin, 28 & 30 ans...... 70 3.500 570 130 95 325
Ouvrier, 30 i 38 ans....... 70 3.600 700 132 90 450
Adulte pen occupe......... 62 b 90 80 285
Femme d'ouvrier, 30 ans. > 1.900 460 76 23 340
Femme de la classes aise. 50 70 100 190
Nourrice, 25 ans......... 54 7.500 1.060 250 220 530
*'* *-. .... f rJ. n W -1.- e WE *-
DE L'ALIMENTATION ET DES BOISSONS 75
Nous avons par ce tableau la ration journalibre
des individus qui sont dans des conditions bien d6ter-
min6es et qui ne changent rien a leurs habitudes.
Nous pouvons baser sur ces chiffres la quantity
d'aliments que nous devons consommer aussi chez
nous. II faut tenir compete cependant de notre climate,
des saisons, des differences d'Age et de sexe, de
repos ou de movement, quipeuvent faire varier cette
quantity. On ne'peut, comme on le voit, dtablir sous
ce rapport que des moyennes trbs gdndrales.
La ration alimentaire largement suffisante, selon
nous, repondrait pour notre pays, en tenant compete
de toutes les variations que nous avons signaldes,
a 20 grammes d'azote et 300 grammes de carbon.
Nous savons que:
Carbone Azole
1.000 grammes de pain renferment..... 300 gr. 10 gr.
300 de viande renferment .. 30 10
330 gr. 20 gr.
Done 1 kilogramme de pain et 300 grammes de
viande repr6sentent une ration d'entretien trbs con-
venable.
Mais on pourra nous objecter que, chez nous, on
ne mange pas que du pain, et beaucoup de personnel
n'en prennent pas du tout. Cela ne peut modifier en
rien les r6sultats de nos chiffres.. Les vivres que
nous consommons en guise de pain, principalement
la banane, contiennent i peu prbs la m6me quantity
DE L'HYGIENE EN HAITI
de carbon et d'azote que cet aliment. II est vrai
que l'on pourrait nous r6p6ter avec Forster, pour
notre pays surtout, et nous faire remarquer que, sans
savoir de chimie ni de physiologie, le genre human
s'est maintenu et multipli6 jusqu'ici. Donc, il se nour-
rissait suffisamment. Ce ne serait pas nous rdduire a
quia tout h fait. En resum6, les personnel exereant
une profession sedentaire out besoin de manger
beaucoup moins que celles se livrant a un travail
manuel et p6nible et vivant au grand air. Nos cam-
pagnards et les hommes de peine consomment, on le
sait, une assez forte masse d'aliments. Peut-on les
contraindre i proportionner la quantity aux besoins
de leur estomac ?
I. Distribution des repas.- L'homme bien
portant peut digerer en deux heures toute sa nourri-
ture d'un jour. Mais il conviendrait de fractionner
la dose de l'alimentation et de diviser la masse en
plusieurs repas. Pour l'homme qui travaille, pour
les femmes qui allaitent, les enfants qui sommeillent
la plus grande parties du temps, il faut subordonner
la quantity des aliments h l'activit6 digestive.
Les meilleures heures des repas seraient, le matin,
a sept heures, k midi et, le soir, a sept heures.
Le repas du matin est le petit d6jeuner, comme
on dit vulgairement. S'il en est un qui doit ktre
DE L'ALIMENTATION ET DES BOISSONS
16ger, ce sera celui-lh. Il se composer de trbs peu
d'aliments: du lait ou du chocolate, ducafe additionn6
de lait avec du pain; ou, pour ceux-la qui veulent se
payer le luxe d'un repas beaucoup plus cher, il n'est
rien de meilleur que deux oeufs & la coque, arroses
d'un peu de bon vin. Ce repas convient tres bien i
ceux-la qui ont une paresse de l'estomac, qui souffrent
de dyspepsie chimique et auxquels une tension gas-
trique pourrait nuire pendant les heures de diges-
tion. Il est bien entendu que les oeufs ne doivent
etre m6langes de graisse d'aucune sorte. Par ainsi,
l'estomac est prdpar6 et, l'exercice que l'on fait
aidant, quand vient l'heure du grand d6jeuner de
midi, rien n'empeche alors que l'on mange de bon
app6tit. II peut etre copieux, plus copieux que tous
les autres, selon la force gastrique et les moyens
d'aisance don't on dispose. Il ne faudrait pas en dire
de m6me pour celui du soir qui doit 6tre sobre et
frugal, parce que le sommeil va bientit ralentir les
oxydations pendant la nuit et rendre la digestion
beaucoup plus longue qu'h 1'6tat de veille.
Cependant, au repas du soir, certaines personnel
ajoutent un autre repas que l'on appelle impropre-
ment le souper. Jamais repas n'a dtd et n'est plus
funeste aux estomacs. Que de gasters vigoureux et
nnergiques n'avons-nous pas vus p6niblement lan-
guir sous le souffle des jouissances et des impru-
dences d'un moment! Il convient de les rejeter
DE L'HYGIENE EN HAITI
totalement de son hygiene, si l'on veut conserve
son estomac robuste.
A la champagne, dans les grades journdes d'ktd,
alors qu'ils out fourni une some de travail vrai-
ment considerable, nos paysans surchargent leur
estomac d'une masse consid6rablee de gumes et de
salaisons; et ils ne se portent pas plus mal, nous
dira-t-on. Ils ont pour eux deux advantages qui nous
manquent a nous, habitants des villes, l'air pur et
le grand exercise qu'ils font.
Nous avons dit que, pour que nos cellules soient
suffisamment entretenues par les aliments, il faut
que ceux-ci soient de bonne quality. Nous savons
d'une facon g6ndrale que I'homme puise sa nourri-
ture dans les trois grands rbgnes de la nature. Ses
aliments se composent de substances animals, de
substances v6gitales et de substances mindrales.
Au nombre des substances animals, nous mention-
nerons la viande ou, plut6t, les viandes, qui sont par
ordre d'importance: celle des betes bovines, ovines,
porcines, la volaille (gallinaces et palmipbdes), le
gibier (mammifbres et oiseaux), le cheval, la chair
du poisson de plusieurs espbces, de nombreux crus-
tac6s et mollusques, et des batraciens pour certain
individus.
Les caractbres des viandes saines sont faciles h
retrouver et a reconnaitre. Nous ne parlerons pas
de la viande sur pied qui serait la meilleure et
DE L'ALIMENTATION ET DES BOISSONS
m6me la veritable expertise. Nous supposons nos
Miles, ou ceux-lh qui sont proposes a la surveil-
lance de cette branch de police, trop pinetr6s de
leurs devoirs et de leur mission pour ne pas sou-
mettre ii l'examen inutieux du vet6rinaire l'ani-
mal qui doit 6tre abattu, et don't la chair va 6tre
livr6e a la consommiation g4n6rale. Nous dirons
volontiers plutot un miot sur l'expertise de la viande
en quarters ou en morceaux.
Une bonne viande se reconnait i sa couleur, i
sa consistance, i son odeur, h sa saveur et h sa cou-
verture de graisse.
La couleur de la viande du bceuf et du mouton de
bonne quality est rouge; celle du pore, du veau, de
i'agneau et du chevreau est blanche. La viande du
beuf, du porc et du mouton est ferme.; celle du
veau, du chevreau et de l'agneau est molle. Elle se
coupe facilement et par la pression donne un jus
rouge, legerement acide, les viandes rouges surtout.
La graisse de couverture doit etre ferme, blanche,
ou l6gerement jaunatre. L'odeur doit 6tre douce et.
fraiche.
Le p6ritoine et la plevre doivent etre intacts,
losses, transparents, pour la viande en quarters, bien
entendu. Quand ils sont arrach6s, c'est que le bou-
cher a eu l'intention de faire disparaltre les traces
d'un 6tat maladif.
A part ces caractbres, on doit distinguer aussi ce
80 DE L'HYGIENE EN- HAITI
que l'on appelle la cat6gorie de la viande: viandes
de premiere, de deuxibme, de troisieme et de qua-
trieme cat6gorie.
La categorie comprend la valeur des morceaux,
suivant le siege anatomique qu'ils occupent dans
I'animal. Ainsi les morceaux les meilleurs sont situ6s
a la region fessiBre, ischio-tibiale, sus et sous-lom-
baires, et rdpondent aux expressions: culotte, gite a
la noix, aloyau, filet, tranche et tranche grasse.
Ce sont les muscles les plus 6pais, les plus tendres,
les plus infiltres de graisse, don't la saveur est
agr6able et d6licieusement succulente chez l'animal
en bonne sant6 : ce sont les morceaux de la pre-
miere cat6gorie. La second comprend les morceaux
d6sign6s-en France sous les noms de : paleron, de
talon de collier, train de c6tes, bavette d'aloyau. Ce
sont ces morceaux qui s'6tendent un peu du collier
de l'animal a sa parties antero-post6rieure. On sait
que les meilleurs morceaux, c'est-h-dire ceux de la
premiere cat6gorie, sont exclusivement h la parties
posterieure de l'animal. Ceux de la troisibme catd-
gorie resident plut6t a la parties inf6rieure; ce sont:
les gites de devant et de derriere, situ6s un peu
au-dessus de l'articulation f6moro-tibiale, les plats
de joue de cote, le collier, les pis. Les plats
de la quatrieme cat6gorie ne sont reconnus que
par les Anglais. En France, on ne fait que trois
categories. Le plat de joue pourrait passer, en
DE L'ALIMENTATION ET DES BOISSONS
France, pour le plat de la quatribme cat6gorie des
Anglais.
Dans ces categories nous avons omis i dessein les
plats constitu6s par les visceres de l'animal, tels
que le thymus, le foie, les reins, etc., qu'on a appe-
les quelque part des plats de luxe. Pour nous
autres, au contraire, ce sont les plats des malheu-
reux, cofitant peu cher, et a la portee de toutes les
petites bourses.
Il est bon d'ajouter que la quality des viandes
don't nous venons de parler depend de certaines con-
ditions d'6levage, de nourriture et de l'Age de l'ani-
inal. Ainsi, pour le beuf, par example, les mAles,
chAtres dans leur jeune Age et n'ayant pas plus de
cinq, six et huit ans, donnent une viande de quality
sup6rieure. II n'en est pas de m6me du taureau,
abruti sous la r6eptition de la saillie, ni de la vache
vieillie sous un allaitement fatigant. Pour le pore,
la succulence de sa chair depend du genre et de la
nature de son alimentation. Nourri de grains, il don-
nera une viande fraiche, grasse, parfumee, blanche,
d'une digestion facile.
En voilt bien assez sur ce chapitre de charcute-
rie. Disons un mot, pour finir, des viandes nuisibles,
douteuses et virulentes.
Une viande est douteuse quand elle pr6sente les
caracteres suivants : saigneux, de coloration brune
ou m6me noire, gluante, molle, infiltrie, maigre.
6
li1Zl.a-I
82 DE L'HYGIENE EN HAITI
Les viandes maigres sont encore tol6rables. A la
verit6, elles ne peuvent occasionner de maladies
bien d6termin6es, si la consommation n'est pas r6gu-
liere et constant. Mais, neanmoins, il faut avouer
que c'est une nourriture peu fortifiante, un aliment
mediocre, qui donne un travail inutile i 1'estomac,
peut le gater, en l'irritant et le surchargeant par son
indigestibility 4vidente. Si l'on peut trouver mieux,
et on doit chercher a trouver mieux, si l'on veut
conserver sa sant6, il faut les carter soigneuse-
ment de sa cuisine. A plus forte raison, doit-on le
faire pour les viandes nuisibles et virulentes que
trop souvent, malheureusement, chez nous, l'on a dfi
ing6rer inconsciemment. Que de maladies, peut-ktre,
developp6es et survenues a la suite de ces aliments
malsain's, et passes obscures et ignores, d'un dia-
gnostic difficile et presque impossible pour le m6de-
cin pen exerc6! L'hygibne est trop neglig6e chez
nous pour ne pas faire entrer a bon droit cette 6tio-
logie dans beaucoup de maladies qui d6routent la
science de plus d'un.
Ces viandes, le consommateur pourra les recon-
naitre facilement; elles sont d'une expertise peu
delicate; et, si l'on se rappelle que des measures de
precautions peuvent empkcher leur introduction dans
la consommation, on ne trouvera l'examen ni trop
difficile, ni assez n6cessaire. D'abord, ce sont des
viandes provenant des animaux morts avant 1'aba-
DE L'ALIMENTATION ET DES BOISSONS
tage, des aliments putr6fids que les abatteurs out
pu faire passer en trompant la vigilance de ceux
qui sont proposes h la repression de ces d6lits. Ces
chairs se reconnaissent facilement, en effet, par leur
odeur de relent, comme on dit ; elles deviennent
verdAtres, quelques heures plus tard, molles, suin-
tantes, exhalant h peu pros l'odeur cadaverique.
Quant aux viandes toxiques, je crois que I'on n'aura
pas trop i apprehender leur absorption chez nous,
6tant donned que l'art v6t6rinaire intervient fort peu
dans les maladies de nos animaux, et que c'est sur-
tout par les drogues que l'on fait ing6rer a ces ani-
maux que l'empoisonnement peut survenir. Le plus
souvent, les medicaments employes sont le mercure,
l'arsenic et autres corps plus ou moins toxiques.
Mais ce qu'il y a le plus & redouter chez nous, ce
sont les viandes infect6es de parasites qui peuvent
causer des maladies trbs graves. Ces viandes sont
les viandes de porch, de boeuf, le plus commun6ment. La
viande de pore est une des plus funestes, car elle
nous done la trichinose, provenant de la trichine.
Mais qu'est-ce que la trichine? C'est un petit ver,
de l'ordre des N6matoides, Trichina spiralis, disent
les zoologistes; enroule en spirale, filiforme, enferm6
dans un kyste calcaire de deux a trois dixiemes de
millimetre de diametre. Il occupe de pr6efrence
les muscles. C'est un parasite des muscles. On le
rencontre chez le porc,le sanglier, les chiens, commu-
83
,j
:i
T
- -" V
84 DE L'HYGIENE EN HAiTI
ndment aussi (et ceci est d'un mediocre int6r6t pour
nous) chez les rats, les renards et les putois. A
l'exception du pore, du sanglier, du rat, les autres
animaux susmentionnes n'existent pas chez nous,
mais il etait bon de savoir qu'ils entrent dans la
genese de la maladie qui nous occupe. C'est surtout
dans le svsteme inusculaire qu'on rencontre ce nd-
matoide, avons-nous (lit: muscles de la jambe, de
l'avant-bras, du larynx, des c6tes, du massdter et
dans le diaphragme.
Les circonstances qui en ddveloppent la forma-
tion chez le porch sont encore a peu prbs inconnues.
On a (lit et soutenu cependant que les pores la pre-
naient des rats ou des detritus d'autres pores ddji
trichinds. On a invoque aussi une question de races
chez le porc, et pritendu encore que la nourriture a
1'6table etait plus nocive que le paturage libre. Mais
toutes ces assertions n'ont que la valeur d'une hypo-
these. Il serait plus logique d'admettre le d6velop-
pement du parasite dans l'eau oh se trouve l'animal,
que c'est plut6t cette can souillee de microorga-
nisies qui donne la maladie au pore, 6tant donn6
qu'elle n'est guere renouvelde trop souvent, qu'ha-
hituellement l'animal s'y vautre, y jette ses excrd-
ments et se complaint dans ce milieu, bien fait pour
1'6closion des microbes, avec le bien-6tre que nous
lui connaissons.
Nous venons de voir que ce sont les viandes de
*. -.. .- .. '. ':
DE L'ALIMENTATION ET DES BOISSONS 85
pore, de bo-uf, qui sont le plus commun6ment infect6es
de parasites. Leur examen est toujours difficile et
m6me impossible. Cependant, en connaissant les
lieux d'dlection de cos parasites dans les morceaux
do viande, on pourrait y porter ses investigations
les plus minutieuses. Ces lieux sont ordinairement,
pour ce qui a trait au cysticerque, la partic inf6rieure
de la langue de 1'aninial, le diaphragme, le morceau
de filet de hb(uf. Mais a quels caractercs le recon-
nait-on? Chez le bceuf, le parasite qui so nomme
cysticerque, Cysticercui celluIlosx, so pr6sente dans
la viande fraiche. Si l'on a soin de sectionner on
plusieurs endroits la viande, on le troupe sous forme
de petits kystes de 4 a 5 millimetres (c'est micros-
copique, come on voit), demi-transparents, avec
une tache blanche opaque sur les cbtes. Dans la
viande sale, le parasite se r6vele sous forme de
petits corps arroudis, roses, du volume d'un grain de
mil. Son aspect est celui-ci : c'est un ver renfl ia sa
parties post6rieure et filiforme a la parties anthrieure.
II offre a consid6rer une t6te, un con (scolex), et des
anneaux. Quand on examine, au moyen d'une loupe
assez grossissante, la parties de la viande oh il siege,
c'est-a-dire le kyste, on voit le scolex qui apparait
avec ses ventouses, un rostre conique et une cou-
ronne de crochets. II n'y a pas alors de doute: le
fait est tangible, on a en mains le corps du dl6it,
on est str alors que la viande est infect6e. Et, si on
DE L'HYGIENE EN HAiTI
la mange, on s'expose a tons ces ph6nomenes mor-
bides don't les auteurs nous ont donn6 un si effrayant
tableau. C'est d'ahord pour le cysticerque (Cysticer-
cus cellulose), encore le moins redoutable de tous,
les symptomes suivants : du cote de l'abdomen, ce
sont des douleurs sourdes ou violentes qui 6clatent
par acces aprbs l'ingestion de certain aliments, tels
que les fruits, les acides, les salaisons; on m6me
temps, le venture est ballonn6, l'app6tit irrigulier,
tant6t nul, tantSt vorace.
Les symptomes reflexes sont plus redoutables. Ce
sont des vomissements, une dilatation extreme des
pupilles; une hyperesthesie de la muqueuse nasale,
d'oh I'habitude des malades de porter les doigts
dans les narines; des convulsions chorbiformes on
6pileptiformes, plus exceptionnellement; des paraly-
sies temporaire, frappant la motilit6 des membres
(hemipl6gies) on la sensibility spinale, donnant lieu.
a l'amaurose et a la surdit6; enfin, le ddlire et le
coma.
Quant aux symptoms de la trichinose, ils sont
encore plus foudroyants, bien qu'ils n'arrivent pas
cependant avec la soudainet6 et la brutality de l'im-
privu, mais se faisant sentir apres huit ou dix jours
de l'ingestion de la viande infectee. Ce sont ceux
d'un frisson unique ou r6pWtd, suivi d'une fibvre gas-
tro-intestinale, d'une sensation de brisement dans
tous les membres, de soif, de naus6es et vomisse-
Sr.~-.
DE L ALIMENTATION ET DES BOISSONS
ments. A cette p6riode gastrique, survient une
dyspn6e intense; le malade sent qu'il 6touffe, il a
un sentiment d'angoisse, ce sont les trichines qui
envahissent alors les muscles intercostaux et le dia-
phragme. Outre ces signes, s'ajoutent un aedeme du
visage, des membres inf6rieurs, et m6me un ana-
sarque. La fibvre augment, la peau est couverte
de sueurs, les douleurs musculaires deviennent d'une
horrible violence; une faiblesse et une prostration
des forces arrivent en m6me temps, et c'est au
milieu de'ces troubles adynamiques et de ce cortege
sombre de sympt6mes que le malade succombe,
apres une p6riode de quatre a cinq jours, si 1'enkys-
tement des parasites ne se fait pas.
Cela n'6tonnera personnel quand on sait que, dans
1 kilogramme de viande infected, on trouve quel-
quefois cinq millions de trichines. En supposant que
l'homme consomme le quart de cette quantity de
viande de pore, il absorbera le quart des cinq mil-
lions de trichines qui vont p6n6trer dans son esto-
mac, performer la muqueuse intestinal et, par les
capillaires, arriver jusqu'aux muscles pour donner la
maladie.
Heureusement, la trichinose est rare dans cer-
tains milieux, et dans le n6tre principalement. En
France, elle s6vit une fois & 1'6tat 4pid6mique et
frappa seize personnel a la fois. C'6tait en 1873,
lors de la petite 6pid6mie de Cr6py-en-Valois. En
88 DE L'HYGIENE EN HAiTI
Allemagne, au contraire, on dit qu'elle est commune
et provient des pores allemands, et non des pores
am6ricains qu'on accusait h tort. Les jambons amd-
ricains 6chappent a ce reproche, selon nous, parce
que l'on aurait eu i constater trop de dangers, dans
notre pays oh la consommation du pore am6ricain
est si forte. II faut dire, en passant, que nous en
sommes preserves en ce que, cette viande 6tant tres
sale, nous la faisons bouillir pendant plusieurs
heures avant de la manger. C'est une trbs bonne
pratique adopt6e chez nous, reconnaissons-le, que
celle de bien faire cuire tous nos aliments, car nous
leur enlevons ainsi, par la chaleur de 100, a laquelle
nous les soumettons, l'action nocive qu'ils pourraient
avoir sur nos organs.
La trichinose, dit-on, ne serait pas la seule mala-
lie du pore qui soit transmissible i l'homme. On a
d6eontr6 qu'une affection parasitaire, d6crite chez
le bceuf sous le nom d'actinomycosis, 6tait susceptible
de se ddvelopper dans les poumons humans et d'y
determiner des accidents avant les m6mes carac-
teres que les lesions de la phtisie vulgaire.
Nous mentionnerons, pour m6moire, les maladies
qui peuvent 6tre communiques i l'homme par les
viandes dites virulentes. Ce sont des viandes prove-
nant des animaux atteints de more, d'aphte, de
carbon, de typhus,- de p6ripneumonie contagieuse
et de tuberculose. Une seule serait i redouter plus
DE L'ALIMENTATION ET DES BOISSONS 89
particulierement chez nous, ce serait la viande du
bleuf tuberculeux. On doit savoir la reconnaitre et
se mettre en garden contre son debit et sa consom-
mation.
A part les viandes de haeuf, de pore, ld mouton.
et de chevreau, I'homme faith usage aussi, dans son
alimentation, de la viande de volaille don't les types
les plus connus sont le poulet, le dindon et les pigeons,
les canards et les oies. Ce sont de bones chairs,
assez recherchdes des gourmets. Mais faut-il encore
que ces animaux soient jeunes et hien engraisses.
Le poulet est tres appreci6 chez nous et d'un l6e-
vage facile. 11 serait bon de recominander celui-ci
non on ville, come on le fait ordinairement, mais
ii la champagne, et de tenir l'animal en liberty, pour
qu'il puisse vivre autour de la maison, se nourrissant
de grains, d'herbes et d'insectNs. En ville, il pourrait
bien jouir quelquefois de cette liberty, mais il fau-
drait que ce ffit dans des naisons avant des course
spacieuses, car nous savons que le poulet livre i
lui-mime chez nous a des habitudes alimentaires peu
d(licates rappelant des scenes degoftantes. On s'expo-
serait h compromettre sa sant6 en mangeant un pou-
let elevd dans de pareilles conditions.
Outre le gibier qui se divise en deux classes, le
gibier a plumes et le gibier a poils, nous faisons usage
encore des poissons. Le gibier a p'oils est assez rare
chez nous. Cette espbce comprend le chevreuil, le
90 DE L'HYGIENE EN HAiTI
chamois, le cerf, le libvre, le lapin et le sanglier. Ce
dernier se rencontre chez nous, surtout au fond des
grands bois, a l'ktat sauvage. Sa chair n'est bonne
que quand l'animal est jeune, elle est alors meilleure
m6me que celle du porch; mais le vieux qui a v4cu
dans les forts, dans la quietude que donne la solitude
de ces lieux, loin du chasseur imprudent qui va quel-
quefois la trouble, n'excite que la satisfaction 'et
l'orgueil de celui-ci, son amour-propre de chasseur
triomphant.
II n'en est pas de m6me du gibier a plumes qui
comprend l'ortolan, la perdrix, la caille, la becasse,
le canard et l'oie sauvages, le rainier, la poule d'eau,
et bien d'autres qui sont plut6t connus en France
que dans notre pays, tels que la sarcelle, le tetras,
etc. Ce sont des viandes de haut gofit assur6ment
et qui flattent le palais des gourmets.
Quant aux poissons, ils constituent notre nourri-
ture habituelle. Leur chair, il est vrai, ne fournit
pas les m6mes principles nutritifs, h des doses aussi
Blevees que celle des mammiferes et des oiseaux,
mais elle est tout aussi nourrissante et fortifiante.
Plus aqueuse, sans doute, elle n'est pas pour cela
moins bonne. Seulement, il faut choisir le poisson
qui a atteint dejh un certain d6veloppement et don't
le poids peut s'6valuer a 2 kilogrammes au moins.
Nous ne saurions trop nous Blever, en consequence,
centre la mauvaise habitude des p6cheurs qui prennent
DE L'ALIMENTATION ET DES BOISSONS
les poissons a I'tat de fretin, alors qu'ils ne sont
bons a rien, n'ayant aucun pouvoir nutritif bien
grand. Ils oublient qu'ils font du tort & eux-m6mes
d'abord parce que le b6enfice qu'ils tirent de leur
vente est bien mesquin et ensuite h l'alimen-
tation publique. On pourrait faire le m6me reproche
& ceux qui nous enlevent des millions de poissons par
la p~che des pisquettes. Nous savons qu'i certaines
6poques de I'annie, h l'embouchure des rivieres, dans
certaines localit6s du pays, l'on fait une p&che abon-
dante de ces petits habitants de l'eau. A vrai dire,
ils constituent un plat bien succulent et tres recherche
de certain mangeurs; mais il faudrait penser plutot
au repeuplement de nos eaux et non a la satisfaction
passagbre d'une jouissance.
On a parld de certain poissons qui passent pour
venimeux. Ces poissons existent en effet, et nous les
avons vus occasionner bien des accidents graves. Leur
absorption s'accuse chez l'homme par des troubles
gastro-intestinaux, chol6riformes, pouvant aller jus-
qu'h I'algidit6, l'ataxie nerveuse et la mort. Nous
avons constate un cas d'empoisonnement chez une
femme de trente ans, se traduisant par tous les symp-
t6mes .'une veritable pernicieuse chol6riforme. II a
fall des soins, et des soins tres 6nergiques, pour
arriver t& loigner la mort. Tous ceux dans la famille,
qui avaient mang6 du poisson, ont Wtd atteints,
les uns plus gravement que les autres, selon la quan-
92 DE L'HYGIENE EN HAITI
tit6 ing6r6e. Los poissons r6put6s les plus dangereux
sont : la b6cune, l'anguille, le crapaud de mer qui
est copendant tres estim6 a Cuba, dit-on. Quelle
serait done la nature de ce poison ? Aucune explica-
tion plausible et satisfaisante n'a Rt6 donnee jusqu'ici.
On croit g6ndralement que c'est une ptomaine, une
matiere toxique, fabriquie par 1'animal lui-m6me, et
qui serait un produit de sa nutrition normal. Quoi
qu'il en soit, il serait bon de faire des experiences
plus confirmatives a ce sujet.
Les mollusques, qui comprennent les huitres, les
escargots et les monies, entrent aussi dans l'alimen-
,tation lhumaine.
L'l6eve des huitres serait une industries qui aurait
quelque importance dans notre pays. Mais c'est un
aliment de gourmets, plut6t qu'autre chose, et les
gens de la classes pauvre ne s'en occupent guere.
Les cheiloniens, tortues et leurs eufs sont assez
recherchls, mais ils sont relativ'ement rares.
Quant aux crustac6s, le homard, la langouste, le
tetard, les 6crevisses et le crabe, ils sont notre nour-
riture de predilection. Le crabe en daube surtout
est l'objet d'un soin culinaire tout special, et nous
savons avec quel sentiment de bien-6tre quelques-uns
savourent ce mets d(licieux.
Les eufs entrent aussi pour une grande part dans i
l'alimentation. L'homme mange les eufs de poisson,
les oeufs de tortue et les oeufs de caiman, dit-on, sur
DE L'ALIMENTATION ET DES BOISSONS 93
le bord du fleuve des Amazones. Mais ce qui nous
int6resse le plus a l'heure actuelle, ce sont les ceufs
d'oiseaux, les cufs de poule surtout, don't la consom-
mation est journaliere et constant.
La physiologie a d6montr6 que l'ouf est, de m6me
que le lait, un aliment complete. Un aliment est (lit
complete, on le sait bien, quand il r6unit en lui tous
les principles nutritifs suffisants au maintien de l'6qui-
libre de l'organisme. L'enfant nouveau-n6, comme
l'homme adulte, pent y puiser tons les d16ments d'en-
tretien convenable.
La composition de l'oeuf est cellelci: albumine, 14,2;
graisse, 10,9; eau, 73,9; cendres, 1,0. Ilcontient done
des substances azotdes et non azotees. Seulement, il
en faudrait une grande quantity pour nourrir conve-
nablement, si l'on en fait un usage exclusif, bien
entendu. II est d'une digestion facile, quand il est
frais, d'autant plus facile, s'il est pris plut6t cru que
cuit.
Nous avons intentionnellement parl6 de la fraicheur
de l'oeuf, parce que, le plus souvent, on ne le trouve
pas dans ces conditions. On peut reconnaitre qu'il
est frais en le plongeant dans l'eau. S'il reste au
fond, il est frais, parce qu'il est plus lourd que l'eau.
Dans le cas contraire, il est gatd, et si, par centre,
il s'agite spontandment dans l'eau, on peut affirmer
qu'il renferme un poulet vivant. On peut encore trou-: ;
ver un moyen d'expertise dans la presentation de
94 DE L'HYCIfNE EN HAiTI
'ceuf a une bougie dans un endroit obscur. S'il est
transparent, on peut dire qu'il est frais.
Un ceuf de poule pese 50 a 60 grammes. C'est
encore un bon indice. Nous savons que, dans les sai-
sons chaudes, les poules pondent beaucoup plus que
dans les saisons froides. Les vendeurs en profitent
pour les conserver et les revendre a la saison froide,
alors qu'ils sont plus cher. En France, a Paris, ceci
se pratique sur une large 6chelle. Aujourd'hui la pra-
tique des couveuses artificielles rend la volerie plus
facile et plus commune; mais on peut la d6couvrir
avec un peu d'attention.
II nous tarde d'arriver au lait et aux matiBres
grasses. Nous en parlerons rapidement.
Nous avons dit que l'euf pouvait passer pour un
aliment complete. Mais, s'il y a une substance alimen-
taire qui jouit au plus haut degr6 de cette propriety,
c'est bien le lait, qui est le type de l'aliment complete.
Produit de la sdcretion des glandes mammaires de
la femelle des mammiferes h 1'6poque de la parturi-
tion, le lait constitute la nourriture de l'enfant, depuis
la naissance du petit 6tre, jusqu'h son d6veloppement
complete, on plut6t jusqu'au moment oh ses forces
digestives lui permettent de prendre des aliments
solides. L'enfant y fait sa nourriture exclusive pen-
dant cet space de temps, le petit des mammifbres
aussi, jusqu'au jour oh il peut suffire par lui-m6me a
son alimentation et commencer la lutte pour l'exis-
DE L'ALIMENTATION ET DES BOISSONS
tence au milieu des 6elments coalises centre lui. Ces
considerations, envisagees a un point de vue superieur
pour l'homme, rendent l'4tude du lait bien int6res-
sante pour I'hygibne publique et priv6e, et, si l'on con-
sidbre que l'enfant forme le group sur qui reposent
toutes les chances du movement demographique,
l'on ne saurait entourer cet aliment de trop de sol-
licitude et de trop de surveillance.
Avant de parler des nombreuses falsifications aux-
quelles un gain coupable et dangereux le soumet de
la part du vendeur, disons un mot de ses caracteres
physiques et chimiques.
D'un blanc mat, avec une nuance paille chez la
vache, blanc bleuAtr6 chez la femme, le lait est un
liquid opaque. Quand il tourne au bleu, on peut le
suspecter d'etre coupe d'eau. Son odeur est sui ge-
neris, ne revelant rien de l'animal don't il provient. Sa
saveur est douce.
Le lait, quand il vient d'apparaitre, aussit6t apres
la d6livrance, des les premiers moments de la lacta-
tion, porte le nom de colostrum. Il est laxatif et est
d'une couleur jaunatre.
Sous le microscope, la gouttelette de lait appa-
rait comme un amas de globules, de I i 20 mil-
liemes de millimetre de diambtre. Ce n'est que de
la graisse. Coup6 d'eau, le lait ne fait voir que des
globules clairsemes. Tels sont ses caractbres phy-
siques.
96 DE L'HYGIENE EN HAiTI
Sa composition chimique se resume en ceci:
Mati6res azotees....... Caseine et albumine.
Matieres non azotes... Sucre et graisse.
Sels.................. Phosphates et chlorures de potasse,
de soude et de chaux.
Certaines circonstances influent sur la constitution
chimique du lait, principalement sur les proportions
de graisse. La race des animaux, le mode d'alimen-
tation, la duree de la piriode de lactation y ont
une influence decisive.
On pretend que les races hollandaises, normandes
et flamandes donnent un lait trbs rich en heurre, et
que celles des hauteurs sont h pen pres indemnes de
tuberculose. Quant a l'alimentation, elle doit 6tre
richement azotde, si l'on vent obtenir de la vache
un lait pur et abondant. Le sejour de l'habitation
urhaine n'est pas ai conseiller, il faut laisser la vache
a la champagne, en liberty, au grand air, dans les
prairies i herbes fines et fraiches.
Les falsifications de cette denrde consistent le
plus souvent dans le mouillage et 1'6cr6mage.
Chez nous le mouillage se fait sur une large
6chelle. On ajoute de l'eau au lait et, pour 1'6pais-
sir, on emploie des f6cules, de la farine de mais ou
m6me de l'amidon. Cette grossibre sophistication
peut se reconnaitre facilement. L'6preuve des sens,
la vue, l'odorat et le gofit, suffirait pour la d6celer
: I
DE L'ALIMENTATION ET DES BOISSONS 97
si on ne voulait pas en arriver au galactometre on
pbse-lait.
Les graisses animals, en t6te desquelles il faut
placer le beurre, rendent de grands services dans
1'alimentation des peuples. Parmi elles, il faut citer la
graisse des pores, la graisse de boeuf et de mou-
ton et certaines huiles tires des poissons.
Ind6pendamment du beurre qui est un derive du
lait, les autres grasses viennent en second ligne.
Agr6able au goflt et i 1'odeur, le beurre employ a
la cuisine pour la preparation des aliments commu-
nique i ceux-ci un arome qui excite l'app6tit et
flatte remarquablement le sens de la gustation. Mal-
heureusement, l'industrie s'en est emparec, comme
de bien d'autres, pour le sophistiquer et lui retire
ses qualit6s sainement nutritives. Aujourd'hni, tout
le monde le sait, on ne mange plus de beurre pur
venant du battage de la creme du lait, mais simple-
ment une graisse artificielle fabriquke de toutes
pieces, qui est la margarine.
Ce corps, on le sait, fut pr6pard par Mbge-Mouries,
en 1871, pendant le siege de Paris, alors que la
population de la grande Capitale 6tait aux prises
avec les privations de toutes sortes. La n6cessitO
enfante le genie qui alimente l'h1roisme. C'Utait un
besoin urgent du moment. Cependant jusqu'en 1880,
l'on en vendait encore, ou plutot on en autorisait
la vente. Mais. 'auri sacra fames du marchand,
98 DE L'HYGIENE EN HAiTI
qui ne connait point de bornes quand il faut
entasser de l'or, cote que cofite, ne recula devalt
rien. On ne vendait deja plus de la margarine pr6-
paree selon le procedd de Mouries, mais une subs-
tance fort au-dessous de la valeur alimentaire de
celle du chimiste, qui n'6tait ni beurre, ni mar-
garine.
Emu de tant de fraudes et plein de sollicitude
pour la sant6 publique, le Gouvernement francais
ddposa t la Chambre des deputies, par l'interm~diaire
d'un membre de son Cabinet, M. M6line, le project
de loi connu sous le nom de (( Loi de la Margarine ,,
interdisant de vendre, d'importer ou d'exporter, sous
le nom de beurre, de la margarine, de I'ol6o-mar-
garine, de m6me que les m6langes de margarine,
de graisse, d'huile et d'autres substances avec le
beurre.
11 serait i souhaiter qu'une pareille loi fit vote
et promulgute chez toutes les nations, et surtout
chez nous, oi l'importation du beurre, j'allais dire
de la margarine, so fait d'une facon exclusive et sur
une si large 6chelle.
II est triste de voir, soit dit en passant, que dans
notre pays l'on soit encore oblige de recourir h l'impor -
tation du beurre americain, qui n'est qu'un affreux
melange d'oleo-margarine, d'huile et d'autres subs-
tances plus ou moins d6goitantes, alors que nous
aurions pu preparer du bon beurre natural, alors que,
DE L'ALIMENTATION ET DES BOISSONS 99
ne sachant que faire du lait, it Mirehalais, entire
autres, nous assure-t-on, les fermiers jettent aux
pourceaux le lait de la veille coagul6, come une
surahondance encombrante. C'est encore un des c6t6s
sombres de notre question economique.
A la suite du beurre vient, comme graisse dans la
preparation culinaire de nos aliments, la graisse de
pore qui se present sous forme (le lard, de saindoux
ou mantegue.
Le lard se consomme, dans notre milieu, plut6t sal6
qu'a l'tat frais. Ii est tres agreable comme aliment
et est tres recherche. Il est compose de : matibres
albuminoides, 1,7; graisse, 94,15; eau, 3,7.
Quant au saindoux, ou mantegue, il nous arrive
encore de New-York, notre grenier intarissable.
Le veritable doit 6tre de consistance demi-molle,
h la temperature de 150. Celui des Etats-Unis est
dur, ferme, t gros grains, 16gerement jaunmtre. 11
doit etre aussi d'une blancheur parfaite, n'accusant
aucune odeur de rance.
La principal fraude de la mantegue consiste dans
une certain quantity d'eau qu'on lui incorpore. Ceci
se fait au moven de la chaux ou de la soude caus-
tique. On ajoute, k I'aide de ces substances chimiques,
40 parties d'eau pour 100 de graisse. De s6rte qu'il
ne reste que 60 parties de graisse veritable. Mais il
est facile de reconnaitre cette fraude, en faisant
chauffer le saindoux dans un tube de verre ferm6
DE L'HYGIENE EN HAITI
a son extr6mit6 par un bouchon. La graisse se dis-
sout, l'eau se spare d'elle. On la recueille alors dans
une capsule taree. Il est possible de savoir alors si
cette eau est alcaline, et si cette alcalinit6 vient de
la soude ou d'un tout autre corps, en la traitant
par un acide.
Nous avons dit plus haut que, dans I'alimentation
de I'homme, entraient aussi les v6g6taux pour une
large part. Il y a m6me certain peuples qui out
tent6 d'en fair leur alimentation exclusive. Nous
ne citerons pas l'exemple de 1'Inde don't le v6g6ta-
rianisme a 6teint la force vive et l'6nergie puissante.
Cependant, les v6g6taux font naturellement parties
de notre nourriture, et il est rare qu'ils n'accom-
pagnent pas toujours les substances d'origine ani-
male que nous absorbons. Sur nos tables, il faut
qu'ils figurent in6vitablement. Ceux don't l'homme
fait le plus commun6ment usage sont les f6culents et
les veg6taux aqueux.
Dans le group des feculents, on range les graines
des l6gumineuses, les c6r6ales et les racines f6cu-
lentes.
Les 16gumineuses, dans notre pays, nous four-
nissent une nourriture bien agreable et, en m6me
temps, bien peu cofiteuse. Ce n'est pas seulement la
classes pauvre qui en use, mais toutes les classes de
la sociWt6. Ils comprennent le genre pois (Pisum
sativum), le genre phaseolus (Phaseolus vulgaris),
i
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